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Alors que la prostitution est considérée comme étant le « plus vieux métier du
monde », ses conditions évoluent à partir du XIXème siècle avec de nouvelles règles
concernant les prostituées qui sont désormais soumises à des examens médicaux contre leur
gré. Le XIXème siècle en Angleterre et en Europe est sujet à divers mouvements de
soulèvement, qu’ils viennent des classes populaires ou des élites. C’est le cas du mouvement
abolitionniste. Si on prend le terme dans sa globalité, l'abolitionnisme est un courant de
pensée qui émerge à la fin du XVIIIème siècle en Europe. Il désigne de prime abord la lutte
pour la suppression de l’esclavage. Au cours du XIXème siècle, la portée de ce terme s’est
étendue et on lui attribue ainsi la définition suivante : « mouvement visant à lutter pour la
suppression d’une tradition, d’une institution ou d’une loi ». Appliqué dans le domaine de la
prostitution, le terme « abolitionnisme » indique la lutte contre l’exploitation sexuelle et
contre le système prostituteur. Né en Grande-Bretagne, à la fin du XIXe siècle le mouvement
ne milite, au départ, pas réellement pour l’interdiction de la prostitution mais pour la
suppression du modèle de réglementation. La pionnière de ce mouvement est Joséphine
Butler. Elle naît en 1828 en Angleterre, dans une famille bourgeoise protestante. Alors
qu’elle a baigné toute son enfance dans des valeurs morales précises et avec l’idée que
l’engagement était nécessaire, elle se lance dans une lutte pour l’abolition de la
réglementation dans la prostitution. Le théâtre de son combat est l’Angleterre et, dans un
second temps l’Europe de l’Ouest. Toute la deuxième moitié du XIXème siècle, elle va livrer
une lutte acharnée contre l’Etat et les instances qui veulent réguler la prostitution et
supprimer les seules libertés qu’ont les prostituées. Ainsi, nous nous demanderons dans
quelle mesure Josephine Butler s’empare de son contexte personnel pour devenir une figure
de la lutte féministe et abolitionniste en Angleterre au XIXème siècle ? Dans un premier
temps, nous verrons les essences qui l’ont influencé et formaté sa pensée ; nous étudierons
ensuite la mise en place de l’abolitionnisme par Butler et ses effets. Enfin, dans un troisième
temps, nous soulignerons à quel point son engagement se joue dans plusieurs domaines.
Josephine Butler grandit dans un environnement très politisé. Son père, John Grey,
était un homme engagé dans les domaines politique et social de son époque. Dans les
années 1830, il combat la réforme du droit de vote. Il participe également au débat contre
les Lois sur le blé. Enfin, sa plus grande lutte était celle contre l’esclavagisme. En effet, à la fin
du XVIIIème siècle et au début du XIXème siècle en Angleterre, les débats tournent autour
de la question de l’abolition de l’esclavage dans les colonies britanniques. John Grey, ainsi
que son cousin, Charles Grey, alors premier ministre, ont été deux acteurs phares de ce
combat abolitionniste. C’est à l’initiative de Charles Grey qu’en 1833 la Chambre des
Communes vote la loi d’émancipation abolissant l’esclavage dans toutes les colonies
britanniques. Ainsi, durant sa jeunesse, Josephine Butler assistait aux débats menés par son
père, à ses conférences. Avec le phénomène de « socialisation primaire », ce sont des
valeurs qui lui ont été inculquées et pour lesquelles elle va se battre toute sa vie. Sa mère,
Hannah Annett est également très engagée. Même si les femmes n’ont toujours pas ou peu
de place dans la vie politique au XIXème siècle, elle soutient les idées de son mari et ne reste
pas isolée dans la sphère privée. Une de ses tantes, Marguerite Grey, prône toute sa vie
l’idée que les femmes ne doivent pas être entourées de limites dans la société. Cette femme
de caractère va jusqu’à se déguiser en homme pour pouvoir assister à des séances du
Parlement alors interdites aux femmes.
Elle rencontre Georges Butler en 1849 avec qui elle se marie en 1852. Il est révérend ; ainsi
ils ont en commun leur foi évangélique avec la religion qui fait partie intégrante de leur vie.
Ils ont également le même désir de réformer la société. Georges Butler prône l’égalité des
sexes et l’importance de la femme dans la société. Le couple est dans une osmose parfaite
concernant leurs idéaux. Josephine Butler se fait conseiller des ouvrages par son mari,
notamment ceux de John Ruskin (grande figure intellectuelle du XIXème siècle). Il lui
inculque une certaine philosophie de vie qui est de croire en ses convictions personnelles et
de ne se fier qu’à son propre jugement.
Son père et son mari étaient des anglicans investis. La famille Grey était membre de
l’Eglise d’Angleterre (the Church of England). Ainsi, dès son enfance, la religion avait une
place importante dans la vie de Josephine. Au fur et à mesure qu’elle grandit, sa foi devient
une grande motivation dans les projets qu’elle entreprend. A l’âge de 17 ans, elle décide de
se consacrer pleinement à la religion en pratiquant la prière quotidienne et en étudiant la
Bible régulièrement. Toutefois, elle fait partie de la branche non conformiste des anglicans,
c’est-à-dire qu’elle ne se conforme pas aux doctrines ou aux pratiques de l'Église anglicane
établie. Ainsi, cela explique mieux les combats qu’elle entreprendra. Une protestante
conformiste n’aurait pas défendu la cause de prostituées. Cependant, même si la défense de
l’égalité des sexes est au cœur de sa pensée et de ses différents combats, sa dévotion
chrétienne reste envahissante. C’est cette vision religieuse qui lui permet de voir la détresse
chez les personnes démunies.
Avec son mari elle a 4 enfants. En 1864, la mort de leur fille unique choque
profondément Josephine. C’est principalement cet événement qui, plusieurs années après,
la poussera à dévouer sa personne pour des causes importantes. En effet, elle décide à partir
de ce moment, de se consacrer à ceux qui ont une peine plus importante qu’elle. Elle veut
désormais aider ceux dans le besoin.
Après leur déménagement à Cheltenham, Butler décide de ne plus se consacrer qu’à des
causes honorables. A partir de 1866, après avoir, un temps, accueilli chez elle des femmes
pauvres et malades, elle décide de fonder une sorte de house of rest (maison de repos) pour
les personnes en marge de la société. Dans ce refuge, elle donne des cours à des femmes
dans le but qu’elles puissent trouver un emploi. Dans un autre temps, elle s’attelle à
l’éducation des filles : en effet, les jeunes filles trop éduquées et intellectualisées deviennent
souvent de « mauvaises épouses ». Ainsi, les filles de la sphère aristocratique ne bénéficient
pas de formation intellectuelle. Josephine Butler va ainsi endosser le rôle de « professeur »
pour ces jeunes filles bourgeoises. Cela faisait partie d’un des principaux combats menés par
les féministes victoriennes comme Butler. Elle conteste dans un deuxième temps le fait que
le Parlement ne soit composé que d’hommes et que les lois discutées ne soient donc votées
que par des hommes. Elle se bat également, comme l’avait fait son père, pour l’obtention
d’un suffrage universel. Josephine Butler évoque dans un de ses ouvrages l’idée qu’il existe
une « nature féminine » dans laquelle les femmes se trouvent et qui, de manière naturelle,
les poussent à être protectrices, à éduquer, à prendre le parti des personnes marginalisées
dans la société.
Ainsi, nous avons vu qu’à travers des influences familiales, religieuses et sociétales,
Joséphine Butler a milité tout au long de sa vie pour prôner une égalité entre les hommes et
les femmes dans la société du XIXème siècle. A travers le mouvement abolitionniste qu’elle
fonda au milieu de sa vie, elle renforça son engagement pour la défense des libertés des
minorités et notamment celles des prostitués.
Malgré l’importance de l’anglicanisme dans sa vie et les reproches des sphères de la haute
bourgeoisie religieuse qui lui reprochaient de défendre une minorité « blasphématoire ».
Elle conteste enfin, l’idée que les ressources soient réparties inégalement entre les hommes
et les femmes dans un « système bourgeois patriarcal ».
En dépit de ce mouvement réformateur visant à réattribuer un certain statut et des libertés
aux femmes et aux prostituées, celles-ci vont néanmoins se retourner contre les
abolitionnistes qui mettent en danger leur travail de prostitution.
BIBLIOGRAPHIE :
Françoise Barret-Ducrocq, Pauvreté, charité et morale à Londres au XIXe siècle, Une sainte
violence, Presses Universitaires de France, 1991
Lisa Bretagne