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Éditorial : Marie-Cécile de Vienne, Roxane Vincent

Fabrication : Cédric Mathieu


Conception de couverture : Studio Dunod
Création de maquette : Marion Alfano
Mise en page : Nord Compo

© Dunod, 2018, 2023 pour la nouvelle présentation


11 rue Paul Bert, 92240 Malakoff
www.dunod.com

ISBN : 978-2-10-085324-3
Sommaire
Couverture

Page de Copyright

Préface

Avant-propos

Introduction

PARTIE 1 L'URGENCE DES SOFT SKILLS

Chapitre 1 Les soft skills à l'aube de 2020

Chapitre 2 La révolution digitale

Chapitre 3 L'avenir du travail et des compétences

Chapitre 4 Entrepreneur : un métier d'avenir ?

PARTIE 2 L'IA, ACCÉLÉRATEUR DE SOFT SKILLS

Chapitre 5 L'IA, nouvelle grille d'analyse des compétences

Chapitre 6 L'humain augmenté et les soft skills

PARTIE 3 LES SOFT SKILLS AU CŒUR DE L'ENTREPRISE

Chapitre 7 L'intelligence émotionnelle au cœur de l'entreprise

Chapitre 8 L'enjeu de maintenir l'humain au cœur de l'entreprise

Chapitre 9 La valeur ajoutée de l'humain


PARTIE 4 DÉVELOPPER SES SOFT SKILLS AU QUOTIDIEN

Chapitre 10 L'intelligence intuitive et la No-w Strategy

Chapitre 11 Cultiver les intelligences multiples

Chapitre 12 Se réapproprier son temps et son attention

Chapitre 13 Pourquoi les soft skills sont-elles indispensables

Chapitre 14 Le code soft skills

PARTIE 5 REPROGRAMMEZ VOTRE MÉTIER EN 4 ÉTAPES

Chapitre 15 Les soft skills et votre avenir professionnel

Chapitre 16 Étape 1 : visualiser

Chapitre 17 Étape 2 : simplifier

Chapitre 18 Étape 3 : programmer

Chapitre 19 Étape 4 : implémenter

Conclusion
Préface

DES SAVOIR-ÊTRE
POUR SAVOIR ÊTRE

« Soft skills ».
Elles sont désormais les compétences les plus recherchées dans le monde.
Tour à tour traduites comme compétences souples ou comportementales,
intelligence émotionnelle ou savoir-être… Les tentatives pour traduire cette
notion sont au moins aussi multiples que ses définitions. Comme l’écrit
Jean-Yves Prax, « une ambiguïté plane sur la nature même du savoir-être1 ».
Est-il un potentiel qui sommeille en chacun de nous ou un comportement
réel du quotidien, à portée d’agir pour tous ? Ressource personnelle ou
performance observable ? Inné ou acquis ? Au gré de nos enquêtes et
missions menées au sein d’entreprises, nous (les Bosons) avons été surpris
par le nombre de responsables RH et de managers qui nous ont répondu que
le savoir-être s’apprenait peu et qu’il était d’ailleurs bien souvent un filtre
de sélection pour les recrutements. Comme s’il n’y avait que le « hard » qui
pouvait s’acquérir. Nous avons opté pour une définition plus existentialiste
du savoir-être. Plus qu’un atout de naissance, nous sommes convaincus
qu’il est une compétence « qui s’apprend et qui s’entraîne », que l’on aurait
choisi de développer et de cultiver, et qui dirait quelque chose du travailleur
que l’on souhaite être. « L’homme est à inventer chaque jour », disait
Sartre.2 Il aurait pu aussi bien dire que l’art des softs skills est un
existentialisme. On comprend donc le potentiel identitaire et narratif des
soft skills, aussi bien sur le plan individuel, pour construire sa propre
épopée professionnelle, que collectif, quand il s’agit de créer les conditions
organisationnelles pour faire vivre une culture d’entreprise. On ne choisit
pas de développer une compétence comportementale parce qu’elle est à la
mode, comme on l’a trop vu dans certaines organisations, mais parce
qu’elle a du sens pour nous. Ainsi, derrière les comportements individuels
et collectifs que l’on favorise, se niche une façon d’œuvrer ensemble : les
savoir-être que l’on choisit d’entretenir sont une discipline qui dit quelque
chose de nous – que ce nous soit un travailleur individuel ou une entreprise
collective – de notre humanité, de notre singularité.
C’est tout le propos de cet ouvrage : les soft skills forgent « une identité
inédite et prometteuse », elles sont patrimoine humain et création de valeur.
En cela, elles sont bien « toutes les compétences qu’un robot ne peut pas
endosser3 ». À l’heure où l’industrie 4.0 et son lot de robotisation des tâches
questionnent la place et la contribution de l’Homme au travail, ces
compétences sont une ancre sur l’utilité et l’irremplaçabilité humaine dans
une économie de plus en plus technologique. Elles sont une certaine forme
de vie, le supplément d’âme au travail. C’est justement parce qu’elles disent
quelque chose de notre humanité que les soft skills ne peuvent être juste une
pratique (ou science ou discipline) à même de forger une singularité : elles
sont aussi une éthique. Du grec ethos qui signifie « mœurs », cet ensemble
de valeurs et de principes permet de « différencier le bien du mal, le juste de
l’injuste, l’acceptable de l’inacceptable » ; une boussole bienvenue tant les
dérives sont fréquentes en entreprise lorsqu’il est question de compétences
comportementales au travail. Il est d’ailleurs intéressant de voir à quel point
nous sommes loin de cette approche éthique globale des soft skills en jetant
un œil aux référentiels formalisés en la matière. L’Iowa Essential Concept
and Skills ou encore le Connecticut Department of Education positionnent
par exemple « l’éthique » au même niveau que « la productivité », « la
flexibilité » ou encore « la capacité à gérer les nombres », comme un
savoir-être parmi d’autres. Je crois au contraire que l’éthique doit être un
cadre à l’ensemble de toutes ces compétences dites souples.
Ce code des soft skills est donc un outil (très) pratique à mettre entre les
mains d’un public de professionnels avisés et soucieux de consolider une
culture d’entreprise. Un public en questionnement, qui interroge le sens et
les conséquences humaines des facultés que l’on choisit de développer.
Alors que se multiplient les démissions et le désengagement et que les taux
de satisfaction au travail sont en baisse depuis des années dans l’hexagone,
l’époque semble nous inviter à nous interroger sur la finalité du travail, sur
son utilité et sur la déontologie des pratiques métier. Aussi silencieusement
que les quiet quitting qui fleurissent dans les organisations, les Français
réinventent petit à petit le contrat et les engagements qui les lient à leur
activité professionnelle. Sur le chemin de leurs questionnements, sur ce à
quoi ils voudront contribuer demain par le travail, ils ouvriront peut-être
aussi la voie à de nouveaux savoir-être pour œuvrer autrement au monde,
probablement plus alignés avec des enjeux de sobriété et d’authenticité dont
le manque se fait tant sentir dans nos sociétés et dans nos économies.
De nouveaux savoir-être pour mieux savoir être au monde et aux autres.

Rose Ollivier,
directrice de l’observatoire de The Boson Project
Avant-propos

NOTRE PREMIER OUVRAGE

En 2014, quand notre premier ouvrage sur les soft skills a été publié, nous
étions persuadés que ce concept allait prendre de l’importance dans les
années à venir. Nous avions fait deux constats majeurs : d’une part, un
grand nombre d’acteurs de la vie professionnelle – universités, écoles,
direction des ressources humaines, organismes publics et privés, ou tout
simplement toute personne désireuse de mieux piloter sa vie
professionnelle – se questionnaient beaucoup sur l’avenir du travail en
général et des compétences en particulier ; et ce sans pour autant avoir
formalisé la notion de « soft skills ». Le constat était d’autant plus curieux
que le terme et les questionnements nourrissaient déjà depuis plusieurs
années, de l’autre côté de l’Atlantique, des débats forts intéressants. Il y
avait urgence à s’emparer dans l’hexagone de ce concept d’actualité.
En second lieu, il nous sautait aux yeux que les signaux – faibles et forts –
relatifs à la fois à l’évolution de l’économie et à celle du marché du travail,
mettaient en évidence qu’il était urgent de s’interroger quant aux
compétences du futur et en particulier sur le besoin de poser une question
claire : « quelles compétences seront demain nécessaires pour avoir un
métier ou pour le garder ? ». Les études relatives au processus
d’automatisation dans de nombreux secteurs économiques nous
permettaient de dire sans prendre trop de risque que si la machine prenait
une place de plus en plus importante dans l’entreprise, il allait falloir
rapidement se poser la question des conséquences sur l’employabilité de
l’homme et de l’avenir de ses compétences.
Tous ces facteurs nous permettaient en 2014 de plaider en faveur d’un
« réflexe soft skills ».
Pourtant, à l’aube de 2020, nous faisons un nouveau constat, qui nous fait
penser que nous rentrons dans une nouvelle ère des soft skills. Tous les
rapports récents sur l’avenir des compétences et du travail, sur l’impact de
l’intelligence artificielle, du big data, de la réalité virtuelle ou encore de
l’Internet des objets, convergent pour expliquer que les soft skills ne sont
plus seulement les compétences douces du cerveau droit, mais surtout les
compétences qui resteront foncièrement humaines, c’est-à-dire qu’il ne sera
pas intéressant d’externaliser à une machine, mais qu’il faudra au contraire
ancrer dans les capacités humaines.
Introduction

Nous sommes entrés dans le début d’une nouvelle révolution industrielle.


Tout le monde le sait. Ou plutôt, il est de plus en plus difficile de l’ignorer.
Et le grand responsable en est encore une fois les technologies. Ou plutôt
leur impact, qui va bouleverser notre quotidien. Cette révolution (oui
révolution et pas évolution) en cours repose principalement sur quatre
ruptures technologiques essentielles :

- la multiplication et l’omniprésence de la data ;


- une « intelligence » démultipliée pour faire parler ces datas ;
- une connexion entre ces datas à travers des objets rendus intelligents ;
- la possibilité d’utiliser ces objets pour déplacer la réalité.
Toutes ces technologies sont d’ores et déjà sur le marché et entre les mains
à la fois de leurs développeurs et de leurs utilisateurs.
Pour le meilleur ou pour le pire, nous sommes rentrés dans une période de
transformation qui va rebattre les cartes des toutes nos habitudes, de nos
métiers et de nos compétences. Cette révolution aura-t-elle une
conséquence sur l’emploi ? Bien entendu ! Aura-t-elle un impact sur votre
métier actuel et vos compétences ? À coup sûr ! Serons-nous tous
remplacés par des robots ? Certainement pas ! Certaines de vos tâches
actuelles vont bien entendu être confiées à votre futur assistant personnel
automatisé. Mais d’autres vont être au contraire poussées, augmentées et
vont valoriser le potentiel humain qui nous distingue encore des automates
et de l’intelligence artificielle. Ce sont les soft skills, les compétences que
nous n’allons pas déléguer aux robots ! Embarquez-vous dans un voyage
vers votre futur proche ! Nous vous proposons une mise à niveau claire de
l’impact des nouvelles ruptures technologiques sur votre vie professionnelle
et personnelle. Mais nous vous proposons aussi des exemples, des astuces et
méthodes pour favoriser la maîtrise de cette révolution sur votre vie. Bonne
nouvelle : nous sommes tous reprogrammables !
Ce scénario vous fait peur ? En le lisant, vous pourriez vous dire que le
futur est écrit d’avance, et que vous n’aurez pas d’autres choix que de vivre
avec ces avancées technologiques qui ne cesseront d’évoluer. Peut-être
même vous dites-vous que la technologie va elle-même prendre le pas sur
l’homme au point de le surpasser et de contrôler ses agissements. Certains
spécialistes de l’intelligence artificielle pourraient adopter ce type de point
de vue. Mais en parallèle de ce scénario, qui pour beaucoup de personnes
pourrait paraître anxiogène, nous avons écrit un autre scénario pour vous,
différent. Le voici.
162 minutes, c’est le temps moyen qu’un Français aurait passé chaque jour
sur son smartphone en 2016. Sommes-nous « hyperconnectés » ? Oui. Le
serons-nous encore plus dans les années à venir ? Cela dépend de nous. Les
créateurs d’application ont développé une certaine agilité à nous rendre
« dépendants » de nos outils digitaux.
Les notifications liées à vos applications en sont un exemple. Elles attirent
facilement votre attention si toutefois vous ne les avez pas désactivées. Et il
vous faudra en moyenne une minute, une fois que vous aurez consulté votre
notification, pour vous reconcentrer sur ce que vous étiez en train de faire.
Imaginez que ce « détournement d’attention » soit effectué une soixantaine
de fois au cours d’une journée. Et bien vous aurez perdu une heure de votre
temps à vous replonger dans vos tâches du moment. Dans certains cas, la
consultation des notifications, comme celle liées à l’actualité par exemple,
est volontairement choisie, tout simplement parce que vous portez un intérêt
à cette notification. Mais, nous sommes navrés de vous le dire, beaucoup de
consultations de votre smartphone ou autres outils digitaux sont
inconscientes et ancrées de façon réflexe dans vos comportements
quotidiens. Avez-vous réellement choisi consciemment de passer quelques
minutes sur Facebook pour voir ce qui s’y est passé depuis deux heures et si
par hasard vous avez manqué quelque chose ? Pas forcément. Êtes-vous
véritablement conscient de vérifier que votre SMS a bien été lu, alors que
finalement, peu importe, la personne vous répondra quand elle le pourra et
le voudra ?
Alors il faut peut-être l’admettre, bien que le digital puisse être utile pour
tout un tas de choses, vous allez petit à petit vous en détourner, car vous
vous apercevez que celui-ci vous vole du temps. Vous vous apercevez aussi
qu’au cours d’une journée, vous vivez beaucoup trop avec un écran devant
les yeux, qui vous cache la réalité qui se trouve juste derrière. Oui, vous
connaissez la personne qui se trouve en face de vous dans votre open space,
à qui vous envoyez un e-mail pour lui proposer d’aller déjeuner, alors que
vous pourriez juste vous lever pour lui parler.
Vous pouvez ainsi remarquer que le digital peut à la fois rapprocher les
humains, mais aussi les éloigner. Or vous ne souhaitez pas forcément que
cette deuxième option se produise… Vous allez donc choisir maintenant de
bouder le digital. Ou sans nécessairement le bouder, d’en être moins
dépendant, pour renouer avec vos proches plutôt que de consulter votre
smartphone pendant un repas par exemple, ou plus simplement pour
permettre à vos yeux de regarder autre chose qu’un écran. Bref, vous
décidez maintenant d’être libre du digital, des outils et objets intelligents
qui foisonnent autours de vous, du moins un peu plus que vous ne l’êtes
aujourd’hui. Vous décidez de moins consommer ce que la société vous
invite à consommer. Mais pour que ce scénario devienne réel, vous vous
apercevez qu’il va vous falloir changer certaines habitudes et développer de
nouvelles compétences, comme la capacité à prendre du recul, à faire
preuve de créativité, à vraiment écouter l’autre, à vous concentrer de façon
plus précise pour ne pas être perturbé par les sollicitations digitales qui vous
entourent, et bien d’autres compétences que nous découvrirons ensemble et
que vous découvrirez par vous-même.
Pour que ce scénario prenne forme, vous serez naturellement amené à
développer vos soft skills. Nous y revoilà. Peu importe le futur que vous
choisirez, pour que vous puissiez sélectionner celui qui vous convienne, ou
mieux, pour écrire votre propre histoire professionnelle, vous devrez
acquérir les compétences nécessaires.
Apprendre à surfer le changement, votre changement, celui que vous
souhaitez impulser dans ce nouveau monde, tel sera l’un des enjeux de
votre carrière. Ce monde est rempli de promesses, de prouesses mais aussi
de déceptions potentielles si vous n’avez pas les outils pour être votre
propre scénariste. Bonne nouvelle, nous allons vous transmettre ici un code
pour éviter le scénario dont vous ne voudriez pas, mais plutôt préparer celui
que vous voulez vivre et programmer pour votre avenir.
PARTIE 1
L’URGENCE DES SOFT
SKILLS
« Notre influence grandit au moment où un rêve futur se transforme
en une action présente. »
Steve Chandler

Dans notre premier ouvrage Le Réflexe soft skills, les compétences des leaders de demain (Dunod,
2014), nous présentions les soft skills comme les compétences qu’il serait bientôt nécessaire
d’intégrer dans un monde en train de changer. Cet avenir est aujourd’hui le présent. La nouvelle
révolution industrielle, dans laquelle nous venons d’entrer, s’annonce plus intense et disruptive, en
termes de changements, que tout ce que nous avons connu jusqu’à maintenant. En effet, cette
révolution n’est pas celle d’Internet ; mais celle de l’Intelligence Artificielle (IA) qui questionne de
manière agressive l’intelligence en général et les compétences en particulier. Bonne nouvelle pour les
soft skills : elles ne sont pas simplement « importantes » ; elles deviennent « urgentes et
importantes ».
Comment les changements liés à la digitalisation du monde et à « l’ubérisation » des métiers
imposent-ils un focus prioritaire sur les soft skills, à la fois au niveau des individus et au niveau des
organisations ?
C’est ce que vous découvrirez dans cette partie.
CHAPITRE 1

Les soft skills à l’aube de 2020

Executive summary
• Nous entrons dans une nouvelle période de changement qui demande de faire
évoluer les premières caractéristiques des soft skills comme elles avaient été décrites il y
a quelques années.
• Dans cette période d’accélération de l’obsolescence des compétences, il est
essentiel d’accepter ces changements pour transformer cette contrainte en opportunité.
• Le monde VUCA favorise les facteurs d’incertitude. En période de complexité, il est
essentiel de changer à la fois son mode de pensée managérial et d’adapter ses
compétences à ces nouveaux principes.
LE RÉFLEXE SOFT SKILLS

Pourquoi mettre à jour les soft skills ?

Les soft skills sont une notion qui a aujourd’hui trouvé sa place dans le
monde du management en France. Un certain nombre de points relatifs à
cette notion jusque-là très anglo-saxonne ont été clarifiés. Il s’est ensuite
posé la question d’une première classification de ces compétences souples
sur lesquelles il faudrait investir pour proposer une évolution pérenne et
durable des compétences des collaborateurs.
Pourtant, il n’est pas certain que ce que nous considérions à l’époque soit
toujours aussi vrai aujourd’hui. Ce constat d’un besoin de mise à jour
s’explique par deux raisons.
La première tient à la nature même des compétences, c’est-à-dire la relation
utile que l’homme entretient avec son environnement.
Il suffit de regarder tous les thèmes professionnels qui tournent autour de
cette notion par nature évolutive : évolution professionnelle, besoins en
formation, conditions de travail, entretien annuel d’évaluation, mobilité…
Les entreprises, comme les collaborateurs, prennent de plus en plus de
temps à se questionner sur la place de l’homme dans l’entreprise et son
évolution, sa « carrière ». Ils sont même de plus en plus nombreux à
rechercher une formule qui ferait de l’évaluation des compétences un
moment non unique et annuel, mais continu et évolutif.
Ainsi, la notion même de compétence est devenue indissociable de
l’interrogation relative à son obsolescence. Ce phénomène est aujourd’hui
encore peu discuté car relativement tabou. Pourtant, l’obsolescence des
compétences est un phénomène qui s’impose dans la vie professionnelle de
nombreux actifs.

L’obsolescence des compétences chez les informaticiens


En pleine révolution digitale, il peut paraître curieux – voire provocateur – de choisir de parler
des professionnels de l’informatique comme sujets potentiels de l’obsolescence professionnelle.
Un avocat, un huissier, une assistante dentaire pourquoi pas… mais un acteur du digital en
pleine révolution digitale ? Pourtant le risque est aussi bien réel pour ces professionnels, tout
comme il l’est pour la plupart d’entre nous. D’où vient dès lors le danger ?
En premier lieu, il vient de se sentir non concerné et à l’abri de cette mutation. Le biais cognitif
trouve sa source principale dans le fait qu’il y a encore quelques années, une telle question se
posait en fin de carrière professionnelle ou à quelques mois de la retraite. Aujourd’hui, cette
situation peut se poser à tout moment de la vie professionnelle.
En second lieu, il y a bien entendu, derrière ce risque, la notion d’accélération de l’émergence
des nouvelles technologies. Et c’est en particulier ceci qui est une source d’opportunités en
début de carrière pour un informaticien qui sort fraîchement diplômé de sa formation et qui peut
être une perspective de risques.

Le numérique est en perpétuelle révolution


Dans le secteur digital, l’obsolescence est d’autant plus réelle que l’évolution de certaines
approches se fait presque tous les six mois. Un site web aujourd’hui n’est ni pensé ni conçu
comme il pouvait l’être il y a encore quelques années. Il en va de même pour un bon nombre
d’outils de communication digitaux. Slack n’existait pas il y a encore quelques mois. C’est un
des outils les plus utilisés pour remplacer aujourd’hui les réseaux sociaux d’entreprise. Angular
est aujourd’hui une plateforme de développement qu’il serait naïf d’ignorer. Elle n’était pas au
cœur des process il y a peu de temps.

En informatique, il faut être polyglotte


En informatique, tout est question de langage. Or, ces derniers naissent, évoluent et meurent
pour être remplacés par de nouveaux vecteurs de programmation, à un rythme toujours plus
rapide. Cette course contre la montre ne peut se contrôler qu’en prenant conscience du besoin
d’être multilingue en matière de programmation.

Être multi-expert sinon rien


Ce besoin n’est pas propre aux acteurs du digital. Mais ces derniers sont peut-être encore plus
concernés que d’autres par cette dimension de l’obsolescence. La règle est connue : plus on
développe son expertise dans un domaine, plus il devient difficile de sortir de son expertise et
en l’espèce de passer à une autre technologie ; par confort bien entendu. Mais surtout parce que
ce domaine subit des exigences de temps et de technicité qui ne laisse pas de place à la semi-
expertise. Il faudra donc être expert dans de nombreux domaines sans compromis de médiocrité.
Pour finir, voici une solution sous forme d’anecdote. L’école 42 est souvent citée parmi les
structures d’enseignement spécialisées les plus disruptives du monde. Elle s’est créée sur le
constat d’un besoin de former les futurs acteurs de l’information et en particulier contre
l’obsolescence des compétences informatiques. Un des principes majeurs de leur philosophie
éducative innovante : il faut apprendre à apprendre et avant tout se tourner vers la solution
plutôt que vers la technicité. Conséquence : pas de diplôme, pas de cours en tant que tel, pas de
professeurs. Mais des défis à relever et l’importance de l’intelligence collective.
TÉMOIGNAGE
Cyril Pierre de Geyer, directeur de l’Exécutive MBA d’Epitech

« Consciente et maîtrisée, cette obsolescence offre des perspectives, à savoir d’une part,
l’enrichissement de son bagage professionnel. Et d’autre part, elle facilite une pluralité de
l’activité tout au long d’une carrière. Encore faut-il prendre le temps de lever la tête du guidon
pour observer et comprendre les changements. Une caractéristique fondamentale : la curiosité. »

La seconde raison tient au monde qui nous entoure. Un philosophe grec


l’avait écrit il y a presque 3 000 ans : on ne se baigne jamais deux fois dans
le même fleuve ! Eh bien le monde que l’on connaît aujourd’hui est un
fleuve qui n’est plus tranquille du tout depuis qu’il est devenu VUCA.

L’URGENCE À DÉVELOPPER VOS COMPÉTENCES


DANS UN MONDE VUCA

Le monde VUCA

Les formules ne manquent pas aujourd’hui pour tenter de qualifier la


transformation actuelle de toutes les industries. Le monde économique subit
une transformation révolutionnaire. Personne ne sait vraiment à quoi
ressemblera demain. Mais ce que tout le monde s’entend à dire, c’est que le
monde de demain sera bien différent de celui qu’on a connu jusqu’à
maintenant. D’où le fait de considérer la période actuelle sous les nouvelles
problématiques VUCA :

- Volatile (volatility) ;
- Incertain (uncertainty) ;
- Complexe (complexity) ;
- Ambigu (ambiguity).
Ces quatre types de problématique imposent chacune de questionner le
monde comme on le connaît aujourd’hui avec d’autres réponses pour
demain. C’est une manière de considérer l’environnement actuel dans
lequel nous vivons.
Doit-on prendre cet acronyme au sérieux ? Oui, quand on en connaît les
origines. En effet, l’expression doit retenir notre attention car elle ne tire pas
ses sources d’une agence de conseil, mais de l’école de l’armée américaine
qui forme les leaders militaires. C’est en cherchant à définir les
caractéristiques actuelles de notre monde que l’armée a développé son
approche dite de « Light Footprint » (empreinte légère). Pour le
gouvernement américain, l’objectif d’une telle approche est bien entendu de
tenter de trouver la meilleure formule pour assurer la sécurité nationale, tout
en protégeant au maximum ses citoyens, militaires ou non, des conflits dont
l’histoire montre toujours qu’ils sont souvent plus complexes dans la réalité
que ce que l’on avait imaginé sur le papier. Ainsi, le nouveau modèle
d’intervention préconisé par l’état-major américain doit être « rapide et
ciblé » afin d’éviter les risques d’enlisement et les dommages collatéraux.
D’un point de vue militaire, cela signifie que la grille de lecture des dangers
actuels se veut nouvelle : les adversaires sont multiples et leur visage est
peu ou parfois même inconnu, voire virtuel. Les forces armées doivent donc
déployer de nouvelles techniques d’attaque pour répondre à une situation
agile et rapide.
Ce concept a été récupéré par le monde des affaires. Cela signifie que les
temps longs et les certitudes doivent être oubliés dans les nouvelles
stratégies d’entreprise. Deux exemples peuvent illustrer ce nouveau
principe managérial.
En premier lieu, de nombreuses entreprises ont ainsi décidé de faire de
l’acronyme VUCA leur nouveau modèle d’arbitrage stratégique.
L’entreprise BASF, par exemple, considère que seul un pilotage court et
rapide est susceptible de donner des résultats en période de changement :
pour Hans-Ulrich Engel, directeur financier du groupe BASF : « La
meilleure expression est que nous vivons dans un monde VUCA. À présent,
nous avons une bonne visibilité jusqu’à soixante jours, maximum quatre-
vingt-dix. Mais c’est tout. »
En second lieu, toutes les stratégies d’innovation ont, de la même manière,
changé de temporalité et de philosophie depuis que les nouvelles
méthodologies du design thinking ou le lean startup sont utilisées pour faire
évoluer les produits et services dans les entreprises. Ces nouveaux principes
directeurs de l’innovation mettent en avant le prototypage rapide, le test and
learn, l’itération permanente.
Dans tous les secteurs, les entreprises sont confrontées à des
environnements de plus en plus instables. L’approche VUCA offre une
manière de penser adaptée aux managers qui souhaitent gérer l’incertitude.
De la même manière, elle impose de penser les compétences autrement.

Les compétences dans un monde VUCA

Balayons tout de suite une objection qui pourrait vous venir à l’esprit :
considérer le monde comme changeant, incertain, complexe, etc., ne serait-
ce pas enfoncer une porte ouverte en matière de management ? Est-il
réellement possible de trouver un acteur économique, mis en situation de
concurrence dans un environnement normal, qui vous dira que tout va bien
et qu’il connaît parfaitement son avenir sans aucun degré de complexité ou
d’incertitude ? En réalité, tout est question, encore une fois, de tempo.
L’environnement est changeant par nature. Mais ce qui a évolué, c’est la
vitesse du changement. Il n’y a plus – en tous cas actuellement – de
moment stable. Or, ce mouvement continu de changement a des impacts sur
les hommes qui sont au cœur de ce balancement ; et donc sur les
compétences et les postures qui leur faut prendre pour survivre à ce
déséquilibre.
Pour coller le plus possible aux nouvelles règles imposées par le monde
VUCA, les managers vont devoir adopter quatre postures qui seront autant
de compétences pour demain.

LE MODÈLE VUCA COMPRÉHENSION POSTURE

Attention aux nombreux


Volatile Définir une vision claire
changements

Incertain Manque de recul sur le présent Être à l’écoute


Complexe Les décisions se prennent sur la Être créatif
base de facteurs multiples

un manque de clarté sur


Ambigu Être clair
de nombreux faits

Tableau 1.1 – Les compétences en mode VUCA

Tout d’abord, puisque le monde est devenu volatile, le manager doit fédérer
ses équipes autour d’une vision commune. En l’absence de repères, il va
être nécessaire de favoriser la relation avec les autres.
Ensuite, après avoir suscité la relation, et pour répondre à l’ambiguïté et
l’incertitude, il sera primordial de favoriser l’écoute : de ses clients, de ses
collaborateurs, d’un maximum de parties prenantes qui l’entourent. Toutes
les approches de customer centricity ou d’employee centricity disent la
même chose. La confiance et la motivation passent par l’écoute.
Enfin, seule arme contre la complexité : la créativité. Moins on connaît
l’avenir, plus il faut tester de nouveaux modèles, prototyper de nouvelles
idées, les enrichir et les reconstruire encore le plus rapidement possible, en
proximité avec les besoins du client.
Quelles compétences faut-il déployer pour s’adapter à ce monde VUCA ?
C’est tout l’objet de cet ouvrage. Les soft skills sont, à leur manière, une
conséquence de ces nouvelles caractéristiques du monde. Il est donc
impératif de réfléchir aux compétences humaines à développer pour agir
dans un contexte d’incertitude et de complexité. D’autant que plus le monde
devient complexe, plus les organisations seront tentées de se tourner vers la
machine pour trouver des solutions…

TÉMOIGNAGE
Philippe Vallat, consultant en intelligence collective

« Nous sommes façonnés par la pensée rationnelle de Descartes et par la représentation


mécaniste du monde industriel. Dans la production de masse, je presse un bouton et je sais ce
qui va arriver. Notre conception du monde est calculée. Elle se fonde sur l’idée que je dois
savoir, comprendre pour agir. Nous avons en quelque sorte perdu la valeur de l’expérimentation
qui est la posture adéquate pour apprendre et s’adapter. Quand on suit des formations en
management, on ne trouve pas grand-chose d’utile pour nous aider à faire face à la confusion et
à l’incertitude. Il nous faut dès lors (ré)apprendre à aborder un monde où on ne sait pas et où il
n’est pas possible de savoir. »

L’ESSENTIEL
+ Nous sommes rentrés dans un nouveau monde bien différent, à de nombreux égards, de ce
que nous avons connu il y a encore une dizaine d’années. Les changements
qui caractérisent cette période demandent un besoin de mise à jour des premières
réflexions en matière de soft skills.

+ La période actuelle se caractérise en particulier par une accélération de l’obsolescence des


compétences. Cette notion était jusque-là traditionnellement l’apanage d’interrogations
de fin de carrière. Or, la révolution digitale actuelle se caractérise par une obsolescence
aggravée et une accélération des questionnements à ce sujet.

+ Le monde actuel est passé au crible d’un nouveau modèle d’analyse : le système VUCA.
Dans un environnement Volatile, Incertain, Complexe et Ambigu, il est devenu plus
difficile de manœuvrer, que ce soit pour les États ou pour les organisations. Ce
changement d’axe influe sur la question des compétences et donc des soft skills.
CHAPITRE 2

La révolution digitale

Executive summary
• Nous sommes rentrés dans une nouvelle ère que l’on peut qualifier de révolutionnaire.
Cette évolution de l’humanité n’est pas en soi gênante dès lors qu’on la vit comme une
nouvelle mutation sociale.
• Cette nouvelle étape de l’humanité est aussi une révolution industrielle, c’est-à-dire une
période où les principaux changements sont générés par des nouvelles technologies.
Celles-ci demandent une nouvelle maîtrise et posture.
• Cette révolution est aussi d’ordre organisationnelle. L’entreprise digitale n’est pas
une simple adaptation de modèle d’affaire. C’est une mutation anthropologique et
managériale.
UNE PÉRIODE DE CHANGEMENTS

Une nouvelle évolution de l’humanité

Un des best-sellers de l’année 2017 a été Sapiens, l’ouvrage de l’historien


Yuval Noah Harari. Le livre décrit comment il y a 100 000 ans, la Terre
était habitée par au moins six espèces différentes d’hominidés. Et surtout,
pourquoi une seule a survécu, les Homo sapiens, notre espèce. La qualité de
l’ouvrage est à chercher du côté du sujet qu’il traite : l’homme et son avenir.
Ou plus précisément, comment Homo sapiens a réussi à dominer
l’évolution de son environnement et construire les modèles de sa survie
d’abord, et de sa croissance ensuite. Sapiens est un livre érudit, qui tombe à
pic à un moment où nous nous questionnons sur les certitudes que nous
pensions savoir de notre humanité et notre futur.
Que nous apprend ce regard introspectif sur notre ancêtre l’Homo sapiens ?
On sait maintenant que la domestication du feu et l’élaboration d’outils ont
ouvert les premiers la différence significative entre l’homme et les autres
animaux. Mais le facteur déterminant a été l’usage du langage pour créer un
socle commun d’humanité au sein de l’espèce. Sapiens a pu survivre en
coopérant avec d’innombrables individus, grâce à son étonnante flexibilité,
qui lui permet, en permanence, de modifier son système social…
Pourquoi ? Parce qu’il est capable de faire preuve d’évolution rapide à
l’aide de son langage. Et quand en plus ce langage est doublé d’une rupture
technologique et industrielle, alors tous les facteurs sont réunis pour assister
à une rupture majeure dans l’histoire de l’humanité.

Une nouvelle révolution industrielle

L’Homo sapiens a terrassé tous les concurrents. Mais malgré tout, pendant
des milliers d’années, la trajectoire de l’humanité a été relativement plate.
Source : Wikipedia – Human Overpopulation
Figure 2.1 – La population mondiale depuis la Préhistoire

L’auteur américain Ian Morris est un des chercheurs contemporains en


histoire les plus remarqués grâce en particulier à ses travaux sur l’évolution
de l’humanité. Dans son ouvrage Pourquoi l’Occident domine le monde…
pour l’instant, il a fait des découvertes très intéressantes pour notre sujet. Il
a d’abord mis en évidence, d’une part, qu’il était possible de mesurer
l’évolution de l’humanité ; et d’autre part que son travail de quantification
pouvait mettre en évidence une courbe de « développement social » – la
capacité d’un groupe à maîtriser son environnement intellectuel et
physique. Pour notre réflexion, ces travaux sont forts utiles. En effet, les
recherches de Morris mettent en évidence un élément clé pour mieux
comprendre notre période actuelle : ce n’est pas tant la maîtrise du feu, la
domestication des animaux ou encore l’émergence des empires ou des
grandes religions qui infléchissent radicalement l’évolution d’une société,
mais plutôt le progrès industriel, à savoir les ruptures technologiques.
Si l’humanité a fait un bon dans les avancées technologiques à la fin du
xviiie siècle, c’est tout simplement grâce à la première révolution industrielle.
Plusieurs facteurs ont pu converger : des progrès en matière de mécanique,
de chimie et de métallurgie ont créé une véritable rupture dans la courbe du
développement social. Avec une innovation technologique principale, la
naissance de la machine à vapeur. Dès lors, on a pu dépasser les limites
musculaires de l’homme, grâce à un accès quasi illimité à une nouvelle
source d’énergie. Les notions de travail et de production ont changé de
dimensions. C’est ce que Erik Brynjolfsson et Andrew McAfee, auteurs et
chercheurs du MIT, ont qualifié de « premier âge de la machine ». Nous
reviendrons plus loin sur leur thèse actuelle qui converge avec notre vision
que nous vivons une période particulière de transformation.
Lors des révolutions industrielles suivantes, ce sont aussi des ruptures
technologiques qui ont sonné le glas d’usages industriels antérieurs et
favorisé le développement de certaines puissances industrielles. Voici un
résumé simplifié de ce que l’on nomme les quatre révolutions industrielles :

- la première fut donc celle de la machine à vapeur ;


- la deuxième, à la fin du , fut celle de l’électricité et du pétrole. Le
xixe

secteur automobile explose, la sidérurgie se développe en se basant


sur l’acier, et la chimie de synthèse permet de produire des textiles
artificiels, des colorants et des engrais. Toutes les innovations sont
alors centralisées dans des « usines » structurées selon les
philosophies de Ford et Taylor.

- puis, un siècle plus tard, dans la deuxième partie du xxe, la troisième


révolution industrielle est celle de l’électronique, des
télécommunications et de l’informatique. La production industrielle se
miniaturise et, surtout, cette nouvelle étape de développement social
va marquer une nouvelle ère. Pour l’industrie, cette révolution marque
le début de l’automatisation.

- enfin, pour de nombreux économistes, nous serions rentrés, depuis peu,


dans l’ère de la quatrième révolution industrielle, qui repose sur l’IA
et ses technologies associées.

TÉMOIGNAGE
World Economic Forum
« Nous sommes à l’aube d’une révolution technologique qui va fondamentalement changer nos
relations aux autres ainsi que notre façon de vivre et de travailler. Ces changements, dans leur
importance, leur portée et leur complexité, ne ressembleront en rien à ce que l’humanité a pu
connaître jusqu’alors. »
Cette quatrième révolution industrielle – celle dans laquelle nous rentrons et qui bouleverse tout
ce que nous connaissions de l’économie, du travail et des compétences – peut aussi être
qualifiée de « deuxième âge des machines ». Dans Le deuxième âge de la machine. Travail et
prospérité à l’heure de la révolution technologique, Brynjolfsson et McAfee font en effet un
constat équivalent : « nous vivons aujourd’hui le deuxième âge de la machine. L’ordinateur et
les diverses technologies numériques font pour ce que j’appellerai la puissance intellectuelle –
la capacité d’utiliser notre cerveau pour comprendre et façonner notre environnement – ce que
la machine à vapeur et ses rejetons ont fait pour la force musculaire. »

Un constat doit être fait avant d’aller plus loin dans notre ouvrage. Si nous
acceptons l’idée que nous venons d’entrer à pieds joints dans une nouvelle
révolution industrielle – la quatrième ou seulement dans la deuxième –,
alors au-delà du chiffre, une évidence se fait jour pour notre sujet. Les
ruptures technologiques actuelles, comme l’intelligence artificielle, le big
data, etc. – nous y reviendrons plus tard dans l’ouvrage – vont faire faire un
nouveau bond à l’humanité qui ne sera pas sans conséquence sur notre
manière de vivre et de travailler, et donc sur les compétences. L’objet de cet
ouvrage est bien de tenter d’en expliquer le pourquoi et le comment. Le
fruit de cette nouvelle évolution est ce que nous appelons les soft skills.
Faut-il craindre ce futur ? Pas forcément.

DES CHANGEMENTS POSITIFS

Toute révolution n’est pas mauvaise à vivre

Nous sommes rentrés dans une nouvelle phase de la vie en société. Comme
nous venons de le voir, l’histoire de l’humanité a déjà su s’adapter aux
précédentes ruptures industrielles et dès lors, peut-être que toute cette
histoire n’est qu’une question d’adaptation. Ce qui est certain, c’est que les
hommes vont devoir dans un premier temps minimiser les premiers impacts
du changement, pour pouvoir profiter le plus vite possible des différentes
opportunités qui vont s’offrir à eux.
Des changements à court terme
Il est coutume de diaboliser la révolution digitale. D’abord car elle est
synonyme de mutations à la fois majeures et durables : changement de
l’offre, transformation des usages, glissement des valeurs… Ce sont bien
des changements pour lesquels il y a lieu au minimum d’être attentif ; au
pire de s’en plaindre. Cette révolution semble, en effet, donner naissance à
un ensemble d’innovations dont les premières conséquences sociales
seraient de faire disparaître un nombre important de métiers et d’emplois.
Dans cette perspective, il est plus que normal de s’alarmer. Mais faisons
quelques constats plus nuancés.
Tout d’abord, il est certain que l’émergence du modèle d’affaire des
plateformes digitales entraîne des bouleversements sociaux importants.
Dans l’ouvrage Ubérisation, un ennemi qui vous veut du bien ?, Denis
Jacquet et Grégoire Leclercq font le constat que toutes les conditions de
tensions systémiques majeures sont aujourd´hui réunies pour que, dans un
premier temps effectivement, cette révolution soit destructrice d’emplois.
« L’économie de l’emploi est progressivement remplacée par une économie
d’activité dans laquelle de nouveaux intermédiaires aident notamment les
sans-emploi à trouver un client. » Ce nouveau paradigme industriel est en
effet inquiétant car il a pour conséquence de sonner la fin de notre système
d’équilibre économique actuel : jusqu’ici notre société reposait sur une
croissance qui générait de l’emploi, qui favorisait alors une élévation
sociale, qui offrait alors à tous un maximum de sécurité, etc. Si aujourd’hui
le service que vous proposez génère un revenu minimum sans pour autant
créer un emploi derrière l’activité exercée… alors le système social actuel
ne tient plus.
Deuxième conséquence de la révolution actuelle, cette nouvelle chaîne de
valeur, ces nouveaux acteurs économiques du marché semblent a priori
créer un nombre limité d’emplois. Ce deuxième constat est important. Si
nous assistions simplement à une période de « destruction créatrice », chère
à l’économiste Schumpeter, alors les éléments de notre paragraphe
précédent ne seraient pas si inquiétants. Après tout, les précédentes
révolutions ont montré que les premiers emplois détruits pour les
innovations contemporaines ont vite été remplacés par de nouveaux. Ceux
qui travaillaient à fabriquer des chandelles ont pu – même si ce ne sont pas
forcément les mêmes personnes qui sont en réalité concernées – travailler à
fabriquer ensuite des ampoules. Or, lorsqu’une entreprise comme Airbnb
s’attaque à un marché détenu précédemment pour un acteur comme Hilton,
les ressources clés nécessaires dans ce nouveau modèle économique ne sont
pas les mêmes. Pour lancer la start-up Airbnb, il vous faut principalement
une petite équipe de développeurs web et des designers pour rendre fluide
l’expérience digitale – là où l’empire Hilton a construit son modèle sur
l’acquisition et la gestion d’hôtels en dur, demandant un maximum de
personnel physique.
Ainsi, la troisième conséquence inéluctable – car elle découle des deux
précédentes – est d’ordre moins personnelle mais plus macro-économique :
on assiste à un appauvrissement de la classe moyenne. Une économie avec
moins d’emplois pour faire tourner ces nouvelles plateformes peut
accentuer les inégalités sociales, voire créer une véritable fracture digitale :
soit vous êtes urbain, diplômé, geek et dès lors vous êtes dans le camp de
ceux qui vont profiter de cette nouvelle révolution industrielle ; soit vous
risquez de rejoindre le camp de la classe paupérisée pour laquelle il n’y a
plus d’activité locale non urbaine puisqu’elle est mondialisée.

Le renouveau du facteur humain


Chacun le sent bien : nous traversons une période de mutation. Des forces
nouvelles sont en train de façonner de nouvelles règles du jeu et nous
éloignent, sinon les uns des autres, tout au moins des certitudes que nous
avions jusqu’à maintenant. Mais ce moment peut aussi être celui du choix.
Puisque les cartes sont rebattues, cela veut dire qu’il est aussi possible de
participer activement et positivement à cette évolution. Ne serait-ce pas
ainsi le bon moment de voir comment replacer l’homme et le vivre-
ensemble au centre du jeu ? D’essayer de refonder un nouvel ordre ou pacte
social ?
Il y a des facteurs qui font penser que tout est aussi question de regard et de
posture.
Ainsi, faut-il vraiment diaboliser ces nouvelles technologies numériques qui
façonnent aujourd’hui notre quotidien ? Entraînent-elles inexorablement
une déshumanisation de la société ? Après tout, toute technologie est neutre
par nature. C’est ce que nous en faisons qui lui donne son caractère moral.
Et c’est aussi la place que nous souhaitons donner à l’humain aux côtés de
ces machines qui façonne réellement l’avenir. Ainsi, le chercheur Vineet
Nayar a publié en 2010 l’étude « Employees First, Customers Second:
Turning Conventional Management Upside Down » (Harvard Business
Review Press), dans laquelle les données recueillies mettent en évidence
que la digitalisation est un formidable tremplin de transformation. Il y
explore des pistes intéressantes qui démontrent que, dans bon nombre de
situations, le facteur humain est bien renforcé dans les processus
décisionnels de l’entreprise.
De la même manière, peut-être faut-il aussi entourer un peu plus les
ingénieurs et ne plus les laisser seuls créer le monde dans lequel nous allons
vivre. Les nouvelles technologies façonnent notre nouvelle société. Mais
encore faut-il imaginer cette société avant de la créer et définir ensemble
ses valeurs qui nous concerneront tous. Les développeurs doivent être
encouragés à travailler davantage avec des psychologues, sociologues,
experts des sciences cognitives. Les sciences humaines sont souvent le
parent pauvre des programmes des écoles d’informatique et d’ingénieurs !
Il ne faut pas le reprocher à ceux qui sortent de ces écoles. Mais plutôt à
ceux qui en façonnent les programmes. Nous avons écrit précédemment que
la technologie était neutre. Mais en fait, elle ne l’est jamais totalement. Les
données qui la composent sont souvent biaisées. Elles reflètent ceux qui les
produisent. Il y a, derrière chaque ligne de code, une personne. D’où la
nécessité, pour construire une société plus équilibrée, de diversifier les
profils d’origine des nouveaux développeurs, de leur apporter d’autres
sources d’inspiration qui vont façonner leurs futures compétences.

L’entreprise digitale à la recherche de nouvelles compétences

La révolution digitale ne saurait se résumer uniquement à une profonde


mutation de l’économie, à une paupérisation d’une partie de la société ou
encore à de nouveaux usages de consommation. Elle a aussi donné
naissance à une nouvelle organisation : l’entreprise digitale dans laquelle
l’individu est différent, tout comme son positionnement dans le groupe.
Ainsi, en premier lieu, toute révolution porte en germe une révolution
anthropologique. Michel Serres a vulgarisé cette mutation dans son ouvrage
Petite Poucette en parlant de troisième révolution anthropologique
majeure : « ce n’est pas une crise, c’est un changement de monde ».
Or, la petite Poucette de Michel Serres n’est pas une millenial – cette
nouvelle génération qui arrive totalement digital native et qui s’affranchit
déjà des caractéristiques de la révolution informatique (plus de e-mail,
connectée sur des réseaux sans mémoire…). Elle est née au début des
années 1980. Elle a aujourd’hui une bonne trentaine d’années et est
collaboratrice dans une entreprise. Ses parents ont travaillé à côté de
machines. Ses outils digitaux font partie de ses conditions de vie privée et
professionnelle. Elle est chaque jour avec Excel, Word et PowerPoint. Elle
navigue au travail et à la maison – de manière de moins en moins distincte –
sur Facebook, LinkedIn via son téléphone Apple ou Google. Sa maison et
sa famille sont digitales tout comme son entreprise et les compétences
qu’elle doit mobiliser pour accomplir son activité. Il est donc impensable de
réfléchir aux compétences du futur – comme nous le faisons dans cet
ouvrage – sans considérer le cadre actuel d’analyse de l’entreprise digitale.
Nous sommes dans un monde connecté, instantané, de partage. Mais aussi
dans un monde du « co » : co-innovation, co-conception, du co-llaboratif…

TÉMOIGNAGE
Fabien Risterucci, Digital Finance Watch et Management stratégique de l’information

« Ces nouveaux schémas directeurs, imposés et favorisés par le monde digital, requièrent des
attitudes nouvelles, des qualités renforcées dans le domaine des soft skills : capacité
d’adaptation, créativité, curiosité, mobilité, apprentissage tout au long de la vie. »
La transformation des entreprises ne peut se faire sans une adaptation des compétences de ses
acteurs. Tous agiles, tous inspirés par les start-up, tous créatifs et engagés ? Quelles
conséquences alors sur les compétences ?

En second lieu, il est intéressant de constater que les grandes entreprises


digitales sont en train de donner naissance à de nouvelles pratiques
managériales, que tous les acteurs du marché sont en train d’adopter.
De nouveaux us et coutumes digitaux structurent les comportements
collectifs. Ces nouvelles règles ne sont pas à négliger. Tout comme, dans la
société civile, la coutume est bien une règle de droit positif, ces nouveaux
usages de l’entreprise digitale dictent les règles de bonne conduite pour ses
collaborateurs. Et encore une fois, la transformation est fortement liée aux
technologies utilisées.
À titre d’exemple, regardez comment les nouveaux outils de
communication de type messagerie instantanée sont en train de prendre une
place nouvelle dans notre quotidien professionnel. Au revoir l’e-mail.
Bonjour Slack ou autres systèmes de conversation qui permettent,
de manière instantanée, de classer par sujet les échanges d’information et
d’avoir un historique clair de ces derniers. Ainsi n’importe qui dans
l’entreprise peut comprendre la complexité d’un dossier en quelques heures
en reprenant l’historique du fil de conversation.
Mais là encore, il faut apprendre à utiliser ces nouveaux outils et
comprendre ce que cela change dans le rapport aux autres et à soi-même.
Ces outils sont en effet instantanés et donc intrusifs. Est-ce un problème ?
Très certainement si vous n’avez pas appris à oublier l’ancien monde pour
adopter les codes et comportements du nouveau.

AVIS D’EXPERTE
Camille Larroze-Chicot, co-fondatrice de Les Leonards

QUELS SONT LES IMPACTS POSITIFS DU DIGITAL DANS


LE MONDE PROFESSIONNEL ?
« J’utiliserai une analogie simplifiée pour répondre à cette question.
J’imagine le digital comme un pays, avec une culture reposant sur des valeurs partagées, des
habitants (les internautes), et une économie (les GAFA). Comme tout pays puissant, il influence
les autres pays, et les autres économies : soit partenaires, soit en guerre. Certains cherchent
même à y migrer, pensant ainsi à des conditions de vie meilleures (comme les blockchains,
le bitcoin, le remot work, etc.).
Dans ce pays, l’utilisateur a une place centrale : quand nous cherchons à comprendre le digital
ou à utiliser cet outil, cela revient à se concentrer sur l’humain pour modéliser son
comportement en ligne (de l’achat à la navigation pure).
Toute l’économie replace son attention sur l’homme, son comportement, ses émotions. C’est
peut-être la première fois que l’humain est vu comme acteur et non consommateur. Ce pas de
côté est bien plus puissant que nous ne pouvons l’imaginer. Quand une génération de
consommateurs devient une génération d’acteurs, il me semble que tout peut arriver !
Cela permet ainsi de mieux comprendre les tendances du moment : le développement personnel,
l’économie de l’attention, l’économie des émotions, les sciences comportementales, les
neurosciences, etc.
Le digital, en replaçant l’humain au cœur des préoccupations, le force à être plus conscient de
lui-même. Je crois que cela amène une profonde mutation des consciences. C’est pour moi la
tendance de demain la plus importante à souligner. »
ET QUELLES SONT LES GRANDES TENDANCES
DE DEMAIN À ANTICIPER ?
« Elles sont multiples mais je suis persuadée de l’urgence de deux d’entre elles à savoir :
– La nécessité d’une nouvelle culture avec :
• une humanisation des entreprises et des liens avec leurs partenaires (employés,
prestataires, clients) ;
• une expérience collaborateur au centre des préoccupations (enjeu de fidélisation,
d’employabilité, de mobilité, etc.) ;
• une entreprise apprenante. L’entreprise redevient un système dynamique évolutif
capable de prendre des risques, contrairement à un système de préservation des acquis.
Pour pouvoir se transformer en entreprise apprenante, elle doit alors s’ouvrir sur
l’extérieur et changer, par exemple : ses procédures de prises de décisions, son écoute du
marché, de ses clients et de ses employés, ses pratiques de confidentialité, ou les contrats
mis en place avec ses partenaires (exemple : freelance).
– La nécessité d’une veille continue et efficace sur son marché avec :
• des technologies qui se multiplient, et elles sont soit mal connues, soit mal ou
partiellement utilisées ;
• un flou économique et social grandissant et se fracturant (de plus en plus de
communautés et d’usages se créent) ;
• pour rester compétitif, il faut avoir la connaissance des innovations du secteur et la
capacité à tester des projets avec elles.
Le digital apporte également un équilibre entre le pouvoir et la puissance.
Le pouvoir vient d’une autorité, d’un statut établi comme les grandes multinationales et les
institutions. Le pouvoir permet de “faire faire” et vient du haut.
La puissance vient des citoyens, de plus petites initiatives humaines qui font boule de neige
grâce à un Internet, pouvant ainsi contrebalancer les pouvoirs établis. Nous pouvons le voir
avec les start-up qui ont réussi à concurrencer de grandes multinationales historiques
(Airbnb/les hôtels, Uber/les taxis…). La puissance repose donc sur la capacité à “faire” et vient
du bas.
Le digital donne ainsi plus de possibilités à la puissance pour accélérer les processus
d’évolution en faveur de l’humain. »

QUELLE EST LA PLACE DES SOFT SKILLS


DANS CETTE TRANSFORMATION DIGITALE ?
« La transformation digitale que nous continuons à vivre nous amène à devoir développer une
soft skill en particulier : la rapidité. L’agilité/s’adapter à la vitesse pertinente ? Je ne suis pas à
l’aise avec « Rapidité » car je prône plutôt la SLOW LIFE. Mais justement, il faut savoir aller
vite parfois et aller doucement souvent. L’agilité, c’est pour moi notamment, la capacité à
passer de l’un à l’autre, c’est parfois NE PAS AGIR justement.
Le développement de la rapidité sous-entend de réduire la taille des équipes et concentrer les
prises de décision. Cela demande alors de l’autonomie aux équipes et donc aux individus,
impliquant ainsi directement d’autres soft skills telles que : la responsabilité, la capacité à
collaborer, la capacité à prendre des décisions en situations complexes ou stressantes au
quotidien, la capacité à prioriser dans un environnement du « tout-urgent », la capacité à
prendre des initiatives.
Autre particularité du digital, il cristallise les conflits en créant un choc des paradigmes en place
dans les entreprises (comme la prise de risques versus la préservation des acquis). Il est donc
indispensable de les faire communiquer et d’apprendre à écouter les signaux faibles : la
compréhension de l’autre et la capacité à communiquer et convaincre n’ont jamais été aussi
essentielles. Elles sont des prérequis à la capacité à collaborer.
Par exemple, on voit aujourd’hui des entreprises où les salariés choisissent collectivement leurs
salaires en fonction du CA du mois et se payent eux-mêmes…
Aussi, le digital en tant que nouveauté, nous permet de :
– Développer notre sens critique pour analyser des situations inédites ;
– D’écouter, regarder et analyser plus finement, ce qui nous réapprend ainsi à observer. Pour
aller plus loin sur ce point, il peut être intéressant de creuser au-delà du big data et de
chercher ce qu’est la soft data (les signaux faibles, émotions difficiles à mesurer) ;
– Réaliser des expériences et du test & learn (essayer et apprendre). Il nous force à accepter
l’échec et à en tirer le maximum. Très facile pour des américains, beaucoup moins pour
des français. C’est cet état d’esprit qui permet de rendre l’entreprise plus apprenante, ou
ceux qui l’utilisent…
Enfin le digital a une culture qui lui est propre que je résumerais par : liberté, transparence,
cocréation, partage. Cette culture s’adopte plus ou moins facilement selon la culture nationale
premièrement, mais aussi organisationnelle.
En effet, en rendant tout transparent et immédiat, le digital change les rapports entre les
personnes pour créer une culture du partage et une certaine forme d’honnêteté et d’humilité.

EN CONCLUSION
Quand nous ne savons pas de quoi demain sera fait en termes de métiers et de projets, nous
avons, au moins, la responsabilité de connaître nos armes et capacités actuelles.
Toutes les entreprises doivent s’intéresser de plus près à leur unique ressource productive : les
humains qui travaillent pour et avec elles.
Dans le flou extérieur, il faut regarder la lumière intérieure.
Celle s’applique à l’homme, comme à l’entreprise.

Les propos de cet entretien ont été recueillis par Jérôme Hoarau.

L’ESSENTIEL
+ Nous amorçons une nouvelle étape de la mutation de l’humanité. Que l’on parle de
quatrième révolution industrielle ou de deuxième âge des machines, cette révolution est
bien technologique.
+ Cette révolution industrielle conduit bien évidemment à des bouleversements économiques
qu’il faut anticiper le plus possible pour en réduire les effets négatifs. Mais l’humain peut
trouver une place qui sera alors génératrice d’opportunités.

+ Ces premières opportunités profitent aujourd’hui aux grandes entreprises digitales. Mais
tous les autres acteurs économiques sont en train d’adopter les mêmes usages. Ces
nouvelles règles du jeu doivent s’accompagner d’un questionnement relatif
aux compétences.
CHAPITRE 3

L’avenir du travail
et des compétences

Executive summary
• L’emploi fixe comme nous le connaissons depuis des décennies risque très
certainement d’être modifié par l’actuelle révolution digitale. Et un grand nombre
d’emplois sont susceptibles de disparaître sans être remplacés.
• Pour autant, une économie du travailleur indépendant n’est pas uniquement
synonyme de conséquences négatives. Pour ceux qui sauront entretenir, développer et
valoriser leurs compétences clés, un avenir plus profitable est possible.
• Il est important de diffuser les soft skills dans les référentiels de métiers, de
compétences et dans les caractéristiques des futurs métiers.
QUEL FUTUR POUR LE CDI ?

Les facteurs du changement

Une fois n’est pas coutume, commençons par les apparentes mauvaises
nouvelles : dorénavant, la meilleure manière de prendre à la fois de bonnes
résolutions et de vite oublier les fêtes de Noël, est de suivre les conclusions
annuelles de l’OCDE et du Forum de Davos lorsqu’ils se penchent sur le
futur du travail. Depuis plusieurs années, leur constat est similaire : la
quatrième révolution qui s’ouvre va avoir un impact sur l’emploi. Bien
entendu, il va falloir redessiner nos activités et entreprises avec davantage
d’automatisation. Mais cette automatisation ne serait pas ce qui va infléchir
le plus le monde du travail comme nous le connaissons. Ce sera plus
certainement le remplacement des salariés par des travailleurs indépendants.
Tout le problème vient du fait que l’on a longtemps cru que la croissance
était la conséquence immédiate d’une révolution industrielle. Pour certains,
l’effet bénéfique a joué. Mais on a découvert récemment que ce n’était pas
aussi systématique, en particulier à l’occasion de la troisième révolution de
l’électronique et de l’informatique. Si cette période a conduit les principaux
acteurs majeurs de l’industrie à se mondialiser, il n’en demeure pas moins
que les progrès de productivité qu’ils étaient censés apporter à l’ensemble
de l’économie, et donc à l’emploi, ne sont pas apparus. Le prix Nobel
d’économie Robert Solow s’en est même étonné en se demandant où était
passé « l’effet d’ordinateurs ». C’est donc bien avec un bilan négatif sur
l’emploi que s’est terminée la dernière ère industrielle, avant que n’arrivent
les innovations destructrices de valeurs de la nouvelle révolution. Moins
d’emplois et moins de crises systématiques – mais donc paradoxalement
pas d’effet de « purge » d’un système – ont formé un socle très fragile au
moment où de nouvelles ruptures technologiques sont venues rebattre les
cartes de l’économie et de l’emploi.
Dès lors se pose la question réelle, dans de nombreux pays, de l’évolution
possible de l’emploi en général et des statuts proposés en particulier.
TÉMOIGNAGE
Yann Moulier-Boutang, économiste

« La situation atteint une zone de rupture : bientôt l’emploi salarié classique (contrat à durée
indéterminée) constituera-t-il un privilège réservé à une minorité de la population ? »

Vers une économie des freelances ?

Aux États-Unis aujourd’hui, 35 % des emplois sont en régime


d’indépendants. Ce chiffre est en évolution depuis ces dernières années.
La raison principale est assez facile à deviner : le recours à un freelance
permet une économie de coûts salariaux estimés à 30 %.
Que doit-on en penser ?
Tout d’abord, il y a d’un côté les pessimistes. Qu’ils soient hyper réalistes
ou à cheval sur les données statistiques, les partisans de la thèse de la
disparition du CDI pensent que « le travail traditionnel est en train de
mourir », et d’ici 2040, l’économie américaine sera « à peine
reconnaissable ». C’est la position soutenue par exemple par la journaliste
Vivian Giang dont les conclusions se basent sur l’étude américaine A Vision
for the Economy of 2040, de l’Institut Roosevelt et de la Fondation
Kauffman. Déjà plus de 53 millions d’Américains avaient basculé dans le
statut de travailleur indépendant en 2015 ; et la tendance était à la hausse.
Et il y a, de l’autre côté, les optimistes. Ceux qui pensent que le statut
d’indépendant est une bonne nouvelle pour ceux qui refusent le caractère
« contraint » du CDI. C’est la vision idéale – idéalisée ? –
du freelance : celui qui travaille quand il veut, d’où il veut, à son rythme et
au gré du choix de ses missions. Pourquoi travailler dans un bureau alors
que le monde digital contemporain me permet de travailler de mon jardin
ou même de la terrasse d’un bungalow de bord de mer connecté en wifi ?
Dans cette logique, le travail indépendant est celui d’un choix de vie qui
place au premier plan professionnel les valeurs de liberté, flexibilité et la
quête de sens. C’est surtout l’idée de pouvoir souvent trouver un équilibre
entre vie personnelle et professionnelle.
Enfin, le « freelancing choisi » semble être aussi l’aspiration de bon nombre
de jeunes professionnels de la nouvelle génération. Il ne s’agit non pas
d’être en dehors de la vie professionnelle comme leurs parents beatniks ;
mais d’être autonomes car connectés avec les nouvelles technologies.
Quel que soit votre camp, il est sage de considérer que même en prenant
comme base de projection le scénario optimiste, il est certain que ce
changement ne sera pas sans conséquence.
Les conséquences sociales et politiques vont être multiples : pression sur le
système fiscal, remise en cause du système de retraite, d’assurance santé, de
chômage… Tout jusqu’ici tournait autour du pivot du CDI. Mais ce qui
nous intéresse ici est bien la conséquence en terme de compétences à viser
dans l’avenir pour tenter de compter parmi ceux qui auront le choix de leur
statut.
Dès lors, attachons-nous à tester les conséquences de cet infléchissement de
l’emploi fixe en prenant comme base de projection l’étude citée
précédemment : A Vision for the Economy of 2040. Elle résume les cinq
aspects de l’économie qui peuvent être modifiés par l’essor des travailleurs
freelance. On peut les mettre en perspective dans le tableau suivant.

PRINCIPES CONSÉQUENCES SUR LA


DE L’ÉCONOMIE EXPLICATIONS NOTION
DES FREELANCES DE COMPÉTENCE

Mon activité quotidienne sera un


Juxtaposition de missions Des compétences en partage
ensemble de missions de courte
de courte durée. entre plusieurs employeurs.
durée dans différentes entreprises.

Des plateformes vont favoriser la Des compétences générant des


Émergence de plateformes mutualisation des risques pour les droits, prérogatives et devoirs
globales de services. travailleurs indépendants soucieux mutualisés dans des
d’anticiper ces risques. plateformes.

Des agences de talent et de Ma capacité à rendre lisible ma


Davantage d’agences de
chasseurs de tête pour sourcer les compétence sur le marché fera
talents.
travailleurs. mon employabilité.

La croissance va booster En économisant sur les charges, Bien gérées, mes compétences
les salaires. les entreprises vont pouvoir seront rentables.
rémunérer à la hausse les meilleurs
talents.
Les travailleurs indépendants de La mise à jour permanente des
Chacun sera responsable
demain auront leur réussite en compétences sera le seul gage
de son succès.
main. de succès.

Tableau 3.1 – Impact possible sur les compétences de la montée d’une économie des freelances

Ainsi, la nouvelle révolution industrielle va clairement changer les contours


du travail fixe comme on le connaît depuis des décennies. La bonne
nouvelle est que, même si personne ne sait à quoi ressemblera précisément
l’avenir, on peut considérer que ceux qui choisiront le statut d’indépendant
et se donneront les moyens d’avoir une vraie stratégie de pilotage de leurs
compétences pourront aller de l’avant.

QUEL AVENIR POUR VOTRE MÉTIER ?


« Le présent accouche, dit-on, de l’avenir. »
Voltaire

Des métiers disparaissent, d’autres apparaissent


Selon une étude du cabinet McKinsey de 2017, 800 millions d’emplois
disparaîtront dans le monde au profit des innovations technologiques d’ici
20301. Cela peut paraître énorme et inquiétant, à moins que vous ne voyiez
l’autre facette de cette pièce : 60 % des métiers de 2030 n’existent pas
encore aujourd’hui selon des études menées par Adecco2.
Des métiers disparaissent certes, mais d’autres apparaissent.
Et pour ceux qui ne disparaîtront pas, il y a de fortes chances qu’ils
évoluent. Nous le voyons aujourd’hui déjà par exemple avec les agences de
communication utilisant de nouveaux outils pour accompagner leurs clients.
Et les soft skills dans tout cela ?
Si demain la « hard skill » que nous pourrions appeler « monter une vidéo
brute » devient totalement délégable à un robot, qu’adviendra-t-il des
monteurs ? Deux scénarios sont possibles (de manière simplifiée) :

- leur rôle n’est plus nécessaire et ils doivent changer de métier


(et apprendre un nouveau métier émergent) ;
- leur métier de monteur évolue, ayant plus un aspect de pilotage et de
cocréation.
Dans les deux scénarios, les monteurs devront s’adapter. En tant
qu’humains, ces professionnels de l’audiovisuel ont pu développer leur sens
de l’esthétique, leur sens de l’observation, leur concentration, leur
créativité, etc. Autant de soft skills utiles dans d’autres métiers, existants
aujourd’hui ou émergeants demain. Ils pourront alors réutiliser ces
compétences soit dans un nouveau métier, soit dans un métier « actualisé ».
Et cela est valable pour tous les métiers ! L’une des spécificités de l’homme
est sa capacité à s’adapter à de nouvelles situations et à de nouveaux défis.
Les soft skills en sont une belle démonstration dans le monde de
l’entreprise : elles resteront toujours d’actualité là où certaines hard skills
peuvent devenir obsolètes.

QU’EN EST-IL DE VOTRE MÉTIER ?

État des lieux de votre profession


Voici un petit exercice3 afin d’anticiper quel est l’avenir possible pour votre profession.
Remplissez le tableau suivant en répondant avec un chiffre allant de 1 à 10 (1 = pas du tout, 10
= tout à fait).

PAS DU TOUT (1)


EST-CE VRAI POUR VOUS ?
TOUT À FAIT (10)

Aujourd’hui, mes compétences techniques me


rendent indispensable dans l’entreprise.

Je suis curieux : j’apprends constamment de


nouvelles choses.

Je suis conscient des grands changements en cours


dans mon secteur d’activité.

Une grande partie de mes tâches ne peut être réalisée


par quelqu’un d’autre.
Une grande partie de mes tâches ne peut être réalisée
par un robot.

○ Si vous avez un score supérieur à 70, il semble que votre métier actuel n’est pas
directement menacé. Restez cependant vigilant et continuez d’apprendre !
○ Si vous avez un score compris entre 50 et 70, il est recommandé que vous anticipiez des
pistes d’évolution pour votre avenir professionnel. Sur quoi pouvez-vous capitaliser
aujourd’hui pour construire et ne pas subir un changement professionnel prochain ?
Quelles soft skills et quelles hard skills développer à moyen terme pour exercer un
nouveau métier ou un métier « actualisé » ?
○ Si vous avez un score inférieur à 50, il est urgent que vous preniez votre avenir
professionnel en main.
Réfléchissez dès maintenant aux compétences dont vous avez besoin aujourd’hui et demain
pour votre avenir professionnel. Créez-vous un vrai plan d’entraînement afin de pouvoir vous
adapter rapidement à cette situation changeante.
Bien entendu, il s’agit d’un petit test de réflexion, il n’est pas à prendre au pied de la lettre.
Il vous aide à vous poser les questions afin d’anticiper les pistes d’amélioration à mettre en
place dès aujourd’hui pour vous adapter aux défis de demain.

« Le futur a été créé pour être changé. »


Paulo Coelho

Nous sommes convaincus de l’importance des soft skills dans votre


capacité à vous adapter au changement et à faire évoluer votre métier. Et
nous ne sommes pas les seuls à partager cette vision : de très nombreux
professionnels le pensent aussi.
Afin d’aller plus loin dans notre enquête terrain sur le sujet, nous sommes
partis à la rencontre d’un professionnel de la reconversion professionnelle.

AVIS D’EXPERT
Uriel Megnassan, coach emploi et fondateur de Carrière Punch, auteur4

QUE SONT LES SOFT SKILLS POUR VOUS ?


« Les soft skills sont des compétences comportementales. Ces dernières complètent les
compétences techniques que vous développez avec l’expérience ou la formation. Plus que cela,
elles sont liées à votre personnalité. »
EN QUOI LES SOFT SKILLS SONT-ELLES
INDISPENSABLES POUR SA CARRIÈRE
PROFESSIONNELLE ?
« Les soft skills creusent l’écart. Imaginez le dilemme d’un employeur : il doit choisir parmi
cinquante candidats ayant le même profil. Comprenez bien qu’il est rare que la différence puisse
se faire juste avec le diplôme. Si les candidats ont les mêmes diplômes et/ou parcours, ce sont
les soft skills qui permettent de se démarquer !
Si vous cherchez un leader capable de fédérer une équipe réputée difficile, vous avez intérêt à
choisir une personne qui a les soft skills suivantes : diplomatie, gestion efficace de conflit et
sens du leadership. La compétence « encadrer une équipe » peut se révéler insuffisante sans les
trois soft skills mentionnées plus haut. »

COMMENT LES METTRE EN AVANT AUPRÈS


D’UN RECRUTEUR OU DE SON SUPÉRIEUR
HIÉRARCHIQUE ?
« C’est la question à 10 000 euros ! Une soft skill s’illustre à travers un contexte. Ce sont les
expériences concrètes qui valorisent vos soft skills.
Prenons par exemple la créativité : vous voulez montrer que vous avez cette soft skill ? Dans ce
cas, racontez une expérience dans laquelle vous avez fait preuve de créativité. Est-ce que vous
avez dû imaginer un nouveau concept de campagne publicitaire pour que votre entreprise se
démarque des concurrents ? Avez-vous dû « improviser » une solution à la volée lorsqu’un
partenaire clé vous a fait faux bond ?
Et comment faire si vous voulez montrer que vous savez faire preuve d’empathie ? Les retours
des membres de votre équipe, votre implication dans certains types de projets ou d’associations
peuvent parler en votre faveur.
Contrairement à la pensée générale, une soft skill peut se démontrer. Il suffit de raconter votre
histoire en mettant le focus sur une soft skill particulière. Mais attention, cela requiert de
l’entraînement avant de passer un entretien d’embauche.

À QUEL MOMENT PEUT-ON FAIRE INTERVENIR


LES SOFT SKILLS DANS LE PROCESSUS
DE RECRUTEMENT ?
Il y a au moins trois moments exploitables :
– L’échange téléphonique avant l’envoi de la candidature : le but est de questionner le
recruteur sur ses attentes, notamment en matière de soft skills. En plus de préparer le
terrain, cette démarche permet à votre cv d’être explicitement sollicité ;
– À l’envoi de votre candidature : intégrez ensuite les soft skills demandées dans le cv en
faisant un effort de contextualisation ;
– Pendant l’entretien : choisissez des anecdotes qui corroborent les soft skills que vous devez
valoriser. »
COMMENT DÉVELOPPER SES SOFT SKILLS ?
« L’expérience fait la différence. Capitaliser sur la mise en pratique des soft skills à améliorer
est un investissement judicieux pour votre carrière. Les soft skills sont comparables à des
muscles que vous pouvez développer par l’exercice.
Vous voulez développer « l’esprit critique » ? Cela peut se faire par la critique de films ou en
prenant part aux débats. Votre imagination sera votre limite. La clé ? Incarner la soft skill que
vous souhaitez développer en la pratiquant régulièrement. »

QUEL EST LE RÔLE DES SOFT SKILLS


DANS L’ÉVOLUTION DES MÉTIERS ?
« Les soft skills continuent de gagner du terrain. Les hard skills restent importantes, mais le
monde de l’entreprise a pris conscience qu’elles ne font pas tout.
Par exemple, les comptables effectuent de nombreuses tâches techniques qui sont de plus en
plus automatisées. Leur rôle tend vers plus de pilotage et de conseil. Développez vos soft skills
afin de vous différencier des autres… ou des machines ! »

Les propos de cet entretien ont été recueillis par Jérôme Hoarau.

L’ESSENTIEL
+ De nombreuses études tendent à prouver que la nouvelle révolution digitale va avoir de
nombreux impacts sur le marché de l’emploi tel que nous le connaissons aujourd’hui.
Pourtant toutes les conséquences ne seront pas forcément négatives.

+ L’emploi fixe – le CDI – comme nous le connaissons aujourd’hui risque d’être fortement
chahuté. Mais, là encore, les changements ne seront pas destructeurs de valeur pour tout
le monde. Pour ceux qui sauront mettre en avant leurs compétences clés, les bénéfices
pourront être réels.

+ Les métiers sont en mutation : de nombreux disparaîtront et beaucoup d’autres naîtront.


Les soft skills jouent un rôle majeur dans ces mutations et il est possible de développer
ces compétences indispensables pour pouvoir s’adapter.
CHAPITRE 4

Entrepreneur : un métier
d’avenir ?

Executive summary
• Les pompiers, astronautes, pilotes de course ont des soucis à se faire. Ils ont en
effet été détrônés des métiers qui font rêver dans le cœur des adolescents. À la question,
« que veux-tu faire plus tard ? », les millenials répondent : « je veux être Elon Musk ou
Steve Jobs ! ».
• L’entrepreneur n’est plus seulement une catégorie socioprofessionnelle ; c’est
aujourd’hui un projet de vie, une quête de valeur et de sens.
Les entrepreneurs ont la cote depuis quelques années en France !
D’après une étude réalisée par Opinion Way en 2017 et présentée lors du
Salon des entrepreneurs1, « l’envie de créer est plus forte chez les jeunes :
46 % des 18-24 ans en ont l’ambition, dont 42 % d’ici deux ans. Au total,
un Français sur quatre envisage de créer, de reprendre une entreprise ou de
se mettre à son compte (25 %). Cela représente plus de 13 millions de
Français ».
Mais qu’est-ce qui se cache réellement derrière ce terme « entrepreneur » ?
Quel est le lien entre entreprendre et les soft skills ?

L’ART D’ÊTRE ENTREPRENANT


« Entreprendre consiste à changer un ordre existant. »
Joseph Schumpeter

Si l’entrepreneur a un ancrage économique et social fort d’un point de vue


historique et étymologique2, cantonner ce terme à la création d’une
organisation capitalistique serait réducteur. En effet, derrière le mot
entrepreneur se cache un verbe : entreprendre. Ce verbe véhicule une idée
bien plus grande que la simple création d’une entreprise : c’est aussi de
l’audace, de la vision, de la motivation, de la persévérance, de
l’adaptabilité, etc. En bref, une panoplie innombrable de soft skills
indispensables pour évoluer dans le monde d’aujourd’hui.
Vous verrez ici donc la double dimension de l’entrepreneur :

- la dimension comportementale dans laquelle des soft skills


entrepreneuriales sont accessibles à tous ;

- la dimension sociale et économique dans laquelle l’entrepreneur a une


posture et un statut d’indépendant.
Les compétences entrepreneuriales

Un entrepreneur est par défaut un « problem solver », une personne qui a le


désir d’apporter une solution à un problème. Or, il n’est pas indispensable
de créer une entreprise pour cela ! C’est un état d’esprit que tout le monde
peut cultiver chaque jour. Cela implique un certain optimisme, de la
créativité, de la motivation, un esprit critique, de l’autodiscipline, des
compétences oratoires, etc. – autant de soft skills utiles quel que soit son
métier.
Voici quelques soft skills indispensables pour rester entreprenant.

Audace
L’audace est une soft skill indispensable au xxie siècle, quel que soit son
métier ou sa situation professionnelle. C’est cette compétence qui permet de
dépasser des difficultés, d’oser mettre en place des solutions innovantes,
d’anticiper et de rester proactif. L’audace est à la source des innovations.
Sans audace, une personne ne pourra pas saisir les nouvelles opportunités
qui se présentent à elle ; elle ne pourra pas sortir du statu quo et évoluer ;
elle ne pourra pas s’adapter à un nouvel environnement ou à un nouveau
défi3.
Pourquoi l’audace est-elle une soft skill ? Car il s’agit d’une compétence
que l’on peut développer : plus on ose relever de nouveaux défis, plus on
devient audacieux. C’est également un comportement que l’on choisit
d’adopter. Enfin, l’audace est une aptitude et une attitude utile dans un
grand nombre de situations : c’est une compétence transversale.

Vision
Michel Meunier, ancien président du CJD France (Centre des jeunes
dirigeants), donne « trois conseils4 » pour les personnes entreprenantes :
« Anticipez, anticipez, anticipez ».
« Dans ces périodes de crises, de difficultés pour beaucoup de chefs
d’entreprise, il y a un besoin de plus en plus important de compréhension
du contexte, qu’il soit macro ou micro, français, européen ou mondial. Il
faut muter pour faire évoluer le système. Je pense que l’anticipation, la
prise de recul, la capacité à se mettre en haut de la montagne, parfois même
avoir la tête dans les étoiles permet de mieux avoir les pieds dans la glaise.
Cette prise de recul permet l’innovation qui n’est pas uniquement
technologique. Elle permet aussi d’avoir une vision, une stratégie qui aide à
faire la différence avec les concurrents en adoptant un point de vue différent
du contexte. »
S’entraîner à anticiper permet de muscler sa soft skill « vision ». Un des
réflexes à adopter pour cela consiste à prévoir des plans B pour un scénario
donné. Si par exemple vous souhaitez lancer un nouveau site Internet avec
l’outil Wordpress, prévoyez également la possibilité de le faire avec
d’autres outils comme Wix afin de vous préparer à des imprévus (par
exemple un manque de temps, une difficulté non-anticipée, etc.).
Grâce à cette bonne pratique, vous vous sentez davantage prêt pour l’avenir
et par conséquent plus optimiste. Cet exercice d’anticipation peut générer
un meilleur état d’esprit face aux imprévus.

Motivation
La motivation est l’énergie humaine qui permet de passer à l’action. Elle
peut être vue à travers deux dimensions :

- naturelle : celle ne demandant pas d’effort ;


- forcée : reposant sur la force de volonté.
La motivation naturelle (ou intrinsèque), comme l’explique Daniel Pink,
repose sur trois piliers : le sens, l’autonomie et la maîtrise. Si une personne
comprend pourquoi elle réalise une tâche, qu’elle sent qu’elle a un pouvoir
de décision et que cette action lui permet de grandir, alors sa motivation
naturelle sera activée et ne lui demandera pas de force de volonté pour le
faire5.
Cependant, il n’est pas toujours possible de faire ce que l’on aime. Parfois
des choses doivent être faites pour pouvoir avancer, même si cela est
déplaisant ou contraignant : dans ce cas la motivation est « forcée ». La
force de volonté est donc mobilisée dans cette situation.
Notez que la force de volonté, notre capacité à faire les choses que nous
n’avons pas envie de faire, est un « stock limité » : c’est-à-dire que si vous
passez beaucoup de temps à résister à des tentations, ce qui demande de la
force de volonté, vous vous sentirez épuisé à la fin de la journée et il
deviendra plus difficile de vous motiver, à aller courir par exemple. D’où
l’importance de gérer son stock de force de volonté6.

Persévérance
La persévérance est la capacité à agir dans la durée malgré les difficultés.
C’est cette autodiscipline, reposant sur la force de volonté, qui permet de
garder le cap et de continuer d’aller en avant quand nous faisons face à un
échec.
Voici quelques exemples de persévérance par l’autodiscipline :

- l’entrepreneur qui continue de prospecter cinq nouvelles personnes


chaque jour malgré les refus ;

- le chercheur d’emploi qui envoie quatre candidatures par jour malgré


les e-mails ignorés ;

- la personne voulant se sentir mieux dans sa peau et qui va courir même


sous la pluie tous les matins avant d’aller travailler ;

- etc.
Comme vous pouvez le lire, l’autodiscipline forge des habitudes permettant
d’atteindre ses objectifs.
La persévérance repose également en grande partie sur l’optimisme, car ce
dernier permet de croire en un meilleur futur, stimulant ainsi l’envie d’agir.
Par exemple, anticiper une nouvelle opportunité face à un échec est une
attitude audacieuse et optimiste générant de la persévérance.

Adaptabilité
« L’intelligence, c’est la faculté d’adaptation. »
André Gide

Savoir s’adapter à des contraintes, à un nouvel environnement ou un nouvel


objectif, demande une certaine souplesse, une certaine agilité mentale. Étant
donné que le monde est rempli d’incertitudes et d’imprévus, cette capacité
d’adaptation est incontournable dans notre quotidien. Cette soft skill est
alimentée par d’autres attributs comme la créativité et l’esprit critique.
L’esprit critique permet d’analyser une situation et de prendre du recul. Ce
recul est souvent nécessaire pour prendre des décisions importantes et
pertinentes. Questionner une situation, les parties prenantes, la source d’un
problème, sont des réflexes à adopter pour améliorer son esprit critique.
La créativité quant à elle permet de générer de nouvelles idées pour faire
face à des situations inédites, d’où son rôle important dans le cadre de
l’adaptabilité.
Ces soft skills entrepreneuriales permettent aux personnes d’activer un
comportement orienté vers l’action et l’apport de solutions : c’est ce qui
rend les personnes entreprenantes. En développant ces compétences
d’entrepreneur, elles pourront devenir plus proactives et porteuses
d’initiatives. Cet état d’esprit entreprenant apporte de nombreux avantages :

- il permet de générer des opportunités ;


- il fait sortir de l’inertie ou d’une certaine passivité ;
- il peut briser le cercle vicieux de la procrastination ;
- il peut améliorer la confiance et l’estime de soi (grâce à des résultats
concrets).
En d’autres termes, tout le monde a le potentiel d’être entreprenant en
activant ses soft skills entrepreneuriales, pour son propre bénéfice et pour le
bien des autres.

Le métier d’entrepreneur
« Avoir le courage d’entreprendre quelque chose est l’un des principaux
facteurs du succès. »
James A. Worsham

Au-delà de la dimension comportementale de l’entrepreneur, ce dernier a


également un statut dans la société : celui de l’indépendant ou du créateur
d’entreprise.
Les études d’opinion sur les aspirations des Français en matière
d’entrepreneuriat montrent que les personnes qui ont envie de devenir
entrepreneur, ou celles qui le sont déjà, sont généralement motivées par ces
éléments :

- envie de plus d’autonomie ;


- donner plus de sens à leur vie ;
- gagner plus d’argent ;
- être plus épanoui ;
- avoir plus de flexibilité et de liberté ;
- relever un challenge.
Ces motivations sont révélatrices d’un état d’esprit qui ne dépend pas du
statut d’une entreprise.
Se lancer en tant qu’indépendant aujourd’hui en France peut se faire de
plusieurs manières différentes :

- en créant sa propre structure comme la SASU, l’EURL, une micro-


entreprise ;

- en optant pour le portage salarial, permettant d’être indépendant tout


en conservant les avantages du salariat ;
- en optant pour un emploi proposant les avantages de l’entrepreneuriat
listés ci-dessus.

« Si vous pouvez le rêver, vous pouvez le faire. »


Walt Disney

Voici l’interview d’un expert en la matière afin d’avoir une meilleure vision
du métier d’entrepreneur et d’indépendant en France.

AVIS D’EXPERT
Daniel Pardo, fondateur de Flexi-Entrepreneur et auteur7

Y A-T-IL UN MÉTIER D’ENTREPRENEUR,


OU DES MÉTIERS D’ENTREPRENEURS ?
« Il existe plusieurs typologies d’entrepreneurs, comme il existe plusieurs typologies de salariés.
En France, un indépendant peut opter parmi plusieurs statuts différents comme la micro-
entreprise, la SASU, l’EURL ou encore le portage salarial. En d’autres termes, entreprendre ne
dépend pas du statut.
D’ailleurs, il est possible d’être entrepreneur tout en étant salarié. Il s’agit d’un état d’esprit
tourné vers les objectifs, consistant à vouloir apporter des solutions par rapport à des cas
concrets, même s’il s’agit d’un CDD ou d’un CDI. Les entrepreneurs ont ceci en commun qu’ils
apportent des solutions concrètes à partir d’objectifs précis. »

QUEL EST L’AVENIR DU TRAVAIL ET LA PLACE


DES ENTREPRENEURS DANS TOUT ÇA ?
« En France, il existe aujourd’hui 2,8 millions d’entrepreneurs soit 10 % de la population active,
contrairement à 34 % aux États-Unis. Néanmoins, la tendance est à la hausse et se rapproche de
la moyenne européenne, tournant autour de 15 % aujourd’hui. En quoi cette augmentation
impacte-t-elle les entreprises ? Prenons un exemple : un directeur commercial cherche un
emploi et passera alors par un processus de recrutement “classique” auprès des services des
ressources humaines. En revanche, si cette même personne souhaite intervenir en mode mission
en tant qu’indépendant, en portage salarial ou avec une société, elle passera par la direction
Achats ou par le département qui dispose d’un budget, plutôt que par le processus de
recrutement classique.
Cela change les processus d’appel aux experts pour relever des missions en entreprise.
Quid d’un nouveau métier pour gérer les experts intervenant en tant que sous-traitants ? Les
entreprises doivent-elles dédier une personne dans la direction Achats ? Et qu’en est-il pour la
partie financière ? Et l’intégration de cet expert ? La dimension juridique ? Etc.
Le recours à des experts indépendants implique alors des changements organisationnels dans les
entreprises, menant ainsi à des besoins en compétences différents. »

QUELLES SONT LES COMPÉTENCES TRANSVERSALES,


LES SOFT SKILLS, NÉCESSAIRES À DÉVELOPPER DANS
LE CADRE DU TRAVAIL EN MODE MISSION ?
Du point de vue de l’expert, il devra s’adapter à cette nouvelle manière de travailler. Le travail
en mode mission implique un état d’esprit orienté objectifs et résultats, et des valeurs
entrepreneuriales fortes. De plus, il devra très rapidement être en mesure d’organiser et gérer
son temps et les priorités.
Du côté de l’entreprise, la personne responsable de la coordination des experts externes devra
également développer des compétences liées à cette nouvelle manière de travailler : le processus
de sélection, le processus d’intégration, la gestion des compétences, la gestion financière, etc.
Dans ce cas de figure, il n’y a pas que des soft skills à développer, mais aussi des hard skills du
domaine juridique et financier notamment, car on ne collabore pas avec les indépendants
comme on travaille avec les salariés, même s’il s’agit bien entendu de rapports humains.
Au même titre, les soft skills sont indispensables pour mieux travailler avec les équipes
externes. Une grande empathie est nécessaire de la part des entreprises qui ont tout intérêt à
comprendre les indépendants et à rester à leur écoute.
Une grande question émerge aussi : au sein de l’entreprise, comment transmettre les valeurs et
le sens du collectif aux consultants indépendants qui interviennent de manière prolongée ? Et
que faire pour éviter que ces personnes ne soient pas isolées ? Les soft skills font partie de la
réponse.
Vous l’aurez compris, le travail en mode mission implique un développement de compétences
multidimensionnelles. »

Les propos de cet entretien ont été recueillis par Jérôme Hoarau.

L’ESSENTIEL
+ Tout le monde peut développer un état d’esprit entreprenant, ainsi que les soft skills
permettant de rester proactif et orienté solution.

+ Un indépendant peut choisir son statut suivant ses avantages pour exercer son métier.
+ Le travail en mode mission amène à développer des soft skills liées à l’esprit
d’entreprendre.

+ Les entreprises sont elles aussi amenées à s’adapter au travail en mode mission dans lequel
elles font de plus en plus souvent appel à des indépendants.
PARTIE 2
L’IA, ACCÉLÉRATEUR
DE SOFT SKILLS
« Ces machines nouvelles tendent non pas à remplacer l’énergie et le
pouvoir de l’humain par ceux de la machine, mais à remplacer le jugement
humain à tous les niveaux, sauf au niveau le plus élevé. »
Norbert Wiener, père de la cybernétique, 1949

Demain, nous serons beaucoup « plus » que ce que nous sommes aujourd’hui. Nous serons partout à
la fois avec la réalité virtuelle. Nous aurons accès à de plus en plus de données. Mais surtout,
l’intelligence sera gratuite. Et c’est une bonne nouvelle pour bien des problèmes de la vie
quotidienne : la gestion des déchets, les problématiques de sécurité, l’anticipation des maladies…
Mais c’est aussi une révolution qui s’annonce pour tous ceux qui avaient fait de l’intelligence leur
proposition de valeur sur le marché. Qu’est-ce qu’un avocat ? Un homme ou une femme capable
d’analyser une situation, d’en faire ressortir les données clés et ainsi de le rapprocher de solutions
connues. Demain (et pour certains domaines, c’est déjà aujourd’hui), la machine pourra très bien
s’acquitter de cette tâche sans peine et plus rapidement. Il est important de comprendre que l’IA – au-
delà des perspectives d’emprise du monde par un « skynet » – est une rupture technologique qui va
bouleverser nos vies et donc nos compétences. L’IA, plutôt que d’être l’ennemie de l’homme,
a vocation à être la nouvelle grille d’analyse des compétences. De la même manière, combinée aux
autres ruptures technologiques disponibles sur le marché, nous allons voir comment l’humain a
vocation à être « augmenté » pour devenir un être doté de compétences à la fois artificielles et
humaines.
CHAPITRE 5

L’IA, nouvelle grille d’analyse


des compétences

Executive summary
• L’intelligence artificielle est une science qui n’est plus de l’ordre de la fiction, mais bien
de celui de notre quotidien. Son évolution actuelle en fait une des ruptures majeures des
prochaines années.
• L’intelligence artificielle va surtout être un concurrent direct pour les compétences
des humains. En effet, la puissance d’analyse actuelle de ce nouveau mode de pensée
artificielle est en voie d’offrir une alternative aux tâches les plus précises.
UNE BRÈVE MISE À JOUR SUR L’IA

Les définitions de l’IA

L’IA est aujourd’hui l’objet de toutes les discussions et de tous les


fantasmes. C’est à la fois exagéré et normal. Pourquoi ? Principalement en
raison de la place que va prendre cette rupture technologique dans nos vies
très rapidement. Demain, tout sera analysé au regard de cette nouvelle grille
de lecture. Dès lors, évacuons la question de la définition afin de gagner en
clarté dans l’analyse.
Premier élément de confusion : il n’y a pas une seule définition de
l’intelligence artificielle, mais plusieurs au sein même de la communauté
scientifique. Laissons aux chercheurs les débats sémantiques et techniques
pour ne garder que les éléments qui vont nous éclairer sur la portée de
l’intelligence artificielle (IA).
L’IA est « la science dont le but est de faire faire par une machine des
tâches que l’homme accomplit en utilisant son intelligence ». Cette
définition est simple mais c’est principalement la portée de tout ce qui la
compose qui est la source de bien des fantasmes.
Le terme précis d’intelligence artificielle, apparu en 1956, est le plus
souvent attribué à John McCarthy, et parfois aussi à Marvin Minsky du
MIT, qui la définit comme : « la construction de programmes informatiques
qui s’adonnent à des tâches qui sont, pour l’instant, accomplies de façon
plus satisfaisante par des êtres humains car elles demandent des processus
mentaux de haut niveau tels que : l’apprentissage perceptuel, l’organisation
de la mémoire et le raisonnement critique. »
Et pour faire le tour de la question, voici une dernière définition utile de
Jean-Louis Laurière, un des pionniers français sur la question : « Étude des
activités intellectuelles de l’homme pour lesquelles aucune méthode n’est a
priori connue ». Ce qui revient à dire que, dès lors qu’on a mis en place une
méthode informatisée pour traiter une donnée, pour certains chercheurs ce
n’est déjà plus de l’IA !
L’IA est donc autant un objet de recherche qu’une science de l’informatique
mobilisant des algorithmes pour traiter de la donnée, comme pourrait le
faire le cerveau humain.

Des mots clés pour bien comprendre l’IA


À l’occasion des débats sur l’intelligence artificielle, on utilise des mots qui sont entrés dans le
vocabulaire commun dont les définitions peuvent être rappelées.
– L’informatique est la science du traitement de l’information, c’est-à- dire un traitement
d’informations avec une méthode simple, précise, algorithmique.
– Un algorithme est une suite d’opérations ordonnées, bien définies, exécutables sur un
ordinateur, et qui permet d’arriver à la solution en un temps raisonnable (minutes, heures,
ou plus… mais pas des siècles !)

Les différentes approches de l’IA

Que sait faire aujourd’hui l’intelligence artificielle disponible pour les


entreprises ou les centres de recherche ? Aujourd’hui par exemple, elle sait :

- jouer à des jeux comme les échecs ;


- résumer un texte ou le traduire ;
- reconnaître des lettres manuscrites, par exemple TAON ou THON ;
- faire des mathématiques ;
- faire un diagnostic (médical, de panne, juridique…).
Ces actions sont ce qu’on appelle aujourd’hui de l’IA « faible ». L’adjectif
ne sert pas à signifier la difficulté de la tâche à effectuer. Tous ces exemples
demandent une puissance de calcul phénoménale – on peut imaginer sans
peine ce qu’il faut analyser comme informations et recherches médicales
pour faire le diagnostic précis d’un cancer. L’IA est dite faible lorsqu’elle
traduit de la part de la machine une tâche cantonnée à un seul domaine
précis. À l’inverse, l’IA « forte » existera lorsque la machine exercera des
actions d’intelligence multiples et transverses, c’est-à-dire proche de l’esprit
humain et global.
Enfin, depuis que les chercheurs s’amusent à faire naître une IA utile et
performante, deux approches sont communément utilisées que l’on
retrouvera opposées dans le tableau suivant.

APPROCHES IDÉE LIMITES

Nécessite de repartir de zéro


Programmer des règles et résoudre lorsque l’on développe un nouveau
Programmation
un « problème » à travers une série modèle ; presque impossible de
symbolique
d’étapes. généraliser les règles d’un
problème à un autre.

Programmer un modèle général,


Nécessite de nourrir l’ordinateur
puis c’est l’ordinateur qui ajuste les
Machine learning avec un maximum de données pour
paramètres du modèle à l’aide des
qu’il apprenne tout seul.
données qu’on lui fournit.

Tableau 5.1 – Les deux approches1 pour construire de l’IA

Et le deep learning dans tout ça ?


Le deep learning a fait progresser l’IA de manière incroyable. Ce que l’on nomme
« l’apprentissage profond » est une technique d’apprentissage qui permet à un programme de
reconnaître des défis complexes. C’est ce qui permet par exemple à Siri de reconnaître le
contenu de votre voix et à d’autres machines de comprendre le contenu d’une image.
En IA, on utilise ce qu’on appelle « l’apprentissage supervisé » : pour qu’un programme
apprenne à reconnaître un chien, on le « nourrit » de dizaines de milliers d’images de chiens,
étiquetées comme telles. Et on entraîne la machine comme un enfant avec des cartes d’animaux.
L’apprentissage peut être long mais, finalement, la machine reconnaîtra un chien lorsqu’on lui
présentera une nouvelle image.

L’innovation du deep learning


Avant, on entraînait la machine à la main. Maintenant, la machine apprend à le faire elle-même.
On utilise toujours l’apprentissage supervisé mais la structure même du cerveau de machine a
été imaginée sur un modèle proche du cerveau humain : un système de « réseau de neurones »,
c’est-à-dire des couches de milliers d’unités (les neurones) qui effectuent chacune de petits
calculs simples. On avance ensuite « par couche » : les résultats de la première couche de
neurones vont servir d’entrée au calcul des autres et ainsi de suite… ce qui rend ce type
d’apprentissage « profond » !

Illustration
Fin 2017, AlphaGo, l’intelligence artificielle de Google, a été mise à jour afin de donner
naissance à AlphaZero. Les performances de la seconde sont bien évidemment supérieures à
son aînée. Mais l’innovation principale vient surtout dans sa manière d’apprendre. Au lieu
d’apprendre à partir d’une base de données, elle est créée selon l’objectif qu’elle doit résoudre.
Ainsi, par exemple, en matière de jeu d’échec, la nouvelle IA n’est pas « éduquée » à partir de
la somme des parties jouées par des humains ; mais elle a été programmée avec les règles du jeu
et des algorithmes. La différence est majeure puisque dès lors l’IA a appris « seule » et en
jouant « contre elle-même ». Le résultat est époustouflant : il a fallu à peine 4 heures pour que
AlphaZero devienne un maître aux échecs. Et seulement 8 heures d’auto-apprentissage ont été
nécessaires pour battre la dernière version d’AlphaGo au jeu de go.

LES COMPÉTENCES ACTUELLES DE L’IA

L’IA est déjà une histoire de compétence

Non, vous ne rêvez pas. Nous allons parler de compétences à propos de


machines. Bien entendu, le terme est abusif car jusqu’à preuve du contraire,
les compétences sont jusqu’à maintenant réservées à l’être humain pour
décrire son interaction avec son environnement. Dès lors, le terme
« capacité » serait plus adapté à propos de la relation de la machine avec
son environnement.
Pourtant, le meilleur moyen de percevoir la place qu’aura demain la
machine à côté de l’homme sur la question de la répartition des tâches à
faire, n’est-il pas de gommer quelques instants cette différence sémantique
et d’aligner la vision des deux mondes ?
En effet, l’enjeu va très rapidement se résumer à la question suivante :
demain, qu’est-ce que je vais déléguer – dans mon travail par exemple – à
la machine ; et qu’est-ce que je vais garder pour moi – ou mes
collaborateurs –, êtres humains ?
Dès lors, plutôt que de dresser une liste – qui serait dépassée dans la
semaine de sa rédaction – des actions actuelles que l’IA peut faire au
service de l’homme, voici une petite histoire symbolisant cette notion de
compétences de l’IA.

Petite histoire de jeu de Go

Il existe des histoires qui servent autant à nous donner de l’information qu’à
fixer notre attention sur une évolution qui marque notre mémoire. Une fois
qu’on les a lues, on s’en souvient, on les raconte ; et c’est en les racontant
encore et encore à son entourage qu’on finit par mieux en saisir le sens et
l’importance.
Pour comprendre les enjeux du possible de l’IA, il y a une histoire tout à
fait saisissante qui en elle-même résume toutes les autres. Il s’agit de la
dernière victoire retentissante de la machine sur les joueurs de go.
Il y a encore quelques années, l’histoire que l’on racontait pour donner du
sens à l’arrivée de l’intelligence artificielle dans nos vies était celle de la
défaite retentissante de Gary Kasparov devant l’intelligence de Deep Blue,
la machine intelligente d’IBM. Tout le monde connaît cette histoire.
Seulement celle-ci a déjà plus de vingt ans. Il fallait donc un nouveau point
de fixation pour stigmatiser une nouvelle marche franchie récemment par la
machine sur l’homme. Et celle-ci est énorme.
La victoire de la machine dotée d’une intelligence artificielle sur l’homme
en matière de jeu de go est en réalité l’effondrement de l’avant-dernier
bastion derrière lequel se retranchait la suprématie de l’intelligence
humaine. Jusque-là on pouvait dire : « Oui la machine est forte puisqu’elle
bat l’homme aux échecs. Mais si ce jeu demande une capacité d’analyse
extrême, sa complexité n’est rien comparée au jeu de go ». Et voilà, que la
grande muraille s’effondre. Après cela il ne restera plus que l’intelligence
forte qui dotera la machine d’une conscience.
Pour savoir si une IA pourra exercer des compétences structurées,
et demain à mes côtés dans mon activité professionnelle, il suffit de parler
quelques instants de la complexité de ce jeu. Dès lors, vous pourrez la
comparer à la difficulté de la tâche que vous aimeriez demain déléguer à un
tiers dans votre métier actuel.
Edward Lasker, maître international historique d’échec – mais aussi joueur
de go – avait une formule devenue célèbre pour comparer les deux jeux :
« les règles baroques des échecs n’ont pu être inventées que par des
humains, mais les règles du go sont si élégantes, si organiques et d’une
logique si rigoureuse que, s’il existe des formes de vie intelligente ailleurs
dans l’univers, elles jouent certainement au go. »
Sans rentrer dans les détails, une simple description du jeu permet d’en
deviner la complexité : deux joueurs s’affrontent devant un plateau de bois
– goban –, découpé de 19 lignes qui croisent 19 autres lignes.
À l’intersection de ces lignes, les joueurs doivent déposer chacun à leur tour
une pierre noire ou blanche – selon sa couleur d’origine comme aux
échecs – sur le plateau. Dès qu’une pierre ou un ensemble de pierres est
entourée par les pierres adverses de telle manière que cet encerclement les
étouffe et les prive de liberté, elles sont considérées comme « capturées » et
retirées du plateau. Le parallèle militaire est assez facile à faire : dès que
vos troupes se trouvent encerclées par l’ennemi, leur rémission les rend
impropres à rester dans la bataille. Le vainqueur du jeu est alors celui qui
occupe le territoire de son ennemi rendant l’issue de la victoire certaine.
Tout cela est assez simple à première vue. Mais si on combine la taille du
plateau (plus grande qu’un plateau d’échec) et les très nombreuses
possibilités qu’ont les joueurs de déposer librement une pierre sur ce dernier
(vous n’êtes pas tenu, comme aux échecs, de partir de votre camp et de
piloter vos pièces en tenant compte de leur trajectoire arrêtée), les
combinaisons sont presque infinies. On estime qu’il y a près de 2 × 10170 (il
s’agit bien du chiffre 2 suivi de 170 zéros) de positions possibles sur un
plateau normal de jeu de go. Si on poursuit notre comparaison avec le jeu
d’échecs, ce dernier est encadré par ce qu’on appelle « le nombre de
Shannon », c’est-à-dire 10120. C’est le nombre de parties différentes
possibles pour ce jeu. Pour le calculer, on part du principe que, lors du
premier coup, les blancs peuvent choisir entre 20 possibilités. Les noirs
peuvent ensuite répondre en commençant par le même nombre de coups.
Cela nous donne une première combinaison de 20 × 20 soit 400 coups après
le premier coup de chaque joueur. Pour la suite et les cinq coups suivants,
vous avez compris, il existe 20 possibilités pour chaque joueur. Puis il faut
compter 30 variantes possibles pour chaque joueur pendant le reste de la
partie. En admettant qu’une partie dure en moyenne 40 coups, nous
obtenons donc pour le nombre de parties différentes :
(20 × 20)5 × (30 × 30)35. On obtient donc un chiffre proche du nombre de
Shannon. Mais ce dernier est bien inférieur à celui estimé pour le jeu de go.
Tâchons de résumer le message en termes simples : hier, une partie de mon
activité professionnelle demandait de comparer des indicateurs financiers,
d’analyser les derniers arrêts de la Cour de cassation pour rédiger mes
conclusions juridiques, de répartir dans un tableau de pilotage les heures de
facturation relatives à un chantier… rien de comparable en termes de
complexité avec le jeu de go. Et donc rien de complexe pour une IA faible
bien affectée à une tâche précise. Dès lors, deux questions doivent vous
venir en tête : ne seriez-vous pas tenté demain de demander à la machine de
faire ces tâches plutôt qu’à votre collaborateur ? Et par voie de
conséquence : quelles tâches, et donc quelles compétences mon
collaborateur a-t-il pour justifier sa place à mes côtés ?

L’ESSENTIEL
+ L’intelligence artificielle est la rupture majeure de la nouvelle révolution digitale dans
laquelle nous sommes entrés. Son objet est de pouvoir exercer des tâches comme pourrait
le faire l’homme avec son intelligence.

+ Cette technologie pose de plus en plus la question de la substituabilité de l’homme par la


machine quant à la réalisation de tâches complexes, dès lors qu’elles sont précises. C’est
donc un révélateur du besoin de qualifier et développer les soft skills.
CHAPITRE 6

L’humain augmenté et les soft skills

Executive summary
• À côté de l’IA, d’autres technologies prennent une place de plus en plus importante
dans notre quotidien. Ceci se traduit par une fusion inéluctable entre l’homme et la
machine, à terme.
• L’homme augmenté sera en capacité de faire plus de choses qu’avant avec moins
d’efforts ; mais ce sera surtout celui qui aura décidé de faire de ses compétences
humaines le vrai vecteur de différence d’avec la machine.
LA FUSION INÉLUCTABLE
HOMME-MACHINE

À côté de l’IA, d’autres ruptures technologiques

Un des éléments majeurs qui explique que nous entrons dans une nouvelle
ère des soft skills se trouve dans la prise de conscience de la réalité de
l’actuelle et nouvelle révolution industrielle. Et le grand responsable en est
encore une fois la technologie. Nous avons eu l’occasion d’aborder ces
deux points dans nos chapitres précédents.
De la même manière, nous avons évoqué comment et combien
l’intelligence artificielle allait devenir la grille d’analyse principale de
l’économie et du travail de demain.
Pourtant, cette révolution – notez bien le mot révolution et pas évolution –
est porteuse d’autres ruptures technologiques connexes qui vont décupler
l’accélération déjà en marche. Si tout exercice de taxinomie est subjectif,
nous aimerions attirer votre attention sur trois objets de rupture qui sont,
selon nous, complémentaires et difficilement dissociables de l’IA, en ce
qu’ils illustrent un changement de notre futur quotidien. Il faut donc
évoquer maintenant :

- la multiplication et l’omniprésence de la data ;


- une connexion entre ces datas à travers des objets rendus intelligents
car connectés ;

- la possibilité d’utiliser ces objets pour déplacer la réalité dans des


mondes virtuels ou augmentés.
Ces trois constats renvoient à trois ruptures technologiques.

Le big data
La définition officielle nous dit que ce sont « des données structurées ou
non dont le très grand volume requiert des outils d’analyse adaptés ».
Concrètement, cela signifie que nous avons de plus en plus souvent « une
grande masse de données » sur un sujet, un produit ou un service, et que
leur quantité est en fait trop importante pour être traitée de manière
traditionnelle. Le big data se caractérise, dans un premier temps, par ce que
certains appellent les 3 V : Volume, Variété et Vélocité (c’est-à-dire la
vitesse à laquelle les données arrivent).

L’Internet des objets


Techniquement, il s’agit tout simplement d’un réseau d’objets électroniques
qui communiquent les uns avec les autres via Internet. Avant, seuls les
individus étaient connectés les uns aux autres pour échanger de
l’information. Dorénavant, les objets sont aussi en réseau. Et leur but est de
connecter le monde matériel des objets avec celui du monde digital (et
inversement).

La réalité virtuelle
D’un point de vue technique, la RV (réalité virtuelle) prend la forme
aujourd’hui de casques équipés de lentilles stéréoscopiques qui permettent à
un utilisateur de s’immerger dans un univers d’images réalistes. Mais dans
très peu de temps, cette immersion devrait être enrichie par des
compléments sur les autres sens. En effet, si actuellement cette technologie
se focalise essentiellement sur la vision, à l’avenir, le retour haptique – ces
petites vibrations qui vous « confirment » que vous avez bien touché votre
écran tactile ou par exemple, sur Android, que vous avez atteint la fin d’une
liste – pourrait offrir de nouvelles possibilités en proposant des sensations
supplémentaires.

TECHNOLOGIE SIGNIFICATION EXEMPLES

Mes recherches sur Google


Un grand nombre de données
Big data renseignent sur mes goûts et
naissent de toutes nos actions.
besoins.

Internet des objets Il n’y a pas que les humains Ma montre connectée fournit
qui communiquent ; les objets des données santé à moi-même
aussi. et à mon assureur.

Mon casque HoloLens me


Il est possible d’être dans permet d’opérer à distance un
Réalité virtuelle plusieurs endroits à la fois et patient ou d’être présent sans
de se déplacer sans bouger. me déplacer dans une réunion
lointaine.

Tableau 6.1 – Les trois technologies complémentaires à l’IA

Des technologiques déjà transformatrices

Toutes ces technologies sont d’ores et déjà sur le marché entre les mains à
la fois de leurs développeurs et des utilisateurs. Demain, vous arriverez
dans une soirée peuplée d’inconnus en vous permettant malgré tout
d’interpeller au buffet une personne en lui disant : « Ha !?! Vous aussi vous
avez fait la fac de droit de Tours ? Et vous aimez le vin espagnol !… », rien
ne vous sera plus inconnu… Avant de déménager demain, vous visiterez
plusieurs appartements à l’aide de votre casque de RV sans même quitter le
confort de votre canapé. Vous parlerez à votre réfrigérateur le soir pour lui
demander ce qu’il vous propose comme dîner en fonction de ce qu’il a sur
ses étagères. Et s’il manque un ingrédient particulier, il pourra vous le
commander directement au livreur en ligne.
Imaginez tous les changements que ces nouvelles technologies vont nous
apporter. Elles vont aussi devenir les nouveaux leviers de la performance
des entreprises. Elles vont prendre place naturellement dans nos vies, à la
maison ou au travail. Et celles-ci s’en trouveront à jamais transformées.
Tous les acteurs économiques vont devoir apprendre des nouveaux géants
du Web. En effet, tous font reposer leur activité et leur business model sur
la multiplication de la data et le traitement par l’IA. Sans ces données et
sans une solution pour traiter cette quantité d’information, leur activité ne
fonctionnerait pas. Tous ont dans leur laboratoire de nouveaux objets
connectés et des programmes sur la réalité virtuelle. C’est à partir de ces
technologies que pas-à-pas, brique par brique, notre futur est en train de se
construire.
Avec le big data, fini le recours aux statistiques pour estimer de manière
imprécise l’avenir de votre activité. En s’intégrant à tous nos objets
environnants, les capteurs et l’IA vont nous faire entrer dans un Internet
ambiant. Enfin les nouvelles réalités augmentées ou virtuelles vont nous
permettre d’abolir le temps et l’espace.
Ainsi, prêtons-nous quelques instants à un petit jeu simple sur la base du
paragraphe ci-dessus : faut-il encore apprendre les statistiques en école de
commerce ? Faut-il encore former des chauffeurs routiers à l’heure où les
camions pourront communiquer entre eux et avec le centre de pilotage ?
Enfin, faut-il encore apprendre une langue étrangère et prendre l’avion
puisque demain la traduction sera simultanée et ma présence virtualisée via
un hologramme ou autre ? On perçoit maintenant combien ces avancées
technologiques vont poser la question des compétences techniques ou non à
l’avenir.

LA NAISSANCE DE L’HOMME AUGMENTÉ

Une vie privée améliorée

« Quand elle est numérisée, toute l’expérience est modifiée ! » Cette


formule de Shawn DuBravac, l’économiste en chef de la Consumer
Electronics Association, illustre parfaitement comment le digital redéfinit
l’expérience en général. Des data à foison, une nouvelle intelligence qui va
permettre de les combiner pour leur donner du sens, une connectivité des
objets reliés les uns aux autres, une réalité augmentée offrant des fonctions
nouvelles à notre environnement, sont des machines qui vont nous
permettre d’être encore plus complets.
Reliés ensemble, mon thermostat, la webcam de ma TV et ma montre
donneront l’atmosphère d’une pièce, l’humeur de ses occupants permettant
au Netflix de demain de proposer le programme de télévision pertinent en
fonction de mon humeur mais aussi de ce que je viens de manger – ou
adapter mon dîner du soir au lieu dans lequel se passe le film que j’ai décidé
de regarder.
« Cette connectivité sans friction, ni couture, va transformer l’économie et
la société », assure le président de Samsung : « elle fera gagner du temps,
facilitera l’existence, la rendant plus confortable, plus saine ». Ce nouvel
environnement digital va modifier la plupart des aspects de notre vie.
Regardons rapidement de quelle manière afin de toucher du doigt le
changement.

Des machines qui entendent


Dans quelques mois, les progrès combinés des technologies vont tout
d’abord nous permettre de nous détacher de nos écrans classiques : TV,
tablettes, smartphone. En effet, avec ma voix, j’ai déjà la possibilité de
piloter de plus en plus d’ordinateurs : que ce soit mon ordinateur fixe ou
portable ; mon smartphone qui est aussi un ordinateur ; mais aussi mon
système de domotique à la maison.
Actuellement, 20 % des recherches sur Google « se font par la voix ». Cette
tendance devrait se généraliser d’ici à 2020. Des chatbots, c’est-à-dire des
assistants virtuels, vont nous faire entrer progressivement, par la voix dans
« l’ère de l’assistance ». C’est via un chatbot demain que je vais faire une
recherche sur Internet. Oubliez donc les nombreuses pages de résultats des
moteurs de recherche ! Vous poserez vos questions à haute voix, à Google
Assistant, Alexa d’Amazon Echo, Siri d’Apple ou encore Bixby de
Samsung. Et il vous donnera directement une réponse qui sera la meilleure
possible, pertinente à la question. La masse de data ainsi produite va même
permettre à l’IA de rapidement anticiper nos besoins avant même qu’ils ne
surviennent.

Des machines qui voient


Avec les images que nous leur fournissons, les machines vont pouvoir
déduire tout un nombre de nouvelles data. L’intelligence artificielle leur
permet de traiter des milliards d’informations de plus en plus vite, mieux, et
plus précisément que l’homme. Imaginez un peu : le volume de la
connaissance littéraire médicale double aujourd’hui tous les cinq ans. Quant
cet apprentissage sera couplé aux images fournies par notre environnement,
le volume de data fourni leur permettra d’être encore plus performantes. Pas
parfaites, certes. Mais tout simplement meilleures que l’homme.
En effet, d’ores et déjà, certaines machines lisent sur les lèvres,
reconnaissent des éléments dans une photo ou une vidéo, trouvent des
photos par similarité.
Par exemple, les applications Magnus ou Smartify travaillent à devenir les
Shazam des œuvres d’art : vous pourrez demain facilement identifier
n’importe quel tableau ou statue d’un seul geste.
De même, ces technologies vont nous aider à mieux indexer les contenus
pour les retrouver et les distribuer avec plus de pertinence. Ou même
à chercher à l’intérieur de différents contenus toutes les data qui vous
intéressent : textes, photos ou vidéos. Elles vont aussi permettre d’améliorer
la lutte contre toutes sortes de délits. Demain, ce seront les machines qui
feront le tri toutes seules pour nous aider dans notre quotidien.

Des machines qui améliorent la réalité


Nous pourrons imaginer de nouvelles représentations du monde.
Les technologies de réalité virtuelle (VR) et de réalité augmentée (AR),
nourries de data et boostées à l’IA, vont nous permettre de façonner des
œuvres et des contenus encore plus singuliers et immersifs.
Les expériences sauront plus facilement s’adapter à chacun, répondre de
manière plus intuitive aux besoins, réagir fortement aux émotions : si je sais
que 80 % de mes clients sont stressés quand ils attendent dans ma salle
d’attente, je vais pouvoir leur proposer un environnement plus rassurant. Et
l’IA va permettre de transformer tout environnement en nouvelles réalités
digitales ou hybrides.
Notre cerveau est déjà ravi d’être trompé et transporté, dans une expérience
à 360°, dans un match de football américain via la technologie de la réalité
virtuelle. Avec la réalité augmentée, n’importe quelle entreprise pourra
placer intelligemment des informations ou des objets virtuels dans mon
environnement. Demain, n’importe quel match de tennis se jouera sur votre
table basse, et n’importe quel rendez-vous pourra se faire en tête-à-tête,
même à distance. Et c’est vous qui pourrez doser la quantité de réel et de
virtuel dont votre client aura besoin.

FONCTIONS
QUESTIONNEMENTS
PROPOSÉES ILLUSTRATIONS
POUR L’HUMAIN
PAR LA MACHINE

La machine entend. Je dispose d’un assistant Quid des assistants et juniors


personnel qui me donne accès à dans les organisations.
tous les services souhaités.

Je dispose de machines lisant à


Quid des policiers, des guides
ma place les bons articles et
La machine voit. touristiques, des contrôleurs
identifiant les bons
dans les transports.
interlocuteurs.

Je vis des expériences de plus en


La machine améliore la Quid des caissiers, des placiers,
plus émotionnelles sans sortir de
réalité. des annonceurs.
chez moi.

Tableau 6.2 – Les machines améliorent ma vie personnelle

Une performance professionnelle augmentée

L’objet même d’une révolution industrielle est d’augmenter l’homme. La


chose n’est donc pas nouvelle. La machine à vapeur, l’électricité et les
ordinateurs ont soulagé la vie de ceux qui nous ont précédé de manière
significative. Dès lors, il n’y a pas vraiment lieu d’imaginer des fantasmes
ou scénarios catastrophes. Il faut au contraire bien voir que c’est notre
quotidien et nos activités de travail qui vont être bouleversés, voire
améliorés.

Des machines pour conseiller


Bien entendu notre potentiel de travail va être augmenté via l’IA.
Nous avons gagné en productivité avec nos ordinateurs de bureau. Nous
allons passer un nouveau cap avec nos assistants virtuels. Mais à très court
terme, c’est surtout l’expérience client qui va être bouleversée. Avec les
chatbots, finie la contrainte des heures d’ouverture ou de la disponibilité de
votre avocat ou médecin préféré. Aujourd’hui, lorsque vous prenez votre
billet de train sur la plateforme de la SNCF à 23 h 30 un dimanche soir,
vous ne vous posez pas du tout la question de savoir s’il y aura quelqu’un
de l’autre côté pour vous offrir le service souhaité.

Des machines pour faire du marketing


De son côté, le big data permet de cerner le client dès son arrivée physique
dans un magasin : or, ce qui est assez incroyable, c’est qu’aujourd’hui
lorsqu’un client entre dans une boutique, on n’utilise pas du tout ce que l’on
sait déjà de lui. L’identification ne se fait au mieux qu’au moment du
paiement lorsqu’on lui demande sa carte de fidélité. De la même manière,
aucune data n’est collectée sur ce qu’il fait et recherche en magasin. A-t-il
besoin d’informations ? Serait-il content de goûter ces nouveaux yaourts
qu’il tient entre ses mains depuis 40 secondes d’un air hésitant… Ces
informations sont pourtant capitales et tous les distributeurs devraient faire
du lieu de vente physique des environnements connectés et interactifs de
manière à mieux connaître, informer et servir leurs clients.

Des machines pour améliorer la relation client


Le big data va aussi permettre de proposer un service après-vente – le
fameux SAV – amélioré et potentiellement prédictif. En effet, toutes les
données antérieures en matière de SAV vont permettre de mieux connaître
les attentes des clients ainsi que leur besoin de renouvellement du produit.
Si je sais à l’avance quand mon produit va être consommé – par exemple
des capsules de café – je vais pouvoir envoyer un message proposant de
renouveler ce produit quelques jours avant la fin du paquet. L’idéal sera
bien entendu d’avoir contractualisé ce renouvellement dans un système
d’abonnement : toutes les data agglomérées me donneront le jour et l’heure
de la consommation de votre dernière capsule de café et vous recevrez,
conformément à votre abonnement premium, une boîte de capsules neuves
le lendemain pour respecter vos habitudes matinales.

Pour les métiers les plus complexes


Enfin, ne pensez pas que ces conversations visent seulement des questions
ou problèmes simplistes. Au contraire. Ces technologies, cumulées à l’IA,
vont nous permettre d’imaginer un service client en ligne portant sur des
choix ou des dilemmes complexes. Les acteurs du conseil, par exemple,
vont pouvoir scénariser leur expérience passée des besoins du client pour
des questions vraiment stratégiques. Ainsi, par exemple, depuis mai 2016,
la société hongkongaise DKV (Deep Knowledge Ventures) a nommé un
algorithme pour siéger à son conseil d’administration. C’est donc bien une
IA, analysant du big data, qui se tiendra aux côtés des autres membres du
conseil, pour arbitrer les décisions stratégiques relatives à des politiques
d’investissements en capital risque ; ces décisions portant sur des questions
très techniques puisqu’elles visent la lutte contre le cancer ou la médecine
régénérative.

FONCTIONS
QUESTIONNEMENTS
PROPOSÉES ILLUSTRATIONS
POUR L’HUMAIN
PAR LA MACHINE

Je dispose d’un conseil disponible Quid des consultants et autres


Plus de conseils
et personnalisé 24 h/24. professions libérales.

Plus d’analyse Je détecte les besoins conscients et Quid des marketeurs et spécialistes
marketing inconscients de mes clients. des études.

J’entre plus facilement en relation


Quid des professionnels de la
Plus de relation client avec mes clients pour mieux
vente et SAV.
répondre à leurs besoins.

Tableau 6.3 – Les machines augmentent ma performance

LE BESOIN D’UN NOUVEAU PARTAGE


DES COMPÉTENCES

Face aux changements, il est coutume de tenter de résister. Pourquoi


faudrait-il abandonner à la machine des bastions d’activités humaines et
donc de compétences ? Pour vous convaincre que la question est mal posée,
deux arguments permettront de considérer que ces mutations ne sont pas
forcément de mauvaises nouvelles.
Tout d’abord, il suffit de prendre un peu de recul historique pour constater
que très rarement – voire jamais – les stratégies défensives n’ont été
couronnées de succès : la Grande Muraille de Chine, la ligne Maginot, la
révolte des luddites… Dès lors, il n’est pas certain que cette résistance soit
la bonne stratégie à mettre en place.
Ensuite, il faut accepter qu’il ne s’agit pas tant de renoncer que de profiter
des bienfaits que ces ruptures technologiques qui vont permettre
d’améliorer, en termes de qualité, la vie personnelle et au travail. Et il ne
faut pas se tromper dans l’objectif. S’il nous faut évoluer avec ces
machines, c’est qu’elles peuvent nous apporter un meilleur cadre de vie et
supprimer les tâches qui sont aujourd’hui ennuyeuses ou génératrices de
peu de valeur. Vous pensez qu’il s’agit là de naïveté de notre part ? Peut-
être. Mais à y bien considérer, les débats n’ont-ils pas toujours été les
mêmes à chaque grande révolution industrielle. Et ceux qui ont récolté le
plus de fruits de ces changements n’ont-ils pas été aussi les plus naïfs ou –
pour le dire autrement – les plus enclins à chercher dans tout changement
une source d’opportunités ?
Le big data, l’intelligence artificielle, l’Internet des objets et la réalité
virtuelle, vont être les principales préoccupations des décideurs marketing
et commerciaux des prochaines années. Pourquoi ? Parce que réussir sa
révolution digitale est une question de survie pour beaucoup d’entreprises.
Vous en doutez encore ? Gardez alors en tête quelques data pour vous
motiver : par exemple que, faute de ne pas penser cette révolution comme
un danger, plus de la moitié des 500 entreprises listées dans Standard and
Poor’s ont disparu depuis l’an 2000. Cette réalité funeste illustre une règle
intangible de l’innovation : lorsqu’une rupture technologique entre sur un
marché, en général 80 % des acteurs meurent faute de percevoir l’urgence
d’évoluer.
Au contraire, consciente de ce danger, une entreprise comme Engie a décidé
d’investir un milliard de dollars dans sa transformation digitale. Il y a donc
un vrai danger à ne pas considérer ces transformations.
Comment les clients considéreront-ils les entreprises qui recourront à ces
technologies ? Au-delà du nécessaire changement d’habitudes, de
l’évolution de la technologie et de l’adhésion des clients, l’effort majeur
qu’il va rester à faire sera d’arriver à dépasser nos a priori quant à
l’omnipotence de l’être humain comme vecteur unique de valeur et de
service.
Il faut ensuite tâcher de ne pas se tromper de référentiel de comparaison.
L’homme n’est plus et ne sera plus le référentiel ultime du travail et du
business. Il va donc falloir arrêter de comparer le ressenti des clients face
aux machines à celui qu’ils ont face aux humains. Ce serait comme
considérer l’expérience du transport à cheval ou en voiture au début du
xxe siècle. Tous les deux permettent de transporter un individu d’un point A
à un point B. Pourtant l’expérience utilisateur n’a rien de comparable, tout
comme l’efficience du trajet. Eh bien, le big data, l’intelligence artificielle,
l’Internet des objets et la réalité virtuelle vont devenir la voiture de demain.
Enfin, il va falloir faire un choix, et décider d’affecter telle tâche à tel
acteur : soit à l’homme, soit à la machine, soit au combo homme-machine.
À l’exception de certains domaines d’application où le rapport humain sera
encore prépondérant, les entreprises vont devoir apprendre, dans un futur
très proche, à ne pas opposer la puissance de la technologie et les qualités
humaines. Mais au contraire à tester les combinaisons les plus intéressantes.
Car chaque partie a vocation à garder son avantage naturel : l’homme reste
un formidable animal social dès lors qu’il s’agit d’entrer en empathie avec
ses semblables et de créer une relation susceptible de favoriser la
communication. Mais la machine dépasse de loin l’homme en matière de
rapidité et de qualité dès lors qu’elle joue sur le champ du calcul et du
traitement de données. Et cette suprématie analytique ne fait que
commencer. Dès lors, il est temps d’arrêter de craindre que les machines
remplacent l’homme au travail et dans le reste de sa vie. Les machines ont
toujours été des outils dont la vocation est d’aider dans la maîtrise de son
environnement professionnel. Avec ces technologies, les professionnels
compétents vont augmenter de manière massive leur compétitivité.

L’ESSENTIEL
+ La période actuelle prend la direction d’une fusion inéluctable entre l’homme et les
machines qui prennent place dans tous nos quotidiens. Aux côtés de l’IA, le big data,
l’Internet des objets et la réalité virtuelle sont aussi d’autres technologies qui accélèrent
notre mutation.

+ Cet environnement nouveau provoque une mutation de l’homme qui l’habite. Nous
devenons ou allons devenir des hommes et femmes augmentés par ces nouvelles
technologies digitales. La principale conséquence sera de redessiner le périmètre
des compétences afin de décider ce qui sera exclusivement confié à la machine et ce qui
sera l’apanage de l’homme, à savoir les soft skills.
PARTIE 3
LES SOFT SKILLS AU CŒUR
DE L’ENTREPRISE
« Les deux jours les plus importants de votre vie sont le jour où vous êtes
né, et le jour où vous découvrez pourquoi. »
Marc Twain

Et si la transformation du monde professionnel permettait à chacun de développer une nouvelle


forme d’intelligence, émotionnelle, et non plus seulement rationnelle ?
Et si la véritable valeur qu’un individu puisse incarner sur le plan professionnel n’était plus celle que
l’on avait identifiée jusqu’à présent ?
Dans une ère où la machine prend de plus en plus d’importance au sein des organisations, comment
l’homme peut-il œuvrer pour maintenir sa pleine place, ou mieux, se créer une nouvelle place, plus
juste et plus fine, lui permettant de libérer ses talents ?
Explorons dans cette partie les réponses qui ouvrent la perspective d’un monde professionnel
paradoxalement plus humain, bien que baignant dans un univers digital et algorithmique.
CHAPITRE 7

L’intelligence émotionnelle au cœur


de l’entreprise

Executive summary
• L’intelligence émotionnelle est une soft skill que chacun peut entraîner et qui peut
transformer vos relations interpersonnelles.
• Il existe un lien intime entre le flux de nos pensées et le flux de nos émotions. À la
manière des sportifs de haut niveau, vous apprendrez à distinguer deux grandes
catégories de pensées, celles qui auront plutôt tendance à vous procurer des émotions
agréables, et celles, au contraire, qui seront souvent à l’origine d’émotions désagréables.
• Enfin, vous découvrirez le caractère potentiellement contagieux de nos émotions, et
la façon dont vous pouvez adapter votre attitude pour anticiper cette possibilité et mieux
gérer vos émotions au sein d’un groupe.
« Avant, nous pouvions nous disputer sur la question de savoir
si une machine était capable de penser. La réponse est “Non”.
Ce qui pense est un circuit au complet comprenant, par exemple,
un ordinateur, un opérateur humain et un environnement. »
Gregory Bateson

INTELLIGENCE ÉMOTIONNELLE ET INTELLIGENCE


ARTIFICIELLE

Si l’on fait référence aux diverses définitions que l’on peut trouver de
l’intelligence, telles que celles du Larousse : « Aptitude d’un être humain à
s’adapter à une situation, à choisir des moyens d’action en fonction des
circonstances » ou encore « Personne considérée dans ses aptitudes
intellectuelles, en tant qu’être pensant », on s’aperçoit que la notion
d’intelligence s’inscrit dans une dimension humaine, notamment
caractérisée par l’activité de penser. En cela, l’idée même de ce que l’on
nomme « l’intelligence artificielle » n’a pas de véritable sens, puisqu’elle
associe la notion d’intelligence à quelque chose qui n’est pas humain. Notre
volonté n’est pas ici d’ouvrir un débat sur la pertinence du terme
« intelligence artificielle », terme communément accepté au sein des
communautés scientifiques et plus largement dans le vocabulaire courant,
mais plutôt de ne pas réduire la notion d’intelligence au simple quotient
intellectuel ou encore au potentiel même insoupçonné que pourrait avoir un
super-algorithme.
Nous pouvons à ce propos mettre en avant l’étymologie du terme
« intelligence » qui vient du latin « intelligentia » correspondant à la
« faculté de percevoir et de comprendre ». La faculté de percevoir
correspond à la capacité de prendre connaissance des éléments qui nous
entourent par le biais de nos sens.
Nous voyons donc difficilement comment associer de façon cohérente la
notion d’intelligence à un algorithme qui ne possède pas de « sens » et qui
ne peut « percevoir ». L’intelligence humaine reste inégalable sur ce plan,
qui lui permet par exemple de faire preuve d’empathie.
Par ailleurs, et sachant que le cerveau humain est capable de plasticité
neuronale, l’éventail d’aptitudes, et notamment les soft skills, que celui-ci
peut développer, laisse entendre que l’intelligence humaine n’est
certainement pas un concept figé. Nous allons voir dans ce chapitre qu’elle
possède justement un potentiel de développement qui n’a rien à envier aux
performances promises des futurs algorithmes.
Pour explorer ce potentiel, osons donc ne pas restreindre le concept
d’intelligence à la simple capacité de logique, de raisonnement et de calcul,
et ouvrons-le à une précieuse aptitude dans la gestion des relations
interpersonnelles, aptitude que l’on nomme l’intelligence émotionnelle.
Popularisée par le célèbre psychologue américain Daniel Goleman,
l’intelligence émotionnelle est une compétence de plus en plus attendue
dans le monde professionnel, par les recruteurs notamment. Elle peut être
définie en quatre grands axes :

- la capacité à identifier ses propres émotions ;


- la capacité à les gérer et à les moduler ;
- être en mesure de percevoir les émotions des autres ;
- savoir adapter son comportement en fonction des émotions des autres.
D’après Mayer et Salovey, « l’intelligence émotionnelle se définit comme
l’habileté à percevoir et à exprimer les émotions, à les intégrer pour faciliter
la pensée, à comprendre et à raisonner avec les émotions, ainsi qu’à réguler
les émotions chez soi et chez les autres1 ».

SOMMES-NOUS MAÎTRES DE NOTRE PENSÉE ?

Mais pour comprendre en pratique ce qu’est l’intelligence émotionnelle,


nous aimerions vous demander, à l’instant où vous lisez ces lignes, de ne
surtout pas penser à votre boîte mail. Surtout n’y pensez pas. Nous sommes
bien entendu en train de vous taquiner, car vous êtes bien obligé, ne serait-
ce qu’un court instant, de penser à votre boîte mail pour comprendre ce que
vous êtes en train de lire. Dans ce cas précis, nous avons pour ainsi dire
influencé votre pensée par une suggestion. Mais vous pourriez, si vous le
souhaitez bien sûr, penser dès à présent à vos futures vacances et aux
activités que vous prévoyez à cette occasion.
Vous êtes libre de penser à ce que vous voulez en ce moment même, sauf
lorsque vous l’oubliez. En effet, lorsque nous oublions que nous sommes
maîtres de notre pensée, comme c’est le cas au moins la moitié de notre
temps, alors nous sommes beaucoup plus perméables aux influences et
sollicitations extérieures.
Certains scientifiques se sont amusés à essayer de déterminer combien de
pensées nous entretenons dans une journée. Entre 70 000 et
700 000 pensées selon certains, un peu moins selon d’autres sources. Ce
n’est pas ici le nombre de pensées qui nous intéresse mais le fait que nous
en entretenons beaucoup au cours d’une journée. Bien qu’un certain nombre
de celles-ci se répètent chaque jour, beaucoup d’entre elles peuvent être
influencées et teintées par l’extérieur. C’est peut-être de ce fait que nous
répétons chaque jour des « schémas de pensée ».

QUELS LIENS ENTRE PENSÉES ET INTELLIGENCE


ÉMOTIONNELLE ?

Pour comprendre le lien entre ces nombreuses pensées et la notion


d’intelligence émotionnelle, nous exposerons un principe fondamental
défendu par Daniel Goleman.
Notons que ce principe s’inscrit dans le courant cognitiviste des différentes
théories que l’on peut trouver sur les émotions. Le courant cognitiviste
défend l’idée selon laquelle la plupart de nos émotions découlent de nos
pensées2. Pour Épictète (55-135 apr. J.-C.), considéré comme le grand
représentant du courant cognitiviste, il est possible d’agir sur nos émotions
en pensant différemment.
L’idée de Daniel Goleman, qui rejoint celle d’Épictète, est la suivante : « Le
flux affectif dans lequel nous baignons est exactement similaire au flux des
pensées qui nous traversent l’esprit ».
Autrement dit, vos pensées teintent vos émotions du moment. Et il est
probable que si en ce moment, votre boîte mail est très chargée et que vous
ne parvenez pas à traiter tous les e-mails que vous recevez, le simple fait
d’y penser ne vous procurera pas la meilleure émotion qui soit.
Une pensée pouvant en entraîner une autre, penser à votre boîte mail vous
rappellera peut-être que vous avez oublié de répondre à certains e-mails, et
qu’il vous faudra le faire au plus vite. Cela pourrait engendrer aussi d’autres
pensées peu agréables comme le fait que, ces temps-ci, vous ne parvenez
pas à prendre le temps nécessaire pour vider votre boîte mail afin d’y voir
plus clair. Ce sont souvent ces réactions en chaîne de pensées qui peuvent
être à l’origine d’émotions qui s’amplifient de plus en plus. Fort
heureusement, les réactions en chaîne de pensées peuvent aussi bien créer
des émotions négatives que des émotions positives. Si dès à présent vous
pensez à vos futures vacances, peut-être vous viendra-t-il à l’esprit des
souvenirs agréables de vos dernières vacances, ainsi que la perspective
heureuse des nouveaux horizons que vous aurez la joie de découvrir à votre
prochaine destination. Votre pensée du moment oriente et anime votre
émotion du moment. Le mot émotion vient d’ailleurs du latin « emovere »
qui signifie « mettre en mouvement ». Par nos pensées, nous mettons en
mouvement nos émotions, que nous en soyons conscients ou pas.

Décrypter ses émotions

Une des clés de l’intelligence émotionnelle, et en l’occurrence de la gestion


de nos émotions, consiste donc à redevenir maître de nos pensées. Nous
entendons par maîtrise de nos pensées le fait d’être en mesure de porter un
regard conscient sur celles-ci au point de pouvoir les faire évoluer. Si je
vous dis par exemple de ne pas penser à la couleur rouge qui pourrait
symboliser les urgences en cours, vous allez y penser ne serait-ce qu’un
instant. Vous pourriez identifier que la pensée « rouge » que vous venez
d’entretenir ne vient pas de vous, mais a été influencée par ce que vous êtes
en train de lire. Vous pouvez, si vous prenez conscience de cela, rester
maître de votre pensée en choisissant par exemple de penser au bleu, qui
pourrait vous faire penser à la mer et donc à vos futures vacances. La
sensation du moment sera alors peut-être plus agréable que celle découlant
de pensées focalisées sur vos urgences. Sauf peut-être si votre urgence
consiste à réserver votre transport pour aller au bord de la mer. Qu’elles
soient propres à nous ou influencées par l’extérieur, lorsque nous ne
sommes pas conscients des pensées que nous cultivons, le bal de celles-ci
peut entraîner des émotions que l’on aura l’impression de subir. Gérer ses
pensées et donc les émotions qu’elles peuvent engendrer nous permet de
développer une nouvelle forme d’intelligence. Cette façon consiste
notamment à penser à quoi nous sommes justement en train de penser. Si
nos pensées procurent des émotions désagréables, il nous faut être capable
de les calmer ou de les orienter vers d’autres perspectives plus agréables.
Au premier abord, et pour beaucoup d’entre nous, cela peut paraître très
fastidieux, voire impossible, surtout lorsque nous baignons dans un
environnement qui nous expose à des pensées quelque peu oppressantes. La
pression des objectifs, des urgences, des e-mails non traités, des divers
comptes à rendre à votre supérieur, ou encore plus simplement du rythme
professionnel qui est le vôtre, peut générer de nombreuses pensées
créatrices d’émotions peu agréables.
La surexposition à l’information peut clairement avoir tendance à
encombrer notre mental, et cet « encombrement » peut se traduire
immédiatement dans notre corps sous la forme d’émotions. Si, par exemple,
je pense au fait qu’un de mes collègues n’a toujours pas donné de réponse à
ma troisième relance d’e-mail pour la participation à une réunion
importante, je pourrais laisser cette pensée s’installer dans mon esprit au
point que cette dernière m’agace véritablement et me mette en colère.
Il est d’ailleurs intéressant de se poser la question de savoir si, dans ce type
de situation, c’est le comportement de mon collègue qui me met en colère,
ou bien la pensée que j’entretiens le concernant. En prenant un minimum de
recul, nous devons bien admettre que ce n’est pas du tout la même chose.
C’est un sujet que connaissent bien les sportifs de haut niveau. Lorsqu’un
joueur de tennis se met en colère parce que l’arbitre annonce une balle faute
alors que le joueur la pensait bonne, est-ce qu’au fond de lui le grand sportif
se met en colère contre l’arbitre, ou bien se met-il en colère contre la pensée
qu’il est en train d’entretenir à propos de l’arbitre ? Les spécialistes de la
préparation mentale n’hésiteront pas une seule seconde pour répondre à
cette question. Le plus grand responsable de la colère d’un joueur, c’est lui-
même. Beaucoup d’entraîneurs délivrent d’ailleurs un message bien connu
à leurs joueurs, « ce n’est pas l’adversaire qui se trouve en face que tu dois
battre, c’est l’adversaire qu’il y a en toi ». Notre pensée peut se transformer
en adversaire pour nous-même, et l’intelligence émotionnelle consiste entre
autres à apprendre à connaître ce petit commentateur intérieur, afin de
mieux l’appréhender, et d’être en mesure de le faire taire.
Dans notre quotidien, si toutefois nous ne parvenons pas à maintenir une
certaine forme d’imperméabilité quant à la vague d’informations à laquelle
nous sommes exposés, nous pouvons nous ouvrir à un flux émotionnel
difficilement gérable. L’enjeu consiste ici à bien choisir la pensée qui est la
nôtre en ce moment même, plutôt que celle que nous pourrions être tentés
d’entretenir. Cela ne veut bien sûr pas dire qu’il faut se couper du monde,
mais juste veiller à l’influence que celui-ci peut avoir sur le « bal de nos
pensées ».

Gérer ses émotions

Apprendre à dompter ses pensées est un véritable enjeu pour quiconque


souhaite développer son intelligence émotionnelle. Pour atteindre cet
objectif, nous faisons référence ici à la pratique des sportifs de haut niveau,
et plus précisément à ce que l’on nomme la préparation mentale3.
Les grands sportifs sont en effet des champions de la gestion des émotions.
Nous parlerons ici plus particulièrement de la peur. C’est une émotion
souvent au cœur de la vie d’un sportif, qui doit apprendre à gérer et à
calmer toute une déclinaison de peurs, telle que celle de se blesser,
d’échouer, ou à l’opposé, la fameuse peur de gagner. Le parallèle avec le
monde de l’entreprise peut être rapidement établi avec la peur de ne pas être
à la hauteur d’un événement important (comme la compétition d’un sportif),
ou encore la peur de ne pas atteindre ses objectifs annuels (en parallèle à la
peur, pour le sportif, de ne pas atteindre ses objectifs de performance), ou
bien encore la peur de décevoir son supérieur hiérarchique (en parallèle
avec le sportif qui peut avoir peur de décevoir son entraîneur).
C’est en ce sens que nous ferons référence aux pratiques des grands
sportifs, qui peuvent clairement inspirer une marche à suivre pour gérer
cette émotion de la peur qui peut être paralysante en entreprise.
Pour atteindre le sommet de leur discipline, les sportifs de très haut niveau
ont pu, à travers de longues années d’expérience et d’entraînement,
expérimenter le fait que la peur n’était pas un état souhaitable dans
l’exercice de leur activité. Cela ne signifie pas qu’elle ne peut pas être utile
avant ou après une compétition, mais que pendant celle-ci, gommer ses
propres peurs représente un véritable enjeu. Et ils l’ont aussi constaté pour
d’autres émotions qui peuvent égratigner leur performance, telle que la
colère ou encore la frustration. Ils travaillent donc constamment à limiter ce
type d’émotions qui, par ailleurs, sont très énergivores notamment par le
fait qu’elles ont des répercussions physiologiques immédiates. Dans le cas
de la peur, celle-ci accélère notamment le rythme cardiaque. Elle n’améliore
pas la concentration ni la précision des gestes effectués. À l’inverse de la
peur, une sensation de confiance va améliorer la fluidité des gestes effectués
et va garantir une meilleure mobilisation de sa créativité.
Pour gérer leurs émotions, et notamment la peur qui peut prendre certaines
formes d’anxiété sur le long terme, les sportifs s’intéressent tout
particulièrement, dans le cadre de leur préparation mentale, à ce que l’on
appelle dans le jargon des préparateurs mentaux les pensées parasites et les
pensées parades.

Les pensées parasites


Une pensée parasite correspond à une pensée qui n’est pas utile à notre
dynamique du moment et qui, a fortiori, n’est pas agréable à entretenir. Ce
sont les pensées du type « Je ne vais pas y arriver » ; « Je ne serai pas à la
hauteur » ; « Je ne sais pas par où commencer » ; « Je crains de ne pas
savoir être convaincant » ; ou encore plus simplement « J’ai peur ». Selon le
degré d’intensité avec lequel nous cultivons ce type de pensées dans notre
esprit, les pensées parasites vont être une plus ou moins grande source de
peur.

Les pensées parades


À l’inverse, une pensée parade est une pensée qui va servir à court-circuiter
la pensée parasite. Cela peut être une pensée du type « Quoi qu’il arrive, je
ferai de mon mieux » ; « J’ai déjà réussi à faire face à ce genre de rendez-
vous » ; « Je vais organiser la réalisation de mes tâches par ordre de
priorité » ; « Je ne pense pas au regard que portent les autres sur moi » ; ou
encore « Je suis serein et détendu ».
À la manière des sportifs, l’enjeu consiste pour vous à entraîner le plus
souvent possible la création de pensées parades. Ceci a un double objectif :
celui de remplacer les pensées parasites, et idéalement, celui de ne plus
avoir de pensées parasites, du moins le minimum possible.
Nous ne vous cachons pas que cet entraînement ne se fera pas du jour au
lendemain. Mais vous pouvez le débuter maintenant, en prenant quelques
minutes par jour pour noter un maximum de pensées parasites qui vous
traversent l’esprit. Faites un tableau : dans une colonne, notez vos pensées
parasites ; dans la colonne d’à-côté, notez vos pensées parades. Tentez de
trouver systématiquement, pour chaque pensée parasite, une pensée
parade qui pourra servir de contrebalance. Cet exercice que vous pouvez
dans un premier temps effectuer sur papier pourra ensuite être directement
effectué mentalement. Chaque pensée parasite devra devenir une
opportunité d’enclencher une pensée parade. À force d’adopter cette
attitude, vous constaterez petit à petit une diminution du nombre de pensées
parasites, ainsi qu’une diminution du temps pendant lequel vous les
cultiverez. Au final, vous constaterez avec joie que vous vivez de moins en
moins d’émotions désagréables.
Alors, quelle pensée allez-vous créer à présent ?

Percevoir les émotions des autres

Mis au jour par l’équipe du médecin biologiste Giacomo Rizzolatti, ce que


l’on nomme les neurones miroirs n’ont pas fini de bouleverser le monde
professionnel d’aujourd’hui et de demain. Au-delà d’expliquer les
comportements mimétiques de l’être humain, tel que le fait d’être fortement
invité à bâiller lorsque nous observons quelqu’un le faire, les découvertes
sur les neurones miroirs permettent aussi d’expliquer ce que l’on désigne
par la contagion émotionnelle.
Hugo Théoret, professeur de neurophysiologie à l’université de Montréal, a
beaucoup étudié les neurones miroirs. Avec son équipe, il a notamment
démontré que « les régions limbiques, qui correspondent aux zones du
cerveau où se situe l’activité émotionnelle, sont activées très fortement à la
seule observation passive d’une émotion chez quelqu’un d’autre4 ».
Lorsque nous sommes au contact d’autres personnes, nos émotions
peuvent avoir un caractère contagieux. À l’aide de ces découvertes
neuroscientifiques, on peut qualifier notre cerveau de « neurosocial ».
Daniel Goleman explique cette notion par le fait que nous captons les
émotions d’autrui, un peu comme si nous étions branchés en wifi.
Ces neurones miroirs ont pour effet de nous placer dans les meilleures
dispositions pour vivre l’émotion que nous sommes en train d’observer.
Cela ne signifie pas que nous allons forcément vivre cette émotion, mais
que selon notre capacité à prendre plus ou moins de recul par rapport à ce
que nous observons, notamment en cultivant des pensées parades, nous
allons y être plus ou moins sensibles. En référence au paragraphe précédent,
soyez notamment vigilant au type de pensées que vous cultivez lorsque
vous êtes au contact de personnes qui vivent des émotions que vous ne
souhaitez pas vivre.

Adapter son comportement

L’intelligence émotionnelle consiste notamment à être conscient de


l’émotion que nous allons cultiver (mettre en mouvement) ou pas.
En observant quelqu’un qui se met en colère contre moi, si je parviens à
prendre le recul nécessaire, en pensant par exemple que la personne qui se
met en colère traverse une période difficile et qu’il ne sert à rien
d’envenimer cette colère, je peux éviter de me mettre également en colère.
Pour vous aider à cultiver cette vigilance, nous vous invitons à développer
une plus grande observation (autre soft skill au combien importante), afin
de détecter les signaux non verbaux et para-verbaux qui laissent présager
qu’autrui est sur le point de déclencher telle ou telle émotion. Les signaux
para-verbaux correspondent à tous les signaux liés à la voix, tels que
l’intonation, le rythme de parole, ou encore les hésitations. Les signaux
non verbaux font référence à l’ensemble des signaux corporels et
comportementaux que l’on peut observer chez une personne, tels que les
gestes utilisés lors d’une communication, la façon de respirer, la manière
d’occuper l’espace, ou encore les caractéristiques du regard. Dans le cas de
la colère, cela peut se traduire, chez la personne que vous observez, par une
respiration plus rapide qu’à la normale, ou encore un rougissement au
niveau du visage, et surtout un changement dans l’intonation de la voix.
À vous, à ce moment-là, si vous souhaitez « calmer le jeu », de vous
maintenir dans un état d’esprit de calme et d’optimisme quant à l’issue de la
situation. Rappelez-vous, grâce aux neurones miroirs de votre interlocuteur,
celui-ci pourra, par votre attitude, s’ouvrir à une perspective émotionnelle
différente. Vos signaux para-verbaux et non verbaux ont un impact très
important dans la manière dont votre ou vos interlocuteurs vont recevoir
vos messages. Par ailleurs, c’est le flux émotionnel qui nous traverse qui
fait varier en grande partie ces signaux. L’inquiétude, par exemple, ne vous
fera pas adopter le même regard que la sensation de sérénité. Aussi, en
développant votre intelligence émotionnelle, et la maîtrise de vos pensées
notamment, vous ferez varier l’impact de votre langage non verbal et para-
verbal, et vous affinerez en conséquence la qualité de votre communication.

L’ESSENTIEL
+ Ce chapitre vous a permis de décrypter les principaux mécanismes de l’intelligence
émotionnelle. Par une meilleure compréhension de l’impact de nos pensées sur notre
dynamique émotionnelle, ainsi que par une plus grande maîtrise de celle-ci, il nous est
possible de devenir acteur de notre flux émotionnel.

+ Cette responsabilité que chacun(e) est à même d’endosser peut être déterminante dans nos
relations interpersonnelles. En effet, le mécanisme des neurones miroirs implique une
contagion potentielle de nos émotions, mais aussi une possibilité d’en impulser de
nouvelles afin de gommer celles qui pourraient être désagréables, pour nous et pour
autrui.
CHAPITRE 8

L’enjeu de maintenir l’humain


au cœur de l’entreprise

Executive summary
• Voici une partie volontairement provocatrice. Faut-il encore des humains dans
l’entreprise de demain ? Nous sommes conscients que cette question n’est pas très
sérieuse. Et bien évidemment, il y aura demain encore des hommes et des femmes dans
les entreprises.
• Mais à bien y regarder, l’exercice permet cependant de projeter des questionnements
intéressants : si on mélange taylorisme et IA, nous pouvons visualiser des entreprises
gagnant en productivité sur bien des plans. Cela ne sera pas sans conséquence.
LES ESSENTIELS DE LA RÉUSSITE DE VOTRE
ENTREPRISE
« Quand tu veux construire un bateau, ne commence pas par rassembler
du bois, couper des planches et distribuer du travail, mais réveille au sein
des hommes le désir de la mer. »
Antoine de Saint-Exupéry

Quel est le point commun entre IDEO, MUJI, Apple et Virgin Airlines ?
Leur capacité d’innovation. Même si, d’après Tom Kelley et Jonathan
Littman1, ces entreprises n’innovent pas de la même manière, ce sont les
capacités de créativité, d’adaptabilité et d’implémentation de leurs
collaborateurs qui ont permis à ces dernières de rebondir après une crise ou
au contraire de profiter d’une crise globale pour sortir leur épingle du jeu.
Or, qu’est ce qui permet l’innovation ?
Comme nous l’avons vu dans Le Réflexe soft skills2, à travers l’interview du
professeur Claude Ananou, l’esprit d’entreprendre naît de trois soft skills.
1. La curiosité :

- pour augmenter le champ des possibles ;


- pour avoir un potentiel de nouvelles idées plus grand ;
- pour adopter différents angles de vue sur une situation.
2. La créativité :

- pour créer de nouvelles connexions encore invisibles ;


- pour trouver des solutions encore jamais vues ;
- pour générer de nouvelles possibilités.
3. L’innovation :
- pour la mise en pratique de l’idée issue de la créativité ;
- pour adapter une solution à un besoin réel ;
- pour apporter de la valeur ajoutée à une situation.
Ces compétences comportementales et fondamentales pour la résilience et
la réussite d’une entreprise reposent sur l’humain.
Pour aller un peu plus loin, en se concentrant sur l’ouvrage de Tom Kelley
et Jonathan Littman, nous nous rendons compte que les collaborateurs
d’une entreprise peuvent apporter une innovation en incarnant un « rôle »
qui a une orientation particulière :

- anthropologue pour les comportements humains ;


- expérimentateur pour le test & learn ;
- pollinisateur pour l’explosion d’idées ;
- « surmonteur » pour dépasser les difficultés ;
- collaborateur pour l’optimisme et l’esprit collectif ;
- directeur pour inspirer et manager ;
- architecte pour dessiner l’expérience qui sera vécue (comme un
designer) ;

- scénographe pour créer l’environnement propice à l’innovation et à la


performance saine ;

- soignant, ou comme on pourrait également l’appeler, Chief Happiness


Officer ;
- conteur, qui transforme une expérience en histoire, tel un
« storyteller ».
Comme un enfant qui ferait « comme si », tout le monde a le potentiel
d’incarner chacun de ces rôles afin d’apporter un angle de vue différent et
plus de créativité dans l’entreprise.
Cette approche par le prisme de l’innovation nous montre bien que
l’humain reste toujours indispensable dans une entreprise aujourd’hui, et ce
malgré toutes les avancées technologiques que nous vivons. Cependant,
alors que les avancées technologiques permettent de déléguer de plus en
plus de tâches aux machines ou aux algorithmes, quelle sera la place de
l’humain demain dans les entreprises ?

L’INNOVATION EST UN RÉEL FACTEUR DE RÉUSSITE


POUR L’ENTREPRISE !
« Mieux vaut penser le changement que changer le pansement. »
Francis Blanche

Quelle est la part d’humain liée à la réussite d’une


entreprise ?

Les avancées technologiques ont un impact indéniable sur la performance


des entreprises aujourd’hui. C’est par exemple grâce à Facebook que de
nombreuses start-up ont pu décoller en profitant d’un coût par lead
extraordinairement bas comme le dit l’expert mondial des réseaux sociaux
Gary Vaynerchuk.
Pierre Giorgini, dans son ouvrage La Transition fulgurante3, partage avec
nous six « actants » contribuant à l’accroissement de la productivité dans
les organisations :

- la puissance de calcul (les ordinateurs) ;


- les objets connectés (smartphones, smart watchs, smart glasses, etc.) ;
- l’intelligence artificielle ;
- la réalité virtuelle ;
- l’impression 3D ;
- les nanosciences (nanotechnologies, biochimies, etc.).
Ces six actants augmentent la vitesse de changement que vivent les
organisations et les individus en leur sein. Le constat : chaque actant gagne
en pouvoir (capacité à déléguer une tâche) et en puissance (la capacité à
réaliser celle-ci), l’humain leur déléguant de plus en plus d’actions, voire
même de responsabilités.
Que reste-t-il donc aux humains à faire dans l’entreprise du futur ?
Si l’innovation reste le moteur de résilience et de succès des entreprises,
que les humains en sont à la source et qu’ils ont besoin des soft skills pour
apprendre, être créatifs, générer de nouvelles idées et pouvoir les
implémenter, il semble alors juste de se dire que l’humain aura tout intérêt à
développer des soft skills en entreprise telles que :

- l’humilité, afin de garder un esprit ouvert à l’apprentissage et aux


enseignements. C’est cet état d’esprit d’apprenant qui permet de
comprendre les autres et ses échecs. Voici un petit réflexe à adopter
pour cultiver cet état d’esprit : se poser la question le plus
régulièrement possible « Qu’est-ce que je peux apprendre grâce à
cette personne ou cette situation ? ».

- la capacité de rebond, ou l’adaptabilité. L’innovation émerge souvent


de la difficulté, que ce soit un échec (comme la création du post-it qui
est né d’une colle qui ne fonctionnait pas), ou d’un environnement
contraignant (comme la NASA qui a dû innover à cause de la
contrainte temps pour la mission Apollo 13). Dans les deux cas de
figure, l’adaptabilité joue un rôle clé.
Pierre Giorgini note également que la clef de la résilience des humains dans
les entreprises face à ces six actants est la qualité des relations humaines au
sein des organisations. C’est-à-dire que les collaborateurs d’une entreprise
auront plus de chances d’apprendre de leurs erreurs, de rebondir après un
échec ou se sentiront globalement mieux dans leur travail s’il existe une
bonne atmosphère entre collègues. Il sera plus difficile pour une entreprise
de réussir si les relations entre ses collaborateurs sont dégradées (c’est ce
qui peut également expliquer la montée en puissance des CHO, les Chief
Happiness Officer).
Cette dimension de l’humain et de son bien-être en entreprise ne sont pas un
effet de mode du xxie siècle, mais bien deux ingrédients indispensables pour
la réussite d’une entreprise.
Afin d’avoir un retour du terrain sur ce sujet, nous sommes partis à la
rencontre de Yannick Alain, entrepreneur.

AVIS D’EXPERT
Yannick Alain, fondateur de la NeuroBusiness School

QUELS SONT LES INGRÉDIENTS D’UNE ENTREPRISE


QUI RÉUSSIT AUJOURD’HUI EN 2018 ?
« D’après mon expérience personnelle, je perçois six ingrédients contribuant à la réussite d’une
entreprise :
– l’humain ;
– le casting ;
– le bien-être ;
– la vision ;
– la structure ;
– les partenaires.

✚ L’HUMAIN
Pour moi, il est important que chaque collaborateur sente qu’il progresse et évolue grâce à son
travail dans l’entreprise. Quand je développe une entreprise, j’ai toujours une intention claire :
que les employés évoluent aussi en plus du salaire. L’entreprise doit également aider les
personnes à se dépasser pour progresser, et ce notamment grâce à l’inspiration qu’on peut leur
apporter.
Cela me fait penser à une histoire qui m’inspire beaucoup : celle d’un célèbre milliardaire
américain qui a vu un de ses employés lui faire perdre 600 000 dollars. Et plutôt que de
licencier cette personne, il décida de le garder à son poste, à la grande surprise de son
entourage.
“Mais pourquoi tu ne l’as pas licencié sur le champ pour cette énorme erreur ?”
Voici sa réponse : “il vient de se former, je lui ai payé sa formation 600 000 dollars”. La valeur
de l’humain est inestimable et c’est cette valeur qui permet d’aller loin dans les aventures
entrepreneuriales.

✚ LE CASTING
L’humain est important, et ce qui est encore plus important, c’est de savoir mettre les bonnes
personnes à la bonne place. En effet, il arrive régulièrement que certaines personnes soient à la
mauvaise place, c’est-à-dire qu’elles n’aiment pas leurs tâches ou qu’elles ne se sentent pas
dans leur zone d’excellence. La bonne personne à la bonne place permet d’allier performance et
bien-être car elle peut déployer son plein potentiel et avoir des résultats tout en répondant à ses
envies et ses motivations.

✚ LE BIEN-ÊTRE
L’épanouissement des employés est une priorité avec une question en filigrane : comment
l’entreprise peut-elle rendre plus heureux ses employés ? Comme le dit Idriss Aberkane “tous
les employés heureux sont productifs, mais pas tous les employés productifs sont heureux”. On
ne peut pas espérer qu’une personne soit performante si elle est malheureuse.
C’est vraiment l’indicateur bonheur qui marche. C’est important de s’attacher à l’humain.

✚ LA VISION
J’aurais peut-être pu démarrer par cet ingrédient, car tout part de là, de la vision. Il est important
d’avoir une vraie vision, c’est-à-dire fédératrice. Chaque employé doit se sentir fier de
contribuer, peu importe la place qu’il occupe. Ce point me fait penser à une autre histoire qui
m’inspire : celle de la NASA à l’époque de la conquête de la Lune. Un journaliste était en
reportage pour réaliser des interviews d’ingénieurs et de personnes haut placées pour cette
mission. Dans la salle d’attente, il rencontre un balayeur très zélé et particulièrement
enthousiaste. Le journaliste lui demande : “Comment se fait-il que vous soyez si heureux de
balayer le sol ?”. La personne répondit “Moi aussi j’aide à aller sur la Lune, je suis balayeur et
j’aide à aller sur la Lune”. Quelques années plus tard, quand la France a lancé Ariane 4, la fusée
a explosé. Ce qui a provoqué l’explosion était une poussière dans le réacteur. Comme quoi,
chacun a sa part du colibri dans un projet, chaque personne peut contribuer à un projet à son
niveau et être fédérée par cette vision. Si cette vision est partagée, alors l’entreprise aura des
employés engagés à tous niveaux pour une performance optimale. Les Américains sont assez
avancés là-dessus, même s’ils ont plein de défauts.
Dans tous mes projets, je veux que mon staff soit fier de travailler pour moi, qu’il y ait de la
magie dans mes projets. Les collaborateurs qui travaillent bien, le font car ils ont envie de le
faire. La question est alors “Comment leur donner envie, comment les inspirer ?”

✚ LA STRUCTURE
La structure aide les personnes à travailler plus efficacement. Quand elles savent ce qui doit être
fait et comment le faire, alors tout est plus fluide. Les personnes ont besoin de cadre, car le
talent suffit jusqu’à un certain niveau, mais après il faut une structure, des procédures, afin que
tout le monde puisse travailler ensemble sereinement.

✚ LES PARTENAIRES
Enfin, la dimension humaine d’une entreprise ne s’arrête pas au niveau des collaborateurs, elle
rayonne au-delà, notamment avec les autres parties prenantes comme les partenaires ou les
prestataires, les personnes qui ne sont pas internalisées à l’entreprise. Il faut également très bien
les traiter (par exemple payer 100 % avant la commande), car plus il y aura du bien-être chez
eux, moins ils vont vous quitter.
Souvent, on se bat pour maintenir les personnes dans notre cercle, plutôt que de les inspirer à
rester. Si notre intention est de faire grandir chaque personne, on leur donne envie de rester, ce
qui fidélise.
Cela peut m’arriver de changer de prestataire, non pour un défaut de prestation mais
uniquement sur un défaut de valeurs. Par exemple, je me suis séparé d’un de mes prestataires
car il n’avait pas une valeur importante pour moi : la responsabilité. »

QUELLES SONT LES QUALITÉS INDISPENSABLES POUR


UN ENTREPRENEUR QUI DÉVELOPPE CE TYPE
D’ENTREPRISE ?
« Quelles qualités développer pour intégrer ces ingrédients dans son entreprise ?
Pour moi, il y en a quatre :
– La gestion de l’ego ;
– La gestion de la confiance en soi ;
– La gestion du syndrome de l’imposteur ;
– La gentillesse.
Premièrement, la gestion de l’ego. Cette qualité consiste à développer sa capacité à gérer son
ego : il va aider à vouloir faire plus, à générer plus d’impact (fierté, ambition, recherche
d’impact…). Mais il a une limite : comment ne pas se faire aveugler par lui ?
L’ego peut facilement prendre le dessus et vous dominer, transformer la fierté en orgueil et
l’ambition en hubris. Il doit être là pour nous aider à accomplir quelque chose de plus grand que
nous. L’ego doit avoir un espace pour exister, et avoir une notion de contribution. Nous devons
le placer « où il faut », et rester vigilant sur son influence sur notre comportement. Par exemple,
ne pas tomber dans le piège du « j’ai tout fait tout seul » mais au contraire savoir partager la
réussite avec les autres. Comme le dit le proverbe africain « seul on va plus vite, ensemble on
va plus loin ». Notre ego ne doit pas effacer les autres de leur contribution, mais doit au
contraire nous donner l’audace et la persistance nécessaire pour réussir, au bénéfice de tous.
Je le répète, l’ego a un rôle, il ne doit pas être « supprimé » mais canalisé. Si son niveau est très
bas, alors l’ambition est basse et la machine ne décolle pas. S’il est trop haut, l’ambition est
élevée, mais ça peut casser si ce n’est pas canalisé.
L’idée est donc d’amener tout le monde à travailler avec soi. Par exemple chez Apple, tout le
monde est fier d’y travailler. Comme chez Airbus à Toulouse par exemple. Et cela est accessible
à tous, comme le démontre la fondatrice d’EasyTri, qui a réussi à rendre le tri « cool » ! Cela
doit provoquer la pensée « j’ai envie d’y être ».
Voici comment je gère mon ego.
– J’en prends conscience et je l’accepte (je fais attention à la culpabilisation face à l’ego, je
compose avec lui sans me faire dominer).
– Je trouve l’équilibre grâce au triangle ego/mission/business.

• Ego : comment est-ce que je me situe par rapport à mon ego entre 1 et 10 ?
• Mission : de quelle manière ceci aide-t-il à contribuer au monde entre 1 et 10 ?
• Business : comment puis-je arriver à me rémunérer grâce à ça entre 1 et 10 ?
L’objectif est d’être centré (gagnant – gagnant – gagnant/pour moi – pour le monde – et pour
mes finances).
– Et je reste pragmatique tout en m’autorisant à rêver.
La deuxième qualité à développer est la gestion de la confiance en soi.
En effet, si j’en ai trop, je manque de lucidité. Si je n’en ai pas assez, je ne passe pas à l’action.
Je dois trouver un équilibre pour rester pragmatique avec le bon dosage d’audace et le bon
dosage de vigilance. Ce dosage change bien entendu selon les situations, car la confiance en soi
n’est pas absolue, elle dépend des environnements et des contextes.
Il faut donc composer avec ces deux forces que sont la sortie de zone de confort et la confiance :
si vous êtes en dehors de votre zone de confort, alors vous avez moins confiance, et si vous avez
confiance alors vous êtes dans votre zone de confort.
La troisième qualité importante à cultiver selon moi est la gestion du syndrome de l’imposteur.
En effet, il peut être paralysant et nous empêcher d’agir à cause de questionnements destructifs.
En revanche, il nous pousse à bien faire, ce qui est une bonne chose lorsque l’on décide de
passer quand même à l’action.

É
Comme le dit Édouard Baer dans un de ses discours « l’autorisation se prend, elle ne se donne
pas ».
Voici un des conseils que je donne régulièrement pour apprendre à gérer son syndrome de
l’imposteur : allez dans un maximum d’endroits dans lequel vous vous sentez petits, c’est là que
vous grandissez.
Enfin, la quatrième qualité à développer est la gentillesse. C’est elle qui permet la bienveillance,
permettant de générer du bien-être et de l’empathie dans son entreprise. »

Les propos de cet entretien ont été recueillis par Jérôme Hoarau.

L’ESSENTIEL
+ La technologie permet à l’humain de déléguer de plus en plus de tâches automatisables et
techniques.

+ Cela le pousse alors à être plus innovant et donc à cultiver ses soft skills, telles que la
curiosité, la créativité, l’adaptabilité ou l’humilité.

+ L’humain reste l’acteur clé de la réussite de l’entreprise à partir du moment où la


direction a l’intention de prendre soin de lui.
CHAPITRE 9

La valeur ajoutée de l’humain

Executive summary
• La question de la place de l’humain dans l’entreprise revient de plus en plus
régulièrement avec les phénomènes d’évolutions technologiques que nous vivons
aujourd’hui.
• Il est urgent d’anticiper l’impact de ces changements afin de pouvoir mieux se
positionner en tant qu’humain dans son organisation.
• D’où cette question : « Quelle est votre valeur ajoutée face à l’intelligence artificielle ? ».
QUELLE EST VOTRE VALEUR AJOUTÉE FACE
À L’INTELLIGENCE ARTIFICIELLE ?
« L’intelligence c’est la capacité de s’adapter au changement. »
Stephen Hawking

Vos points de force

Les points de force peuvent se résumer par votre zone d’excellence et le


plaisir que vous éprouvez à agir.
La zone d’excellence est celle dans laquelle votre potentiel peut pleinement
s’exprimer, avec une corrélation entre votre niveau de maîtrise, votre niveau
de motivation et votre niveau de concentration. Voici quelques exemples de
zones d’excellence :

- un commercial qui est en situation de networking, ayant une bonne


maîtrise de la communication orale, se sentant dans un environnement
stimulant et arrivant à ne pas être distrait dans cette situation ;

- un karateka en compétition, maîtrisant son « kata », motivé par la


victoire et totalement concentré dans sa performance martiale ;

- un étudiant bon en philosophie, maîtrisant ses cours de l’année, aimant


cette matière et pouvant être absorbé par l’écriture de sa dissertation.
Dans cette zone d’excellence, vos soft skills et vos hard skills de
prédilection (celles que vous maîtrisez le mieux) y sont présentes, vous
permettant d’avoir un haut niveau de performance.
Néanmoins, il arrive parfois qu’une zone d’excellence n’apporte pas de
plaisir dans l’action. Il peut s’agir dans ce cas de personnes ayant maîtrisé
leur sujet et désirant relever un nouveau défi, ou bien de multi-potentiels
ayant besoin d’avoir plusieurs activités différentes pour rester stimulés.
Dans ce cas, la performance sera moindre que si la zone d’excellence
corrobore avec la zone de plaisir.
D’où l’importance d’intégrer du plaisir dans l’action ! Dans ce cas, quand la
zone d’excellence correspond à la zone de plaisir, alors nous pouvons parler
de points de force. Se reposer sur ces points permet de s’assurer un haut
niveau de performance et un haut niveau de bien-être.
Afin d’aller plus en profondeur sur le sujet, nous sommes partis à la
rencontre de Nicolas Pène.

AVIS D’EXPERT
Nicolas Pène, consultant en stratégies pour formateurs.

LA CONNAISSANCE DE SOI
« Voici mon constat : d’un point de vue général, j’ai remarqué que nous avons tendance à
observer et admirer quelqu’un qui est meilleur que nous dans un domaine, et par conséquent
nous avons tendance à porter notre attention sur là où nous sommes moins bons que la
moyenne.
Mon approche est d’inverser ce mécanisme en se focalisant sur là où nous sommes bons pour
devenir excellents.
L’idée est de partir de très haut pour aller vers l’excellence plutôt que d’essayer d’atteindre la
moyenne. Si je prends un exemple académique, c’est de choisir la stratégie de miser sur un
18/20 sur une matière stratégique (et de capitaliser sur l’excellence, le plus simple et efficace),
plutôt que d’essayer d’avoir 10 de moyenne partout (pallier les faiblesses). »

CES ATTRIBUTS SONT-ILS INNÉS OU ACQUIS ?


« Les deux.
Pour moi, nous avons tous des compétences et des talents :
– Les compétences : c’est ce qui n’est pas inné, ce qui est développé, que ce soit laborieux
ou pas. par exemple, michael jordan était moyen en basket au début, mais il s’est tellement
entraîné qu’il est devenu très bon à la fin ;
– Les talents : ils sont innés, naturels pour nous et difficiles à identifier car souvent
inconscients (cela nous paraît normal alors que ce n’est pas simple pour les autres).
La question à se poser est : qu’est-ce que j’ai aujourd’hui et sur quoi puis-je capitaliser ? Dans
quels domaines suis-je bien meilleur que la moyenne ? C’est ce que j’appelle les points de
force. »

QUE SONT LES POINTS DE FORCE ?


« Les points de forces sont les trésors cachés.
Ce sont les compétences et talents qui suscitent du plaisir et qui sont agréables pour moi. C’est
ce qui me permet d’allier excellence et bien-être.
Il faut se demander, est-ce que j’exerce ce talent ou cette compétence avec plaisir, et est-ce que
cela me donne de l’énergie plutôt que m’en prendre ?
Par exemple : je suis compétent pour faire un site Internet, mais ça me prend de l’énergie et de
la force de volonté. Je n’ai pas de plaisir à le faire. Par conséquent, ce n’est pas un trésor caché,
ce n’est pas un point de force.
Un autre exemple : une personne qui est très forte en natation mais déteste l’eau, c’est
contraignant, ça demande de l’effort car ce n’est pas plaisant.
J’évite autant que possible les compromis, c’est-à-dire que je m’assure d’être dans ma zone
d’excellence tout en éprouvant du plaisir, les deux ensemble, et non l’un des deux.
Notez bien également que le trésor caché n’a pas forcément de lien direct avec votre métier.
Parfois, cela peut être dans un domaine différent. Par exemple, j’adore créer des jeux, mais je
travaille dans le domaine de la formation. La question est donc : comment utiliser ce trésor
caché dans mon métier (c’est un vrai exercice de créativité) ?
L’objectif ici est de faire le lien entre ces deux sphères qui sont très différentes.
Cela me fait penser à Léonard de Vinci, peintre et artiste, mais aussi mathématicien et
anatomiste. Il a mélangé ses points de force pour créer quelque chose de nouveau. Comme
l’intégration de la géométrie dans les tableaux, cela semble évident aujourd’hui mais cela n’était
pas le cas avant la Renaissance.
Encore une autre illustration plus récente : aujourd’hui, le logiciel Word possède une palette de
polices immense. Cela existe depuis les années 1980, alors que les informaticiens n’étaient pas
intéressés par ça. C’est Steve Jobs, dont son point de force était la calligraphie, qui a apporté les
polices dans le monde de l’informatique. Avant on ne voyait pas ce lien, et maintenant c’est une
évidence. Cet exercice est à la source des innovations.
Les points de force sont propres à la personne, différents d’une personne à une autre. Ils
apportent une innovation reposant sur un trésor caché (talent et plaisir). C’est ce qui permet de
nous différencier de la masse. »

COMMENT CAPITALISER SUR LES POINTS DE FORCE


EN ENTREPRISE ?
J’ai identifié cinq étapes pour cela.
1. L’étape la plus dure, c’est de les trouver. La meilleure approche pour cela, selon moi, c’est
son entourage. Posez aux personnes proches de vous, et dans des domaines différents, ces
deux questions :
– Quels sont mes talents et/ou compétences spéciales ?
– Qu’est-ce que je fais mieux que la plupart des gens (tous domaines confondus) ?
Dans une entreprise, il est possible de chercher ses points de force soi-même. Ce peut aussi être
le manager qui aide ses collaborateurs à voir leurs talents. Le manager peut s’appuyer sur le
recul des collègues et des clients, car plus il y a de points de vue différents, plus c’est riche.
Il est important de sonder régulièrement ses points de force car ils évoluent.
2. Ensuite, c’est traiter ces retours.
3. Puis prioriser : qu’est ce qui me plaît ? Qu’est ce qui me dérange fortement ? Et quel choix
effectuer ? Je recommande de vous limiter à 1 ou 3 maximum. Idéalement, démarrez par
un point de force, celui qui vous plaît le plus, puis capitalisez dessus pour passer à un autre
ensuite (un à la fois).
4. L’étape suivante consiste à faire du lien. Comment est-ce que je peux intégrer ou amplifier
ce point de force dans mon quotidien ?
5. Et finalement, place à la pratique, aux tests et aux jeux. Gardez à l’esprit qu’un point de
force est une pièce de puzzle et que vous cherchez l’endroit où cette pièce va le mieux
s’ancrer.

Les propos de cet entretien ont été recueillis par Jérôme Hoarau.

Comme l’explique Nicolas Pène dans cette interview, les points de force
permettent de faire des choix en fonction de nos talents et soft skills de
prédilection pour une efficacité et une productivité maximales.

COMMENT TROUVER SA PLACE DANS


L’ENTREPRISE ?

Chaque personne est unique et les profils soft skills permettent de s’en
rendre compte.
Les profils soft skills sont composés de trois types de compétences :

- les soft skills de prédilection : celles qui sont les plus développées et
qui demandent le moins d’effort pour les activer en situation ;

- les soft skills en potentiel : celles qui demandent plus d’efforts à


utiliser en situation de difficulté, mais qu’il est tout de même possible
de développer avec de la force de volonté ;

- les soft skills à développer : celles qui demandent encore beaucoup


d’efforts et dont la marge de progression est grande.
Il existe donc une corrélation entre les soft skills de prédilection et les
points de force.
Une personne possédant des points de force, placée au bon poste sur la
bonne mission, apportera des résultats optimums. A contrario, une personne
à qui l’on aurait affecté une mission ne correspondant pas à ses points de
force ou ne possédant pas un cadre de travail propice pour les exprimer, ne
sera pas performante.
D’où le rôle vital des managers et dirigeants sur ce point, avec le devoir :

- d’identifier les singularités et les points de force de leurs


collaborateurs ;

- de comprendre les soft skills et hard skills nécessaires pour réaliser une
mission ;

- de s’assurer de positionner la personne à la bonne mission.


« Personne n’est indispensable mais tout le monde est nécessaire ! »
Michel Leriche

Le manager a un rôle important dans la coordination des points de force


d’une personne avec sa mission. Cependant, la personne concernée a tout
intérêt à avoir une bonne connaissance de soi afin de pouvoir guider le
manager dans ses décisions. Créer son profil soft skills peut aider dans ce
sens. Mais comment faire lorsque l’on possède un profil atypique ? Voici le
témoignage d’une experte en la matière.

AVIS D’EXPERTE
Alexandra Vassilacos, fondatrice d’AlexforJob

COMMENT SE METTRE EN AVANT LORSQUE L’ON A UN


PROFIL ATYPIQUE ?
« La première condition pour se mettre en valeur pour un poste en entreprise est de développer
la confiance en soi et d’être convaincu que l’on est indispensable.
Et cette démarche demande de croire en soi, d’avoir conscience qu’on a une valeur unique, de
valoriser son savoir et ses talents.
Pour les personnes “atypiques”, je les aide à :
– prendre conscience de qui elles sont ;
– entendre comment elles parlent d’elles-mêmes ;
– mieux se mettre en avant auprès de recruteurs.
Ces personnes aux profils particuliers que j’accompagne sont :
– les zèbres : des personnes hyper-émotionnelles, à haut potentiel. chaque zèbre a une
intelligence particulière, un profil différent, et un mode de pensée en arborescence. ce sont
souvent ces personnes qui font des burn out en entreprise ;
– les crapauds fous : les personnes qui sont malheureuses en entreprise car elles voient
toujours d’autres chemins que ceux qu’on leur montre ou impose. tel steve jobs, ces
personnes sont très créatives et disruptives. cependant il est aujourd’hui difficile
d’observer ces profils avec des tests de personnalité. ces professionnels ont une
intelligence très riche pour l’entreprise mais peuvent faire peur car ils ne sont pas des
procéduriers.
Ces profils ont émergé avec les mutations comportementales qui accompagnent les
changements digitaux. Mais la question est : “comment montrer que ces profils ont une vraie
valeur et sont un vrai plus pour une entreprise ?”. En effet, ils arrivent à s’adapter très
rapidement et sont souvent des créateurs d’entreprises.
Ces personnes ont des symptômes en commun : burn out, fatigue professionnelle, etc., qui ont
une même racine : des systèmes non adaptés à leurs profils.
Alors quelle est la solution ? C’est d’identifier cela dès le plus jeune âge et proposer des
systèmes plus adaptés à leur manière de fonctionner. »

QUELS POSTES CES PERSONNES OCCUPENT-ELLES


EN ENTREPRISE ?
« Généralement, elles occupent des postes à haute responsabilité et devant relever de nombreux
défis comme :
– les stratèges d’entreprise ;
– les DRH ;
– les responsables de couveuses ;
– les responsables de communication et de marketing. »

COMMENT SE COMPORTER EN ENTRETIEN ?


« L’objectif ici est d’en parler et de mettre en avant de vraies qualités (pas toujours
professionnelles mais qu’il faut réussir à transformer en professionnelles). Il ne s’agit pas ici
d’en faire un catalogue, il faut savoir les démontrer, par du concret, en entretien. Le mieux étant
d’incarner ses soft skills pour que le recruteur puisse les identifier par le comportement plutôt
que par un récit. »

Les propos de cet entretien ont été recueillis par Jérôme Hoarau.
PRODUCTIVITÉ

La productivité consiste à réaliser un maximum de tâches en un minimum


de temps : pouvoir répondre à cent e-mails en un temps record, contacter
vingt personnes en une journée, réaliser vingt-cinq tâches de votre liste de
tâches… Ici il s’agit bien d’une donnée quantitative et non qualitative (peu
importe la tâche réalisée, l’important est sa réalisation).
Être productif est important pour avancer rapidement, à condition que les
réalisations soient en accord avec vos objectifs du moment.
Dans notre société très centrée sur la vitesse d’exécution et la masse
(d’informations, de ventes, de tâches…), nous sommes de plus en plus
encouragés à être productifs : produire beaucoup et vite. Ce qui fait que nos
journées sont rythmées par des to-do list (des listes de tâches à accomplir)
qui ne se désengorgent jamais. Or, avez-vous l’impression qu’effectuer
toutes ces tâches vous permet de vraiment évoluer ? Est-ce qu’être productif
vous aide à atteindre vos objectifs (personnels et professionnels) ? Vous
avez sûrement déjà passé des journées entières à traiter vos trois cents e-
mails non lus après votre retour de congé. Vous avez pu être très productif
en en traitant des dizaines en une journée. Mais parmi ces dizaines de
tâches, lesquelles ont-elles eu un réel impact fort sur vos projets ou vos
missions ?
Ce questionnement permet de comprendre que la productivité ne permet pas
toujours l’efficacité, c’est-à-dire notre capacité à atteindre notre objectif.

EFFICACITÉ ET EFFICIENCE
« Il n’y a rien de plus inutile que de faire avec efficacité quelque chose
qui ne doit pas du tout être fait. »
Peter Drucker

L’efficacité

Être efficace consiste à atteindre son objectif, quels que soient les
ressources utilisées ou le temps nécessaire pour cela. Il est donc
indispensable pour être efficace de bien identifier son objectif et les tâches
qui y sont rattachées.
Une des bonnes pratiques que nous vous recommandons est de démarrer
votre journée par la tâche la plus importante. C’est en effet à ce moment
que le cerveau a son stock de force de volonté au plus haut et permet alors
de réaliser des tâches parfois peu motivantes (et demandant donc de la force
de volonté). Alors que si vous attendez la fin de journée, et que vous êtes
fatigué(e), vous aurez moins de chances de vous assurer que cette tâche
importante soit réalisée.
Il se peut que vous soyez freiné(e) par rapport à votre efficacité. Peut-être
avez-vous tendance à remettre au lendemain certaines tâches
(procrastination) et à culpabiliser ?
Plutôt que de culpabiliser, essayez plutôt d’adopter un état d’esprit
constructif.

- Pourquoi avez-vous décidé de remettre cette tâche à plus tard ? Est-elle


importante ?

- Qu’est-ce qui vous a empêché de réaliser cette tâche ? Par quoi avez-
vous été freiné ?

- Comment faire pour réaliser cette tâche importante et lever ces freins ?
Ces questions vous permettront de mieux identifier les tâches importantes,
efficaces et de faire le tri. Si vous « procrastinez » des tâches inefficaces,
alors pourquoi culpabiliser ?
De même, vous apprendrez à mieux identifier ce qui vous freine, à mieux
comprendre comment surmonter ces freins et donc à mieux vous connaître.
Alors, allez-vous adopter l’état d’esprit « efficacité » plutôt que celui
« productivité » ?

Les objectifs SMARTE pour des tâches SMARTE


L’identification d’objectifs clairs et précis par la méthode SMART permet de mieux comprendre
les tâches vous menant vers l’efficacité. Cet acronyme issu des années 19801 a été récemment
actualisé du « E » pour « écologie » afin d’intégrer la dimension de bien-être et d’équilibre des
personnes dans cette quête de la productivité et de l’efficacité.
Voici une petite procédure que vous pouvez utiliser pour cela.
1. Définissez un objectif SMARTE comme contacter par téléphone dix personnes cette semaine.
– Spécifique : avec l’exemple précédent vous savez quoi faire, l’objectif est clair et
précis ;
– Mesurable : avec l’exemple précédent, il est simple de savoir si l’objectif est atteint ou
pas, il n’y a pas d’ambiguïté ni d’interprétation possibles ;
– Ambitieux : dix personnes à contacter est ambitieux si vous avez déjà un emploi du
temps chargé ;
– Réaliste : cet objectif est certes ambitieux mais réalisable en contactant deux personnes
chaque jour ;
– Temporel : l’objectif a une échéance claire ;
– Écologique : cet objectif ne mettra pas en danger votre équilibre de vie ni votre santé.
2. Identifiez les tâches au plus fort impact par rapport à cet objectif :
– celles qui vous prendront le moins de temps et de ressources ; par exemple, utiliser un
logiciel de prise de rendez-vous dans le cadre de l’objectif « contacter dix personnes
cette semaine » ;
– celles qui vous feront avancer plus rapidement ; par exemple, regrouper les tâches de la
même nature sur le même créneau.
3. Réalisez une tâche à fort impact à la fois :
– agissez en « mode mono-tâche » ;
– inspirez-vous de la méthode Pomodoro en alternant des périodes de concentration avec
des pauses (25 minutes de concentration, puis 5 minutes de pause par exemple).
Cette démarche vous permettra de vous assurer d’avancer de manière spécifique et claire sur
vos objectifs SMARTE.

L’efficience

L’efficience est l’optimisation des ressources dans un processus.


Économiser son temps et ses ressources financières pour avancer sur un
projet est une démarche d’efficience. Si vous arrivez à implémenter un
nouvel outil qui vous fera gagner du temps, alors vous deviendrez plus
efficient. Si vous utilisez une solution qui vous fera économiser des
dépenses superflues, vous êtes dans l’efficience. Quand vous regroupez vos
rendez-vous sur une seule journée à un même endroit, vous gagnez du
temps et êtes plus efficient.
Être efficient n’implique pas d’être productif : vous pouvez être efficient sur
une seule tâche durant la journée si vous avez par exemple « économisé »
20 % de votre budget ou de votre temps.
L’efficience n’implique pas non plus d’être efficace : vous pouvez optimiser
vos ressources sur des tâches qui ne sont pas liées à votre objectif.
Mais comme vous l’aurez compris, être efficient vous aidera dans votre
productivité et votre efficacité ! Et cela est valable aussi bien d’un point de
vue individuel que collectif.

L’efficacité au niveau collectif

Une personne productive, efficace et efficiente apportera une énorme valeur


ajoutée à l’entreprise car :

- elle permet d’économiser des ressources ;


- elle arrive à atteindre ses objectifs ;
- elle sait se concentrer et s’organiser pour produire de nombreuses
tâches dans un temps restreint.
Mais comme la performance d’une équipe de football va au-delà de
l’addition des performances individuelles, l’entreprise a besoin d’une
cohérence collective pour avoir un haut niveau d’efficacité globale.
Comment réussir à créer les conditions pour que le collectif avance dans la
même direction et avec efficacité ? Comment créer les bons processus ?
Il est primordial pour cela de créer un cadre et un système interne structuré.
Afin d’avoir un retour d’expérience terrain sur le sujet, nous avons
rencontré Pierre Monclos de l’entreprise UNOW.

AVIS D’EXPERT
Pierre Monclos, associé et directeur RH chez UNOW
LA DÉLÉGATION DES TÂCHES
ET DES RESPONSABILITÉS EN ENTREPRISE
« Chez UNOW, nous avons pu faire beaucoup d’erreurs en matière de management en tant que
néomanagers, ce qui nous a également permis de beaucoup apprendre. Voici un état des lieux
chez UNOW en matière de responsabilisation des collaborateurs.
Tout d’abord, nous considérons que la délégation est liée à l’autonomie.
Le problème n’est pas pris dans le bon sens dans la majorité des cas : nous avons peur de
déléguer en pensant “par défaut” que mon collaborateur peut faire des erreurs.
Chez UNOW nous inversons cette vision en creusant ce que veut dire “faire n’importe quoi”. Il
faut donner un cadre pour que cela n’arrive pas et pour que le collaborateur soit suffisamment
autonome pour ne pas agir contre l’intérêt de l’entreprise.
Chez UNOW nous tendons vers cela avec trois piliers :
– les valeurs d’entreprise (incontournables pour prendre des décisions) ;
– les priorités de l’entreprise (définies et acceptées) ;
– la mission de l’entreprise.
Cela permet de donner confiance par défaut contrairement à la peur par défaut dans d’autres
entreprises.

✚ LES VALEURS D’ENTREPRISES


Elles sont réelles quand elles sont clivantes et qu’elles nous sortent du statu quo. Elles doivent
nous faire prendre une vraie position. Les vraies valeurs ne se dupliquent pas d’une entreprise à
une autre. Par exemple, chez Facebook, ils avaient “Better done than perfect2”. Cette valeur est
liée à la qualité, d’où l’impact sur les prises de décision.
Chez UNOW c’est “No one said it would be easy3”, c’est ce qui permet de tendre vers
l’excellence et au-delà. Faire moins de choses mais que chaque chose faite tende vers
l’excellence, ce qui aura un impact certain sur les prises de décision. Cela veut dire qu’il y a
plein de choses à ne pas faire et qu’il est primordial de se concentrer sur ce qui est essentiel et
plus important.
Cette démarche rend les collaborateurs beaucoup plus indépendants et autonomes dans leurs
prises de décision. Cela ne veut pas dire qu’ils ne vont pas se tromper, mais cela se passe bien
mieux quoiqu’il arrive.
Si nous ne faisons pas ça, alors nous aurions eu peur de déléguer et nous tomberions dans le
micro-management, à savoir le contrôle des tâches au niveau micro, enlevant l’autonomie du
collaborateur, générant donc une baisse d’efficacité.
Chez UNOW nous avons cinq valeurs et chacune d’entre elles aide à la prise de décision :
– “team first” : l’intérêt individuel ne passe jamais devant l’intérêt collectif ;
– “move fast and break things” : le succès n’arrive que quand nous allons vite, et nous
pouvons accepter de dégrader temporairement des choses dans ce cas. pour illustrer ce
propos, nous devons accepter de dégrader la qualité du service client si nous devons
avancer vite, nous donnant ainsi le droit à l’erreur ;
– “take care” : prendre soin de soi et des autres, impliquant ainsi l’autonomie des personnes,
ne pas surcharger de travail et ne pas accepter une mission si cela génère trop de
déséquilibre ;
– “work smart” : la qualité du travail importe plus que la quantité. nous ne valorisons jamais
de rester tard au bureau ;
– “no one said it would be easy” : nous avons un haut niveau d’exigence dans ce que nous
faisons, impliquant ainsi des feedbacks réguliers, une soif d’apprendre et une volonté de
tendre vers l’excellence.

✚ LES PRIORITÉS DE L’ENTREPRISE


Nous définissons et mettons en avant deux ou trois priorités annuelles : tout ce que nous faisons
doit servir celles-ci. Si un projet ne sert pas ces priorités, alors nous ne pouvons pas le faire.
Cela doit être :
– mesurable (par exemple l’augmentation du chiffre d’affaires, la qualité du travail, la
“scalabilité”) ;
– déclinable par objectif par équipe (comme un chiffre d’affaires attendu par équipe), puis
déclinable par objectif individuel. cela donne un très bon cadre, aide beaucoup à déléguer,
à autonomiser et à prendre des décisions.
Cela responsabilise chaque collaborateur et lui permet même de challenger une décision prise.
Nous enclenchons ainsi un “double emporwement” avec une contribution individuelle dans le
collectif, donnant du sens et le pouvoir de “challenger” un objectif avec des données objectives.
Nous nous inspirons du célèbre modèle OKR dans ce cas.

✚ LA MISSION DE L’ENTREPRISE
Notre mission peut se définir en deux phrases :
– rendre la formation professionnelle performante et accessible au plus grand nombre ;
– accompagner les individus dans le développement de leurs compétences sur le plan
professionnel et ainsi contribuer à leur épanouissement.
Le fait de définir et de partager la mission permet de prendre des décisions, car tout ce qui est à
l’encontre de cette mission ne peut pas être entrepris.
Cela s’est concrètement matérialisé par la décision d’arrêter au moins provisoirement les
MOOCs, car cela ne contribue pas à notre mission.
La mission est moins activable au quotidien (contrairement aux priorités et valeurs), mais elle
impacte les macrodécisions, les grosses décisions impactant les petites. Elle permet aussi
d’alimenter et d’arbitrer les débats.
Sans mission, nous ne saurions pas où nous allons. Avec mission, nous savons aussi pourquoi
nous venons travailler chaque matin.
Ces trois piliers permettent de créer la confiance par défaut, créant ainsi un cercle vertueux
d’“empowerment” contrairement au cercle vicieux qui “enlève du pouvoir” chez les
collaborateurs.
Les collaborateurs se sont trompés, et c’est bien, car ils ont appris. »
COMMENT DÉLÉGUER ?
« Il faut pour cela une volonté de le faire, mais déléguer sans cadre mène à l’échec.
La confiance par défaut fonctionne, mais elle est plus complexe à déployer avec des profils
juniors sans cadre et sans accompagnement : à vouloir donner de la confiance sans cadre, nous
nous sommes rendus compte que cela ne menait nulle part.
Soit nous recrutons une personne expérimentée qui n’a pas besoin de cadre précis, soit nous
recrutons une personne moins expérimentée mais en lui donnant un réel accompagnement. »

ET LES SOFT SKILLS DANS LE CADRE


DE LA DÉLÉGATION ?
« Si une personne n’a pas confiance en elle-même, même avec la confiance par défaut, elle
n’aura pas suffisamment d’audace pour prendre des décisions et avancer en autonomie.
Il est important également que les personnes développent leur créativité avec le message
suivant : “Voilà le cadre, maintenant avance”. Cela est difficile sans créativité, car cela peut
mener au micro-management.
Comme tout est partagé et transparent chez nous, si une personne n’a pas un bon relationnel ou
une bonne capacité de communication, elle ne pourra pas récolter les informations des autres
pour avancer en autonomie. »

Les propos de cet entretien ont été recueillis par Jérôme Hoarau.

L’ESSENTIEL
+ Les points de force et les soft skills de chaque individu apportent une plus grande valeur
ajoutée à l’entreprise.

+ Lorsque les personnes sont positionnées sur les bonnes missions et si le cadre de travail
instauré est propice à la motivation, cela améliore la performance.

+ Chaque personne est unique et peut apporter sa contribution de manière originale à


l’entreprise, avec ses soft skills.
PARTIE 4
DÉVELOPPER SES SOFT
SKILLS AU QUOTIDIEN
« La répétition fait la réputation. »
Marcel Bleustein-Blanchet

Le cerveau est l’organe principal hébergeant l’intelligence humaine. Comme tout organe, ce dernier
peut être entretenu voire développé, et ce quel que soit votre âge, comme le montrent les recherches
sur la neurogénèse et la réserve cognitive.
À travers la pratique régulière et prolongée d’exercices soft skills, vous pouvez prendre soin de votre
cerveau et de vos différentes intelligences (intelligence émotionnelle, intelligences multiples…).
Que ce soit votre attention, votre capacité à vous concentrer ou à être intuitif, vous découvrirez dans
cette partie des outils utilisés quotidiennement par des sportifs de haut niveau et des entrepreneurs
pour entretenir un haut niveau de performance et de bien-être.
CHAPITRE 10

L’intelligence intuitive et la No-w


Strategy

« Il faut tout d’un coup voir la chose d’un seul regard,


et non pas par progrès de raisonnement, au moins jusqu’à un certain
degré. »
Blaise Pascal

Executive summary
• Un ensemble de découvertes neuroscientifiques permettent aujourd’hui de démontrer
que notre cerveau peut se diviser en deux grands « territoires », que l’on nomme le
« cerveau gauche » et le « cerveau droit ».
• Nous allons décrypter ici une nouvelle forme d’intelligence et une soft skill, l’intuition,
peu répandue dans notre société, mais tout de même utilisée par un certain nombre de
« talents » comme c’est le cas pour quelques grands sportifs de haut niveau ou encore
des artistes. Aussi, nous allons faire un rapide résumé de ce que nous savons
aujourd’hui sur ces deux territoires de notre cerveau.
À QUOI CORRESPONDENT LES DEUX TERRITOIRES
DU CERVEAU ?

Bien que nous ne tenions pas à associer ces deux notions à de véritables
zones physiques qui correspondraient véritablement à l’hémisphère droit et
à l’hémisphère gauche de notre cerveau, nous souhaitons attirer votre
attention sur les caractères très spécifiques bien que complémentaires de ces
deux territoires.
Ce que l’on nomme le cerveau gauche correspond notamment aux capacités
d’analyse, de calcul et de logique. Le cerveau gauche est dit « séquentiel »,
en opposition au cerveau droit qualifié de « simultané ». Le cerveau gauche
aime à effectuer les tâches les unes après les autres, par séquence, tandis
que le cerveau droit est doué d’une capacité à synthétiser les points de vue
en les nuançant, en prenant du recul. Le cerveau gauche comprend le texte,
tandis que le cerveau droit comprend le contexte, compréhension qui lui est
justement utile pour nuancer les points de vue. Le cerveau droit serait
capable d’intelligence émotionnelle. Mais surtout, il pourrait permettre
d’expliquer certains mécanismes liés à une soft skill que l’on nomme
l’intuition.

L’intelligence intuitive, la soft skill des grands sportifs

Nous tenons à nous arrêter sur cette dimension particulière qu’est


l’intuition, notion encore obscure pour beaucoup. Nous allons explorer ce
que certains spécialistes nomment l’intelligence intuitive.
Pour Roland Jouvent1, professeur en psychiatrie et directeur du centre
Émotion du CNRS : « L’intuition aurait à voir avec cette capacité à
imaginer des réponses et des solutions hors “logique prédictible”2 ».
Pour prendre l’exemple des sportifs de haut niveau, c’est véritablement ce
que certains d’entre eux parviennent à faire en situation de compétition, à
savoir trouver une solution sans que celle-ci découle d’une logique que
l’adversaire peut prédire. Les grands joueurs de tennis par exemple, sont
ceux qui, lorsque leur adversaire les met en difficulté, et donc lorsque celui-
ci les contraint à trouver une solution pour ne pas perdre le point,
parviennent à surprendre ce dernier par un coup imprévisible
(imprédictible) tel qu’un passing-shot ou encore une amortie, totalement
inattendus. Le coup gagnant effectué par le joueur de tennis de talent vient
alors, non pas d’une décision rationnelle et réfléchie (il n’a d’ailleurs pas le
temps pour réfléchir), mais bien d’une décision intuitive qui ne peut être
attendue et prédite par son adversaire. Roger Federer, qui a marqué
l’histoire du tennis en remportant vingt titres du Grand Chelem, est un
exemple d’utilisation de l’intelligence intuitive. C’est d’ailleurs cette soft
skill qui lui a permis de créer des coups totalement inédits et surprenants.

Comment déployer son intelligence intuitive de façon


opérationnelle et pratique ?

Pour exposer le paradoxe de cette question, nous pourrions citer Einstein,


pour qui l’intuition était fondamentale dans la plupart de ses découvertes.
Celui-ci aurait dit de l’intuition que : « Un bond se produit dans la
conscience, et la solution vient à vous, et vous ne savez ni comment, ni
pourquoi ». Le « comment » de notre question est donc peut-être une notion
à exclure pour expliquer le déploiement de l’intuition. En effet, si nous
cherchons à décrypter et analyser le processus par lequel nous mobilisons
notre intuition, nous allons utiliser la partie analytique de notre cerveau, et
donc nous couper de sa partie « intuitive ». Par ailleurs, et comme nous
avions pu le développer dans notre ouvrage Le Reflexe soft skills (Dunod,
2014), les soft skills sont déjà disponibles maintenant et à tout instant, à
condition bien entendu de savoir comment bénéficier de cette
« disponibilité ». C’est là tout le paradoxe. Comment bénéficier d’une
aptitude déjà disponible et pour laquelle la notion de « comment » est
certainement à exclure de la question ?
Pour reprendre un exemple donné dans une interview par Isabelle Fontaine3,
journaliste et auteur4 : lorsque l’on interrogeait Jean-Sébastien Bach sur sa
façon de trouver l’inspiration, celui-ci répondait qu’il ne s’agissait pas de la
trouver, mais d’éviter de la piétiner dès le matin en sautant du lit. Ce
« piétinement » étant notamment dû au bavardage de notre mental qui vient
parasiter nos intuitions. Ce bavardage mental est d’ailleurs l’un des sujets
majeurs sur lequel se penchent les spécialistes de la préparation mentale
dans le sport de haut niveau. Lorsqu’un sportif bavarde intérieurement
quand il exerce une action, en se demandant par exemple s’il est en train
d’effectuer le bon geste ou s’il va réussir à atteindre son objectif, ses actions
deviennent moins fluides, moins précises. La plupart du temps, il perd en
concentration et échoue.
En revanche, les sportifs de haut niveau qui parviennent à faire taire leur
« cerveau gauche », et plus précisément ce que l’on pourrait nommer leur
petit « commentateur intérieur », ont de meilleurs résultats. Certains
parviennent même à atteindre un état particulier que l’on nomme
« le flow ». On pourrait comparer l’état de flow à un état où la mobilisation
optimale de nos soft skills est immédiate et naturelle.

ACCÉDER À L’ÉTAT DE FLOW

Le flow est un état de confiance, de sérénité et d’efficacité que vivent


régulièrement les grands sportifs, ainsi que les artistes et les musiciens. Cet
état se nomme aussi « la zone » dans le jargon des sportifs. Peut-être avez-
vous déjà vécu cette impression d’être pleinement immergé dans ce que
vous faites, de ne pas faire d’effort, et de ne pas avoir non plus la sensation
que le temps s’écoule. Dans cet état, vous êtes dans une confiance totale,
vous faites preuve d’une efficacité et d’une précision inédite dans les
actions que vous effectuez. La sensation d’être connecté à son intuition est
alors à son comble et vous êtes dans une pleine mobilisation de vos soft
skills.
Théorisé sous l’appellation « flow » par le célèbre psychologue Mihály
Csikszentmihályi, cet état est aussi qualifié d’« expérience optimale ». Dans
celle-ci, le stress n’a pas lieu d’être et ne peut d’ailleurs pas apparaître
puisqu’il est justement aux antipodes de l’état en lui-même. Il est évident
que beaucoup de sportifs cherchent à connaître des moyens pour y accéder
facilement et régulièrement.
Il se trouve que les personnes qui pratiquent régulièrement la méditation et
la visualisation, dont nous reparlerons ultérieurement, ont des chances
d’accéder à cet état beaucoup plus facilement que celles qui n’ont pas
installé ces pratiques dans leur quotidien. Les sportifs, qui vivent
régulièrement le flow et qui témoignent sur cette expérience si particulière
qui leur permet d’être dans l’excellence de leur discipline, livrent un
précieux secret à ce propos. Dean Potter est l’un d’entre eux. Ancien
alpiniste en solo, il expliquait que cet état cérébral était accessible en
s’entraînant à chasser toute pensée consciente ou hésitation, « en cessant de
penser à ce qu’il faisait, mais juste en se contentant de le faire ». Dans l’état
de flow, les circuits neuronaux ne sont pas parasités par votre conscience, et
plus précisément par d’éventuelles pensées rationnelles qui vous
traverseraient l’esprit.
Aussi, l’un des enjeux est de garder à l’esprit que l’état de flow existe et
que nous n’en sommes pas séparés. Ce qui nous sépare a priori de cet état
est l’agitation de notre mental. Cette agitation se traduit sous forme de
pensées du type parasites : « Je ne vais pas y arriver » ; « Je ne sais pas par
où commencer » ou encore « Vais-je être à la hauteur ? ». Celles-ci sont à
l’opposé des pensées parades, telles que « Je ferai de mon mieux » ou
encore « J’ai déjà atteint ce type d’objectif ». Les pensées parades
permettent notamment de « court-circuiter » les pensées parasites (voir
chapitre 7).
D’après les travaux de M. Csikszentmihalyi, un des piliers de l’état de flow
est la capacité à fusionner l’action que vous êtes en train d’effectuer avec la
conscience de cette même action. Une pleine conscience de l’action
nécessite de mettre de côté son ego, la partie de vous-même qui va
commenter et s’identifier à l’action. En s’entraînant à supprimer son ego, et
le fait de commenter intérieurement ce que nous sommes en train
d’accomplir, nous nous offrons donc de grandes chances d’accéder à cet
état. Pour augmenter encore ses chances d’accéder au flow, la création régu-
lière et consciente de votre propre bulle peut elle aussi nettement favoriser
cet état. Nous explique-rons plus loin dans l’ouvrage comment accéder à
cette bulle (voir chapitre 14). En effet, les in-fluences extérieures auront,
dans l’idéal, une influence neutre sur votre état mental.

FICHE PRATIQUE

Un petit exercice pour contacter l’état de flow


Voici un petit exercice5 pour vous aider à vous rapprocher petit à petit de cet état de flow, au
point de le vivre véritablement.
○ Choisissez une petite tâche que vous aimeriez réaliser aujourd’hui, comme faire du tri dans
vos e-mails. Dès le début de cette tâche, soyez pleinement conscient de toute votre attitude
lors de ce moment. Prenez conscience d’un maximum de détails qui composent votre
expérience du moment.
○ Observez les moindres gestes que vous effectuez, ainsi que ce que vous ressentez pendant
que vous accomplissez ladite tâche. Imaginez que vous êtes en train de fusionner avec
celle-ci, comme si votre propre personne devenait transparente et que seule la tâche
existait à ce moment même.
○ Tentez de maintenir cette pleine conscience de l’action pendant au moins deux minutes.
Pour améliorer cet exercice, entraînez-vous, une fois que vous êtes dans l’action que vous
souhaitez réaliser, à lâcher prise sur toute attente de résultat. Vivez le moment présent.
Reproduisez cet exercice régulièrement. Avec de l’entraînement, vous devriez pouvoir goûter à
ce fameux état de flow.

Ayez conscience que l’état de flow existe et que vous n’en êtes pas éloigné.
Entraînez régulièrement votre pleine conscience lors des actions que vous
accomplissez sans réagir mentalement aux éventuels freins qui pourraient se
mettre en travers de votre route. Ne réagissez pas, agissez.
Cette capacité à accomplir ses tâches du quotidien en parvenant à lâcher
prise sur les diverses formes de pensées rationnelles qui pourraient freiner
notre dynamique correspond à ce que l’on nomme l’intelligence intuitive,
décrite précédemment. Partant du principe que les moments de flow sont
rares, le potentiel de progression de notre intelligence intuitive est énorme.
Jamais l’humanité, dans son histoire, n’a été exposée à autant
d’informations. À l’ère du digital, de l’information en continu ou encore des
open space, notre capacité à faire taire notre bavardage mental est un
véritable challenge. Son ampleur laisse place à une large marge de
progression dans notre capacité à être beaucoup plus souvent connecté à
notre intuition, au point de pouvoir accéder au flow.
Puisque nos performances personnelles en calcul vont être battues à plates
coutures par l’intelligence artificielle (IA), autant capitaliser sur d’autres
formes d’intelligences, et notamment cette intelligence intuitive, qui au-delà
d’améliorer notre fluidité d’exécution des tâches au quotidien, peut procurer
d’autres précieux bénéfices.

Une intelligence utilisée par les leaders


Dans son ouvrage Ces décideurs qui méditent et qui s’engagent (Dunod, 2014), Sébastien
Henry évoque l’intérêt que peuvent trouver les dirigeants d’entreprise à mobiliser leur intuition.
Selon lui, « ne pas avoir recours à l’intuition en tant que décideurs, c’est s’écarter d’une aide
précieuse, notamment pour la prise de décision ». Si les dirigeants s’intéressent de plus en plus
à l’intuition, et que certains la cultivent notamment grâce aux pratiques méditatives, ce n’est pas
par hasard et cela vaut la peine de s’y intéresser de plus près.
Dans ce même ouvrage, l’auteur nous rappelle à ce propos que « plusieurs scientifiques de
renom ont d’ailleurs affirmé que leurs découvertes les plus importantes étaient venues
intuitivement, à un moment où ils n’étaient pas formellement en train de travailler ». Le cas
d’Albert Einstein en est un bel exemple. Pour celui qui a marqué l’histoire de la science,
« l’intuition est la seule chose réellement valable ».

Cette forme d’intelligence, instantanément disponible et imprévisible et


propre à l’homme, est un avantage considérable pour lui.
Pour entraîner cette soft skill au quotidien, voici une attitude que nous vous
proposons de cultiver. Celle-ci, notamment inspirée du sport de haut niveau,
est appelée No-w Strategy6.

LA NO-W STRATEGY

Dans son quotidien, le sportif de haut niveau utilise une attitude bien
particulière pour atteindre ses objectifs, qu’on pourrait appeler « la No-w
Strategy ». Peu importe la difficulté de l’objectif à réaliser ou du résultat à
atteindre, la No-w Strategy est un outil puissant pour atteindre ses objectifs.
Et le sportif le sait !

Que signifie No-w Strategy ?

Lorsque l’on prononce « No-w Strategy », nous pouvons l’entendre de deux


façons. Ces deux compréhensions possibles, toutes les deux aussi
importantes, sont au cœur de la puissance de l’outil.
La No-w Strategy consiste, pour atteindre un objectif particulier, à ne pas
avoir de stratégie (No Strategy), si ce n’est de suivre l’intuition qui est la
vôtre maintenant, votre stratégie de l’instant (Now Strategy).
En effet, pour atteindre leur objectif, les grands sportifs prennent parfois
l’habitude de lâcher prise sur toute forme de stratégie (No Strategy) plus ou
moins complexe pour être totalement connectés à leur intuition. L’intuition
du sportif lui procure en temps réel la meilleure stratégie, une stratégie de
l’instant (Now Strategy), à adopter en fonction de la complexité de la
situation.

Pourquoi fonctionne-t-elle ?

Avoir une stratégie consiste à coordonner habilement des actions pour


atteindre un but. Le problème de cette coordination est que beaucoup de
questionnements y sont souvent liés. Ceux-ci font parfois perdre beaucoup
de temps et d’énergie pour un résultat qui ne correspond pas toujours à ce
que l’on attendait.
« Vais-je être dans les temps pour réaliser toutes ces étapes ? » ; « Est-ce
que cet enchaînement d’étapes va fonctionner ? » ; « N’ai-je pas oublié
certains éléments essentiels pour atteindre ce but ? ». Ce genre de
questionnements ne nous empêchera pas nécessairement d’atteindre notre
but, mais peut parasiter notre dynamique du moment. En effet, en se
questionnant de la sorte, nous entreprenons souvent des actions
intermédiaires qui vont nous freiner.
Pour aller droit vers notre objectif, notre dynamique du moment ne doit pas
être perturbée par des incertitudes correspondant à la stratégie que nous
avons choisie.
La No-w Strategy consiste à lever ces incertitudes pour agir avec plus de
précision et de rapidité.
Il s’agit d’ancrer fermement dans notre esprit l’idée suivante : « Il n’y a pas
de meilleure stratégie à suivre que celle qui m’inspire maintenant. »
Éliminer tous les questionnements nécessaires à l’élaboration d’une
stratégie permet de nous concentrer uniquement sur le but à atteindre. Le
sportif de haut niveau ne perd jamais de vue ce but, et pour cause, ce
dernier est habité par ce but, il l’incarne au plus haut point.
La No-w Strategy, c’est jouer le jeu de ne pas avoir de stratégie, pour être
pleinement connecté à son intuition.

Note
Attention, la No-w Strategy ne signifie pas que dans la pratique nous n’allons pas
coordonner habilement nos actions en vue d’atteindre notre but, mais nous n’allons pas
prêter attention à cette coordination. Celle-ci va se déployer devant nous naturellement,
sans que nous ayons à nous en préoccuper.

À savoir
La No-w Strategy peut être utilisée dans tous les domaines professionnels et personnels.
Vous pouvez vous répéter « No-w Strategy » dans votre tête, régulièrement, plusieurs fois
par jour si cela est nécessaire. En référence à notre ouvrage Le Réflexe soft skills, cette
notion deviendra un réflexe puissant pour affiner votre intuition et votre capacité à agir
avec précision et efficacité.
S’il vous arrive de perdre pied, que ce soit dans votre vie professionnelle ou personnelle,
revenez dans le Now, et laissez-vous guider par vous-même.

Dans une société où le cerveau gauche domine, notamment dans


l’éducation, où les enseignements délivrés invitent encore trop à utiliser
exclusivement les fonctions de celui-ci, il devient urgent de réveiller le
cerveau droit, siège de nos soft skills et notamment de notre intelligence
intuitive. Dans le magazine Philosophie d’avril 20187, Antoine Bordes,
chercheur au CNRS et membre du laboratoire d’intelligence artificielle de
Facebook, témoigne en ce sens que : « L’un des grands enjeux de la
recherche actuelle est de dépasser la dualité entre une analyse purement
abstraite, qui permet de comprendre pourquoi on fait telle ou telle chose,
mais qui est lente, logique et analytique, et une analyse plus instinctive,
immédiate et émotionnelle, mais plus empirique et difficile à expliquer ».

La No-w Strategy en pratique


Essayez-là !
Une étude de l’université de Harvard a déterminé qu’au cours d’une journée, notre esprit
vagabondait environ 47 % de notre temps8. Cela signifie que nous ne sommes pas véritablement
présents à ce que nous faisons environ la moitié de notre temps. Nous avons donc matière à
apprendre à diminuer notre bavardage mental, et à revenir plus régulièrement dans le présent.
C’est la première étape de la No-w Strategy.
Voici les différentes étapes que nous vous conseillons pour pratiquer la No-w Strategy9.

1. Rendez-vous dans l’instant présent (le Now) car vous y êtes déjà
Faites le ménage dans votre esprit. Laissez de côté le passé qui n’existe plus, débarrassez-vous
de vos appréhensions liées au futur, car celui-ci n’a pas encore lieu. Restez en contact avec ce
qui se passe maintenant (le Now). Vous ne pourrez bénéficier de la justesse de votre intuition
que si vous êtes connecté à ce que vous inspire l’instant présent.
Astuce : pour vous ancrer dans le présent, assurez-vous d’avoir les deux pieds bien au sol, et
choisissez un élément de votre environnement extérieur ou intérieur que vous pouvez percevoir
maintenant. Vous pouvez par exemple contempler un objet qui se trouve devant vous, ou bien
être simplement attentif au va-et-vient de votre respiration sans chercher à la modifier ou à
interpréter ce que vous êtes en train d’observer. Profitez pendant quelques instants de ce contact
avec le Now et reconnectez-vous au silence et au calme de votre esprit.

2. Quel objectif vous inspire maintenant ?


Une fois que vous êtes bien ancré dans cet instant présent, dans le Now, choisissez un objectif
particulier ou un résultat que vous voudriez atteindre, comme le fait de préparer votre
intervention pour une réunion que vous allez mener. Tentez de définir cet objectif dans les
moindres détails. Pour notre exemple, définissez par exemple le type de discours que vous
souhaitez tenir. Il peut être clair, impactant, imagé, avec de l’humour, et teinté d’un storytelling
original par exemple.
Il est très important, pour cette deuxième étape, que vous puissiez concevoir votre objectif
comme possible. S’il vous paraît par exemple impossible de trouver la pédagogie nécessaire
pour capter l’attention de votre auditoire, gardez à l’esprit qu’à ce stade, vous avez le droit
d’imaginer ce que vous souhaitez. L’important est que vous vous sentiez à l’aise maintenant
(Now) avec l’objectif que vous visez en ce moment même.
Astuce : vous devez pouvoir prendre du plaisir à définir cet objectif. Si ce n’est pas le cas,
choisissez un autre objectif, ou définissez différemment celui que vous avez choisi.

3. Visualisez votre objectif au point de pouvoir vous y projeter


Cette troisième étape va vous permettre de « verrouiller » la deuxième étape, de vous assurer
que vous avez correctement défini votre objectif.
Concrètement, et pour reprendre notre exemple, imaginez-vous physiquement et mentalement
en train de délivrer votre discours, avec aisance, conviction, de manière impactante, avec un
auditoire attentif et intéressé par vos paroles. Imaginez quelles sensations vous éprouveriez si
vous déteniez réellement cette aisance orale. Allez jusqu’à ressentir la satisfaction que vous
procure le fait d’avoir atteint votre objectif.
Mentalement, faites comme si vous y étiez !
Astuce : au début de votre utilisation de la No-w Strategy, vous aurez plus de facilité à effectuer
cette étape seul(e), assis confortablement sur une chaise, en fermant les yeux, dans un endroit
calme où vous ne serez pas dérangé.

4. C’est tout !
Maintenant laissez-vous guider par votre environnement, par votre curiosité, par les rencontres,
les opportunités. Ne cherchez pas à « calculer » la manière dont votre objectif pourrait se
réaliser. Rappelez-vous, la stratégie pour atteindre votre objectif consiste à ne pas en avoir (No
Strategy), si ce n’est d’être pleinement en phase avec toutes les informations et idées qui vous
parviennent maintenant (Now Strategy).
Astuce : lâchez prise par rapport au fait que vous pourriez manquer votre objectif, vous êtes
justement en route dès maintenant (Now) vers celui-ci. Faites-vous confiance !

L’ESSENTIEL
+ Dans ce chapitre, vous avez pu découvrir une nouvelle forme d’intelligence, l’intelligence
intuitive, accessible à tout instant et par chaque personne qui s’y entraîne. Pour pratiquer
cet entraînement, il convient d’apprendre à mettre en sommeil notre « juge intérieur »,
celui qui est très fort pour analyser, calculer, anticiper, mais qui est aussi responsable de
peurs et de doutes qui freinent l’atteinte de nos objectifs.

+ Pour aller plus loin dans le déploiement de cette forme d’intelligence dont sont très friands
les sportifs de haut niveau, nous vous proposons de pratiquer la No-w Strategy, attitude clé
pour réveiller le « cerveau droit », siège de l’intuition, si précieuse pour prendre le dessus
sur notre « juge intérieur ». Pour cultiver la No-w Strategy, vous pouvez instaurer
dans votre quotidien le rituel suivant : revenez au présent (dans le Now) grâce à votre
respiration par exemple, choisissez un objectif qui vous inspire, visualisez-le
« comme si vous y étiez », et faites-vous confiance.
CHAPITRE 11

Cultiver les intelligences multiples

Executive summary
• Les avancées en matière d’intelligence artificielle sont exponentielles, au vu de son
ascension dans les organisations. Qu’en est-il de l’intelligence humaine, celle à l’origine
de l’intelligence artificielle ?
• Dans ce chapitre nous verrons que l’intelligence humaine continue à se développer,
et que vous pouvez développer la vôtre également !
DIFFÉRENTES INTELLIGENCES HUMAINES
« Tout le monde est un génie. Mais si on juge un poisson sur sa capacité
à grimper à un arbre, il passera sa vie à croire qu’il est stupide. »
Albert Einstein

Cette citation remet en question à elle seule la vision que nous avions
depuis longtemps de l’intelligence, celle reposant sur le test de QI. Et s’il
existait d’autres intelligences que celle logico-mathématique sur laquelle est
basé le test du quotient intellectuel ?
La réponse est oui, si l’on se repose sur les travaux de Daniel Goleman sur
l’intelligence émotionnelle, les travaux d’Howard Gardner sur les
intelligences multiples et ceux de Tony Buzan sur le mind mapping et la
mémoire.

Au-delà du QI

Le QI est un indicateur reposant sur un test psychométrique inventé au


début du xxe siècle dans le cadre de diagnostics psychologiques. Cet outil
sert de mesure de « l’âge mental » d’une personne, allant théoriquement
de 0 à 200 à travers des tests de résolution de problèmes. Les personnes
ayant un score inférieur à 80 sont considérées en difficulté, celles ayant un
score supérieur à 120 considérées comme douées, et celles ayant un score
supérieur à 170 sont considérées comme « surdouées » (ou HP, à haut
potentiel)1.
Ce test a pendant longtemps été perçu comme un moyen de mesurer
l’intelligence absolue de l’humain avec plusieurs théories :

- l’intelligence est un acquis non-évolutif ;


- l’intelligence est unidimensionnelle ;
- l’intelligence peut être comparée d’humain à humain.
« Intellectuel n’est pas toujours synonyme d’intelligent. »
Alexandra David-Néel

Or, les travaux de Tony Buzan sur le mind mapping2, la mémoire et la


lecture, montrent que les performances cognitives et intellectuelles ne sont
pas immuables mais qu’elles peuvent évoluer.
Par ailleurs, les recherches en neurosciences ont démontré que le cerveau
n’est pas figé et qu’il s’adapte à son environnement et aux comportements :
c’est la neuroplasticité. Celle-ci repose sur deux éléments fondamentaux :

- la neurogénèse, processus dans lequel de nouveaux neurones sont


créés ;

- la réserve cognitive, processus dans lequel de nouvelles connexions


neuronales sont créées également.
Ces éléments, et encore bien d’autres, nous montrent que l’intelligence
n’est pas absolue, mais qu’elle est évolutive.
Et en plus d’être évolutive, elle est également hétérogène : chaque personne
est intelligente à sa manière. C’est ce que nous montrent les travaux
d’Howard Gardner en matière d’intelligences multiples.

Les travaux d’Howard Gardner

Howard Gardner a identifié neuf types d’intelligences.


1. Linguistique : basée sur les mots et le langage verbal.
2. Musico-rythmique : basée sur les sons.
3. Logico-mathématique : basée sur la logique et le calcul (sur laquelle
se repose le QI).
4. Visio-spatiale : basée sur le sens de l’orientation et la perception des
formes et de l’espace.
5. Kinesthésique : basée sur les ressentis corporels.
6. Intrapersonnelle : basée sur le dialogue intérieur et l’introspection.
7. Interpersonnelle : basée sur les relations avec les autres.
8. Naturaliste : basée sur la nature.
9. Existentielle : très proche de l’intrapersonnelle.
Ces intelligences sont interconnectées et ne sont pas absolues, mais
évolutives : nous pouvons les développer par de la pratique et de
l’entraînement.
Atika Lebret est spécialiste dans ce domaine et accompagne les enfants à
développer leurs intelligences multiples.

AVIS D’EXPERTE
Atika Lebret, coach en apprentissage, spécialisée en intelligences multiples

POURQUOI LE CONCEPT D’INTELLIGENCES MULTIPLES


EST-IL IMPORTANT POUR TOUT LE MONDE, JEUNES
ET MOINS JEUNES ?
« De mon expérience avec les enfants et les parents, l’approche des intelligences multiples
apporte les effets bénéfiques suivants :
– Un déclic en matière d’apprentissage. Par exemple, une petite fille que j’accompagne
pensait qu’elle était incompétente, mais grâce à la chanson, elle a découvert qu’elle
possédait une intelligence musicale, ce qui a provoqué un déclic chez elle : elle aussi était
intelligente. C’est une ressource qui permet de dépasser les difficultés, comme les soft
skills, cela permet l’adaptabilité et la résilience.
– Une meilleure communication, car les profils d’intelligences permettent d’avoir une porte
d’entrée, un point d’accès à l’autre. Comment mieux parler à cette personne, l’intéresser et
se faire comprendre ? Par exemple, s’il s’agit d’un profil musical, il faudra changer le ton
pour capter son attention. Les intelligences multiples sont ainsi des clés à tester pour ouvrir
le verrou. Elles peuvent aussi être vues sous le prisme de l’intelligence émotionnelle.
D’ailleurs, l’intelligence émotionnelle fait partie des intelligences multiples avec notamment
l’intelligence interpersonnelle et l’intelligence intrapersonnelle. C’est un autre vocabulaire pour
parler de la même chose selon mon point de vue et mes expériences.
Comme pour les soft skills, il y a un lien très fort. Les bénéfices des intelligences multiples, ce
sont le plaisir, la sérénité, l’adaptation, la motivation… Selon moi, elles mènent au
développement des soft skills et inversement. »

COMMENT LES DÉVELOPPER ?


« Je travaille sur les huit intelligences car pour moi l’intelligence existentielle est redondante
avec l’intelligence intrapersonnelle.
La première étape consiste à identifier ses trois intelligences dominantes et à les développer en
priorité, puis dans un second temps, à développer les autres grâce à des techniques et des outils
appropriés.
Et il n’est jamais trop tôt pour démarrer ! À deux ans déjà, il est possible d’identifier des
intelligences multiples, comme Paul par exemple qui adore les Lego : très visuel, il adore les
couleurs, les formes… Ses activités les plus faciles et qu’il réalise le plus régulièrement sont des
indicateurs de ses intelligences dominantes. Et depuis ses deux ans, où il a découvert qu’il était
Imagio (visuo-spatial), il sait que c’est sa force et cela l’aide à ne pas se décourager lorsqu’il
n’arrive pas à dessiner quelque chose. Il se concentre alors quelques instants, observe, puis s’y
met avec confiance.
Voici les outils que j’utilise selon les intelligences concernées :
– Linguistique : j’utilise l’écriture et les résumés (même à l’oral), par exemple cultiver le
réflexe de résumer un film pour soi ou pour quelqu’un d’autre. La lecture est également
une activité importante pour cette intelligence, car elle permet de développer son
vocabulaire et sa capacité à communiquer ;
– Musico-rythmique : la clé pour moi ici est la variation de tons et la musicalité, et pour cela,
chanter ou répéter une leçon avec un rythme est le meilleur moyen de mémoriser ;
– Logico-mathématique : le mind mapping est un très bon outil pour cette intelligence car il
offre de la logique et de la cohérence. L’outil de questionnement “qqoqccp” (qui ? Quoi ?
Où ? Quand ? Comment ? Combien ? Pourquoi ?) Permet aussi de muscler cette
intelligence. Enfin, une des activités développant cette intelligence (soft skill très prisée
par les entreprises) consiste à identifier les structures (les “patterns”), telles que
comprendre la procédure cachée derrière une formation, ou bien comprendre la structure
d’un livre ou d’un film, etc. ;
– Visuo-spatiale : le mind mapping, encore une fois, est un outil puissant pour cette
intelligence, car il permet d’organiser l’information visuellement ;
– Kinesthésique : les clés de cette intelligence sont le mouvement et l’émotion. C’est pour
cela que le sport, le théâtre et les arts martiaux sont des pratiques permettant de développer
cette intelligence. Répéter en marchant ou en associant un geste à un mot est un excellent
moyen de mémoriser ;
– Intrapersonnelle : cette intelligence repose sur l’introspection, il est important et naturel de
se poser des questions telles que “est-ce important pour moi ?”, “Est-ce que ça a du
sens ?”. De même, les moments de silence et d’intériorité aident les personnes ayant cette
intelligence de manière dominante à prioriser les tâches et les projets ;
– Interpersonnelle : cette intelligence est tournée vers les autres. Voici un défi que j’ai relevé
pour la développer : demander à des conférenciers une phrase de vie après leur prise de
parole en public. Et quand je travaille avec des enfants, je leur demande de partager ce
qu’ils ont appris à leurs parents, pour la transmission et la reformulation. Cela permet aussi
de prendre sa timidité par la main et de relever des défis pour oser aller vers l’autre. Enfin,
cette démarche tournée vers les autres développe l’empathie et l’adaptation de sa
communication ;
– Naturaliste : cette intelligence a émergé plus tard car elle faisait partie intégrante de la
logico-mathématique. Cependant, la différence entre ces deux intelligences réside dans le
besoin d’espace et de nature. La force de l’intelligence naturaliste est de déceler toutes les
nuances, ce qui va plus loin que la logico-mathématique. Les personnes ayant développé
cette intelligence aiment catégoriser les choses, trier, organiser. Elles ont également une
grande connexion avec le monde, avec une envie de connaître ce qui les entoure. Leurs
activités de prédilection sont : travailler dans un espace naturel (avec une plante sur son
bureau par exemple) ou le mind mapping pour trier et catégoriser. Le cadre et les outils
sont importants pour ces personnes.
Comme vous l’avez remarqué, je fais le pont avec plusieurs écoles en apportant des éléments
d’ailleurs, originaux et différents pour enrichir et apporter une approche singulière aux
intelligences multiples, avec une dimension très pratique. Il n’est nullement question d’étiqueter
les personnes, mais d’offrir une large gamme d’outils afin de leur permettre d’utiliser leurs
ressources et potentiels uniques, et donc de s’adapter à toutes situations, à dépasser les
difficultés. Et c’est là où l’on rejoint les soft skills, puisque l’adaptabilité est l’une des plus
importantes. »

Les propos de cet entretien ont été recueillis par Jérôme Hoarau.

VOTRE PROFIL D’INTELLIGENCES MULTIPLES


« Il n’y a pas une méthode unique pour étudier les choses. »
Aristote

Comment identifier ses intelligences de prédilection ?

Comme l’explique Atika Lebret, il est possible d’identifier ses intelligences


de prédilection en portant attention aux éléments suivants :

- les activités qui nous plaisent le plus ;


- celles dans lesquelles nous nous sentons le plus à l’aise, là où nous
avons le plus de facilités ;

- comment notre entourage nous perçoit.


Ce dernier point est important pour avoir un autre angle de vue sur soi-
même.
Voici deux exercices3 que nous vous proposons pour mieux comprendre vos
intelligences de prédilection.
FICHE PRATIQUE

Questionner son entourage


1. Identifiez une dizaine de personnes au minimum et appartenant à des cercles relationnels
variés (famille, amis, collègues…) et qui vous connaissent bien.
2. Posez-leur les deux questions suivantes :
○ Dans quelles situations penses-tu que j’excelle ?
○ Quels sont mes talents ?
3. Catégorisez les réponses obtenues dans les intelligences multiples correspondantes. Par
exemple, si vous avez reçu comme réponse « Tu excelles dans la rédaction de rapports
structurés », alors placez cette réponse dans l’intelligence logico-mathématique.
4. Comptabilisez le nombre de réponses obtenues dans chacune des intelligences multiples.
5. Les trois intelligences ayant obtenu le plus de réponses sont alors vos intelligences de
prédilection selon votre entourage.
Ces informations seront à recouper avec celles que vous allez récolter suite à votre réflexion
personnelle sur vos intelligences multiples.

Linguistique

Musico-rythmique

Logico-mathématique

Visio-spatiale

Kinesthésique

Intra-personnelle

Interpersonnelle

Naturaliste

Existentielle
FICHE PRATIQUE

Analyser sa zone d’excellence


Pour cet exercice, vous aurez besoin d’une feuille blanche au format A4 et de neuf feutres de
couleurs différentes.
1. Attribuez une couleur particulière pour chaque intelligence.
2. Notez sur votre feuille les activités dans lesquelles vous excellez avec la couleur
correspondante. Par exemple, si vous avez attribué le vert pour l’intelligence musico-
rythmique, alors notez en vert l’activité « guitare ».
3. Remplissez le tableau suivant en notant le nombre d’activités par intelligence que vous
avez comptabilisées.

Linguistique

Musico-rythmique

Logico-mathématique

Visio-spatiale

Kinesthésique

Intra-personnelle

Interpersonnelle

Naturaliste

Existentielle

Ces deux exercices vous permettent de mieux comprendre quelles sont vos
intelligences de prédilection, et de voir lesquelles vous souhaitez
développer en priorité par la suite.
Pour les développer, vous pouvez vous inspirer des outils et activités
proposées plus haut par Atika Lebret.
PROGRAMMER SON CERVEAU POUR PLUS
D’EFFICACITÉ

Comme nous l’avons vu plus tôt, l’humain possède plusieurs intelligences


qu’il peut développer. D’une certaine manière, les intelligences artificielles
se développent également. Nous pouvons clairement faire un parallèle entre
ces deux types d’intelligences. Leur point commun ? Elles sont toutes les
deux basées sur des programmes. C’est ce que nous explique Michel
Wozniak, spécialiste du cerveau.

AVIS D’EXPERT
Michel Wozniak, co-fondateur de l’Association pour l’apprentissage et le cerveau (APAC)
et de l’Institut de formation à l’art du changement (IFAC)

QUELLE EST LA DIFFÉRENCE ENTRE UN CERVEAU


ET UN ORDINATEUR D’UN POINT
DE VUE DE LA PROGRAMMATION ?
« Commençons par un point historique : les programmeurs se sont basés sur le cerveau pour
créer une intelligence artificielle.
Il existe deux axes de réflexion sur l’intelligence artificielle :
– Le point de vue de la psychologie (mais limité car basé sur l’humain, sur lequel on ne peut
pas tout expérimenter) ;
– Le point de vue informatique, où tout est possible, sans limite avec un développement
ultra-rapide.
Aujourd’hui les psychologues se tournent vers l’IA pour voir ce qui est possible à propos du
cerveau humain.
Avant, le développement de l’intelligence artificielle était basé sur le cerveau pour avancer,
maintenant c’est l’inverse, l’intelligence artificielle sert de base pour comprendre le cerveau. »

COMMENT FONCTIONNENT LES PROGRAMMES


DANS LE CERVEAU HUMAIN ?
« Quand une personne est nerveuse, elle est programmée pour être nerveuse, elle n’est pas née
nerveuse. L’environnement permet de créer ces programmes, souvent inconscients, mais avec la
PNL (programmation neuro-linguistique) le principe est de le faire consciemment.
Voici comment fonctionne un “programme” d’un cerveau humain :
– Observation de stimuli extérieurs (par exemple une insulte) : nous n’avons pas d’influence
sur ce point externe ;
– Intégration : transformation de l’information avec ses propres valeurs, qu’il est possible de
modifier ;
– Réaction (réaction conditionnée) : qui peut être modifiée également.
L’idée est de se reprogrammer pour choisir la réaction face à un stimulus, c’est le but de la PNL,
une pratique qui existe depuis plus de quarante ans maintenant.
Tous les comportements sont potentiellement éditables grâce à la PNL et à l’envie de changer.
L’une des spécificités du cerveau, contrairement à un ordinateur, c’est qu’il se reprogramme
constamment à travers des stimuli extérieurs comme la télévision, mais cela se fait de manière
inconsciente. Le cerveau est autonome sur ce point car il est son propre codeur et doit évoluer
avec le temps.
L’ordinateur quant à lui n’est pas autonome : c’est au codeur de le programmer.
Les programmes évoluent, ce codeur qu’est le cerveau prend de l’expérience et va modifier les
programmes les plus évidents. En revanche, plus il est jeune, plus il est ouvert et a capacité à
apprendre plus facilement par mimétisme notamment.
C’est la raison pour laquelle l’adulte doit faire un effort de remise en question pour s’extraire de
ce qu’il sait (ou croit savoir) et permettre l’apprentissage.
La solution doit venir de l’intérieur et pas de l’extérieur, alors que l’adulte cherche souvent à
l’extérieur (les coachs, les psychologues, les amis, etc.).
La clé est de “redevenir enfant” pour apprendre efficacement, d’où l’importance du jeu. »

COMMENT PROGRAMMER SON CERVEAU ?


« La clé est de transformer “l’enjeu” en “jeu”. Et faites également attention aux “il faut”, car ce
mot génère un contexte de contrainte.
Si je sens que je dois changer d’attitude, je “gamifie” en transformant la situation en jeu, ce qui
permet :
– D’arrêter de paniquer ;
– D’enlever “l’enjeu” ;
– De me mettre en mode “enfant” : c’est une partie, on va voir si je vais gagner ou pas.
C’est ce qui permet d’avoir de l’audace et de tenter de nouvelles choses.
Cela rend accessible des défis que l’on pourrait percevoir comme inaccessibles.
Ce mode enfant est un choix de comportement, une attitude consciente libérant la curiosité,
l’ouverture d’esprit, la remise en question, de mettre un peu le danger de côté (mais pas
totalement pour ne pas tomber dans la folie), et d’accepter la possibilité de perdre. »

QUELS SONT LES « PROGRAMMES » LES PLUS


IMPORTANTS À INSTALLER SUR SON CERVEAU ?
« Le mode enfant.
Ce “programme” contient toutes les compétences comportementales pour apprendre
efficacement de vraies soft skills. Tout cela est vraiment travaillé du côté de Richard Bandler
(PNL) et Tony Buzan (l’apprentissage). Il ne s’agit plus de devenir une machine à
connaissances, car les ordinateurs sont devenus meilleurs que nous là-dessus, mais de devenir
une personne de valeur (savoir-être, attitudes, comportements).
On ne peut pas dissocier l’apprentissage de l’attitude. D’où l’importance des soft skills pour
toutes les personnes. La PNL offre juste un prisme différent de la même chose. »

Les propos de cet entretien ont été recueillis par Jérôme Hoarau.

LA FLEXIBILITÉ NEURONALE ET LA RÉSERVE


COGNITIVE
« Les pensées métamorphosent le cerveau lui-même. »
Stanislaw Jerzy Lec

La flexibilité cérébrale que l’on appelle également plasticité cérébrale


repose sur deux piliers :

- la neurogénèse (la création de nouveaux neurones) ;


- la réserve cognitive (la création de connexions synaptiques).
La plasticité cérébrale permet entre autres le développement de
compétences et d’habitudes par le biais de raccourcis neuronaux.
Comme l’explique la scientifique Dr Barbara Oakley dans son MOOC
« How to learn to learn4 », le cerveau ne pèse que 2 kilogrammes et
pourtant mobilise plus de 20 % de l’énergie consommée par le corps.
Organe le plus gourmand en énergie, il a donc tendance à chercher à faire
des économies. Comment ? En créant des raccourcis neuronaux. Il va créer
des automatismes par l’effet de répétition pour que le cerveau économise de
l’énergie pour une tâche précise. Par exemple, lorsque vous commencez à
conduire une voiture, cela vous demande beaucoup d’énergie. En revanche,
après plusieurs dizaines d’heures de pratique, vous ne vous en rendez même
plus compte ! Le cerveau a créé un raccourci neuronal pour la conduite de
la voiture grâce à la répétition prolongée de cette activité. Il en va de même
pour toutes les activités que vous effectuez de manière régulière comme
jouer un instrument de musique, pratiquer un art martial ou une danse,
parler en public, etc.
Idem pour le développement des soft skills : plus vous allez en mobiliser
une en particulier, plus cela deviendra simple et rapide de l’activer. Et cela
est d’autant plus pertinent lorsque vous diversifiez les situations et les
activités dans lesquelles vous utilisez ces soft skills. C’est ce que nous
enseigne Pascale Michelon, scientifique et coach que nous avons
interviewée.

AVIS D’EXPERTE
Pascale Michelon, neuroscientifique, coach et talent catalyst

« Certaines soft skills comme l’empathie ou la gestion des émotions correspondent à des
capacités cognitives bien définies. D’autres, comme la créativité, font appel à un ensemble de
capacités et sont par là-même plus difficiles à étudier scientifiquement.
Si les mécanismes intrinsèques de fonctionnement des soft skills ne sont pas toujours expliqués,
les neurosciences montrent en revanche que toute capacité peut se développer grâce à la
plasticité cérébrale. L’étude de la réserve cognitive nous apporte en effet des éléments,
notamment sur le potentiel du cerveau. La réserve cognitive peut être modélisée en termes de
nombre de connexions neuronales dans le cerveau. Elle représente donc le « potentiel » du
cerveau. Plus cette réserve est importante, plus la capacité d’adaptation et de développement du
cerveau est grande.
La question est donc : “comment utilisez-vous ce potentiel ?”, car ce dernier est malléable et
s’adapte aux exigences de son environnement et de son style de vie. Plus vous allez stimuler
votre cerveau par de la nouveauté, de la répétition et par des défis, plus vous créerez de
nouvelles connexions neuronales et plus votre potentiel cérébral augmentera.
En bref, il est donc possible de développer ses soft skills en les stimulant régulièrement ! »

Les propos de cet entretien ont été recueillis par Jérôme Hoarau.

Il est donc possible de développer son cerveau à plusieurs niveaux :

- dans sa structure même grâce à la neuroplasticité ;


- dans son mode de fonctionnement grâce à la programmation neuro-
linguistique.
La clé, dans ces deux cas de figures, que ce soit pour développer ses
différentes intelligences ou ses soft skills, c’est la répétition dans la durée
avec une dynamique de progression continue.
L’ESSENTIEL
+ Il n’y a pas une intelligence humaine, mais des intelligences humaines. Chaque humain
possède neuf intelligences multiples qu’il peut développer grâce à des activités régulières
et diversifiées.

+ Le cerveau se développe par sa capacité à se créer des programmes, à développer ses


compétences et ses habitudes. Il évolue également physiquement, par le biais de la
plasticité neuronale reposant sur la neurogénèse et la réserve cognitive.
CHAPITRE 12

Se réapproprier son temps


et son attention

Executive summary
• L’objectif de ce chapitre est de mieux comprendre les mécanismes de l’attention et les
risques inhérents au digital qui peuvent la perturber.
• Nous mettrons ici en lumière l’un des ennemis de la gestion du temps : le multitasking.
• En vous invitant à mieux comprendre les mécanismes de votre cerveau, vous
découvrirez comment mettre en place de nouvelles façons de travailler, pour mieux gérer
votre temps.
« Ne pas se disperser, ne pas vouloir tout expérimenter à la fois, creuser
son sillon avec patience et humilité. L’effort d’attention du début devient
état d’attention. »
Patanjali1

LE VOL DE L’ATTENTION

Êtes-vous maître du temps que vous consacrez au digital ?

2 617 : c’est le nombre moyen d’interactions quotidiennes qu’aurait eu


chaque Français en 2016 avec son smartphone. Cela représente plus de
deux heures par jour avec ce qui est devenu notre mini-robot personnel2.
Mais est-ce que les utilisateurs de smartphone souhaitent réellement y
consacrer tout ce temps ? Où se situe la frontière entre le temps que l’on
souhaite véritablement allouer à la consultation d’outils digitaux, et le
temps passé à les consulter malgré nous ?
Au-delà d’être éventuellement connecté à divers outils digitaux, il y a dans
l’utilisation de ces smartphones une multiplication d’applications et de
notifications qui y sont liées. L’utilisateur du digital s’expose facilement à
diverses sources de réception et d’échange d’informations qui peuvent
elles-mêmes se démultiplier. Prenons l’exemple du célèbre réseau social
LinkedIn. Son utilisation peut tout aussi bien se faire via un ordinateur
connecté à Internet et un smartphone sur lequel vous avez téléchargé
l’application. Si toutefois vous n’avez pas désactivé les notifications
LinkedIn dans les paramètres de votre smartphone, vous vous exposerez à
des sollicitations régulières qui détournent votre attention de ce que vous
êtes en train de faire, comme traiter un dossier particulier par exemple.

Comment le digital capte votre attention


La capacité à capter votre attention, recherchée par les créateurs
d’application ou de plateformes diverses, dépend de votre capacité à vous
détourner consciemment des outils digitaux. Avez-vous véritablement
besoin de consulter votre fil d’actualité LinkedIn que vous venez de
consulter il y a tout juste une heure ? Ou bien est-ce simplement pour vous
rassurer que vous n’avez rien manqué et que vous ne risquez pas de
manquer de réactivité si toutefois vous êtes sollicité sur ce réseau social
professionnel ?
Cela pourrait paraître anodin, mais comme vous vous en doutez, ce type de
détournement d’attention n’est pas isolé dans notre quotidien. Cela ne
poserait pas un réel problème si notre attention était très agile et capable de
se réorienter en un instant sur la tâche que nous étions en train d’accomplir
juste avant d’être sollicité. Mais ce n’est pas le cas pour la plupart d’entre
nous : notre attention est « fragile » et la moindre perturbation peut la faire
flancher.

Exemple : La métaphore de la poutre


Dans son ouvrage Le Cerveau funambule3, Jean-Philippe Lachaux utilise une belle
métaphore en expliquant que maintenir une attention de façon stable peut être comparé au
fait de marcher sur une poutre. La moindre sollicitation peut nous faire tomber. Et il nous
faudra un certain temps pour remonter sur la poutre, ou dit autrement, pour remobiliser
notre attention sur ce que nous étions en train d’accomplir. Pour ce directeur de recherches
en neurosciences cognitives, il nous faut développer une nouvelle forme d’équilibre pour
apprendre à maîtriser notre attention, ce qu’il appelle l’équilibre attentionnel. Il est en effet
intéressant de comparer les pertes d’attention à des pertes d’équilibre puisqu’à partir du
moment où notre attention est détournée, nous nous ouvrons à la possibilité d’être
beaucoup moins efficace dans ce que nous cherchons à accomplir.
L’équilibre attentionnel consiste donc à rester vigilant et attentif à notre attention
justement, afin de maintenir celle-ci orientée sur ce qui nous est véritablement important
dans l’instant. Cette stabilité propre à la notion d’équilibre correspond au fait que bien qu’il
y ait une ou plusieurs sources de perturbations autour de nous, nous parvenons à rester
présent à ce qui est important pour nous, en gardant le focus sur l’intention du moment,
sans « tomber » dans la distraction. Les pratiques méditatives, et notamment celle du
« scan corporel » détaillée plus bas dans ce chapitre peuvent clairement contribuer à
muscler cet équilibre.

L’enjeu de se reconcentrer sur l’intention du moment

Certains spécialistes estiment qu’il nous faudrait en moyenne une minute


pour remobiliser notre attention sur la tâche que nous effectuions lorsque
celle-ci a été perturbée. Et une minute est généralement un minimum. Si
vous choisissez de répondre à un appel alors que vous être pleinement
immergé dans un dossier, et que cet appel se caractérise par des échanges
prenants avec votre interlocuteur, il est probable que vous repensiez un
certain moment à cette conversation téléphonique après avoir raccroché. Ce
moment pourrait durer bien plus d’une minute. Votre attention sera portée
vers le passé, sur la conversation que vous venez d’entretenir, ou sur le
futur, vers la perspective que peut ouvrir cet appel, et non sur l’instant
présent.
En réalité, ce n’est pas véritablement le fait que notre attention soit
régulièrement sollicitée qui est problématique, mais le fait que nous n’en
soyons pas conscients.
Être conscient de là où nous portons notre attention est le principe même de
la capacité à se concentrer. Apprendre à rester maître de là où nous portons
notre attention est une clé pour améliorer nettement sa gestion du temps.
L’expression « vol de l’attention » que nous employons pourrait paraître
exagérée, mais elle repose sur un constat simple, facilement observable,
même chez les plus jeunes. Les écrans ont un pouvoir hypnotique, et il peut
être précieux de ne pas l’oublier.

LA GESTION DU TEMPS

Se réapproprier son attention

Une étude de l’université de Harvard4 explique que notre esprit, et donc


notre attention, vagabonderait presque la moitié du temps au cours d’une
journée (46,9 % du temps selon l’étude). Si ce vagabondage peut parfois
être très utile pour prendre du recul, faire un point sur ses priorités du
moment, ou encore laisser libre cours à la génération de nouvelles idées, il
peut néanmoins être fort problématique lorsque celui-ci est teinté par des
pensées qui ne nous sont pas utiles. Dans un monde professionnel où tout
va plus vite, nous avons développé une tendance comportementale qui est
une grande cause de vagabondage de pensées qui ne nous sont pas utiles.
Cette tendance se nomme le « multitasking », ou la volonté de vouloir
effectuer plusieurs tâches en même temps.

Le mythe du multitasking
Nous n’allons pas vous mentir, la tendance au multitasking est l’ennemie
jurée d’une bonne gestion du temps. Cela pour une raison simple : sur le
plan neuroscientifique, notre cerveau ne sait pas faire du multitasking à
proprement parler, et pire encore, tenter de le faire est très fatigant pour lui.
Plus précisément, nous ne sommes pas à même d’effectuer simultanément
et consciemment deux tâches différentes. Nous pouvons avoir l’illusion d’y
parvenir, du fait d’une certaine forme d’agilité de notre attention, qui peut
parfois jongler rapidement d’une tâche à l’autre. Mais, bien que nous
puissions en avoir l’illusion, il ne nous est par exemple pas possible de nous
concentrer pleinement et sincèrement sur la couleur rouge, en même temps
que nous nous concentrons sur la couleur bleue.
Pourtant, lorsque nous choisissons de traiter un e-mail que nous avons vu
arriver grâce au pop-up de notification, alors que nous étions pleinement
immergés dans la préparation de notre réunion de demain, nous tentons de
faire du multitasking, et notre cerveau n’aime pas cela. En effet, comme
nous l’avons évoqué précédemment, une fois que vous aurez terminé de
traiter l’e-mail, il faudra un certain temps à votre cerveau pour se replonger
dans la préparation de votre réunion. Prenons l’exemple d’un manager qui a
pour habitude de laisser sa boîte mail ouverte tout au long de sa journée, et
qui choisit de traiter ses e-mails « à la volée », c’est-à-dire sans s’allouer de
plage horaire dédiée à la gestion de ceux-ci. Si ce manager reçoit dans une
journée soixante e-mails qu’il consulte en laissant de côté ce qu’il était en
train d’accomplir, puis revient, une fois l’e-mail traité (ou consulté), à la
tâche qui l’occupait, il perdra au minimum une heure de sa journée à se
reconcentrer. Le temps perdu sera de deux heures s’il s’agit de cent vingt e-
mails. Et nous ne parlons qu’ici de la gestion des e-mails, et non des autres
types de sollicitations, tels que les appels téléphoniques pris eux aussi « à la
volée » ou encore la notification qui vient d’apparaître sur votre téléphone.

Précisions sur la baisse d’efficacité


Selon l’Association américaine de psychologie, « les blocages psychiques, même brefs, causés
par les passages d’une tâche à une autre, peuvent entraîner une réduction allant jusqu’à 40 % du
temps de travail effectif d’une personne dans une journée. »

Repenser sa façon de travailler


Vous êtes probablement en train de vous dire que tout cela est bien joli,
mais que vous n’avez pas vraiment le choix de garder un œil sur votre boîte
mail tout au long de la journée5. Certes, pour beaucoup d’entreprises, il est
difficile, à l’heure actuelle, de ne pas maintenir sa boîte mail ouverte tout au
long de sa journée. Il s’agit en effet d’être réactif à la moindre urgence,
surtout celle venant de sa hiérarchie. Là est tout le problème. Nous avons
fait de l’e-mail un moyen de communiquer dans l’urgence, et ce n’est
certainement pas un bon calcul. Par ailleurs, être disponible tout le temps,
c’est finalement ne jamais être véritablement disponible. Si nous revenons à
la notion d’attention, celle que vous porterez à la personne qui vous
interrompra dans votre travail sera décousue, moins concentrée et moins
stable que si vous aviez fait part de votre indisponibilité, pour ensuite, une
fois votre tâche terminée, être d’autant plus disponible et attentif à la
personne qui vous sollicite. Bien gérer son temps, c’est savoir respecter
pour soi-même, et pour les autres, des périodes de disponibilités et
d’indisponibilités.

FICHE PRATIQUE

Multitasking : faites le test6


Pour que vous puissiez un peu mieux comprendre pourquoi il est difficile pour notre cerveau de
diviser son attention sur plusieurs intentions en même temps, nous vous proposons d’effectuer
un petit test.
Pour cela nous vous invitons à vous munir d’un chronomètre, d’une feuille de papier et d’un
stylo. Ce petit test se décompose en deux étapes.
○ Première étape : vous allez chronométrer le temps que vous mettez pour écrire les mots
suivants : « Ma boîte mail » ; ainsi que, en dessous, la série de chiffres « 1 2 3 4 5 6 7 8 9
10 11 » ; 11 étant le nombre de lettres qui composent « Ma boîte mail ». Le chronomètre
est donc lancé juste avant d’écrire le premier caractère (le « M ») et est arrêté juste après
avoir écrit le dernier chiffre « 11 ». Êtes-vous prêt ? Allez-y. Vous devriez mettre en
moyenne entre dix et quinze secondes pour cette première étape. Pour l’instant le test est
simple et vous vous demandez certainement où nous voulons en venir. Vous allez
comprendre avec la deuxième étape.
○ Deuxième étape : cette deuxième étape est pratiquement identique à la première à un détail
près. En effet, vous allez devoir écrire les mêmes séries de lettres et de chiffres, mais cette
fois-ci en alternant une lettre avec un chiffre à chaque fois. Une fois le chronomètre lancé
vous allez donc écrire « M », puis en dessous « 1 », puis à côté du « M », « a »,
puis en dessous du « a » vous écrirez le « 2 », puis vous remonterez à la ligne du dessus
pour écrire le « b » et ainsi de suite jusqu’au « 11 », et vous arrêterez le chronomètre une
fois le « 11 » écrit.
Cette deuxième étape devrait normalement être plus fastidieuse car elle nécessite d’alterner
deux intentions pratiquement dans le même temps, à savoir écrire une série de lettres et écrire
une série de chiffres.

Pour la plupart des personnes qui effectuent le test précédent, la deuxième


étape prend non seulement plus de temps à réaliser, mais elle est
généralement moins bien effectuée. En expérimentant cette difficulté qu’a
notre cerveau à vouloir réaliser plusieurs tâches en même temps, vous
devriez prendre conscience de la nécessité de lui faciliter le travail, à savoir
d’effectuer vos tâches une par une, plutôt que simultanément. Comprenez
donc bien que nos méthodes de travail actuelles ne sont absolument pas
adaptées à une bonne utilisation de notre attention. Au quotidien, l’attention
détournée par un certain nombre de sollicitations peut créer beaucoup de
stress car notre cerveau n’est plus à même de faire face aux diverses
demandes. Celui-ci finit par perdre ses moyens, comme vous avez peut-être
pu l’expérimenter ne serait-ce qu’un instant lors de la deuxième étape du
test précédent.

Rester vigilant aux canaux d’information

L’utilisation des outils digitaux dans le monde professionnel a clairement de


nombreux avantages et notamment une circulation plus rapide et plus fluide
de l’information, qui peut être mieux organisée. Mais le revers de la
médaille est justement une exposition plus immédiate à l’information qui
peut perturber votre attention. C’est en ce sens que l’un des réflexes à avoir
pour se réapproprier son attention, et donc pour mieux gérer son temps,
consiste à diminuer ce que l’on nomme les points de perturbations. Qu’ils
soient digitaux, telles que les notifications de l’arrivée d’un nouvel e-mail,
ou physiques, tels que les divers post-it qui s’éparpillent sur votre bureau, il
vous faut être vigilant à tout ce qui peut déstabiliser votre attention.
Pour ce faire, il y a une astuce simple à respecter, qui consiste à choisir les
canaux d’informations auxquels vous souhaitez être exposés, en rapport
avec les tâches que vous êtes en train d’effectuer.
Nous n’avons jamais été autant exposés à l’information. Chaque nouvelle
information peut venir « encombrer » votre esprit si toutefois celle-ci n’est
pas traitée. Gérer son temps, c’est donc avant tout gérer la quantité et la
qualité de l’information à laquelle nous sommes soumis. Le fait de savoir
limiter consciemment cette exposition est une attitude précieuse de gestion
du temps.

ENTRAÎNER SA GESTION DU TEMPS

Les bonnes pratiques


Voici quelques recommandations à suivre pour améliorer nettement votre gestion du temps7.
○ Acceptez l’idée que vous ne pouvez pas être disponible tout le temps. Il vous faudra donc
apprendre à ne pas répondre à une sollicitation qui ne concerne pas l’intention qui est la
vôtre au moment où vous êtes sollicité. Si par exemple votre téléphone sonne au moment
où vous êtes pleinement immergé dans le traitement d’un dossier, et sauf si cela est on ne
peut plus urgent, rappelez-vous que votre messagerie téléphonique est votre amie. Vous
rappellerez plus tard.
○ Identifiez et diminuez vos points de perturbations digitaux, tels que votre boîte mail
ouverte au moment où vous n’en avez pas besoin, les notifications d’applications que vous
pouvez désactiver ou encore les fenêtres web ouvertes sur votre navigateur et dont vous
n’avez pas besoin non plus en ce moment même. Il en va de même avec l’identification et
la diminution des points de perturbations physiques, tels que les différents post-it qui
traînent sur votre bureau (que vous pouvez ranger dans un cahier dédié), les feuilles
volantes qui peuvent être classées dans un dossier consultable au moment voulu, ou encore
les diverses cartes de visites qui peuvent être numérisées ou rangées dans un classeur
transparent afin de les retrouver facilement.
○ Segmentez vos journées par intentions. Le cerveau aime qu’on lui facilite la tâche et si
vous souhaitez atteindre votre but, allez-y objectif par objectif, plutôt que de vouloir
superposer plusieurs intentions dans le même temps. Si vous souhaitez, par exemple,
terminer la préparation du séminaire que vous avez la charge d’organiser, apprenez à dire
non à un collègue, ou même à votre supérieur, qui vous sollicite pour autre chose. Si vous
dites non avec bienveillance, en expliquant votre intention du moment et en offrant une
alternative, votre « non » aura beaucoup plus de chance d’être bien reçu. Votre « non »
n’est pas forcément définitif et peut vous permettre d’être d’autant plus efficace, précis et
disponible au moment où vous pourrez véritablement accorder du temps à la requête sur
laquelle on vous a sollicité.
○ Autorisez-vous à prendre plus de pauses. Elles permettent de respecter le « vagabondage
mental » dont votre cerveau a besoin, mais aussi de résoudre des problèmes ou de générer
des idées que vous n’auriez pas trouvées en étant physiquement et mentalement en train de
travailler.
○ Musclez votre capacité de concentration. À la manière des sportifs de haut niveau, la
capacité à muscler sa concentration possède de nombreux bienfaits, et permet notamment
de faciliter l’atteinte de ses objectifs. Il existe de nombreux exercices pour muscler sa
concentration. En voici un nommé le « scan corporel » dont sont très friands certains
sportifs de haut niveau. Il consiste, si possible dans un endroit calme où vous ne serez pas
dérangé, à prendre quelques minutes pour prendre conscience des diverses sensations que
vous pouvez ressentir dans votre corps. En commençant par exemple par le bas du corps,
entraînez-vous à « scanner » mentalement et progressivement chaque partie, sans juger ni
interpréter ce que vous êtes en train d’observer, mais juste en explorant les sensations, les
tensions, ou encore les changements de température que vous pouvez observer en vous, en
ce moment même. Plongez-vous pleinement dans l’instant présent. Comme si vous aviez
un petit projecteur intérieur, entraînez-vous à éclairer les zones du corps que vous n’avez
pas l’habitude d’explorer, de la plante de vos pieds jusqu’au haut de votre crâne. En
effectuant cet exercice régulièrement, et si possible au moins une fois par jour, vous
constaterez une amélioration de plusieurs soft skills telle que la capacité de concentration,
mais aussi votre gestion des émotions ou encore votre créativité.

L’art de la pause

Nous tenons, pour terminer ce chapitre, à insister sur la très grande


importance des pauses. Les entreprises françaises sont généralement très
peu éduquées sur ce sujet. Il est encore courant de penser que pour être
efficace, mieux vaut, tant que notre corps nous le permet, avoir la tête dans
le guidon en tentant de maintenir de longues périodes de concentration. On
pense par ailleurs qu’une pause est forcément du temps de travail perdu. Si
toutefois vous souhaitez faire l’expérience d’un burn out, c’est tout à fait
l’état d’esprit qu’il faut adopter. Mais les neurosciences permettent
aujourd’hui de démentir tous ces a priori. Si vous choisissez de limiter au
maximum le nombre de vos pauses, ainsi que le temps que vous leur
consacrez, alors sachez que votre cerveau trouvera un moyen pour
« prendre sa pause justement ». Il vous le fera ressentir par une baisse de
concentration, une plus grande fatigue, une diminution de votre créativité et
de votre capacité à prendre des décisions rationnelles. En général, vous
serez également plus stressé. En réalité, limiter les pauses impliquera
forcément sur le long terme une plus grande difficulté à mobiliser vos soft
skills. Nous verrons que notre cerveau comporte, en parallèle de ses
capacités d’analyse et de calcul, de précieuses soft skills, telle que la
capacité à contextualiser les informations qui vous parviennent, qui sont
difficilement mobilisables si nous n’apprenons pas à prendre du recul.
Prendre régulièrement des pauses c’est tout simplement respecter le
fonctionnement et les besoins naturels de votre cerveau. Vous avez
d’ailleurs peut-être déjà pu remarquer à quel point les pauses peuvent
permettre de trouver des solutions à des problèmes non résolus, ou encore
de penser à des tâches que vous aviez oublié d’accomplir.

L’ESSENTIEL
+ Notre attention est fragile, et si nous n’y prenons garde, elle peut être facilement
détournée, par les notifications digitales par exemple. Notre capacité à garder une certaine
maîtrise sur cette aptitude précieuse représente une véritable soft skill qui peut être
entraînée.

+ Notre capacité d’attention illustre parfaitement la complémentarité entre soft skills et


hard skills puisque sans elle, il sera beaucoup plus difficile d’effectuer un geste technique.
Nous apprenons aux enfants à regarder devant eux lorsqu’ils marchent afin d’éviter la
chute. On pourrait dire que la technique (Hard skill) de la marche ne peut correctement
s’acquérir sans une mobilisation de notre capacité d’attention. Si cette complémentarité
est rompue, nous risquons la chute. C’est en ce sens que nous pouvons parler d’équilibre
attentionnel.

+ Cet équilibre attentionnel est un véritable secret pour une bonne gestion du temps. En
effet, gérer son temps, c’est aussi et surtout gérer l’agencement de nos divers sujets
d’attention. Au quotidien, il convient de s’entraîner à redevenir conscient de là où nous
portons notre attention.
CHAPITRE 13

Pourquoi les soft skills sont-elles


indispensables

Executive summary
• L’objectif de ce chapitre est d’apprendre à déployer sa singularité, sa capacité à
devenir inimitable ou indispensable. Cette intention permettra de tracer une voie
professionnelle qui ne sera pas parasitée par la transformation en cours et notamment
l’émergence de l’intelligence artificielle.
• Pour déployer sa singularité, il est intéressant d’acquérir un « bagage soft skills » qui
vous correspond, au service de votre épanouissement professionnel et personnel.
• Ceci vous permettra d’évoluer comme un caméléon au sein du tumulte de la vie
active, de vous adapter à vos exigences tout en restant vous-même. Vous pourrez alors
devenir consciemment l’artiste de votre vie professionnelle.
LE CODE SOFT SKILLS, POURQUOI EST-CE
INDISPENSABLE ?

Je ne suis pas un robot


« Les algorithmes peuvent utiliser des schémas trop subtils pour être
détectés par l’humain et utiliser ces modèles pour générer des informations
précises et aider à prendre des décisions plus pertinentes. »
Harvard Business Review

Quel travail actuel ou futur pourriez-vous exercer qu’un robot ou une


intelligence artificielle n’aurait pas vocation à exercer ?
Quelle valeur ajoutée professionnelle pourriez-vous apporter ? Il n’est pas
simple de répondre à cette question.
Partons du principe que la plupart (si ce n’est tous) des emplois qui
consistent, en partie ou totalement, en une répétition de tâches identiques
jour après jour, sont amenés à disparaître. Étant donné que tout ce qui
consiste à répéter une action, comme l’assemblage de pièces automobiles
par exemple, peut déjà être effectué par de nombreux robots, nous n’avons
pas de grande difficulté à imaginer ce scénario.
Pour s’en prémunir, ou du moins d’être en mesure d’y faire face
sereinement, il vous faudra exercer un métier qui se différencie de la
dynamique de répétition. Une façon de faire, qui va d’ailleurs dans le sens
de ce que l’on peut observer en France via l’émergence de nombreuses
start-up, c’est la capacité à exercer un job où la création (et non la
répétition) en est au cœur. Par ailleurs, l’idéal serait que cette création ne
soit réalisable que par vous-même, afin de vous rendre indispensable. Être
la seule personne à pouvoir exercer ce que vous faites, cela vous paraît
irréaliste ? C’est pourtant ce que l’on pourrait dire de beaucoup d’artistes,
d’ingénieurs, d’entrepreneurs.
Comme nous l’avons vu dans le chapitre 7 sur l’intelligence émotionnelle,
nous disposons de neurones miroirs qui nous permettent éventuellement de
reproduire en temps réel ce que nous observons. C’est souvent le cas
lorsque nous voyons quelqu’un sourire, mais cela peut aussi être le cas pour
des comportements plus complexes telle que la manière dont nous
mobilisons notre langage. Vous avez peut-être déjà pu constater que vous ne
vous adressez pas de la même manière à un enfant de six ans qu’à un
adulte. Vous vous mettez de façon mimétique « à sa hauteur », en adoptant
un rythme de parole qui lui correspond. Il nous est plus facile d’adopter une
attitude que nous pouvons observer. C’est en ce sens que pour favoriser
votre capacité à exercer une activité que vous seul(e) êtes à même
d’accomplir, nous allons nous arrêter un instant sur l’exemple des deux
types de profils qui y parviennent, les artistes et les sportifs de haut niveau.

L’exemple des artistes


Pour prendre l’exemple des artistes, il est intéressant de noter qu’il est
souvent dit (et eux-mêmes le disent) que pour donner le meilleur de leur art,
ils doivent répéter énormément. Au premier abord, on pourrait se dire
qu’une bonne partie du métier des artistes consiste à « répéter ». À répéter
leur texte par exemple pour des acteurs de théâtre. Mais répètent-ils
vraiment ? Si l’on y regarde de plus près, les artistes ne répètent pas, ils
s’entraînent et s’améliorent dans leur capacité à exercer leur art. Ils
actualisent en permanence les soft skills nécessaires à la meilleure
expression. Par rapport à sa « répétition » de la veille, l’acteur de théâtre
relira par exemple son texte avec une plus grande concentration, le dira à
haute voix avec une plus grande intensité et un langage non verbal différent.
Il se projettera mentalement dans sa prestation avec une plus grande
précision et une créativité différente dans sa manière d’occuper l’espace par
exemple. Loin de nous l’idée de vouloir bouleverser la sémantique utilisée
dans le monde des artistes, mais si l’on souhaite être précis, et pour bien
assimiler ce qui va suivre, nous parlerions plutôt de création, ou de
processus d’amélioration concernant les phases où ils n’exercent pas leur
prestation véritablement. C’est notamment grâce à ce processus
d’amélioration continue que beaucoup d’artistes parviennent à effectuer des
prestations qu’eux seuls sont à même d’exercer.

La force du sportif de haut niveau


Il en va de même des sportifs de haut niveau, qui, lorsque qu’ils ne sont pas
en compétition, s’exercent encore et toujours pour améliorer leur technicité,
leur condition physique, mais aussi leurs aptitudes mentales. De loin, nous
pourrions dire que le sportif répète ses gestes à l’entraînement, mais de près
nous verrions en réalité qu’il les perfectionne. C’est en cela qu’il parvient à
réaliser une performance unique, qu’il gagne ou qu’il perde d’ailleurs. Cette
performance sera toujours plus ou moins différente de la précédente. Dans
le cas du sport de haut niveau, la technicité, qui correspond aux hard skills,
est considérée, sauf cas particuliers, comme « acquise » et n’évolue que très
peu. Elle est, par la définition même du sport de haut niveau, déjà à un haut
niveau. Dans le cas du tennis par exemple, bien que l’on puisse encore et
encore peaufiner son service, les bases techniques liées à la bonne gestuelle
du service sont, pour un tennisman professionnel, acquises assez jeune.
C’est plutôt à l’aide de ses soft skills, telles que la concentration, la
créativité, la persévérance, ou encore la gestion des émotions, que le
tennisman va améliorer ses performances une fois que celui-ci est parvenu à
se hisser au plus haut niveau. Cette combinaison très travaillée de soft skills
et de hard skills permet aux champions de réaliser leur sport de façon
unique.

Une nouvelle manière de se rendre utile

Les soft skills vous aident à marquer votre différence. Ce sont elles qui
marquent votre unicité, mais aussi orchestrent le travail qui sera effectué par
l’intelligence artificielle. Il s’agit de savoir se rendre indispensable et utile à
la société par un métier que vous et vous seul êtes en mesure d’exercer, et
dont les fonctions évoluent au fil du temps. La bonne nouvelle, c’est qu’il
existe des techniques pour parvenir à cet objectif.

DEVENIR UN « CAMÉLÉON »

Pour déployer ses soft skills de façon opérationnelle dans un monde


professionnel gouverné par le changement et l’incertitude, il convient
d’adopter une forme de code, qui permet d’évoluer comme un caméléon au
sein du tumulte de la vie active et de s’adapter à ses exigences tout en
restant soi-même (ou en devenant soi-même).
Le code soft skills que nous avons établi repose notamment sur de
nombreuses observations d’individus qui semblent évoluer aisément au sein
d’une vie professionnelle en constante redéfinition. Ce code est en lien avec
une notion que l’on retrouve dans divers domaines scientifiques tels que les
mathématiques, la physique ou encore la futurologie1. Cette notion
déterminante, qui correspond à l’objectif que l’on peut viser grâce à
l’utilisation de ce code, se nomme « singularité ». Il existe plusieurs
définitions de la singularité, un vaste concept qui peut contenir de multiples
facettes. Pour nous, et pour commencer, la singularité correspond à votre
capacité à déployer votre potentiel de façon unique, différenciante,
surprenante, inédite. Lorsque vous activez votre singularité, vous êtes en
mesure de faire évoluer en temps réel « qui vous êtes » et « qui vous pouvez
être ». Lorsqu’un recruteur rencontre plusieurs candidats avec le même
diplôme et, plus précisément, la même technicité, c’est la singularité du
candidat qui va lui marquer l’esprit.

Qu’est-ce que l’on entend par singularité ?


La singularité représente à nos yeux la capacité à créer de la nouveauté, que ce soit en termes de
pensées, d’émotions, de discours, de créations, de comportements, d’expériences, et a fortiori,
de résultats. Elle consiste notamment à ne pas répéter ce qui existe déjà, car tout ce qui se répète
peut potentiellement être effectué par un robot ou un algorithme. La singularité consiste à créer
son propre langage, à coder son avenir à partir du présent.

LA SINGULARITÉ, UN CONCEPT INCARNÉ DANS


DIVERS DOMAINES

De nombreuses personnes parviennent à vivre cette singularité de façon


exemplaire, comme certains artistes, entrepreneurs, chefs cuisiniers,
consultants, écrivains, avocats, enseignants entre autres. En fait, dans tous
les domaines, il existe des personnes qui parviennent à tracer leur voie de
façon singulière. Cette singularité, une fois activée de façon stable et
durable, pourrait vous permettre de créer un rempart solide face aux risques
inhérents de l’IA, mais aussi de pouvoir travailler, si le besoin s’en fait
sentir, avec l’IA en bonne intelligence. Cette singularité vous créera une
carte d’identité professionnelle totalement inédite, autonome, prometteuse
et puissante.

Ce que l’on nomme « singularité technologique »

Dans le domaine de l’IA, la notion de singularité revêt une dimension


importante, puisqu’elle correspond au moment, qui n’a pas encore eu lieu,
où la technologie serait capable d’évoluer de façon autonome sans
l’homme.
Cette singularité correspond plus précisément pour les spécialistes au
moment où la technologie sera plus « intelligente » que l’homme. Pour Ray
Kurzweil, le « monsieur IA » directeur de l’ingénierie chez Google, la
singularité technologique surviendra en 2045, lorsque la puissance
informatique requise pour simuler en temps réel les fonctions du cerveau
humain sera atteinte2. Est-ce que ce point de bascule arrivera un jour, et
bientôt ? Nous n’en savons rien et rassurez-vous, les plus grands
spécialistes de l’IA ne sont pas tous d’accord sur la question.
En attendant que cette date arrive peut-être, l’homme peut déployer une
autre forme de singularité, la sienne. Pour déployer votre singularité, il vous
faudra être pleinement conscient de votre potentiel. Mais comment en être
conscient si celui-ci nous est inconnu ? Une partie de la réponse pourrait se
trouver dans notre capacité à accepter l’idée selon laquelle nous ne savons
pas tout de nous. Une remarque que l’on pourrait être tenté de faire lorsque
nous parlons de soft skills, est que les développer consisterait à essayer
d’être quelqu’un d’autre.
Cela n’est pas notre propos, et nous pensons au contraire que développer
nos soft skills consiste justement à être « un peu mieux qui nous sommes ».
Beaucoup de personnes pensent par exemple qu’elles sont de nature
stressée, jusqu’au jour où elles parviennent à mettre en place dans leur
quotidien des pratiques méditatives qui leur prouvent le contraire.

L’ESSENTIEL
+ Pour déployer sa singularité, et en référence au principe des neurones miroirs, nous avons
tout intérêt à observer des personnes qui incarnent déjà cette singularité. C’est le cas par
exemple d’artistes ou encore de sportifs de haut niveau. Cette observation n’a bien sûr pas
pour but d’imiter ces personnes, mais de s’inspirer de la possibilité d’être singulier.

+ Cultiver sa singularité au quotidien implique d’adopter une forme de code soft skills. Ce
code sera nécessaire pour vous permettre de développer une posture créative, unique
et qui ne tombe pas dans le piège de la répétition. La créativité bien sûr, l’audace, la prise
de décision ou encore l’empathie peuvent être des exemples de soft skills qui vont bâtir ce
code et cette posture.

+ Le développement de nos soft skills ne consiste pas, contrairement à certaines idées reçues,
à devenir quelqu’un d’autre. Il consiste à devenir un peu mieux qui nous sommes
véritablement, en osant être cette personne en toutes conditions.
CHAPITRE 14

Le code soft skills

Développer un nouveau bagage d’aptitudes


• La transformation du monde du travail fait évoluer ses codes. Il convient donc, dans ce
nouvel environnement, d’en adopter de nouveaux.
• Ce chapitre va vous faire découvrir et approprier ce que nous avons appelé le code
soft skills, qui permet d’activer un nouveau bagage de compétences.
• Ce code est composé de sept parties qui vous invitent à développer une singularité
précieuse permettant de vous démarquer intelligemment dans le monde professionnel, et
de booster votre potentiel.
LE CODE SOFT SKILLS DÉCRYPTÉ

Un code à plusieurs tiroirs

Le code soft skills que nous allons vous présenter ici est un bagage vous
permettant de déployer sereinement votre singularité dans un monde
professionnel changeant, exigeant, complexe, imprévisible. Il renforcera
considérablement votre potentiel d’adaptabilité et transformera de
nombreuses situations inconfortables en solution(s) efficace(s), et ce dans
un temps record. Si vous prenez le temps nécessaire pour vous l’approprier,
il vous permettra de vous démarquer dans le monde du travail tout en
évoluant de façon fluide en son sein. Nous allons ici le décrypter en
plusieurs étapes.
Le code soft skills se résume en un mot qui en renferme d’autres. Il est un
code à plusieurs tiroirs. En vous rappelant ce code, comme vous vous
rappelez celui de votre carte bleue, vous aurez alors à votre disposition, à
chaque instant, un éventail d’outils précieux et opérationnels pour atteindre
les objectifs cités précédemment.
Le mot qui englobe et représente le code soft skills est le mot : « INÉDIT ».
Ce mot renferme plusieurs anagrammes en langue anglaise, et chacun
d’entre eux représente une partie du code. Voici ci-dessous une vue
d’ensemble du code soft skills et de ces différentes parties que nous
détaillerons ensuite.
Figure 14.1 – Le code soft skills (par Julien Bouret)

1re partie : la clé centrale du code : développez une attitude


inédite

L’élément central du code est le terme « INÉDIT » qui correspond au


caractère nouveau et non répétitif que chaque individu est en mesure
d’adopter, que ce soit en termes de pensées, d’émotions, de comportement,
de créations et de résultats. En vous entraînant à rester dans une attitude
inédite (et non « copiée »), vous activez votre singularité et vous vous
différenciez dans le monde professionnel. Vous devenez alors l’artiste de
votre aventure professionnelle. Cela peut paraître simple, mais en réalité
cela correspond à ce que l’on pourrait appeler un « hacking de notre
cerveau », dans la mesure où notre cerveau aime imiter, reproduire, copier,
et ce depuis notre plus tendre enfance.
C’est cette envie d’imiter nos parents qui nous a notamment permis
d’apprendre à marcher. Au quotidien, la plupart d’entre nous adoptons
plutôt une attitude de répétition, voire d’imitation, qu’une attitude inédite.
Nous avons nos habitudes et aimons nous y tenir. Elles nous rassurent et
correspondent à ce que l’on nomme notre zone de confort. Utiliser la
première partie centrale du code soft skills correspond à sortir de celle-ci.
On pourrait penser que sortir de sa zone de confort revient à s’en éloigner, à
se mettre en difficulté, et cela implique souvent une peur de l’inconnu. Mais
en réalité, nous allons voir que sortir de sa zone de confort revient à
l’élargir, et donc à augmenter votre degré d’aisance dans de multiples
contextes.

Précisions sur le terme « inédit »


La notion d’inédit est habituellement plutôt réservée au domaine artistique, littéraire, sportif ou
encore audiovisuel. Par définition, quelque chose d’inédit correspond dans le langage commun
à une œuvre qui n’a jamais été éditée, publiée ou projetée1. On peut aussi utiliser le terme par
exemple pour parler d’un auteur qui est inconnu et dont l’apparition nouvelle en fait un auteur
inédit. Nous pensons que vous êtes les artistes et auteurs de votre vie professionnelle (mais
aussi de votre vie personnelle), nous allons donc utiliser ce terme vous concernant.
Êtes-vous actuellement en mesure de créer de l’inédit ? Si vous deviez
passer un entretien d’embauche par exemple, quel(s) aspect(s) inédit(s)
pourriez-vous présenter à votre recruteur pour qu’il se souvienne de vous et
soit à même de vous différencier par rapport aux autres postulants ? Qu’est-
ce qui fait, dans votre attitude, dans vos idées, dans vos paroles, dans vos
gestes, dans vos envies, que vous « sortez du lot » ?
Si vous n’avez pas encore la réponse, fixez-vous comme objectif de
toujours avoir à votre disposition une facette inédite à présenter, que ce soit
à un recruteur, un manager, un collègue. L’inédit crée la surprise, et la
surprise facilite le fait que l’on se rappellera de vous. Les magiciens savent
bien cela, et utilisent ce principe comme règle d’or en ne refaisant jamais
deux fois de suite le même tour de magie. C’est par un tour inédit pour le
public qu’il parviendra à surprendre et à marquer les esprits. En devenant
quelqu’un d’inédit, vous augmenterez considérablement vos chances de
succès, mais vous marquerez aussi les esprits par votre singularité.

Exemple : Björn Borg


Il était inattendu à Wimbledon
Dans son ouvrage Champion dans la tête2, François Ducasse décrypte la psychologie des
champions qui ont marqué l’histoire du sport. Parmi les secrets qu’il délivre, celui-ci
explique que le véritable champion est celui qui parvient à mettre sa singularité au cœur
même de son sport. « Il faut partir de ses propres qualités pour trouver son propre style. Se
prendre suffisamment au sérieux pour avoir envie de découvrir ce qui dans sa personnalité
est authentique, fort, intéressant et original. » Il donne notamment l’exemple de Björn Borg
qui gagna pour la première fois Wimbledon à l’âge de 18 ans et à la grande surprise de tous
les pronostiqueurs. Borg n’avait a priori pas le jeu pour gagner Wimbledon, car il n’avait
pas une bonne volée et avait des gestes très amples, qui n’étaient apparemment pas
efficaces car trop lents sur la surface du gazon, la plus rapide au tennis. Borg a su
transformer son « apparente faiblesse » en force, et utiliser son jeu de défense pour
surprendre notamment ses adversaires par des passing shot inattendus. Il gagna cinq fois de
suite Wimbledon grâce à l’adoption d’un jeu inédit et surprenant pour ce type de surface.
Et vous, comment votre personnalité peut-elle être surprenante ? C’est à vous de répondre
à cette question. Rassurez-vous, le code soft skills vous y aidera.

Pour aller plus loin et de façon pratique, et pour que vous puissiez
expérimenter cette première partie du code que représente l’adoption d’une
attitude « INÉDITe » au quotidien, nous allons approfondir la soft skills de
la gestion du stress. Celle-ci représente un puissant levier et illustre bien par
ailleurs l’enjeu d’être inédit.
La gestion du stress

Si vous parvenez à ne plus subir votre propre stress, en étant capable de le


neutraliser à souhait, comme les différentes pratiques transmises dans cet
ouvrage peuvent vous le permettre, il sera beaucoup plus facile de déployer
un certain nombre d’autres soft skills.
Parmi ces soft skills, nous pouvons évoquer la communication. Votre
langage non verbal et paraverbal dans une bonne communication est d’une
grande importance, car il est facile d’observer de grandes variations dans
ces deux langages entre des états de stress et des états de sérénité. Votre
capacité à adopter un regard posé dans les yeux de vos interlocuteurs et à
avoir une élocution claire, simple et fluide, sera plus difficile à mobiliser si
vous êtes stressé que si vous êtes totalement serein(e). Et comme vous vous
en doutez, une communication fluide est très précieuse pour engager
d’autres soft skills telles que votre capacité à travailler en synergie avec
d’autres, votre gestion du temps, votre capacité à conduire une réunion, à
transmettre la confiance, ou encore plus simplement, à convaincre.
Comme nous l’avions approfondi dans notre ouvrage Le Réflexe soft skills,
toutes les soft skills sont interreliées, mais apprendre à gérer efficacement
son stress peut être clairement une priorité intéressante pour acquérir un
solide bagage.

Le stress : quelques faits


La plupart des situations de stress émergent par la création de scénarios mentaux « non-
inédits ». Si par exemple vous ressentez du stress en vue de la semaine suivante parce qu’elle
s’annonce chargée, que vous avez des réunions importantes, et une très grande quantité d’e-
mails à gérer, que se passe-t-il dans votre esprit ? Vous allez estimer, consciemment ou
inconsciemment, la façon dont vous pouvez faire face à cette charge de travail. Peut-être
qu’évaluer les ressources dont vous disposez ou pas, et en fonction de votre évaluation mentale
de la situation, déclenchera ou non du stress. D’après l’Agence européenne pour la santé et la
sécurité au travail, « un état de stress survient lorsqu’il y a déséquilibre entre la perception
qu’une personne a des contraintes que lui impose son environnement et la perception qu’elle a
de ses propres ressources pour y faire face ».
Si vous estimez ne pas pouvoir être à même de faire face aux contraintes de cette semaine à
venir, vous vivrez du stress. Si en revanche, vous pensez que les ressources dont vous disposez
peuvent permettre de faire face à vos contraintes du moment, il n’y a alors pas de déséquilibre,
et le stress n’a pas de raison d’apparaître.
La reproduction de scénarios « non-inédits » repose ici dans la manière dont vous évaluez votre
capacité à « faire face ». Cette évaluation reposera la plupart du temps sur des expériences
passées pour lesquelles vous avez réussi ou échoué dans votre capacité à faire face. C’est à
partir de ces expériences que votre cerveau a forgé son apprentissage. Tous les souvenirs
d’échecs et de réussite, et notamment les sentiments qui y sont liés, conditionnent la façon dont
vous évaluez votre capacité à évoluer sereinement au sein des situations futures. L’une des
raisons pour lesquelles les pratiques méditatives peuvent s’avérer très puissantes dans notre
agilité à gommer le stress et à créer de l’inédit, est qu’elles permettent de s’entraîner à revenir
dans l’instant présent, et dans l’instant présent uniquement. Cet entraînement invite, entre
autres, à ne pas laisser nos souvenirs remonter à la surface lorsque nous sommes face à un
enjeu, et notamment nos souvenirs désagréables.

Lorsque nous parvenons à rester suffisamment présents à nous-mêmes et à


la situation, il nous est plus facile d’activer un élan de confiance pour
aborder la situation sans être parasité par nos peurs et nos doutes en lien
avec nos expériences passées. C’est en cela que réside tout l’enjeu
d’adopter une attitude inédite. Cette attitude sera dépourvue du moindre
schéma préconçu, mais aussi de l’attente de résultats. Le lâcher-prise sur le
résultat escompté permet d’enlever le poids correspondant à la perspective
de l’échec, mais aussi de se concentrer pleinement sur la performance,
plutôt que sur l’issue de la performance. C’est d’ailleurs l’un des secrets des
sportifs de haut niveau pour gommer toute agitation émotionnelle : ils se
concentrent sur la performance présente qu’ils sont en train de créer (de
façon inédite), plutôt que sur l’issue de cette performance.
Ainsi, au lieu d’appréhender cette semaine difficile à venir, vous pouvez
tout simplement vous concentrer encore davantage sur chaque moment de
cette semaine, en étant le plus ancré possible dans l’instant présent. Afin de
donner plus de force à votre attitude inédite, vous pouvez par exemple
approcher une personne avec qui vous n’avez pas du tout l’habitude de
discuter. Ou encore, découvrir la musique d’un nouvel artiste. L’idée est de
sortir de votre cadre habituel, pour impulser en vous une nouvelle
expérience. Étant donné que beaucoup de situations stressantes en lien avec
votre travail correspondent à des scénarios qui ont tendance à se répéter ou
se ressembler, il est important de savoir impulser de la nouveauté dans votre
façon de vivre vos différentes périodes professionnelles.
Alors, si demain vous étiez amené à vivre une situation de stress, quelle
pensée inédite allez-vous adopter ?

2e partie : l’amélioration continue


La 2e partie du code, qui correspond à une première anagramme du terme
« INÉDIT » est l’expression anglaise « IN-EDIT » que nous pourrons
notamment traduire ici par « en cours de création » (le sens français
purement littéral de « in-edit » étant « en cours d’édition »). Cette deuxième
partie représente l’attitude dynamique de progression constante que nous
vous invitons à adopter. Il s’agit notamment pour vous de maintenir
constamment un ou plusieurs projets « en cours ». « Challenger » vos
propres projets vous permettra en effet de développer vos soft skills sur la
durée.
Cette partie du code correspond à l’état d’esprit d’amélioration continue.
Toute votre vie vous êtes en « formation continue ». Si vous gardez cela à
l’esprit, quels que soient les résultats et objectifs que vous souhaitez
obtenir, et quels que soient les échecs et difficultés que vous rencontrerez,
vous êtes en train de vous perfectionner. Si nous devions résumer cette
partie du code, nous pourrions dire que vous êtes toujours dans une phase
d’entraînement pour progresser. Ce type de regard sur le quotidien vous
permettra de transformer les difficultés en « expériences nécessaires » pour
renforcer vos compétences.
Pour prendre ici encore le parallèle des sportifs de haut niveau et des
mécanismes qui leur permettent d’atteindre leurs objectifs, nous citerons
cette phrase de François Ducasse : « Le principe de l’entraînement est de
provoquer des difficultés qui stimulent les aptitudes3 ». Lorsque vous avez
un ou plusieurs projets en cours, vous expérimentez vos soft skills, et vous
vous familiarisez, à chaque étape du projet, avec celles que vous possédez
le plus, ainsi que celles que vous possédez le moins.
Imaginons un recruteur qui vous demande, dans un entretien de
recrutement, « comment faites-vous pour cultiver vos soft skills ? ». (Nous
pensons à ce propos que dans les années à venir, de plus en plus de
recruteurs pourraient poser ce type de question dans leurs entretiens.)
Être en mesure de parler d’un projet en cours, un projet in-edit, et du type
d’aptitudes sur lesquelles ce projet vous challenge, telles que la créativité, la
persévérance, la résilience, la gestion du temps, sera un moyen très concret
pour démontrer au recruteur que vos soft skills sont en cours de
progression.
3e partie : faire face aux flux d’informations

La 3e partie du code soft skills réside dans les termes anglais « IN DIET ».
Sans vouloir vous parler de régime, le fait pour vous de savoir être « dans
un état d’esprit de diète », qui est notre traduction très personnelle de « in
diet », est lié notamment à la notion d’« infobésité » et d’hyperconnexion.
À l’ère de l’hyperconnexion, la capacité à prendre du recul et parfois de la
distance par rapport au flux permanent d’informations qui gravitent autour
de vous vous permettra de conserver votre lucidité et votre autonomie à
créer de l’inédit. Mais surtout, savoir être « in diet » représentera une
précieuse attitude pour renforcer votre capacité de concentration, votre
gestion des émotions et votre capacité à prendre du recul, ces soft skills
étant nettement fragilisées par le surplus d’informations auxquelles nous
sommes exposés chaque jour. Du point de vue de Jean-Philippe Lachaux,
directeur de recherche en neurosciences cognitives à l’Inserm, « ce ne sont
pas nos contemporains qui souffrent de problèmes de concentration, c’est la
masse d’information qui a brutalement explosé4 ».
L’état d’esprit « in diet » consistera donc, entre autres, à savoir vivre dans
un flux constant d’informations, sans perdre votre capacité à rester
concentré sur ce qui est véritablement important pour vous. Il vous faudra,
pour ce faire, savoir « couper » grâce à des moments de silence rien que
pour vous.
Pour évaluer à quel point vous êtes « in diet », essayez de ne pas prendre
votre téléphone portable lors de votre prochaine sortie, que ce soit pour aller
faire des courses par exemple, ou encore lors d’une petite balade. Est-ce
envisageable pour vous ? La question pourrait paraître provocatrice, mais
beaucoup d’entre nous sommes devenus dépendants de nos téléphones (ou
autres supports numériques), à tel point que le fait de l’oublier chez soi (ou
ailleurs) peut même devenir une hantise. Savoir laisser ce dernier de côté de
temps en temps n’est pas forcément si simple que cela, et pourtant, en vous
y essayant de temps à autres, vous pourriez peut-être y prendre goût.

S’accorder des temps de silence


Pour développer votre côté « in diet », nous vous recommandons donc de pratiquer
régulièrement, et si possible une fois par jour, des temps de silence où vous n’êtes pas dérangé.
Idéalement seul dans un endroit calme, nous vous invitons à couper votre téléphone ou à le
mettre en mode avion, et à vous contenter « d’écouter » le calme et le silence de votre esprit, et
surtout à vous laisser respirer. Que signifie « se laisser respirer » ? Cela signifie que votre
respiration est intelligente et que vous la laissez « s’installer » dans votre corps sans interférer
avec elle. Vous pouvez alors bénéficier d’une recharge d’énergie précieuse et inédite. Comme
l’explique Jeanne Siaud-Facchin, psychologue et psychothérapeute, « une profonde inspiration,
puis une profonde expiration inhibent 90 % de la production de noradrénaline, une des deux
principales hormones du stress5 ».

L’idée est d’apprendre à créer votre propre bulle de calme, de concentration


et de sérénité. Et l’un des secrets de la création de sa bulle réside dans votre
respiration. Comme le prônait il y a environ 2 000 ans Patanjali, que l’on
nomme comme le précurseur du yoga, la respiration est un baromètre de
notre état mental. Lorsque notre mental est agité ou embrouillé, nous ne
respirons pas de façon fluide et naturelle, mais plutôt de façon saccadée et
parfois avec une certaine tension. En revanche, si nous nous contentons
d’être juste présent à notre respiration, comme si nous étions les simples
spectateurs du va et vient « intelligent » de cette respiration qui s’installe de
plus en plus profondément dans tout notre corps, un apaisement naturel de
notre mental peut s’opérer.

FICHE PRATIQUE

Apprendre à créer sa bulle6


Pour débuter, nous vous recommandons de vous installer seul(e) dans un endroit calme où vous
ne serez pas dérangé(e). Vous pourrez bien sûr ensuite pratiquer où vous voulez.
De la même manière qu’une bulle de savon ne peut pas se former s’il n’y a pas de l’air à
l’intérieur, à vous de laisser votre bulle personnelle se créer naturellement en la laissant « se
remplir » d’air grâce à une observation impartiale et en silence de votre respiration. Laissez
votre bulle se créer sans interférer mentalement avec cette création. Soyez juste témoin de son
« remplissage d’air ». Si toutefois les pensées du quotidien reviennent au galop pendant ce
moment de calme, considérez-les comme de simples poussières ou nuages qui gravitent autour
de vous, laissez-les naviguer dans votre esprit telles qu’elles sont, sans leur donner suite, et
revenez sans effort à l’observation de votre bulle intérieure qui se remplit petit à petit. Ne
cherchez pas à ne penser à rien, car vos pensées font partie de votre vie. Si vous tentez de vous
en débarrasser, vous ne ferez que leur donner du poids, et elles finiront par encombrer votre
mental. Acceptez-les et revenez au pouvoir naturellement apaisant de votre respiration qui est
en train de remplir votre bulle.
Si vous vous sentez suffisamment apaisé, vous pouvez même imaginer que cette bulle vous
englobe, et qu’au sein de celle-ci, rien ni personne n’a le pouvoir de vous perturber. Profitez de
l’instant.

4e partie : penser hors du cadre

L’idée de la 4e partie du code soft skills réside dans une autre anagramme
du terme « INÉDIT ». Il s’agit de l’expression anglaise « DIE TIN » que
l’on pourrait traduire par « la mort de la boîte » (le terme « tin » signifiant
« petite boîte » en anglais). Le sens que nous donnons à cette expression est
le fait de pouvoir « sortir de la boîte », d’être « out of the box » comme le
diraient les Anglo-Saxons. Dit autrement, cette partie du code concerne
votre capacité à sortir des sentiers battus, mais aussi peut-être, cela
dépendra de vous, à être un travailleur indépendant des « boîtes ». L’enjeu
principal ici sera de veiller à ne pas créer de relation de dépendance par
rapport à une ou plusieurs entreprises. Ce ne sera plus alors vous qui aurez
besoin de l’entreprise, mais bien l’entreprise qui aura besoin de vous.
L’esprit « die tin » consiste donc à éviter d’enfermer sa pensée dans un
cadre, en apprenant à abolir celui-ci pour trouver des solutions inédites et
adaptées aux problèmes complexes. Pour faire référence à la fameuse
phrase d’Albert Einstein « On ne peut pas résoudre un problème à partir du
même système de pensée qui l’a engendré », l’enjeu sera ici de remettre les
compteurs à zéro sur la façon dont vous pourriez a priori résoudre un
problème ou encore générer des idées.
À la question : « Comment adopter la dynamique “die tin” ? », nous vous
présentons la technique du Point Zéro7.

FICHE PRATIQUE

La technique du point zéro


La technique du Point Zéro permet de stopper le bavardage mental qui parasite la concentration,
mais aussi et surtout de générer une attitude inédite. Elle consiste à viser régulièrement un point
de votre environnement immédiat en visualisant un petit zéro à la place de ce point. Si vous
travaillez sur un ordinateur avec une webcam intégrée, vous pouvez par exemple viser
régulièrement la lentille de votre webcam en pensant à un zéro. Symboliquement, le chiffre zéro
vous invite à repartir de zéro dans le fil de vos pensées. Il signifie que vous pouvez recréer un
nouveau fil de pensées, qui concerne bien entendu la tâche que vous voulez réaliser, ou une
autre chose d’ailleurs. Vous pouvez trouver un autre point de votre environnement immédiat que
vous pourrez viser en pensant au zéro. Le point zéro peut d’ailleurs être imaginaire et présent
uniquement dans votre esprit. Le principal est d’avoir le réflexe de remettre le plus souvent
possible votre mental au point zéro, en créant la pensée « zéro ». Une fois encore, il ne s’agit
pas de penser à rien, mais de penser au « zéro ». Ceci rejoint parfaitement la notion de bulle
évoquée dans le « in diet », puisqu’il peut avoir la forme d’une bulle. Le fait d’avoir le regard
porté sur ce « zéro » ou sur cette « bulle » imaginaire va orienter votre attention vers une
nouvelle intention vierge de toute pensée parasite.

La 5e partie du code soft skills : garder le calme

L’esprit de la 5e partie du code correspond à une autre anagramme en langue


anglaise de « INÉDIT », il s’agit de l’expression « TIE DIN » que l’on
pourrait traduire par « nouer le vacarme ». L’idée de cette partie du code est
de, lorsqu’il y a une agitation ou un conflit entre deux personnes par
exemple, viser en premier lieu à verrouiller toute forme d’agitation verbale,
physique ou même mentale. Pour un manager par exemple, il s’agira pour
résoudre un conflit, de veiller à limiter tout haussement de voix, en
maintenant un ton posé, confiant et apaisant. Le vacarme ou « agitation »
peut avoir un effet domino souvent incontrôlable, et donner lieu à des
colères, rancœurs, tensions qui ne sont bien sûr pas souhaitées au sein d’une
équipe. Un des autres enjeux de « tie din » se trouve sur un plan plus
personnel et rejoint d’autres points que nous avons évoqués. Il consiste à
maintenir un calme mental en « nouant » tout début d’agitation de la
pensée. La plupart du stress vécu en entreprise, qui, nous le rappelons est un
frein à la mobilisation de ses soft skills, naît de bavardages de pensées qui
peuvent évoluer en spirales incontrôlables. Savoir nouer rapidement ce
vacarme mental est une compétence précieuse qui peut s’acquérir par des
réflexes simples. L’un d’entre eux consiste à porter pendant quelques
minutes son attention sans effort sur le simple va et vient de sa respiration.
Pour aller plus loin, nous allons vous présenter ici une autre pratique qui
permet de « nouer le vacarme » et que l’on peut appliquer aussi bien sur le
plan personnel que sur le plan interpersonnel. Que vous soyez témoin
d’agitations et peut-être même de tensions entre plusieurs personnes, ou
témoin de votre propre agitation intérieure, nous vous invitons à pratiquer
ce que nous pourrions appeler un « arrêt intérieur8 ». Pour citer une
nouvelle fois Patanjali, « Le yoga est l’arrêt de l’activité automatique du
mental ». Lorsque nous observons par exemple deux personnes en train
d’entretenir un échange tendu, un réflexe naturel pourrait être de prendre
parti pour l’une des deux, ne serait-ce qu’intérieurement. En référence aux
neurones miroirs (dont nous exposons le principe dans le chapitre 7 dédié à
l’intelligence émotionnelle), notre tendance à reproduire (ou à vouloir
reproduire) ce que l’on observe de façon mimétique, peut nous inviter à
nous positionner comme si nous étions l’une des deux personnes observées.
Sans prendre de recul, notre cerveau aura tendance à vouloir se faire lui-
même un point de vue sur le sujet à l’origine de la tension. C’est ce que l’on
appellerait communément une réaction. Mais dans le but de « nouer le
vacarme », ou dit autrement, de calmer le jeu, il peut être intéressant, plutôt
que de réagir, de s’arrêter un court instant pour « prendre de la hauteur ».

FICHE PRATIQUE

Le yoga de l’arrêt9
Lorsque vous ressentez le besoin de nouer le vacarme, « arrêtez-vous mentalement » dans
l’instant présent. Ne réagissez pas. Cessez de donner suite à votre activité mentale, en vous
unissant avec le calme naturel de votre esprit. Ce calme est en réalité déjà présent en vous, il
existe déjà en profondeur. La surface de votre esprit peut être agitée, mais en profondeur celui-
ci est calme. Vous pouvez d’ailleurs goûter ce calme déjà présent un court instant le matin, juste
après la sonnerie de votre réveil, et juste avant de vous lancer mentalement dans la journée qui
arrive. Il correspond à l’« intersection » qui existe entre vos différentes agitations, qu’elles
soient mentales et/ou physiques. Cela peut paraître difficile à concevoir, mais en réalité, vous
êtes déjà dans un état de calme intérieur, sauf lorsque vous l’oubliez. Pour contacter
immédiatement ce calme, nous vous recommandons de vous concentrer sans effort sur l’espace
qui sépare l’inspiration de l’expiration. Nous allons ici observer plus précisément la respiration,
en orientant particulièrement notre attention sur les « petits espaces » qui séparent nos divers
mouvements respiratoires. Patanjali disait que « ce qui nous tourmente, c’est tout ce qui nous
encombre, ce qui étouffe en nous la joie qui naît de l’adhésion au moment présent ». Il s’agit
d’adhérer à l’instant présent et à l’accueillir, sans vous arrêter de respirer bien entendu, mais en
marquant une forme d’arrêt intérieur lorsque vous avez fini d’inspirer, ou bien lorsque vous
avez terminé d’expirer l’air présent dans vos poumons. Sans réagir mentalement à ce qui
survient dans cet instant présent, comme si vous arrêtiez le temps, vous développerez et
activerez plus facilement votre intuition sur l’attitude la mieux adaptée à la situation du
moment. C’est cette attitude, cet arrêt qui pourra être approfondi encore et encore, qui permet
de nouer l’éventuel « bruit » mental qui naît de la réaction dont nous parlions précédemment.
En résumé, gardez à l’esprit le plus souvent possible que les tensions ne
sont pas présentes dans votre état naturel. L’espace qui sépare l’inspiration
de l’expiration vous le rappelle. Sans vous arrêter de respirer, ces temps
d’arrêt, pratiqués régulièrement, vous permettront de retrouver un calme
déjà présent. Unissez-vous mentalement au calme naturel qui peut exister
entre deux pensées, entre deux sensations, entre deux gestes ou actions,
entre deux intentions. C’est cet espace qui peut vous permettre d’adopter la
posture adéquate pour soi, trouver les mots justes et l’attitude qui vont
permettre de calmer votre propre « vacarme » intérieur.

6e partie : l’intention

La 6e partie du code, toujours issue d’une anagramme de « INÉDIT »


correspond à la phrase anglaise « I END IT » qui signifie en français : « je
termine cela ». Cette partie du code correspond à aller jusqu’au bout de vos
intentions, notamment dans la répartition de vos tâches quotidiennes. Savoir
faire preuve de ténacité et de confiance en vous pour mener à bien vos
projets en respectant l’agencement des différentes actions prévues,
correspond à cette partie du code.
L’objectif principal de cette partie du code est surtout d’éviter la tentation
du multitasking dont nous avons parlé dans le chapitre sur l’infobésité et
l’hyperconnexion. Avant de vouloir changer de tâche, assurez-vous, non pas
d’avoir obligatoirement terminé votre tâche du moment, mais d’avoir été
fidèle à l’intention qui était la vôtre dans une plage horaire dédiée.
« I end it » vous rappelle de ne pas superposer vos intentions, de
véritablement organiser vos journées en segment d’intentions, et d’aller
jusqu’au bout de votre intention pendant le temps que vous lui avez imparti.
Par exemple, si de 10 h 30 à 11 h, vous avez prévu de gérer vos e-mails,
alors ne répondez pas au téléphone si celui-ci sonne. Terminez votre
intention du moment. Votre cerveau vous en remerciera, et vous gagnerez
du temps puisque vous n’aurez pas à imposer un « jonglage imprévu » à
votre capacité d’attention. Si par ailleurs, alors que vous êtes pleinement
immergé dans la préparation d’une réunion, l’un de vos collègues vient
vous solliciter pour une petite aide, expliquez-lui en toute bienveillance que
vous reviendrez vers lui dès que vous aurez terminé ce que vous êtes en
train de faire. Rappelez-vous que le fait de céder à la tentation du
multitasking équivaut à une perte certaine de temps, mais aussi de
productivité et de concentration. Vous terminerez vos journées beaucoup
plus fatigué en ayant fait du multitasking. En effet, votre sommeil risque
d’être plus agité, et au final vous serez moins productifs (car moins reposé)
le lendemain. En résumé, si faire du multitasking peut en apparence
solutionner les problématiques de court terme, cette attitude sera clairement
désavantageuse sur de nombreux plans sur le long terme.
« I end it » représente aussi l’idée d’aller jusqu’au bout de ses envies, de
croire en ses rêves et de ne pas les enfouir dans votre mémoire. Un obstacle
se met en travers de votre route lors d’un projet ? Ne paniquez pas, ils sont
toujours riches d’enseignement pour consolider, nuancer ou ajuster la
tournure de votre projet. Vous aviez un rêve mais vous vous apercevez que
celui-ci peut s’avérer difficile à réaliser ? Ne le mettez pas à la poubelle,
gardez-le dans un coin de votre tête, inscrivez-le sur un carnet, le temps et
les opportunités de la vie vous permettront certainement d’y resonger
sérieusement lorsque le moment sera venu.
Si vous échouez sur une étape du chemin qui vous mènera à votre objectif,
dites-vous bien que l’échec n’est qu’une expérience qui ne fera que
consolider votre apprentissage.

Exemple : Thomas Edison


Dans son ouvrage Les Vertus de l’échec, Charles Pépin nous expose l’anecdote suivante à
propos de Thomas Edison : « Thomas Edison a échoué tant de fois avant d’inventer
l’ampoule électrique qu’un de ses collaborateurs lui a demandé comment il pouvait
supporter autant d’échecs, “des milliers d’échecs”. “Je n’ai pas échoué des milliers de fois,
j’ai réussi des milliers de tentatives qui n’ont pas fonctionné”, a répondu l’inventeur.
Thomas Edison savait qu’un scientifique n’apprend qu’en se trompant, chaque erreur
rectifiée est un pas de plus vers la vérité10 ».
Lorsque l’on cultive ses soft skills au quotidien, l’échec devient un état d’esprit qui peut
être remplacé par un autre état d’esprit, celui de considérer chaque expérience de vie
comme terreau d’amélioration continue.
7e partie : l’identité numérique

La 7e et dernière partie du code soft skills, toujours issue d’une anagramme


de « INÉDIT » comporte trois notions : « NET », « I » et « ID ».
Le terme « net », signifiant « réseau », correspond tout simplement à
Internet. Le terme « I » qui signifie « je », correspondra à vous, votre
personne. Le terme « ID » qui traduit l’expression française « carte
d’identité » correspondra à votre identité. Les trois termes regroupés « net –
I – ID » représentent « votre identité au sein du réseau Internet ».
Lorsque nous parlons du réseau Internet, le « net-I-ID » correspond à la
façon dont vous faites évoluer votre identité personnelle et professionnelle
sur Internet. Il peut être assimilé à ce que l’on nomme votre e-réputation, ou
autrement dit, votre marque personnelle en ligne. Il correspond à
l’ensemble des informations que l’on peut trouver vous concernant, et qui
permettent d’une certaine façon de vous définir. Nous pouvons aussi
nommer cela votre identité numérique. À l’ère des multiples
transformations du monde du travail, avoir une véritable identité numérique
est une clé de visibilité professionnelle.

Exemple : LinkedIn
Sans intention particulière de notre part de faire de la publicité pour le célèbre réseau social
professionnel LinkedIn, mais pour prendre un exemple d’aujourd’hui, ne pas avoir de
profil LinkedIn équivaut tout simplement à diminuer considérablement ses chances d’être
employable. Pourquoi ? Tout d’abord parce que c’est un réseau professionnel où sont
présents de nombreux recruteurs, mais aussi parce qu’au-delà de l’utilisation du réseau en
lui-même, LinkedIn est très bien référencé sur les moteurs de recherche. Aussi, lorsque
l’on cherchera votre nom sur un moteur de recherche, on tombera facilement sur votre
profil LinkedIn, et il sera donc beaucoup plus facile d’obtenir des informations mises à jour
et structurées vous concernant.

Surfer sur la transformation du monde du travail consiste aussi à utiliser les


outils de cette transformation. Les réseaux sociaux permettent de
communiquer et de « se communiquer » d’une façon nouvelle et inédite.
Nous en revenons à la notion d’inédit. À vous de modeler ce « vous
numérique » comme vous l’entendez. L’enjeu sera bien entendu pour vous
de veiller sur ces informations, pour maîtriser votre identité sur Internet,
mais surtout, et si vous en comprenez les enjeux, à actualiser et enrichir ces
informations.
Figure 14.2 – Le code Soft Skills (par Julien Bouret)

L’ESSENTIEL
+ Chaque partie du code soft skills, représentée par les diverses anagrammes de « INÉDIT »
présente une des facettes de votre capacité à déployer votre singularité dans votre vie
professionnelle. À l’aide des différentes parties du code, tentez de trouver au moins une
attitude, une action, un projet, un réflexe ou un autre aspect personnel ou professionnel
vous concernant qui s’inscrit dans chacune de ces parties.

+ Peut-être aurez-vous compris que le plus important n’est pas de respecter ce code en
particulier. Peut-être aurez-vous compris que l’application de ce code ne serait pas une
attitude inédite, car d’autres lecteurs de cet ouvrage pourraient l’appliquer. À vous donc,
si vous le souhaitez, de créer votre propre code soft skills, celui qui vous correspond,
celui qui vous permettra de déployer votre propre singularité, celui peut-être que vous et
vous seul(e) connaîtrez.
PARTIE 5
REPROGRAMMEZ VOTRE
MÉTIER EN 4 ÉTAPES
« Commencez par changer en vous ce que vous voulez changer autour
de vous. »
Gandhi

La vague du changement dans le monde de l’entreprise et de l’emploi est bien là. Et généralement,
une vague ne vient pas seule, au plus grand plaisir des surfeurs !
Deux options s’offrent à nous face à ces vagues :
– attendre et rester passif, ayant ainsi pour conséquence de les prendre de plein fouet ;
– être proactif et surfer, avec comme résultat d’avancer en harmonie avec elles.
Nous n’avons pas le pouvoir d’arrêter ces vagues, en revanche nous avons le pouvoir de choisir notre
attitude et les actions pour nous y adapter.
C’est en ce sens que les soft skills apportent une valeur ajoutée immense : elles sont les ressources
vous permettant de surfer sur ces changements.
Dans cette partie, vous découvrirez quatre étapes opérationnelles pour relever les défis de votre
métier grâce à vos soft skills.
CHAPITRE 15

Les soft skills et votre avenir


professionnel

Executive summary
• Chaque personne possède un capital soft skills qu’elle a développé au fil de temps.
Souvent inconscientes, ces soft skills permettent de faire la différence.
• Si vous souhaitez aller encore plus loin, il est important de réfléchir plus
consciemment aux compétences que vous avez pu capitaliser tout au long de votre
carrière pour pouvoir les activer plus rapidement et efficacement.
• Pour passer au niveau supérieur, il vous sera également utile de mieux connaître vos
axes d’amélioration pour développer les soft skills qui vous font encore défaut et qui
pourtant vous permettront d’exceller dans votre métier.
VOTRE NIVEAU D’EXPÉRIENCE ET VOS SOFT
SKILLS
« Connaissez-vous la différence entre l’éducation et l’expérience ?
L’éducation, c’est quand vous lisez tous les alinéas d’un contrat.
L’expérience, c’est ce qui vous arrive quand vous ne le faites pas. »
Pete Seeger

Une personne qui n’aura pas mis en application ou expérimenté une


connaissance n’aura pas le même niveau de maîtrise qu’une personne qui a
implémenté le savoir acquis. C’est en ce sens que nous parlons
d’expérience : c’est la maîtrise d’une compétence ou d’un savoir par la
pratique.
Chaque action est source d’apprentissage et de développement de
compétences. Réaliser une présentation en réunion est une expérience de
prise de parole en public. Partager sa passion à un ami est une expérience de
communication orale. Trouver une solution à une situation stressante est
une expérience de gestion des émotions et de résolution de problème. C’est
en ce sens que les soft skills ont un lien intrinsèque avec les expériences :
chaque action permet de les mobiliser et de les développer.
Les soft skills composent donc votre capital d’expériences et de
compétences comportementales. Vous pouvez les valoriser grâce à vos
expériences passées et actuelles.
Vous pouvez aussi développer naturellement vos soft skills par des défis
réguliers. C’est ce que fait l’entrepreneur Thomas Jeanneau qui partage
avec nous son témoignage en la manière.

« Peu de choses sont impossibles à qui est assidu et compétent… Les grandes œuvres jaillissent
non de la force mais de la persévérance. »
Samuel Johnson

AVIS D’EXPERT
Thomas Jeanneau, fondateur de empathie.io
COMMENT DÉVELOPPER SES SOFT SKILLS
DANS SON QUOTIDIEN ?
« Je dirais que les soft skills sont des compétences humaines transversales et “non-
automatisables”, contrairement aux hard skills, qui reposent sur des actions concrètes,
délégables, dont les besoins changent rapidement à notre époque.
C’est ainsi que l’intelligence émotionnelle, relationnelle et l’intuition, par exemple, permettent
aux personnes de s’adapter dans un monde où des métiers apparaissent et d’autres disparaissent.
Ces nouveaux métiers accordent par ailleurs plus d’importance à l’humain et à sa personnalité,
ce qui commence à être de plus en plus demandé dans certains entretiens d’embauche.
Alors, comment développer mes soft skills par le biais d’expériences concrètes ?
Pour moi, c’est un processus naturel : quand je me fixe un objectif, je réfléchis à comment je
peux y arriver. Je me rends alors rapidement compte que les hard skills ne suffisent pas.
Quand je prends du recul sur ma manière de travailler, je me rends compte que les soft skills
sont à la base de la prise de décision, canalisant ainsi l’action.
Elles font partie intégrante de ce processus, et sont donc indissociables des expériences
professionnelles vécues.
Je me crée des situations dans lesquelles mes soft skills peuvent s’exprimer naturellement, leur
développement devient alors une conséquence de mes expériences. »

Les propos de cet entretien ont été recueillis par Jérôme Hoarau.

EXERCICE 1

Vos expériences soft skills


Cet exercice1 est composé de trois phases :
A. Capitaliser sur les expériences vécues ;
B. Identifier les soft skills de prédilection et celles à muscler ;
C. Construire un programme d’entraînement.

A. Capitaliser sur les expériences vécues


Pour cette première phase, remplissez un tableau pour faire un état des lieux des soft skills que
vous avez pu développer jusqu’à maintenant.
○ Listez les différentes activités significatives qui vous ont aidé à forger votre caractère ou
vos différentes compétences comportementales dans la colonne « expériences ».
○ Attribuez ensuite à chacune de ces expériences les soft skills qui vous ont aidé à relever le
défi auquel vous avez fait face, dans la colonne « capitalisées ».
○ Listez enfin, pour chacune des situations, les soft skills qui vous auraient aidé mais que
vous n’avez pas pu mobiliser à ce moment-là, dans la colonne « à développer ».
Voici un exemple de tableau rempli (de manière non-exhaustive) :

EXPÉRIENCES CAPITALISÉES À DÉVELOPPER

Animation d’une Créativité, motivation,


Gestion du stress
conférence adaptabilité

Organisation d’un
Organisation, empathie Prise de décision
congrès

Maintenant à vous ! Dessinez ce tableau sur une page A4 et remplissez-le !

EXPÉRIENCES CAPITALISÉES À DÉVELOPPER

B. Identifier les soft skills de prédilection et celles à muscler


Grâce à la colonne « Capitalisées », vous avez pu identifier vos forces, vos soft skills de
prédilection, celles que vous pouvez activer plus facilement et rapidement en situation difficile.
Vous pouvez les regrouper et les classer par importance. Une soft skill qui apparaîtra à quatre
reprises dans cette colonne aura plus d’importance qu’une soft skill qui n’y apparaîtra que deux
fois.
Une fois le classement fait, retenez-en le Top 3.
Procédez maintenant de la même manière pour vos soft skills « à développer », celles qui vous
auraient été utiles et que vous n’avez pas pu activer à l’époque.
Identifiez votre Top 3. Ce seront votre priorité dans votre programme d’entraînement !

C. Construire un programme d’entraînement


Pour chacune des soft skills de vos deux Top 3, choisissez une activité spécifique à réaliser avec
régularité et dans la durée, pour la faire évoluer.
Par exemple, afin de développer votre niveau d’organisation, vous pouvez vous entraîner tous
les trois jours à remettre de l’ordre dans vos prises de notes pendant 60 jours. Si vous souhaitez
mieux gérer votre stress, vous pouvez pratiquer quotidiennement des exercices de relaxation
pendant 90 jours.
Vous comprenez le principe : il s’agit d’activer régulièrement une soft skill pendant une durée
minimum de 30 jours pour la développer.
Cet exercice reposant sur trois étapes vous a permis de mieux identifier vos forces, de prendre
conscience de vos axes d’amélioration et de les développer de manière durable, et tout cela à
travers des activités et des expériences précises !

VOTRE CV ET VOS SOFT SKILLS

Les soft skills font partie des compétences incontournables à mettre en


avant sur son profil professionnel. Mais comment s’y prendre ? Est-ce dans
le CV ? Dans la lettre de motivation ?
Voici le point de vue d’une entrepreneure qui a intégré la gestion des soft
skills dans l’ADN de son entreprise.

AVIS D’EXPERTE
Frédérique Montrésor, fondatrice de l’agence Bleu Ebène

COMMENT SÉLECTIONNEZ-VOUS UN CV GRÂCE


AUX SOFT SKILLS ?
« Je ne demande pas le CV pour un recrutement car je trouve que cela n’est pas utile. Je dois
savoir si la personne peut s’intégrer à l’équipe. A-t-elle les mêmes valeurs ? Ou des capacités
qui sont en dehors du CV (car pas toujours conscientes) ?
Pour moi, ce qui est le plus important sont ces compétences hors CV, les soft skills. »

COMMENT LES IDENTIFIER CHEZ LES PERSONNES ?


« En faisant parler les personnes de leurs expériences. Elles peuvent donner un contexte
concret, autour des moments difficiles notamment.
Par exemple, un chef marketing pourrait expliquer qu’il avait une idée, qu’il a hésité mais au
final son idée a permis de faire gagner beaucoup de temps, même s’il n’est pas dans le
management de son entreprise. Et cela n’apparaît pas dans le CV ! Alors que c’est une capacité
très importante de son profil.
Et quand ils sont en groupe, les candidats interviennent mais pas forcément sur leurs métiers.
Par exemple, un développeur qui fait de la trésorerie (alors que ce n’est pas noté sur le CV).
Cela débloque beaucoup de situations en faisant émerger des initiatives improbables.
Chez Bleu Ebène, chaque freelance dédie quatre heures de son temps par mois à des actions
valorisant le collectif, à travers des appels d’offres internes où chacun peut se positionner sur
une mission pendant un an, quels que soient son métier et ses hard skills.
Les soft skills nous permettent donc de faire ce que l’on veut vraiment, faire ce que l’on aime
(avec l’indicateur plaisir). »

COMMENT IDENTIFIEZ-VOUS LES SOFT SKILLS


QU’IL FAUT POUR UNE MISSION OU UN POSTE ?
« C’est au feeling, je connais chaque personne individuellement pour mieux leur affecter les
missions. Je vois déjà, dès l’entretien avec le client, l’équipe se former au fur et à mesure que je
comprends la mission. Ce sont les soft skills qui sont prépondérantes, que ce soit pour une
mission ou même pour manager mon équipe. »

COMMENT UTILISEZ-VOUS VOS SOFT SKILLS EN TANT


QUE MANAGEUSE/ENTREPRENEURE ?
« Je me fie beaucoup à mon ressenti.
Avant je me basais sur les CV, mais je me suis trompée deux fois. À partir de la troisième, j’ai
décidé de suivre mon instinct.
Je fais vraiment attention à mes ressentis et à ceux de mon équipe (via le langage non verbal).
Par exemple, savoir ce qui leur plaît ou pas, pour renforcer l’équipe, pour renforcer les liens
entre eux. Ils n’ont jamais eu l’occasion de travailler comme ça auparavant. Travailler dans le
plaisir rend plus performant et augmente le niveau de bien-être collectif. »

QUEL EST L’AVENIR DES SOFT SKILLS SELON VOUS ?


« Selon moi, une nouvelle forme de management émerge avec une dimension “Soft skills” plus
grande.
Ce style de management rendrait les managers plus conscients qu’il n’y a pas besoin de
“diriger” une équipe, pas besoin de pression, pas besoin de chef, et qu’il suffit juste de donner
l’impulsion pour que la personne travaille dans le bon sens. Grâce aux soft skills, ils sont plus
autonomes et n’ont pas besoin du bâton et de la carotte, car leurs collaborateurs trouvent leur
proactivité interne.
Vous créez l’environnement propice pour que chacun soit responsable en donnant un cap, une
vision à toute l’équipe (qui fédère) avec l’envie de s’améliorer. »

Les propos de cet entretien ont été recueillis par Jérôme Hoarau.

Comme vous pouvez le voir dans ce témoignage, la dimension des soft


skills dans une carrière peut être une philosophie venant directement de la
direction ou d’un manager. Dans ce cas, vous aurez une impulsion naturelle
à mettre en avant et à déployer vos soft skills.
Néanmoins, il reste pertinent d’être proactif en la matière et de réussir à
capitaliser sur vos soft skills dès maintenant. Voici un exercice2, assez
proche de celui proposé dans le point précédent, pour capitaliser sur vos
soft skills dans le cadre de votre métier.

« La vocation, c’est avoir pour métier sa passion. »


Stendhal

EXERCICE 2

Le décodage de vos soft skills dans votre métier


Les soft skills de votre métier sont intrinsèquement liées aux tâches que vous réalisez. En effet,
ces compétences sont contextuelles, elles s’expriment à travers des situations et des actions
précises.
Voici la démarche que nous vous proposons pour décoder les soft skills nécessaires à votre
métier :
○ listez les tâches de votre quotidien professionnel ;
○ identifiez la soft skill prépondérante pour cette tâche ;
○ attribuez un niveau de maîtrise de la soft skill sur une échelle de 1 à 10 (1 = faible ; 10
= excellent).
Voici un tableau pour faciliter la représentation visuelle des soft skills de votre métier.

TÂCHES SOFT SKILL NIVEAU

Créer un programme
savoir structurer 9
pédagogique

Négocier une prestation empathie 7

Résoudre des problèmes gestion des émotions 8,5

Animer une réunion oralité 9

Créer un modèle économique vision 7,5

Réaliser une vidéo créativité 6,5


Vous pouvez même aller plus loin en représentant à travers un graphique en toile d’araignée vos
soft skills ! Voici un exemple ci-dessous.

Ce graphique et ce tableau peuvent vous servir pour illustrer de manière visuelle et contextuelle
vos soft skills. N’hésitez donc pas à mettre ces deux éléments en annexe de votre candidature
lorsque vous postulez à une place ou que vous souhaitez appuyer votre profil pour une
promotion interne.
Vous pouvez également vous appuyer sur le retour de vos collègues pour choisir le niveau de
maîtrise que vous pensez être le plus juste. Pour ce faire, envoyez tout simplement votre tableau
avec les deux premières colonnes remplies en demandant à vos collègues de remplir la dernière.
Ce retour externe pourrait être un bon indicateur pour vous, afin de voir comment vous vous
percevez par rapport à comment vous perçoivent les autres.

L’ESSENTIEL
+ Vous avez déjà beaucoup de soft skills en vous, il suffit d’observer les expériences que vous
avez vécues pour en prendre conscience !

+ Capitalisez sur les expériences passées pour valoriser votre capital soft skills.
+ Identifiez les soft skills de votre métier pour choisir lesquelles vous allez développer en
priorité pour devenir plus performant.

+ Si vous avez un poste de management, intégrez en amont une vision soft skills de votre
équipe afin de partager de manière la plus pertinente possible les tâches et les missions.
CHAPITRE 16

Étape 1 : visualiser

Executive summary
• La visualisation correspond à une première étape essentielle pour reprogrammer
votre métier. Elle est un préalable à l’action.
• Vous découvrirez dans ce chapitre que la visualisation peut transformer votre
quotidien, et que vous l’avez déjà certainement pratiquée sans le savoir.
• Grâce à un entraînement simple et accessible, nous vous exposerons une façon de
pratiquer la visualisation pour projeter la prise en main de votre aventure professionnelle
et optimiser votre gestion du temps.
LA VISUALISATION, PRÉALABLE À L’ACTION

Une pratique avant l’action

Grand secret des sportifs de haut niveau, mais aussi des pilotes d’avion de
chasse, des chefs cuisinier ou encore des parachutistes, la visualisation est
une discipline puissante pour préparer le futur, mais aussi pour activer des
sensations inédites. Très complémentaire à la méditation, qui a
généralement pour effet d’apaiser le mental, la visualisation est une
projection mentale consciente du scénario que l’on souhaite vivre. Elle est
un préalable puissant pour effectuer correctement l’action (ou les actions)
que l’on souhaite accomplir.
Il vous est certainement déjà arrivé de saliver uniquement en imaginant
votre plat préféré. Pour le cerveau, imaginer une situation c’est déjà être en
train de la vivre. Lorsque vous imaginez un plat délicieux, votre cerveau
impulse dans votre corps des influx nerveux qui impactent en temps réel
celui-ci. Imaginez sincèrement et intensivement que vous avez froid et il y
des chances que vous puissiez ressentir un frisson qui traverse votre corps.
Selon l’intensité et la précision avec laquelle vous visualisez un scénario
qui vous concerne, les répercussions sur votre corps s’en feront plus ou
moins ressentir.

Exemple : Un atout pour les sportifs


Selon des études récentes, et notamment celle de Collet et Guillot en 2010, le simple fait de
visualiser un mouvement fait gagner presque autant de force que le fait de l’effectuer
réellement. Beaucoup de sportifs blessés pratiquent d’ailleurs la visualisation pour
continuer à se muscler et à s’entraîner. Jack Nicklaus, golfeur mondialement connu,
attribuait 10 % de sa réussite à sa forme physique, 40 % à sa technique et 50 % à la
visualisation de ses coups (trajectoire de la balle, réception, rebond…).
Afin d’être en mesure de reprogrammer votre métier et de le projeter dans le futur,
pratiquer la visualisation peut être une excellente première étape. Pourquoi ? Car nous
pouvons assimiler cette pratique au fait de réaliser un « brouillon du futur ». En effet,
mentalement, il vous est possible d’imaginer le futur que vous voudriez vivre au point de
ressentir les sensations que vous procure le scénario que vous êtes en train de projeter. Et il
se trouve que ce sont ces mêmes sensations que nous allons utiliser pour valider cette
première étape de la reprogrammation de votre métier.
Si par exemple vous ressentez du stress lorsque vous imaginez votre futur
professionnel d’ici un à deux ans, c’est un bon indicateur de la nécessité
d’ajuster ou de modifier certains paramètres de ce plan.

Exemple : Le stress
Vous avez peut-être déjà remarqué que la plupart des situations de stress sont dues à une
forme de visualisation particulière où vous estimez, souvent inconsciemment, ne pas
pouvoir faire face à telle ou telle situation. L’enjeu de la visualisation dans le cadre de votre
futur métier consiste donc à utiliser cette pratique consciemment au point de transformer
les sensations peu agréables (telles que le stress), en sensations beaucoup plus agréables. Il
vous faudra pour cela vous entraîner à envisager systématiquement des scénarios positifs
quant à l’issue des situations auxquelles vous faites face et qui peuvent vous déstabiliser.
Au quotidien et dans le rythme professionnel soutenu que vous pouvez être amené à vivre,
il est compliqué de pratiquer des visualisations conscientes de scénarios idéals que l’on
aimerait vivre. Il faudra donc, au départ, privilégier le fait de vous isoler dans un endroit
calme où vous ne serez pas dérangé pour pratiquer la visualisation.

FICHE PRATIQUE

Entraîner la visualisation au quotidien


Voici quelques recommandations1 pour pratiquer la visualisation dans votre quotidien.
○ Pour commencer la pratique, asseyez-vous confortablement, avec la colonne vertébrale
bien droite, au cas où vous seriez tenté de vous endormir. Pour débuter votre séance de
visualisation, il est recommandé d’effectuer une petite méditation. Comme nous l’avions
exposé dans Le Réflexe soft skills2, la méditation mérite par ailleurs d’être pratiquée
régulièrement, pour justement entraîner cette capacité à calmer le mental, que l’on peut
assimiler à un petit commentateur intérieur.
○ Voici une petite méditation simple que vous pouvez d’ailleurs effectuer à d’autres moments
de la journée. Confortablement assis, le dos bien droit, contentez-vous de porter votre
attention sur le simple va et vient de votre respiration pendant quelques minutes. Vous
aurez, au départ, plus de facilité à effectuer l’exercice les yeux fermés. Contentez-vous
d’être le simple spectateur des sensations que vous procure le fait de respirer, comme si
vous étiez en train de découvrir votre respiration pour la première fois. Sans chercher à
modifier votre respiration, laissez-la simplement s’installer, sans juger ni tenter
d’interpréter ce que vous êtes en train de vivre. Prenez par exemple conscience de son
rythme, de son bruit (même si celui-ci est subtil), de sa profondeur.
○ Si toutefois des pensées qui ne sont pas en rapport avec votre respiration vous viennent, ce
n’est pas grave, laissez-les venir et repartir sans leur donner suite, et réorientez sans effort
votre attention sur votre souffle. Si ces pensées persistent, ne résistez pas, et considérez-les
comme de simples nuages qui vont et qui viennent, et revenez une nouvelle fois à la
sensation du souffle qui parcourt votre corps. Plus vous prendrez de temps pour effectuer
cette première étape méditative (quelques minutes peuvent suffire), plus il vous sera aisé
de poursuivre avec une visualisation.
○ Il est en effet plus facile d’imaginer les scénarios mentaux souhaités avec un esprit calme et
apaisé. Après votre phase de méditation et les quelques minutes d’observation impartiale
des sensations que vous procure votre respiration, les yeux fermés, imaginez-vous dans un
état de sérénité et de bien-être imperturbable. Vous pouvez pour vous aider vous imaginer
dans un lieu très agréable que vous connaissez bien et pour lequel il vous est facile d’y
associer un état de bien-être. Cela peut être au bord d’une plage ou d’une piscine par
exemple, ou encore dans un parc ensoleillé où la température extérieure y est parfaite.
Tentez d’imaginer que tout votre corps est plongé dans cet état de détente et de lâcher-
prise. Cet état, peut-être ne l’avez-vous jamais connu, mais vous avez tout de même le
droit dès à présent de l’imaginer, au point peut-être de commencer à ressentir les
sensations de ce « nouveau vous ». C’est ce nouveau vous, totalement serein qui va vous
inspirer pour l’évolution de votre métier.
○ Dans cet état de calme et de sérénité, si toutefois vous aviez une baguette magique pour
faire évoluer votre métier comme vous l’entendez, à quoi ressemblerait-il ? Quelles
seraient ses caractéristiques, ses évolutions que ce soit par exemple en termes
d’environnement, de méthode de travail, ou encore de type d’interlocuteurs qui vous
entoureraient pour exercer vos fonctions ?
○ Laissez libre cours à votre imagination tout en maintenant cet idéal d’un nouveau vous qui
évolue très sereinement dans ce nouvel environnement professionnel. Cultivez l’intention
de créer un scénario idéal pour vous, dès à présent. Si des peurs apparaissent pendant cet
exercice, gardez à l’esprit que vous êtes justement en plein exercice, et que vos peurs n’ont
pas le pouvoir de freiner votre créativité et votre envie d’entreprendre votre aventure
professionnelle.
○ Dès que vous commencerez à ressentir les sensations correspondantes à l’état que vous
visualisez et que vous désirez vivre, votre visualisation sera efficace. Cela signifie que
votre cerveau et votre corps sont prêts à vivre la situation. Bien entendu, cela ne veut pas
dire que cela se passera comme vous l’avez imaginé, mais votre cerveau va créer de
nouveaux chemins neuronaux qui ouvrent à de nouvelles possibilités.

Utiliser la visualisation pour optimiser son temps

Les passionnés de cuisine le savent bien, prendre le temps de visualiser ce


que l’on souhaite faire peut permettre de gagner un temps non négligeable.
Que ce soient les ingrédients nécessaires, les ustensiles utilisés, l’apparence
du plat que l’on souhaite obtenir, l’agencement des différentes étapes de la
recette, le timing nécessaire pour la réaliser, tout ce qui peut être imaginé au
préalable, peut améliorer nettement l’exécution du plat, et surtout, nous
faire gagner un temps précieux.
Une application concrète et pratique de la visualisation peut donc être
l’amélioration de sa gestion du temps. Lorsque vous imaginez, souvent
inconsciemment, qu’il vous faudra au minimum deux heures pour traiter un
dossier particulier, il y a peu de chance pour que vous mettiez moins de
deux heures pour y arriver. Rappelez-vous, la visualisation conditionne
notre dynamique et le déroulé des actions que nous souhaitons accomplir.
Aussi, pour optimiser sa gestion du temps, il peut être très intéressant, en
début de semaine par exemple, d’imaginer l’agencement et le timing des
différentes étapes qui vont constituer votre emploi du temps. Ce petit
réflexe que vous pouvez instaurer chaque semaine vous permettra par
ailleurs de penser à des tâches que vous auriez peut-être oubliées si vous
n’aviez pas effectué de visualisation préalable.
Pour tester l’efficacité de la visualisation dans la gestion de votre temps,
essayez la chose suivante lorsque vous aurez à organiser une réunion. Il est
courant en entreprise de respecter certaines habitudes de temps de réunion.
Souvent elles sont programmées sur une heure, ou parfois sur trente
minutes. Par rapport au timing initialement prévu pour votre réunion, trente
minutes ou une heure, annoncez en début de réunion que vous souhaitez
conserver l’ordre du jour prévu, mais en diminuant la réunion de 10 minutes
(voire d’un peu plus pour celles qui s’en suivront). Annoncez que vous
veillerez à être maître du temps pour respecter ce timing plus court et ne pas
vous éparpiller par rapport à l’ordre du jour. Cette intention fixée – avec
bienveillance bien entendu – vous devriez pouvoir constater un souci
collectif de devoir être efficace pour respecter le défi de timing lancé par le
maître du temps.
Si toutefois vous n’en n’êtes pas l’organisateur, rien ne vous empêche de
proposer en début de réunion de jouer le rôle de maître du temps, en
proposant cet objectif de réduction du temps initialement prévu.

L’ESSENTIEL
+ Pour se préparer au futur, mieux vaut prendre le temps de le visualiser et de s’immerger
dans le scénario mental désiré, comme si vous y étiez. Certains penseront peut-être qu’ils
n’ont aucune idée de ce à quoi pourrait ressembler leur métier dans les années à venir.
Sachez que si vous n’êtes pas la personne qui imaginera l’évolution de son propre métier,
d’autres s’en chargeront, mais cela ne sera peut-être pas à votre goût.

+ Vous avez les cartes en main et vous n’êtes absolument pas obligé de subir votre futur, au
contraire. En référence, une nouvelle fois, aux méthodes de réussite pratiquées par les
sportifs de haut niveau, nous vous invitons à projeter des objectifs professionnels et à
avancer pas à pas pour y arriver. Le premier pas correspond à cette visualisation que nous
vous invitons à pratiquer le plus régulièrement possible.
CHAPITRE 17

Étape 2 : simplifier

Executive summary
• Dans un monde où la complexité grandit au rythme des avancées technologiques, la
capacité à simplifier devient une compétence de plus en plus précieuse.
• Les bénéfices de la simplification sont multiples, néanmoins certains reviennent
régulièrement tels que :
– gain de temps ;
– communication plus fluide ;
– plus d’efficience ;
– plus d’efficacité.
• Le temps est une ressource rare et précieuse, il est important de bien le gérer. La
capacité à simplifier est la soft skill la plus utile dans cette situation.
« Tout est difficile avant d’être simple. »
Thomas Fuller

LES CARACTÉRISTIQUES DE LA SIMPLICITÉ

La simplicité repose sur plusieurs piliers :

- la clarté (ce qui est simple est aisément compréhensible) ;


- l’essentiel (la simplicité fait abstraction du superflu) ;
- la structure (ce qui est simple est organisé et structuré).
A contrario, un système qui est compliqué demande beaucoup d’énergie
pour le comprendre, possède un surplus d’informations et n’a pas une
structure claire.
Voici quelques exemples de systèmes simples et de systèmes compliqués :

- Uber : c’est simple car clair, structuré et comporte l’essentiel ;


- la comptabilité : c’est compliqué, car pas toujours clair ;
- un site Internet très chargé et mal agencé : c’est compliqué ;
- un site Internet avec une vidéo et un formulaire d’inscription avec un
« appel à l’action » clair : c’est simple ;

- etc.
Les principes de la simplicité se dupliquent dans de nombreux domaines. Il
s’agit également d’un état d’esprit et d’un entraînement, car simplifier
demande de choisir et donc de renoncer à certaines choses.
Afin d’avoir un retour d’expérience sur le sujet, nous avons rencontré une
entrepreneure qui applique les principes de simplicité dans son quotidien.

AVIS D’EXPERTE
Cindy Theys, fondatrice de Nomadity

L’ART D’ALLER À L’ESSENTIEL ET DE SUPPRIMER


LE SUPERFLU

✚ QU’EST-CE QUE LA SIMPLIFICATION ?


« Simplifier, c’est l’art d’aller à l’essentiel. Dans le mot essentiel, nous avons le mot “sens”,
impliquant la notion de vision et de valeurs.
Simplifier induit donc un alignement avec ses valeurs et sa vision. Le plus important reste là,
contrairement au fait d’être simpliste où l’essentiel peut disparaître.
C’est d’ailleurs ici que réside la différence entre ce qui est facile (c’est-à-dire confortable), et ce
qui est simple (c’est-à-dire ce qui est essentiel, mais peut être inconfortable).
Aller à l’essentiel, c’est faire des choix et donc renoncer à certaines choses. Voici un exemple :
j’ai dû supprimer des formations de mon catalogue, ce qui a été difficile car j’ai eu l’impression
de perdre quelque chose. J’ai dû me poser la question de mon alignement avec ma vision et
avec mes valeurs pour effectuer cette difficile décision. »

✚ COMMENT FAIRE SIMPLE ?


« J’utilise pour ma part trois éléments pour mon processus de simplification.
1. Le travail de connaissance de soi (à travers la mission et les valeurs) pour pouvoir faire
des choix.
2. Le mind mapping, qui est un outil pour aller à l’essentiel de manière visuelle avec un
système de mots clés.
3. Le questionnement de tous les jours (est-ce que ça m’est utile, par exemple à propos des
informations et de l’infobésité).
L’essentiel est de mettre en pratique ce que vous savez et de ne pas accumuler ce que vous ne
faites pas.
Pour ma part, je fais une sélection de l’information, avec un vrai nettoyage par exemple :
– les newsletters, si je ne les lis pas depuis un certain temps, je me désabonne ;
– je filtre les informations : je regarde peu de vidéos, peu de conférences, mais quand j’en
choisis une, c’est plus par l’intuition (au feeling, avec une correspondance avec mes
valeurs). »
✚ ET COMMENT FAIRE QUAND ON EST SALARIÉ ?
« Il existe des solutions pour se simplifier la vie professionnelle quand on est salarié également.
En voici deux qui me viennent à l’esprit :
– choisir ce que je retiens d’une formation par rapport à un objectif, que ce dernier soit subi
ou choisi ;
– utiliser le Mind Mapping peut-être très utile pour les formations et les réunions.
Cet outil est un vrai entraînement à simplifier en abandonnant le superflu, en donnant la priorité
à l’essentiel. La boussole pour l’important dans ce cas est l’objectif afin de ne pas être
submergé. »

✚ SIMPLIFIER EST DEVENU UN RÉFLEXE POUR MOI


« Simplifier est devenu pour moi un choix constant et conscient. Un vrai entraînement en la
matière pour moi a été le pèlerinage du chemin de Compostelle avec ma maison sur mon dos, à
savoir mon sac à dos. Je me suis rendu compte que cela m’a donné beaucoup plus de libertés.
Si je me sens moins libre alors je dois simplifier. Et plus c’est simple, plus il y a de la liberté,
plus il y a de la place pour de la créativité et pour de nouvelles choses.
La simplification de mon catalogue de formations m’a permis d’aller plus en profondeur. Ce qui
est simple n’est pas superficiel, c’est même le contraire de superficiel.
Il ne faut pas hésiter à entretenir du contact avec la nature, même dans les entreprises. En
s’inspirant d’elle, vous remarquerez que la nature ne résiste pas au changement, elle s’adapte au
rythme des saisons. C’est plus simple de s’adapter que de résister et de combattre, ce qui n’est
pas forcément le cas au départ car il y a une vraie sortie de zone de confort, mais
l’investissement en vaut la peine au long terme. »

Les propos de cet entretien ont été recueillis par Jérôme Hoarau.

« Cette simple chose, choisir un but et s’y tenir, change tout. »


Scott Reed

Simplifier ses projets est l’étape la plus efficace pour simplifier sa vie
professionnelle, car elle permet de facto de réduire les tâches superflues et
donc la charge mentale sous-jacente. Si cela peut sembler accessible pour
les travailleurs indépendants et les chefs d’entreprise qui ont la possibilité
de choisir les projets sur lesquels ils travaillent, cela n’est pas forcément le
cas pour les collaborateurs d’une entreprise dont la décision appartient
souvent à la direction. Comment savoir simplifier dans ce cas ?
Voici un exercice1 pour simplifier vos tâches.
EXERCICE 3

Simplifier ses tâches


La simplification de son quotidien professionnel passe souvent par la simplification de ses
tâches quotidiennes. Cela repose sur trois piliers :
A. Prioriser ;
B. Organiser ;
C. Éliminer.

A. Prioriser
Comme l’explique Cindy Theys dans son interview, la simplification repose en grande partie
sur des choix. Ces choix dépendent essentiellement de nos priorités, d’où l’importance de cette
première phase, « prioriser ».
Avez-vous une to do list, une liste de tâches à réaliser ? Oui ? Parfait ! Recopiez-la dans le
tableau suivant dans la première colonne, puis remplissez les deux autres colonnes de la
manière suivante.
○ « Importance » pour choisir sur une échelle de 1 à 10 le niveau d’importance de la tâche (1
= pas important, les conséquences de ne pas réaliser la tâche sont minimes ; 10 = très
important, les conséquences de ne pas réaliser la tâche sont lourdes).
○ « Projet » pour identifier le projet auquel la tâche concernée est rattachée.
○ « Priorité » pour classer les tâches par priorité.

TÂCHE IMPORTANCE PROJET PRIORITÉ

Voici un exemple d’un tableau rempli (non-exhaustif).

TÂCHE IMPORTANCE PROJET PRIORITÉ

Fidélisation des
Envoyer la newsletter du mois 9 1
clients

Répondre à la demande du Fidélisation des


2 3
potentiel prestataire clients

Publier la nouvelle vidéo 7 Site Internet 2


Dans l’exemple ci-dessus, je prends conscience que la fidélisation des clients est prioritaire à la
mise à jour du site Internet. Par conséquent je vais pouvoir classer ces tâches par priorité en
fonction du projet et de l’importance de la tâche.
Cette priorisation vous permettra de travailler sur une tâche à la fois, de la plus importante à la
moins importante.

B. Organiser
Ce qui est simple est généralement bien organisé. La phase « prioriser » vous a permis de
classer vos tâches par projet et par priorité. Cette première phase contribue grandement à cette
organisation.
Pour aller plus loin, afin d’augmenter en efficacité, vous pouvez aussi regrouper des tâches.
Pourquoi ? Pour éviter la dispersion et augmenter votre efficacité.
Par exemple, imaginons que vous aviez prévu d’un côté de faire une vidéo pour votre
communication, et de créer le prochain e-mail pour votre newsletter d’un autre côté. Vous aurez
deux tâches bien distinctes de part et d’autre. Or, si vous choisissez de fusionner ces deux tâches
en intégrant cette vidéo dans votre newsletter, vous gagnerez du temps !
Faites donc le point sur quelles tâches peuvent être regroupées entre elles pour gagner en
efficacité. Ces regroupements peuvent se faire à plusieurs niveaux :
– par thématique (celles qui traitent d’un même thème mais ne sont pas liées au même
objectif) ;
– par objectif (celles ayant un objectif commun même si le thème diffère) ;
– par catégorie (celles qui sont similaires mais n’ont pas les mêmes objectifs ou les mêmes
thèmes).
Voici quelques exemples.
○ Réaliser une seule session de tournage pour des vidéos sur produits différents
(regroupement par catégorie).
○ Réaliser une journée de travail sur un produit en particulier (regroupement par objectif).
○ Contacter une personne pour lui proposer de discuter de deux sujets connexes
(regroupement par thématique).
Organiser vos journées en regroupant vos tâches vous permettra de gagner en temps et en
efficacité.
Cependant, cela ne vous libérera pas nécessairement des tâches superflues. En effet, que faire
des tâches en bas de la liste des priorités ? Doivent-elles être traitées ? De quelle manière ?
C’est là qu’intervient la dernière étape de cette procédure : éliminer.

C. Éliminer
La simplicité consiste à éliminer le superflu. Cela peut se faire de trois manières :
– en réalisant la tâche concernée ;
– en prenant la décision de ne pas la faire (en la supprimant) ;
– en la déléguant à une autre personne ou à un programme si elle peut être automatisée.
Les tâches superflues sont celles qui sont au plus bas de votre liste de priorités, c’est-à-dire
qu’elles ne sont pas rattachées à un projet important et que la conséquence de ne pas les faire est
minime.
L’objectif de cette étape est assez simple : il consiste à choisir comment éliminer ces tâches à
faible valeur ajoutée. Pour cela, voici une matrice à utiliser pour vous aider dans vos prises de
décisions.

TÂCHE SUPPRIMABLE ? DÉLÉGABLE ? À FAIRE MOI-MÊME ?

Voici comment remplir cette matrice.


○ Supprimable : si réaliser la tâche n’apporte pas de valeur ajoutée et que ne pas la faire ne
changera rien à mon quotidien, alors elle est supprimable. Si c’est le cas, écrivez oui dans
la case correspondante. Qu’elle soit délégable ou rapide à faire n’a pas d’importance si elle
est supprimable : elle doit être supprimée.
○ Délégable : si la tâche n’est pas supprimable, une question se pose : « est-elle
délégable ? ». C’est-à-dire, est-ce qu’une autre personne ou un outil automatisé pourraient
réaliser cette tâche pour moi. Si la réponse est « oui », écrivez à qui déléguer la tâche
concernée.
○ À faire moi-même : si la tâche n’est ni supprimable, ni délégable, alors vous devrez la
réaliser vous-même. L’objectif de cette colonne est d’estimer le temps nécessaire pour
réaliser la tâche. Vous pourrez ainsi choisir dans votre agenda le meilleur moment pour le
faire.

SUPPRIMABLE À FAIRE MOI-


TÂCHE DÉLÉGABLE ?
? MÊME ?

Organiser mes contacts


Non Assistant Non
professionnels

Répondre à la demande du
Oui Non Non
potentiel prestataire

M’inscrire à un événement de
Non Non Oui
networking

Cette démarche vous donnera de la clarté sur vos priorités et sur comment éliminer le superflu,
contribuant ainsi directement à la simplification de votre quotidien professionnel.

L’ESSENTIEL
+ Simplifier permet de gagner du temps et de l’énergie pour agir avec plus d’efficacité. Ceci
passe par la suppression du superflu pour ne conserver que l’essentiel.

+ Simplifier peut se faire en trois étapes : prioriser, organiser et éliminer.


CHAPITRE 18

Étape 3 : programmer

Executive summary
• Le cerveau peut être programmé pour atteindre ses objectifs.
• Grâce à la création d’habitudes, nous pouvons nous programmer des comportements
choisis et non plus subis.
• Il existe des outils et techniques pour simplifier le processus de programmation des
individus.
• La programmation passe également par la création d’un plan d’actions.
« Un programme quotidien bien réalisé : voilà qui rehausse l’estime
de soi. »
Anonyme

Lors d’un entretien avec Michel Wozniak (voir chapitre 11), nous avons pu
découvrir que le cerveau se programme constamment de manière
inconsciente. En revanche, il existe des pratiques permettant de reprendre le
contrôle de ce processus de programmation afin de se créer des programmes
de manière consciente et intentionnelle.
Néanmoins, la programmation ne repose pas uniquement sur les
comportements et la création d’habitudes : c’est aussi la programmation des
actions, la capacité à créer une feuille de route pour atteindre un objectif.
Afin de mieux comprendre l’importance de la programmation pour sa
réussite professionnelle, nous avons rencontré un coach olympique.

AVIS D’EXPERT
Éric Alard, coach olympique et fondateur de Activ’Talent

QU’EST-CE QU’UN PROGRAMME DANS LE MILIEU


DU SPORT DE HAUT NIVEAU ?
« Un programme, c’est “toutes les phases qui permettent d’atteindre l’objectif”. Toutes ces
étapes importantes contiennent :
– la définition de l’objectif final afin que chacun sache exactement où aller ;
– toutes les actions spécifiques à réaliser pour atteindre cet objectif ;
– des phases de répétition et d’amélioration pour ancrer un comportement en vue d’être en
position de s’exprimer au maximum de ses capacités au jour j ;
– des mises à jour (un programme doit être actualisé régulièrement, il n’est pas figé) ;
– des points de repère (des indicateurs, des jalons et des bilans intermédiaires) ;
– un langage commun qui permet d’éviter les approximations et d’apporter de la clarté dans
le projet global et la programmation.
En sport, l’entraînement est la création des conditions réelles de la situation anticipée, à savoir
l’objectif final, la compétition. Nous essayons de tester toutes les situations possibles à
l’entraînement afin que la compétition ne devienne qu’une répétition de ce qui a été fait, et donc
quelque chose de connu. De manière simpliste, nous pourrions dire que l’on se programme
comme un robot qui doit effectuer un protocole en particulier, en se programmant pour une
situation par rapport à des réactions à des stimuli extérieurs.
L’entraînement est l’élément clé de la programmation en sport olympique, car c’est là que l’on
peut effectuer les tests, les corrections, les ajustements et apprendre. Si je prends un exemple en
bobsleigh : nous pratiquons un sport d’extérieur. La météo peut ainsi changer d’un jour à
l’autre, passant du soleil au brouillard ou à la neige. Il convient donc d’être prêt à faire face à
ces différentes situations, et de se poser la question : quelle visière utiliser selon les conditions
météos pour le jour J ? Grâce à cette question, j’anticipe les scénarios, je potentialise chaque
expérience quand elles se présentent afin d’être prêt le jour J.
C’est le même principe pour les trajectoires que l’on veut faire prendre à notre bobsleigh. Nous
avons une ligne idéale en tête à chaque descente. Elle peut changer entre deux manches à
l’entraînement, car nous sommes en phase de test pour trouver la ligne la plus rapide.
L’important ici est qu’au départ nous n’ayons aucun doute, que tout soit clair dans notre esprit
et que nous appliquions à la lettre le programme établi. Il y aura forcément des erreurs, des
écarts dans notre réalisation. Mais, comme tout est clair et que nous sommes prêts, nous aurons
alors toute l’énergie disponible pour y faire face et s’y adapter car tous les autres points sont
anticipés et préparés. Nos capacités d’adaptation sont disponibles pour corriger cet écart car
nous savons d’où nous venons et où nous allons. Le but de l’entraînement et de la
programmation est d’avoir tout testé avant le jour J pour savoir quoi faire et réduire, à cet
instant, la part de créativité. »

POURQUOI CELA EST-IL INDISPENSABLE


POUR UNE ÉQUIPE OLYMPIQUE ?
« Contrairement à l’entreprise, dont l’objectif peut fluctuer, la date d’une compétition
olympique est connue bien longtemps à l’avance. Nous savons exactement quand nous devrons
être prêts.
Nous fonctionnons généralement par cycle de quatre ou huit ans, suivant le degré d’expérience
des athlètes. L’équipe fait un état des lieux des forces en présence, un peu à l’image d’un
SWOT. Puis on élabore un rétroplanning en partant de l’objectif final et en pointant les objectifs
intermédiaires. Enfin, on met en place un planning des actions à mener et qui tient compte
des éléments précédents.
Si nous ne faisons pas cela, nous vivrons les compétitions les unes après les autres sans savoir
quoi faire précisément, sans lien entre elles. Cette manière de procéder nous permet de canaliser
nos efforts et de savoir ce qu’il est possible de faire, à quel moment et avec quels moyens sans
se sentir dépassés par l’ampleur de la tâche. Nous nous regardons dans le miroir en nous posant
la question de savoir ce qui est vraiment réalisable. Il ne s’agit pas ici de changer son “rêve”
initial, mais de le mettre en concordance avec la réalité. Par exemple : construire un staff,
préparer le mental, organiser la prospection pour les sponsors…
Si nous n’établissons pas de priorités parmi toutes ces composantes de la performance, alors
nous allons nous éparpiller et nous créerons des échappatoires pour ne pas faire les choses
importantes, nous nous perdrons dans le flou, ce qui mène à la procrastination.
La programmation permet donc d’être efficace (j’arrive au résultat) et efficient (j’optimise mes
ressources). Elle permet de mettre le focus sur l’important, de gérer son énergie et son temps.
Elle permet aussi d’entretenir la motivation car elle donne la sensation d’avancer vers l’objectif
et de se rapprocher du but.
C’est la même chose pour une entreprise. Sans un objectif clair et un plan d’actions efficace et
adopté par tous, on peut se perdre. »

COMMENT PROGRAMMER UNE ÉQUIPE ?


« Généralement, je passe par quatre étapes avec mes équipes.
1. Le but : définir l’objectif commun. je m’assure que tout le monde trouve son compte pour
qu’il y ait la motivation individuelle. Il faut que chacun puisse s’approprier l’objectif. par
exemple, gagner les Jeux olympiques est une motivation collective. Elle peut suffire, mais
chacun va également y ajouter une motivation personnelle en fonction de ses propres buts,
envies et valeurs… Cela pourra être de la notoriété, l’envie de gagner de l’argent ou
d’apprendre de nouvelles compétences, les nouvelles opportunités que cela apportera… il
pourra y avoir autant de motivations différentes qu’il y a de membres dans votre équipe. et
ce n’est pas spécifique au sport, c’est identique en entreprise.
2. Les moyens : comme je l’ai expliqué précédemment, j’organise un brainstorming pour
cette phase. ceci implique toute l’équipe dans le processus avec les idées pour arriver à
l’objectif. En olympisme, c’est le rêve d’abord, puis la réalisation et enfin la critique. mais
la réalisation et la critique ne doivent pas changer le rêve, juste le programmer. C’est
également durant cette phase de brainstorming que je prends conscience des motivations
individuelles de chacun.
3. La mise en action : cette étape découle naturellement des deux premières étapes.
4. La gestion des résultats : la clé de cette étape consiste à apprendre de ses erreurs et surtout
de ses réussites. Pour ma part, je mets l’accent sur la gestion de la réussite. Quand on est
en phase d’échec, on réagit naturellement car c’est un sentiment qui ne nous est pas
agréable. En revanche, en cas de succès, on peut oublier de faire un bilan de nos actions
qui nous y ont amenés.
D’une part, nous travaillons et nous nous entraînons pour atteindre nos objectifs. Quand cela
arrive, cela paraît normal. Notre petite voix intérieure, notre Jiminy Cricket nous murmure : “Tu
as travaillé tellement dur pour y arriver, c’est normal que tu sois récompensé par un bon
résultat”. Nous faisons également face à un flot d’émotions, d’hormones à l’intérieur de notre
corps qui nous procurent du plaisir et peuvent inhiber nos capacités de réflexion… surtout
quand le succès se répète.
La conséquence est que, contrairement aux situations d’échecs, nous n’analysons pas de
manière détaillée les processus et actions que nous avons réalisés. En faisant cela, le premier
risque est que vous n’arriviez pas à dupliquer vos schémas de réussite, en potentialisant sur ce
qui a fonctionné. Le deuxième risque est plus pernicieux et peut vous amener, à force de succès,
à vous éloigner inconsciemment de ce chemin qui vous permet de performer. En sport, on
oublie un peu les étirements en fin de séance. En entreprise, on oubliera l’e-mail de
remerciement ou le cadeau du nouvel an. Ces petites actions ne sont pas le cœur de notre
réussite, mais représentent des petits détails qui, au final, feront de grandes différences.
Alors, vivre le succès, oui c’est important. Mais il ne faut surtout pas oublier de
l’intellectualiser pour en faire une voie à suivre pour le reproduire.

Les propos de cet entretien ont été recueillis par Jérôme Hoarau.
Figure 18.1 – Visualiser la programmation

Ce que nous retenons de cet entretien, c’est que la programmation d’une


personne a lieu à deux niveaux :

- au niveau du plan d’actions ;


- au niveau des comportements.
Voici quelques astuces1 pour mieux programmer des actions au quotidien.

FICHE PRATIQUE

Programmer ses tâches dans son agenda


Ce réflexe est adopté par un nombre croissant d’entrepreneurs. Il consiste à prendre des rendez-
vous avec soi-même dans son agenda pour réaliser des tâches.
Voici par exemple à quoi pourrait ressembler une journée avec des tâches programmées dans
son agenda.
○ 09 h 00 – 10 h 30 : Rédiger le rapport de mission.
○ 11 h 00 – 12 h 30 : Traiter mes e-mails.
○ 14 h 00 – 15 h 00 : Appeler les prospects à relancer.
○ 15 h 15 – 16 h 30 : Rédiger la newsletter du mois.
L’intérêt de cette pratique est multiple :
– vous vous engagez avec vous-même à réaliser ces tâches ;
– vous avez plus de visibilité et de contrôle sur votre programme du jour ;
– vous vous donnez une échéance, ce qui augmente votre niveau d’engagement personnel ;
– vous êtes en « mode mono-tâche », ce qui vous met dans un état de concentration et
d’efficacité maximum.

Se programmer à être mono-tâche avec la méthode Pomodoro


Une autre technique populaire dans le monde de l’efficacité professionnelle est la méthode
Pomodoro. Il s’agit d’un rythme de travail imposé vous permettant d’alterner des périodes de
concentration sur une tâche précise avec des pauses. Dans l’idéal, vous alternez des périodes de
25 minutes de concentration avec des périodes de 5 minutes de pause. Cependant vous pouvez
moduler ce timing pour qu’il soit plus adapté à votre manière de fonctionner.
Voici un exemple de programme Pomodoro :
○ 09 h 00 – 09 h 25 : Traiter mes e-mails.
○ 09 h 25 – 09 h 30 : Pause café.
○ 09 h 30 – 09 h 55 : Filmer ma vidéo.
○ 09 h 55 – 10 h 00 : Pause promenade.
○…
Ce rythme est volontairement intense afin d’augmenter l’intensité de son niveau d’engagement
et de concentration dans ses tâches. Il permet également de s’assurer des moments de pauses
bénéfiques pour son attention et pour son cerveau.

« Croyez en vos rêves et ils se réaliseront peut-être. Croyez en vous, et ils se réaliseront
sûrement. »
Martin Luther King

Voici maintenant une astuce pour programmer de nouveaux comportements.

FICHE PRATIQUE

Créer des habitudes


Les habitudes sont créées grâce à la plasticité cérébrale : le cerveau crée des raccourcis
neuronaux pour réduire l’énergie nécessaire pour effectuer une action.
Par exemple, lorsque vous venez de prendre un poste dans une nouvelle entreprise, vous avez
besoin de beaucoup d’énergie intellectuelle pour réaliser des tâches nouvelles de votre
quotidien. Cependant, après plusieurs dizaines d’heures de pratique, ces tâches deviennent plus
simples à réaliser. Le cerveau a compris que ces tâches doivent être gérées régulièrement : il
doit donc se programmer pour pouvoir les effectuer de la manière la plus efficiente possible.
C’est ainsi qu’il « programme » (souvent de manière inconsciente) un raccourci neuronal pour
que ce soit plus simple et rapide.
Ces habitudes sont donc très importantes pour gagner en efficacité car elles permettent de
gagner beaucoup de temps et d’automatiser certaines tâches.
En plus de ces habitudes que vous avez créées de manière automatique, vous pouvez choisir
d’en créer de nouvelles de manière consciente et choisie. Comment ? En programmant la
répétition d’une tâche dans le temps, qui vous soit utile pour votre objectif.
Si par exemple vous avez pour objectif de développer votre chiffre d’affaires et que l’habitude
« contacter trois prospects par jour » vous aidera en la matière, alors programmez à partir
d’aujourd’hui l’action suivante.
○ Action : contacter trois prospects.
○ Récurrence : tous les jours du lundi au vendredi entre 9 h et 10 h 30.
○ Durée : pendant au minimum 8 semaines.
Il existe de nombreuses études dans ce domaine avec la question centrale « combien de temps
faut-il pour créer une nouvelle habitude ? ». La réponse que l’on peut constater : cela dépend. Il
y trop de paramètres en jeu pour dégager une durée universelle nécessaire, cela peut prendre
7 jours pour certaines habitudes les plus simples, jusqu’à plus de 261 jours pour d’autres. D’où
l’intérêt de le faire le plus longtemps possible, au moins 8 semaines de suite, pour augmenter
ses chances de bien intégrer une nouvelle habitude.
Choisissez donc les habitudes que vous souhaitez développer pour augmenter votre efficacité et
votre efficience, et programmez-les dans votre agenda !

L’ESSENTIEL
+ La programmation se fait au niveau des actions et des comportements.
+ Selon Éric Alard, la programmation vers la réussite passe par quatre étapes : but, moyens,
actions et résultats.

+ La gestion des succès est un point critique dans le processus de programmation.


+ La répétition dans la durée est la clé pour développer de nouvelles compétences et de
nouvelles habitudes.
CHAPITRE 19

Étape 4 : implémenter

Executive summary
• La capacité à passer à l’action repose sur plusieurs soft skills telles que l’audace, la
motivation ou la capacité à s’organiser.
• En développant ces soft skills, vous pouvez augmenter votre facilité à agir.
• Il existe des outils et des réflexes à adopter pour simplifier l’implémentation tels que le
mind mapping, ou les « deadlines ».
« Celui qui veut réussir trouve un moyen. Celui qui ne veut rien faire trouve
une excuse. »
Proverbe français

Le passage à l’action, ou implémentation, est la pièce maîtresse de tout


métier. Cependant il existe de nombreux freins pouvant nous empêcher
d’agir tels que :

- la procrastination (remettre au lendemain ce qui peut être fait


maintenant) ;

- le manque d’audace (lié à un manque de confiance en soi) ;


- le manque d’organisation (générant de la confusion) ;
- le manque de temps (ou le manque de priorisation) ;
- etc.
Les raisons pour ne pas passer à l’action peuvent être très nombreuses.
Comment éviter de tomber dans ces pièges afin d’agir malgré les
contraintes mentales ou contextuelles auxquelles nous pouvons faire face au
quotidien ?
Voici quelques recommandations1 pour débloquer ces différents freins à
l’action.

FICHE PRATIQUE

Les 5 minutes d’action contre la procrastination


Voici une procédure à mettre en place si vous avez accumulé beaucoup de « petites tâches »
encore non traitées, et qui mobilisent de l’espace mental.
1. Parmi votre liste de tâches, listez toutes celles qui peuvent être réalisées en moins de
5 minutes.
2. Classez-les par ordre de priorité.
3. Dédiez une demi-journée pour réaliser le plus de tâches possible dans le temps imparti.
4. Si la liste des tâches courtes n’a pas encore été totalement complétée, choisir un nouveau
créneau pour les conclure.
Si vous procrastinez sur une tâche plus longue mais importante à réaliser, vous pouvez vous
engager à y dédier au minimum 5 minutes par jour, pour vous assurer d’avancer un peu tous les
jours sur cette tâche importante.

« Le pessimisme est affaire d’humeur, l’optimisme est affaire de volonté. »


Émile-Auguste Alain

FICHE PRATIQUE

Le booster d’audace
Si vous sentez que vous ne passez pas à l’action par manque de confiance en vous, voici
quelques étapes simples à suivre dans ce cas.
1. Rédigez un petit contrat avec vous-même dans lequel vous écrivez votre engagement (par
exemple, « je m’engage à contacter le DRH de l’entreprise ABC ce lundi à 10 heures par
téléphone »).
2. Signez-le.
3. Faites-le signer à un témoin, une personne en qui vous avez confiance.
4. Tenez votre engagement en passant à l’action.
Vous pouvez, par souci de simplification, le faire par e-mail ou SMS, l’objectif étant de vous
engager à l’écrit et d’avoir le soutien d’une autre personne dans votre démarche.
Rappelez-vous également de la citation inspirante de Nelson Mandela : « Je ne perds jamais,
soit je gagne, soit j’apprends ».

« Le monde fraye un chemin à celui qui sait où il va. »


Ralph Waldo Emerson

FICHE PRATIQUE
Le mind mapping, outil ultime d’organisation des idées
Le mind mapping, développé par Tony Buzan, est un outil permettant de structurer de manière
visuelle l’information à partir d’une idée centrale. Ces cartes mentales reposent sur plusieurs
grands principes.
○ Inscrire au centre l’idée principale.
○ Illustrer cette idée centrale par une image.
○ Utiliser des couleurs.
○ Connecter chaque branche de « niveau 1 » à l’idée centrale.
○ Donner un aspect organique à chaque branche (éviter les lignes droites).
○ Utiliser un seul mot-clé par branche.
○ Ajouter des images dans la carte mentale.
Voici une représentation d’une mind map respectant ces principes.

Comment appliquer le mind mapping à un projet ou à une liste de tâches ?


Il suffit pour cela de :
– inscrire au centre le projet concerné ;
– ajouter les catégories d’actions à réaliser en branches de niveau 1 ;
– ajouter les actions à réaliser dans chacune des catégories ;
– choisir les actions que vous allez réaliser en commençant par l’urgent ou l’important.
Voici un exemple de clarification des tâches à réaliser pour un projet de création de site Internet,
grâce au mind mapping.
« C’est dans l’effort que l’on trouve la satisfaction et non dans la réussite. Un plein effort est
une pleine victoire. »
Gandhi

FICHE PRATIQUE

Prioriser pour gagner du temps


Le manque de temps est souvent lié à un manque de visibilité sur la ou les priorités du moment.
Comme il n’est pas possible de tout faire en même temps, nous sommes souvent amenés à
choisir de réaliser une tâche à la fois. C’est ainsi que la priorisation entre en jeu.
Comment identifier la priorité du moment ? Voici un tableau que vous pouvez remplir en
suivant les étapes suivantes.
1. Quel est l’objectif le plus important du moment ? Écrivez-le en haut du tableau.
2. Quelles sont les tâches qui sont directement rattachées à cet objectif ? Listez-les par ordre du
plus urgent au moins urgent dans la première colonne.
3. Fixez-vous une date butoir pour chacune des tâches listées dans la deuxième colonne en
priorisant les tâches les plus urgentes.
4. Passez à l’action !

L’OBJECTIF IMPORTANT DU MOMENT

Tâche #1 : Date butoir :

Tâche #2 : Date butoir :

Il existe un nombre incalculable d’autres outils et astuces pour augmenter


votre capacité à passer à l’action.
Afin d’avoir un retour terrain supplémentaire, nous sommes partis à la
rencontre de Nicolas Lisiak, entrepreneur et expert en apprentissages.

AVIS D’EXPERT
Nicolas Lisiak, cofondateur de La-Semaine.com et médaillé de bronze au championnat
du monde de lecture rapide 2017
QU’AVEZ-VOUS MIS EN PLACE POUR PASSER
À L’ACTION PLUS FACILEMENT ?
« Pour moi, le passage à l’action repose sur une attitude proactive et un lâcher-prise du
jugement. Quand nous avons ces deux éléments en place, il devient plus simple de passer à
l’action, même si c’est imparfait.
Il est important de développer cette conscience que, pour se perfectionner, il faut passer à
l’action [et mettre en place cette dynamique du “test & learn” dont fait mention Camille
Larroze-Chicot dans son interview plus tôt dans cet ouvrage]. Le processus serait alors de :
– passer à l’action ;
– se remettre en question ;
– corriger.
Cette démarche permet d’apprendre de manière efficace et durable. Elle permet aussi d’enlever
la peur d’agir en se concentrant sur ce qui doit être fait : cette crainte de l’imparfait et du
jugement disparaît pour laisser la place au plaisir d’agir et de réaliser son travail.
Dans cette attitude, il n’y a pas de charge mentale avec des pensées parasites telles que : “que
vont penser les autres”, “et si les autres trouvent ça nul”, etc. Ces croyances limitantes nous
maintiennent dans le statu quo et nous ajoutent de la charge mentale inutile.
J’aime bien représenter cette attitude par un schéma. Il n’est pas basé sur une étude en
particulier mais plutôt sur la façon dont je perçois les trois éléments les plus importants me
motivant à agir :

– La vision donne l’énergie, l’impulsion pour passer à l’action.


– Les relations, c’est l’humain, on ne peut rien faire tout seul de grand (“seul on va plus vite,
ensemble on va plus loin” comme le dit l’adage africain).
– Le savoir-faire a un rôle, bien entendu, mais moindre que les deux autres piliers selon moi.
La vision facilite les choses car elle apporte la clarté et donne conscience de ses responsabilités.
Cette conscience permet d’aller au-delà des croyances limitantes qui nous empêchent d’agir.
Les relations sont un vrai levier motivateur, car elles augmentent notre niveau d’implication
dans l’action à travers l’engagement auprès des autres.
Enfin le savoir-faire est important pour agir, sachant que je peux aussi déléguer (avec des gens
meilleurs que moi autour de moi). Henry Ford l’a bien compris : il s’est bien entouré et pourtant
n’avait pas forcément de savoir-faire dans l’automobile. Il a réussi à créer une équipe de
personnes ayant un meilleur savoir-faire que lui en la matière.
Le relationnel et la vision, c’est 90 % de la réussite : ainsi 90 % de soft skills contre 10 % de
hard skills. »

COMMENT ÉVITER LA PROCRASTINATION ?


« C’est inévitable et ça peut faire du bien parfois de procrastiner, à condition de ne pas
culpabiliser dans ces cas et de lâcher prise. Et ce surtout quand nous faisons face à des imprévus
et à des éléments extérieurs qu’on ne peut pas contrôler. D’ailleurs cela ne veut pas dire que si
ce n’est pas fait aujourd’hui, alors cela ne sera jamais fait. La patience a un rôle clé dans cette
situation, en s’accordant plus de temps.
Se connaître soi-même est important pour moi, car ça me permet d’anticiper pour éviter de
puiser dans ma force de volonté pour des choses à faible valeur ajoutée alors que quelqu’un
d’autre pourrait faire ça mieux que moi. Je préfère donc déléguer ces tâches à quelqu’un
d’autre.
La clé que j’utilise pour éviter la procrastination est de me fixer des deadlines (des délais précis
dans mon agenda). Cela me donne un vrai objectif concret et un cadre pour passer à l’action.
Une technique mentale que j’utilise, c’est de m’imaginer que je pars en voyage après cette date
et que je dois terminer cette tâche avant mon “départ”. »

Les propos de cet entretien ont été recueillis par Jérôme Hoarau.

Comme l’exprime Nicolas Lisiak, le fait de prendre conscience que nous


pouvons corriger une action, se fixer des délais précis et avoir une vision
nous responsabilisant, nous aide à passer à l’action avec plus de simplicité.
Et comme nous pouvons l’observer, la dimension de l’analyse de l’action
réalisée et la volonté de s’améliorer jouent un rôle clé dans cette
dynamique.
Quel que soit votre métier, vous aurez tout intérêt à comprendre comment
vous avez obtenu le résultat de vos actions, qu’il soit positif ou négatif, afin
de pouvoir capitaliser sur ces expériences, comme l’a également expliqué
Éric Alard dans son interview (voir chapitre 18).
Pensez donc bien à intégrer dans votre processus d’implémentation une
vraie phase d’amélioration avec :

- la prise de conscience des éléments générant la réussite ;


- les éléments à mettre en place pour éviter une erreur ou un échec ;
- des actions concrètes à organiser pour capitaliser sur l’expérience
vécue.
L’implémentation est donc l’étape naturelle clôturant ce processus menant
vers un résultat désiré :

- la visualisation vous permet de voir le chemin à parcourir pour


atteindre votre objectif ;

- la simplification améliore votre efficience dans votre manière de


fonctionner et donc d’avancer plus rapidement vers votre but ;

- la programmation vous aide à créer les attitudes et les habitudes


permettant d’être la personne en mesure d’atteindre votre résultat
souhaité ;

- l’implémentation vous permet de passer à l’action et d’améliorer ce


que vous avez entrepris.
Vous verrez ainsi que ce processus en quatre étapes n’est pas un processus
linéaire mais circulaire dans lequel nous repassons par la phase de
visualisation pour intégrer les améliorations identifiées dans cette phase
d’implémentation.

L’ESSENTIEL
+ Le passage à l’action peut être inhibé par plusieurs freins que nous pouvons désamorcer.
+ S’organiser pour réaliser de manière productive les tâches de moins de 5 minutes aide à
agir.

+ Le mind mapping est également très utile pour organiser ses tâches et identifier ce qui est
prioritaire.

+ Enfin, chercher à s’améliorer constamment permet de progresser en continu et d’éviter de


répéter des erreurs que l’on aurait faites dans le passé, et de capitaliser sur les ingrédients
qui nous ont permis de réussir.
Conclusion

Beaucoup de personnes partagent le sentiment de ne pas avoir de pouvoir


sur leur futur. Il est souvent subi comme si nous n’avions rien pu mettre en
œuvre pour qu’il en soit autrement. Un nombre un peu plus restreint de
personnes sont par ailleurs très fortes pour proposer voire imposer leur
vision du futur. Certaines d’entre elles parviennent à influencer d’autres
personnes dans la nécessité d’adhérer à cette vision.
Les échanges de plus en plus massifs de données permettent notamment de
créer des algorithmes prédictifs qui augmentent la pertinence et la précision
de votre futur anticipé. Si, par exemple, vous avez pour habitude de
consulter les dernières sorties au cinéma lorsque la météo n’est pas bonne, il
n’est pas impossible que l’on vous propose petit à petit, sous forme de
publicité par exemple, de consulter les dernières sorties cinéma avant même
que vous ayez pu prendre connaissance du temps orageux qui s’annonce
demain soir. Aujourd’hui, c’est encore vous qui choisissez de vous rendre
au cinéma, mais vous aurez peut-être demain accepté l’option d’achat
automatisé de vos places de cinéma pour vous faire gagner du temps
d’attente au guichet de votre cinéma le plus proche. Sans véritablement
vous en rendre compte, vous aurez transféré votre prise de décision d’aller
ou non au cinéma par temps orageux à une intelligence artificielle qui aura
fait ce choix pour vous. L’analyse des données massives (ou big data) de
vos diverses actions de consultation d’Internet et de la façon dont vous
interagissez avec, permet de créer des modèles prédictifs de comportements
qui peuvent orienter les décisions probables que vous pourriez prendre.
Mais avez-vous véritablement envie de les prendre ? Et si finalement,
demain soir, plutôt que d’aller au cinéma, vous aviez soudainement l’envie
de lire un bon livre ? Et si vous aviez envie de prendre une décision autre
que celle qui découle de l’analyse de tous vos comportements passés ? Et si
vous deveniez quelqu’un qui adopte un comportement totalement inédit,
impertinent, imprévisible et pourquoi pas irrationnel ?
Toujours est-il que, par un enchaînement plus ou moins cohérents et
logiques d’arguments, il n’est pas très compliqué de convaincre une
majeure partie de la population d’adhérer à un futur, surtout si ce futur est
justifié par des modèles reposant sur de multiples analyses de ce qui a pu
être observé par le passé, et qui rendent crédibles les perspectives.
Mais il existe une autre catégorie de personnes pensant que le futur n’est
pas écrit, mais qu’il peut être écrit par chacun. Il peut s’agir d’un enfant
ayant grandi dans les cités, à qui certains professeurs ont dit qu’il ne
pourrait pas effectuer de grandes études, mais chez qui la ténacité,
l’impertinence ou encore la créativité lui permettront d’écouter sa propre
voie intérieure pour se battre et être finalement sélectionné dans une école
prestigieuse. Cela peut-être aussi cette femme, qui, écœurée de ne pas avoir
le même salaire qu’un de ses homologues masculins travaillant dans la
même entreprise, parvient à convaincre un certain nombre d’acteurs en
interne de remettre en question cette politique salariale auprès du PDG, et
obtient, après quelques semaines de négociation, de bénéficier d’un salaire
égal à celui de la gent masculine. Mais cela peut aussi être vous qui lisez
ces lignes.
Oui, vous disposez en ce moment même de précieuses forces qui
n’attendent que d’être déployées pour programmer votre futur. Parmi ces
forces exposées dans cet ouvrage, rappelez-vous par exemple de votre
intelligence intuitive, qui peut vous permettre d’emprunter un chemin
beaucoup plus court pour résoudre certains problèmes complexes qui
auraient demandé bien plus de temps à résoudre si toutefois vous aviez
fonctionné de façon analytique.
Rappelez-vous aussi de la force de votre créativité, qui peut elle aussi vous
permettre d’emprunter un futur jusqu’alors non envisagé en proposant par
exemple à votre entreprise un nouveau projet très enthousiasmant pour vous
et créant une perspective stratégique précieuse pour votre dirigeant.
Rappelez-vous de votre capacité à vous organiser et à coordonner une
équipe pour accomplir des projets plus ambitieux pour l’avenir.
Rappelez-vous aussi de votre intelligence émotionnelle, pouvant par
exemple résoudre un conflit qui aurait normalement dû s’envenimer, mais
qui, grâce à votre prise de recul et à votre empathie, pourra se dénouer dans
les plus brefs délais.
Rappelez-vous de votre capacité de visualisation pouvant nettement
améliorer la fluidité et l’efficacité de vos futures actions, et, à la manière
d’un sportif de haut niveau, augmenter les chances d’atteindre vos objectifs.
Rappelez-vous que vous disposez dès maintenant d’un code soft skills vous
permettant de manifester l’inédit, en révélant un peu plus qui vous êtes, et
grâce à une singularité précieuse vous permettant de tracer un chemin qui
n’existe pas encore.
Vous pouvez devenir acteur des changements en cours et faire partie de
celles et ceux qui écrivent le futur à leur manière, ou vous pouvez laisser
d’autres s’en charger, c’est à vous de voir. Le futur concerne tout le monde
et se trouve déjà là dans le creux de votre main. Que ce soit via votre
smartphone qui vous prédit avec une plus ou moins grande justesse la
météo qu’il fera demain, ou encore grâce au stylo que vous pouvez tenir
dans cette même main et qui vous permettra d’écrire votre premier roman.
Parce que finalement vous avez toujours eu envie d’écrire mais n’avez
jamais osé franchir le pas. Mais votre élan créatif, votre prise de recul, votre
optimisme, et votre enthousiasme peuvent vous aider à faire ce petit pas.
Soyez la personne que vous avez envie d’être mais que vous n’osez pas
être. L’audace est une précieuse marche à monter pour créer le futur qui
vous correspond. Cette marche peut être franchie d’une façon totalement
unique, en courant, à pieds joints, à cloche pied, ou en faisant une pirouette.
Développez votre intelligence naturelle.
Créez à présent votre propre style grâce à vos soft skills.
Notes
1. Prax J.-Y. (dir.), « Knowledge management et développement des
compétences », Manuel de knowledge management. Mettre en réseau les
hommes et les savoirs pour créer de la valeur, chap. 9, Dunod, 2019.
2. Sartre J.-P., Situations, II. Septembre 1944-décembre 1946, Gallimard,
2012.
3. Bouret J., Hoarau J., Mauléon, Soft Skills, Dunod, 2018.
Notes
1. Manyika J. et al., « Jobs Lost, Jobs Gained: What the Future of Work Will
Mean for Jobs, Skills, and Wages », mckinsey.com, 2017.
2. Khedri F., « 60 % des métiers qui seront exploités en 2030 n’existent pas
encore », maddyness.com, 2016.
3. Proposé par Jérôme Hoarau.
4. Megnassan U., Décrochez le job de vos rêves en 5 rounds, Eyrolles, 2017.
Notes
1. « L’entrepreneuriat continue de séduire les Français », Les Échos,
30 janvier 2018.
2. Marchesnay M., « L’entrepreneur : une histoire française », Revue
française de gestion, vol. 34, no 188-189, 2008.
3. Hoarau J., Hounkanrin S., Le livre blanc de l’audace.
(livreblancaudace.com)
4. Hoarau J., « Michel Meunier, l’entrepreneuriat citoyen avec le CJD »,
interview vidéo, pourquoi-entreprendre.fr, 2012.
5. Pink D., « The puzzle of motivation », ted.com, 2009.
6. Formation « Autodiscipline et Bonheur Intérieur Brut », sur la-
semaine.com.
7. Pardo D., Travaillez comme indépendant en mode mission, Allo Mission,
2017.
Notes
1. Les approches peuvent être retrouvées dans l’article de Tom Morisse.
Notes
1. Mayer J. D. et Salovey P., 1997.
2. Delord F., André C., La force des émotions, Odile Jacob, 2001.
3. La vision de la préparation mentale présentée ici est celle pratiquée par
Julien Bouret dans le cadre de ses coaching. Elle est soutenue par
l’entraînement aux pratiques méditatives qui permettent notamment de
mieux appréhender le lien intime qui existe entre « pensée » et « émotion ».
4. Radio Canada, « Découverte – Les neurones miroirs », youtube.com, 2009.
Notes
1. Kelley T., Littman J., The 10 Faces of Innovation, Currency, 2005.
2. Bouret J., Hoarau J., Mauléon F., Le Réflexe soft skills, Dunod, 2014.
3. Giorgini P., La transition fulgurante, Bayard, 2014.
Notes
1. Doran G. T., « There’s a S.M.A.R.T. Way to Write Management’s Goals
and Objectives », Management Review, vol. 70, no 11, 1981.
2. « Mieux vaut être fait que parfait. »
3. « Personne n’a dit que ce serait facile. »
Notes
1. Auteur du Cerveau magicien, Odile Jacob, 2002.
2. Propos de Jouvent R., in Mazelin Salvi F., « Développer son intelligence
intuitive », psychologies.com, 2020.
3. Histoire d’Intuition – Isabelle Fontaine, « Deux conseils pour développer son
intuition », youtube.com, 2014.
4. Fontaine I., Développez votre intuition pour prendre de meilleures
décisions, Éditions Leduc.S, 2013.
5. Proposé par Julien Bouret.
6. Méthode créée par Julien Bouret.
7. Bordes A., in Philosophie Magazine, no 118, 2018.
8. Killingsworth M. A., Gilbert D. T., « A Wandering Mind Is an Unhappy
Mind », sciencemag.org, 2010.
9. Julien Bouret précise qu’en elle-même, la No-w Strategy ne nécessite
pas de méthode particulière pour être pratiquée, mais que le fait d’adopter
un certain réflexe sur le plan mental peut aider.
Notes
1. futura-sciences.com.
2. Buzan T., Use Your Head, BBC Active, 2010.
3. Proposés par Jérôme Hoarau.
4. Oakley B., « Apprendre comment apprendre : des outils mentaux
puissants qui vous aideront à maîtriser les sujets difficiles », coursera.org.
Notes
1. Paroles de Patanjali traduites du sanscrit, in Mazet F., Yoga-Sutras, Albin
Michel, 1991.
2. Socialter, no 21, 2017.
3. Lachaux J.-P., Le cerveau funambule, Odile Jacob, 2016.
4. Killingsworth M. A., Gilbert D. T., « A Wandering Mind Is an Unhappy
Mind », sciencemag.org, 2010.
5. Filev A., « Pour en finir avec le “multitasking” », latribune.fr, 2015.
6. Test tiré du MOOC « Gestion du temps à l’ère du digital », réalisé par
UNOW, dont Julien Bouret fut l’un des co-animateurs.
7. Julien Bouret, qui apporte ces recommandations, vous invite à ne pas
bouleverser vos méthodes de travail du jour au lendemain, mais de
progressivement mettre en place ces bonnes pratiques sur des périodes
courtes pour commencer.
Notes
1. « Le must du digital », Havard Business Review, hors-série, 2018.
2. Selon le Larousse, la futurologie désigne un « ensemble de recherches de
prospective qui ont pour but de prévoir le sens de l'évolution à la fois
économique, sociale, scientifique et technique ».
Notes
1. Shanahan M., The Technological Singularity, The MIT Press Essential
Knowledge Series, 2015.
2. Ducasse F., Champion dans la tête, Les Éditions de l’Homme, 2006.
3. Ducasse F., op. cit.
4. Témoignage recueilli dans le magazine Le Point no 2230, 2015.
5. Témoignage recueilli dans le magazine Le Point, no 2230, 2015.
6. Pratique créée et proposée par Julien Bouret : voir « La Méthode
Présent » présentée dans Le Réflexe soft skills, op. cit., pour aller plus loin.
7. Technique créée et proposée par Julien Bouret.
8. En référence aux pratiques ancestrales du yoga, Julien Bouret nomme
cela le « Yoga de l’arrêt ».
9. Pratique proposée et nommée par Julien Bouret en référence aux
pratiques ancestrales du yoga cachemirien.
10. Pépin C., Les Vertus de l’échec, Allary Éditions, 2016.
Notes
1. Proposé par Jérôme Hoarau.
2. Créé par Jérôme Hoarau.
Notes
1. Julien Bouret vous invite à pratiquer régulièrement ce type
d’entraînement pour habituer le cerveau à « vivre » les situations désirées,
et ce afin d’être le mieux préparé pour y être confronté réellement.
2. Bouret J., Hoarau J., Mauléon F., op. cit.
Notes
1. Proposé par Jérôme Hoarau.
Notes
1. Proposées par Jérôme Hoarau.
Notes
1. Proposées par Jérôme Hoarau.

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