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Université PANTHEON-ASSAS (PARIS II)

Droit – Economie – Sciences sociales


Melun U.E.F.2 1070

Session : septembre 2016

Année d’étude : Troisième année de Licence Droit

Discipline : Droit civil 2 (droit de la famille)


(Unité d’enseignements fondamentaux 2)

Titulaire du cours : Jean Garrigue

Documents autorisés : le Code civil et un dictionnaire linguistique pour les étudiants non
francophones

Durée de l’épreuve : 3h

Vous traiterez l’un ou l’autre des deux sujets proposés.

Sujet n° 1 : Dissertation
Mariage et filiation
Sujet n° 2 : Résoudre le cas pratique suivant :
Piètre épouse, Manon est une maîtresse modèle : elle a beaucoup tourmenté ses maris
mais a toujours été fidèle à son amant. Elle avait rencontré Fabrice en juillet 2012, à une
époque où elle était l’épouse de Bruno, et avait éprouvé pour lui une passion aussi soudaine
qu’envoûtante. Elle n’avait donc pas tardé à céder à ses avances. Mais environ quatre mois
après ses premiers écarts de conduite, elle avait constaté qu’elle était enceinte ; elle ne savait
qui de Bruno ou de Fabrice était le père de l’enfant. Elle avait alors commis une erreur de
jeunesse : encore convaincue des vertus de la transparence, elle avait confessé ses fautes à son
conjoint. Quoique touchante, sa naïve franchise ne fut pas récompensée : Bruno se conduisit
de manière assez décevante. Incapable de dominer son dépit, il ne fit aucun effort pour la
comprendre et la traita même de manière assez déplaisante ; il demanda immédiatement le
divorce, qui fut finalement prononcé par consentement mutuel le 27 juillet 2013. Quelques
jours plus tôt, Manon avait mis au monde son enfant, prénommé Mattéo. Malgré les
circonstances, Bruno fut officiellement présenté comme le père du nouveau-né1 ; il a toujours
traité celui-ci comme son fils et contribue généreusement à son entretien.
La soudaine rupture de son mariage plongea Manon dans l’embarras. Avocate
débutante, elle n’était pas en mesure de pourvoir à sa subsistance. Or il n’était pas question
pour Fabrice de l’épouser : il vivait depuis plusieurs années avec Léa et n’était pas alors
disposé à l’abandonner brutalement. Le 12 mars 2015, Manon épousa par conséquent
Matthieu, qui était dirigeant d’une importante entreprise et qui lui apporta l’aisance financière
dont elle avait besoin ; elle pensait alors sincèrement qu’elle ne reverrait plus son amant,
auquel elle avait envoyé une tragique lettre d’adieu quelques mois plus tôt. Mais Matthieu se
révéla si raisonnable qu’après un an de mariage, elle s’en alla à nouveau chercher un peu
d’ivresse dans les bras de Fabrice. Le 23 juin dernier, Matthieu revint malheureusement chez
lui beaucoup plus tôt qu’il ne le faisait d’ordinaire et trouva Manon en galante compagnie ;
s’ensuivit une discussion un peu houleuse…
Pour l’heure, Manon n’a pas quitté le logement dans lequel elle vivait avec son mari
mais dès le 11 juillet, elle a déposé une requête en divorce et une ordonnance de non-
conciliation a été rendue aujourd’hui-même. Il n’est toutefois pas certain que la procédure que
l’épouse a engagée ira jusqu’à son terme. Très épris de Manon, Matthieu est en effet disposé à
lui pardonner. Il est vrai que sa femme est enceinte depuis près de quatre mois2 et que
Matthieu ne veut pas de cet enfant, dont il sait ne pas être le père. Matthieu a toutefois
suggéré à Manon d’accoucher sous X ; il lui a expliqué que la société avait besoin de femmes
dévouées à la noble cause de l’adoption.
Pour l’heure, Manon hésite. Fabrice, qu’elle aime profondément, est désormais prêt à
vivre avec elle3. Mais alors que Matthieu lui offre des conditions d’existence paradisiaques,
Fabrice est un peintre mal compris, dont les revenus sont très modestes. Puisque l’ordonnance
de non-conciliation a été rendue, Manon emménagera sûrement chez Fabrice dans quelques
jours4. Il n’est toutefois pas impossible que dans deux ou trois mois, elle renonce à la rupture
envisagée et qu’elle retourne vivre auprès de Matthieu.

1
Vous tiendrez pour acquis que la paternité de Bruno a été juridiquement établie.
2
Vous tiendrez pour acquis qu’il n’est plus possible pour Manon d’interrompre sa grossesse.
3
Léa l’a quitté il y a un an.
4
Vous tiendrez ce point pour acquis.
Redoutant que Manon ne se détourne de lui, Fabrice souhaite envisager tous les
scénarios concevables. Ayant connaissance de vos compétences en droit de la famille, il vous
a donc contacté pour faire le point sur la situation.
1) Si Manon choisit l’aventure et qu’elle maintient sa demande de divorce, Matthieu refusera
tout accord sur le principe ou les conséquences de la rupture5.
a) Dans ces conditions, Fabrice voudrait savoir quel fondement Manon pourrait
invoquer pour obtenir la dissolution du mariage6. Il vous précise que Matthieu ne
prendra pas l’initiative d’introduire l’instance7 mais qu’il sollicitera peut-être une
rupture pour faute à titre reconventionnel. Il se demande donc si le divorce risque
d’être prononcé aux torts de Manon (3,5 points).
b) Fabrice sait combien cette dernière est dépensière : si elle décide de vivre avec lui,
ils auront rapidement besoin d’argent car ils ne perçoivent que de faibles revenus et ne
sont propriétaires d’aucun bien de valeur. Il espère donc que Manon bénéficiera d’une
aide financière de Mattieu après la disparition du mariage8 et qu’elle ne sera pas
condamnée au versement de dommages-intérêts. Il se demande en outre s’il ne serait
pas possible pour Manon d’engager une action contre Bruno. Elle vient en effet
d’apprendre qu’en juin 2012, son premier mari avait perçu une très importante prime,
dont il lui avait dissimulé l’existence alors qu’il s’agissait d’une somme commune aux
deux conjoints9 (6,5 points).
2) Pour l’heure, il n’est pas exclu que la jeune avocate renonce au divorce, qu’elle retourne
vivre avec Matthieu et qu’elle accouche sous X10. Fabrice ignore si dans une telle hypothèse,
il pourrait néanmoins être considéré comme le père de l’enfant et contraindre Manon à
assumer sa maternité (5 points).
3) Bien qu’il n’ait pas reconnu Mattéo et qu’il ne se soit jamais comporté comme le père de
cet enfant, Fabrice est convaincu que celui-ci est son fils. Il voudrait donc être juridiquement
tenu pour le père de ce jeune garçon et vous demande quelles sont les démarches qu’il doit
entreprendre à cette fin (5 points).

5
Vous tiendrez ce point pour acquis.
6
Manon, qui se sent responsable de la rupture, refusera d’invoquer un quelconque grief à l’encontre de Matthieu.
7
Vous tiendrez ce point pour acquis.
8
Si une telle aide était accordée à Manon après la dissolution du mariage, elle consisterait en une somme
d’agent versée en une seule fois. Vous tiendrez ce point pour acquis et vous ne vous interrogerez donc pas sur la
forme que pourrait prendre l’indemnité éventuellement due par Matthieu à Manon.
Je vous précise par ailleurs que dans son ordonnance de non-conciliation, le juge a attribué à Manon une
pension alimentaire qui restera due pendant toute la durée de la procédure. Vous tiendrez ce point pour acquis et
vous n’envisagerez donc pas cette question.
Je vous indique enfin que Manon ne réclamera jamais rien à Matthieu pour l’enfant à naître car si elle
renonce à accoucher sous X, les différents protagonistes feront en sorte que la filiation paternelle du nouveau-né
soit établie à l’égard de Fabrice : vous tiendrez ce point pour acquis.
9
Vous tiendrez ce point pour acquis.
10
Si Manon retourne vivre avec Matthieu, elle accouchera certainement sous X. Vous tiendrez donc ce point
pour acquis.

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