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Université Alioune DIOP Bambey

UADB

10/02/2022 COURS

Droits fondamentaux et réseaux


sociaux
Département : Ingénierie Juridique
Niveau : L3 CYBER

Charger de cours :
IIBRAHIMA DIEDHIOU
Année: 2021-2022
PLAN DU COURS

Introduction

Chapitre 1- Nature juridique des réseaux sociaux


Section 1- Quelques réseaux sociaux utilisés : diversité de formes et de
comparables
Paragraphes 1- La diversité des réseaux sociaux
Paragraphes 2- La diversité des comparables
Section 2- Les qualificatifs juridiques des réseaux sociaux
Paragraphes 1- Le régime du secret des correspondances et de la protection des
données personnelles
Paragraphes 2- Le régime de la responsabilité des prestataires

Chapitre 2- Les problèmes juridiques des réseaux sociaux


sur les droits fondamentaux
Section 1- Les atteintes liées aux droits de la personnalité
Paragraphes 1- Le respect de la vie privée
Paragraphes 2- Les voies de recours des victimes
Section 2- Les réseaux sociaux : un moyen d’accroissement de la liberté
d’expression
Paragraphes 1- L’encadrement juridique de la liberté d’expression sur les réseaux sociaux
Paragraphes 2- L’union liberté d’expression, réseaux sociaux et le milieu du travail

1
Introduction

Les réseaux sociaux, moyens de communication incontournables de nos jours, sont


devenus utilisables dans nos sociétés à diverses fins avantageuses. Les principaux qui sont
utilisés et qui permettent d’échanger, de publier, de partager des images ou vidéos avec des
amis sont facebook, instagram, twitter, whatsapp, messenger, skype, viber. Cependant,
Internet ne contient pas seulement des avantages et n’est malheureusement pas utilisé que par
des gens de bonne intention ou les adultes. En réalité, les adolescents s’y invitent, parfois plus
que les autres classes sociales et donc, ne sont pas par conséquent épargnés des conséquences
néfastes de ces réseaux sociaux. C’est dans Internet, il faut le reconnaitre, que sont constatés
abus et excès de tout genre avec un manque de contrôle notoire. C’est d’ailleurs pour la plupart
du temps l’espace où les enfants passent la majeure partie de leur temps pour ne pas dire la
totalité. Et ainsi, ils s’exposent à des risques incontrôlables.

Malgré tout, en raison de l’évolution rapide des pratiques et des outils, il n’est pas
facile de bien comprendre ces phénomènes au quotidien. On peut relever une problématique
s’agissant de ces outils (et qui pourrait être élargie au numérique en général) : il existe une
différence d’approche entre des individus qui ont grandi « sans », et ont appris à les utiliser
avec leurs connaissances précédentes, face à ceux qui n’ont connu qu’un monde « avec ».
Dans le cadre de ce cours intitulé « droits fondamentaux et réseaux sociaux », il s’agit
de définir au préalable les concepts en faisant le rapprochement avec d’autres. En effet,
l’expression « droits fondamentaux » se rapproche de celle de « libertés publiques » et celle de
« droit de l’homme » alors que les réseaux sociaux s’inscrivent dans le cadre du web2.0 donc
de l’internet.
Le droit fondamental est une notion assez récente et il est considéré comme un droit
protégé à l’encontre du législateur et qui est inhérent à la nature humaine. S’agissant des libertés
publiques, elles sont définies par plusieurs auteurs notamment Gille Lebreton pour qui les
libertés publiques sont des « pouvoirs d’auto-détermination qui visent à assurer l’autonomie
de la personne reconnue par des normes à valeur au moins législatives et bénéficiant d’un
régime juridique de protection renforcé même à l’égard des pouvoirs publics ». Cette
définition est cependant considérée comme étant restrictive par certains comme Xavier Philips
qui définit les libertés publiques comme étant « les droits et libertés que l’individu seule ou
collectivement peut faire valoir à l’encontre des atteintes potentielles portées par la puissance
publique ». Ainsi, la constitution du Sénégal à travers ses articles 7 ; 8 et 9 garanties les

2
droits fondamentaux. Le peuple sénégalais reconnaît l’existence des droits de l’homme
inviolables et inaliénables comme base de toute communauté humaine, de la paix et de la justice
dans le monde1. La République du Sénégal garantit à tous les citoyens les libertés individuelles
fondamentales, les droits économiques et sociaux ainsi que les droits collectifs, notamment :
les libertés civiles et politiques (liberté d’opinion, liberté d’expression, liberté de la presse,
liberté d’association, liberté de réunion, liberté de déplacement, liberté de manifestation), les
libertés culturelles, les libertés religieuses, les libertés philosophiques, les libertés syndicales,
la liberté d’entreprendre, le droit à l’éducation, le droit de savoir lire et écrire, le droit de
propriété, le droit au travail, le droit à la santé, le droit à un environnement sain, le droit à
l’information plurielle2.
S’agissant des réseaux sociaux, le terme recouvre les différentes activités qui intègrent
la technologie, l’interaction sociale, et la création de contenu. Au sens strict, un réseau social
est un « ensemble d’individus ou d’organisations reliés par des interactions sociales
régulières3 ».

Au sens large, les médias sociaux4,5 sont « des applications web qui permettent la
création et la publication de contenus générés par l’utilisateur6 et le développement de
réseaux sociaux en ligne en connectant les profils des utilisateurs7 ».

Les médias sociaux utilisent l’intelligence collective dans un esprit de collaboration en


ligne. Par le biais de ces moyens de communication sociale, des individus ou des groupes
d’individus forment un réseau social.
Pour tenter de cerner le phénomène et se concentrer sur les services numériques, des
termes connexes ont pu être explorés : « médias sociaux », « sites de réseautage social », etc.

1
Article 7 de la loi n° 2001-03 du 22 janvier 2001 portant constitution, modifiée, (JORS, numéro spécial
5963 du 22 janvier 2001, p. 27)
2
Article 8 de la loi n° 2001-03 du 22 janvier 2001 portant constitution, modifiée, (JORS, numéro spécial
5963 du 22 janvier 2001, p. 27)
3
Entrée « Réseau social ».https://fr.wikipedia.org/wiki/M%C3%A9dia_social, dernière édition 11 février. 2022.
4
« Dictionnaire : Définition Média social », sur linternaute.com, L'Internaute (consulté le 2 janvier 2017).
5
« média social », Le Grand Dictionnaire terminologique, Office québécois de la langue française (consulté le 13
février 2022).
6
Andreas Kaplan et Michael Haenlein, « Users of the world, unite! The challenges and opportunities of Social
Media, », Business Horizons, 2011
7
Boyd, d. m. and Ellison, N. B., « Social Network Sites: Definition, History, and Scholarship », Journal of
Computer-Mediated Communication, 2007

3
Retenons celle de « site de réseau social » défini par d. boyd et N. Ellison8 : « Services
s’appuyant sur le Web qui permettent aux individus de :
1. construire un profil public ou semi-public au sein d’un système délimité et encadré
2. d’articuler une liste d’autres utilisateurs avec qui ils partagent un lien, un centre d’intérêt
et,
3. de voir et traverser leur liste de connexions et celles faites par d’autres au sein du
système. La nature et la nomenclature de ces connexions pouvant varier de site en site ».
L’histoire et le développement des réseaux sociaux remonte à la fin des années 1970.
Deux passionnés d’informatique, Ward Christensen et Randy Suess, conçoivent
le Computerized Bulletin Board System en 1978. Il s’agit du premier site permettant aux
internautes d’échanger des informations (notes, réunions…) par voie informatique. Dans les
années qui suivirent, de nombreux autres sites similaires furent conçus9.
Par la suite, des étudiants du « National Center for Supercomputing
Applications » (NCSA) de l’Illinois développent Mosaic, le premier navigateur web permettant
d’afficher le « World Wide Web ». Celui-ci, qui sera rebaptisé plus tard Mosaic Netscape puis
Netscape Navigator, est dévoilé en 19937. D’autres navigateurs vont être développés dans les
années 1990. Cet accès au World Wide Web entraine une démocratisation du web10.
Vers 1995, les premiers marchands, tels qu'Amazon, EBay et Yahoo!, font leur
apparition. Ils vont également contribuer à cette démocratisation, mais leur concept amène
également un recul du contenu produit par les internautes, puisque ce qui se retrouve sur ces
sites est produit principalement par des entreprises ou organisations, comme le souligne
Alexandre Coutant et Thomas Stenger. Ces derniers mentionnent toutefois le cas particulier
d’Amazon qui invite les gens à publier des avis ou à commenter. En ce sens, il peut être qualifié,
selon eux, comme « le premier site marchant « participatifs » »11.
Le site web SixDegrees.com, considéré comme le premier réseau social, apparait en
199712. Il est suivi en 1999, par la plateforme de discussions entre internautes MSN,
rebaptisées Windows live messenger en 2005, qui fait son arrivée, de même que la première

8
Traduction personnelle de : boyd, danah, et Nicole B. Ellison. « Social Network Sites: Definition, History, and
Scholarship ». Journal of Computer-Mediated Communication 13, No. 1 (1er octobre 2007),
9
Kevin Driscoll, « Social Media’s Dial-Up Ancestor: The Bulletin Board
System » sur spectrum.ieee.org, 24(consulté le 12 Février 2022)
10
Alexandre Coutant et Thomas Stenger, « Les médias sociaux : une histoire de participation », Le temps des
médias, no 18, 2012, p.76-86.
11
Ibidem.
12
Michael Dewing, « Les médias sociaux - introduction », Bibliothèque du parlement, 2010

4
plateforme de blogs accessible à un large public, Blogger13. Vers 2002, les réseaux sociaux
commencent à se multiplier avec l'apparition, notamment, de Friendster et MySpace. La
popularité autour de certain se dissipe rapidement, comme dans le cas du premier, tandis que
d'autres, comme le second, parviennent à s'attirer un public14.
C’est toutefois quelques années plus tard, « à partir de la création des réseaux socio-
numériques, et de l’essor de Facebook [qui arrive en 2004 et devient public en 2006] en
particulier, que l’appellation « médias sociaux » s’est largement diffusée »15. L'utilisation de
ceux-ci connait une importante augmentation dans les années qui suivent. Ainsi, dès la fin des
années 2000, ils sont « largement entrés dans les mœurs » des gens16.
Comme tout phénomène nouveau, ces réseaux posent beaucoup de questions, aussi
bien sur le plan sociologique qu’économique.
De notre côté, nous allons traiter un type de problématique qui commence
seulement à émerger plusieurs années après la création de ces réseaux : les problématiques
juridiques. En effet, comme tout nouveau phénomène ces réseaux doivent être appréhendés
par le droit. Pour cela, la première difficulté est de définir leur nature juridique et ensuite
il faut voir quels sont les domaines du droit qui sont concernés par ce phénomène
notamment les droits fondamentaux. A cet égard, il faut constater que, par leur universalité,
ces réseaux posent des questions dans de nombreux domaines du droit aussi distincts
que le droit de la propriété intellectuelle, le droit social, ou encore le droit de la
personnalité. Notre réflexion sera par conséquent conduite par deux questions :
- Quelles sont les approches juridiques liées au droit de l’Internet, d’une part à la
protection de la vie privée, d’autre part à la protection des données à caractère personnel
et enfin à la sécurité des systèmes et des données ?
- Quelle culture aux réseaux sociaux pourrait-on mettre en place, alors que de nombreuses
« voix autorisées » s’élèvent au Sénégal pour demander une véritable éducation
juridique aux médias ?
Ainsi, un utilisateur d’un réseau social qui publie une œuvre doit le faire dans le respect
des règles décrites dans le code de la propriété intellectuelle, et s’il publie une photo, il doit
respecter le droit à l’image de la personne photographiée. Un salarié qui se connecte sur

13
Kevin Driscoll, « Social Media’s Dial-Up Ancestor: The Bulletin Board System », op. cit.
14
Michael Dewing, « Les médias sociaux - introduction », op. cit.
15
Alexandre Coutant et Thomas Stenger, « Les médias sociaux : une histoire de participation », op. cit.
16
Michael Dewing, « Les médias sociaux - introduction », op. cit.

5
Facebook pendant son temps de travail doit veiller à ne pas enfreindre les limites que le droit
du travail a données à sa liberté mais à l’inverse l’employeur ne doit pas porter atteinte à sa vie
privée. Enfin, du fait de la globalisation de ces réseaux, toutes ces problématiques juridiques
doivent être posées en lien avec le droit international qui permet de déterminer quel droit est
applicable au litige.
Pour comprendre les problèmes juridiques posés par les réseaux sociaux sur les droits
fondamentaux (Chapitre II), il faut tout d’abord comprendre ce dont il s’agit et tenter de
déterminer leur nature juridique (Chapitre I).

6
Chapitre 1- Nature juridique des réseaux sociaux

Nous prendrons le parti de considérer les sociétés exploitant les différents réseaux
sociaux comme des prestataires techniques de service de communication au public en
ligne assimilable à des hébergeurs, tout en gardant à l’esprit que la jurisprudence sur la
question n’est pas encore tout à fait stable. Cette qualification est très utile juridiquement
car, comme nous l’avons vu, elle a pour conséquence l’application d’un régime de
responsabilité particulièrement favorable pour ces sociétés. En revanche, si cette qualification
s’applique aux sociétés exploitant un tel réseau, elle ne répond pas à notre question initiale, à
savoir : quelle est la nature juridique du réseau lui-même ? C’est à cette question que nous
allons tenter d’apporter des réponses, tout d’abord en comparant ces réseaux sociaux à des «
objets juridiques » dont on connait la nature et le régime (Section I), mais nous verrons,
ensuite, que, même si cette comparaison nous permet de déterminer l’application d’un
certain nombre de loi aux réseaux sociaux, aucun de ces comparables ne permet de
comprendre toutes les problématiques juridiques posées par ceux-ci. L’analyse de ces
différents comparables nous permet de déduire l’application d’un certain régime juridique
à ces réseaux sociaux (Section II)

Section 1- Quelques réseaux sociaux utilisés : diversité de formes et de


comparables

En l'absence de dispositions spécifiques aux réseaux sociaux, il convient de déterminer


leur nature juridique afin de déterminer le régime juridique qui leur est applicable. Pour ce faire,
nous essaierons de les comparer à un certain nombre d'objets dont nous connaissons la nature
juridique et les régimes, afin de déterminer s'ils sont suffisamment similaires pour que nous
puissions appliquer leurs régimes aux réseaux sociaux (Paragraphes 2). Mais pour réussir à
identifier nos « comparables », il faut d'abord analyser la diversité des différents réseaux
sociaux (Paragraphes 1).

Paragraphes 1- La diversité des réseaux sociaux

Il existe des réseaux publics globaux mais aussi des réseaux internes à des
entreprises ou encore à des écoles ou universités. Certains réseaux se veulent «
professionnels » tandis que d’autres seraient plus « personnels ». Il existe des

7
réseaux qui proposent des services très divers et gratuits tandis que d’autres sont
payant et proposent un service très spécifique. Devant cette multiplicité, il semble
parfois illusoire de chercher à appliquer les mêmes règles à tous ces « types » de
réseaux. Pourtant, pour réussir à trouver une nature juridique commune à cet
ensemble, nous devons tenter une classification. Nous proposons donc de « ranger
» ces réseaux en fonction de deux critères qui nous semblent essentiels, tout d’abord
l’objectif poursuivi par le réseau (A) et ensuite la forme du réseau (B), autrement dit
les services proposés.
A- Des objectifs divers

Certains réseaux visent des relations purement amicales, c’est le cas, d’une certaine
manière, de Twitter ou encore de Myspace. D’autres réseaux ont pour objectif de permettre à
leurs membres de « trouver l’âme sœur », nous pensons ici, bien sûr à « Meetic » et tous les
autres réseaux de rencontres. Il existe aussi des réseaux qui ont pour but de créer ou de
maintenir des relations professionnelles avec des collègues, des clients ou des fournisseurs,
nous envisageons ici le cas des réseaux tels « LInkedin ou Viadeo ». Certains réseaux sont, pour
leur part, spécialisés dans les « retrouvailles » entre amis d’enfance ou camarades de classe,
nous pouvons ici citer « copainsdavant ou encore trombi.com ».
Enfin, et sans prétendre à l’exhaustivité, certains réseaux sociaux, comme Facebook,
par exemple, se veulent « généralistes » et permettent à leurs membres de créer tout type de
relations. A cet égard, on peut noter que lors de l’inscription, ce site propose à ses nouveaux
membres d’indiquer sur leur profil le type de relation qu’ils cherchent (amitié, relations
sentimentale…). D’autre part, l’objectif poursuivi par l’utilisateur d’un réseau social peut être
de se connecter à un nombre potentiellement illimité de personnes, c’est le cas lors de
l’inscription sur l’un des grands réseaux précités, mais il ne faut pas non plus négliger l’essor
des réseaux « privés ». Il existe, en effet, de plus en plus d’entreprises ou d’universités qui
créent des réseaux sociaux auxquels seuls les employés ou les étudiants peuvent accéder. Ces
réseaux peuvent être extrêmement utiles pour créer un sentiment d’appartenance, une culture
d’entreprise ou un « esprit de promo ». Nous constatons ainsi la très grande diversité des
objectifs poursuivis par les différents réseaux sociaux.
B- Des formes diverses

Cette diversité des objectifs poursuivis par les réseaux est, bien évidemment reflétée dans les
différentes formes que les réseaux sociaux peuvent prendre. En effet, on ne peut que constater

8
les différences dans les services proposés par les réseaux. Certains, comme Twitter, se
contentent de permettre à leurs membres de publier des messages courts visibles par tous leurs
abonnés. D’autres, comme « Linkedin », vous permettent de détailler sur votre profil votre
formation et votre expérience professionnelle. Certains réseaux, comme « copainsdavant » ou
« Myspace » vous permettent de partager avec vos « amis » des albums photos ou encore des
vidéos. La plupart de ces réseaux ont un système de messagerie personnelle type « email »,
permettant à l’utilisateur de communiquer avec ses contacts de manière privée. Mais il existe
aussi sur certains réseaux comme « Myspace », « Facebook ou encore Twitter », la possibilité
d’envoyer un message sur la page personnelle de l’utilisateur, ce message étant donc visible par
tous les « amis » de celui-ci. Beaucoup de réseaux comme « Linkedin, copainsdavant ou
Facebook » permettent à leurs utilisateurs de créer des groupes virtuels en fonction de leurs
intérêts ou de leurs opinions. Certains réseaux proposent des jeux en ligne auxquels les
utilisateurs peuvent jouer seuls ou à plusieurs, c’est le cas de Facebook ou encore de
copainsdavant. Enfin, certains réseaux proposent à leur membre d’écrire et de publier des
articles et des notes sur les sujets qui les intéressent, c’est le cas, ici encore de copainsdavant et
de Facebook. De nouveau, nous ne prétendons pas être exhaustifs car cette liste pourrait
continuer de manière quasi infinie tant les réseaux proposent de fonctionnalités et compte tenu
du fait qu’ils proposent tous, régulièrement, de nouvelles applications. Nous retiendrons
simplement que les services proposés par les différents réseaux sont extrêmement variés ce qui
explique, notamment, la difficulté à trouver un régime juridique qui serait applicable à tous les
réseaux. En effet, d’un réseau à l’autre, les problématiques peuvent être très différentes. Nous
noterons, tout de même, que le réseau Facebook, par la très grande variété des services qu’il
propose et du fait de sa volonté de rester un réseau « généraliste » concentre, probablement, la
plupart des problèmes juridiques que l’on peut trouver sur les différents réseaux. C’est la raison
pour laquelle, nous nous réfèrerons régulièrement à ce réseau en particulier, dans nos
développements à venir.
Paragraphes 2- La diversité des comparables

Pour notre tentative de qualification juridique des réseaux sociaux, face aux
difficultés posées par la diversité de formes et d’objectifs évoquée précédemment,
nous avons décidé de procéder par une approche comparative. Au vu des différentes
caractéristiques des réseaux sociaux que nous avons mentionnées précédemment,
nous avons établi une liste de « comparables » qui nous semblent pertinents pour
tenter de déterminer la nature juridique des réseaux sociaux. Certains de ces

9
comparables impliquent, comme les réseaux sociaux, une connexion à internet (B)
mais nous allons aussi comparer les réseaux sociaux à des « objets » qui ne sont pas
nécessairement sur internet (A).
A- Des comparables sur des supports classiques

Pour déterminer le régime juridique applicable aux réseaux sociaux, nous allons les
comparer, dans un premier temps à des éléments dont le support est plus traditionnel tels que
les journaux intimes et la presse écrite. Le premier élément auquel on peut comparer un réseau
social est le journal intime. En effet, mise à part la publication sur internet, on voit de
nombreuses similitudes entre la page personnelle d’un utilisateur de réseau social et un journal
intime. Si on reprend la définition de l’encyclopédie Larousse du journal intime, on lit que « Le
journal intime note, suivant un rythme et à une fréquence variable, des événements
extérieurs, des états d'âme ou des réflexions morales ». Tous les réseaux sociaux ne répondent
pas à cette définition, mais il est vrai que les pages personnelles des utilisateurs de réseaux
sociaux comme Twitter ou encore Facebook, peuvent, en fonction de l’utilisation qui en est
faite, répondre à cette définition. Dès lors, il faut se demander si on doit leur appliquer le régime
que l’on réserve aux journaux intimes.

Pour ces derniers, le problème principal est celui de savoir si on peut les utiliser comme
preuve. A cet égard, bien qu’ils n’aient pas de destinataire désigné, les journaux intimes sont
considérés par la jurisprudence comme des lettres confidentielles17 ils sont donc théoriquement
protégés par le secret des correspondances. Néanmoins, l’article 259 du Code civil issu de la
loi du 26 mai 2004 dispose que « Les faits invoqués en tant que causes de divorce ou comme
défenses à une demande peuvent être établis par tout mode de preuve, y compris l'aveu ». Cet
article confirme ainsi la jurisprudence18selon laquelle le journal intime peut constituer un
élément de preuve dont la valeur est appréciée souverainement par les juges du fond à condition
que la preuve qu’il a été obtenu frauduleusement n’ait pas été apportée. Et le fait que le journal
intime soit écrit sur un support informatique ne modifie pas cette solution19. La question s’était
également posée de savoir si les règles du droit d’auteur sur l’exclusivité du droit de divulgation
d’une œuvre et sur la nécessité du consentement de l’auteur pour sa reproduction ne
s’opposaient pas à la production d’un journal intime comme preuve. A cet égard, après

17
Cass. Civ. 2e 30 octobre 1957.
18
Cour de Cassation, Chambre civile 2, du 6 mai 1999, 97-12.437, Publié au bulletin N° de pourvoi : 97-12.437
19
JCL civil Code, art. 259 à 259-3 Fasc 50, n°105

10
une certaine hésitation sur le sujet20le législateur a introduit l’article Article 90-11 Loi n° 2016-
29 du 08 novembre 2016 modifiant la loi n° 65-60 du 21 juillet 1965 portant Code pénal qui
dispose que « Si les nécessités de la recherche des preuves l’exigent, le juge d’instruction, ou
l’officier de police judiciaire en exécution d’une délégation judiciaire, peut utiliser les moyens
techniques appropriés pour collecter ou enregistrer en temps réel, les données relatives au
contenu des communications spécifiques, transmises au moyen d’un système informatique ou
obliger un fournisseur de services, dans le cadre de ses capacités techniques à collecter ou à
enregistrer, en application des moyens techniques existant, ou à prêter aux autorités
compétentes son concours et son assistance pour collecter ou enregistrer lesdites données
informatiques.
Si les nécessités de l’enquête l’exigent, l’officier de police judiciaire peut également,
accomplir les mesures prévues par l’alinéa premier du présent article, sur autorisation et sous
le contrôle du procureur de la République21 ». C’est sur ce texte que se sont fondés les juges
pour autoriser la production d’un journal intime dans une procédure de divorce. Est-ce que
cette solution doit être transposée à la page personnelle d’un utilisateur de réseau social
? Il semble que l’on doive répondre par l’affirmative au vu de la jurisprudence récente
qui semble accepter une telle preuve.
Ainsi, on peut appliquer, dans une certaine mesure, le régime juridique du journal
intime aux réseaux sociaux. Tentons, maintenant, de faire la même comparaison avec la
presse écrite. Peut-on comparer la page personnelle d’un individu sur un réseau social à
un journal traditionnel ? La presse est soumise à un régime particulier consacré notamment
loi n° 2017-27 du 13 juillet 2017 portant Code de la Presse2223. Nous n’entrerons pas dans les
détails du régime juridique de la presse car ce n’est pas notre sujet. G Cornu définit
la presse comme « l’ensemble des moyens d’information quel qu’en soit le mode
d’expression24 ». Cette définition, extrêmement large recouvre beaucoup d’activités. Peut-
on envisager pour autant les réseaux sociaux comme des organes de presse ?

20
Cass. Civ. 1ère 25 février 1997
21
J.O. N° 6976 du samedi 26 novembre 2016

22
Cette loi abrogée toutes les dispositions contraires au présent Code, notamment la loi n° 96-04 du 22 février
1996 relative aux organes de communication sociale et aux professions de journaliste et de technicien ainsi que
les article 3 à 13 et les articles 19 et 20 de la loi n° 92-57 du 03 septembre 1992 relative au pluralisme à la
Radiotélévision.
23
J.O. N° 7036 du samedi 19 août 2017
24
G. Cornu, Vocabulaire juridique, 8e édition, p. 713

11
Il est vrai que, comme nous l’avons vu précédemment, l’utilisateur a le statut
d’éditeur et il publie régulièrement des photos, des vidéos, des commentaires voir parfois
des notes. Cette publication est, en générale, limitée à ces « amis » voire « à ces amis
et à leurs amis ». Mais, il est vrai qu’à l’intérieur de ce cercle, qui peut être plus ou
moins limité, chaque utilisateur agit comme un journaliste qui reçoit des informations de
ses sources et des agences de presses et les publient. On pourrait, dès lors, concevoir
un réseau social comme Facebook ou Twitter comme un organe de presse où tous les
utilisateurs seraient des journalistes qui s’échangeraient des informations entre eux.
Le problème de cette comparaison réside dans la notion de « publication ». En effet, le
chapitre IV de la loi sur la liberté de la presse s’intitule « des crimes et délits commis par la
voie de la presse ou par tout autre moyen de publication ». On en déduit que le régime
juridique de la presse ne s’applique pas uniquement à la presse au sens strict mais à « tout
moyen de publication ». La difficulté résulte, ici, du fait que comme le constatait le professeur
Derieux, « la notion de publication est des plus incertaines en droit25 ».
La loi 86-897 du 1er août 1986 définit la publication de presse comme « tout service
utilisant un mode écrit de diffusion de la pensée mis à la disposition du public en général ou de
catégories de publics et paraissant à intervalles réguliers26 ». Cette définition est
particulièrement intéressante dans notre cas, car une « publication » par un utilisateur
sur un réseau social, à condition qu’il s’agisse d’un utilisateur régulier, répond parfaitement
à cette définition. Ainsi, un « tweet », message court publié sur le réseau Twitter,
constitue bien « un mode écrit de diffusion de la pensée » qui est « mis à la disposition
» d’une «catégorie de public », les abonnés de l’utilisateur. Et, à condition que celui-ci
«tweette » régulièrement, alors la dernière condition de parution régulière peut, semble-t-il être
respectée.
La question se pose de savoir si le fait de diffuser les informations uniquement à un
cercle d’« amis » exclut la qualification de « publication ». A cet égard, le professeur
Derieux considère que « au-delà d’un certain cercle, les « amis » des réseaux sociaux ne peuvent
prétendre être unis par un lien personnel excluant la publication ». Ainsi, il semble que la
diffusion d’un message sur un réseau social doive être considérée comme une publication, ce
qui est d’ailleurs confirmé par la récente décision du Conseil de prud’hommes de Boulogne-

25
E. Derieux, La notion de « publication ». – Les insupportables incertitudes du droit, JCP G n° 49, 6 décembre
2010, 1195
26
Loi n°86-897 du 1 août 1986 portant réforme du régime juridique de la presse, article 1er

12
Billancourt27 que nous étudierons par la suite. Ainsi, la comparaison des réseaux sociaux
avec la presse nous semble très pertinente et le régime spécial de la presse avec ses
infractions spécifiques comme la diffamation ou encore l’injure publique s’appliquent,
semble-t-il, aux réseaux sociaux.

B- Des comparables sur des supports électroniques

Après avoir étudié des éléments comparables aux réseaux sociaux qui n’avaient
pas nécessairement pour support internet, comparons, maintenant les réseaux sociaux à
des « objets » connus ayant un support électronique : le blog et les forums de discussion.

En quoi le blog est-il comparable aux réseaux sociaux ? Pour répondre à cette
question, commençons par définir cette notion, il s’agit d’ « un site web, personnel ou
non, présentant un contenu de textes et/ou d’images, s’affichant par ordre chronologique
du plus récent au plus ancien, offrant la possibilité à toute personne de s’exprimer sur
un sujet donné ou de son choix et à tous les lecteurs de répondre par des commentaires
à l’instar de ce qu’il est possible de faire dans un forum de discussion28 ». A la lecture
de cette définition, la tentation est grande d’inverser la question initiale et de s’interroger
sur la différence entre le blog et la page personnel d’un utilisateur de réseau social. En
effet, une telle page permet à son « propriétaire » de s’exprimer et à ses « amis » de
commenter ses publications qui apparaissent aussi de manière chronologique. Qu’est-ce
qui distinguent, alors, ces pages personnelles d’un blog ? La réponse semble être leur
nature : le blog est un site internet à part entière que le « blogueur » peut personnaliser
autant qu’il le souhaite tandis que la page personnelle d’un utilisateur de réseau social
comme Facebook est « une simple composante » de ce site internet pour reprendre
l’expression de V. Nisato. Cette différence peut sembler minime, surtout quand on sait
que l’un des plus grands réseaux sociaux, Twitter, est souvent qualifié de « site de
microblogging ». Les deux qualifications peuvent-elles donc être cumulatives ? En
l’absence de réglementation claire sur le sujet, il est difficile de répondre à cette question.
En revanche, nous pouvons essayer de déterminer si le régime juridique applicable au
blog nous semble applicable aux réseaux sociaux.

27
Cons. Prud’h. Boulogne-Billancourt, 19 novembre 2010, Jurisdata n° 2010- 021303
28
V. Nisato, JCL Régime juridique du blog, Fasc 4755, n°3.

13
A cet égard, le blog relève du droit de la presse et donc de la loi n° 2017-27 du 13
juillet 2017 portant Code de la Presse. Ainsi, le blog doit préciser l’identité de l’éditeur, de
l’hébergeur et du directeur de la publication si l’éditeur est professionnel, comme cela
est prévu à l’article 12 de la loi précitée. Par conséquent, le blog est très largement
comparable à une page personnelle de réseau social et le régime juridique applicable au
blog semble, en grande partie, transposable aux réseaux sociaux.

Cette comparaison des réseaux sociaux avec les journaux intimes, la presse et les
blogs nous a permis de voir qu’un certain nombre de dispositions applicables à ces «
objets » pourraient être applicables, dans certaines conditions, à certains réseaux sociaux.
Pourtant, aucun de ces comparables ne permet réellement d’envisager tous les aspects
des différents réseaux sociaux.

Section 2- Les qualificatifs juridiques des réseaux sociaux

Comme nous l’avons vu, les réseaux sociaux, bien que phénomène récent,
empruntent beaucoup de caractéristiques à de nombreux « objets » aussi différents que
la presse, le journal intime ou encore le blog. Si nous faisons une synthèse des différents
régimes applicables à nos comparables et qui pourrait être étendus aux réseaux sociaux,
on constate que ces sites internet entrent dans le champ d’application du secret des
correspondances et de la protection des données personnelles (paragraphes 1) et celui de la
responsabilité des prestataire (paragraphes 2).

Paragraphes 1- Le régime du secret des correspondances et de la protection des

données personnelles

L’article 2 alinéa 5 de la loi sur les transactions électroniques définit le Service de


communication au public en ligne comme « toute transmission de données numériques
n'ayant pas un caractère de correspondance privée, par un procédé de communication
électronique utilisant le réseau Internet permettant un échange réciproque ou non
d'informations entre l'émetteur et le récepteur ». A la lecture de cet article, on constate
immédiatement que la difficulté se trouve dans la définition de la notion de « correspondance
privée ».

14
A cet égard, le droit positif sénégalais ne donne pas de définition de ce concept mais on
peut trouver une définition dans une circulaire de 198829: « il y a correspondance privée
lorsque le message est exclusivement destiné à une (ou plusieurs) personne, physique ou
morale, déterminée et individualisée ». En revanche, il y a communication publique « lorsque
le message est destiné indifféremment au public en général ou à des catégories de public,
c’est-à-dire un ensemble d’individu indifférenciés, sans que son contenu soit fonction de
considérations fondées sur la personne ».
La grande majorité des échanges qui ont lieu sur les réseaux sociaux entrent directement
dans le champ d’application de cette réglementation. En effet, à l’exception des messages
envoyés à travers les systèmes de messagerie personnelle qui devraient probablement être
considérés comme ayant le caractère de « correspondance privée », toutes les informations
échangées sur les réseaux sociaux semblent répondre à cette définition.
En effet, il semble que l’un des critères de distinction entre correspondance privée
et publique soit fondé sur les caractéristiques du ou des destinataires, sans que leur
nombre ne semble importer. Le deuxième critère nous apparait, quant à lui, être fondé sur le
contenu du message lui-même, ce qui n’est pas sans rappeler la jurisprudence concernant
la «communauté d’intérêts » qui est analysée comme un critère permettant de déterminer
le caractère « public » d’une diffusion en matière d’infractions de presse comme la
diffamation font l’objet d’une sanction spécifique lorsqu’elles sont commises par le biais de
l’internet. Ainsi, le Sénégal a signé et adhéré à plusieurs instruments internationaux et
régionaux relatifs aux droits humains, notamment la Déclaration universelle des droits de
l'homme, le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, le Pacte international relatif
aux droits économiques, sociaux et culturels, et la Charte africaine des droits de l’homme et des
peuples.
La Déclaration universelle des droits de l'homme stipule en son article 12 que : « Nul
ne peut être l'objet d'immixtions arbitraires dans sa vie privée, sa famille, son domicile ou sa
correspondance, ni d'atteintes à son honneur et à sa réputation. Toute personne a droit à la
protection de la loi contre de telles immixtions ou de telles atteintes ».
En conformité avec les engagements internationaux du Sénégal, la constitution prévoit
en son article 13 que: « Le secret de la correspondance, des communications postales,

29
Circulaire du 17 février 1988 prise en application de l'art. 43 de la loi 86-1067 du 30-09-1986 relative à la liberté
de communication, concernant le régime déclaratif applicable à certains services de communication audiovisuelle.

15
télégraphiques, téléphoniques et électroniques est inviolable. Il ne peut être ordonné de
restriction à cette inviolabilité qu’en application de la loi30 ».
Les textes sont prévus par le Code Pénal, de la Loi sur les données à caractère personnel
et de la loi sur les transactions électroniques. Les infractions sont réprimées, par le Titre V du
Code pénal, modifié récemment par la Loi n°2016-29 du 8 novembre 2016 : « L’article 363 bis
dispose que : » Est puni d’un emprisonnement d’un an à cinq ans et d’une amende de 500.000
francs à 5.000.000 de francs celui qui, au moyen d’un procédé quelconque, porte volontairement
atteinte à l’intimité de la vie privée d’autrui : en captant, enregistrant, transmettant ou diffusant,
sans le consentement de leur auteur, des paroles prononcées à titre privé ou confidentiel ; en
fixant, enregistrant, transmettant ou diffusant, sans le consentement de celle-ci, l’image d’une
personne se trouvant dans un lieu privé ». Cette nouvelle infraction réprime les enregistrements
clandestins audio ou vidéo et la prise de photo sans le consentement de la personne concernée.
Elle vise la personne qui enregistre l’information, celle qui la partage avec des tiers et celle qui la
diffuse par exemple sur les réseaux sociaux.
Selon la loi sur les données à caractère personnel en son article 431-27 dispose que
« Celui qui recueille des données à caractère personnel dont la divulgation aurait pour effet de
porter atteinte à la considération de l’intéressé ou à l’intimité de sa vie privée, transmet, sans
autorisation de la personne concernée, ces données à la connaissance d’un tiers qui n’a pas qualité
pour les recevoir, est puni d’un emprisonnement d’un an à sept ans et d’une amende de 500.000
francs à 10.000 000 francs ou l’une de ces peines ». L’exemple le plus constaté au Sénégal est
l’image à caractère pornographique échangée sur un réseau d’amis à partir des smartphones.
Or, comme nous l’avons vu précédemment, les réseaux sociaux fonctionnent sur le
principe d’une inscription préalable de tous les membres qui partagent, grâce au réseau,
un certain nombre d’informations personnelles avec les autres membres. Par conséquent, de
par leur mode de fonctionnement, les réseaux sociaux traitent en permanence des données
personnelles et entrent donc, tout naturellement dans le champ d’application de la loi «
sur les données à caractère personnelles ».

30
www.wipo.int/wipolex/en/details.jsp?id=6223

16
Paragraphes 2- Le régime de la responsabilité des prestataires

La participation des prestataires techniques la lutte contre les informations illicites dans
les réseaux sociaux constituent une grande innovation31. Elle concerne notamment les
hébergeurs de contenus.
Les fournisseurs d’hébergement ou hébergeurs sont « les personnes physiques ou
morales qui assurent, m me   titre gratuit, par la mise   disposition au public des biens et
services, le stockage de signaux, d'écrits, d'images, de sons ou de messages de toute nature
fournis par des destinataires de ces services32 »
Ils disposent d’un espace disque dur dans le lequel ils hébergent (stockent) les contenus
des sites de leurs clients. En principe, les intermédiaires techniques n’ont aucune obligation de
surveillance générale des informations transmises ou stockées. Mais, dans la plupart des
législations, ils sont tenus à une obligation de « surveillance ciblée et temporaire demandée par
l'autorité judiciaire 33».
A cet égard, d’abord, ils sont tenus de mettre en place un dispositif de signalement
permettant à toute personne de porter à leur connaissance les contenus illicites34. Les hébergeurs
doivent concourir à la lutte contre l’apologie des crimes contre l’humanité et l’incitation à la
haine raciale.
La responsabilité des hébergeurs35 l’article 3 de la loi sénégalaise sur les transactions
électroniques dispose que « les fournisseurs d’hébergement ne peuvent pas voir leur
responsabilité civile engagée du fait des activités ou des informations stockées à la demande
d'un destinataire de ces services si elles n'avaient pas effectivement connaissance de leur
caractère illicite ou de faits et circonstances faisant apparaitre ce caractère ou si, dès le
moment où elles en ont eu cette connaissance, elles ont agi promptement pour retirer ces
données ou en rendre l'accès impossible » . Le critère fondamental d’engagement de la
responsabilité civile des hébergeurs est la connaissance effective par le prestataire du caractère

31
Sur cette question, M. LEVY et E. ESKINAZI, Les fournisseurs d’accès et d’hébergement face la
cybercriminalité, Gaz. Pal., 17-19 avril 2005, Doct. n°109, p. 931.
32
V. art. 3 de la loi sénégalaise sur les transactions électroniques
33
V. al. 2 de l’art. 3 5) de la loi sénégalaise sur les transactions électroniques
34
V. article 4 5) l’alinéa 3 de la loi sénégalaise sur les transactions électroniques
35
Sur cette question, L. THOUMYRE, Les hébergeurs en ombres chinoises. Une tentative d’éclaircissement sur
les incertitudes de la LCEN, R.L.D. I, mai 2005, n°5, p. 62 ; également, R. HARDOIN, La jurisprudence, les textes
et la responsabilité des hébergeurs, R.L.D.I, juin 2008, n°39, p. 68.

17
manifestement illicite de l’activité ou de l’information stockée36. Le fournisseur d’hébergement
ne peut voir leur responsabilité civile (et pénale) engagée que dans ces deux cas.
Lorsque l’hébergeur reçoit notification d’un certain nombre d’informations (la date de
la notification, l’auteur de la notification, le caractère illicite des informations litigieuses, la
date de la notification…) la loi présume sa connaissance de l’illicéité des contenus qu’il stocke.
Pour les fournisseurs de contenus, la diffusion de contenus illicites n’est pas sans
conséquence pour l’entreprise de presse en ligne concernée. La loi sur les transactions
électroniques ainsi que le code de la presse disposent d’un ensemble de règles permettant de
définir un régime de responsabilité applicable aux entreprises de presse en ligne.
La responsabilité peut être déterminée à deux niveaux : par rapport aux contenus
édités par l’entreprise de presse elle-même et par rapport aux contenus publiés par les
internautes sur le site à travers les espaces de contributions personnelles.
Les organes de presse en ligne ont la qualité d’éditeur de contenu car participant
activement à la création et à la mise à disposition de contenus sur le site. Selon l’article 43 du
Code de la presse : « les administrateurs, directeurs de publication, (…), sont responsables
des publications et autres diffusions de toutes sortes dans les conditions et modalités prévues
dans le présent Code ».
Que le contenu soit publié sur leurs sites ou sur les réseaux sociaux, l’éditeur et
l’administrateur sont censés avoir la maitrise éditoriale. Ceci dit, ils doivent pouvoir contrôler
en amont et en aval le contenu publié sur le site et les réseaux sociaux. C’est dans ce sillage
qu’ils sont souvent interpellés par des internautes ou des organismes pour le retrait de contenu
attentatoire à la dignité humaine.
Ainsi, toutes les dispositions concernant les « crimes et délits commis par la voie de la
presse ou par tout autre moyen de publication » et le régime de responsabilité qui les
accompagne sont applicables aux réseaux sociaux.
Parmi ces infractions, on peut citer, notamment, la diffamation, l’injure ou encore
l’atteinte au droit à l’image. Nous verrons par la suite les conséquences de l’application
de ces infractions aux réseaux sociaux.

36
L. THOUMYRE, Comment les hébergeurs français sont devenus juges du manifestement illicite, Juriscom.net,
28 juillet 2004.

18
Chapitre 2- Les problèmes juridiques des réseaux sociaux
sur les droits fondamentaux

Parmi les problèmes juridiques posés par les réseaux sociaux, beaucoup sont liés
aux droits de la personnalité (Section 1), mais ces réseaux prenant une influence
considérable, ces problématiques touchent maintenant de nombreux autres domaines du
droit (Section1).

Section 1- Les atteintes liées aux droits de la personnalité

Il est utile d'examiner de quels moyens le Sénégal, dispose pour protéger la vie privée
des intrusions des réseaux sociaux (paragraphes 1). Les victimes de publications non autorisées
ou de violations de leur vie privée peuvent intenter des actions contre les auteurs des
publications (paragraphes ).

Paragraphes 1- Le respect de la vie privée

Notre dispositif de protection de la vie privée (A) est relativement mal adapté au
problème de la persistance des données à caractère personnel diffusées sur les sites
collaboratifs. C’est le problème de ce que certain appel le « droit à l’oubli numérique » (B).
A- Le droit applicable
La publication de photos ou vidéos, de propos injurieux ou d’enregistrement audio
clandestin sur les réseaux sociaux, forums ou blogs soulève un certain nombre de problèmes
juridiques qui certes ne sont pas nouveaux mais présentent, il est vrai, des caractéristiques
nouvelles :
- le droit à l’image dématérialisée : le droit au respect de sa propre image qui est le
« droit pour chacun, à l’exclusivité et au respect de sa représentation, l’atteinte
à celle-ci étant incriminée comme une atteinte à la personnalité », ce droit est
fondé sur l’article 226-8 du Code pénal français.
- le droit à la vie privée, notamment la protection des données à caractère personnel ;
- le droit à la liberté d’expression, y compris sur le monde numérique.

Les réponses actuelles à ces problématiques sont prévues par certaines dispositions du Code
pénal, de la loi sur les données à caractère personnel ou de la loi sur les transactions

19
électroniques. Les infractions sont réprimées, notamment par le Titre V du Code pénal, modifié
récemment par la loi n°2016-29 du 8 novembre 2016 :

Article 363 bis. - Est puni d’un emprisonnement d’un an à cinq ans et d’une amende de
500.000 francs à 5.000.000 de francs celui qui, au moyen d’un procédé quelconque, porte
volontairement atteinte à l’intimité de la vie privée d’autrui :
• en captant, enregistrant, transmettant ou diffusant, sans le consentement de leur auteur,
des paroles prononcées à titre privé ou confidentiel ;
• en fixant, enregistrant, transmettant ou diffusant, sans le consentement de celle-ci,
l’image d’une personne se trouvant dans un lieu privé.
Cette nouvelle infraction réprime les enregistrements clandestins audio ou vidéo et la prise de
photo sans le consentement de la personne concernée. Elle vise la personne qui enregistre
l’information, celle qui la partage avec des tiers et celle qui la diffuse par exemple sur les
réseaux sociaux.
Article 431-8. – Celui qui accède ou tente d’accéder frauduleusement à tout ou partie
d’un système informatique, est puni d’un emprisonnement de six mois à trois ans et d’une
amende de 1.000.000 francs à 10.000.000 francs ou de l’une de ces deux peines seulement. Cet
article s’applique par exemple en cas de vol d’un ordinateur ou d’un téléphone portable. L’accès
frauduleux au contenu d’un appareil appartenant à autrui justifie cette sanction.
Article 431-8. – Celui qui collecte des données à caractère personnel par un moyen
frauduleux, déloyal ou illicite est puni d’un emprisonnement d’un an à sept ans et d’une amende
de 500.000 francs à 10.000 000 francs ou l’une de ces peines. Le cas d’école le plus fréquent
est l’enregistrement clandestin d’une conversation privée ou la prise de photo ou d’image sans
le consentement de l’intéressé.
Article 431-27. – Celui qui recueille des données à caractère personnel dont la
divulgation aurait pour effet de porter atteinte à la considération de l’intéressé ou à l’intimité
de sa vie privée, transmet, sans autorisation de la personne concernée, ces données à la
connaissance d’un tiers qui n’a pas qualité pour les recevoir, est puni d’un emprisonnement
d’un an à sept ans et d’une amende de 500.000 francs à 10.000 000 francs ou l’une de ces
peines. L’exemple le plus constaté au Sénégal est l’image à caractère pornographique échangée
sur un réseau d’amis à partir des smartphones.
Article 431-43. – L’insulte commise par le biais d’un système informatique envers une
personne est punie d’un emprisonnement de six mois à sept ans et d’une amende de 1.000.000

20
à 10.000.000 francs. Cette disposition est applicable aux propos injurieux constatés dans les
commentaires des articles publiés sur les sites sénégalais.
Article 431-47. – Est punie d’un emprisonnement de six mois à sept ans et d’une
amende de 250.000 francs à 1.000.000 francs ou l’une de ces peines, tout responsable de site
web qui :
• refuse de supprimer une information illicite ;
• ne conserve pas les éléments d’identification des auteurs ;
• ne défère pas à la demande d’une autorité judiciaire.
Le point 2 de l’article 3 de la loi n° 2008-8 du 25 janvier 2008 sur les transactions
électroniques précise toutefois que « les hébergeurs ne peuvent voir leur responsabilité civile
engagée s’ils n’avaient pas effectivement connaissance du caractère illicite de l’information
publiée ou si, dès le moment où ils en ont eu connaissance, ils ont réagi promptement pour la
retirer. A contrario, tout refus de retirer une photo, des propos injurieux ou une vidéo sur les
sites internet hébergés au Sénégal peut faire l’objet d’une sanction. Le responsable du site, en
tant qu’éditeur, peut donc voir sa responsabilité pénale engagée, du fait des contenus illicites,
s’il a eu connaissance de l’illicéité de ces informations.
Article 431-57. - Celui qui usurpe l’identité d’un tiers ou une ou plusieurs données
permettant de l’identifier, en vue de troubler sa tranquillité ou celle d’autrui ou de porter atteinte
à son honneur, à sa considération ou à son patrimoine est puni d’un emprisonnement de trois
ans à sept ans et d’une amende de 500.000 francs à 2.000.000 de francs ou de l’une de ces
peines. Cette nouvelle incrimination permet de réprimer l’utilisation de l’image d’une tierce
personne comme une photo de profil sur les réseaux sociaux.
Article 431-57. – Celui qui a copié frauduleusement des données informatiques qui ne
lui appartiennent pas est puni d’un emprisonnement de six mois à deux ans et d’une amende de
250.000 francs à 1.000.000 de francs ou de l’une de ces peines. Cet article consacre la répression
des copies effectuées de manière frauduleuse de données, par exemple des photos.
Article 431-60. – Est puni d’un emprisonnement de cinq ans à dix ans et d’une amende
de 500.000 francs à 10.000.000 de francs ou de l’une de ces peines celui qui, par un moyen de
communication électronique distribue ou remet en vue de leur distribution […] des
photographies, films ou images contraires aux bonnes mœurs. Cette incrimination permet par
exemple de sanctionner les femmes qui, pour faire du buzz, publient des photos intimes
contraires aux valeurs qui fondent notre société. Elle peut être appliquée également contre les
responsables de sites web à sensation.

21
Au-delà des dispositions du code pénal, l’article 69 de la loi n°2008-12 du 25 janvier
2008 sur les données à caractère personnel, complète ce dispositif en précisant que « toute
personne physique justifiant de son identité peut exiger du responsable d'un site que soient,
selon les cas, rectifiées, complétées, mises à jour, verrouillées ou supprimées les données à
caractère personnel la concernant, qui sont inexactes, incomplètes, équivoques, périmées, ou
dont la collecte, l'utilisation, la communication ou la conservation est interdite ». Cette
disposition s’applique pour toute publication de photos, de vidéos compromettantes ou des
commentaires inexacts.
Au vu de ce qui précède, en application des dispositions ci-dessus, plusieurs décisions
de justice ont été déjà prononcées par les tribunaux. A titre d’exemple, le Tribunal Régional
Hors Classe (TRHC) de Dakar, dans l’affaire n° 2114 du 3 mai 2013 de la vidéo
pornographique, a eu à juger et retenir la culpabilité des auteurs d’un cas de divulgation illicite
de données personnelles. Les personnes reconnues coupables ont été condamnées à deux ans
fermes et d’une amende de 10.000.000 FCFA.
Mais, quelque soit le fondement juridique choisi, la jurisprudence de la Cour de
cassation est claire : toute photo d’ordre privé, c’est-à-dire à l’exclusion des photos de
personnes dans l’exercice d’une fonction publique, nécessite une autorisation pour qu’elle
soit diffusée au public. Ainsi, la diffusion d’une photo d’un tiers, d’ordre privé, à
condition qu’elle soit faite dans le cadre d’un cercle très restreint de famille ou de
proches, est possible, même en l’absence d’autorisation de la personne concernée, mais
dès lors qu’il y a diffusion « au public », son accord est requis.
L’exigence d’un consentement pour toute diffusion de l’image d’une personne constitue
donc une règle de principe. Mais la jurisprudence admet qu’il puisse y être dérogé dans certains
cas, soit en reconnaissant la prééminence du droit à l’information37 soit en montrant moins de
rigueur lorsque l’image relève du spectacle de la rue38.

B- Le droit à l’oubli

Cette notion est une création prétorienne de plusieurs juridictions du fond. On peut la
définir comme le principe selon lequel « toute personne qui s'est trouvée associée à un
événement public, même si elle en a été le protagoniste, est fondée à revendiquer un droit à

37
TGI Paris, 26 janvier 1994, Jurisdata n° 040196.
38
TGI Paris 30 juin 1997, RP 7254.

22
l'oubli et à s'opposer au rappel d'un épisode de son existence39». Ce droit à l’oubli, qui est un
droit de la personnalité, vise à protéger la vie privée des individus qui, à un moment de leur
existence se sont retrouvés impliqués dans un événement qui a été médiatisé. L’idée des juges
qui ont créé ce droit est que, si au moment des faits, par exemple au cours d’un procès, des
éléments concernant la vie privée d’un individu peuvent être rendus publics au nom du droit à
l’information, cette exception est liée à « l’actualité » de ces faits. Par conséquent, quand, des
années plus tard, une personne décide de publier de nouveau ces mêmes informations, la
personne concernée, qui ne pouvait empêcher leur parution à l’époque des faits, pourrait s’y
opposer au nom du « droit à l’oubli ».
Avec l’apparition d’internet et particulièrement avec le développement subséquent des
réseaux sociaux s’est posée la question de savoir s’il existait un « droit à l’oubli numérique ».
Le 25 mai 2010, un groupe de travail constitué par l’association Cyberlex, rendait un rapport
intitulé « l’oubli numérique est-il de droit face à une mémoire numérique illimitée40 ».
C’est effectivement là que se trouve la nouveauté de la problématique du droit à l’oubli
dit « numérique ». En effet, avant l’ère du numérique, les cas qui mettaient en cause le droit de
chacun à la prescription et à la réhabilitation après l’écoulement d’une période relativement
longue, étaient relativement rares. Il s’agissait le plus souvent de journalistes qui décidaient,
des années après un procès, de revenir sur les faits. Mais, aujourd’hui, grâce à internet et à sa
mémoire « illimitée », plus besoin d’un journaliste pour ressortir des informations vieilles de
10 ou 15 ans (VAR-Numérique) et rappeler au monde entier qui en étaient les protagonistes,
n’importe qui peut retrouver toutes ces informations sur la « toile », avec un peu d’ingéniosité.

Paragraphes 2- Les voies de recours des victimes

Les victimes d’une publication non autorisée ou attentatoire à leur vie privée peuvent
faire supprimer les informations compromettantes et entamer des poursuites judiciaires à
l’encontre de l’auteur à l’origine des publications.
1. Pour faire supprimer un contenu compromettant, il convient de contacter le responsable du
site web ou du réseau social. A cette étape, il est vivement conseillé d’établir, en urgence,
un procès-verbal de constat d’huissier. Ce dernier fera une capture d’écran de l’information

39
TGI, Paris, 20 avril 1983, JCP, 1985, II, 20434
40
Cyberlex, rapport « l’oubli numérique est-il de droit face à une mémoire numérique illimitée ? » 25 mai
2010, sous la direction de C. Thiérache

23
publiée en ligne. Une fois informé du caractère manifestement illicite des informations, le
responsable du site sénégalais est tenu de supprimer les contenus portés à sa connaissance.
2. A défaut, la victime peut saisir la Commission des données personnelles (CDP)41 ou porter
plainte à la Gendarmerie42, à la Police43 de son domicile ou auprès du Procureur de la
République. En saisissant le Tribunal, la victime peut également demander une décision en
référé pour que le responsable du site web sénégalais supprime les informations litigieuses.
En application de l’article 431-64 du code pénal, le juge peut faire injonction au responsable
du site ayant servi à commettre l’infraction de mettre en œuvre les moyens techniques
nécessaires en vue de garantir l’interdiction d’accès, d’hébergement ou la coupure de
l’accès au site incriminé.
3. En cas de poursuivre en justice, les enquêteurs en charge du dossier doivent être outillés
pour mener des investigations sur le numérique. La maîtrise des techniques de collecte, de
conservation et d’analyse des informations issues de matériels informatiques saisis est
indispensable pour arriver à identifier les auteurs des infractions.
Toutefois, il s’agit d’une nouvelle forme d’investigation, un métier particulier, qui
demande une très bonne connaissance de l’écosystème numérique (acteurs, matériels, systèmes
d’information, logiciels, bases de données, réseaux, mesures de sécurité, applications

41
La Commission de Protection des Données Personnelles a reçu et traité plus d’une quarantaine de plaintes en
2018. Son rapport 2017 fait état de : • 200 plaintes (+8% par rapport   2016) et 109 investigations (+42% par
rapport   2016) ; • 1 041 notifications (+3% par rapport   2016) et 1162 demandes d’autorisation (-20%) pour des
traitements de données à caractère personnel.Voir le Rapport l’UNESCO, « Évaluation du Développement de
l’Internet au Sénégal - Utilisation des Indicateurs ROAM-X de l’Universalité de l’Internet de l’UNESCO », Publié
en 2020 par l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture 7, place de Fontenoy, 75352
Paris 07 SP, France et Bureau Hors Siégé de l’UNESCO / Institut de l’UNESCO, p.53.
42
La Plateforme numérique de lutte contre la cybercriminalité de la Gendarmerie nationale a reçu environ 600
plaintes pour cybercriminalité au courant de l’année 2018. Celles-ci portent généralement sur le chantage   la
webcam, l’usurpation d’identité, les faux et l’usage de faux, l’escroquerie et le piratage. Voir le Rapport
l’UNESCO, « Évaluation du Développement de l’Internet au Sénégal - Utilisation des Indicateurs ROAM-X de
l’Universalité de l’Internet de l’UNESCO », op.cit., p.53.
43
Quant à la Division spéciale de la cybercriminalité (DSC) de la Police nationale, elle a reçu 1 270 plaintes en
2018. Il s’agit des infractions comme les vols de données informatiques, les atteintes spécifiques aux données de
la personne, le traitement de données   caractère personnel, le chantage, l’escroquerie, les extorsions de fonds et
association de malfaiteurs. Voir le Rapport l’UNESCO, « Évaluation du Développement de l’Internet au Sénégal
- Utilisation des Indicateurs ROAM-X de l’Universalité de l’Internet de l’UNESCO », op.cit., p.53.

24
technologiques, etc.). Cette enquête suppose, par ailleurs, la disponibilité d’outils modernes
d’investigation pour procéder à la copie et à l’analyse des disques durs et des appareils mobiles.
Malheureusement, tous les gendarmes et policiers ne sont pas outillés à cette fin. A l’heure
actuelle, les enquêteurs spécialisés sur la recherche de traces dématérialisées ne sont pas
nombreux dans nos brigades et commissariats. Ce manque de formation est un handicap dans
le traitement des plaintes dont certaines sont purement et simplement classées sans suite. À cet
égard, le Sénégal accuse un sérieux retard par rapport à d’autres pays de la sous-région
A cela s’ajoute, les contraintes liées aux délais de réponses très aléatoires des acteurs
techniques (opérateurs de télécommunications, fournisseurs d’accès Internet, fournisseurs
d’hébergement, fournisseurs de contenus) en cas de réquisition judiciaire. Aucun texte de loi
ne leur fixe un délai de réponse. Or, pour que le travail des enquêteurs soit efficace, il convient
de préciser explicitement les délais de réponses des opérateurs de télécommunications, les
modalités d'interrogation, de traitement, de transmission des informations requises ainsi que les
sanctions en cas de manquement.
Malgré ces contraintes, les enquêteurs de la Brigade Spéciale de Lutte contre la
Cybercriminalité de la Police nationale et ceux de l’unité de lutte de la Section de recherche de
la Gendarmerie nationale réalisent un travail très efficace lors des enquêtes portant sur la
publication des photos, de vidéos ou d’enregistrements contraires aux bonnes mœurs. Une
plainte auprès de leurs services, tout comme au niveau de l’Unité de la Sûreté urbaine du
Commissariat central de Dakar, a plus de chance d’aboutir que celle déposée à l’intérieur du
pays.
Section 2- Les réseaux sociaux : un moyen d’accroissement de la liberté

d’expression

La liberté d’expression est garantie par de nombreux textes et porte aussi bien sur la
recherche et la diffusion de l’information. Ces textes garantissant la liberté d’expression sont,
soit nationaux soit internationaux. A la lecture de ces textes, on apercevra que les réseaux
sociaux constituent des moyens permettant de faciliter l’accès à l’information mais aussi à la
diffusion de celle-ci. Il faut cependant noter que la liberté d’expression (paragraphes 1) ne
peut être absolue dans la mesure où l’ordre public, la vie privée, les institutions (offense au chef
de l’État par exemple), doivent être respectés. Ainsi nous allons voire la garantie de la liberté
d’expression avant de nous intéresser à ses restrictions. En outre, les médias sociaux
représentent un défi pour la marque employeur des entreprises. En effet, avec le développement

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de ceux-ci, les internautes, et à fortiori les candidats, ne sont plus de simples spectateurs.
Beaucoup n’hésitent pas à exprimer leurs opinions en ligne et à remettre en question les
émetteurs traditionnels d’information. Les fondements légaux à la liberté d’expression des
salariés sont nombreux (paragraphes 1).
Paragraphes 1- L’encadrement juridique de la liberté d’expression sur les réseaux

sociaux

Les réseaux sociaux sont un moyen de faciliter l'acquisition et la diffusion d'informations (A).

Il convient toutefois de noter que la liberté d'expression ne peut être absolue (B).

A- Les garanties de la liberté d’expression

Ces garanties sont prévues par certains textes internationaux qui sont énumérés dans le
préambule de la constitution. A ce titre on peut citer la déclaration des droits de l’homme et du
citoyen de 1789 en son article 11 « la libre communication des pensées et opinion est un des
droits les plus précieux de l’homme : tout citoyen peut donc parler, écrire, exprimer
librement, sauf à répondre de l’abus de cette liberté dans les cas déterminé par la loi ».

A côté de cette déclaration, la DUDH aussi retient en son article 19 que « tout individu
a droit à la liberté d’expression et d’opinion ce qui implique le droit de ne pas être inquiété
pour ses opinions et celui de chercher, de recevoir et défendre sans considération de frontière,
les informations et les idées par quelque moyen d’expression que ce soit ».
Enfin l’article 9 de la charte africaine des droits de l’homme et des peuples dispose que
« ...toute personne a le droit d’exprimer et de diffuser ses opinions dans le cadre des lois et
règlements ». Ainsi sur le plan international, il existe une panoplie de textes tendant à garantir
l’effectivité de la liberté d’expression. Il y’a aussi le fait qu’à ces instruments s’ajoute la
constitution du Sénégal qui, en son article 8 garantie la liberté d’expression. Par ailleurs l’article
10 prévoit que « chacun a le droit d’exprimer et de diffuser librement ses opinions par la
parole, la plume, l’image, la marche pacifique pourvu que l’exercice de ces droits ne porte
atteinte ni l’honneur et à la considération d’autrui ni à l’ordre public ». On peut également
citer la loi n° 2006-19 du 30 juin 2006 relative à l’accès aux documents administratifs qui donne
à chaque citoyen la possibilité d’accéder aux documents détenus par les services administratifs
sous réserve bien sûr de quelques restrictions. L’analyse de ces différents textes révèle que la

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liberté d’expression renferme aussi bien la recherche que la diffusion de l’information, ce que
les réseaux sociaux peuvent faciliter pour ne pas dire peuvent accroitre.
Cependant l’exercice de cette liberté doit se faire en prenant en compte le respect de
l’ordre public, de la considération et l’honneur d’autrui d’où l’existence de certaines restrictions
à cette liberté.
B- Les restrictions de la liberté d’expression

Dans la législation sénégalaise, les restrictions à la liberté d’expression sont


nombreuses. On peut à cet effet citer par exemple l’interdiction de la diffamation, de la diffusion
de fausses nouvelles, de l’apologie au terrorisme, des publications de nature racistes, de
l’offense au chef de l’État etc.…il y’a en effet la protection de la réputation avec l’interdiction
de la diffamation et des injures. Le code Pénal Sénégalais en son article 258 interdit toute
allégation ou imputation d’un fait qui porte atteinte à l’honneur ou à la considération de la
personne ou du corps social au quelle fait est imputé. Ainsi cet article continue en retenant que
lorsque la diffamation est commise par un moyen de diffusion publique comme les réseaux
sociaux, elle est punissable même si elle s’exprimes ou une forme dubitative (doute) ou si elle
vise une personne ou un corps non expressément nommé.
A côté de la diffamation, le code pénal interdit également l’offense au chef de l’État. En
effet l’article 254 du CP prévoit que « l’offense au président de la République par l’un des
moyens prévus par l’article 248 du présent code est puni d’une peine d’emprisonnement de 06
mois à 2 ans et d’une amende de 1.000.000 à 1.500.000 francs. A côté de l’interdiction de
l’offense au chef de l’État, il y’a l’interdiction de la diffusion de fausses nouvelles. L’article
255 du CP interdit la publication, la diffusion et la divulgation ou la reproduction de quelque
nature qu’elle soit de fausses nouvelles. Cet article cherche à protéger l’opinion publique afin
de ne pas recevoir des nouvelles qui sont fausses. Cet article en utilisant l’expression par « tout
moyen » considère que cette diffusion ne doit passer faire même avec les réseaux sociaux. Il
y’a aussi la question relative à l’ordre public et à la sûreté de l’État. En effet les restrictions à
la liberté d’expression sont concevables dans tout État démocratique que lorsqu’elle respecte
un certain nombre de principes internationaux tel que l’a rappelé le juge de la Cour européenne
des droits de l’Homme dans l’arrêt TINGENS d’Autriche en date du 8 juillet 1986. Ainsi ces
principes doivent être respectés à chaque fois que l’autorité administrative doit invoquer l’ordre
public pour restreindre les libertés.
Et comme autre restriction on peut citer le respect de la vie privée. La liberté
d’expression a comme autre restriction le respect de la vie privée qui est l’un des droits

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sacrosaints et que les mêmes textes assurant la liberté d’expression garantissent. Il est reconnu
à toute personne le droit au respect de sa vie privée qui peut être une notion diversement
appréciée. Que recouvre la notion de vie privée ?
La vie privée peut être considérée comme étant la disposition pour une personne à
s’isoler pour se concentrer sur elle-même et protège ses intérêts personnels. Elle peut
s’apparenter à l’anonymat, à la volonté de rester hors de la vie publique.
L’impact des réseaux sociaux sur la vie privée est notoire mais en tout état de cause, elle
demeure protégée par la loi et la jurisprudence. Le code Pénal interdit en outre les publications
de nature raciste ou xénophobe. L’article 431-7 retient que « tout écrit, tout image ou toute
autre représentation... qui encourage la haine contre une personne ou un groupe de
personne... est interdite ». Il y’a aussi l’interdiction de l’apologie au terrorisme par le code
pénal notamment en ces articles 279 et suivants.
A travers ces articles, le Code Pénal interdit toute publication de nature à encourager
des actes terroristes tel que rappelé dans l’affaire Saer KEBE en date du 10 avril 2019
(T.G.I hors classe de Dakar). En plus d’accroitre la liberté d’expression les réseaux
sociaux font de plus en plus l’objet d’une réglementation particulière en milieu du travail, d’où
la question relative à la conciliation entre liberté d’expression et le milieu du travail.

Paragraphes 2- L’union liberté d’expression, réseaux sociaux et le milieu du travail

Le milieu du travail est régi par les actes réglementaires provenant très souvent de
l’employeur et que l’employé se doit de respecter. S’il existe d’ailleurs parmi les critères
permettant de qualifier le contrat de travail celui du lien de subordination juridique qui est le
fait que l’employeur exerce une certaine autorité sur le salarié. Ainsi un certain nombre
d’obligations doivent lier le salarié vis-à-vis de son employeur. Ainsi on devra répondre à
certaines questions à savoir : l’employeur a-t-il le droit d’interdire l’accès aux réseaux sociaux
à ses employés ? L’employeur a-t-il le droit d’espionner ses travailleurs dans les réseaux
sociaux ?
En principe l’employeur à la possibilité de réglementer et de sanctionner certains
comportements lorsqu’ils sont considérés comme fautifs en raison de son pouvoir de direction.
Ceci peut se faire avec l’adoption d’un règlement intérieur ou d’une charte informatique.
L’employeur a la possibilité de limiter l’usage du matériel mise à la disposition de son employé
dans l’exécution de son activité professionnelle. Dans certains cas de surveiller les connexions
privées de ses salariés.

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L’employeur doit bien sûr se conformer aux dispositions légales en vigueur notamment
en informant au préalable les salariés, faire une déclaration auprès de l’autorité de protections
des données à caractère personnel. Cette déclaration est imposée en vue de faire respecter la vie
privée des salariés. Par principe l’employeur doit respecter le secret des correspondances
identifiées comme étant privées. En effet l’employeur peut toujours sanctionner l’utilisation
abusive des réseaux sociaux par un salarié aux heures de travail. Cependant l’employeur n’a
pas le droit de surveiller de façon continue ses salariés sauf s’il allègue un motif sérieux. Les
publications faites sur les réseaux sociaux peuvent aussi être utilisées comme preuve dans le
cadre des contentieux. A titre d’exemple on peut citer une décision dans laquelle une employée
se plaignait de forte douleur au niveau du cou à la suite d’un accident de travail, l’empêchant
de tourner la tête. Cependant son employeur a découvert des photos, vidéos et clips sur sa page
facebook démontrant le contraire de ses allégations ce qui a été à l’origine de son licenciement
pour rupture de confiance.

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Bibliographie
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séparation, AJ Famille 2009, p.344
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Utilisation des Indicateurs ROAM-X de l’Universalité de l’Internet de l’UNESCO »,
Publié en 2020 par l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la
culture 7, place de Fontenoy, 75352 Paris 07 SP, France et Bureau Hors Siégé de
l’UNESCO / Institut de l’UNESCO,
* La déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 ;
* La charte africaine des droits de l’homme et des peuples ;
* La loi n°2008-12 du 25 janvier 2008 sur les données à caractère personnel ;
* La loi n° 2008-8 du 25 janvier 2008 sur les transactions électroniques ;
* La loi n°2016-29 du 8 novembre 2016 modifiant la loi n°65-60 du 21 juillet 1965 portant
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* Loi n° 2016-30 du 08 novembre 2016 modifiant la loi n° 65-61 du 21 juillet 1965
portant Code de procédure pénale
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