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L’horizontalité 

: une perspective mouvante

Les applications qui changent le monde

Lorsque ChatGPT vient questionner quelques-uns de nos fondamentaux.


Ces nouvelles applications qui fleurissent répondent à nombre de besoins que nous avions
formulé, silencieusement, ou érigent en désir de simples questionnements inconscients.
Fruit des batailles titanesques des Gafam pour le pouvoir, ils accélèrent aussi les
questionnements sous-jacents de l’évolution de notre humanité. En effet, leur configuration,
les paramètres des algorithmes, nous dirigent vers des manipulations dont nous n’avons pas
toujours conscience.
Par ailleurs, modifiant notre accès à la connaissance, externalisant les savoirs, ils ont une
incidence significative sur nos capacités cognitives, d’un côté, nous acquérons de nouveaux
réflexes et, de l’autre, notre attention, notre mémoire et notre concentration baissent. Dans
le même temps, pour y remédier les neurosciences apportent de précieuses clés pour pallier
les carences et nous permettre de nous adapter.
Ainsi, en développant l’IA et toutes les formes numériques qui constituent notre quotidien,
nous trouvons des solutions qui hybrident l’être humain en faisant une combinaison
homme/usage de la « machine » pour pallier ses carences à appréhender la complexité dont
nous sommes contemporains.
Inconsciemment, nous développons des compétences, comme ici la prise de conscience du
fonctionnement de notre cerveau et la possibilité de mieux nous en occuper, comme nous le
faisons avec le reste de notre corps. La conscience permet de « prendre soin » de soi et de
développer la vision stratégique et l’éthique de ce que nous voulons devenir. Nous nous
reconfigurons pour embrasser le monde que nous fabriquons, à condition de savoir nous en
mettre à distance et ne pas « foncer » tête baissée dans l’usage, sans réflexion
concomitante.

Le numérique réinvente l’horizontalité

Avec Internet c’est l’accès mondial aux savoirs, c’est la démocratisation de la connaissance
et le rapport pyramidal de l’expert, du maitre qui est revisité. Revisiter les hiérarchies de
pouvoir en offrant à chacune une équivalence de principe est un progrès, vérifions que le
besoin de pouvoir, lui, n’a pas pris d’autres voies. En effet, la sélection commerciale de
l’accès au savoir, par les publicités, oriente la construction de nos connaissances. Le rapport
à la vitesse et à la performance occulte notre discernement. Notre soif de comprendre,
notre curiosité sont intacts mais nous pouvons nous perdre dans le labyrinthe des
informations qui sont, elles aussi, mises au même niveau.
Ce qui pose alors la question des critères.

Les réseaux sociaux utilisent sciemment les mécanismes du fonctionnement humain :


comportement mimétique, besoins d’appartenance et de reconnaissance, quête narcissique
et créent des fonctions qui contribuent à leur renforcement. Les relais et partages
d’informations encouragent les phénomènes de narcissisme croisé. L’opinion se crée sur la
plus grande visibilité médiatique qui n’es pas toujours synonyme de qualité. Les applications
TikTok ou Instagram valorisent l’image1 au détriment du texte.
1
https://www.blogdumoderateur.com/tiktok-conseils-videos-plaire-algorithme/

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En répondant au besoin d’appartenir à une communauté, en privilégiant la rapidité des
partages et des likes pour faire monter sa notoriété, tout discernement est écarté. Le
contenu étant basé sur le visuel, le mouvement et le son, ce qui est textuel et source de
réflexion est alors minimisé, voire éliminé.
Pourtant, nous savons que pour qu’une compétence se développe il faut qu’elle soit
élaborée par l’expérience, vécue, intériorisée et répétée. C’est ainsi que le numérique fait
glisser progressivement du fond à la forme.

D’une certaine manière ChatGPT renoue avec le texte, car les réponses de l’application, qui
ne sont pas toujours justes, puisqu’elle est au niveau expérimental, sont longues et
documentées. Sortirions-nous de l’immédiateté d’humeur et de jugement ? L’enjeu va se
porter sur les données que nous fournissons à ces IA. Car, sans filtres encore stabilisés, si
nous apportons des informations fausses ou tendancieuses, l’IA va les intégrer et apprendre
sur un corpus de données qui reflétera la diversité de ce que nous sommes et manquera
l’opportunité de nous « tirer vers le haut ».

Ce qui questionne le principe même de l’horizontalité.


En mettant tout le monde au même niveau quelle en est la conséquence ?
L’effet de la gravité semble agir également sur la connaissance. Il est plus facile de tirer vers
le bas. L’horizontalité a fait passer de l’équivalence à l’égalité mettant tout et chacun sur le
même plan. Si ne plus vouloir la mainmise de quelques-uns sur tous, de par leur accès au
savoir, tout niveler, vers le bas, conduit aux dérives complotistes auxquelles nous avons
assisté depuis 2020.
Nous avons envie d’apprendre et de comprendre toutefois le numérique pose le problème
de rejeter les experts et les sachants, vécus comme intermédiaires inutiles. C’est alors ne
plus savoir faire le distinguo des sources ni savoir où trouver les informations fiables. La crise
sanitaire ayant largement discrédité nombre de scientifiques ou experts médicaux. Ce qui
souligne notre rapport ambivalent à la science et aux scientifiques. 2 Si douter est une saine
attitude et démontre des qualités de l’esprit critique, selon les sources utilisées, le
raisonnement peut s’avérer faux, tout comme pour l’IA. Le manque d’esprit scientifique
encourage un certain nombre de biais cognitifs de raisonnement.

Une belle opportunité pour relever les défis de notre temps

Nous sommes invités à opérer un nouveau saut quantique alliant la profondeur des
raisonnements et la rigueur des sources avec la fluidité des recherches et des analyses afin
de développer nos capacités intellectuelles de discernement sur les origines des
informations. Nous détenons désormais suffisamment de connaissances sur le
fonctionnement humain pour dépasser nos archaïsmes mimétiques. Gagnons en profondeur
d’analyse et nous pourrons mieux appréhender la complexité. En mode transdisciplinaire,
nous pouvons co-créer de nouveaux savoirs qui nous enrichissent et permettent de relever
les défis de notre époque. Nous réinventons le penser ensemble.
Nous vivons est à la fois une déconstruction des repères du passé et co-élaborons ceux du
paradigme en émergence. Ne manquons pas ce rendez-vous et offrons-nous les conditions
d’un choix mature. Hybridons les ressources du numérique avec notre intelligence,

2
https://lejournal.cnrs.fr/articles/les-francais-et-la-science-une-relation-ambivalente

2
mobilisons curiosité et discernement et donnons-nous les moyens de co-créer l’humanité à
venir.

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