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Savon Hervé. Saint Augustin. Sur la Genèse contre les manichéens. Sur la Genèse au sens littéral, livre inachevé. Trad.
de P. Monat. In: Revue belge de philologie et d'histoire, tome 86, fasc. 1, 2008. Fasc. 1 : Antiquité – Oudheid. pp. 184-
186;
http://www.persee.fr/doc/rbph_0035-0818_2008_num_86_1_5209
SAINT AUGUSTIN. Sur la Genèse contre les manichéens. – Sur la Genèse au sens
littéral, livre inachevé. Trad. de P. Monat. Introduction par M. Dulaey, M. Scopello
& A.-I. Bouton-Touboulic. Annotations et notes complémentaires de M. Dulaey.
Turnhout, Brepols, 2004 ; 580 p. (BIBLIOTHÈQUE AUGUSTINIENNE, 7e série, 50). – La
plus grande partie de ce volume est consacrée au De Genesi contra Manichaeos, le
seul de ces deux opuscules qui soit une œuvre achevée et non le fruit d’une simple
tentative. L’introduction apporte au lecteur tout ce qu’il doit savoir pour aborder avec
profit le texte. Martine Dulaey analyse avec clarté et précision ses caractéristiques
essentielles, son but, sa date et sa structure, sa méthode exégétique, ses sources et sa
postérité. La section consacrée à la méthode exégétique reprend les thèses proposées
par Chr. Walter dans sa Dissertation de 1972 sur les conséquences de la controverse
avec les manichéens pour la façon dont Augustin pose le problème herméneutique.
De fait, ce traité d’exégèse est d’abord un ouvrage de controverse. L’explication de
la Genèse se borne aux points sur lesquels portent les attaques des manichéens. C’est
pourquoi les mots Fiat lux sont ici laissés de côté ; c’est pourquoi le pluriel que l’on
trouve en Genèse 1, 26, « Faisons l’homme à notre image » – pluriel qui a suscité
d’innombrables commentaires – n’est ici l’objet d’aucune remarque. Le but visé par
Augustin est de détruire les idées pernicieuses sur l’Ancien Testament que les
manichéens insinuaient dans l’esprit des fidèles, y compris des moins instruits. C’est
donc un « manuel à l’usage des chrétiens ordinaires » qu’il a voulu écrire, d’où la
simplicité de la forme et l’emploi d’un style qui est celui de la conversation courante.
– La date du De Genesi contra Manichaeos et les rapports de cet opuscule avec le
De moribus Manichaeorum posent un problème délicat. Tout semble simple si l’on
s’en tient aux indications des Retractationes. On y lit que le De moribus ecclesiae
catholicae et le De moribus Manichaeorum ont été écrits par Augustin à Rome peu
après son baptême : Iam baptizatus autem cum Romae essem (...) scripsi duos libros :
unum de moribus ecclesiae catholicae, alterum de moribus Manichaeorum (retract.
1, 7, 1). Le De Genesi contra Manichaeos, en revanche, n’aurait été composé que peu
après le retour en Afrique : Iam uero in Africa constitutus, scripsi duos libros de
Genesi contra Manichaeos (retract. 1, 10, 1). Cette succession et cette double datation
semblent d’ailleurs confirmées par un passage de la préface du De Genesi contra
Manichaeos. Augustin y indique que, s’il a adopté un style simple et populaire dans
son nouvel ouvrage, c’est qu’on lui avait fait observer que la forme des précédents
livres qu’il avait publiés contre les Manichéens – alios libros nostros quos aduersus
Manichaeos edidimus – en rendait l’intelligence difficile aux lecteurs simples, que
visait aussi la propagande des hérétiques (gen. c. Manich. 1, 1, 1). Il est tout naturel
de voir dans ces alii libri le De Moribus Manichaeorum et le De moribus ecclesiae
catholicae. La difficulté vient de la préface qui introduit l’ensemble formé par ces
deux livres. Augustin y rappelle qu’il a déjà répondu aux attaques lancées par les
manichéens contre l’Ancien Testament. Peut-on voir là, à la suite de J. Pépin, une
allusion aux dialogues philosophiques ? Le contenu exégétique mentionné fait penser
plutôt au De Genesi contra Manichaeos. Il semble donc que la présentation des faits
que l’on trouve dans les Retractiones soit simplifiée et schématisée. En réalité, la
composition de ces traités a dû se faire en plusieurs étapes, ce qui peut permettre de
concilier les interférences et les références croisées que l’on y trouve. M. Dulaey
reprend donc la solution proposée par J.K. Coyle et C.P. Mayer : les deux livres
jumeaux De Moribus ecclesiae catholicae et De moribus Manichaeorum ont été
commencés par Augustin à Rome en 388, mais c’est à Carthage en 389 qu’ils ont été
achevés et munis de la préface faisant allusion au De Genesi contra Manichaeos, qui
avait été composé entre temps. On voit mal cependant comment l’accueil fait à un
ouvrage achevé et publié en 389 aurait pu amener Augustin à choisir une forme
littéraire différente quand il commence à écrire le De Genesi contra Manichaeos en
388. La difficulté ne semble donc pas pleinement résolue. – On trouvera aussi dans
l’introduction à ce traité une très utile présentation générale de la polémique
d’Augustin avec le manichéisme (Madeleine Scopello), ainsi qu’une étude de
M. Dulaey sur l’exégèse augustinienne dans le De Genesi contra Manichaeos, et une
autre sur la création et le monde (avec la collaboration d’A.-I. Bouton-Touboulic).
L’explication d’un passage qui a donné lieu à d’âpres débats retiendra notamment
l’attention du lecteur (p. 61-67). Deinde quod addidit, antequam esset super terram,
intelligitur antequam anima peccaret écrit Augustin (gen. c. Manich. 2, 3, 5) pour
rendre compte d’une expression de Genèse 2, 5. Faut-il voir dans cette phrase une
adhésion à la doctrine platonicienne de la préexistence des âmes et de leur chute dans
le monde de la matière ? M. Dulaey montre que, si l’on replace ce passage dans son
contexte, on s’aperçoit que l’expression d’Augustin est purement métaphorique. Elle
ne renvoie pas à un transfert local de l’âme d’un monde dans l’autre. Pour l’homme,
« être sur terre », c’est être terreux, souillé par les convoitises. Dans ce premier traité,
souligne M. Dulaey, ce qu’Augustin cherche dans la Genèse n’est pas ce qui concerne
l’homme primordial, mais ce qui éclaire la condition de l’homme d’aujourd’hui.
Aussi ne faut-il pas chercher ici une doctrine du péché originel. L’histoire du premier
couple ne livre pas la cause de ce que l’homme vit maintenant. Simplement, nous
nous trouvons dans la même situation, et nous péchons à notre tour de la même
manière. Néanmoins, comme le remarque M. Dulaey, la réflexion d’Augustin ne
pouvait s’arrêter à ce stade, puisque tout homme est mortel dans la mesure où il est
pécheur et que l’enfant naît mortel avant d’avoir lui-même péché. – Comme l’indique
une note qui terme l’introduction (p. 154-155), la présente édition du De Genesi
contra Manichaeos est due à P. Monat qui, dans un travail remis il y a bien des
années à l’Institut d’Études Augustiniennes, avait révisé, sur la base des travaux de
P. Abulesz et de M. Gorman, le texte des Mauristes. Dans l’intervalle, en 1998, a
paru l’édition du Corpus de Vienne, et P. Monat a tenu compte de certaines des
leçons et corrections proposées par l’éditrice, D. Weber, ainsi que des remarques
formulées par M. Gorman. – La seconde partie de ce volume contient le texte et la
traduction d’un second traité consacré par Augustin à l’explication de la Genèse,
mais laissé inachevé, ce que l’on nomme le De Genesi ad litteram imperfectus liber.
Une brève introduction donne les renseignements nécessaires à la compréhension de