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Université Jean-Jaurès, Toulouse, UFR Italien

Mémoire de master deuxième année


Septembre 2020

LES VÊ PRES SICILIENNES :


DE LA GUERRE DE VINGT ANS
AU XXIE SIÈ CLE

Guy Caria
Sous la direction du professeur Jean-Luc Nardone
LES VÊPRES SICILIENNES - 2
À Anna,
Emmanuel,
Mathys.

Rermerciements

Je tiens à exprimer toute ma reconnaissance à mon directeur de mémoire, le


professeur Jean-Luc Nardone, dont la patience à mon égard n’a d’égale que le soutien
avisé qu’il m’a toujours apporté.

Je remercie Antonella Capra, enseignante, membre du jury, pour l’intérêt qu’elle


porte à notre recherche.

Je remercie également tous les enseignants d’italien de l’université Jean-Jaurès.

Merci à mon ami Fabrizio Siragusa, pour l’aide précieuse qu’il m’a apportée
depuis Palerme.

Un grand merci à ma famille et à mes amis pour leurs soutiens.

LES VÊPRES SICILIENNES - 3


SOMMAIRE

Introduction...........................................................................................................................................
1 Les vêpres dans leur contexte..................................................................................................
1.1 La guerre de vingt ans.................................................................................................... 20
1.2 Les puissances étrangères dans l’action.................................................................. 30
1.2.1 Les É tats du pape........................................................................................................ 30
1.2.2 La France........................................................................................................................ 33
1.2.3 L’Aragon......................................................................................................................... 34
1.2.4 L’Italie du nord............................................................................................................. 35
1.2.5 Constantinople............................................................................................................. 36
1.3 Le destin brisé des Anjou.............................................................................................. 38
1.4 Giovanni da Procida, diplomate ou conspirateur ?...............................................42
2 Les Vêpres dans les textes et dans les faits..........................................................................
2.1 Les Vêpres dans les textes (des origines au XVIII e siècle)..................................46
2.1.1 Les textes contemporains de l’insurrection.....................................................46
2.1.2 Les textes jusqu’à la fin du XVIIIe siècle.............................................................50
2.2 Le souvenir des Vêpres dans les luttes..................................................................... 53
2.2.1 Les Vêpres, une référence permanente.............................................................53
2.2.2 Antudo, le mot d’ordre imaginaire des révoltes siciliennes.......................60
3 Les Vêpres, une référence historique dans les lettres (XIX e-XXe siècles)...................
3.1 Le Risorgimento au son des Vêpres........................................................................... 64
3.2 Les textes de 1900 à nos jours.................................................................................... 74
Conclusion............................................................................................................................................
Bibliographie......................................................................................................................................
Annexes.................................................................................................................................................
Traductions.......................................................................................................................................

LES VÊPRES SICILIENNES - 4


I NTRODUCTION
Événement marquant de l’histoire de la Sicile, la révolte dite des « Vêpres sici-
liennes » s’est déroulée lors des Pâques de 1282, le soir du 30 ou 31 mars 1, à l’heure des
vêpres. Si la révolte est un fait historique, le déclencheur réel est inconnu : la légende
s’en est emparée, lui donnant un tour « romanesque ».

Alors qu’à Palerme, en cette fin d’après-midi du lundi de Pâques 1282, les habi-
tants se dirigeaient vers l’église du Saint-Esprit, des soldats français en faction devant le
lieu de culte veillaient à l’ordre. L’un deux, le soldat Drouet, s’approcha d’une jeune
dame pour procéder à une fouille visant à rechercher d’éventuelles armes sous les vête-
ments. La dame s’évanouit, son époux prit la propre épée du soldat et le tua : c’était le
début de la révolte qui allait s’étendre à toute l’île faisant plusieurs milliers de victimes
françaises2.

Pour reconnaître les Français, une légende prétend qu’on faisait prononcer le
mot « ciciri » (pois chiche) aux individus soupçonnés. Seuls les Siciliens savaient
prononcer le mot. Les Français étaient réputés incapables d’articuler « ciciri »
correctement. La légende est très certainement tirée de la Bible3 :

04 Jephté regroupa alors tous les hommes de Galaad et attaqua


Éphraïm. Les hommes de Galaad battirent ceux d’Éphraïm, qui
disaient : « Vous êtes des rescapés d’Éphraïm, gens de Galaad,
au milieu d’Éphraïm, au milieu de Manassé. »
05 Galaad s’empara des gués du Jourdain, près d’Éphraïm. Et
lorsqu’un des rescapés d’Éphraïm disait : « Je voudrais
traverser », les hommes de Galaad lui demandaient : « Es-tu
d’Éphraïm ? » S’il répondait : « Non »,

1
Bartolomeo da NEOCASTRO, Historia Sicula, Bologna, Zanichelli, 1921, p 15. Bartolomeo da Neocastro,
contemporain des Vêpres, écrit au chapitre XIV: Incipit hic paesens guerra Siciliae contra regem
Carolum, et primo in Panormo. Anno quidem a Christo Domino nostro MCCLXXXII penultimo die
martii ...
Le pénultième jour de mars, c’est-à-dire, le 30 mars. Pour plus de commodité, nous adopterons cette date
dans ce document.
2
Steven RUNCIMAN, Les vêpres siciliennes : une histoire du monde méditerranéen à la fin du XIII e siècle,
Paris, Les belles Lettres, 2008, p. 205. À Palerme le nombre de morts se serait élevé au nombre de 2 000.
3
« Livre des Juges », dans La Bible, chapitre 12, 4-6.

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06 ils lui disaient : « Eh bien, dis : Shibboleth ! » Lui prononçait :
« Sibboleth », car il n’arrivait pas à dire le mot correctement.
Alors, on le saisissait et on l’égorgeait près des gués du Jourdain.
À cette époque, tombèrent quarante-deux mille hommes
d’Éphraïm.

Au-delà de la légende, ou du fait réel, de la dame outragée, il faut surtout garder


à l’esprit les réelles motivations des Siciliens contre le gouvernement de Charles
d’Anjou. Le roi français faisait payer chèrement à ses sujets leur attachement et leur
fidélité à la maison des Hohenstaufen. Avec lui, Palerme ne fut plus la capitale, il lui
préféra Naples, et la Sicile fut très lourdement imposée. Ce roi « absent »4 organisa une
répression cruelle pendant son règne, faisant exécuter sans autre forme de procès tout
sujet sicilien porteur d’une arme, saisir les biens des exilés, réquisitionner des logements
pour ses soldats et son administration, etc. Tous les ingrédients d’une révolte
bouillonnaient depuis 1266.

Durant le XIIIe siècle, trois familles européennes ont régné sur la Sicile. Les
Hohenstaufen, dynastie germanique, qui succédèrent par voie héréditaire aux rois
normands sur le trône de Sicile en 1194. Les Angevins, qui s’emparèrent du pouvoir par
la force en 1266 et régnèrent avec une grande brutalité sur l’île. Enfin les Aragonais qui
siégèrent sur le trône sicilien que les Vêpres avaient rendu vacant à partir de 1282.

La composition de la société sicilienne au XIIIe siècle au moment des Vêpres


n’est plus tout à fait la même depuis le XI e siècle. En effet, avec les Hauteville, on assis-
ta à l’arrivée massive de Lombards, en même temps que de Normands, de Bretons et de
Provençaux, encouragés par la famille régnante dans le but essentiel de rechristianiser
l’île encore majoritairement arabisée et musulmane. Les Lombards n’étaient pas seule-
ment des chrétiens, c’étaient aussi de valeureux guerriers qui avaient conquis au
VIe siècle la quasi-totalité de l’Italie septentrionale. En Sicile, les musulmans furent ain-
si peu à peu chassés.

4
Charles d’Anjou ne se rendit jamais en voyage officiel en Sicile durant les seize ans de son règne sur
l’île. Il dut, par nécessité, y passer en 1270, de retour de Tunisie avec la dépouille de son frère, le roi de
France Louis IX. Les viscères de saint Louis furent à cette occasion transportés à Monreale, près de Pa-
lerme, où ils furent conservés jusqu’à l’arrivée de Garibaldi, six cents ans plus tard, puis remis à la
France.

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Au XIIIe siècle, nombre de villes siciliennes étaient habitées par des Lombards 5
dont la trace se voit encore aujourd’hui à travers des dialectes spécifiques 6. « Le premier
noyau [lombard], conduit par Oddone de Camerana et installé à Corleone après 1240,
était composé d’exilés gibelins bannis des cités de cette région [la Lombardie]. »7 Selon
d’autres sources, il ne s’agissait pas d’exilés mais d’immigrants, non pas bannis de
Lombardie, mais répondant à l’appel de Frédéric II pour coloniser la Sicile8. Mais le
plus important ici, c’est qu’il s’agissait d’une population du nord de l’Italie, de gibelins
attachés à l’empereur, certainement touchés par l’exécution du dernier Hohenstaufen,
Conradin, âgé d’à peine dix-huit ans, la tête tranchée en place publique à Naples en
1268, sur ordre de Charles d’Anjou, roi de Sicile 9. Pour les Lombards de Sicile il y avait
de bonnes raisons d’être à l’avant-garde de l’insurrection des Vêpres.

L’écrivain Leonardo Sciascia10, pour sa part, s’était émerveillé de ces poches


« nordiques » en Sicile :
«… la Lombardia siciliana, i paesi lombardi della Sicilia… Città
belle sono Aidone, Piazza Armerina, Nicosia: e sono quelle in cui è
avvenuto un coagulo di gruppi etnici lombardi. Ma sono belle anche
Enna, Caltagirone, Scicli: Enna col suo castello di Lombardia,
Caltagirone che segna il suo municipio con lo stemma di Genova;
Scicli che venera san Guglielmo, città, insomma, alla cui storia
diedero apporto uomini del nord…»i

Leur participation aux Vêpres semble donc logique et se confirme dans les
travaux de la chercheuse palermitaine Iris Mirazita11 :

5
« Lombardi di Sicilia » [en ligne], URL : https://it.wikipedia.org/wiki/Lombardi_di_Sicilia, consulté le
30 mars 2018. Selon l’article de Wikipedia, 200 000 Lombards au total sur la période auraient émigrés en
Sicile.
6
Fiorenzo TOSO, Le minoranze linguistiche in Italia, Bologna, Il Mulino, 2008, p. 137. Selon le linguiste
italien, les Lombards se sont installés en Sicile entre le XI e et le XIIIe siècles.
7
Henri BRESC, Geneviève BRESC-BAUTIER (éds.), Palerme 1070-1492 : mosaïque de peuples, nation re-
belle ; la naissance violente de l’identité sicilienne, Paris, Éd. Autrement, coll. « Série Mémoires » 21,
1993, p. 120.
8
Iris MIRAZITA, « I Lombardi di Corleone e Palermo : dal Vespro antiangioino al Vespro anticatalano
(1282-1348) », dans Corleone: l’identità ritrovata, Milano, F. Angeli, 2001.
9
Michele AMARI, La Guerra del Vespro Siciliano, Palermo, Flaccovio, 1969, chap. 3.
10
Leonardo SCIASCIA, La corda pazza, Scrittori e cose della Sicilia, Milano, Adelphi, 1970, p. 168.
11
Iris MIRAZITA, « I Lombardi di Corleone e Palermo : dal Vespro antiangioino al Vespro anticatalano
(1282-1348) », dans Corleone: l’identità ritrovata, op. cit., p. 26-37.

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L’evento clou che connotò definitivamente la storia di Corleone e
che legò indissolubilmente i destini dei lombardi di Corleone a
quelli degli altri abitanti dell’isola, in particolare di Palermo, fu la
loro adesione immediata e spontanea alla rivolta del Vespro.ii

Malgré la présence massive de Lombards, il restait quelques îlots arabes au


début du XIIIe siècle, puis beaucoup de musulmans de Sicile furent déportés par
Frédéric II Hohenstaufen, de 1223 à 1240 à Lucera, dans les Pouilles 12, d’autres
s’exilèrent en Afrique du nord, tandis qu’une autre partie se convertit 13. Même s’il a
fallu environ deux siècles pour latiniser la Sicile, dès le milieu du XIII e siècle s’en était
fini de la Sicile arabe14.

En revanche, les juifs, eux, prospérèrent encore quelques années. Arrivés dès le
Ier siècle, après la destruction de Jérusalem en 70 de notre ère, les juifs ont vu leur
nombre croître considérablement. Selon Erich Hausmann15, vers 1492, au moment de
leur expulsion massive de l’île, la Sicile comptait environ 100 000 juifs16. Le nombre de
juifs est donc important, rapporté au nombre total d’habitants dans l’île 17 et ils furent
mal acceptés à partir du règne de Frédéric II, qui les protégea néanmoins. Les juifs de
Sicile ont-ils participé au soulèvement de 1282 ? Aucun document n’en fait état à notre
connaissance. En revanche, les prêts d’argent importants aux rois de Sicile leur
assuraient une certaine protection de leurs débiteurs. Toutefois, leur situation s’est peu à
peu dégradée, port d’une rouelle rouge, ghettos, pogroms... jusqu’à leur expulsion en

12
Vincenzo D’ALESSANDRO, « Sicilia » [en ligne], 2005, URL :
http://www.treccani.it/enciclopedia/sicilia_(Federiciana)/, consulté le 20 juin 2019. « Nel 1224 trasferì a
Lucera un primo contingente di più di quindicimila musulmani, compresi donne e bambini, costretti ad
arrendersi per fame.  » [En 1224 il déplaça à Lucera un premier contingent de plus de quinze mille musul-
mans, y compris femmes et enfants, obligés de se rendre à cause de la faim.
13
Michele AMARI, Storia dei Musulmani di Sicilia, vol. III, Firenze, Felice Le Monnier, 1858, p. 867.
14
Vincenzo D’ALESSANDRO, « Sicilia » [en ligne], op. cit. C’est en 1221 que commença la lutte contre les
paysans musulmans de Sicile. Pour Frédéric II, leur présence regni nostri tranquillitatem perturbat.
15
Erich A. HAUSMANN, « Les Juifs de Sicile ont dû partir aussi en 1492 » [en ligne], Hamoré, n° 139,
1993, URL : http://sefarim.fr/hamore/, consulté le 15 mai 2019.
16
Francesco RENDA, La fine del giudaismo siciliano : Ebrei marrani e Inquisizione spagnola prima
durante e dopo la cacciata del 1492, Palermo, Sellerio, 1993. Renda annonce un chiffre de seulement
35 000 juifs en Sicile. Pour arriver à ce résultat, il multiplie le nombre de foyers juifs (6  300) par 5,5 (un
père, une mère et 3 ou 4 enfants). Cela réduit la « masunata » aux parents et à leurs enfants. Qu’en est-il
des autres membres de la famille, grands-parents, collatéraux, etc. ?
17
Antonino MARRONE, « Sovvenzioni regie, riveli, demografa in Sicilia dal 1277 al 1398 » [en ligne],
Mediterranea ricerche storiche, n° 24, 2012, URL : http://www.storiamediterranea.it/portfolio/aprile-
2012/, consulté le 14 mars 2019. En 1286 la population totale de Sicile s’élevait à un peu moins de
550 000 habitants.

LES VÊPRES SICILIENNES - 8


1492, subissant en Sicile le même sort que les juifs d’Espagne, puisque le décret
espagnol s’appliquait également à l’île18.

La communauté grecque formait une autre composante importante et historique


de la société sicilienne. Selon Fiorenzo Toso19, au XIIIe siècle on parlait encore grec
dans de nombreux villages de Sicile orientale. Mais le déclin était amorcé et trois siècles
plus tard, un seul village parlait le grec, et encore était-ce lié au rite religieux grec
byzantin20. Au moment des Vêpres, les Siciliens de culture grecque étaient issus du
repeuplement byzantin qui avait commencé dès le VIe siècle de notre ère. En tout état de
cause, les chrétiens siciliens de rite byzantin n’étaient pas non plus en « odeur de
sainteté » sur l’île où les rois catholiques successifs aspiraient à un retour au rite romain.

Voilà, le panorama de la Sicile dessinée, il convient de s’interroger sur les


personnages qui ont favorisé la révolte des Siciliens. Nous pensons là à l’autre grand
ennemi de Charles d’Anjou, ce noble italien, Giovanni, seigneur de l’île de Procida 21. Il
était médecin et diplomate, attaché à la cour des Hohenstaufen, et étroitement lié à la
révolte dite des « Vêpres Siciliennes », en 1282, dont il aurait été l’un des organisateurs,
voire l’instigateur principal22.

Résolument hostile à la famille régnante et même ennemi déclaré de Charles Ier


d’Anjou, Giovanni da Procida, proche de l’ancienne famille régnante souabe de Sicile,
n’eut de cesse, à partir de 1266, de combattre les Français. Son action était
principalement diplomatique et le complot qu’il ourdit l’amena à voyager fréquemment
dans un triangle formé par Rome, Barcelone et Constantinople23.

18
Le 31 mars 1492, le roi d’Aragon Ferdinand II et la reine de Castille, Isabelle I re, décrètent l’expulsion
des juifs d’Espagne, de Sicile, d’Italie du Sud et de Sardaigne.
19
Fiorenzo TOSO, Le minoranze linguistiche in Italia, op. cit., p. 135.
20
Le seul village à parler encore grec dans ses rites religieux était Rometta, dans la province de Messine.
21
Petite île au large de Naples.
22
Jacqueline MALHERBE-GALY, Jean-Luc NARDONE, Les vêpres siciliennes : le complot de Jean de Pro-
cida, Toulouse, Anacharsis, 2012. Giovanni da Procida a eu une action déterminante, si ce n’est lors des
Vêpres, du moins lors des événements qui ont précédé et suivi le soulèvement. La nouvelle traduction
d’un auteur anonyme du XIIIe siècle nous éclaire sur Le complot de Jean de Procida.
23
Giovanni da Procida, quand il entreprit ces grands voyages diplomatiques était âgé d’environ 70 ans, si
l’on se réfère à la date de naissance approximative donnée par la plupart des chercheurs. Ce devait être un
homme de grande résistance puisqu’au Moyen-Âge, en Europe, l’espérance de vie chez les grands sei-
gneurs était de vingt-cinq ans (seule catégorie où nous disposons de données fiables). H. J., « Mortalité
masculine dans les familles régnantes au Moyen Age », Population, n° 6, 1972.

LES VÊPRES SICILIENNES - 9


Mais quelle que soit son action, réelle ou supposée, le personnage est intéressant
parce qu’il est devenu une légende au cours des siècles. Les premiers à s’en emparer
sont ses contemporains. Un auteur anonyme tout d’abord qui plaça Giovanni da Procida
au cœur de l’action24. Le texte original est perdu, mais une copie de la fin du XIVe siècle
nous éclaire sur le complot de l’aristocrate italien et son intense activité diplomatique
auprès des puissances de la région. D’autres textes du début du XIV e citent Procida,
ceux écrits par Pétrarque25 et Boccace26, où il est question du complot fomenté par le
seigneur Giovanni. Toutes ces concordances laissent penser que Procida a eu une
influence sur la révolte sicilienne.

Toutefois Dante Alighieri27, contemporain des « Vêpres », il avait 17 ans au mo-


ment de la révolte, écrit dans la Divine Comédie :
Se mala segnoria, che sempre accora
Li popoli suggetti, non avesse
Mosso Palermo a gridar: “mora, mora!”

Dante ne fait pas allusion à Giovanni da Procida, mais au peuple de Palerme


poussé à la révolte par un mauvais gouvernement.

C’est surtout au XIXe siècle que Giovanni da Procida et les Vêpres siciliennes
font leur entrée dans l’histoire nationale italienne, dans un but politique très précis :
galvaniser le peuple en vue de l’unification de l’Italie et contre l’occupation du trône de
Naples par les Bourbons d’Espagne. Il fallait donner aux Italiens un sentiment
d’appartenance nationale, en quelque sorte Faire une nation28. Ce siècle-là, le royaume
des Deux-Siciles allait d’émeutes en révolutions, jusqu’à l’arrivée de Garibaldi à
Marsala, en 1860. Quatre rois issus des Bourbons d’Espagne, la maison des Bourbon-
Siciles, se succédèrent de 1815 à 1861 : Ferdinand I, François I, Ferdinand II, François
II, qui tentèrent de conserver un pouvoir absolu et un régime quasi féodal dans les
campagnes malgré les tensions qui montaient partout en Europe et plus particulièrement

24
Jacqueline MALHERBE-GALY, Jean-Luc NARDONE, Les vêpres siciliennes : le complot de Jean de Pro-
cida, op. cit.
25
Francesco PETRARCA, Itinerarium Syriacum, Bâle, Heinrich Petri, 1554.
26
Giovanni BOCCACCIO, « De Carolo Siculorum rege », dans De casibus virorum illustrium, vol. 9, Paris,
Jean Petit, 1540.
27
Dante ALIGHIERI, La divine comédie. Paradis, Arles, Actes Sud, 2020, trad. de Danièle ROBERT,
chant VIII.
28
Elena MUSIANI, Faire une nation : les Italiens et l’unité, XIXe-XXIe siècle, Paris, Gallimard, coll. 270,
2018.

LES VÊPRES SICILIENNES - 10


sous leurs fenêtres. Pendant ces quarante-six ans de règne des Bourbon-Siciles, le
royaume a connu quatre insurrections et de nombreuses émeutes, surtout entre 1859 et
1860 : 1820, qui conduisit à l’occupation autrichienne l’année suivante pour ramener la
paix, 1828, 1847, 1848, pendant seize mois cette année-là, la quasi-totalité de la Sicile
était devenue un État indépendant.

Cette tension permanente était propice à l’unification de la péninsule. Déjà en


1847, dans l’extrême sud, Domenico Romeo 29, insurgé acquis aux idées libérales hissa
le drapeau tricolore italien durant l’émeute de Santo Stefano in Aspromonte, en Calabre,
avant de rejoindre Reggio de Calabre où il fut tué en criant « all’Italia ». Sa dépouille
fut décapitée et la tête exposée pendant deux jours dans la cour de la prison de Reggio
di Calabre. Cette violence des Bourbon-Siciles nous éclaire sur l’état d’esprit dans le
sud de l’Italie. C’est dans ce contexte-là que la légende de Giovanni da Procida
prospère. À cause de la censure en Italie et notamment au royaume des Deux-Siciles,
qui empêchait la diffusion d’ouvrage « tendancieux », c’est en France, au tout début du
siècle, qu’on commença à s’intéresser aux événements de 1282.

Les Vêpres ont été, durant tout le XIXe siècle, un substrat capable de stimuler les
peuples. Giuseppe La Mantia30, professeur à l’université de Palerme, s’émerveillait de
cette permanence des Vêpres au siècle du Risorgimento :
[...] è certamente mirabil cosa il vedere come nella rivoluzione
siciliana del 1820 [...] nelle sedizioni avvenute nel 1837 [...], indi
nel 1848 [...], ed infine nel 1860 [...], si trovi costantemente nei
Proclami ufficiali di Comitati et di Governi la menzione di
Giovanni da Procida come il più famoso cospiratore e fautore della
rivoluzione del 1282, poeticamente e volgarmente detta del Vespro
[…].iii

29
Pietro Aristeo ROMEO, Cenni biografici sopra Domenico Romeo, Torino, Stamperia della Gazzetta del
Popolo, 1856.
30
G LA MANTIA, « I ricordi di Giovanni da Procida e del Vespro nei proclami rivoluzionari dal 1820 al
1860 » [en ligne], dans Rassegna storica del Risorgimento, Roma, Istituto per la storia del Risorgimento
italiano, 1931, URL : http://www.risorgimento.it/rassegna/index.php?id=16984, consulté le 17 juin 2019.

LES VÊPRES SICILIENNES - 11


Si la sphère politique du XIXe siècle s’était saisie de la révolte sicilienne du
XIIIe siècle pour nourrir sa propre révolution, le monde des arts très vite prit sa part.
Selon Mancuso31 :
l’importanza del tema è ulteriormente testimoniata dall’interesse
suscitato nel campo artistico, e in particolare della pittura e della
musica.iv

Au théâtre, c’est le Français Casimir Delavigne32 qui s’empara du thème. Sous


sa plume, Giovanni da Procida est l’anti-héros d’une tragédie en cinq actes, jouée à
Paris le 23 octobre 1819 à l’Odéon à peine reconstruit. Il y apparaît dès la première
scène en tant que « noble sicilien ». Sa pièce fut un très grand succès.

Felicia Hemans33, de l’autre côté de la Manche, sans doute excitée par le succès
du Français, y alla de sa tragédie qu’elle intitula The Vespers of Palermo, sans toutefois
rencontrer le succès. Au contraire, sa pièce fut peu jouée. Felicia Hemans comptait sur
la notoriété des Vêpres pour attirer le public. Son drame, d’abord intitulée Procida, fut
renommé en Vêpres de Palerme, parce qu’on craignait que le nom de « Procida » ne fût
pas assez connu pour assurer le succès de la pièce !

Pour en revenir à l’Italie, c’est à Giambattista Niccolini 34 que l’on doit la pre-
mière œuvre sur le thème des Vêpres. Deux ans avant la représentation de Delavigne, il
avait écrit une pièce intitulée Giovanni da Procida, mais elle ne fut jouée qu’en 1830
avant d’être interdite.
Plus prudent, Giuseppe Verdi35, modifia sa version italienne des Vêpres
siciliennes en décembre 1855 : le titre de l’œuvre devint Giovanna di Guzman et
l’action se situait au Portugal sous domination espagnole. Le livret changea encore
avant 1861, puis prit sa forme définitive après l’unification italienne. Mais avant la
version italienne, Verdi composa pour la France Les Vêpres siciliennes, un opéra en

31
Claudio MANCUSO, « Il potere del passato e il suo utilizzo politico. Il caso del sesto centenario del
vespro siciliano » [en ligne], Mediterranea ricerche storiche, n° 25, 2012, URL :
http://www.storiamediterranea.it/portfolio/agosto-2012/, consulté le 20 février 2019.
32
Casimir DELAVIGNE, Les Vêpres sicilienne [en ligne], Paris, Baraba, Ladvocat, 1819, URL : https://me-
diterranees.net/moyen_age/sicile/delavigne1.html, consulté le 10 octobre 2018.
33
Felicia HEMANS, The Vespers of Palermo, Londres, John Murray, 1923.
34
Giovanni Battista NICCOLINI, Giovanni da Procida, Capolago, Tipografia Elvetica, 1831.
35
Bruno MAURY, « Verdi : Vêpres Siciliennes » [en ligne], classiquenews.com, 2017, URL : https://
www.classiquenews.com/compte-rendu-critique-opera-francfort-opera-le-9-decembre-2017-verdi-vepres-
siciliennes-stefan-soltesz-jens-daniel-herzog/, consulté le 24 avril 2020.

LES VÊPRES SICILIENNES - 12


cinq actes, créé à Paris en juin 1855, dans lequel Giovanni da Procida est un médecin
sicilien.

Pour rester dans le domaine de la musique, nous citerons également l’hymne na-
tional italien, Fratelli d’Italia, écrit en 1847 par Goffredo Mameli, dans lequel deux
vers font directement référence à la révolte Sicilienne :
Il suon d’ogni squilla
I Vespri suonòv

Ainsi même dans ce chant patriotique, référence est faite à la révolte des Vêpres,
incontournable au XIXe siècle.

Les arts graphiques, dans ce siècle des révolutions, ont aussi exploité le thème
des Vêpres (voir les annexes). Francesco Hayez et ses trois peintures des Vêpres sici-
liennes concentrent toute l’attention. Le style néoclassique fait penser à la peinture de
Jacques-Louis David, mais l’ensemble paraît figé, sans émotion. Si on peut rattacher les
toiles au romantisme, c’est seulement grâce au sujet traité. Dans le tableau de 1822, au
premier plan, le soldat Drouet git au sol, l’homme qui vient de le tuer est le frère de la
dame outragée, tandis qu’elle est soutenue par son mari. À l’arrière-plan, l’église Santo
Spirito ne ressemble aucunement à l’église réelle. Sur le parvis, l’émeute a commencé,
des Siciliens tuent les soldats français. La deuxième peinture de Hayez sur le sujet, exé-
cutée en 1826, n’offre pas beaucoup d’intérêt dans la mesure où, à quelques détails
près, c’est une copie de la première. Vingt ans plus tard, en 1846, pour sa troisième ver-
sion de l’épisode (voir Annexe page 94), Hayez se concentre davantage sur les person-
nages du premier plan. Ce qui se passe derrière est plus neutre. Visiblement le peintre
est ici influencé par l’opéra où les solistes sont devant et très expressifs, tandis que les
figurants sont à l’arrière de la scène, faisant masse. L’action, cette fois, se déroule à l’ar-
rière de l’église Santo Spirito, qui semble même un peu éloignée.

Dans les trois peintures de Hayez, comme dans toutes les représentations pictu-
rales des Vêpres, c’est toujours le moment où le soldat Drouet est tué qui est représenté.
C’est aussi le cas chez Andrea Gastaldi, Erulo Eruli, Giuseppe Carta et Giulio Piatti,
alors que Domenico Morelli se concentre sur la femme outragée accompagnée de deux
autres femmes qui s’enfuient apeurées, pendant que la révolte commence loin derrière, à
peine perceptible.

LES VÊPRES SICILIENNES - 13


Cette façon théâtralisée de peindre l’événement est fortement influencée par les
grands opéras dont les règles avaient été fixées à Paris et dont la mode s’était répandue
un peu partout en Europe. Mais Paris restait la capitale européenne de l’opéra au
XIXe siècle. Et Verdi qui n’avait pas beaucoup d’estime pour l’Opéra de Paris, qu’il
appelait « la grande Boutique », était néanmoins attiré par la capitale française comme
un papillon par la lumière. Jusqu’en 1849 et la fin de la première guerre d’indépendance
italienne36, le compositeur avait montré beaucoup d’enthousiasme pour la « révolution »
italienne. Devenu « une figure emblématique pour les patriotes de la péninsule »37, la
défaite devant les Autrichiens38 éloigna temporairement l’artiste de ses préoccupations
politiques et « révolutionnaires », mais ses œuvres aux accents patriotiques (Nabucco,
Ernani, etc.) continuaient d’exalter le cœur des Italiens.

Quand Giuseppe Verdi se lança dans la composition des Vêpres siciliennes, ce


n’était pas parce qu’il entendait influencer les Italiens dans leur tentative d’unification
de la péninsule. Verdi avait bien autre chose en tête : il désirait une consécration
internationale et savait que cela passait obligatoirement par une création originale à
l’Opéra de Paris. Mais même pour un compositeur célèbre comme lui, Paris ne se
conquiert pas facilement. Des conditions étaient imposées aux artistes avant d’avoir
l’honneur d’un contrat pour la création originale d’un opéra à l’Académie impériale de
musique de la rue Le Pelletier 39, convoitée par tous les compositeurs européens.
Première condition : le compositeur se devait d’avoir une certaine notoriété dans son
pays d’origine. Pour le créateur de Nabucco, c’était le cas depuis longtemps. Ensuite, il
fallait avoir fait jouer plusieurs de ses œuvres sur des scènes parisiennes, c’était fait
avec Il proscritto – ex-Ernani – en 1844 et Il trovatore en 1854. En troisième lieu, il
était indispensable d’avoir fait jouer une œuvre traduite en français à l’Opéra : en 1847,
Verdi y avait fait jouer Jérusalem, titre français de I Lombardi. Si chacune des étapes
décrites ci-dessus était couronnée d’un grand succès, gage qu’on n’investirait pas en
vain de gros moyens, alors à ce moment-là seulement un contrat portant sur la création
36
Le 23 mars 1848, Charles-Albert, roi de Sardaigne déclarait la guerre à l’Autriche qui occupait une
grande partie de l’Italie du nord.
37
Pierre MILZA, Verdi et son temps, Paris, Perrin, 2004, p. 150
38
Bataille de Novare, 23 mars 1849, fin de la Première guerre d’indépendance. Le roi du Piémont
Charles-Albert abdique le soir-même en faveur de son fils Victor-Emmanuel II.
39
La salle Le Pelletier à Paris est une construction provisoire qui va se maintenir de 1821 à 1873 (ferme -
ture après un incendie). L’actuel Palais Garnier, inauguré en 1875, avait été décidé par Napoléon III pour
remplacer la salle Le Pelletier au lendemain d’un attentat qui l’avait visé dans l’étroite rue Le Pelletier.
L’empereur voulait que le nouvel opéra fût construit dans un espace dégagé, moins propice aux attentats.

LES VÊPRES SICILIENNES - 14


d’une œuvre originale en français, en cinq actes, s’appuyant sur un sujet historique,
mêlant sentiments privés et destin collectif, avec un grand ballet, pouvait être envisagé.
Pour la plus grande machinerie d’Europe, il fallait un spectacle grandiose. C’était là une
condition sine qua non.

Verdi, évidemment, répondait à toutes ces exigences. Ainsi le 26 février 1852 un


contrat fut signé. Le maestro obtenait même certaines clauses suspensives : le livret
devait être impérativement écrit par Eugène Scribe en personne puis lui être soumis
pour approbation. De même, la distribution exigée par Verdi devait être respectée.
Quant à l’opéra, la première était prévue pour la fin d’année 1854, soit près de trois ans
après la signature.

Mais les choses ne se déroulèrent pas aussi simplement.

Tout d’abord, Eugène Scribe proposa plusieurs sujets à Giuseppe Verdi qui les
refusa les uns après les autres. Finalement, Scribe ressortit de ses cartons un vieux
livret, Le Duc d’Albe, proposé en 1836 à Halévy qui n’en voulut pas, puis à Donizetti
qui mourut avant d’en achever la musique. Restait à proposer le livret à Verdi, en
changeant les époques, les lieux et les personnages. Le Duc d’Albe mettait face à face
des Flamands et des Espagnols, c’est-à-dire des occupés et des occupants. Il suffisait de
déplacer la scène en Italie, à Naples ou à Palerme, d’y opposer des Italiens à leurs
occupants français, de nouer quelques intrigues privées et une destinée collective,
d’ajouter un ballet et un cinquième acte pour que Verdi entrevît le grand opéra qu’il
pourrait créer au cœur de la capitale française. Voilà comment, de modifications en
modifications, Le Duc d’Albe devint Les Vêpres siciliennes ! Ce glissement ne demanda
pas de gros effort d’imagination : Scribe avait beaucoup aimé le drame de Delavigne
joué en 1819 à l’Odéon et dont il avait écrit et fait jouer une parodie la même année40.

Le livret de Scribe ne réjouit pas Verdi qui accepta mal que Giovanni da Procida
fût réduit à un conspirateur dégainant un couteau comme un vulgaire assassin. Eugène
Scribe, mécontent des reproches qu’on lui faisait, écrit dans la préface de son livret41 :

À ceux qui nous reprochent, comme de coutume, d’ignorer


l’histoire, nous nous empresserons d’apprendre que le massacre
général connu sous le nom de Vêpres Siciliennes n’a jamais existé.
40
Eugène SCRIBES, MÉLESVILLE, Les Vêpres siciliennes [en ligne], 1819, URL : http://théâtre-documen-
tation.com/content/les-vêpres-siciliennes-eugène-scribe-mélesville, consulté le 16 janvier 2019.
41
Eugène SCRIBES, « Les Vêpres siciliennes », dans Œuvres complètes, vol. 6, 3e série, Paris, Dentu,
1876.

LES VÊPRES SICILIENNES - 15


Ce point historique une fois reconnu, il doit être à peu près permis à
chacun de traiter ce sujet comme il l’entend. […] Nous ajouterons
que Procida, choisit par tous les auteurs dramatiques comme chef
ordinaire de la conspiration, n’était même pas en Sicile à cette
époque.

Malgré les réticences de Verdi, l’opéra fut créé non pas à la fin de 1854 comme
prévu mais six mois plus tard, le 13 juin 1855. Le succès fut immense dès la première,
en présence de Napoléon III et de l’impératrice Eugénie qui restèrent jusqu’au deuxième
bis. Le compositeur italien, dans la même année, fit traduire le livret pour que l’opéra
fût joué en décembre dans sa patrie et même dans son duché, Parme, occupé par les
Autrichiens. Mais la censure autrichienne veillait et dans le contexte bouillonnant du
Risorgimento, il n’était pas question que les Vêpres siciliennes et Giovanni da Procida
échauffassent encore plus les esprits. Qu’à cela ne tienne, sur les conseils de Scribe,
l’opéra changea de nom : il devint Giovanna de Guzman, et l’action fut déplacée au
XVIIIe siècle au Portugal occupé par les Espagnols.

Verdi, en dépit de ses colères contre son librettiste, ne s’était pas trompé en
faisant jouer cet opéra à l’esprit révolutionnaire. La libération de la Sicile du « giogo
francese »42 après le soulèvement des Vêpres, et les guerres entre grandes puissances
pour occuper la place dans ce XIIIe siècle qui marque la fin des croisades et une intense
activité spirituelle liée à saint François d’Assise, saint Thomas d’Aquin, saint Antoine
de Padoue, est restée dans la mémoire de l’Europe comme un événement majeur et
symbolique. L’Italie du XIXe revendiquait, bien entendu, la révolte sicilienne comme le
premier acte, ou en tout cas un acte inspirant, de l’unification de la péninsule. Le
Risorgimento puisa dans la révolte sicilienne du XIIIe siècle « un canovaccio ideale per
quei patrioti italiani che cercavano nel passato le radici dell’unità nazionale »43 [une
trame idéale pour ces patriotes italiens qui cherchaient dans le passé les racines de
l’unité nationale]. Mais il n’y eut pas que l’Italie à s’emparer des Vêpres. La France
post révolutionnaire et romantique s’en appropria ainsi que de son héros, Giovanni da
Procida. Au théâtre et en littérature, deux œuvres ont vu le jour presqu’au même

42
Michele AMARI, La Guerra del Vespro Siciliano, op. cit.
43
Sergio ROMANO, « I vespri dal risorgimento a oggi », Corriere della sera, 20 mars 2011.

LES VÊPRES SICILIENNES - 16


moment : Les Vêpres siciliennes de Casimir Delavigne44 et Jean de Procida ou Les
Vêpres siciliennes d’Étienne de Lamothe-Langon45, un roman historique publié en 1821.

Le vrai Giovanni da Procida, celui des premiers textes, celui des historiens, a
laissé dans la mémoire collective la place à son avatar des tréteaux, héros qui incarne le
soulèvement sicilien, qui libère le pays. C’est ce Procida-là dont avait besoin l’Italie du
Risorgimento, alors que la France de l’après-Révolution ne donnait pas une image
flatteuse de lui. Dans son texte, Delavigne le traite en anti-héros devant les ennemis
français. Mais le dramaturge fit bien attention de distinguer la bonne France de saint
Louis d’avec les mauvais Français du royaume de Sicile qui l’occupaient de manière
inique et barbare.

À travers les arts, la démonstration qu’un peuple soumis et brutalisé peut se


révolter et vaincre plaît à la France et plus encore à l’Italie. À la veille de devenir un
État moderne, celle-ci avait besoin de tirer de cet événement lointain la preuve que de
tous temps la péninsule cherchait l’unité en chassant l’occupant étranger. Peu importe le
dévoiement de l’histoire, peu importe le rôle précis des uns et des autres : il fallait
inventer le mythe d’une nation résistante et d’un héros capable de vaincre la plus armée
des tyrannies.

Verdi, même en transposant son opéra au Portugal occupé, porte la légende.


Personne n’est dupe et le succès de Giovanna da Guzman montre bien que les esprits
échauffés depuis 1848 ne se s’étaient pas calmés.

La peinture de Hayez est une autre démonstration qu’à travers les Vêpres, c’est
de la nouvelle nation dont il est question. Cette Sicilienne représentée dans le tableau de
1822, évanouie, le sein découvert, ce n’est plus la dame outragée par le soldat Drouet,
c’est l’Italie, mère au sein nourricier, agressée mais déjà vengée : le soldat étranger git à
terre, mortellement touché alors que le héros tient bravement l’épée ensanglantée.
L’allégorie est évidente, que le peintre reproduit à deux reprises encore, signe que le
thème connaît un grand succès.

Certes, Giovanni da Procida et les Vêpres ne furent pas seuls à galvaniser les
peuples d’Italie. Le Nabucco et l’Ernani46, de Verdi, avaient largement contribué à
44
Casimir DELAVIGNE, Les Vêpres sicilienne [en ligne], op. cit.
45
Etienne-Léon de LAMOTHE-LANGON, Jean de Procida, ou les Vêpres siciliennes, Paris, Chaumerot,
1821.
46
Pierre MILZA, Verdi et son temps, op. cit.

LES VÊPRES SICILIENNES - 17


transporter les foules. À la sortie des théâtres, il était coutumier que les spectateurs
hurlent « Viva Verdi », ce qui signifiait malicieusement « Viva Vittorio Emanuele Re
D’Italia »47. Tout concourait à embraser un pays prêt depuis des années à se constituer
en nation.

Au vu de l’importance de l’épisode des vêpres dans la culture italienne,


notamment dans la période du Risorgimento, nous nous sommes demandés comment ce
moment historique se constitue en tant que légende, aussi bien dans la période qui a
suivi immédiatement l’émeute que par la suite. Dans notre première partie intitulée
« Les Vêpres dans leur contexte », nous étudierons l’état de l’Europe et les implications
des pays dans le conflit entre Charles d’Anjou et les Aragonais, qui dura vingt ans, en
cette fin du XIIIe siècle. Nous analyserons également les conséquences de la révolte
sicilienne sur la dynastie des Anjou. Enfin pour clore ce premier chapitre, nous
dresserons un portrait de Giovanni da Procida que certains décrivent en organisateur des
Vêpres quand d’autres l’ignorent totalement. Dans un deuxième chapitre, intitulé « Les
Vêpres dans les textes et dans les faits », nous étudierons les textes littéraires et
historiques qui ont traité de la révolte comme d’un épisode majeur de l’histoire
européenne et comment, dans les faits, beaucoup de combats, dans le monde, ont utilisé
le mot de « Vêpres » en référence à 1282. Le dernier point de ce chapitre traitera du mot
« Antudo », mot d’ordre apparu lors des émeutes de Sicile, énormément employé aux
XXe et XXIe siècles, mais qui semblerait n’être qu’une légende récente. Dans le
troisième chapitre, Nous nous focaliserons sur les Vêpres en tant que mythe, du
Risorgimento à nos jours. Durant ces deux cents dernières années énormément d’études
ont porté sur cette période médiéval, les sources ont été analysées par de nombreux
historiens, mais finalement, beaucoup d’incertitudes demeurent.

47
Luigi ORSINI, Giuseppe Verdi, Torino, SEI, 1965. Des graffiti ont également commencé à apparaître à
partir de 1849 sur les murs de grandes villes italiennes où l’on pouvait lire «  Viva Verdi ». Mais le mot
Verdi n’aurait pas été, dans la plupart des cas, un acronyme de « Viva Vittorio Emanuele Re d’Italia ». Il
le fut à Rome, le 17 février 1859, lors de la représentation de Un ballo in maschera.

LES VÊPRES SICILIENNES - 18


1 L ES VÊPRES DANS LEUR CONTEXTE
Alors qu’aujourd’hui les Vêpres sont une affaire de spécialistes, pendant de
nombreuses années après la révolte de 1282, elles furent très populaires, avec des
conséquences directes sur l’évolution de l’histoire européenne. Elles furent une
référence dans des soulèvements et l’objet d’études approfondies durant le dix-
neuvième siècle, souvent de manière orientée, afin de servir les tenants d’une Italie
unifiée. Garibaldi lui-même, durant l’expédition « Dei Mille » fit référence aux Vêpres.
C’était à l’occasion de son discours à Palerme le 30 mai 186048 :

Io ed i miei compagni siamo festanti di poter combattere accanto ai


figli del Vespro.vi

Quatre points nous ont semblé intéressants à développer dans ce chapitre : la


« Guerre de vingt ans », le jeu des puissances étrangères, la destinée de la Maison
d’Anjou et le rôle de Giovanni da Procida.

Tout d’abord les conséquences au lendemain des Vêpres. La perte de la Sicile


pour les Anjou a conduit à une guerre qui dura vingt ans jusqu’à la signature d’un traité
de paix, en 1302. Pendant ces vingt années, outre les combats qui engagèrent des forces
armées parmi les plus puissantes de l’époque, il y eut la parenthèse d’un duel
« manqué » entre le roi angevin et le roi aragonais. La « Guerre des Vêpres » eut
comme autre conséquence d’impliquer beaucoup d’États, soit directement, soit
indirectement. Les États du pape, la France, l’Aragon, les villes-États d’Italie du nord,
l’empire d’Orient se mêlèrent de la question sicilienne. Le pape et Paris s’allièrent à
Charles, l’Aragon et Constantinople s’unirent pour chasser les Français de Sicile, le
premier en engageant son armée, le deuxième ses finances. Cette guerre anéantit les
grandes ambitions de Charles d’Anjou qui désirait la mainmise sur l’empire byzantin et,
pourquoi pas, le pouvoir sur toute l’Italie :

[…] l’idée de Charles que la couronne [du Saint Empire romain


germanique] fût offerte à son neveu, Philippe III, le nouveau roi de
France – pour que ce dernier pût ensuite le nommer vicaire impérial

48
Le 30 mai 1860, la bataille de Palerme a pris fin avec la victoire de Garibaldi activement épaulé par la
population qui ne voulut pas d’un armistice mais au contraire répondit « guerra ! guerra ! » pour que les
Bourbon fussent chassés de Sicile. Claudio MANCUSO, « Il potere del passato e il suo utilizzo politico. Il
caso del sesto centenario del vespro siciliano » [en ligne], Mediterranea ricerche storiche, op. cit.

LES VÊPRES SICILIENNES - 19


en Italie – se heurta inévitablement à la claire et nette opposition,
fort compréhensible, du pape Grégoire X, déjà inquiet de l’action
très hardie menée par le souverain sicilien en Toscane49.

Voilà les graves conséquences à l’échelle européenne de la révolution sicilienne


dont une des figures, Giovanni da Procida, continue à questionner les scientifiques,
même s’il se fait jour un consensus pour minorer son action dans cet épisode. Sa
légende malgré tout continue à l’auréoler d’un héroïsme national en Italie où une
sculpture le représente parmi les grands hommes de la nation, dans le parc du Pincio
avec l’inscription : « Autore del Vespro Siciliano »50.

1.1 La guerre de vingt ans


Immédiatement après que la Sicile se fut libérée des Anjou, s’engagea une
guerre dite « Guerra del Vespro » ou « Guerra dei vent’anni », qui comme son nom
l’indique dura vingt ans. Cette guerre ne fut en réalité qu’une phase dans les combats
qui opposèrent Palerme à Naples jusqu’en 1372, de manière sporadique, et les deux
royaumes méridionaux restèrent indépendants l’un de l’autre jusqu’en 1816 51, en dehors
d’un bref épisode, de 1442 à 1458, sous Alphonse Ier.

La révolte des Siciliens qui commença sur le parvis de l’église Santo Spirito, le
30 mars 1282, s’étendit très vite au reste de l’île et, dans le dernier bastion des
Angevins, Messine, le 28 avril 1282, le massacre des Français se poursuivit et fut plus
cruel encore selon une chronique florentine des XIIIe et XIVe siècles52, mais les
recherches contemporaines précisent que la plupart des Français, lors du soulèvement
des Messinois, avaient eu le temps de se réfugier dans le château de Mategriffon 53, et ce
fut uniquement la flotte angevine qui fut incendiée et détruite :

49
AA. VV., Les Princes angevins du XIIIe au XVe siècle ; un destin européen, Rennes, Presses Univ. de
Rennes, coll. « Collection « Histoire » », 2003.
50
Michele AMARI, Sulla origine della denominazione Vespro Siciliano [en ligne], Palermo, Tipografia
dello Statuto, 1882, URL : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k850173p/f1.image, consulté le 23 mars
2019, p. 11.
51
Date de la création du royaume des Deux-Siciles par les Bourbons-Sicile.
52
Ricordano MALISPINI, Giacotto MALISPINI, Giovanni MORELLI, Istoria fiorentina, Firenze, Stamperia
di S. A. R. Per Gio: Gaetano Tartini, e Santi Franchi, 1718, p. 194.
53
Steven RUNCIMAN, Les vêpres siciliennes : une histoire du monde méditerranéen à la fin du XIIIe
siècle, Paris, Les belles Lettres, 2008, p. 206-207.

LES VÊPRES SICILIENNES - 20


«[…] peggio feciono a’ Franceschi, che’ Palermini, e trovaronsi
morti i Franceschi in grandissima quantità»vii.

La nouvelle de la révolution sicilienne arriva au roi de Sicile, Charles I er


d’Anjou, alors que celui-ci se trouvait à la cour du pape. Charles y avait une fonction
officielle, celle de sénateur de Rome54, mais plus encore, sa présence auprès du pape
s’avérait utile à ses projets hégémoniques sur l’Italie entière et au-delà, puisque la prise
de Constantinople faisait partie de ses objectifs prioritaires. Avant même que Charles Ier
fût averti des événements de Messine, les Siciliens eux-mêmes informèrent l’empereur
Michel de Constantinople, dont on imagine avec quels sentiments il accueillit la
nouvelle de la destruction de la flotte angevine destinée à lui faire la guerre.

Pendant ce mois d’avril, dès qu’il eut connaissance du soulèvement de Palerme,


Charles Ier envisagea une réplique énergique avant que la situation ne dégénérât. Ce fut
en substance ce qu’il écrivit dans une première missive à son neveu, Philippe III, roi de
France. Une deuxième lettre, après la révolte de Messine, montre que le roi de Sicile prit
conscience de la gravité de la situation. Dans ce courrier, il demandait une aide militaire
au roi de France pour reconquérir son trône sicilien55.

Sire, nous vous faisons savoir que l’île de Sicile est révélée contre
nous ; laquelle chose nous pourrait tourner à grand dommage si
nous n’y mettions hâtif conseil : et pour cela, beau neveu, nous
avons très grand besoin d’avoir avec nous grande quantité de
bonnes gens d’armes [...].

Le but de Charles était de constituer une grande force afin de frapper de manière
décisive les rebelles siciliens. Cette constitution d’une armée du prince angevin peut
être considérée comme le premier acte d’une guerre de reconquête qui allait durer vingt
ans. À ce qu’il restait des navires appareillés pour une attaque contre Constantinople se
joignirent les forces des frères de Philippe III, Pierre d’Alençon et Robert d’Artois, avec
54
Marco VENDITTELLI, « Elite citadine : Rome aux XIIe-XIIIe siècles » [en ligne], dans Actes des
congrès de la Société des historiens médiévistes de l’enseignement supérieur public, présenté à Les élites
urbaines au Moyen Âge, Roma, Société des Historiens Médiévistes de l’Enseignement Supérieur Public,
1996, URL : https://www.persee.fr/doc/shmes_1261-9078_1997_act_27_1_1698, consulté le 20 avril
2019. « Jusqu'en 1196, sauf exception, la Commune de Rome fut régulièrement gouvernée par un large
collège de sénateurs, puis on passa au gouvernement d'un sénateur unique, enfin à partir de 1238, la
charge fut assumée par deux magistrats. À la différence des podestats des Communes d'Italie centro-sep-
tentrionale, la charge de sénateur était réservée aux citoyens romains et le recours à un magistrat étranger
ne fut qu'exceptionnel. »
55
Lettre datée du 9 mai 1282 et conservée aux Archives nationales. Alexis Guignard (de) SAINT-PRIEST,
Histoire de la conquête de Naples par Charles d’Anjou, frère de saint Louis [en ligne], vol. 4, Paris,
Amyot, 1849, URL : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb31284469j, consulté le 12 janvier 2020.

LES VÊPRES SICILIENNES - 21


leurs chevaliers, une partie du contingent de Provence (sur laquelle Charles I er régnait),
des guelfes de Florence et, pour finir, des navires loués à Venise, Pise et Gênes 56. Cette
armée constituée se mit en route afin d’assiéger Messine par où devait commencer la
reconquête de la Sicile. Au début du mois de juin 1282, seulement deux mois après les
Vêpres, la nouvelle flotte de Charles Ier était au mouillage de Catona, sur la côte
calabraise, exactement face à Messine : cinq kilomètres environ séparaient les navires
de guerre français de la Sicile. Sur terre, les troupes continuaient d’affluer et finalement,
le roi lui-même, parti de Naples le 11 juin, arriva le 6 juillet 1282 à Catona.
Immédiatement l’ordre de départ fut donné pour un débarquement à Tremestieri, au sud
de Messine, où se trouvait l’abbaye Sainte-Marie-de-Roccamadore57 qui servit de
quartier général. Une autre partie de l’armée royale avait fait route vers Milazzo, sur la
côte septentrionale de la Sicile, à une trentaine de kilomètres de Messine. Un premier
face-à-face entre Messinois et Français, à la sortie de Milazzo, eut des conséquences
importantes pour la suite du conflit. En effet, les Français eurent facilement l’avantage
sur les Messinois et cette défaite conduisit les habitants de la commune libre de Messine
à exécuter quelques notables accusés de trahison et à déposer le capitaine de la ville,
Baldovino Mussone, pour le remplacer par Alaimo da Lentini 58, lequel s’illustra dans la
défense de la ville, puis facilita la venue de Pierre III d’Aragon, ce qui garantissait un
meilleur rapport de force contre les Français.

Ainsi donc, au sud de Messine, une grande partie de l’armée royale empêchait le
ravitaillement de la ville depuis Catane et Syracuse, et au nord, Milazzo était occupée
par les Français, de manière à former une tenaille destinée à faire tomber la ville. Enfin,
pour compléter le dispositif, sur les hauteurs à l’ouest, des catapultes étaient installées
pour la bombarder. Prendre Messine eut été chose aisée, mais Charles I er préféra la voie
56
Steven RUNCIMAN, Les vêpres siciliennes : une histoire du monde méditerranéen à la fin du XIIIe
siècle, op. cit.
57
L’abbaye de Roccamadore fut fondée par la famille normande De Luci (dont on trouve un site internet
qui lui est consacrée) au XIIe siècle. « Bartholomew [De Luci] founded the Cistercian Abbey of Santa
Maria di Roccamadore in Tremestieri near Messina, based on the French model of Saint Mary of Roca -
madour near Quercy. » [Bartholomew [De Luci] a fondé l'abbaye cistercienne de Santa Maria di Rocca-
madore à Tremestieri près de Messine, sur le modèle français de Sainte-Marie de Rocamadour près du
Quercy.]
Norman LUCEY, « The Lucey and Lucy family history web page » [en ligne], The Lucey and Lucy family
history web page, URL : https://www.rickmansworthherts.com/webpage56.htm, consulté le 17 mai 2020.
58
Alaimo da Lentini était un notable messinois. Il commence sa carrière politique en tant que conjuré
contre le roi souabe Manfred, en 1254. Exilé, il prend parti pour les Angevins et en 1268 il participe à la
répression contre les fidèles de Conradin (petit-fils de Frédéric II de Souabe). Jusqu’aux Vêpres sici-
liennes, il occupe différents postes proposés par le roi Charles d’Anjou. Mais à partir de sa nomination
par le peuple de Messine, en tant que capitaine de la ville, il organise la défense messinoise avec succès.

LES VÊPRES SICILIENNES - 22


de la négociation par l’intermédiaire du légat de pape. Ce répit accordé aux Messinois
leur permit de renforcer les murailles. Les Français, après l’échec des négociations,
firent quelques tentatives militaires contre Messine avant l’assaut général, le 14
septembre 1282. Mais la défense messinoise eut raison, que ce soit par la mer ou par les
terres, de l’offensive française. Charles d’Anjou échappa de peu à un tir d’arbalète,
sauvé par deux cavaliers qui firent bouclier de leur corps.

Pendant ce siège de Messine, Pierre d’Aragon, avec des forces bien inférieures à
celles des Français, rejoignait Palerme et ordonnait, comme première mesure, le
recrutement d’hommes dans toute la Sicile pour la défense de la capitale sicilienne.

De son côté, le 26 septembre 1282, Charles repassait le détroit, renonçant


tactiquement59 mais temporairement à la prise de Messine. Ainsi, quelques mois après la
révolte des Vêpres siciliennes, la Sicile avait un nouveau roi et avait su résister à une
des armées les mieux constituées du monde. Les premiers grands combats de cette
« Guerre des vingt ans » prirent fin et l’année 1282 s’acheva par une contre-offensive
inattendue des Siculo-Aragonais contre la flotte royale. Entre les navires coulés et ceux
capturés par Pierre d’Aragon, la défense de la côte calabraise devenait difficile. Par
ailleurs, Charles devait entretenir une armée importante et coûteuse (environ vingt mille
hommes entre cavaliers et fantassins, trois mille arbalétriers, quelques centaines de
« Sarrasins »60, etc.), et c’est son neveu, le roi de France, qui fit un prêt de cinq mille
onces pour maintenir en partie cette armée.

Si ce deuxième semestre de 1282 avait été placé sous le signe de la reconquête


de la Sicile, 1283 inversait les choses : à la surprise des Angevins, les combats, en plein
hiver, se déplaçaient sur le continent avec le débarquement des forces siculo-aragonaise
à Catona et à Scilla (Calabre). L’appui de combattants almogavres 61 ne fut pas
négligeable dans cette incursion en « territoire ennemi ». Le 18 février 1283, le
débarquement de la marine du roi aragonais avait pour but de couper le territoire italien
de Charles Ier en deux : l’accès au sud de la Calabre devenait impossible, ce qui

59
Le roi français ne voulait pas s’enliser devant les murs de Messine pendant l’hiver, fondant ses espoirs
dans une reprise de l’île au printemps suivant.
60
Il s’agit des musulmans de Sicile déportés à Lucera dans les Pouilles par Frédéric II à partir de 1223
jusqu’en 1246.
61
Les Almogavres étaient des combattants irréguliers alliés des Aragonais durant la Guerre des Vêpres.
On les retrouva par la suite à la solde de Byzance contre les Turcs. Un rituel particulièrement bruyant
avant les combats terrorisait les ennemis. Ce fut le cas en 1300, dans la bataille de Gagliano en Sicile, où
trois cents Almogavres défirent la cavalerie française.

LES VÊPRES SICILIENNES - 23


déplaçait les hostilités assez loin du détroit de Messine. Mais en janvier déjà, les
Almogavres avaient reçu l’autorisation de mettre à sac Catona, afin d’en retirer ce qui
était leur motivation première : un butin en armes, chevaux et objets précieux. Les deux
mille combattants du débarquement massacrèrent presque tous les Français en garnison
dans la ville côtière : Sur les quatre cent cinquante à cinq cents soldats angevins, seuls
trente purent s’enfuir. Ainsi Catona ne représentait plus un risque pour Messine. Cette
stratégie qui consistait à avoir des têtes de pont sur le continent, à couper la route à des
renforts venus du nord et à chasser les Français de la pointe de la Calabre (notamment à
Reggio), donna un nouveau tour à la guerre : les années suivantes, les combats eurent
lieu, en grande partie, hors de la Sicile.

Charles, qui ne pouvait renoncer à ce titre de roi de Sicile 62 offert par le pape
près de vingt ans auparavant, organisait sa flotte avant d’envahir l’île. Cela était prévu
pour l’été 1283, profitant d’une absence de Pierre III, retourné dans son royaume
aragonais. Auparavant, le frère de saint Louis voulait traiter le problème de Malte qui
s’était elle aussi rebellée contre les Angevins au moment des Vêpres siciliennes. Une
garnison française était toujours assiégée par la population locale dans le Castrum
Maris, forteresse qui garde l’entrée du port de Malte (Grand Harbour). La petite île
méditerranéenne revêtait une importance stratégique puisqu’elle contrôlait la route
maritime entre la Sicile et l’Espagne. Se rendre maître de Malte pourrait gêner
considérablement les Aragonais.

Charles décida donc d’envoyer une partie de sa flotte secourir la garnison


française assiégée. Pierre III fit partir de son côté, pour contrer les Français, quelques
navires sous le commandement de Ruggiero di Lauria 63, un amiral talentueux qui offrit
avec cette bataille de Malte la première d’une série de victoires sous son
commandement64. Les pertes côté français furent importantes et on estime que la ville

62
Le trône de Sicile, depuis les rois normands, comprenait la Sicile et tout le sud de la péninsule italienne,
jusqu’aux Abruzzes avec Palerme comme capitale, puis Naples en 1266 avec l’arrivée des Anjou. Ce
n’est qu’après 1282 que le royaume de Sicile fut séparé en deux, partageant le plus souvent le même nom,
mais par commodité, la partie continentale fut appelée royaume de Naples. Lors de l’unification par les
Bourbons, on appela le territoire royaume des Deux-Siciles, de 1816 à 1861.
63
Ruggiero di Lauria, amiral d’origine italienne au service de Pierre III d’Aragon. Sa mère avait été la
nourrice de Constance de Souabe, petite-fille de l’empereur Frédéric II Hohenstaufen et reine d’Aragon.
Ruggiero di Lauria, né vers 1245, est mort en 1304 en Catalogne.
64
Filippo PAGANO, Istoria del regno di Napoli [en ligne], vol. 2, Palermo, Tipografia Stampinato, 1835,
URL : https://books.google.fr/books?
id=d205AAAAcAAJ&printsec=frontcover&hl=it&source=gbs_ge_summary_r&cad=0#v=onepage&q&f
=false, consulté le 5 mars 2020.

LES VÊPRES SICILIENNES - 24


de Marseille dont étaient issus la plupart des marins se retrouva amputé de vingt pour
cent de sa population en hommes valides65. Pour Charles d’Anjou, cette défaite signifiait
une grande perte de temps puisqu’il fallait reconstituer sa flotte. Et pas seulement. Le
roi voulait une armée importante et recruta des soldats chez tous ses alliés : guelfes,
« Sarrasins » de Lucera, lanciers et arbalétriers des Pouilles et de Toscane, stipendiarii
de Bari et de Pise, des mercenaires et même des Templiers. Le nerf de la guerre,
l’argent, fut fourni par le pape Martin IV. Tous ces préparatifs repoussaient la
reconquête de la Sicile à l’année suivante, en 1284, soit deux ans après les Vêpres.

Alors que sur le continent les préparatifs se poursuivaient, le 5 juin 1284, une
nouvelle attaque surprise de la flotte siculo-aragonaise avec à leur tête l’amiral Ruggiero
di Lauria, dans le golfe de Naples, mit à mal la flotte française. Pire, dans cette bataille
navale, le prince Charles, fils de Charles I er et futur Charles II, fut capturé, emmené à
Barcelone où il resta captif quatre ans. Son père, auquel il ne restait que six mois à
vivre, était furieux car cette capture n’était due qu’à l’imprudence du prince. Charles I er
maudit son fils et nomma quelques temps plus tard un régent, Robert, comte d’Artois,
chargé d’assurer l’interrègne à sa mort, en attendant que son fils fût libéré ou que son
petit-fils, Charles-Martel, atteignît l’âge requis pour monter sur le trône. Cette
disposition avait été validée par le pape qui devait en surveiller la bonne exécution.

Nous n’allons pas dans le détail aborder la suite des événements guerriers qui
durèrent jusqu’en 130266. Il nous a paru d’intérêt d’étudier de manière plus fine les deux
premières années de cette guerre car elles ont décidé de la suite du conflit. Malgré toutes
leurs tentatives, Charles Ier et ses successeurs ne purent revenir sur le trône de Sicile
insulaire. Le soutien de Rome, qui alla jusqu’à excommunier non seulement le roi
d’Aragon mais toute la population sicilienne, qui fournit l’argent de la guerre et qui
65
« Charles wrote to the seneschal of Provençe from Reggio in November 1282 and ordered him to as-
semble a fleet composed entirely of men and ships from southern France. In this letter, he orders twenty
well-armed galley and two thousand crossbowmen and spearmen to be assembled at Marseille ». [Charles
écrivit au sénéchal de Provence de Reggio en novembre 1282 et lui ordonna de constituer une flotte entiè-
rement composée d'hommes et de navires du sud de la France. Dans cette lettre, il ordonne de rassembler
à Marseille vingt galères bien armées et deux mille arbalétriers et lanciers].
Lawrence MOTT, « The battle of Malta, 1283 : prelude to a disaster » [en ligne], dans The Circle of War
in the Middle Ages: Essays on Medieval Military and Naval History, Woodbridge, The Boydell press,
1999, URL : https://books.google.fr/books?
id=twTwgmQgdywC&printsec=frontcover&hl=it&source=gbs_ge_summary_r&cad=0#v=onepage&q=b
attle%20of%20malta&f=false, consulté le 30 juin 2020.
Et Amatuccio, La Guerra dei vent’anni, op. cit., p. 34
66
Giovanni AMATUCCIO, La guerra dei vent’anni (1282-1302), gli eserciti, le flotte, le armi della Guerra
del Vespro, Salerno, Giovanni Amatuccio, 2017.

LES VÊPRES SICILIENNES - 25


s’employa à convaincre les alliés d’aider les Anjou dans cette « guerre sainte », avec les
mêmes bénéfices que ceux accordés lors des croisades contre les infidèles, ce soutien de
Rome, donc, fut vain. Dès le début du conflit, les deux rois, aragonais et angevin,
conscients des lourdes pertes en vies humaines, proposèrent d’arrêter les hostilités et de
jouer le sort du trône de Sicile dans un combat d’homme à homme, de monarque à
monarque. Nous reviendrons sur ce moment épique dans la section suivante.

À l’aube de la quatrième année après les Vêpres, le 7 janvier 1285, dans son
dernier souffle, Charles fit une ultime prière à Dieu, Lui demandant de lui pardonner ses
péchés car il avait « pris le royaume de Sicile pour l’amour de la Sainte-Église et non
pour [son] propre profit ou bénéfice. » Cela reflétait la réalité puisque c’était sur
l’insistance des papes français Urbain IV et Clément IV que le plus jeune des enfants de
Blanche de Castille, destiné à la religion, et malgré la résistance de son frère Louis IX,
roi de France, accepta le trône de Sicile. C’était une manière de barrer la route au parti
gibelin et de mettre un terme à la domination de la maison impériale souabe sur une
partie de l’Italie.

Son ennemi, Pierre III d’Aragon ne lui survécut pas beaucoup : le 11 novembre
1285, il rendit l’âme, laissant l’Aragon à son fils aîné, Alphonse III, et la Sicile au cadet
Jacques II. À la suite de ces successions, deux grandes dates sont à retenir : le 20 juin
1295, avec le traité d’Anagni et le 31 août 1302 avec la paix de Caltabellotta qui mit fin
à la « Guerre des vingt ans ».

LE TRAITÉ D’ANAGNI

Le traité d’Anagni est une sorte de marché entre les grands royaumes en guerre
et la papauté aux dépens des Siciliens. Pour comprendre cela, il faut revenir au royaume
d’Aragon dont les successions sur le trône se précipitèrent. Peu après avoir succédé à
son père, Alphonse III disparaissait à son tour, en 1291, sans descendance, et c’est
naturellement son frère, celui-là même qui était le roi de Sicile, Jacques II, qui monta
sur le trône d’Aragon. Sans renoncer à Palerme, il nomma comme lieutenant de Sicile
son frère Frédéric. Mais, entre 1291 et 1295, Jacques II commença à changer de
politique. La guerre contre les Anjou et leurs alliés coûtait cher et le roi d’Aragon
cherchait une voie pacifique qui eut contenté tout le monde, sauf les Siciliens. Des
négociations furent menées entre les belligérants et le pape Boniface VIII. En substance,
Jacques II et Charles II remettaient entre les mains du pape le royaume de Sicile. En

LES VÊPRES SICILIENNES - 26


contrepartie, le pape levait l’excommunication du roi d’Aragon et lui remettait la
couronne de Sardaigne et de Corse, royaume qui n’existait pas encore67. Le traité fut
signé le 20 juin 1295 avec pour conséquence immédiate la fin des hostilités entre
Barcelone et Naples et le retour de Palerme dans l’escarcelle angevine.

Mais si Barcelone entendait se débarrasser de la Sicile à bon compte, les


Siciliens, eux, n’avaient aucune envie de retrouver la situation antes, c’est-à-dire d’être
gouvernés par un roi angevin établit à Naples. Dans un premier temps, le 11 décembre
1295, réunis en parlement à Palerme, les Siciliens nommèrent Frédéric d’Aragon
« signore di Sicilia ». Puis, le 15 janvier 1296, les barons et les représentants des
grandes villes, en assemblée à Catane, le proclamèrent roi de Trinacrie. Le
couronnement eut lieu le 24 mars suivant. La Sicile avait un nouveau roi, les hostilités
pouvaient reprendre, avec un ennemi de plus : l’Aragon. La résistance de Frédéric III et
des Siciliens fut héroïque pendant les années qui suivirent : les batailles s’enchaînaient,
quelquefois dramatiques pour la Sicile, mais jamais le coup fatal ne put être porté. Si
bien que la seule solution fut de négocier la paix.

LA PAIX DE CALTABELLOTTA

En 1302, vingt ans après les Vêpres siciliennes, la paix fut enfin signée, malgré
le pape qui jusqu’au bout alimenta en deniers la levée de nouvelles armées. Il
convainquit Charles de Valois, frère du roi de France Philippe le Bel, de mener une
expédition en Sicile. Fin mai 1302, avec une armée forte de près de trente mille
hommes, il débarqua près de Termini Imerese, à quarante kilomètres de Palerme. Cette
force aurait dû permettre de mettre à genou Frédéric III. Celui-ci observait l’ennemi
depuis Polizzi, sur les hauteurs du massif des Madonies. Il n’eut pas grand-chose à faire,
sinon à attendre que la chaleur estivale fît son œuvre sur l’armée française. Et, en effet,
des conflits entre soldats italiens et français qui composaient la troupe de Charles de
Valois firent de nombreux morts. Quelques vaines tentatives de faire tomber des villes
proches de Palerme ruinèrent un peu plus le moral des Français. Enfin des difficultés
d’approvisionnement, des épidémies et des événements en France finirent par
convaincre le frère du roi de France de mettre fin au conflit 68. Entre le 24 et le 31 août
67
Avec cette licentia invadendi, Boniface VIII, entendait mettre fin aux quatre Giudicati sardi, qui chacun
gouvernait une région de Sardaigne. La guerre se serait ainsi déplacée de Sicile vers les deux autres
grandes îles de la Méditerranée, la Sardaigne et la Corse. Toutefois, l’entreprise mit plusieurs dizaines
d’années avant que le nouveau royaume fût soumis.
68
Un autre élément à ne pas négliger dans ce renoncement à la guerre en Sicile tenait à la politique fran-
çaise. Le désaccord de Philippe le Bel avec le pape sur une question d’autorité (bulle Unam Sanctam) ren-

LES VÊPRES SICILIENNES - 27


des rencontres avec Frédéric III permirent de rédiger un traité de paix. Signé le 31 août
dans un château sur la route qui sépare Caltabellotta de Sciacca, sur la côte sud de l’île,
le traité donna satisfaction à Frédéric mais hypothéqua le futur de la Sicile. L’accord
créait le royaume de Trinacrie qui revenait à Frédéric III, lequel devait céder au roi de
Naples69, en contrepartie, les positions acquises en Calabre. Mais, toujours selon
l’accord, Frédéric n’obtenait le royaume de Trinacrie qu’en viager. À sa mort, la
Trinacrie devait disparaître et la Sicile être réunie à Naples. L’accord vola très vite en
éclat lorsqu’un héritier naquit à Palerme qui prit le nom de Pierre II de Sicile. Et
commencèrent très vite, en 1314, de nouveaux combats pour la possession de l’île, les
Anjou n’étant pas disposés à renoncer au trône de Palerme.

LE COMBAT DES CHEFS

L’idée d’un duel entre les deux rois germa dans l’esprit de Charles I er dès la fin
de l’année 128270. La guerre qui ne faisait que commencer avait déjà provoqué de
grandes pertes sans pourtant donner un avantage à l’un ou l’autre camp. Charles ne
parvenait pas à reconquérir la Sicile et Pierre s’épuisait à défendre sa couronne. Le roi
angevin décida en conséquence d’envoyer un émissaire, un moine, Simon de Lentini,
proposer au roi d’Aragon, un combat facie ad faciem entre les deux souverains sur un
terrain neutre. Méfiant, Pierre III accepta tout en prévenant que la guerre se poursuivrait
jusqu’au jour du duel. La date fut fixée au 1er juin de l’année suivante à Bordeaux,
capitale du duché d’Aquitaine sous domination anglaise. Il était difficile pour les deux
belligérants de se soustraire à ce pacte qui confiait à l’autorité suprême, Dieu, le
jugement dans ce conflit. Un combat singulier, à armes égales devait forcément
déboucher sur une décision divine : le gagnant pouvait dès lors se revendiquer roi de
Sicile par la volonté divine. Les deux rois, très pieux, semblaient y croire bien qu’en
réalité le combat ne pouvait pas être équitable. Pierre d’Aragon était âgé d’un peu plus
de quarante ans, en pleine possession de ses moyens physiques, alors que Charles

dait difficile la présence de Charles de Valois en Sicile au nom même de ce pape. Par ailleurs, les difficul-
tés de la France en Flandres nécessitaient que Charles rejoignît son pays pour rétablir l’ordre.
69
Selon l’accord de paix de Caltabellotta, la création du royaume de Trinacrie comprend la Sicile et
toutes les petites îles qui l’entourent. Le royaume de Sicile est quant à lui réduit au sud de l’Italie conti-
nentale avec pour capitale Naples, mais par commodité, on dit le plus souvent royaume de Naples.
70
Charles estimait qu’il avait « gagné » le royaume de Sicile par la force et au nom du pape, et Pierre III
s’en estimait le légitime héritier (au nom de son épouse, descendante en ligne directe des rois souabes de
Sicile).

LES VÊPRES SICILIENNES - 28


d’Anjou en avait déjà cinquante-six, ce qui pour l’époque était relativement âgé. Mais la
croyance dans le jugement de Dieu réduisait à peu de chose cette inégalité des forces.

D’autres éléments vinrent ébranler leurs certitudes : le roi d’Angleterre,


Édouard Ier, voyait venir ce duel sur ses terres d’un très mauvais œil ; les Siciliens n’en
voulaient pas non plus, l’idée que leur sort fût lié à un simple combat de chefs les
effrayait ; le pape lui-même n’en voulait pas. Si Dieu devait s’exprimer, c’est par son
représentant sur terre que cela devait se faire. Sinon quelle serait son utilité si on pouvait
s’en remettre directement à Dieu ? Il fit interdiction à Charles de combattre et à Édouard
d’Angleterre d’accueillir ce combat sur ses terres.

Toutefois, les deux rois firent mine de vouloir poursuivre le processus. Charles
remit à son fils la régence de ses terres italiennes et commença, très lentement, son
voyage vers Bordeaux. Il fit une visite de ses fiefs, un arrêt à Rome, un autre à Paris où
son neveu le roi de France l’accueillit en grandes pompes. De son côté, Pierre d’Aragon
pensait nécessaire de conforter sa situation militaire avant de se mettre en route et
investit Reggio de Calabre. Pour mettre en bon ordre ses affaires siciliennes, il nomma
son épouse, Constance, régente du royaume de Sicile, aidée par Alaimo de Lentini,
« grand justicier » (premier ministre), Giovanni da Procida, « grand chancelier »
(rédaction des documents), et Roger de Laurie, « grand amiral ». Après cela, il se mit en
chemin sans négliger de visiter la moindre de ses terres. Vers la fin mai il quitta Valence
en Espagne pour se présenter modestement sur le lieu du duel. Charles arriva également,
mais accompagné du roi de France et de nombreux chevaliers. Le 1 er juin approchait.
Un terrain fut trouvé, mais le roi d’Angleterre détourna le regard et ne délivra pas de
sauf-conduits aux protagonistes. Quand le jour du combat arriva, chacun alla sur le
terrain, mais comme judicieusement on avait oublié de fixer une heure précise pour la
rencontre, Pierre s’y rendit le matin, fit constater par sa délégation que son opposant n’y
était point et qu’en conséquence la victoire lui revenait. Charles, lui, s’y rendit l’après-
midi, et pareillement fit constater qu’il était vainqueur par abandon. Dieu n’ayant pu
désigner un vainqueur, il fallait bien que la guerre continue et le pape le premier s’y
employât.

LES VÊPRES SICILIENNES - 29


1.2 Les puissances étrangères dans l’action
Les Vêpres siciliennes ont immédiatement déclenché les machines de guerre de
nombreux pays européens, ou tout au moins les ont impliqués fortement, du détroit du
Bosphore à la Seine. Un signe que cette guerre occupait tous les esprits se trouve dans la
chronique florentine contemporaine de Giovanni Villani, écrite à partir de 1322 : sur la
partie qui traite de la période de la guerre arago-angevine, presque tous les textes y sont
consacrés71. Vincenzo d’Alessandro écrivait à ce sujet, en 196372 :

«Ma col Vespro la questione siciliane assurgeva a problema


internazionale alla cui risoluzione parevano improvvisamente
interessati gli Stati tutti dell’Occidente mediterraneo, direttamente o
indirettamente chiamati in causa dall’antagonismo angioino-
aragonese. »viii

1.2.1 Les États du pape


La première des puissances, parmi les plus belliqueuses, et cela depuis
l’installation des Hohenstaufen sur le trône de Sicile, c’est Rome. Pour la papauté, la
conquête de l’Italie du sud par les Allemands fut la conquête de trop : il était hors de
question que le pouvoir des empereurs souabes s’étendît au Mezzogiorno italien, alors
que des luttes entre gibelins, attachés aux empereurs du Bade-Wurtemberg, et guelfes,
parti du pape et de la dynastie des Welf, gangrénaient les principales villes d’Italie. Les
XIIe et XIIIe siècles peuvent être regardés au prisme de cette guerre entre les deux
maisons allemandes pour le contrôle du Saint Empire Romain. À la mort sans héritier,
en 1125, d’Henri V, empereur des Romains, les deux grandes familles allemandes
tentèrent de s’emparer du pouvoir, les Welf dans la soumission au pape, les
Hohenstaufen en déclarant la suprématie de l’empire sur le chef de l’église. C’était une
position inacceptable pour Rome qui lutta avec beaucoup d’acharnement contre les
Souabes, particulièrement en Sicile, jusqu’à la disparition de la dynastie dont le dernier
représentant, Conradin, petit-fils de l’empereur Frédéric II, fut exécuté comme ennemi
de l’Église, à l’âge de 18 ans, par Charles Ier d’Anjou73. La cruauté du roi angevin s’était

71
Giovanni VILLANI, Nuova Cronica [en ligne], vol. 3, Fondazione Pietro Bembo, Parma, Ugo Guanda,
1991, URL : http://www.letteraturaitaliana.net/pdf/Volume_2/t48.pdf, consulté le 12 novembre 2018.
72
Vincenzo D’ALESSANDRO, Politica e società nella Sicilia aragonese, Palermo, U. Manfredi, 1963.
73
Giuseppe DEL RE, Cronisti e scrittori sincroni napoletani, vol. 2, Napoli, Stamperia dell’Iride, 1868.
La chronique de Bartolomeo da Neocastro, page 425, relatant l’exécution de Conradin, a des accents ex-
trêmement émouvants.

LES VÊPRES SICILIENNES - 30


exercée également contre les Romains qui avaient fait un bon accueil à Conradin lors de
son passage et l’avaient accompagné jusqu’au champ de bataille fatal de Tagliacozzo,
dans la province de l’Aquila : réfugiés dans la ville voisine de Scurcola, les Romains
furent faits prisonniers puis massacrés. Dans un poème en prose, en 1879, Domenico
Ciampoli, fait parler les mémoires de ses contemporains lesquels avaient reçus par
transmission orale, de génération en génération, l’horreur de cette bataille, dans un
poème qui prit la forme d’une légende74 :

«I campi erano pieno di morti e si combatteva ancora. Corradino era


sulle prime file: pareva un arcangelo che fulminasse i nemici. Ma
non scorgeva speranza di vittoria, tranne che morendo; e il re
giovinotto voleva morire. »ix

Derrière Charles d’Anjou et sa politique expansionniste, il faut voir la main du


pape. Rome voyait dans ce frère de saint Louis le descendant de Charlemagne, ce qui lui
conférait une sorte de légitimité à concurrencer les « prétendus » empereurs du Bade-
Wurtemberg et à s’emparer de certains des titres de ces derniers, comme ceux de roi de
Sicile et roi de Jérusalem. Malgré une inquiétude soupçonneuse devant l’ambition hors
de contrôle de Charles, les papes ne changèrent pas de politique et fournirent l’argent
nécessaire à la guerre contre les Aragonais, assimilés par Rome aux Hohenstaufen, ce
qu’était Pierre III par son mariage avec une descendante directe de Frédéric II. À partir
du milieu du XIIIe siècle, le pape et ses familiers disposèrent de beaucoup d’argent car
se mit en place un système de « cadeaux » obligatoire à l’occasion des demandes
d’audience. Des chroniques de l’époque disent clairement que les sommes étaient si
importantes que certains repartaient ruinés ou presque, sans garantie d’obtenir ce qu’ils
étaient venus chercher75. Toutefois, à la toute fin du siècle, pendant le pontificat de
Boniface VIII, Rome commença à perdre de son autorité. Et c’est Philippe le Bel qui
marqua le premier et de manière astucieuse sa résistance au pape. Pour éviter que
l’église française n’alimentât Rome, tout en respectant la bulle papale qui interdisait aux
souverains de taxer les prélats, il ordonna que personne dans le royaume n’avait le droit
d’exporter argent et biens précieux. Boniface dut s’incliner et autorisa le pouvoir
français à taxer les prélats en cas de nécessité76.
74
Domenico CIAMPOLI, « Il poema di Corradino (Leggende abruzzesi) », dans Il gazzetino letterario di
Lecce, vol. 2, Lecce, Scipione Amirato, 1879.
75
Agostino PARAVICINI BAGLIANI, La cour des papes au XIIIe siècle, Paris, Hachette, 1995.
76
« L’établissement d’un souverain vassal du Saint-Siège en Sicile semble mettre fin aux croisades poli-
tiques ; Grégoire X (1271-1276) manifeste un intérêt sincère pour la Terre sainte. À la mort du pape, les

LES VÊPRES SICILIENNES - 31


Par ailleurs, Boniface, malgré ses tentatives de rendre son trône de Sicile à
Charles II d’Anjou, dut là aussi s’incliner. Le traité d’Anagni qui semblait donner
Palerme aux Angevins fut vite balayé et le pape finit par accepter ce qui devint la paix
de Caltabellotta. Non seulement la Sicile fut perdue définitivement pour les Anjou
(malgré une clause permettant leur retour après la mort de Frédéric III), mais ils
perdirent également le trône de Naples, en 1442, qui revint à Alphonse V d’Aragon.

Le pape Boniface, avant de quitter ce monde, voulut un dernier coup d’éclat, et


commanda à Charles II de mener une croisade contre Lucera, dans les Pouilles. Il
s’agissait de se débarrasser définitivement de la population arabe déportée là par
Frédéric II. En 1300, l’année du tout premier jubilé de l’histoire chrétienne, Lucera fut
totalement rasée, ses habitants en grande partie massacrés et les survivants vendus sur le
marché des esclaves.

Ce fut une fin peu glorieuse pour ce pape que Dante rangea en Enfer parmi les
simoniaques. La France se prépara quelques semaines avant la mort de Boniface à
organiser un concile afin de le destituer pour l’assassinat de son prédécesseur, violation
du secret confessionnel, négation de l’immortalité de l’âme, simonie, hérésie,
sodomie… Tandis qu’à Rome, sa faiblesse le laissa aux mains des Colonna dont il fut le
captif violemment humilié durant ses derniers jours de vie.

Tout n’est certes pas conséquences des Vêpres siciliennes, mais celles-ci ont
contribué fortement à ce nouvel état dans lequel était plongé la papauté qui perdit pas
mal d’autorité sur les monarchies européennes après l’épuisante « Guerre des vingt
ans ». Runciman, dans la préface de son livre Les Vêpres siciliennes77, écrit :

«[…] è la storia del graduale suicidio della più grandiosa


concezione del Medioevo: la monarchia universale del papato. »x
projets avortent ; Charles d’Anjou obtient au contraire de Martin IV le financement d’une croisade contre
Byzance. La révolte des Vêpres siciliennes (1282) arrête, à son tour, la réalisation de ce plan en mettant
fin à la domination angevine sur l’île. Une nouvelle croisade est organisée contre le roi Pierre III d’Ara -
gon, auquel les rebelles ont offert la couronne de Sicile. L’Aragon est offert en fief pontifical à un fils du
roi de France, et l’expédition est financée par des décimes levées dans le Royaume. La croisade d’Aragon
échoue devant Gérone (1285). C’est la dernière des grandes croisades politiques. Dans les luttes qui vont
suivre entre le pape et le roi de France, Philippe le Bel, croisade et accusations d’hérésie ne seront plus de
part et d’autre que prétextes à levées de taxes et propagande. La politique pontificale a ainsi préparé des
instruments qui se retourneront contre elle et surtout privé tout au long du XIII e siècle la Terre sainte du
secours de nombre d’hommes et quantité d’argent. » Cécile MORRISSON, « Chapitre III. Les croisades du
XIIIe siècle : déviations et impuissance » [en ligne], dans Les croisades, 12e éd., Paris, Presses Universi-
taires de France, coll. « Que sais-je ? », 2020, URL : https://www.cairn.info/les-croisades--
9782715403024-p-50.htm, consulté le 20 août 2020.
77
Steven RUNCIMAN, Les vêpres siciliennes : une histoire du monde méditerranéen à la fin du XIIIe
siècle, op. cit.

LES VÊPRES SICILIENNES - 32


1.2.2 La France
Par solidarité avec les Anjou, par fidélité au pape, la France des Capétiens, de
Louis IX à Philippe IV fut d’un soutien constant à la politique des rois français de
Sicile. Dès la période de conquête du sud de l’Italie, des Français contribuèrent à grossir
l’armée angevine. Nous ne parlons ici que des sujets du roi de France ; l’autre partie de
cette armée était composée de Provençaux, d’Angevins et de Mainiots, sujets de Charles
d’Anjou.

Saint Louis fut probablement la première victime importante de cette solidarité


avec les Anjou. Lors de son départ en croisade, c’est en faisant un détour par Tunis, très
vraisemblablement à la demande de son frère, Charles I er d’Anjou, afin de recouvrer le
tribut que l’émir de Tunisie avait cessé de verser 78, que le roi français mourut du typhus
et de dysenterie. C’était le 25 août 1270 alors que la Sicile était angevine depuis quatre
ans.

L’action de la France se manifesta à nouveau après les Vêpres. Nous l’avons


écrit plus avant, un courrier de Charles à son neveu, Philippe III, dès le mois d’avril
1282, soit quelques jours après la révolution de Palerme, l’informait que des mesures
allaient être prises contre les rebelles. Une deuxième missive, plus alarmante, fut
envoyée au roi de France, après la révolte de la dernière ville sicilienne, Messine, cette
fois pour supplier qu’on envoie argent et forces militaires afin de constituer une grande
armée de reconquête composée de plus de trente mille hommes. À la tête de cette aide
française, se trouvaient les deux frères du roi Philippe le Hardi, Pierre d’Alençon et
Robert d’Artois (ce dernier devint en 1285 le régent du royaume de Naples pendant
deux ans), ainsi que de nombreux seigneurs de la cour de France.

Si, lors de la révolte des Siciliens, Charles était enclin à penser qu’il s’agissait-là
d’un mouvement local, Philippe III était persuadé, à juste titre, que dernière tout cela il
y avait l’Aragon. Une ambassade partie de Paris s’était rendue auprès de Pierre III
d’Aragon pour le prévenir qu’une action contre Naples déclencherait une guerre franco-
aragonaise. Cette guerre eut lieu, mais en 1284. La France la voulait et le pape Martin
IV la justifia : il déclara la guerre « sainte » (le roi d’Aragon était déjà excommunié
depuis 1282), retira sa couronne à Pierre III, son vassal, et la remit à Charles de Valois,
fils de Philippe III et d’Isabelle d’Aragon.
78
Des recherches récentes permettent de douter de cette version des faits, sans toutefois pouvoir les dé-
mentir. Charles LONGNON, « Charles d’Anjou et la croisade de Tunis », Journal des savants, 1974.

LES VÊPRES SICILIENNES - 33


Après les premières conquêtes en Roussillon, l’armée du roi de France mit le
siège, en 1285, devant Gérone. Mais le harcèlement de petites unités terrestres contre les
Français, la puissante flotte aragonaise et l’épidémie de dysenterie eurent raison de
l’expédition française. Philippe le Hardi, lui-même touché par la maladie, ordonna la
retraite, et mourut à Perpignan le 5 octobre 1285.

1.2.3 L’Aragon
Pierre III, mourut peu de temps après le roi français, le 11 novembre 1285. La
succession redistribua les cartes, mais pour quelques mois seulement. Cette année 1285
vit mourir les principaux acteurs du conflit sicilien : les rois Philippe III, Charles Ier,
Pierre III et le pape Martin IV.

Pour l’Aragon, l’entrée dans le jeu date d’avant la révolte de Palerme. Pierre III,
bien que feudataire du pape, n’était pas disposé à laisser la couronne de Sicile à Charles
d’Anjou, comme l’avait décidé son suzerain. Il avait de bonnes raisons à cela : son
épouse, la reine Constance était une Hohenstaufen, petite-fille de l’empereur Frédéric II,
donc, du point de vue aragonais, héritière du trône de Sicile. À la cour d’Aragon, dès
1269, au temps du règne de Jacques Ier, on cherchait des alliés du côté des gibelins de
Lombardie et de Toscane prétextant du droit de l’infant Pierre à la couronne de Sicile
qui ad se dicit pertinere pro uxore eius79.

Conscient des forces en présence, Pierre III n’était pas convaincu qu’une action
directe et franche fût d’une grande efficacité. Il agit donc secrètement. Certes, la
formation d’une gigantesque flotte ne pouvait passer inaperçue aux yeux des autres
monarques. Le roi d’Aragon jura, chaque fois que la question lui était posée, que cette
flotte était destinée à la guerre contre les Maures, en Afrique. Le pape restait méfiant et
le roi de France soupçonneux. Seul Charles d’Anjou, tout à ses préparatifs de guerre
contre Constantinople80, ne voyait pas le danger venir.

Les événements d’avril 1282 en Sicile surprirent toutefois les Aragonais. S’ils
comptaient sur la révolte des Siciliens pour agir (ce qui tend par ailleurs à prouver qu’un
complot, au moins au niveau diplomatique, avait été décidé), ils ne s’attendaient pas

79
Salvatore TRAMONTANA, Gli anni del Vespro : l’immaginario, la cronaca, la storia, Bari, Edizioni
Dedalo, coll. « Storia e civiltà » 25, 1989.
80
Aude RAPATOUT, « Charles Ier d’Anjou, roi d’Albanie. L’aventure balkanique des Angevins de Naples
au XIIIe siècle » [en ligne], Hypothèses, vol. 9, n° 1, 2006, URL : https://www.cairn.info/revue-hypo-
theses-2006-1-page-261.htm, consulté le 12 juin 2020.

LES VÊPRES SICILIENNES - 34


qu’elle explose si tôt. Pierre III envisageait plutôt de laisser partir la flotte ainsi que
l’armée angevine vers Constantinople pour ensuite attaquer le royaume de Sicile. Pris
de court, il attendit la fin des Vêpres puis accosta, le 31 août 1282, à Trapani. Ainsi put-
il poser sur sa tête la couronne que les Siciliens lui proposaient.

L’Aragon resta du côté des Siciliens jusqu’en 1295. Elle eut à lutter non
seulement sur les terres du Mezzogiorno italien, mais également sur son sol contre
l’armée française à laquelle s’était allié le propre frère du roi aragonais, Jacques II, roi
de Majorque. Après 1295 et une nouvelle succession à Barcelone (en 1291), l’Aragon
passa dans le camp adverse et mena la guerre aux côtés des Anjou contre le roi que
s’étaient choisis les Siciliens, Frédéric III, frère du roi d’Aragon.

Malgré cette coalition franco-aragonaise, la résistance des insulaires ouvrit la


voie à la paix de Caltabellotta.

1.2.4 L’Italie du nord


Les grandes villes de l’Italie du nord fournirent durant cette période des
contingents de soldats à l’un ou à l’autre des belligérants, selon que la cité fût guelfe ou
gibeline. Mais le plus souvent ce furent des villes guelfes qui fournirent des hommes en
arme à Charles. Les papes successifs promettaient des indulgences plénières 81 aux
guelfes qui s’engageraient dans cette « croisade » contre les Siciliens et leur roi
excommuniés. Ainsi Michele Amari note dans La Guerra del Vespro siciliano82 :

Aggiunsevi mille Saracini di Lucera, co’ fanti e’ cavalli di Firenze e


d’altre città guelfe di Lombardia e Toscana; i Francesi, tra vassalli e
stipendiati, furono il nerbo dell’esercito. Genova e Pisa mandaron
galee.xi

Au cours du XIIIe siècle, les villes du nord connurent plusieurs revirements,


basculant alternativement aux mains des factions guelfes ou gibelines. Lors de la prise
de pouvoir de Charles d’Anjou, de nombreux gibelins formèrent une sorte de diaspora

81
Avec « l’invention » du purgatoire, les indulgences deviennent plus nombreuses à partir du XIIIe siècle.
L’indulgence permettait d’éviter une pénitence terrestre après un péché, sans pour autant l’expier au pur-
gatoire. Cette assurance pour le paradis avait un coût dont les papes fixaient le montant à leur conve -
nance. Ce coût pouvait aller jusqu’à la mort au combat, mais au Moyen-Âge, la peur du purgatoire était
plus forte que la peur de la guerre.
Charles Marie de LA RONCIÈRE, « Les concessions pontificales d’indulgences d’Honorius IV à Urbain V
(1285-1370) : leur portée pastorale. Jalons pour une enquête » [en ligne], dans Religion et mentalités au
Moyen Âge : mélanges en l’honneur d’Hervé Martin, Rennes, Presses Universitaire de Rennes, 2015,
URL: https://books.openedition.org/pur/19837?lang=it, consulté le 15 avril 2020.
82
Michele AMARI, La Guerra del Vespro Siciliano, Palermo, Flaccovio, 1969, p. 151.

LES VÊPRES SICILIENNES - 35


et, plus tard, vinrent tout naturellement renforcer l’armée de Pierre III dans ses batailles
pour garder la Sicile.

Les Vêpres siciliennes ne firent qu’empirer une situation que l’ensemble des
villes d’Italie connaissait depuis des décennies.

1.2.5 Constantinople
L’empire byzantin, bien malgré lui, fut contraint de participer à sa manière à la
révolte des vêpres. Victime depuis plus d’un siècle des attaques occidentales,
Constantinople était devenue une proie facile, et c’est cette faiblesse causée par
l’Europe qui signa la fin de l’empire romain d’orient en 1453 devant les Ottomans. Mais
au XIIIe siècle, le dernier grand empereur byzantin Michel VIII Paléologue avait repris
Constantinople aux Francs, défait l’éphémère Empire latin d’Orient (1204-1261) pour
reconstituer l’Empire romain d’Orient. Il s’était fait couronner empereur à Sainte-
Sophie. La capitale, après ces soixante ans de règne franc était en ruine, et avant même
de songer à renforcer ses frontières, Michel VIII procéda à la rénovation de la ville83.

Cette reconstitution de l’Empire d’Orient n’était pas du goût de Charles d’Anjou


dont l’ambition était de renverser l’empereur Michel, de reformer l’Empire latin et de
restituer au français Baudouin II de Courtenay sa place d’empereur, à condition qu’il
devînt son vassal sur quelques grandes provinces de l’empire. Après la bataille de
Tagliacozzo, en 1268, Charles commença son offensive contre Byzance. Il investit tout
d’abord l’Albanie dont il s’était proclamé roi, puis l’Épire. C’était en quelque sorte une
manière de baliser, pour un futur proche, une route vers Constantinople 84. De retour à
Naples, il s’employa à créer des alliances avec les royaumes d’Europe centrale puis
constitua une flotte de guerre.

Ce sont finalement différentes péripéties qui retardèrent à chaque fois sa guerre


contre Michel Paléologue : 1269, siège de Lucera ; 1270, départ de croisade de saint
Louis qui perdit la vie devant Tunis le 25 août ; le 22 novembre de la même année, une
tempête au large de Trapani détruisit en partie ses navires qui faisaient route vers
Constantinople ; puis des troubles en Italie du nord l’empêchèrent de partir… 85 De son

83
Jacques HEERS, Chute et mort de Constantinople (1204-1453), Paris, Perrin, 2005.
84
Aude RAPATOUT, « Charles Ier d’Anjou, roi d’Albanie. L’aventure balkanique des Angevins de Naples
au XIIIe siècle » [en ligne], Hypothèses, op. cit.
85
Florence SAMPSONIS, « La place de la Morée franque dans la politique de Charles Ier d’Anjou (1267-
1285) », Revue des études byzantines, n° 69, 2011.

LES VÊPRES SICILIENNES - 36


côté, l’empereur Michel, davantage diplomate que chef de guerre, s’employait à
empêcher la « croisade » de Charles contre son empire. Des négociations avec Louis IX
avait convaincu ce dernier à ne pas s’allier à son jeune frère, roi de Sicile. Des
pourparlers avec la papauté sur une réunification des églises orthodoxe et catholique
freinaient également les ambitions de Charles qui avait déjà négocié la couronne
impériale si la dynastie des Courtenay, qu’il voulait remettre sur le trône, venait à
s’éteindre. L’an 1282 approchait, le roi de Sicile avait pu finalement constituer sa flotte
et son armée d’invasion, quand les Vêpres vinrent tout faire échouer.

La conspiration du lundi de Pâques 1282 n’était pas que le fait des Siciliens.
Nous verrons plus loin le rôle qu’a pu y jouer Giovanni da Procida, qui traitait d’une
part avec l’Aragon pour une action militaire, mais aussi avec Constantinople qui fournit
les deniers de la révolte. Ce fut pour l’Empire d’Orient le moyen qu’il avait de
participer à ce conflit dont le but, pour lui, était d’affaiblir Charles I er et d’éviter ainsi
une guerre aux portes de Constantinople.

1.3 Le destin brisé des Anjou


Après la révolte de Palerme, c’est tout un monde qui s’écroule. La maison
d’Anjou qui s’était taillé la première place parmi les puissances européennes, au point
d’éveiller la méfiance de son principal allié, le pape, voyait ses ambitions fondre, son
territoire rétrécir et son pouvoir contesté. La dynastie offrit pourtant des couronnes à ses
descendants : Naples, Jérusalem, Hongrie, Pologne, Albanie, Morée.

Le premier des Anjou, Charles, frère de saint Louis, était destiné à la religion.
Dernier né de la fratrie, son destin ecclésiastique s’évanouit après la mort de deux de ses
frères : il fallait bien répartir les domaines de la maison royale. Ainsi Louis devint roi de
France ; Robert prit l’Artois ; à Alphonse revint Poitiers, la Saintonge, l’Auvergne et
Toulouse ; enfin Charles réunit sous son autorité le Maine et l’Anjou, deux comtés qui
n’auraient pas permis d’envisager un destin européen, qu’il reçut en cadeau de noce lors
de son mariage avec Béatrice de Provence. Grâce à cette union, il put ajouter les
comtats de Provence, avec ses villes libres de Marseille, Arles, Avignon…, et de
Forcalquier. Ce comté de Provence était riche de promesses. Encore fallait-il mettre au
pas les grandes villes presque indépendantes. Charles avec persévérance mit en place

LES VÊPRES SICILIENNES - 37


une administration solide. Les villes de Provence, d’abord hostiles, devinrent avec le
temps un réservoir bienveillant en hommes et en argent86.

C’est précisément pour cette raison, à savoir la puissance du comté de Provence,


mais pas seulement, que le pape français Urbain IV, en 1262, proposa la couronne de
Sicile à Charles. Son prédécesseur, Innocent IV, dix ans auparavant avait déjà proposé
le trône au frère du roi d’Angleterre, Richard de Cornouailles, sans succès. L’année
suivante, en 1253, la même proposition fut faite à Charles. Le roi Louis IX y était
opposé et Charles lui-même n’avait pas encore maté la Provence. Les années soixante
du XIIIe siècle étaient plus propices à la conquête de la couronne sicilienne. Car cette
couronne, il fallut la conquérir : elle était posée sur la tête de Manfred, fils illégitime de
Frédéric II, qui entendait bien la conserver. Face à face se retrouvaient deux rois qui se
sentaient légitimes à régner sur le sud de l’Italie. L’Allemand en tant que descendant
des Hohenstaufen, dont son ancêtre, Frédéric Barberousse, avait fait canoniser
Charlemagne afin de légitimer son titre impérial et surtout revendiquer son
indépendance vis-à-vis de Rome ; le Français en tant que descendant de Charlemagne,
donc digne d’accéder au titre impérial. Charles d’ailleurs évitait de faire référence à sa
famille capétienne, préférant largement invoquer ses origines carolingiennes. C’est ce
que l’on remarque dans

[…] le discours tenu par Charles à ses hommes la veille de la


bataille de Bénévent. Le roi inscrit son action dans celle de
Charlemagne, défenseur de l'Église et de la foi : aucune référence
n'est faite aux Capétiens ; la comparaison était pourtant tentante
avec la geste de Philippe Auguste, luttant à Bouvines contre un
empereur excommunié, épisode pourtant central du légendaire
capétien. Ne voit-on pas, quelques années plus tard, dans la Bible
dite de Malines, rédigée au temps de Robert le Sage, Charlemagne
couronner directement Charles d'Anjou, comme si, entre l'empereur
et l'Angevin, il n'y avait aucun intermédiaire, aucun indice d'une
dépendance ? L'idéologie carolingienne, outre bien évidemment sa
valeur anti-gibeline et impériale, permet de court-circuiter
habilement le fait que les Angevins sont une branche dépendante de
la maison capétienne.87

86
AA. VV., Les Princes angevins du XIIIe au XVe siècle ; un destin européen, op. cit.
87
Patrick GILLI, « L’intégration manquée des Angevins en Italie : le témoignage des historiens », dans
L’État angevin. Pouvoir, culture et société entre XIIIe et XIVe siècle, vol. 245, Roma, École Française de
Rome, 1995.

LES VÊPRES SICILIENNES - 38


Avec la puissance de la Provence derrière lui, l’appui moral et financier du pape,
l’aide militaire de la France et des villes guelfes d’Italie, la conquête du royaume de
Sicile se régla en quelques escarmouches et une bataille décisive. Elle se déroula le 26
février 1266 à Bénévent et Manfred y perdit la vie88. Deux ans plus tard, la mainmise
sur le royaume de Sicile s’achevait avec l’exécution de Conradin, l’ultime prétendant au
trône des Hohenstaufen.

Le jugement et la mise à mort de Conradin provoquèrent la


réprobation en Europe. Pour Dante, qui écrivit un siècle plus tard,
Conradin fut une victime innocente.89

L’ambition de Charles, ne cessa pas avec ce nouveau territoire. Il était devenu


l’un des princes les plus redoutables d’Europe. En tant que défenseur de la papauté,
celle-ci lui offrit son soutien dans ses entreprises, excepté sous le pontificat de Nicolas
III qui lui retira la charge de sénateur de Rome, de vicaire impérial de Toscane et de
Lombardie et autorisa secrètement Pierre III à prendre la Sicile 90. Dans son royaume
italien, de nombreux Français le suivirent afin d’établir une administration, digne
héritière et plus moderne que celle des Hohenstaufen. Des soldats également, mais aussi
des poètes, comme l’Arrageois Adam de la Halle qui commença un poème dédié à
Charles91 :

C’est dou bon roy Charlon, le seigneur des seignours,


Par cui li drois estas de le foi est ressours,
Qui fu rois de Sézile et de Puille et d’ailleurs,
Et de royal lignie ensieur les anchissours
Et de chevalerie est chiex et dieus et flours.

Après la Sicile, Charles tourna son regard vers l’Orient. Il se proclama roi de
l’Albanie qui était sur le chemin de Constantinople ; puis prince de Morée (ou Achaïe,
88
Dans son Purgatoire, Dante rencontre Manfred qui lui raconte comment, avec l’accord du pape,
l’évêque de Cosenza a violé son tombeau, s’est emparé de sa dépouille pour l’ensevelir hors du royaume,
dans un lieu toujours inconnu. Dante ALIGHIERI, La Divine Comédie. Purgatoire, Arles, Actes Sud, 2018,
bilingue, trad. de Danièle ROBERT, chant III, v. 103-145.
89
Steven RUNCIMAN, Les vêpres siciliennes : une histoire du monde méditerranéen à la fin du XIIIe
siècle, op. cit. page 118. Le traducteur de Runciman commet une erreur de date : Dante n’a pas écrit un
siècle plus tard son Purgatoire, mais en 1314, soit à peine quarante-six ans après l’exécution de Conradin.
L’auteur avait écrit : « To Dante, writing half a century later, Conradin was an innocent… »
90
Jules MICHELET, Histoire de France, vol. 3, Livre V, chapitre I, Paris, A. Lacroix & G, 1876.
91
Adam de la HALLE, « Le roi de Sicile » [en ligne], dans Œuvres complètes, Paris-Genève, E. De Cous-
semaker, 1872, URL : https://openmlol.it/media/adam-de-la-halle/oeuvres-complètes-poésies-et-musique-
reproduction-en-fac-similé-adam-de-la-halle-publ-par-e-de-coussemaker/1369422, consulté le 22 février
2018.

LES VÊPRES SICILIENNES - 39


c’est-à-dire du Péloponnèse)92. L’idée du comte d’Anjou était de se tailler un grand
empire méditerranéen. Mais auparavant, il avait besoin de consolider ses possessions
italiennes, et notamment la Sicile. Dès le départ l’île s’était montrée rebelle. On aurait
tort de penser que les Vêpres sont un mouvement spontané du peuple, mais au contraire
ce fut l’aboutissement d’une longue maturation. Selon Enrico Pispisa93

Le origini del Vespro, per quel che riguarda almeno le sue


motivazioni di carattere interno, […] debbono essere quindi
individuate più indietro nel tempo : nelle epoca di Federico II, la cui
inflessibile lotta contro le prepotenze scompaginò poteri già
fortemente radicati nel regno e, con maggiore pertinenza, negli anni
di Manfredi, quando ad un baronaggio nuovamente in espansione,
fu opposta la rapace politica di ‘esproprio’ da parte di nobili
‘lombardi’ (i Lancia ed i loro seguaci), che con la loro azione
alienarono da Manfredi le simpatie, che pur in un primo momento
avevano mostrato i ceti nobiliari regnicoli nei confronti del giovane
svevo.xii

Puis, en 1266 les problèmes commencèrent avec le transfèrement de la capitale


de Palerme à Naples, mieux située pour servir les ambitions de Charles 94. Le chef-lieu
sicilien était encore trop marqué par les Hohenstaufen et les Siciliens demeuraient les
partisans de la dynastie allemande95. Deux ans après la conquête de l’île une première
rébellion secoua le territoire : des exilés gibelins incitèrent une partie de la noblesse
insulaire à la révolte.

Cette première révolte est destinée à laisser des traces profondes


dans l’île ; les Français ont dû assiéger Caltanissetta et Sciacca, la
répression est sévère, suivie de larges confiscations ; de plus, la
famine a frappé les Siciliens de 1269 à 1272. Appauvrie, privée de
ses archives fiscales, l’île souffre de l’arbitraire lors de la levée de
la subvention générale de 1271-1272. Mais les confiscations se sont
92
Dans sa titulature il faut également ajouter : sénateur de Rome, vicaire impérial de Toscane. Il contrôle
indirectement la Lombardie, il fait élire son fils roi de Sardaigne et une union matrimoniale lui confère
une autorité sur la Hongrie.
93
Enrico PISPISA, « Il problema storico del Vespro », dans Archivio Storico messinese, vol. XXXI, 3e
série, Messina, Società messinese di storia patria, 1980.
94
Giuseppe GALASSO, « Carlo I d’Angiò e la scelta della capitale », dans Napoli capitale identità politica
e identità cittadina studi e ricerche 1266-1860, Napoli, Electra Napoli, 2003.
95
Il est à noter que les champs siciliens sont restés le grenier à blé de l’entier royaume jusqu’en 1282. Mi-
chel de BOÜARD, « Problèmes de subsistances dans un État médiéval : le marché et les prix des céréales
au royaume angevin de Sicile (1266-1282) », Annales d’histoire économique et sociale, vol. 10, n° 54,
1938, consulté le 12 décembre 2019.

LES VÊPRES SICILIENNES - 40


étendues aussi à tous les partisans qui ont rejoint les forces de
Conradin dans le nord du royaume.96

Petit à petit, toutes les charges du royaume furent occupées par des Français, ce
qui attisa plus encore la haine des insulaires envers leur occupant. Pendant ces seize
années de pouvoir français tout concourait à ce qu’une simple étincelle fît exploser le
chaudron sicilien.

La Sicile perdue, c’est tout le rêve d’un empire méditerranéen qui


s’évanouissait. La strophe de Dante à valeur de prémonition, puisque jamais la Sicile ne
retourna aux Anjou :

La belle Trinacrie — que voile de fumée


Non point Typhée, mais le soufre qui sourd
De Pachine à Pélor, sur les bords de ce golfe
Qui de l’Eurus reçoit le plus d’assauts —
Aurait encore les rois qu’elle attendait,
Issus par moi de Rodolphe et de Charles,
Si le gouvernement mauvais, qui exaspère
En ce moment encor les peuples, ses sujets,
N’eût fait crier Palerme : « À mort ! à mort ! »97

1.4 Giovanni da Procida, diplomate ou conspirateur ?


Giovanni da Procida, diplomate ou conspirateur ? Peut-être un diplomate-
conspirateur. De nombreuses chroniques contemporaines et de nombreux historiens
s’accordent pour décrire l’activité diplomatique et conspirationniste du seigneur de
Procida98, mais il y a plus qu’un doute sur son action directe dans la révolte de 1282 99.
Le jour du 30 mars, au moment des vêpres, il semble bien que le seigneur Jean fût à la
cour d’Aragon, loin du tumulte. S’il avait organisé et participé à la révolte, sur place à
96
AA. VV., Les Princes angevins du XIIIe au XVe siècle ; un destin européen, op. cit.
97
Par la voix de Charles Martel, petit-fils de Charles I er et roi de Hongrie (mort en 1295), Dante décrit la
situation présente en Sicile (vers 1300). Plus loin Dante ajoute une supplique de Charles Martel à son
frère (encore prisonnier des Aragonais au moment de l’écriture de La Divine Comédie) dans laquelle il
l’enjoint de se méfier des avides Catalans, afin de mieux régner sur Naples. Dante ALIGHIERI, La Divine
Comédie, Paris, Bordas, 1993.
98
Alfredo ORIANI, La lotta politica in Italia, vol. 1, Firenze, Libreria della voce, 1921. L’historien ne cite
qu’une seule fois Giovanni da Procida et le qualifie de « il grande cospiratore ».
99
Francesco Paolo TOCCO, « Ideologia e propaganda nell’età del Vespro : lo scambio epistolare tra
Palermo e Messina secondo Bartolomeo di Neocastro », dans Comunicazione e propaganda nei secoli
XII-XIII, Messina, présenté à Comunicazione e propaganda nei secoli XII-XIII, Messina, Roma, Viella,
2007.

LES VÊPRES SICILIENNES - 41


Palerme, il n’aurait pas manqué d’informer Barcelone de ses intentions. Or l’émeute du
lundi de Pâque avait surpris les Aragonais qui durent changer de tactique. Par ailleurs, si
Procida avait mené une action directe à Palerme, cela l’aurait placé dans une mauvaise
posture vis-à-vis du roi Pierre, son protecteur aragonais, puisqu’il n’était pas dans les
plans de ce dernier qu’une révolte contrarie le processus qu’il avait imaginé, c’est-à-dire
attendre que Charles engage son armée et sa flotte contre Constantinople pour attaquer
le royaume de Sicile sans défense100. En raison de la révolte, Pierre III ne put prendre
que l’île et non la totalité du royaume.

Giovanni da Procida était médecin et diplomate 101 à la cour des Hohenstaufen,


« amico intimo di Federigo II »102, dès 1240. Mais ce médecin de réputation soignait
aussi certains prélats et le pape Clément IV lui-même à Rome. En 1266, au moment de
la chute de Manfred, Procida était encore à sa cour à Palerme puis aurait rejoint
subitement Rome. L’historien sicilien Michele Amari analysa cela comme une trahison,
citant une lettre du pape à Charles Ier dans laquelle il présente de manière ambiguë la
soumission de Giovanni da Procida. Version contestée dans un livre polémique où est
cité un autre courrier présentant le noble napolitain sous un autre angle 103, celui d’un
homme fidèle à ses convictions, un gibelin désireux que la couronne de Sicile fût posée
sur la tête de Pierre d’Aragon.

Manfred mort, Conradin mort, Giovanni da Procida se réfugia, comme de


nombreux gibelins italiens, à la cour de Jacques I er d’Aragon. De là il lui était plus facile
de monter son « complot » visant à obtenir du pape Nicolas III le trône de Sicile pour le
roi d’Aragon et une aide de l’empereur de Constantinople afin de financer un soutien
armé de la noblesse en Sicile au moment où la flotte aragonaise devait s’emparer du
royaume. La question demeure de savoir si le médecin salernitain a effectué réellement
tous les voyages que lui attribue la légende entre Rome, Constantinople, Palerme et

100
Dans un échange épistolaire que nous avons eu avec l’historien sicilien Pasquale Hamel, celui-ci écri-
vit : « la congiura è indipendente da Pietro d’Aragona. Essa è ordita dai nobili [siciliani] e dai bizantini,
quest’ultimi vogliono evitare che Carlo prenda il mare per raggiungere Bisanzio. »
101
À la fin de sa vie, il aurait écrit un essai philosophique, le Liber philosophorum moralium antiquorum,
qui ne fait aucune référence aux Vêpres siciliennes. Traduit en français autour de 1400 par Guillaume de
TIGNONVILLE, Les dits moraux des philosophes [en ligne], URL : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/
btv1b90616700.image, consulté le 12 juin 2020. Texte manuscrit.
Il écrivit également des ouvrages de médecine, dont le Utilissima Practica Medica  ; Salvatore DE RENZI,
Storia della medicina in Italia, vol. II, Napoli, Tipografia del Filiatre-Sebezio, 1845, p. 128.
102
Ermolao RUBIERI, Apologia di Giovanni di Procida, Firenze, Tipografia Barbera, Bianchi e C., 1856.
103
Ibid.

LES VÊPRES SICILIENNES - 42


Barcelone. Sa présence effective et documentée en Aragon semble indiquer qu’il lui
était assez difficile d’entreprendre ces longs voyages.104 Par ailleurs, le seigneur de
Procida, à la fin des années soixante-dix du XIII e siècle était déjà un vieil homme pour
l’époque. Certains auteurs contemporains, comme l’anonyme qui écrivit Lu
rebellamentu di Sichilia, ou Giovanni Villani dans sa Cronica, attestent du complot
ourdit par Procida. D’autres témoignent d’une révolte spontanée du peuple en colère105.
L’historien Runciman, dans la conclusion de son livre, écrit un dernier paragraphe
équilibré : l’action revient aux Siciliens, la conspiration à Giovanni da Procida, le
financement à l’empereur de Constantinople106.

Ce que l’on sait de manière certaine, c’est que Procida rejoignit Palerme après
les Vêpres, au service de Pierre III. Celui-ci le nomma le 4 mai 1283 chancelier du
royaume de Sicile, et confirma cette nomination le 31 janvier 1284107 :

in considerazione dei grandi meriti di Giovanni da Procida ..., lo


nomina cancelliere del Regno di Sicilia, durante sua vita.xiii

En 1295, le 11 octobre, à Milazzo, Frédéric convoqua le Parlement de Sicile


pour lui annoncer la décision de Jacques d’Aragon de rendre l’île aux Anjou. Le 11
décembre, le Parlement réuni à Palerme refusa la cession aux Angevins et nomma
Frédéric « Signore di Sicilia ». À Catane, le 15 janvier de l’année suivante, l’assemblée
parlementaire nomma Frédéric « roi de Sicile ». Enfin, le couronnement se déroula à
Palerme le 25 mars 1296. À dater de 1298, Giovanni da Procida, fidèle à l’Aragon et
dans un geste de réconciliation avec le pape, passa à la coalition arago-angevine contre
la Sicile.

104
Salvatore FODALE, article « Giovanni da Procida » [en ligne], dans Treccani, coll. « Dizionario
Biografico degli Italiani », URL : http://www.treccani.it/enciclopedia/giovanni-da-procida_
%28Dizionario-Biografico%29/, consulté le 20 juin 2019.
105
C’est le cas de Niccolò Speciale, de Bartolomeo da Neocastro ou de Dante Alighieri. Salvatore
TRAMONTANA, Gli anni del Vespro : l’immaginario, la cronaca, la storia, op. cit.
106
Steven RUNCIMAN, Les vêpres siciliennes : une histoire du monde méditerranéen à la fin du XIIIe
siècle, op. cit. page 276.
107
Antonino MARRONE, « Repertorio degli atti della Cancelleria del Regno di Sicilia dal 1282 al 1390 »
[en ligne], Mediterranea ricerche storiche, Fonti e documenti, 2012, URL :
www.mediterranearicerchestoriche.it, consulté le 21 janvier 2019.

LES VÊPRES SICILIENNES - 43


Ainsi l’immédiat après-Vêpres fut lourd de combats violents qui déstabilisèrent
les États et modifièrent les équilibres. Le pouvoir du pape sur les nations s’en trouva
amoindri, Charles d’Anjou y sacrifia sa dynastie, Constantinople et l’empire romain
d’Orient purent survivre jusqu’en 1453, et l’Aragon reprit à son compte l’ambition des
Anjou et finit par régner sur tout le Mezzogiorno italien. Reste la figure de Jean de
Procida qui demeure énigmatique. Sa participation directe lors des Vêpres n’est pas
certaine, et aujourd’hui encore les historiens ne peuvent affirmer s’il y a eu conspiration
des barons siciliens ou émeute spontanée du peuple.

2 L ES V ÊPRES DANS LES TEXTES ET DANS


LES   FAITS

La littérature et les arts n’ont pas manqué de s’emparer de l’épique soulèvement


des Siciliens de 1282. Nous n’avons pas trouvé énormément de représentations
graphiques, picturales ou sculpturales avant le XIXe siècle, et même au siècle du
Risorgimento, pourtant très enclin à magnifier tout ce qui favorisait une émergence
d’une conscience nationale, les Vêpres n’ont pas autant passionné le monde artistique
que le monde littéraire. Sans discontinuer, des chroniqueurs, écrivains ou polémistes ont
abordé le thème depuis le début. Dans toutes les disciplines de l’écriture : chroniques,
roman, poésie, drame théâtral, histoire, thèse ou livret d’opéra, il y a foison de
références. La multiplicité des sources, surtout celles contemporaines, par leur grande
différence, a créé des polémiques sur la véracité des faits historiques. Au XXI e siècle
encore, des textes présentent des versions que d’autres qualifient de légendes. Il reste
certainement encore de nombreux documents historiques à consulter dans les différents
fonds européens et nous savons que certains ont irrémédiablement été perdus. Comme
ceux de Naples108, qui ont

subito perdite nell'ultimo conflitto mondiale, in luoghi e momenti


diversi. Sulla sede centrale, vicina al porto, caddero bombe e
spezzoni incendiari e, in seguito all'esplosione di una nave di
munizioni, perfino lamiere infocate, che provocarono l'incendio e la
totale distruzione dei depositi dell'ultimo piano di un'ala del
108
« Archivio di Stato di Napoli » [en ligne], URL : https://www.san.beniculturali.it/web/san/dettaglio-
soggetto-conservatore?codiSan=san.cat.sogC.4929&id=4929, consulté le 10 août 2019.

LES VÊPRES SICILIENNES - 44


fabbricato. Il bombardamento del 4 agosto 1943 semidistrusse
l'edificio di Pizzofalcone e travolse nella rovina tutte le scritture.
L'ultimo e più grave disastro si verificò nel deposito di sicurezza di
villa Montesano nel Nolano, presso San Paolo Bel Sito, dove erano
state trasportate le serie più preziose, quando non si supponeva che
la guerra si sarebbe spostata sul territorio nazionale: nel settembre
del 1943 le truppe tedesche in ritirata vi appiccarono il fuoco, che
distrusse l'edificio e il suo prezioso contenuto. Ancor oggi è
impossibile redigere un bilancio preciso delle perdite.xiv

On mesure la perte pour les historiens car Naples concentrait une somme de
documents considérable venant de l’ensemble du royaume, Sicile comprise.
Heureusement, des historiens du XIXe siècle, dans leur appétit de revenir aux sources de
l’histoire des Vêpres, avaient pu documenter et reproduire un certain nombre de
documents. On sait que les périodes souabes puis angevines disposaient de greffes très
structurés109 qui avaient permis la collecte d’innombrable écrits administratifs 110.
Beaucoup, dont certains encore inexploités, auront été réduits en cendre pendant ces
bombardements de 1943.

2.1 Les Vêpres dans les textes (des origines au


XVIIIe siècle)
2.1.1 Les textes contemporains de l’insurrection
Les textes contemporains des Vêpres faisant la narration du soulèvement sont
assez nombreux (Annexes page 92). Amari en dénombre dix-huit au XIII e siècle111. Il y
a les siciliens, mais on trouve aussi des chroniques en Aragon, en France et dans le nord
de l’Italie. Le premier, certainement l’un des plus cités, est Lu rubellamentu di
Sichilia112, d’un anonyme dont l’original perdu avait été reproduit. La copie dont nous
disposons, est plus tardive sans que nous sachions si elle a été traduite de l’original ou

109
Stefano PALMIERI, « La chancellerie angevine de Sicile au temps de Charles Ier », Rives nord- médi-
terranéennes, n° 28, 2007, trad. de Jean-Paul BOYER.
110
Andreas KIESEWETTER, « La cancelleria angioina », dans L’État angevin. Pouvoir, culture et société
entre XIIIe et XIVe siècle, vol. 245, Roma, Ecole française de Rome, 1995.
111
Michele AMARI, Sulla origine della denominazione Vespro Siciliano [en ligne], op. cit.
112
Jacqueline MALHERBE-GALY, Jean-Luc NARDONE, Les vêpres siciliennes : le complot de Jean de Pro-
cida, op. cit. Traduction en français enrichie de notes historiques. Selon les textes, on trouve l’ortho-
graphe Rubellamentu ou Rebellamentu.

LES VÊPRES SICILIENNES - 45


d’une autre copie113. Il fait partie de ces chroniques du XIIIe siècle dont la thèse est la
conspiration de Giovanni da Procida, mais que les historiens modernes, comme Michele
Amari ou Steven Runciman, rejettent, accordant à la révolte de Palerme une mise en
œuvre soudaine et non concertée. Lu Rebellamentu est un livre assez court (la traduction
fait une cinquantaine de pages114), écrit davantage comme une épopée que comme une
chronique. Giovanni da Procida y a une place centrale, ce qui explique le titre du livre
français de Malherbe-Galy et Nardone : Les Vêpres siciliennes. Le complot de Jean de
Procida115.

L’autre auteur de référence, c’est Bartolomeo da Neocastro qui écrivit une


Historia sicula, en latin, qui couvre la période allant de 1250 à 1293, destinée à
l’érudition de son fils. L’intérêt de cette chronique c’est que son auteur est un homme
proche du pouvoir, aussi bien souabe, angevin, qu’aragonais ; Neocastro avait été
envoyé en ambassade auprès du pape, ce qui montre la confiance que lui témoignaient
les souverains même s’il passait au service d’une maison à une autre sans trop de
scrupules. Il a terminé sa vie sur le continent, sous le règne des Anjou. Dans une note
bibliographique116, l’historien toulousain Auguste Molinier présente la chronique de
Neocastro ainsi :

C’est un ouvrage de haute valeur pour les années 1282-1293 ; dans


le début il y a des fautes. L’auteur est gibelin violent.

Les fautes que relève Molinier se situent dans la partie du livre qui traite des
années cinquante du XIIIe siècle. Bartolomeo da Neocastro était un tout jeune enfant à
cette époque ; lorsqu’il écrit cette partie-là des années plus tard, ce n’est pas en tant que
témoin direct, d’où quelques erreurs de date ou de filiation chez Frédéric II
Hohenstaufen. Par ailleurs, bien que « gibelin violent », il a servi la maison angevine de
1266 à 1282, sans se compromettre, et continua sa charge officielle sous la dynastie
aragonaise.

113
Ibid. P 23. « S’agissant d’une copie de la fin du XIV e – voire pour certains du début du XVe –, le débat
qui occupe les philologues est de savoir si c’est une copie de l’original sicilien, ou une traduction en sici -
lien d’une autre version, par exemple en langue toscane : le vif débat entre guelfes et gibelins, on l’a vu, a
en effet donné lieu très vite à un texte en toscan. »
114
Ibid.
115
Ibid.
116
Auguste MOLINIER, « Bartholomeus de Neocastro, Historia Sicula », dans Les Sources de l’Histoire
de France : des origines aux guerres d’Italie, 1494. III. Les Capétiens, 1180-1328, vol. 3, Paris, Alphonse
Picard & Fils, 1903. Note 2776.

LES VÊPRES SICILIENNES - 46


Dans une note préliminaire, Giuseppe Del Re, auteur et compilateur de Cronisti
e scrittori sincroni napoletani117, prévient que :

Del rimanente lo stile n’é sempre gonfio, prolisso, ed alle volte


oscuro […] Però non ostante questi difetti, rimane uno degli Storici
più importanti per ciò che riguarda i successi della Sicilia durante la
ribellione del famoso Vespro.xv

Le texte de cette première journée de révolution à Palerme décrit une scène


conforme à celle que nous avons pu lire chez les chroniqueurs de l’époque : le parvis de
l’église Santo Spirito, le peuple venu à vêpres le lundi de Pâques comme c’est la
coutume, la jeune femme indécemment fouillée par le soldat français « Droghetto »118,
et finalement la révolte :

Un giovanetto impadronitosi della spada di Droghetto, il ferisce nei


fianchi, e già gl’intestini scappan fuori. È s’ignora veramente chi
fosse l’autore dell’omicidio, chi il feritore; i giovani, mancate le
armi, dan di piglio alle pietre; il popolo è in tumulto.xvi

Il ne s’agit pas là d’un témoignage direct, puisque le lieu de résidence et de


travail de Bartolomeo est Messine. Mais étant donné les rapports épistolaires nombreux
entre la capitale et la ville du détroit 119, pendant le soulèvement, on peut penser qu’il
s’agit d’un témoignage rapporté de première main, écrit avec emphase et parti pris.

Pour ne s’en tenir qu’aux quatre chroniques de références, telles que les a
définies Pietro Colletta, enseignant à l’université de Palerme120, outre celle de
Bartolomeo da Neocastro, il faut citer comme sources fiables de l’époque : La Chronica
Sicilie (auteur anonyme), L’Historia Sicula de Nicolò Speciale et L’Historia Sicula de

117
Giuseppe DEL RE, Cronisti e scrittori sincroni napoletani, op. cit., p. 411.
118
Ibid. p. 429.
119
Francesco Paolo TOCCO, « Ideologia e propaganda nell’età del Vespro : lo scambio epistolare tra
Palermo e Messina secondo Bartolomeo di Neocastro », dans Comunicazione e propaganda nei secoli
XII-XIII, Messina, op. cit.
120
Pietro COLLETTA, « Sull’edizione della Cronica Sicilie di anonimo del trecento » [en ligne],
Mediterranea ricerche storiche, n° 5, 2005, URL : http://www.storiamediterranea.it/portfolio/n-5-
dicembre-2005/, consulté le 23 décembre 2019.

LES VÊPRES SICILIENNES - 47


Michele Da Piazza121. De l’analyse de ces quatre auteurs se dégage une idée plus précise
des faits. Pietro Colletta122 ou Marcello Moscone123 en ont fait la démonstration.

Au XIVe siècle, les « Tre Corone » italiens, Dante, Pétrarque et Boccace ont
également écrit sur les Vêpres. Dante avait dix-sept ans au moment de l’émeute
palermitaine. Dans La Divine comédie 124
, s’il décrit le mauvais gouvernement de
Charles Ier, jamais il ne cite Giovanni da Procida. Toute son attention est centrée sur le
roi angevin, sa malhonnêteté au combat125 ou sur sa cruauté126:

a Ceperan, là dove fu bugiardo / ciascun Pugliese, e là da


Tagliacozzo, / dove sanz’arme vinse il vecchio Alardo.xvii

Carlo venne in Italia e, per ammenda, / vittima fé di Curradino; e


poi / ripinse al cielo Tommaso, per ammenda.xviii

Pétrarque et Boccace, quant à eux, font de Procida le héros de la révolution.


Dans Itinerarum Syriacum127, Pétrarque fait un court récit de l’action de Procida :

Vicina huic Prochita est, parva insula, sed unde super magnus
quidam vir surrexit, Iohannes ille qui formidatum Karoli diadema
non veritus, et gravis memor iniurie, et maiora, si licuisset, ausurus,
ultionis loco habuit regi Siciliam abstulisse.xix

Boccace, dans le De Casibus virorum illustrium128 détaille davantage la légende :

121
Pietro COLLETTA, « Memoria di famiglia e storia del regno in un codice di casa Speciale conservato a
Besançon », Reti Medievali, n° 14-2, 2013. Dans une note de bas de page, Pietro Colletta précise :
Michele da Piazza, Cronaca 1336-1361, a cura di A. Giuffrida, Palermo 1980. Di recente Marcello
Moscone ha dimostrato che Michele da Piazza è in realtà solo il nome di uno dei copisti dell’opera,
mentre Laura Sciascia ha proposto con argomentazioni convincenti l’identificazione dell’autore con
Giacomo de Soris, abate del monastero benedettino di S. Nicola l’Arena: si vedano M. Moscone,
L’Historia Sicula del cosiddetto Michele da Piazza (1337-1361), tesi di dottorato di ricerca in Storia
medievale (coordinatore prof. Pietro Corrao), Università degli Studi di Palermo, XVII ciclo (2002-2005),
p. XXVII-XXXI; Acta Curie Felicis Urbis Panormi, 7 (1340-42/1347-48), a cura di L. Sciascia, Palermo
2007, p. XXVIII-XXIX.
122
Ibid.
123
Marcello MOSCONE, L’historia sicula del cosiddetto Michele da Piazza, Università degli Studi,
Palermo, 2005.
124
Dante ALIGHIERI, La Divine Comédie, op. cit.
125
Enfer, chant XXVIII, vv. 16-18
126
Purgatoire, chant XX, vv. 67-69
127
Francesco PETRARCA, Itinerarium Syriacum, op. cit.
128
Giovanni BOCCACCIO, « De Carolo Siculorum rege », dans De casibus virorum illustrium, vol. 9,
Paris, Jean Petit, avant 1540.

LES VÊPRES SICILIENNES - 48


[…] ut violata pudicitia coniugis Iohannis de Procida, nobilis et
astutissimi viri, adeo egre Iohannes ferret, ut ad commune votum
vires omnes ingenii excitaret, nec minori labore quam sagacitate per
biennium hinc inde discurrens incognitus, optimatum Sycilie
animos, imperatoris Constantinopolitani, Petri Aragonum regis, et
Nicolai pontificis maximi in eandem deduxit sententiam; et ex
composito, die eadem irritato apud Panormum tumultu, omnis
insula in Gallos commota, omnes ad unum usque perimeret.xx

2.1.2 Les textes jusqu’à la fin du XVIIIe siècle


Les Vêpres, jusqu’à la fin du XVIII e siècle ont continué à fournir matière à
nombre d’écrivains. Parmi eux, l’Arioste129, dans Orlando Furioso résume la période
1266-1282 comme ceci :

Vedete un altro Carlo, che a’ conforti / del buon Pastor fuoco in


Italia ha messo; / e in due fiere battaglie ha duo re morti, / Manfredi
prima, e Coradino appresso. / Poi la sua gente, che con mille torti /
sembra tenere il nuovo regno oppresso, / di qua e di lá per le cittá
divisa, / vedete a un suon di vespro tutta uccisa.xxi

L’Arioste ignore totalement Giovanni da Procida et reprend la thèse de Dante du


peuple révolté contre un roi injuste. Machiavel, dans les istorie fiorentine130, y voit un
complot du pape avec le roi d’Aragon au cours duquel le peuple sicilien tua les
Français. Mais l’histoire que raconte Machiavel est faite d’approximations, voire de
raccourcis qui peuvent engendrer des contrevérités historiques. Par ailleurs, l’auteur du
Prince n’hésite à mêler Guido Bonatti, un astrologue gibelin de Forlì du XIII e siècle,
lequel ordonna un massacre de Français en Romagne avant les Vêpres de Sicile :

Successe a costui Martino IV, il quale per essere di nazione


francioso favorì le parti di Carlo, in favore del quale Carlo mandò in
Romagna, che si era ribellata, le sue genti; ed, essendo a campo a
Furlì, Guido Bonatti, astrologo ordinò che in un punto dato da lui il
popolo gli assaltasse, in modo che tutti i Francesi vi furono presi e
morti. In questo tempo si mandò ad effetto la pratica mossa da papa
Niccolao con Pietro re di Aragona; mediante la quale i Siciliani
ammazzarono tutti i Franciosi che si trovarono in quell’isola; della
quale Pietro si fece signore, dicendo appartenersegli per avere per
moglie Gostanza figliuola di Manfredi. Ma Carlo nel riordinare la

129
Ludovico ARIOSTO, Orlando furioso, Milano, Garzanti, 1994, chant XXXIII, strophe 20.
130
Nicolas MACHIAVEL, Istorie fiorentine, Firenze, Felice Le Monnier, 1843.

LES VÊPRES SICILIENNES - 49


guerra per la ricuperazione di quella si mori, e rimase di lui Carlo II,
il quale in quella guerra era rimaso prigione in Sicilia, e per essere
libero promise di ritornare prigione, se infra tre anni non aveva
impetrato dal papa, che i reali di Aragona fossero investiti del regno
di Sicilia.xxii

Avec beaucoup de parti pris, Voltaire131, plus de deux siècles après Machiavel,
dans Essai sur les Mœurs et l’esprit des nations, revient par le détail sur l’histoire du
royaume de Sicile du XIIIe. Il s’apitoie sur Conradin :

On peut dire que de toutes les guerres de ce siècle, la plus juste était
celle que faisait Conradin ; elle fut la plus infortunée.

Tout en faisant porter la faute de son exécution sur le pape, ce qui n’est pas
attesté et relève certainement de la légende :

[…] Charles d’Anjou consulta le pape Clément IV, autrefois son


chancelier en Provence, et alors son protecteur, et que ce prêtre lui
répondit en style d’oracle : « vita Corradini, mors Caroli ; mors
Corradini, vita Caroli. »

Mais Voltaire, a un jugement sévère pour Charles Ier auquel il ne trouve pas


énormément de qualités :

Le vainqueur, si indigne de l’être, au lieu de ménager les


Napolitains, les irrita par des oppressions ; ses Provençaux et lui
furent en horreur.

Puis fait entrer en scène Giovanni da Procida, en émettant, comme le fit


Runciman en 2008, un sérieux doute sur une émeute organisée, tout en admettant que le
seigneur de Procida avait « préparé les esprits » :

C’est une opinion générale qu’un gentilhomme de Sicile, nommé


Jean de Procida, déguisé en cordelier, trama cette fameuse
conspiration par laquelle tous les Français devaient être égorgés à la
même heure, le jour de Pâques, au son de la cloche de vêpres. Il est
sûr que ce Jean de Procida avait en Sicile préparé tous les esprits à
une révolution, qu’il avait passé à Constantinople et en Aragon, et
que le roi d’Aragon, Pierre, gendre de Mainfroi, s’était ligué avec
l’empereur grec contre Charles d’Anjou ; mais il n’est guère
vraisemblable qu’on eût tramé précisément la conspiration des

131
VOLTAIRE, « Charles d’Anjou, Mainfroi et Conradin », dans Essais sur les Mœurs et l’esprit des na-
tions, vol. 2, Paris, Lefèvre, 1829.

LES VÊPRES SICILIENNES - 50


Vêpres siciliennes. Si le complot avait été formé, c’était dans le
royaume de Naples qu’il fallait principalement l’exécuter ; et
cependant aucun Français n’y fut tué. […]
Le sang de Conradin fut ainsi vengé, mais sur d’autres que sur celui
qui l’avait répandu. Les Vêpres siciliennes attirèrent encore de
nouveaux malheurs à ces peuples qui, nés dans le climat le plus
fortuné de la terre, n’en étaient que plus méchants et plus
misérables.

À côté de cette littérature, des auteurs siciliens proposaient les premiers livres
d’histoire sur la Sicile. Le premier dans l’ordre chronologique est le De rebus siculis
decades duae, du dominicain Tommaso Fazello132, publié pour la première fois en 1558.
Cet ouvrage, a été commenté dans une note de lecture d’Henri Fauser 133, laquelle
précise que le livre est « un sec résumé, où ne manquent pas les erreurs sur tout ce qui
n’est pas sicilien. ». La note de lecture porte uniquement sur le tome X de la série. Dans
le chapitre sur les Vêpres, Fazello penche pour le complot de Procida, comme le précise
Amelia Crisantino dans un article paru dans La Repubblica134 :

Intere generazioni di storici si sono accapigliate per stabilire se la


guerra del Vespro origina da una congiura o da un moto popolare, e
se fu un evento positivo. Tommaso Fazello, che nel XVI secolo
scrive una monumentale Storia di Sicilia, sceglie la congiura ordita
da Giovanni da Procida.xxiii

Peu d’années après en 1562, fut publié le Sicanicarum rerum compendium, du


Messinois Francesco Maurolico, commandé par le Sénat de Sicile. Ce livre porte
également sur l’histoire de l’île, et concernant la révolte de 1282 apporte de nombreux
détails. Dans une note135, M. Koch rapporte ceci :

Francesco Maurolico, auteur judicieux & contemporain de Fazello,


expose l’événement [le soulèvement des Vêpres] d’après
Barthélémi de Néocastro, & ne parle que d’une maniere vague &
douteuse du plan de Procida.

132
Tommaso FAZELLO, De rebus siculis decades duae, Palermo, Maida, 1560.
133
Henri HAUSER, Les Sources de l’histoire de France - Seizième siècle (1494-1610), Paris, Picard et fils,
1906.
134
Amelia CRISANTINO, « L’eroe del Vespro che passò al nemico » [en ligne], La Repubblica, Palermo,
2007, URL : https://palermo.repubblica.it/dettaglio/leroe-del-vespro-che-passo-al-nemico/1374839/1,
consulté le 19 février 2019.
135
M. KOCH, Tableau des révolutions de l’Europe dans le Moyen Âge, vol. II, Paris, Onfroy, 1790.

LES VÊPRES SICILIENNES - 51


Près de cent ans plus tard, en 1645, Filadelfo Mugnos publia I raguagli historici
del vespro siciliano136, un ouvrage qui ne manque pas de détails, mais, relèvent
Malherbe-Galy et Nardone137, « Le seul titre de l’ouvrage indique l’esprit polémique
dans lequel il est rédigé et ne saurait être tenu pour un témoignage historique »138.

2.2 Le souvenir des Vêpres dans les luttes


« Vêpres algériennes », « Vêpres marseillaises », « Vêpres tonkinoises », etc., la
liste est longue de ces insurrections qui ont vu dans les Siciliens de 1282 un modèle. Il
arrive, certes, que l’expression soit employée à tout va, mais cela démontre qu’après
plus de sept siècles, la révolte sicilienne est toujours un symbole de la lutte d’un peuple
contre la tyrannie.

À côté de cette expression de Vêpres siciliennes, il y a l’autre mot associé à la


révolte, Antudo, l’acronyme de l’expression latine Animus tuu dominus. Il aurait été
prononcé pour la première fois durant les Vêpres et inscrit sur le tout nouveau drapeau
des communes libres de Palerme et de Corleone. Il servit de cri de ralliement aux
émeutiers. Puis, le mot fut repris au cours de certaines révoltes les siècles suivants et
jusqu’en 1943, quand Finocchiaro Aprile fonda le Mouvement pour l’indépendance de
la Sicile : Antudo fut crié pour galvaniser la foule. Mais, après de nombreuses
recherches sur les sources, nous n’avons pu déceler la moindre trace de ce mot.
Pourtant, depuis quelques dizaines d’années, il est à la mode dans les milieux
indépendantistes ou autonomistes, et certains scientifiques rappellent son historicité,
sans jamais citer leurs sources.

2.2.1 Les Vêpres, une référence permanente


Avant de citer des événements ayant fait référence aux Vêpres, il faut tout
d’abord signaler que le terme même de « Vespro siciliano » n’est apparu que deux

136
Filadelfo MUGNOS, I raguagli historici del vespro siciliano, Palermo, Pietro Coppola, 1645.
137
Jacqueline MALHERBE-GALY, Jean-Luc NARDONE, Les vêpres siciliennes : le complot de Jean de Pro-
cida, op. cit.
138
Le titre complet : I Ragguagli historici del Vespro siciliano del Signor Don Filadelfo Mugnos nei qua-
li si mostrano i felici reggimenti c’han fatto i serenissimi e catolici regi aragonesi ed austriaci nel lor re -
gno fidelissimo di Sicilia, e ‘l mal governo di Carlo d’Angiò re primo di Napoli [Notices historiques des
Vêpres siciliennes de don Filadelfo Mugnos dans lesquelles on montre comment les très sérénissimes et
catholiques majestés aragonaises et autrichiennes ont heureusement régné sur leur très fidèle royaume de
Sicile ainsi que le mauvais gouvernement de Charles Ier d’Anjou, roi de Naples]

LES VÊPRES SICILIENNES - 52


siècles après l’événement. Ce fut l’objet d’une conférence de Michele Amari à
Palerme139, au Cerclo filologico, le 31 mars 1882. Dans son exposé l’historien releva
que :

il nome di Vespro Siciliano, […] non si legge in nessuno dei 18


autori contemporanei, […] non si legge ne’ 20 o 21 che ripeteano il
fatto nel XIV secolo; nemmeno nei quattro compilatori di storia
generale vissuti nella prima metà del XV. Nella seconda metà tre
compilatori non conoscono per anco quella denominazione […]. Un
quarto il quale pare abbia scritto proprio negli ultimi anni del 400
[…] ci dà ogni cosa: congiura, giorno ed ora prefissi alla strage, e
l'ora il Vespro; «onde si chiamò il Vespro Siciliano ed è passato in
proverbio» egli aggiunge.xxiv

Amari précise que :


in tutta Italia non si parlerebbe tanto del Vespro, se la Sicilia non lo
avesse rifatto nel 48, rifatto allora purissimo d’ogni macchia, e non
lo avesse replicato, anche più bello e più glorioso nel 1860.xxv

Il est vrai que lorsque l’on rencontre ce terme pour évoquer un événement
historique avant le XVIe siècle, c’est qu’il a été ajouté à une époque récente. Ainsi,
quand Antonino Marrone cite Salvatore Fodale, le mot de « Vêpres » (en tant que
métonymie) qu’emploie ce dernier est anachronique140 :

Come ha opportunamente sottolineato S. Fodale, nell’assemblea


parlamentare tenuta l’11 novembre 1295 a Palermo con la
partecipazione dei sindaci omnium terrarum et locorum Sicilie
Federico d’Aragona, fino ad allora luogotenente nell’Isola del
fratello Giacomo, «meglio che i suoi diritti di successione,
contrappose più efficacemente quella voluntas populi che si
manifestava e esprimeva attraverso il parlamento e faceva richiamo
al Vespro»xxvi

139
Michele AMARI, Sulla origine della denominazione Vespro Siciliano [en ligne], op. cit. Dans son
introduction, Amari déclare ce qui a motivé toute sa carrière d’historien, et son œuvre doit être lue à
l’aune de cette déclaration : «Le prose di Manzoni, d’Azeglio, Guerrazzi, facevan furore dalle Alpi al
Lilibeo, risvegliavano i sentimenti della patria e della libertà; onde a me parve che uno scritto simile di
argomento siciliano avrebbe potuto gittare un altro tizzone nell’Isola del foco. Mi provai e mi accorsi
subito che la natura non mi aveva destinato alle opere di immaginazione.» De son propre aveu, l’œuvre de
l’historien doit être analysée comme celle d’un patriote désireux de réveiller « les sentiments de la patrie
et de la liberté ».
140
Antonino MARRONE, « I Parlamenti siciliani dal 1282 al 1377 », Quaderni – Mediterranea. Ricerche
storiche, n° 17, Memoria, storia e identità. Scritti per Laura Sciascia, 2011.

LES VÊPRES SICILIENNES - 53


Nul doute que le parlement du XIIIe siècle n’aurait pas utilisé le mot de
« Vespro » pour parler de la révolte de 1282. De la même manière que lorsqu’Iris
Mirazita parle de « Vespro anticatalano del 1348 »141, c’est elle qui baptise ce
mouvement du nom de « Vespro ».

Tout au long de l’histoire, jusqu’à nos jours, dans le monde entier, des
mouvements de révolte, des guerres, des actions politiques ont fait directement
référence à l’insurrection sicilienne. La liste est longue et nous prenons le parti de n’en
exposer que quelques-uns afin de montrer la variété des actions.

Le premier exemple que nous citons, dans l’ordre chronologique, fait une
analogie pour le moins saugrenue puisqu’est comparé un événement de l’Antiquité avec
les Vêpres médiévales, sans se soucier de l’anachronisme engendré. On doit ce parallèle
à Pierre Lévêque, historien spécialiste de la Grèce. Dans son livre Nous partons pour la
Grèce (chapitre sur Délos)142, il retrace la guerre de 88 av. J.-C. et d’une seule phrase il
réduit le massacre d’Italiens civils par une armée aux Vêpres siciliennes :

En 88, les amiraux de Mithridate ravagent l’île et massacrent 20 000


Italiens dans d’épouvantables vêpres.

Autre époque, autre lieu, c’est en Bretagne qu’un mémorialiste, Jean Moreau, fit
une analogie entre révolte bretonne et insurrection sicilienne. Jean Moreau, chanoine de
la cathédrale de Quimper, écrivit ses mémoires au tout début du XVIIe siècle, dans
lesquelles il décrit la révolte bretonne de 1490. Philippe Hamon, dans un récent article 143
révèle l’opinion du chanoine, notamment sur la paysannerie en lutte :

Sous sa plume [celle de Jean Moreau], la mobilisation armée de la


« paysantaille » peut n’être pas dénuée d’intelligence tactique,
comme en témoigne le parallèle qu’il fait entre un soi-disant
complot général pour abattre la noblesse dans chaque paroisse et les
Vêpres siciliennes de mars 1282. Mais, ultra-violente, elle ne peut
être que porteuse de la ruine totale de l’ordre socio-politique.

141
Iris MIRAZITA, « I Lombardi di Corleone e Palermo : dal Vespro antiangioino al Vespro anticatalano
(1282-1348) », dans Corleone: l’identità ritrovata, op. cit.
142
Pierre LÉVÊQUE, Nous partons pour la Grèce, Paris, P.U.F., 1979.
143
Philippe HAMON, « Travailler la mémoire d’une révolte au XVIIe siècle : le chanoine Moreau
et le soulèvement bas-breton de 1490 », Dix-septième siècle, vol. 275, n° 2, 2017.

LES VÊPRES SICILIENNES - 54


En ce qui concerne la « paysantaille » selon l’expression péjorative et insultante
du chanoine, « il s’agit bien pour lui, dans cet épisode, de dénoncer la désastreuse
irruption collective des ruraux dans le cours de l’histoire. »144

Trois cents ans plus tard, ce fut en Italie, à Vérone, que la référence aux
« Vêpres » fit sa réapparition. C’était le 17 avril 1797 quand la population se souleva
contre une garnison française à l’appel du Grand conseil de Venise. Quatre cents soldats
français furent massacrés et cet acte donna un prétexte à Bonaparte d’envahir la
Sérénissime. Ce jour resta dans la mémoire comme les « Pasque veronesi »145 bien
qu’on fût le lundi de Pâques. Les Véronais étaient tombés dans un piège tendu par les
Français, qui consistait à leur faire croire, par voie d’affichage que l’ordre de la révolte
leur était donné par le Grand conseil. Bonaparte qui n’avait jusqu’alors aucune raison
d’occuper Venise, république qui se tint à l’écart de tout conflit, prit comme prétexte
l’agression des Véronais pour envahir son territoire. Ce que ne savaient pas les
Vénitiens, c’est que dans cette affaire ils faisaient l’objet d’un marché entre la France et
l’Autriche. Napoléon donnerait la Vénétie aux Autrichiens, à condition que ceux-ci
reconnussent l’annexion par la France de la rive gauche du Rhin et de la Belgique. Ce
qui fut fait.

D’autres « Vêpres » aux XIXe et XXe siècles impliquèrent la France, à l’étranger


ou sur son propre sol. Il a celles de Syrie, que le consul de France à Damas, M. Lanusse,
baptisa de « Vêpres syriennes » dans un courrier qu’il envoya à son ministre de tutelle,
le 17 juillet 1860. Au cours d’une émeute, qui dura du 9 au 16 juillet, un quartier
chrétien fut rasé, huit mille personnes furent massacrées et de nombreuses jeunes
femmes furent violentées ou emmenées en captivité. Bruno Etienne146 écrit à ce sujet :

Lanusse semblait toujours convaincu de la réalité d’un complot


programmé et exécuté à l’heure et aux endroits indiqués d’avance.
Les massacres avaient « commencé, sans que les troupes qui
gardaient depuis quelque temps le quartier eussent fait le moindre
effort pour arrêter l’insurrection ». Tout semblait combiné entre les
responsables des troupes régulières et des bandes venues des

144
Ibid.
145
Francesco Mario AGNOLI, Le Pasque veronesi : quando Verona insorse contro Napoleone : 17-25
aprile 1797, Rimini, Il cerchio, coll. « Gli Archi », 1998.
146
Bruno ÉTIENNE, « La France et l’Émir Abdelkader, histoire d’un malentendu », dans Le choc colonial
et l’islam, Paris, La Découverte, coll. « TAP/HIST Contemporaine », 2006.

LES VÊPRES SICILIENNES - 55


quartiers les plus éloignés. Le quartier chrétien avait été entièrement
détruit.

Vingt ans plus tard, c’est à Marseille que le terme fût employé pour désigner une
émeute. C’était en 1881 quand des Français pourchassèrent dans la ville des immigrés
italiens. La ville de Marseille comptait beaucoup d’Italiens puisqu’un habitant sur six
était d’origine transalpine, accentuant « mécaniquement » la xénophobie. Le 17 mai de
cette année-là, alors que la population de Marseille acclamait les soldats français
revenus victorieux de Tunisie, des Italiens furent accusés d’avoir sifflé ces soldats.
Immédiatement la foule prit en chasse les immigrés outre-alpins. Cela dura quatre jours.
La presse italienne qualifia l’événement de « Vêpres marseillaises », alors que dans le
même temps, en Sicile, des manifestants excités par les événements de Marseille
criaient « Vive les Vêpres Siciliennes »147.

Au début du siècle suivant, en 1904, c’est sur la terre de l’actuelle Namibie,


qu’une révolte des indigènes Ovaherero aidés par la tribu Witbooi éclata contre les
coloniaux allemands. La riposte allemande créa un conflit entre l’ancien gouverneur et
commandant de l’armée coloniale, Theodor Leutwein, et son remplaçant Lothar von
Trotha.

Leutwein puisait dans les métaphores classiques, comparant


l’insurrection Ovaherero aux Vêpres siciliennes de 1282 et traitant
von Trotha de boucher brutal148.

C’est là une manière bienveillante d’analyser la révolte des autochtones contre


l’empire colonial. Son adversaire, traité de « boucher brutal », était à la hauteur du
qualificatif. Ses actions sanguinaires choquèrent tant l’opinion publique allemande qu’il
fut rapatrié par le Kaiser Guillaume II.

Toujours en Allemagne, pendant la période nazie, Georges Sadoul149, écrivit un


texte prémonitoire intitulé Voici un présage du ciel, dans lequel il évoque l’incendiaire
du Reichstag (1933), Van der Lubbe, reconnu coupable et exécuté par les nazis :

147
Georges LIENS, « Les « Vêpres marseillaises » (juin 1881), ou la crise franco-italienne au lendemain
du traité du Bardo », Revue d’histoire moderne et contemporaine, n° 14, 1967.
148
George STEINMETZ, « Le champ de l’État colonial. Le cas des colonies allemandes (Afrique du Sud-
Ouest, Qingdao, Samoa) », Actes de la recherche en sciences sociales, vol. 171-172, n° 1-2, Le Seuil,
2008.
149
Pierre-Frédéric CHARPENTIER, « Textes et Témoignages retrouvés » [en ligne], Aden, vol. 12, n° 1,
2013, URL : https://www.cairn.info/revue-aden-2013-1-page-103.htm, consulté le 12 juillet 2019.

LES VÊPRES SICILIENNES - 56


Voici l’envoyé de dieu. C’est au nom du même dieu que le prochain
Reichstag se réunira dans une église placée dès maintenant sous la
protection de la police. C’est au nom du même dieu qu’en deux
jours 300 arrestations ont été opérées, que des massacres quotidiens
s’exécutent chaque jour dans le Reich, que des vêpres siciliennes se
préparent.

La comparaison entre ce que s’apprête à faire le régime nazi et la révolte de


1282 n’est pas appropriée. Pourtant, un autre auteur, antinazi d’origine allemande,
réfugié aux États-Unis, Konrad Heiden, fit la même chose dans son livre Les Vêpres
hitlériennes, dans lequel il annonçait avec un peu d’anticipation le génocide des Juifs150.

La deuxième guerre mondiale était décidemment propice à ce rappel historique.


C’est ce que fit Mussolini, rapporté par son gendre Galeazzo Ciano 151. Dans son journal,
il note à la date du 12 janvier 1943 qu’après avoir appris la mauvaise conduite de
soldats allemands à Foggia, lesquels avaient saccagé une maison parce que le
propriétaire de la maison, célibataire, n’avait pas d’épouse à « offrir », le Duce prévint
l’attaché militaire allemand, Enno Emil von Rintelen, « qu’il y aura de nouvelles
‘vêpres’ ». Simple avertissement non suivi d’effets qui voulait marquer le caractère
italien : manquer de respect à une femme peut provoquer une révolution comme la
légende des Vêpres le dit.

Au lendemain de la guerre, un autre événement qui impliqua la France, mit en


parallèle les Vêpres sicilienne et la guerre d’Indochine. Cette guerre commença le
19 décembre 1946 par une insurrection des partisans d’Hô Chi Minh à Hanoï. Les civils
français furent ciblés et beaucoup furent tués ou portés disparus. Cette journée du 19
décembre porta le nom de « Vêpres tonkinoises »152. C’est un des exemples où la
comparaison peut le mieux se justifier puisqu’il s’agit d’une révolte d’autochtones
contre une puissance étrangère d’occupation.

Plus récemment, en Sicile, l’État italien avait organisé une opération contre la
mafia. Il s’agissait de l’opération « Vespri Siciliani », consécutive à l’assassinat des
deux juges palermitains, Giovanni Falcone et Paolo Borsellino, en mai et juillet 1992.
Dès la fin des obsèques de Paolo Borsellino, le gouvernement italien riposta avec

150
Konrad HEIDEN, Les Vêpres hitlériennes, Paris, Sorlot, 1939.
151
Galeazzo CIANO, Journal, Toulouse, Presses universitaires de Toulouse, 2015.
152
Stein TØNNESSON, 1946 : déclenchement de la guerre d’Indochine : les vêpres tonkinoises du 19 dé-
cembre, Paris, L’Harmattan, coll. « Collection recherches asiatiques », 1987.

LES VÊPRES SICILIENNES - 57


l’envoi de cinq mille militaires pour contrer la mafia. Le nom de l’opération, « Vêpres
siciliennes », a peut-être indigné plus d’un Sicilien, car cette mission de police ne
pouvait être comparée à un soulèvement du peuple contre un occupant étranger.
L’opération prit fin en juillet 1998153 et fut si spectaculaire que l’ensemble de la presse
mondiale l’évoqua, faisant par la même occasion un rappel historique de la révolution
médiévale palermitaine.

Quelques années plus tard, en 2013, un mouvement de paysans et de


transporteurs, en Sicile, menaçait l’État avec un slogan faisant directement référence à
la révolte de 1282. Dans son article « Une droite italienne respectable »154, Raffaele
Laudani fait remarquer :

[…] le récent succès de mouvements comme celui dit des forconi


(« fourches »), qui a eu droit à la « une » des journaux en décembre
2013, lorsque les transporteurs et les agriculteurs de Sicile se sont
mis à barrer des routes, avec des slogans du genre : « Mettons à
mort cette classe politique, comme cela a été fait avec les Français
lors des Vêpres [siciliennes] ».

Pour clore cette section, il nous a paru digne d’intérêt de citer une expérience
algérienne, qui se servant des Vêpres comme d’une allégorie, voulut exorciser le passé
récent du pays. C’est à travers la bande dessinée que Nawel Louerrad tenta une
approche de la violence, celle de la Guerre d’indépendance et la tragédie des années
« quatre-vingt-dix ». Le titre de son album Les Vêpres algériennes nous montre, comme
nous l’avons vu dans d’autres exemples, à quel point le mot de « Vêpres » est
aujourd’hui galvaudé au point de devenir synonyme de n’importe quelle violence,
même si l’autrice s’en défend en déclarant que « Les vêpres algériennes, en référence
aux Vêpres siciliennes, évoque la révolte ou le refus, et ce, au sens le plus intime et le
moins guerrier du terme. »155

153
« Operazione “Vespri Siciliani” » [en ligne], Esercito Italiano, URL : http://www.esercito.difesa.it/
operazioni/operazioni_nazionali/Pagine/vespri-siciliani.aspx, consulté le 1 mai 2020.
154
Raffaele LAUDANI, « Une droite italienne respectable », Le Monde diplomatique - Manière de voir, n°
134, 2014.
155
« Les Vêpres algériennes » [en ligne], URL : https://www.theatre-contemporain.net/textes/Les-
Vepres-algeriennes-Collectif-20637/, consulté le 13 janvier 2019.

LES VÊPRES SICILIENNES - 58


2.2.2 Antudo, le mot d’ordre imaginaire des révoltes
siciliennes
L’autre mot fixé par l’histoire, relatif à la rébellion de 1282, c’est le mot
« Antudo ». Il n’a pas eu une renommée aussi large que « Vêpres », mais il est resté
jusqu’à aujourd’hui employé en Sicile par les personnes de la mouvance
indépendantiste. Antudo, ce fut le mot d’ordre que les rebelles de Sicile auraient
employé comme mot de ralliement. C’est ce même mot qu’on retrouva dans d’autres
révoltes les siècles suivants, qui sert de titre à une revue en ligne sicilienne, de nom à
des mouvements indépendantistes, de titre à une pièce de théâtre, etc.

Antudo serait l’acronyme de l’expression latine ANimus TUus DOminus156. Dans


une conférence-débat organisée à Messine en 2017, la professeure Agata Ada Midiri 157,
soutint que la « parola cardine » Antudo a été « reconstruite » par le latiniste Santi
Correnti et que c’est à lui que l’on doit sa signification. En dehors des affirmations de
Santi Correnti, malgré de longues recherches, il ne nous a pas été permis de trouver
d’autres scientifiques attestant ou réfutant l’origine d’Antudo, ni même de sa réelle
utilisation lors des Vêpres siciliennes. Il n’y a pas, dans les écrits de Michele Amari que
nous avons lus, une seule fois le mot Antudo. Runciman158, dans son livre Les Vêpres
Siciliennes, ne le cite pas non plus. Tout comme Tramontana 159, dans Gli anni del
Vespro. C’est-à-dire que les trois historiens qui font références sur cette période
mouvementée de la Sicile ignorent complètement cette « parola cardine »160.

156
« Le courage est ton Seigneur », traduction de Régis Courtray, enseignant de latin à l’université de
Toulouse Jean-Jaurès (qui relève que le « Tuus » peut porter à confusion puisqu’il pourrait se rapporter
aussi bien à « courage » qu’à « seigneur »). Ce qui correspond à la traduction de Santi Correnti, historien
et latiniste sicilien, « il coraggio è il tuo Signore ».
Il est à noter que certains blogs sur internet font référence à une autre signification de Antudo. Le mot se-
rait dérivé du français « entendu ». Toutefois, en raison du manque de références historiques, nous nous
en tiendrons là.
157
Agata ADA MIDIRI, « L’ora dei Vespri, al grido ribelle di “Antudo” » [en ligne], Messina, 2017, URL :
https://www.youtube.com/watch?v=xauh3StDMZI, consulté le 23 mars 2019. Conférence-débat organi-
sée par l’Associazione Dirigenti Scolatici e Territorio le 10 novembre 2017.
158
Steven RUNCIMAN, Les vêpres siciliennes : une histoire du monde méditerranéen à la fin du XIIIe
siècle, op. cit.
159
Salvatore TRAMONTANA, Gli anni del Vespro : l’immaginario, la cronaca, la storia, op. cit.
160
Nous avons pu recenser une occurrence du mot Antudo dans I manoscritti datati del Fondo Conventi
soppressi della Biblioteca nazionale centrale di Firenze, Volume 5 di Manoscritti datati d'Italia, Florence,
SISMEL, 2002. Toutefois, n’ayant pu consulter l’ouvrage, il nous est impossible d’estimer la valeur de
l’information.

LES VÊPRES SICILIENNES - 59


Toutefois, son appropriation lors d’événements postérieurs lui donne un intérêt
digne d’approfondissements. Antudo est aujourd’hui surtout employé par des
mouvements politiques séparatistes de peu d’ampleur voulant ainsi recréer cette
ambiance révolutionnaire de Pâques 1282.

On trouve pour la première fois après les Vêpres le mot Antudo dans la révolte
de 1647, mais tous les textes que nous avons consultés manquent de références
bibliographiques. Dans l’introduction de sa thèse de doctorat, Antonello Battaglia, écrit
dès les premières lignes161 :

Antudo! gridavano i rivoluzionari durante le giornate convulse della


primavera del 1282 […]. Il motto [Antudo] e il vessillo furono
innalzati anche nel maggio del 1647, durante l’insurrezione armata
[…]. Circa centosettant’anni dopo, nel 1820, Antudo fu il grido dei
moti sollevato contro i Borbone che avevano appena proclamato la
fine del Regno di Sicilia. Il 12 gennaio 1848, lo stesso motto urlato
a Palermo […].xxvii

Le document doctoral, dans les chapitres suivants, fait à nouveau référence


parcimonieusement au mot d’ordre, mais sans jamais citer les sources historiques,
comme si la chose allait de soi. La reprise du mot aujourd’hui par une quantité
appréciable de personnes convaincues de sa vraisemblance historique est en soi une
intéressante piste d’investigation. L’historicité du mot est, pour ce que nous en savons
au moment de la rédaction de ce mémoire, douteuse, et ce que nous écrivons en suivant
doit être lu avec circonspection.

Pour en revenir à ce mois de mai 1647, un printemps trop sec, en Sicile,


consécutif à une crise agraire tenace, incita le vice-roi à inaugurer quinze jours de
pèlerinages et de prières afin d’invoquer la pluie. Ces « mesures » n’étaient pas à la
hauteur de ce qu’attendaient les Palermitains qui voyaient la famine arriver à grands pas
dans une ville surendettée où la pression fiscale pesait trop. Le jour même où apparut un
pain au poids diminué, le 20 mai 1647, éclata la révolte aux cris de « pan grande e quita
gavelas » [grand pain et gabelle supprimée]162. Un slogan différent, mais tout aussi peu
161
Antonello BATTAGLIA, Il separatismo siciliano, dalle carte del servizio informazioni militare, La
Sapienza, Roma, 2013.
162
Daniele PALERMO, « Un viceré e la crisi. Il marchese di Los Veles nella rivolta palermitana del
1647. » [en ligne], Libros de la corte, n° 4, 2012, URL :
https://revistas.uam.es/librosdelacorte/article/view/8284, consulté le 25 juin 2020. Ni dans cet article, ni
dans l’article « Sicilia in rivolta », Daniele Palermo ne fait référence à Antudo. Du même auteur, « Sicilia
in rivolta » [en ligne], dans La Sicilia del ’600. Nuove linee di ricerca, Mediterranea. Ricerche storiche,

LES VÊPRES SICILIENNES - 60


référencé que le Antudo que l’on trouve dans la thèse précitée. Il est à noter que dans
l’analyse de la révolte de 1647, l’historien Daniele Palermo ne fait jamais référence à ce
mot163.

Plus tard, la révolution de 1820 à Palerme, pour laquelle on peut recenser


nombre de documents d’époque, est réputée avoir eu aussi comme mot d’ordre Antudo.
Mais encore une fois, les recherches que nous avons effectuées ne nous permettent pas
d’en vérifier la véracité. Comme précédemment, ce sont des écrits du XX e siècle qui
attestent de cela sans donner de sources. Une recherche sur l’encyclopédie collaborative
en ligne Wikipédia164 sur le mot Antudo ouvre un article qui énumère les moments de
crise à Palerme où le mot d’ordre était repris par la foule, mais le site prévient :

Questa voce o sezione sull'argomento storia d'Italia non cita le fonti


necessarie o quelle presenti sono insufficienti.xxviii

Le dernier événement du XIXe siècle où Antudo aurait été le cri de ralliement de


la population fut la révolution de 1848. À Palerme elle éclata le 12 janvier, inaugurant
ainsi la série de révolutions qui jalonnèrent l’année dans de nombreux pays d’Europe.
Les mêmes auteurs parlent du cri de ralliement sans encore une fois donner de sources
fiables. Et nos propres recherches n’ont pas permis de trouver un écrit contemporain de
l’événement qui aurait cité ce mot d’encouragement.

Il est troublant que même pour le mouvement indépendantiste de 1943 de


Finocchiari Aprile aucun document ne fournisse de sources. La thèse d’Antonello
Battaglia165, qui pourtant fourmille de références est muette lorsqu’elle aborde le sujet.

L’historien Santi Correnti qui « découvrit » la signification du mot, dans un


article qu’il publiait dans une revue à destination de la diaspora sicilienne (publiée en
Belgique)166 ne donne aucun détail sur l’origine de sa découverte. On trouve dans cet
article exactement ce que l’on trouve chez tous les auteurs qui le citent : une définition
du mot acronyme et son emploi au cours de l’histoire. Toutefois, il existe dans cet

2012, URL : www.mediterranearicerchestoriche.it, consulté le 25 juin 2020.


163
Daniele PALERMO, Sicilia 1647 : voci, esempi, modelli di rivolta, Palermo, Mediterranea, Ricerche
storiche, coll. « Quaderni » 9, 2009.
164
AA. VV., article « Antudo » [en ligne], dans Wikipédia, URL : https://it.wikipedia.org/wiki/Antudo,
consulté le 16 janvier 2020.
165
Antonello BATTAGLIA, Il separatismo siciliano, dalle carte del servizio informazioni militare, La
Sapienza, op. cit.
166
Santi CORRENTI, « La parola segreta del Vespro siciliano », L’Isola, anno IX, 1, 2007.

LES VÊPRES SICILIENNES - 61


article deux références, il s’agit d’un renvoi à un discours de 1943 de Finocchiaro
Aprile167, fondateur du Mouvement pour l’indépendance de la Sicile (MIS) et du livre-
témoignage de Francesco Paternò Castello168 Il movimento per l'indipendenza della
Sicilia: memorie.

L’esistenza storica di questa parola è quindi fuori discussione; ed


essa è stata adoperata per indicare lo spirito di libertà dei Siciliani,
anche nel 1943, quando, durante l’invasione angloamericana
dell’isola, come testimoniano autorevolmente tanto l’on. Prof.
Andrea Finocchiaro Aprile, capo e fondatore del MIS (Movimento
per l’Indipendenza della Sicilia), nel suo pubblico discorso tenuto a
Partinico (Palermo) il 20 agosto del 1944; quanto lo studioso
siciliano Francesco Paternò Castello, Duca di Càrcaci (a pag. 37 del
suo libro IL MIS, edito a Palermo nel 1977), per cui "gli
indipendentisti siciliani si presentavano agli avamposti
angloamericani che occupavano la Sicilia nel 1943, sventolando la
bandiera siciliana recante scritto il fatidico motto del Vespro
"ANTUDO".xxix

En l’absence de sources historiques en dehors de celles décrites ci-avant, il


semble que le mot Antudo relève davantage de la légende et qu’il serve les intérêts de
mouvements politiques actuels pour l’essentiel, de la même manière que certaines
légendes sur les Vêpres siciliennes servaient aux XIXe siècle la cause des partisans de
l’unification de l’Italie.

167
Nous n’avons pas pu accéder au texte du discours de Finocchiari Aprile afin de vérifier l’assertion de
Santi Correnti.
168
Francesco PATERNÒ CASTELLO, Il movimento per l’indipendenza della Sicilia : memorie, Palermo,
Flaccovio, 1977, p. 37.

LES VÊPRES SICILIENNES - 62


3 L ES V ÊPRES , UNE RÉFÉRENCE HISTORIQUE
DANS LES LETTRES (XIX E -XX E SIÈCLES )

3.1 Le Risorgimento au son des Vêpres


Le bouillonnement des peuples d’Europe au XIX e siècle, particulièrement en
France qui venait de faire sa révolution et en Italie qui aspirait à faire la sienne, n’est pas
étranger à une telle production littéraire « révolutionnaire ». Ainsi la France et l’Italie
ont eu leurs grands écrivains qui produisaient une œuvre incitant les peuples à
s’affranchir de souverains absolutistes, comme Victor Hugo ou Alessandro Manzoni.
Des deux côtés de la frontière un thème surtout fut exploité par de nombreux écrivains,
historiens, poètes, librettistes, dramaturges… ce sont les Vêpres siciliennes dont le
siècle des révolutions veut se souvenir comme d’un mouvement de libération contre « la
mala signoria ».

Même s’il ne fut pas le premier à exploiter la révolte de Palerme, la première


place doit quand même revenir à l’historien Michele Amari, parce qu’à lui seul il va
occuper une grande partie de la scène des spécialistes de la Sicile médiévale. Il aurait,
affirme-t-il, voulu être le Manzoni des Vêpres, mais son talent le portait plutôt à la
recherche historique. Toutefois, il garda quelque chose de Manzoni, celle de vouloir
inciter les peuples d’Italie à s’unir et à chasser leurs souverains, du moins au royaume
des Deux-Siciles. Il fut accusé, à cause de cela, d’avoir « manipulé » l’histoire, ou tout
au moins de l’avoir instrumentalisée169, et notamment d’avoir écarté malhonnêtement
Giovanni da Procida de la révolte palermitaine 170. Giovanni Battista Niccolini fut au
nombre des détracteurs de Michele Amari. Il déteste, dans un courrier du 9 avril 1843171,
qu’Amari

169
« Amari politico, riuscì a prendere un periodo della storia siciliana per farne un libro di battaglia »
[« Amari politique réussit à prendre une période de l’histoire sicilienne pour en faire un livre de
bataille »] selon Francesco Giunta, rapporté par Pasquale HAMEL, « Amari... storico », La nuova Fenice,
2019.
170
Ermolao RUBIERI, Apologia di Giovanni di Procida, op. cit.
171
Atto VANNUCCI, Ricordi della vita e delle opere di G. B. Niccolini, Firenze, Felice Le Monnier, 1866,
p. 302.

LES VÊPRES SICILIENNES - 63


toglie [à Procida] la gloria della congiura contro i Francesi, gli dà
l'infamia di aver tradito i Siciliani, e lascia soltanto le corna fattegli
dalla moglie.xxx

C’est en 1842 qu’Amari édita son premier texte sur les Vêpres. De nombreux
textes avaient déjà été publiés en France et en Italie, très romancés pour la plupart, qui
durent inciter l’historien sicilien à proposer une étude sérieuse et très documentée sur la
période. Le titre, neutre et peu informatif, imposé par la censure, Un periodo delle
istorie siciliane del secolo XIII172 n’épargna pas à Amari l’exil en France. L’année
suivante, à Paris, une nouvelle édition de ce livre fut intitulée La guerra del Vespro
siciliano, sous-titrée o un periodo delle istorie siciliane del secolo XIII 173. L’auteur en
profita pour l’augmenter et présenter de nouveaux documents. Il revint à Palerme après
la révolution de 1848 où il fut élu député au parlement de Sicile, et ministre des
Finances, durant la brève période d’indépendance. Au retour des Bourbons, il repartit à
Paris jusqu’en 1860, puis devint sénateur du jeune royaume d’Italie, ministre de
l’Instruction et termina sa carrière comme professeur à l’Institut des Études supérieures
de Florence. Son activité éditoriale sur la Sicile se poursuivit en 1882 avec la
publication de Racconto popolare del Vespro siciliano174, qui se voulait une réponse à
ses détracteurs et une sorte de récit apaisé, pour un public plus large. En 1887, un
dernier ouvrage, Altre narrazioni del Vespro siciliano175, sortait de presse. Dans cet
ouvrage, publié en appendice de la neuvième édition du Vespro siciliano, l’auteur, qui
mourut seulement deux ans plus tard, le 16 juillet 1889 à Florence, fait une compilation
des différentes chroniques de la révolte, « scritte nel buon secolo della lingua ».

La thèse d’Amari, selon laquelle les Vêpres furent un bienfait pour la Sicile et
pour l’Italie toute entière, s’opposait à celle de Benedetto Croce176, pour qui

il vespro siciliano, che ingegni poco politici e molto rettorici


esaltano ancora come grande avvenimento storico, laddove fu
principio di molte sciagure e di nessuna grandezza.xxxi

172
Michele AMARI, Un periodo delle istorie siciliane del secolo XIII, Palermo, Poligrafia Empedocle,
1842.
173
Michele AMARI, La guerra del Vespro Siciliano o Un periodo delle istorie siciliane del secolo XIII, 2
vol., Paris, Baudry, 1843.
174
Michele AMARI, Bruno CARUSO, Racconto popolare del Vespro siciliano, Palermo, Epos, coll. «
Talismani » 20, 2006.
175
Michele AMARI, Altre narrazioni del Vespro Siciliano, Milano, Ulrico Hoepli, 1887.
176
Benedetto CROCE, Storia del regno di Napoli, Bari, Laterza, 1953, p. 11.

LES VÊPRES SICILIENNES - 64


Et dans le même esprit, Elio Vittorini177, en 1937, insistait :

Il Vespro come reazione, il Vespro che chiude la porta alla Francia,


per aprirla alla Spagna, all’Inquisizione, alla superstizione, al
sanfedismo, a tutto ciò che è remora, morte e putredine nella storia
europea: il Vespro non rivoluzione, ma giusto il contrario della
rivoluzione.xxxii

Le débat Amari-Croce se poursuit encore de nos jours. Un écrivain sicilien,


Roberto Alajmo178, dans Au comptoir de l’ailleurs, penchait pour la version de Croce,
celle de l’occasion manquée :

Même la seule vraie révolution – celle des Vêpres – a éclaté, selon


la tradition, pour des motifs futiles : à cause d’un soldat français qui
importunait une jeune fille sicilienne. C’est à ne pas y croire ! Entre
autres, cette fois-là aussi, l’histoire a quitté les rails de la
modernisation, en Sicile : si nous étions restés sous la domination
française, en l’espace de cinq siècles à peine, nous nous serions
ouverts à l’esprit des Lumières.

Un débat qui semble bien futile, puisque personne ne peut imaginer ce que la
Sicile, l’Italie et même l’Europe seraient devenues si les Vêpres n’avaient pas sonné.

Mais au siècle du Risorgimento, il n’y eut pas que des études universitaires
autour de l’émeute sicilienne. Dans le premier quart du siècle, deux auteurs, Giovanni
Battista Niccolini179 et Casimir Delavigne180, écrivaient chacun une œuvre dramatique
pour le théâtre181. L’Italien en 1817, le Français en 1819. Niccolini et Delavigne
n’eurent pas la même fortune. Alors que l’auteur français connaissait un grand succès au
Second Théâtre français (Odéon) pour son inauguration, le 23 octobre 1819, Niccolini
en Italie dut attendre le 29 janvier 1830 pour une première représentation à Florence,
mais la tragédie fut censurée peu après. Ce n’est qu’en 1848 que la pièce fût reprise.

177
Elio VITTORINI, « Di Vandea in Vandea, il Vespro siciliano », Letteratura, n° 4, 1937.
178
Roberto ALAJMO, « Au comptoir de l’ailleurs », La pensée de midi, vol. 26, n° 4, 2008.
179
Giovanni Battista NICCOLINI, Giovanni da Procida, op. cit.
180
Casimir DELAVIGNE, Les Vêpres sicilienne [en ligne], op. cit.
181
Selon Walter Zidaric, enseignant : « À la base du succès de ce mythe qui s’impose au XIX e siècle est
l’Histoire des républiques italiennes du Moyen Âge (1809-1818) de Jean-Charles-Léonard Sismondi, tra-
duite en italien entre 1817 et 1819, et dont Hayez tire son inspiration pour le tableau qu’il expose à Brera
en 1822, le premier d’une série de tableaux sur le même sujet. » (Cours donné à l’université d’Aix-
Marseille, 2016-2017.)

LES VÊPRES SICILIENNES - 65


Pour le dramaturge italien, influencé par les idéaux de la Révolution française, il n’y
avait rien de surprenant à cette censure. Il avait écrit à ce propos182 :

M'occupo di Giovanni da Procida; ma mi converrà condannarlo alle


tenebre e al silenzio come il Nabucco. Pure mi consola lo sfogarmi
scrivendo, e confermare l'anima in tanta viltà d'uomini e di
tempi.xxxiii

Puis ajoutait, dans une lettre à l’actrice Maddalena Pelzet 183, prima donna, le 15
août 1830, après la représentation censurée :

Quanto al Giovanni da Procida, io non ho mai creduto che poteste


avere il permesso di rappresentarlo.xxxiv

En revanche, pour Delavigne, sa pièce eut un tel impact qu’un mois plus tard, le
17 novembre 1819, Eugène Scribe, son ami de lycée, faisait jouer une parodie en un
acte, au Théâtre du Vaudeville184. Ce même Eugène Scribe qui trente ans plus tard
commença l’écriture du livret des Vêpres Siciliennes 185 pour Verdi. Deux autres
parodies furent jouées à Paris : celle de Simonin et Armand d’Artois, Les vêpres
odéoniennes, aux Variétés, le 22 novembre 1819, puis celle de Dupin et Carmouche,
Cadet Roussel-Procida ou la Cloche du dîner, au Théâtre de la Porte Saint-Martin, le 23
novembre.

Dans le drame de Delavigne, Giovanni da Procida est un noble sicilien qui, avec
des accents de colère, clame dès les premiers vers :

Eh quoi ! Charles d'Anjou ? Le vainqueur de Mainfroi,


Le bourreau, l'assassin de notre dernier roi ?
Charles dans mon palais, lui, cet indigne frère
De ce pieux Louis que la France révère ?186

Procida dans l’œuvre de Delavigne est un conspirateur qui a passé deux ans à
intriguer auprès du pape pour obtenir la nomination d’un nouveau roi pour la Sicile,
auprès du roi « Pedre » d’Aragon auquel est destinée la couronne, et de l’empereur
d’Orient, prêt à payer pourvu qu’on affaiblît son ennemi, Charles d’Anjou. Le

182
Atto VANNUCCI, Ricordi della vita e delle opere di G. B. Niccolini, op. cit. p. 425.
183
Ibid, p. 142.
184
Eugène SCRIBES, MÉLESVILLE, Les Vêpres siciliennes [en ligne], op. cit.
185
Eugène SCRIBES, « Les Vêpres siciliennes », dans Œuvres complètes, op. cit.
186
Casimir DELAVIGNE, Les Vêpres sicilienne [en ligne], op. cit., acte I, scène I.

LES VÊPRES SICILIENNES - 66


dramaturge, malgré quelques élans antifrançais de Naples ménage son public et fait dire
à son héros :

ces nombreux chevaliers […] plein de vaillance, que je hais en


Sicile et que j’admire en France.

L’intrigue se joue entre un père, Giovanni da Procida, son fils, Loredan, ami de
l’ennemi Montfort, gouverneur de la Sicile, et la fiancée de Loredan, Amélie,
descendante souabe, et dont Montfort est également amoureux. L’acte II annonce la
réconciliation de Procida et de son fils afin de venger l’honneur bafoué. Tous les
Français et leurs alliés doivent périr :

Femmes, enfants, vieillards, tous ceux que l'alliance,


L'amitié, l'intérêt asservit à la France,
Confondus avec eux, frappés des mêmes coups,
Suivront dans le cercueil leurs ombres en courroux.

L’acte III est un renversement de situation. Amélie tombe amoureuse du


gouverneur et trahit le complot de Procida et de Loredan. Magnanime, Montfort épargne
leur vie et les garde prisonniers dans leur propre demeure. Puis dans l’acte IV, les
conjurés rejoignent Procida, Loredan promet de frapper à mort Montfort. La dernière
scène de l’acte met face à face les deux prétendants, mais Loredan n’a pas le courage de
frapper son ancien ami. Enfin l’acte V s’ouvre sur le peuple qui se révolte. Montfort,
finalement blessé mortellement par Loredan, exhorte la France à la vengeance :

Ô ma patrie ! ô France !
Fais que ces étrangers admirent ta vengeance !
Ne les imite pas ; il est plus glorieux
De tomber comme nous que de vaincre comme eux.

À fin de l’acte, plein de reproches pour son père, Loredan s’immole sur le corps
de son ami. Procida, pleure son fils, puis se reprend et demande aux conjurés de se
préparer « à combattre au retour de l’aurore. » On comprend le succès à l’Odéon de ce
drame où Procida, les conjurés et le peuple de Palerme vainquent sans honneur. Et c’est
le propre fils de Procida qui, mourant, réduit l’héroïsme du combat à un vulgaire
assassinat :

Montfort, je vais te suivre.


D'un reproche importun mon trépas vous délivre ;
Vivez... soyez heureux... Que ce digne guerrier

LES VÊPRES SICILIENNES - 67


Repose dans la tombe avec son meurtrier.

Niccolini, dont nous reviendrons sur son drame ci-après, avait une piètre opinion
des Vêpres de Delavigne. Il écrivit dans un courrier adressé à Salvatore Viale187, le 5
juillet 1828 :

Se un Italiano avesse scritto questa tragedia sarebbe stato fischiato.


Cerco di rivendicare la fama di Procida così malmenata dal
Delavigne.xxxv

Mais n’en déplaise à Niccolini, les auteurs français continuèrent dans cette
veine. Le livret de Scribe, Les Vêpres siciliennes, ne rendit pas son honneur à Procida.
Verdi s’en plaignit dans une lettre au directeur de l’Opéra de Paris188 :

Enfin je comptais que M.r Scribe, comme il me l’avait promis


depuis le commencement, aurait changé tout ce qui attaque
l’honneur des Italiens. Plus je reflechi à ce sujet, plus je suis
persuadé qu’il est perilleux. Il blesse les Français puisqu’ils sont
massacrés ; il blesse les Italiens, parce que M.r Scribe, alterant le
caractère historique de Procida, en à fait un conspirateur commun
mettant dans sa main l’inévitable poignard.

Dans le sillon tracé par Delavigne, le baron de Lamothe-Langon, en 1821,


écrivit un roman intitulé Jean de Procida ou les Vêpres siciliennes 189, selon Roger
Musnik « imitation presque éhontée du grand succès théâtral de l’époque, Les Vêpres
siciliennes de Delavigne. »190 Beaucoup de personnages sont, certes, les mêmes dans les
deux œuvres, bien que la distribution fût changée : contrairement à la pièce de
Delavigne, Procida n’a pas un fils, mais une fille, Eulalia, mariée secrètement à un
Français, Brienne, lequel est prêt à trahir Charles d’Anjou pour l’amour de son épouse.
L’accusation de plagiat a-t-elle un sens ? Tous les auteurs qui traitent des Vêpres
siciliennes sont condamnés à répéter une histoire déjà bien connue à travers les livres
d’histoire des siècles précédents et si l’on devait y voir une imitation, ce serait plutôt
une imitation de la pièce de Niccolini, si elle avait été connue de lui.

187
Atto VANNUCCI, Ricordi della vita e delle opere di G. B. Niccolini, op. cit. p. 93.
188
Julian BUDDEN, Le opere di Verdi, Torino, EDT, 2013, p. 197.
189
Etienne-Léon de LAMOTHE-LANGON, Jean de Procida, ou les Vêpres siciliennes, op. cit.
190
Roger MUSNIK, « Étienne de Lamothe-Langon (1786-1864) » [en ligne], 2018, URL : https://galli-
ca.bnf.fr/blog/19052018/etienne-de-lamothe-langon-1786-1864?mode=desktop, consulté le 14 mai 2020.

LES VÊPRES SICILIENNES - 68


La fin du roman utilise toutefois les mêmes ressorts que ceux de Delavigne,
c’est-à-dire le déchirement entre le père et son enfant qui le renie. Un père, là aussi,
cruel et avide de vengeance. Au moment où la révolte gronde, juste avant que les
cloches ne sonnent l’appel au massacre des Français, Eulalia supplie Procida191 :

Quoi ! pour satisfaire votre haine, faut-il faire disparaître toute une
nation ? N’est-il point d’innocent parmi les Français ? Oserez-vous
dire qu’ils sont tous coupables ? Les femmes, les enfans, ces tendres
victimes épargnées des peuples les plus féroces, vous allez
froidement les égorger !

Puis elle renie son père192 :

J’abjure votre héritage, je n’en veux pour ma part qu’un cercueil. Je


ne suis plus votre fille, je suis l’épouse de Brienne, qui veut ou le
sauver, ou mourir avec lui.

Le roman se finit de manière pathétique : devant Procida, qui consent par son
silence au sacrifice de sa fille et se couvre les yeux de son manteau, la foule trucide
Eulalia et de Brienne.193

Outre-Manche, un drame, de Felicia Hemans, The Vespers of Palermo, mis en


scène le 12 décembre 1823 à Covent Garden, à Londres, reprend l’intrigue de
Delavigne. Mais, comme le note l’Italienne Silvia Bigliazzi, dans une revue italienne en
anglais194 :

[…] as the dramatist had predicted, it was not welcomed by the


audience and the critics and was immediately withdrawn.xxxvi

Cet échec, William M. Rossetti, l’explique ainsi, en 1873, dans son


avertissement à The Poetical Works of Mrs Felicia Hemans195 :

Rossetti was even more trenchant in his desultory judgement on


Hemans’s literary production, when it came to deal precisely with

191
Etienne-Léon de LAMOTHE-LANGON, Jean de Procida, ou les Vêpres siciliennes, op. cit. p. 179.
192
Ibid.
193
Ibid. p. 190.
194
Lilla Maria CRISAFULLI, « Felicia Hemans’s History in Drama : Gender Subjectivities Revisited in
The Vespers of Palermo » [en ligne], SKENÈ Journal of Theatre and Drama Studies, 4:1, 2018, URL :
https://skenejournal.skeneproject.it/index.php/JTDS/article/view/148/136, consulté le 23 juin 2019,
p. 127.
195
Ibid. p. 126.

LES VÊPRES SICILIENNES - 69


her drama. Having to introduce The Vespers of Palermo, he
confirms his impression of her poetry as weak and excessively
feminine. These faults, he believes, had determined the failure of its
performances of some decades earlier.xxxvii

Ce jugement masculiniste du XIXe siècle ne peut certainement pas être la raison


de l’échec de The Vespers of Palermo. L’autre explication pourrait être celle que Stuart
Curran présente dans son essai Romantic Poetry : The I Altered196 [Poésie romantique :
Le « Je » altéré] :

Hemans and Landon [une autre écrivaine], to be sure, paid a price


for their celebrity… For the bourgeois public of the 1820s and
1830s, their names were synonymous with the notion of a poetess,
celebrating hearth and home, God and country in mellifluous verse
that relished the sentimental and seldom teased anyone into thought.
There are other and darker strains in their voluminous production –
a focus on exile and failure, a celebration of female genius
frustrated, a haunting omnipresence of death – that seem to subvert
the role they claimed and invite a sophisticated reconsideration of
their work.xxxviii

Quoi qu’il en soit, le drame de Hemans, fut un échec total.

Dans le champ historique, suite à la publication en 1842 à Palerme, puis en 1843


à Paris des Vêpres de Michele Amari, ce sont les Français Possien et Chantrel qui
publient, en 1845, un volume intitulé Les Vêpres sicilienne ou Histoire de l’Italie au
XIIIe siècle197. Dans le récit des événements, sans cacher ce qui à leurs yeux ne relève
pas de la vérité historique, ils se rangent à l’avis de Michele Amari et émettent de
nombreux doutes quant à la conspiration et penchent plutôt pour un soulèvement
spontané du peuple198.

En Italie, en dehors de Michele Amari, qui dès le départ est considéré comme
« le » spécialiste incontournable de la Sicile du XIII e siècle, d’autres historiens ont
travaillé sur le sujet. Comme nous l’avons évoqué plus avant, il y a Rubieri, en 1856 199,
qui voulut insister sur les « qualche dubbio intorno alle cose ivi narrate del

196
Ibid. p. 123.
197
H. POSSIEN, Joseph CHANTREL, Les vêpres Siciliennes ou histoire de l’Italie au XIIIe, Paris, Debé-
court, 1845.
198
Ibib., p. 140.
199
Ermolao RUBIERI, Apologia di Giovanni di Procida, op. cit.

LES VÊPRES SICILIENNES - 70


Procida »xxxix. Dans les faits, Ermolao Rubieri revient sur toutes les affirmations et les
convictions d’Amari, en fournissant de nouvelles sources, pour renforcer l’idée que la
révolte de Palerme est bien née d’une conspiration de Giovanni da Procida. Toutefois, à
notre connaissance, Rubieri n’a pas marqué les esprits et son livre n’entre que dans de
très peu nombreuses bibliographies.

Pour en revenir à Niccolini, dont on sait avec quelles difficultés il a pu enfin


faire jouer son drame Giovanni da Procida200, en 1848, il utilisa pour bâtir sa trame la
chronique de Giovanni Villani, un toscan, contemporain des Vêpres. Le choix de Villani
comme base historique n’est pas surprenant : l’auteur du XIXe et celui du XIVe sont
issus de la même province, mais surtout Villani est considéré comme un des plus grands
historiens de son temps. Il faut tempérer cela au fait que Villani était guelfe et que ses
textes ont été écrits de manière partisane. Niccolini puise également dans les textes de
Boccace et de Pétrarque. Cela lui suffit. Il l’écrit dans la préface de son livret201 :

È inutile l’aggiungere altre testimonianze alle solenni e gravissime


di questi tre scrittori, il primo dei quali vivevo nel tempo in che
avvenne la strage dei Francesi, e gli altri due nacquero in età poco
da questo fatto lontana.xl

Dès l’ouverture du Ier acte du drame de Niccolini, Imelda campe la situation :


elle est la fille de Procida et la femme d’un Français, Tancredi. Une situation impossible
pour le meneur de révolte, Procida, qui se résout à agir à la fin de l’acte III :

Passò la gloria del mio sangue, e deggio


O la vergogna piangere o la morte
De' miei più cari… […]
Ma non è tempo di privati affetti,
E vinto sia dal cittadino il padre.xli

L’acte IV est consacré au plan des conjurés autour de Procida pour tuer les
Français. Mais à la scène VIII, Niccolini fait monter la tension par une révélation
extraordinaire : Tancredi, le mari d’Imelda dont elle a eu un enfant est en fait son demi-
frère. L’inceste s’ajoute au drame. Enfin, l’acte V efface le crime des époux incestueux :
Gualtiero transperce Tancredi et fait un mensonge public, pour sauver la face d’Imelda :

200
Giovanni Battista NICCOLINI, Giovanni da Procida, op. cit.
201
Ibid. p. 4.

LES VÊPRES SICILIENNES - 71


il déclare être son mari et le père de l’enfant. Imelda, dans un geste hautement moral,
refuse un baiser au mourant qui n’est plus désormais son mari mais son frère.

La dernière scène ne contient qu’une réplique : All’armi, all’armi.

Niccolini, s’étonna de cette dureté de la censure à son égard 202, « per altri
indulgentissima ed a me severa » [« pour les autres très indulgentes et pour moi
sévère »]. Son Procida est un appel à l’unité de l’Italie, ce qui devait être insupportable
à l’administration bourbon. Procida, dans l’œuvre de Niccolini, s’oppose aux Français
parce que ceux-ci, avec la complicité du pape, ont ruiné l’espoir des Souabes d’unifier
la péninsule. Et la main tendue au roi d’Aragon ne vise que cela : continuer l’œuvre
unificatrice des Hohenstaufen203.

Qui necessario estimo un re possente:


Sia di quel re scettro la spada, e l’elmo
La sua corona. Le divise voglie
A concordia riduca; a Italia sani
Le servili ferite e la ricreixlii

Procida n’est pas le vulgaire assassin que lui ont assigné comme rôle Delavigne
et Scribe, mais un idéaliste qui, imaginant la révolution commencée en Sicile, l’étend à
l’Italie pour l’unir. Comme un avant-goût de l’expédition de Garibaldi.

Le prince Giuseppe Poniatowski, petit-neveu du roi de Pologne, tira de la


tragédie de Niccolini, un opéra204 au titre éponyme. L’œuvre a été jouée à Florence, le
25 novembre 1838, au théâtre privé de Lord Standish, où elle fut fortement appréciée.
Grâce à ce succès, une deuxième représentation eut lieu, en 1840, au théâtre du Giglio
de Lucques. Le prince, y chanta le rôle du ténor. L’opéra de Poniatowski, dont il ne
reste que le livret, est toutefois allégée de tout sous-entendu politique : il n’y est pas
question d’Aragonais ou d’unification de l’Italie. Simplement la révolte d’un peuple
contre un tyran. La censure a approuvé.

202
Atto VANNUCCI, Ricordi della vita e delle opere di G. B. Niccolini, op. cit. p. 354.
203
Giovanni Battista NICCOLINI, Giovanni da Procida, op. cit., acte III, scène II.
204
Giuseppe PONIATOWSKI, Giovanni da Procida, dramma tragico, Firenze, Galetti, 1840.

LES VÊPRES SICILIENNES - 72


3.2 Les textes de 1900 à nos jours
Les XXe et XXIe siècles sont peut-être les plus riches d’un point de l’analyse des
sources. Beaucoup d’universitaires ont publié des articles sur les Vêpres. Mais
principalement, deux ouvrages, dans le sillon creusé par Amari, se dégagent. Il s’agit du
livre de Salvatore Tramontana205, Gli anni del Vespro, et de celui de Steven
Runciman206, Les Vêpres siciliennes.

Tramontana, en 1989, exploite et confronte toutes les sources afin d’en dégager
un récit le plus proche possible de la vérité historique. Henri Bresc lui reproche tout de
même deux erreurs207 : la première, d’avoir, dans une analyse gramscienne, fait
l’hypothèse d’une récupération baronniale du mouvement populaire ; la seconde, de
penser qu’il y a eu « catalanisation » de l’île lors de l’installation des Aragonais. Sur le
premier point, Bresc précise qu’avant les Vêpres les barons étaient français et qu’après,
il a fallu créer une nouvelle classe baronniale, il ne pouvait donc pas y avoir de
conjuration de barons siciliens, puisqu’ils avaient été sortis de la scène sicilienne. Sur le
deuxième point, l’historien français assure que les Aragonais se sont rapidement
« sicilianisés », et non l’inverse.

Dans son ouvrage, Tramontana donne beaucoup d’indications sur ses sources.
Les notes de bas de page sont extrêmement nombreuses comparées à celles du livre de
Steven Runciman qui les renvoie en fin de livre. Les styles entre les deux historiens
universitaires sont aussi très différents : Tramontana écrit dans un registre plutôt savant
et difficile, par thème, alors que Runciman s’efforce d’écrire pour un public plus large,
de manière chronologique et fluide. L’un s’apparente à un essai, l’autre à un récit
historique.

Sur la question de la conspiration ou de la révolte spontanée, aussi bien


Runciman que Tramontana, n’écartent pas un complot mené par Giovanni da Procida.
Dans un chapitre titré « La grande conspiration » qui traite de manière détaillée des
entreprises de Giovanni da Procida, même si l’historien britannique pense que

205
Salvatore TRAMONTANA, Gli anni del Vespro : l’immaginario, la cronaca, la storia, op. cit.
206
Steven RUNCIMAN, Les vêpres siciliennes : une histoire du monde méditerranéen à la fin du XIIIe
siècle, op. cit.
207
Henri BRESC, « Salvatore Tramontana, Gli anni del Vespro. L’immaginario, la cronica, la storia », An-
nales. Économies, sociétés, civilisations, n° 6, 1992.

LES VÊPRES SICILIENNES - 73


quelqu’un d’autre, peut-être son fils, agissait en son nom, il écrit 208 de manière
affirmative sa conviction qu’un complot a précédé les Vêpres :

Il est certain que des agents aragonais travaillèrent dans l’île. Il est
certain que des armes y furent introduites clandestinement. Il est
également certain que les conspirateurs furent en contact étroit avec
Constantinople, dont ils reçurent de l’argent et la promesse d’en
recevoir davantage si tout se passait selon le plan établi.

Tramontana209 dit, à propos de Procida, quelque chose de différent :

Infatti se le cronache di Ramon Muntaner et di Bernat Desclos, che


rispecchiano l’atteggiamento della Corona d’Aragona, non
accennano, per ovvi motivi, a Giovanni da Procida ed alla sua
congiura, Guillaume de Nangis, nella Vita di Filippo III dice
esplicitamente, anche se con l’evidente scopo di giustificare
l’intervento francese contro i catalani, che […] re Pietro era in
continui contatti con congiurati isolani e che la rivolta coincideva
col rientro in Palermo di fuorusciti che avevano a lungo soggiornato
nella reggia di Barcellona.xliii

Ce point de vue le rapproche d’Amari qui ne considère pas comme fiables, à


l’inverse de Runciman, les affirmations dans le Rebellamentu210, l’Itinerarum211 ou le
De casibus virorum illustrium212.

Le XXe siècle, comme par le passé, a aussi eu ses auteurs de romans historiques
qui ont trouvé dans les Vêpres un gisement facile. Dans le style « cape et épée », le
Sicilien Luigi Natoli213, auteur de nombreux romans de ce style, écrivit Il Vespro
siciliano, roman populaire mais qui n’eût pas l’énorme succès des Beati Paoli parus peu
auparavant. Le roman fut publié en feuilleton sous le pseudonyme de William Galt, en
1911, sur le Giornale di Sicilia, puis imprimé en 1915 par la maison d’édition La

208
Steven RUNCIMAN, Les vêpres siciliennes : une histoire du monde méditerranéen à la fin du XIIIe
siècle, op. cit. p. 200-201
209
Salvatore TRAMONTANA, Gli anni del Vespro : l’immaginario, la cronaca, la storia, op. cit. p. 118-
119
210
ANONYME, Il Vespro Siciliano : Cronaca siciliana anonima intitolata Lu Rebellamentu di Sichilia,
Catania, Giacomo Pastore, 1882, trad. de Pasquale CASTORINA.
211
Francesco PETRARCA, Itinerarium Syriacum, op. cit.
212
Giovanni BOCCACCIO, « De Carolo Siculorum rege », dans De casibus virorum illustrium, op. cit.
213
Luigi NATOLI, Il Vespro siciliano, Palermo, La Madonnina, 1951.

LES VÊPRES SICILIENNES - 74


Gutenberg, à Palerme. Pour Gabriele Montemagno214, auteur d’une biographie de Natoli
et époux d’une de ses petites-filles,

è sicuramente la sua opera più importante, che era piaciuta molto a


Sciascia. Un libro rigorosamente storico, che sgorga di passionalità.
Non si può parlare né di romanzo popolare, né di romanzo storico.
Si tratta invece di un dramma romantico dei sensi, in cui domina la
rivolta del popolo e la sua presa di coscienza, e dal quale si può
ricavare la natura di repubblicano vero di Natoli.xliv

Ce que confirme Francesco Giunta215 :

Metteva a frutto questa sua conoscenza storica a servizio del suo


amore per l’avventura. Fu, infatti, una caratteristica dei romanzi del
Natoli quella di poggiare su una valida e cattivante struttura storica,
che richiamava personaggi, ambienti e paesaggi ricreati con
apprezzabile maestria.
Né a questa regola sfugge il romanzo “Il Vespro siciliano”, nel
quale il tessuto storico portante è riscostruito con abilità e con tutti
gli ingredienti del mestiere. […]
In realtà, mi sembra che in questo romanzo lo storico preoccupato
di richiamare dai documenti il “buono stato e della libertà” della
Sicilia, prenda, più spesso che in altri, la mano del romanziere.

Natoli, dans ce roman d’aventure, marche sur les pas de Michele Amari :
Giovanni da Procida est écarté de la distribution. Le style narratif est vif : beaucoup de
dialogue, des paragraphes courts, de manière à maintenir une tension forte. Les
descriptions sont minutieuses sans être ennuyeuses : Natoli s’ingénie à revenir à
l’étymologie des noms de lieux, sans être professoral, si bien qu’on s’habitue à cette
Palerme de 1282 aux balate luisantes et glissantes.

L’autre écrivain qui reprend totalement la thèse d’Amari est Oreste Lo Valvo 216
qui publia en 1939 Il Vespro siciliano. Oresto Lo Valvo était un avocat palermitain, qui
ne cachait pas son patriotisme virulent que l’on retrouve dans le titre complet du livre de
1939 : Il vespro siciliano: guerra di redenzione contro l'aborrita dominazione francese,
narrata al popolo italiano [Les vêpres siciliennes : guerre de libération contre la

214
Interview de Salvatore FERLITA, « Natoli, uno scrittore prolifico e sconosciuto », La Repubblica, 2012.
215
Francesco GIUNTA, « Introduction », dans I Vespri Siciliani, Palermo, Flaccovio, 2010. Francesco
Giunta (1924-1994) était un historien sicilien spécialiste du Moyen Âge.
216
Oreste LO VALVO, Il vespro siciliano, Palermo, Industrie riunite editoriali siciliane, 1939.

LES VÊPRES SICILIENNES - 75


détestée domination française, racontée au peuple italien]. Dans sa préface, l’auteur
écrit :

Pertanto, con questo libro, pur facendo tesoro dell'opera dell'Amari,


si narra al popolo, con semplice e nuda verità, il Vespro Siciliano,
del quale le nuove generazioni sanno ben poco, mentre i vecchi,
tuttavia superstiti, ebbero viva sensazione del secolare avvenimento
nel 31 marzo 1882, quando se ne celebrò in Palermo il VI
Centenario.xlv

Dans l’avertissement aux lecteurs, Lo Valvo, tout en reconnaissant d’immenses


mérites à Amari, prévient que ses livres sont difficiles pour le grand public et plutôt
écrits pour des spécialistes. C’est pour cela que son roman n’est, en quelque sorte,
qu’une vulgarisation des travaux de l’historien, parce que le lecteur, « avec le temps qui
fuit, lit pour saisir tout de suite, sans se fatiguer et, si possible, avec délectation et
satisfaction ».

Plus loin, dans une deuxième introduction intitulée « but du livre », Lo Valvo
précise qu’en temps de guerre, ceux qui n’ont plus l’âge de prendre les armes, doivent
spirituellement se mobiliser pour combattre, autrement dit, que les événements à venir

richiedono un'efficace e attiva propaganda che tenga desti gli spiriti,


che ben disponga gli animi a credere e ad obbedire, non ciecamente,
ma nella piena consapevolezza delle giuste cause. […]
A tal fine con questo libro si vuol fare opera utile col divulgare la
Storia del Vespro Siciliano, che pur riferendosi ad un fatto
lontanissimo viene ad essere di sorprendente attualità.xlvi

Les Vêpres de Michele Amari avaient l’objectif de forger une conscience


nationale à des peuples italiens jamais réunis en nation, celles d’Oreste Lo Valvo de
puiser dans la révolte de 1282 un modèle pour combattre les ennemis de 1939, dont
faisait partie la

Francia di oggi che, dopo circa sette secoli, conserva e adotta i


medesimi sistemi di oppressione, di prepotenza e di crudeltà nel
governare i popoli soggetti, con accresciuta sete di denaro, con
maggiore forsennato senso di avarizia, con assoluta incomprensione
di ogni senso di equità, di umana e civile giustizia sociale.xlvii

Le ton est résolument antifrançais. Le reste de l’introduction se poursuit


rappelant ce qui oppose les deux pays depuis le début du siècle, et notamment cette

LES VÊPRES SICILIENNES - 76


« victoire mutilée » lors de la paix de Versailles en 1919. Les griefs et les ressentiments
rongent la plume de l’avocat palermitain et dans son esprit, il y fusion entre le cruel
Charles d’Anjou et la France de toujours.

Pour le reste, son récit des Vêpres siciliennes est une copie de l’œuvre d’Amari,
dans un langage plus abordable et clair, à travers lequel il insiste sur « la mala
signoria ».

LES VÊPRES SICILIENNES - 77


C ONCLUSION
À travers ce qui précède, nous constatons que les Vêpres siciliennes ont eu une
portée internationale dont les conséquences sont mesurables dans le temps. La Sicile, au
carrefour des chemins de la Méditerranée, a été une terre convoitée avec acharnement.
Quand Charles d’Anjou se battait pour la récupérer, c’est bien parce que sans la Sicile,
les autres terres qu’il convoitait en Méditerranée orientale devenaient secondaires.
Quand Pierre d’Aragon s’y faisait sacrer roi, c’est aussi pour en faire la base du futur
royaume étendu qu’il ambitionnait d’établir.

Mais cela n’était pas nouveau. Pour les empereurs allemands, et avant eux les
rois normands, la Sicile représentait cette terre à partir de laquelle tout pouvait se
conquérir. Y compris le reste de l’Italie. Débarquant à Palerme, Goethe affirmait que
l’île est « la chiave di ogni cose » [la clef de toute chose]217.

Le soulèvement des Vêpres ne fut pas sans conséquences. Il entraîna un long


conflit, vingt ans, et des batailles qui durèrent au-delà, jusqu’à ce qu’un souverain
prenne les deux trônes pour n’en faire qu’un.

Ces Vêpres, encore aujourd’hui questionnent les chercheurs. Que s’est-il


vraiment passé ? Comment est-ce arrivé ? Pour l’heure, en l’absence de nouvelles
sources, chacun s’oblige à émettre des hypothèses, ou des certitudes ! Pour les uns, il
fallait un organisateur, ils en sont certains et s’appuient sur les sources qui le
confirment. Pour les autres, c’est un mouvement spontané, et eux aussi ont les fonds
documentaires qui conviennent pour l’affirmer. Il en est qui pensent savoir, parce que,
Siciliens eux-mêmes, ils « savent » les emportements de leur peuple218. Pourquoi pas ?
Peut-être la réponse se cachait-elle au milieu des centaines de milliers de documents de
l’administration angevine brulés à Naples pendant les bombardements de la deuxième
guerre mondiale ?

217
Giuseppe BARONE (éd.), Storia mondiale della Sicilia, Bari, Laterza, 2018, introduction de Giuseppe
Barone.
218
Leonardo SCIASCIA, Mots croisés, Paris, Fayard, 1985, p. 23. « […] parmi toutes les raisons qu'il
[Amari] produit pour repousser l'existence d'une conjuration […], la plus convaincante reste à mes yeux
celle qu’il donne en tant que Sicilien connaissant les Siciliens. C’est-à-dire que rien de préparé, rien qui
ne requière l’accord de plusieurs personnes, ne peut réussir en Sicile. »

LES VÊPRES SICILIENNES - 78


Les Vêpres, avec toutes ces incertitudes, ont servi de modèle. Le nom fut un
cadeau offert à bien des combats. Des historiens siciliens l’ont porté en étendard dans
leur lutte pour l’unité du pays. Ces Vêpres ont exalté le peuple et leurs dirigeants afin
qu’ils hissent un même drapeau des Alpes aux Madonies. « Michel Amari reconnaît,
écrit Sciascia, par-delà son œuvre d’historien, que les mythes historiques sont plus utiles
que l’histoire elle-même – en admettant qu’il puisse y avoir une histoire pure, objective,
scientifiques. »219

Mais les Vêpres c’est aussi une certaine idée de la liberté. Quand les
Palermitains, et juste après les Corléonais se soulevèrent, ils n’étaient certainement pas
dans leur intention de fonder une grande nation italienne. L’idée même d’une Italie en
tant que pays n’avait aucun sens à ce moment-là.

La première intention qui leur vînt était de créer une commune libre. Ce qu’ils
firent. « Avec une vivacité et une violence qu’on ne revit jamais, ils tentèrent de
bouleverser leur destin, de se rendre leur dignité. »220 Et cela même fait douter qu’un
plan concerté au bénéfice du roi d’Aragon fût exécuté ce 30 mars 1282 à vêpres. Cette
commune libre de Palerme a existé. Elle s’est associée à la commune libre de Corleone,
et de cette union serait né le drapeau sicilien que nous connaissons aujourd’hui. Deux
triangles rouge et jaune, aux couleurs des deux villes, superposés de manière à former
un rectangle ; au centre la triscèle formée de trois jambes, et au milieu d’elle, la tête de
gorgone. Comme pour le mot « Antudo », les sources manquent, mais la légende est
belle qui offre à ce drapeau une date de naissance que ne confirme aucun chercheur
sérieux, mais que tout le monde reprend.

La révolution de Palerme a été trahie. Face à la tempête qu’elle a déclenchée, il


fallait que les Siciliens trouvent un protecteur. Ce fut le roi d’Aragon. C’est ainsi que les
communes libres qui s’étaient libérées du poids d’une monarchie, retombaient entre les
mains d’une autre monarchie. Quand Palerme et Corleone se furent émancipées dans le
sang des Français, elles appelèrent les autres villes à en faire de même. Le Catalan
Bernat Desclot, dans sa Cronica du XIIIe siècle, retranscrit la lettre des Palermitains aux
habitants de Messine221 :

219
Leonardo SCIASCIA, Mots croisés, ibid., p. 23.
220
Ibid. p. 31.
221
Jean-Louis GAULIN (éd.), Villes d’Italie : Textes et documents des XIIe, XIIIe, XIVe siècles, Lyon,
Presses universitaire de Lyon, 2005.

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Aux gentils et nobles barons et à toute la communauté de Messine,
salut et amitié éternelle. Nous vous faisons savoir que, avec la grâce
de Dieu, nous avons repris notre terre et toutes ses contrées aux
serpents vorace qui nous engloutissaient, nous et nos enfants, et
nous tourmentaient jour et nuit, tirant le lait des mamelles de nos
femmes et les dévorant sans merci et très cruellement. Nous vous
prions, nos frères et amis intimes, de jeter de votre ville les serpents
épouvantables et que vous soyez nos compagnons fort et hardis
dans la lutte contre le grand dragon. Le temps est venu : Dieu
envoie Moïse à pharaon pour libérer Israël de sa captivité et de son
pouvoir. Le temps est venu ou ce même Moïse qui devait délivrer
les fils d’Israël est venu nous délivrer, alors que nous étions perdus
à cause de nos péchés. Dieu le Père tout-puissant tout
miséricordieux a pris pitié de nous. Levez-vous, ne vous endormez
pas, dressez-vous dans le combat contre les serpents cruels !

Ce qui enthousiasma les Messinois, dit encore le chroniqueur médiéval, qui à


leur tour chassèrent les Français.

La guerre que se firent les monarques pour reprendre la Sicile, les lourds
manteaux royaux qui couvrirent l’île de leur magnificence, occultèrent cette courte
période de liberté. Ce moment de folle liberté où les citadins des villes créèrent une
fédération, signaient devant notaire leurs engagements à s’entraider.

Par la suite, en 1647 puis en 1848, Palerme se libéra de ses tutelles et s’offrit
quelques temps de liberté. Ces révolutions n’eurent pas l’heur de la Révolution
française. Constamment, Palerme retombait sous une domination étrangère, plus ou
moins détestable.

Nous n’avons pas, dans ce mémoire, étudié cette période où Palerme s’est
constituée en commune libre. C’est une piste de recherche qui, en soi, mérite un travail
spécifique. Cette courte période va du lendemain de la révolte, dans les tout premiers
jours d’avril 1282, jusqu’à l’arrivée de Pierre d’Aragon le 30 août, qui met fin à
l’expérience républicaine. Cinq mois pendant lesquels les villes libres fédérées
voulurent, en vain, se mettre sous la protection du pape Martin IV. Lors de sa légation
en France, avant de monter sur le trône pontifical, le futur pape avait mené les
négociations pour donner la couronne de Sicile à Charles d’Anjou. Il n’allait pas,
maintenant qu’il était à la tête de la Chrétienté, reconnaître une république qui avait
refoulé son protégé. D’autant plus qu’il était assis sur le siège de saint Pierre grâce à un

LES VÊPRES SICILIENNES - 80


coup de force de Charles Ier. Ces communes libres, à peine nées, devaient faire face à
l’hostilité de tous. Les premiers assauts de Charles contre Messine avaient commencé.
La seule solution pour survivre sans capituler, ce fut de se donner à l’Aragon.

Ces cinq mois perdus dans les limbes de l’histoire ont peu intéressé les
historiens. Probablement parce que peu de sources sont à notre disposition pour en
retracer les événements au quotidien. On connaît, à travers les chroniques des
contemporains, les faits les plus importants. En les analysant on pourra écrire l’histoire
de ces cinq mois de républiques fédérées autour de Palerme.

Le présent travail s’est surtout concentré sur les conséquences des Vêpres
siciliennes, à la fois politiques, littéraires et artistiques. Si dans l’introduction nous nous
sommes attachés à présenter la Sicile et ses composantes au XIII e siècle, le premier
chapitre nous a permis de mesurer l’impact de la « Guerre des Vêpres » sur l’Italie et les
États voisins, de constater qu’elles ont engendré l’effondrement d’une dynastie et
renforcé une autre.

L’étude des textes, depuis les contemporains des Vêpres jusqu’au XVIIIe siècle,
nous a montré cette permanence de l’événement dans l’histoire devenu une référence
pour de nombreuses luttes partout dans le monde. La lecture des sources a, par ailleurs,
permis de constater que, lors de la révolte des Vêpres, le mot « Antudo », semble
n’avoir jamais été prononcé. Il est pourtant beaucoup utilisé aujourd’hui par des
groupuscules indépendantistes ou autonomistes siciliens, il est le titre d’une pièce de
théâtre, un journal sur le web s’appelle Antudo, et même des travaux de chercheurs
parlent de son historicité, sans jamais, toutefois, donner de références.

La fin de notre travail a porté sur le siècle du Risorgimento où, avec force, en
Italie, les Vêpres siciliennes sont devenues une sorte d’étendard derrière lequel
marchaient toutes les forces qui combattaient pour la constitution de la nation italienne.
Nous avons ainsi vu comment l’historien Michele Amari a fait de l’émeute sicilienne
une arme de guerre pour les tenants d’une Italie unifiée. Les deux siècles derniers ont
transformé la révolution médiévale en un combat universel contre l’injustice et
l’absolutisme que résume parfaitement Luigi Natoli dans son roman de cape et d’épée
Les Vêpres siciliennes.

LES VÊPRES SICILIENNES - 81


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LES VÊPRES SICILIENNES - 91


A NNEXES
Annexe 1

Les auteurs des XIIIe et XIVe siècles


qui font références aux Vêpres 22 2   :
Anonyme sicilien : Cronica Sicilie.
Anonyme sicilien : Lu rubellamentu di Sichilia.
Anonyme toscan : Liber Jani de Procida et Palialoco.
Anonyme modénais : Leggenda di Messer Gianni di Procida.
Bartolomeo da Neocastro (Messine, ? – 1294/1295) : Historia sicula.
Bernat Desclot (Catalan, ? – 1288) : Cronica.
Brunetto Latini (Florence, 1220 circa – 1294) : Li livres dou Tresor.
Dante Alighieri (Florence, 1265 –Ravenne, 1321) : La Divine Comédie.
Francesco Petrarca (Arezzo, 1304 - Arquà, 1374) : Itinerarum Syriacum.
Francesco Pipino (Bologne, 1270 circa – Bologne, après 1328) : Chronicon ab anno
MCLXXVI usque ad annum circiter MCCCXIV.
Giovanni Boccaccio (Toscan) : Decameron, De casibus virorum illustrium.
Giovanni Villani (Toscan, 1276 – 1348) : Cronica.
Guglielmo de Nangis (Français, ? – 1300) : Chronicon.
William Rishanger (Anglais, 1250 circa – 1312 circa) : Chronica et annales
regnantibus Henrico Tertio ed Edwardo Primo.
Marin Sanudo l’Ancien (Venezia, 1270 circa – 1343 circa) : Istoria del Regno di
Romània.
Ramon Muntaner (Peralada, 1265- Ibiza,1336) : Cronica.
Ricordano Malispini (Florence (?), 1220 circa – 1290 circa) : Istoria Fiorentina.
Salibene de Adam (Parme, 1221 – Montefalcone, 1288) : Cronica.
Tolomeo da Lucca (Lucques, 1236 – Torcello, 1327) : Historia ecclesiastica a
nativitate Christi usque ad annum circiter MCCCXII.

222
Liste non exhaustive.

LES VÊPRES SICILIENNES - 92


Annexe 2

Représentations graphiques des Vêpres

Cette gravure de Pierre La-


cour représente la scène où
le soldat Drouet « fouille »
la jeune femme. La scène
se passe devant la cathé-
drale de Palerme qu’on re-
connaît assez bien. La ville
derrière ressemble davan-
tage à la Toscane qu’à la
Sicile. Le soldat français
est richement habillé, alors
que la jeune femme à l’air
d’une citadine. L’homme à
l’arrière, habillé en paysan,
est sous le choc. C’est la
seule fois où un artiste
montre ce moment-là. Le
sein dénudé indique le ni-
veau de violence.
Figure 1. Pierre Lacour, 1830

Les « Vêpres » d’Hayez


sont les plus célèbres re-
présentations de
l’émeute. Il s’agit ici du
3e tableau du peintre sur
ce thème. Le soldat
Drouet est au sol, touché
par l’épée. La jeune
femme a le sein nu. Ce
sein est une allégorie de
l’Italie, mère nourricière
et outragée par l’étran-
ger. Derrière la jeune
femme, un homme ha-
rangue la foule avec un
poignard : « mort aux
Français » semble-t-il
Figure 2. Francesco Hayez, 1846
crier. La scène se passe
derrière l’église qui a
peu de ressemblance
avec l’église Santo-Spi-
rito. Tout semble figé.

LES VÊPRES SICILIENNES - 93


La gravure de Désirée Laugée nous
montre la scène devant la cathé-
drale de Palerme. Il n’y a pas foule.
Un petit groupe de femmes, dont la
jeune femme violentée évanouie,
occupe la gauche de la gravure. À
droite, Drouet est au sol l’épée en
main. Le paysan à genoux devant
lui vient s’apprête à frapper avec
une sorte de fléau. Tout au fond,
quelques hommes brandissent des
outils de campagne. La scène paraît
trop vide pour signifier le début
d’une émeute. Comme chez Hayez,
tout est trop figé.

Figure 3. Désirée Laugée, 1889

Le buste de Giovanni da Procida


dans les jardins du Pincio, à Rome.
La jeune Italie du début du Risorgi-
mento a tenu à honorer « l’auteur
des Vêpres siciliennes », au grand
dam de Michele Amari. Mais cer-
tainement que l’œuvre de Verdi a
pesé plus lourd que les recherches
de l’historien.

Figure 4. Statue de Giovanni da Procida, jardins du Pincio, Rome.

LES VÊPRES SICILIENNES - 94


LES VÊPRES SICILIENNES - 95
Devant cette œuvre
de Michele Rapi-
sardi on est comme
à l’opéra : devant
les solistes, der-
rière le groupe des
chœurs. Il y a un
peu plus d’émotion
et de mise en scène
que chez Hayez.
L’action se déroule
au moment où le
soldat Drouet va
être transpercé de
sa propre épée.
Figure 5. Michele Rapisardi, 1865.

Dessin de Roberto Foco-


si pour le livret des
Vêpres Siciliennes de
Verdi. Sans beaucoup
d’originalité, l’artiste re-
présente une scène de
l’opéra : le gouverneur
Montfort, Arrigo, la du-
chesse Hélène et le mé-
decin Giovanni da Proci-
da, dans l’acte IV où Ar-
rigo demande la main de
la duchesse.

Figure 6. Roberto Focosi, 1855.

Cette gravure de B.
Console est tout en mou-
vement. Ce sont les
épées qui donnent la di-
rection et dessinent
comme une ligne d’hori-
zon qui descend sur le
soldat Drouet déjà à
terre. La jeune fille ou-
tragée est évanouie dans
les bras de son mari qui
tient l’épée vengeresse.

Figure 7. B. Console, artiste graveur. Autour de 1900.

LES VÊPRES SICILIENNES - 96


Le surréaliste Stanislao
Lepri représente les
Vêpres par deux
femmes âgées, sortant
de l’église, avec un vi-
sage de mort.
Ces deux femmes res-
semblent à des momies
des catacombes capu-
cines de Palerme. Les
vêtements flottent sur
leur corps desséchés.

Figure 8. Stanislao Lepri, 1975.

LES VÊPRES SICILIENNES - 97


L’affiche du roman
de Luigi Natoli. Le
dessin évoque le
mystère, bien plus
que l’émeute.

Dans les années cin-


quante, l’industriel
Liebiz offraient des
imagettes des grands
Figure 9. La Gutenberg. Couverture du roman moments de l’histoire
de W. Galt (Natoli), 1915 italienne.

Figure 10. Imagette Liebig, 1954

LES VÊPRES SICILIENNES - 98


Figure 11. Bruno Caruso, 1982.

Le dessinateur Bruno Caruso a illustré une réédition de Racconto popolare del


Vespro siciliano, de Michel Amari. La scène très expressionniste de l’assassinat
du soldat Drouet. La jeune femme, derrière son mari, a peur tandis qu’un enfant,
tient une pierre dans sa main, seule arme à sa portée, prêt à frapper les Français.
À l’arrière-plan, vient les rejoindre un groupe d’hommes et de femmes. Le pre-
mier d’entre-eux a déjà dégainé son poignard. La scène est très colorée, le pay-
sage est typiquement sicilien. Le soleil est couchant. C’est l’heure des vêpres.

LES VÊPRES SICILIENNES - 99


T RADUCTIONS

LES VÊPRES SICILIENNES - 100


i
… la Lombardie sicilienne, villages lombards de la Sicile… De belles villes comme Aidone, Piazza Armerina, Nico-
sia : ce sont celles où s’est formé un caillot de groupes ethniques lombards. Mais belles sont aussi Enna, Caltagirone,
Scicli : Enna avec son château de Lombardie, Caltagirone qui marque son hôtel de ville d’un écusson de Gênes  ; Scicli
qui vénère saint Guillaume, villes, en somme, dont l’histoire s’enrichit de la contribution des hommes du nord…
ii
L’événement phare qui marqua définitivement l’histoire de Corleone et qui lia indissolublement le destin des Lom-
bards de Corleone aux autres habitants de l’île, en particulier de Palerme, fut leur adhésion immédiate et spontanée à la
révolte des Vêpres.
[…] c’est certainement une chose admirable de voir comment la révolution sicilienne de 1820 […] les séditions adve -
iii

nues en 1837 […], puis en 1848 […] et enfin en 1860 […] se trouve constamment dans les proclamations officielles des
comités et des gouvernements la mention de Giovanni da Procida comme le plus fameux conspirateur et partisan de la
révolution de 1282, dite poétiquement et populairement révolution des Vêpres […].
iv
l’importance du sujet est ensuite prouvée par l’intérêt qu’il a suscité dans le champ artistique, et en particulier dans la
peinture et la musique.
v
Le son de chaque clochesonne les Vêpres
vi
Moi et mes compagnons sommes joyeux de combattre aux côtés des fils des Vêpres.
vii
Ils firent pire aux Français que les Palermitains, et les Français trouvèrent la mort en très grand nombre.
Mais avec les Vêpres, la question sicilienne devenait un problème international dont la résolution semblait subite-
viii

ment intéresser les États de tout l’Occident méditerranéen, directement ou indirectement remis en question par l’antago-
nisme arago-angevin.
Les champs étaient plein de morts et on combattait encore. Conradin était au premier rang : on aurait dit un archange
ix

qui foudroyait ses ennemis. Mais on ne percevait pas l’espoir d’une victoire, sauf en mourant ; et le jeune roi voulait
mourir.
x
C’est l’histoire du lent suicide de la plus grande idée du Moyen-Âge : la monarchie universelle de la papauté.
xi
S’y ajoute mille sarrasins de Lucera, avec fantassins et chevaux de Florence et d’autres cités guelfes de Lombardie et
de Toscane ; les Français, entre vassaux et engagés, furent le nerf de l’armée. Gênes et Pise envoyèrent des galées.
xii
Les origines des Vêpres, au moins pour ce qui est de ses motivations internes, […] doivent donc se situer plus avant
dans le temps : à l’époque de Frédéric II, dont l’inflexible lutte contre les abus bouleversa les pouvoirs déjà fortement
enracinés dans le royaume et, avec encore plus de bien-fondé, durant les années de Manfred, quand à un baronnage de
nouveau en expansion fut opposé l’avide politique ‘d’expropriation’ de la part des nobles ‘lombards’ (les Lancia et leurs
partisans), qui avec leur action éloignèrent les sympathies de Manfred, alors que dans un premier temps ils avaient mon-
tré leur classe nobiliaire régnicole à l’égard du jeune souabe.
En considération des grands mérites de Giovanni da Procida…, je le nomme Chancelier du royaume de Sicile, durant
xiii

toute sa vie.
xiv
[Les fonds de Naples] ont subi des pertes lors du dernier conflit mondial, dans des lieux et à des moments différents.
Au siège central, près du port, tombèrent des bombes et des engins incendiaires et même, après l’explosion d’un bateau
de munitions, des tôles enflammées, qui provoquèrent l’incendie et la totale destruction des dépôts du dernier étage
d’une aile du bâtiment. Le bombardement du 4 août 1943 détruisit à moitié l’édifice de Pizzofalcone et emporta dans ce
ravage toutes les écritures. Le dernier et plus grave désastre se produisit au dépôt de sécurité de la villa Montesano, dans
le Nolano, près de San Paolo Bel Sito, où avait été transportées les séries les plus précieuses, quand on ne supposait pas
que la guerre se serait transportée sur le territoire national : en septembre 1943 les troupes allemandes en retraite mirent
le feu qui détruisit l’édifice et son précieux contenu. Encore aujourd’hui il est impossible de faire un bilan précis des
pertes.
xv
Du reste le style est toujours ampoulé, prolixe, et à la fois obscure […] Toutefois, nonobstant ces défauts, il demeure
un des historiens les plus importants pour ce qui regarde les événements en Sicile durant la rébellion des fameuses
Vêpres.
xvi
Un jeune homme s’appropria de l’épée de Drouet, le blesse aux flancs, et déjà les entrailles s’échappent. On ignore
vraiment qui fut l’auteur de l’homicide, qui fut l’agresseur ; les jeunes, les armes manquantes, se saisissent de pierres ;
le peuple gronde.
Encore à Cépéran, là où trahit / chaque Apulien, et près de Tagliacosse / où le vieil Erard sans armes vainquit. [Il
xvii

s’agit des batailles de Bénévent et de Tagliacozza, après lesquelles les Français s’installèrent dans le sud de l’Italie.]
Charles en Italie vint et, pour réparer, / fit de Conradin sa victime ; et puis / renvoya au ciel Thomas, pour réparer.
xviii

[Dante fait allusion à l’exécution de Conradin, puis à la rumeur de l’empoisonnement de saint Thomas d’Aquin par
Charles d’Anjou.]
Là tout près il y a Procida, une petite île, mais où naquit un grand homme, Jean qui sans craindre la couronne de
xix

Charles, et se souvenant des graves blessures, osa enlever la Sicile au roi et aurait fait plus s’il avait pu.
xx
[…] il arriva, suite à l’honneur bafoué de l’épouse de Giovanni da Procida, un aristocrate d’une rouerie extrême, que
celui-ci supporta si mal l’affaire qu’il tendit toutes les forces de sa volonté à nourrir un but commun. Courant çà et là
pendant deux ans, sans se faire connaître, en dépensant autant d’effort que de sagacité, il fit partager la même opinion à
tous les grands personnages de Sicile, à l’empereur de Constantinople, au roi Pierre d’Aragon et au pape Nicolas. Et
comme convenu, suite à une émeute soulevée le même jour à Palerme, toute l'île se révolta contre les Français et les
anéantit tous jusqu' au dernier pour [venger] un seul homme.
xxi
« Celui-ci est Charles d’Anjou, que les sollicitations du Pape font entrer en Italie. Il y gagne deux batailles qui
coûtent la vie à deux Rois, la première à Mainfroi, & la seconde à Conradin  : mais les peuples soumis ne pouvant plus
supporter la tyrannie de leurs Maîtres, se révoltent contre les François dispersés dans le pays, & le coup des Vêpres est
le signal dont ils conviennent pour les égorger tous en un même jour. » Roland Furieux, Poëme héroïque de l’Arioste,
Traduction nouvelle par M***, tome troisième, Paris, Barrois Libraire, 1758.
Lui succéda [le pape] Martin IV, lequel étant de nationalité française favorisa Charles d’Anjou, en faveur duquel,
xxii

Charles envoya ses gens en Romagne, qui s’était rebellée ; et, se trouvant au camp de Forlì, Guido Bonatti, astrologue
ordonna qu’à un signal donné par lui, le peuple prenne d’assaut l’armée de Charles, de manière que tous les Français
furent pris et tués. Dans ces temps-là, entra en vigueur l’affaire du complot entre le pape Nicolas et Pierre, rois d’Ara-
gon ; par lequel les Siciliens massacrèrent tous les Français qui se trouvait dans cette île ; de laquelle Pierre se fit Sei-
gneur, disant qu’elle lui appartenait pour avoir épousé Constance, fille de Manfred. Mais Charles, en ordonnant à nou -
veau la guerre pour récupérer la Sicile, mourut, et lui succéda Charles II, lequel dans cette guerre était resté en prison en
Sicile, et pour être libre, il promit qu’il retournerait en prison si, dans les trois ans, il n’avait pas obtenu du pape que les
souverains d’Aragon fussent investis du règne de Sicile.
Des générations entières d’historiens se sont querellées pour établir si la guerre des Vêpres trouve son origine dans
xxiii

une conjuration ou dans un soulèvement populaire, et si ce fut un événement positif. Tomasso Fazello, qui au XVI e
siècle écrivit une monumentale Histoire de Sicile, choisit la conjuration ourdie par Giovanni da Procida.
Le nom de Vêpres siciliennes, […] ne se lit chez aucun des 18 auteurs contemporains, […] ne se lit pas chez les 20
xxiv

ou 21 qui répètent le fait au XIVe siècle ; même pas chez les quatre compilateurs d’histoire générale qui ont vécu dans la
première moitié du XVe. Dans la seconde moitié trois compilateurs ne connaissent toujours pas cette dénomination […].
Un quatrième, lequel semble avoir écrit dans les dernières années du XV e siècle […], nous donne chaque élément :
conjuration, jour et heure fixés du massacre, et l’heure c’est à vêpres ; « d’où elles s’appelèrent les Vêpres siciliennes et
sont devenues proverbe » ajouta-t-il.
xxv
dans toute l’Italie on ne parlerait pas autant des Vêpres si la Sicile ne les avait pas recommencées en 48, recommen -
cées cette fois pures de toute tache, et si elle ne les avait pas répliquées, encore plus belles et plus glorieuses en 1860.
xxvi
Comme S. Fodale l'a souligné à juste titre, lors de l'assemblée parlementaire tenue le 11 novembre 1295 à Palerme
avec la participation des maires omnium terrarum et locorum Sicilie Frédéric d'Aragon, jusqu'alors lieutenant sur l'île de
son frère Giacomo, « mieux que ses droits de succession, s'opposaient plus efficacement la voluntas populi qui se mani-
festait et s'exprimait par le parlement et renvoyait aux Vêpres. »
Antudo ! criaient les révolutionnaires durant les journées convulsives du printemps 1282 […]. La devise [Antudo] et
xxvii

l’étendard furent levés aussi en mai 1647, durant l’insurrection armée […]. Environ cent soixante-dix ans après, en
1820, Antudo fut le cri des mouvements dirigé contre les Bourbons qui venaient à peine de proclamer la fin du Règne de
Sicile. Le 12 janvier 1848, la même devise était hurlée à Palerme […].
Cette entrée ou section sur l'histoire de l'Italie ne cite pas les sources nécessaires ou celles présentes sont insuffi-
xxviii

santes.
xxix
L’existence historique de ce mot est donc indiscutable ; et il a été employé pour indiquer l’esprit de liberté des Sici-
liens, également en 1943, quand durant l’invasion anglo-américaine de l’île, comme en témoigne avec tant d’autorité
l’honorable professeur Andrea Finocchiaro Aprile, chef et fondateur du MIS (mouvement pour l’indépendance de la Si-
cile), dans son discours public à Partinico (Palerme) le 20 août 1944 ; comme en témoigne également le chercheur sici-
lien Francesco Paternò Castello, duc de Càrcaci (page 37 de son livre LE MIS, édité à Palerme en 1977), pour lequel
« les indépendantistes siciliens se présentaient aux avant-postes anglo-américains qui occupaient la Sicile en 1943, dé -
ployant le drapeau sicilien portant la fatidique devise des Vêpres ‘ANTUDO’ »
xxx
enlève [à Procida] la gloire de la conjuration contre les Français, le couvre d’infamie d’avoir trahi les Siciliens, et lui
laisse seulement les cornes que lui a faites sa femme.
Les vêpres siciliennes, qui construisirent peu de politiques et que beaucoup de rhétoriciens glorifient encore comme
xxxi

un grand événement historique, alors qu’il fût le commencement de beaucoup de malheurs et d’aucune grandeur.
Les Vêpres comme réaction, les Vêpres qui ferment la porte à la France, pour l’ouvrir à l’Espagne, à l’Inquisition, à
xxxii

la superstition, au sanfédisme, à tout ce qui est obstacle, mort et putréfaction dans l’histoire européenne : les Vêpres ne
révolutionnent pas, mais sont juste le contraire de la révolution.
Je m’occupe de Giovanni da Procida ; mais il me conviendrait de le condamner aux ténèbres et au silence comme le
xxxiii

Nabucco. Pourtant cela me console de me défouler en l’écrivant, et encourage mon âme au milieu de tant de lâcheté des
hommes et des temps.
xxxiv
Quant au Jean de Procida, moi je n’ai jamais cru que j’aurais pu avoir l’autorisation de le faire jouer.
Si un Italien avait écrit cette tragédie il aurait été sifflé. Je cherche à venger la réputation de Procida tellement mal -
xxxv

menée par Delavigne.


[…] comme la dramaturge l’avait pressenti, elle ne fut pas bien accueillie par le public et la critique, et elle fut im -
xxxvi

médiatement retiré de l’affiche.


Rossetti était encore plus tranchant dans ses jugements décousus sur la production littéraire de Hemans, quand il en
xxxvii

vint à s’occuper de son théâtre. Ayant à présenter Les Vêpres de Palerme, il confirme son impression que sa poésie était
faible et excessivement féminine. Ces failles, croit-il, ont été la cause de l’échec de ses représentations quelques décen -
nies plus tôt.
Hemans et Landon [une autre dramaturge], bien sûr, ont payé un prix pour leur célébrité… Pour le public bour-
xxxviii

geois des années 1820 et 1830, leurs noms étaient synonymes de la notion de poétesse, célébrant le foyer et la maison,
Dieu et la patrie dans des vers mélodieux qui savouraient le sentimental et qui taquinaient rarement quiconque en pen -
sée. Il existe d'autres souches plus sombres dans leur production volumineuse – un accent sur l'exil et l'échec, une célé-
bration du génie féminin frustré, une omniprésence obsédante de la mort – qui semblent subvertir le rôle qu'elles reven-
diquent et invitent à une reconsidération sophistiquée de leur travail.
xxxix
[sur] quelques doutes autour de choses, là [dans le livre d’Amari] narrées à propos de Procida.
xl
Il est inutile d’ajouter d’autres témoignages aux solennels et très sérieux de ces trois écrivains, le premier desquels vi -
vait dans le temps où est advenu le massacre des Français, et les deux autres qui naquirent peu de temps après ce fait
lointain.
Finit la gloire de mon sang, et je dois ou pleurer de honte ou accepter la mort de mes plus chers… […] Mais ce n’est
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pas le temps des affections privées. Que le père soit vaincu par le citoyen.
J’estime nécessaire un roi puissant : que son épée soit son sceptre et son heaume sa couronne. Qu’il ramène la
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concorde là où des volontés divisent ; qu’il soigne les blessures serviles de l’Italie et la recrée.
En fait, si les chroniques de Ramon Muntaner et de Bernat Desclos, qui reflètent l’attitude de la Couronne d’Aragon,
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ne citent pas, pour d’évidents motifs, Giovanni da Procida et sa conjuration, Guillaume de Nangis, dans la Vie de Phi-
lippe III, dit explicitement, même si c’est dans l’évident but de justifier l’intervention française contre les Catalans, que
[…] le roi Pierre était en continuels contacts avec les conjurés insulaires et que la révolte coïncidait avec le retour à Pa -
lerme des exilés qui avaient longtemps séjournés au palais royal de Barcelone.
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c’est certainement son ouvrage le plus important, qui avait plu à Sciascia. Un livre rigoureusement historique, duquel
jaillit le caractère passionnel. On ne peut parler ni de roman populaire, ni de roman historique. Il s’agit au contraire d’un
drame romantique des sens, dans lequel domine la révolte du peuple et sa prise de conscience, et duquel on peut voir la
nature de vrai républicain de Natoli.
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Donc, avec ce livre, tout en faisant trésor de l’œuvre d’Amari, on raconte au peuple, avec une simple et nue vérité, les
Vêpres siciliennes, desquelles les jeunes générations connaissent peu de choses, alors que les vieux, en tout cas les sur-
vivants, eurent une vive sensation du séculaire événement du 31 mars 1882, quand on en célébra, à Palerme, le XI e Cen-
tenaire.
ils réclament une efficace et active propagande qui tienne éveillés les esprits, qui dispose bien les âmes à l’obéis -
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sance, pas aveuglément, mais dans la pleine conscience des causes justes. […] À cette fin, avec ce livre, on veut faire
œuvre utile en divulguant l’Histoire des Vêpres siciliennes, qui, même si elle se réfèrent à un fait très ancien, sont d’une
surprenante actualité.
La France d’aujourd’hui qui, après environ sept siècles, conserve et adopte les mêmes systèmes d’oppression, d’ar -
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rogance et de cruauté dans le gouvernement des peuples sujets, avec une soif accrue d’argent, avec un plus furieux sens
de l’avarice, avec une absolue méconnaissance de tout sens de l’équité, d’humaine et civile justice sociale.

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