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Chapeau

La parité est à la mode. Depuis quelques années, les lois se succèdent pour
tenter d’établir une réelle égalité hommes / femmes. Les résultats sont mitigés
et en-dessous des attentes espérées.
Mais quand est apparu ce terme de parité qui sous-entend maintenant une
parité sexuée et pourquoi les esprits semblent-ils si réticents à appliquer
concrètement ce qui devrait être une évidence ? Un petit tour historique
apporte quelques éléments de réponse.

1
Si l’origine de Superman date de 1932, la superwoman n’est apparue qu’en
1983 sur nos écrans et le concept s’est propagé dans nos esprits. Qu’est-ce
qu’une superwoman ?
Indépendamment de la fiction, il est une projection de l’image que, nous, en
tant que femmes, devons approcher dans notre quotidien. Cela signifie que nos
fonctions multiples (amante, mère, travailleuse au-dehors et au-dedans)
doivent être optimisées dans l’espace et le temps.

En France c’est la révolution de mai 1968 qui a mis en marche une évolution
que rien maintenant ne peut plus arrêter.

Néanmoins les textes législatifs modifiant la condition des femmes ont été
conquis par une lutte constante. Les premières avancées datent de la
révolution française de 1789.
examinons l’historique de quelques droits significatifs, tels que le droit de vote,
le divorce et les régimes matrimoniaux :
Le droit de vote des femmes qui existait au Moyen Age fut abrogé à la fin du
XVème siècle ; sous la Révolution, les femmes revendiquèrent fortement à
nouveau ce droit mais il leur fut refusé. Olympes de Gouges, auteure de la C’est
le général de Gaulle qui signa l’ordonnance autorisant les femmes à voter en
1944.
Historiquement les rôles masculin et féminin furent longtemps définis dans une
organisation claire et simple : l’homme à l’extérieur, la femme à l’intérieur.
Cette répartition sexuée des rôles trouvaient sa justification principalement
dans la religion mais aussi dans la pression sociale qui se perpétuait par
l’éducation.

2
Vous tous, femmes comme hommes, entendez ou lisez souvent le mot parité à
travers les médias. Des nouvelles lois sont élaborées pour tenter de faire
appliquer un droit constitutionnel fréquemment bafoué : celui d’un traitement
égalitaire indépendamment du sexe. Si plusieurs facteurs sont certainement en
jeu, j’émets l’hypothèse dans cet article que la source principale est le
conditionnement historique d’une dominance masculine. Ce déséquilibre entre
hommes et femmes qui tire son origine du droit romain, pèse sur les activités
quotidiennes, notamment dans la sphère du travail, et pollue les relations
entre les individus.

Si le mot parité, synonyme d’égalité, sous-entend fréquemment l’égalité


hommes / femmes, c’est pour mettre en lumière que cette égalité n’est ni
évidente, ni respectée.
Le concept de parité associé à une plus juste répartition sexuée, notamment
dans la représentation politique, apparaît dans les années 1990 ; il se répand
comme revendication à partir de la publication en 1992 du livre de Françoise
Gaspard, Claude Servan-Schreiber et Anne Le Gall, Au pouvoir citoyennes,
liberté, égalité, parité. En effet, la France accuse un net retard dans le domaine
de l’espace public :
En 2005, les femmes représentent 12% des députés, 11% des sénateurs, 10%
des maires.
En 2008, elles représentent 19% des députés, 18% des sénateurs, 13,9% des
maires.
En 2010, elles sont 48% dans les conseils régionaux (grâce à la loi sur la parité)
mais 2 seulement sont présidentes de région.
Comme le dit Roselyne Bachelot : « c’est amusant, plus les partis sont éloignés
du pouvoir, plus il y a de femmes … Quand le pouvoir s’approche, les femmes
reculent. »

Mais d’où vient donc cette étrange mise à l’écart des femmes ? On ne peut
comprendre l’origine de cette discrimination sans faire un tour dans l’histoire
de notre pays.

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C’est en fait le droit romain qui nous a transmis la « suprématie culturelle » de
l’homme sur la femme. Comme l’explique l’historienne Régine Pernoud 1, citant
le juriste Robert Willers : « A Rome, la femme, sans exagération ni paradoxe
n’était pas sujet de droit … Sa condition personnelle, les rapports de la femme
avec ses parents ou avec son mari sont de la compétence de la domus dont le
père, le beau-père ou le mari sont les chefs tout-puissants … La femme est
uniquement un objet. » D’ailleurs à cette époque, les filles étaient souvent
considérés comme indésirables et tuées par le père à leur naissance. Il avait de
toute façon droit de vie et de mort sur tous ses enfants. Il gardait
éventuellement une fille dans la famille mais elle n’avait pas droit à un prénom
contrairement aux garçons.

Pendant le Moyen Age, la femme jouit d’une certaine indépendance et sa


maturité plus précoce que celle de l’homme est reconnue dans l’âge de la
majorité : 12 ans pour la jeune femme, 14 pour le jeune homme. A partir du
XVIème siècle, la situation de la femme change profondément : à partir du
concile de Trente (1563) qui rend obligatoire la cérémonie religieuse de
mariage tout en réaffirmant son indissolubilité. Le pouvoir royal (Charles IX)
confirme cette indissolubilité en même temps que la sujétion de la femme au
mari. La femme qui disposait au Moyen Age de ses biens propres se trouve
ainsi sous la dépendance totale de son mari. D’ailleurs à partir du XVIIème
siècle, elle est obligée d’abandonner son nom de naissance et de porter le sien.
La femme restera une mineure civile (son statut social est équivalent à celui
d’un enfant) pendant plusieurs siècles soumise successivement à son père puis
à son mari.

La révolution française de 1789 où les femmes sont largement partie prenante


met au premier plan l’espoir d’un ordre social différent, non seulement pour
l’ensemble des individus mais aussi pour la catégorie femmes qui se sent
fortement opprimée. Elle réclame notamment le droit de vote qu’elle avait au
Moyen Age mais qui fut abrogé au XVème siècle. A la tête des revendications
féminines, Olympe de Gouges rédige en 1791 la Déclaration des droits de la
femme et de la citoyenne : « La femme a le droit de monter sur l’échafaud, elle

1
Régine Pernoud La femme au temps des cathédrales Illustrations choisies et commentées par Guy Lobrichon
Edition Stock Paris 2001

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doit avoir également celui de monter à la Tribune. » (Article X). Olympe ne
montera jamais à la Tribune mais elle sera guillotinée en 1793.

L’époque autoritaire de l’empire voit la création du Code civil qui réduit encore
le peu de liberté des femmes. L’exemple du divorce est particulièrement
significatif : le divorce par consentement mutuel établie par la loi de 1792 est
supprimé ; le mari peut divorcer facilement de sa femme adultère qui est
passible d’une sanction pénale pouvant aller jusqu’à 2 ans en maison de
correction ; par contre la femme ne peut demander le divorce d’avec son mari
infidèle qu’en apportant la preuve que l’acte a été commis dans la maison
commune.
Le divorce est d’ailleurs totalement supprimé par Louis XVIII en 1816 et ne sera
rétabli qu’en 1884 sous la IIIème république. Quant au divorce par
consentement mutuel ne reviendra dans la loi qu’en 1975.

Globalement, la situation de la femme au XIXème siècle est catastrophique. La


majorité des femmes travaillent et sont honteusement exploitées. Le droit
romain a prévalu : non seulement les salaires féminins sont très inférieurs au
salaire masculin mais la femme mariée ne peut disposer librement de ses gains.
Les patrons, donc, préfèrent le personnel féminin : elles travaillent mieux et
coûtent beaucoup moins chers. « En 1831, les ouvrières en soie travaillent dès
trois heures jusqu’à onze heures du soir, soit dix-sept heures par jour … En
outre, les commis abusent des jeunes ouvrières. »2 A cette vie miséreuse qui
concerne la majorité de la population féminine s’ajoute le mépris : la femme
ouvrière s’écarte de son statut naturel qui est la maternité et les travaux
domestiques, le plus souvent parce que son mari n’a pas les moyens de lui
assurer une vie « décente ». Cette dévalorisation du travail féminin pèsera
lourdement dans les consciences et perdure encore.
Des pétitions en masse concernant le droit des femmes arrivent à la chambre
des députés dès 1830 ; leur seule réponse sera le silence.
Alors, peu à peu les femmes s’organisent en mouvements ; elles créent des
publications. L’une des plus célèbres s’appelle la voix des femmes 3; l’une des
voix les plus connues est sans doute celle de Louise Michel. Masculinisée
comme George Sand, pour mieux être entendue, elle signa pendant 10 ans ses
2
Simone de Beauvoir dans Le deuxième sexe 1 pp. 198-199
3
créée en 1848 par Eugénie Niboyer deux mois après l’instauration du suffrage universel masculin.

5
articles du nom de Louis Michel. Active participante à la Commune de Paris,
elle sera emprisonnée puis déportée en Nouvelle Calédonie pendant sept ans.
Elle y refusa un traitement de faveur « féminin » et partagea le régime de ses
compagnons hommes. Son séjour lui fournit l’occasion d’instruire les
autochotnes kanaks et de s’associer à leur révolte en 1878.4

A contre-courant des normes établies, des femmes courageuses se sont levées


et ont brillé dans leur activité. Mais ces femmes ont eu la chance d’être
instruite, ce qui était un privilège. L’éducation des filles se réduisaient
généralement aux notions de base des travaux ménagers ; si la loi Ferry de
1882 sur l’instruction laïque et obligatoire permet enfin aux filles un accès à
l’école primaire, elle n’apporte pas les mêmes connaissances ; les programmes
sont fort différents : la morale et les travaux domestiques y occupent une place
prépondérante. Les progrès seront lents.
L’accès au baccalauréat ne sera ouvert aux files qu’en 1924. A partir de cette
date et tout au long du XXème siècle, les filles vont investir l’école avec une
progression fulgurante : à partir de 1971, les bachelières dépassent les
bacheliers, leur taux de réussite nettement supérieur (2 à 3%) reste constant
jusqu’à 2010 inclus.

La supériorité masculine a paru une évidence aux yeux de tous pendant


plusieurs millénaires. S’affranchir de ce mythe ancré historiquement dans les
consciences est sans nul doute le résultat des efforts de nombreuses femmes
et aussi, il est sain de le reconnaître, de quelques hommes. Revoir et revisiter
les relations femmes / hommes est le plus beau pari du XXIème siècle. En se
regardant l’un, l’autre et en reconnaissant à chacun, son origine d’être humain,
le masculin et le féminin peuvent s’harmoniser aussi bien en chaque individu
que dans la rencontre «intersexe ».

Pour en savoir plus :


ABEL D. La Femme en sept états Paris, Publibook, 2009.
BACHELOT R. FRAISSE G. Deux femmes au royaume des hommes. Paris, Hachette, 1999
BARD C. (sous la direction de) Un siècle d’anti-féminisme. Paris, Fayard, 1999.

4
Louise Michel, la rebelle de Solveig Anspach est un film biographique très fidèle ; à ne pas confondre avec le
film Louise Michel de Gustave Kervern et Benoit Delépine qui n’est pas une biographie mais néanmoins rend
hommage à l’héroïne de la Commune.

6
DE BEAUVOIR Simone Le deuxième sexe Paris, Gallimard, 1976 (1ère édition 1949)
BOURDIEU P. La domination masculine. Paris, Seuil, 1998.
FRAISSE G. Les femmes et leur histoire. Paris, Gallimard, 1998.
HERITIER F. Masculin/Féminin II. Dissoudre la hiérarchie. Paris, Odile Jacob, 2002.
TOURAINE A. Le monde des femmes Paris, Fayard, 2006.

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