Le Bruxisme Tout Simplement

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Le Bruxisme

ITOUT SIMPLEMENT
Collection dirigée par Patrick Simonet

Gérard Duminil et Jean-Daniel Orthlieb


Avec la participation de :

Marc Bol la, Maria Clotilde Carra, Massimo Conio, Vianney Descroix,
Emmanuel d'lncau, Pietro Dulbecco, Élodie Ehrmann,
Olivier Étienne, Adrien Lavenant, Gilles Lavigne, Éric Leforestier,
Michèle Muller-Balla, Michel Pompignoli, Jean-Philippe Ré,
Sadao Sato, Patrick Simonet, Rudolf Slavicek, Delphine Tardive,
Élodie Terrer, Charles Toledano
Préface
Le bruxisme est une fonction
On peut considérer que les dents sont des organes sensoriels, des outils
destinés primitivement à la nutrition. Cependant, il est intéressant de
remarquer dans la phylogénie que de nombreuses espèces animales
serrent ou grincent des dents en situation de menace ou de stress. L'appareil
manducateur est directement relié au système limbique en tant que moyen
d'expression des émotions. Il en est de même chez l'homme et nous devons
reconnaître le rôle de l'appareil manducateur comme soupape de libération
du stress ce qui donne un rôle majeur à l'occlusion.

L'occlusion et le cerveau doivent fonctionner en harmonie. Ainsi, avec


la compréhension du rôle fonctionnel de l'appareil manducateur
dans le bruxisme, les praticiens seront mieux armés pour diagnostiquer
les pathologies dentaires et concevoir les traitements à appliquer.

Le bruxisme est une fonction. Pour cela, nous souhaitons que les praticiens
considèrent la médecine du stress et l'occlusion comme deux composants
inséparables d'un tout organisé. Un domaine d'étude dans lequel deux
concepts jouent un rôle primordial : le concept de régulation centralisé
par rétroaction et le concept du stress relié au bruxisme.

Pour ces raisons, nous devons intégrer l'étude de l'occlusion dans le champ
plus large du domaine médical. Par cela, nous allons grandement améliorer
la pratique dentaire et le traitement médical en général.

Gérard Duminil et Jean-Daniel Orthlieb proposent dans cet ouvrage une


vision plus étendue du bruxisme. Tous deux sont des cliniciens expérimentés.
Leur point de vue s'adresse aux omnipraticiens, mais leur concept orienté
vers une véritable stratégie d'approche des patients bruxeurs n'est pas
qu'un point de vue de cliniciens. Ce concept très documenté est également
basé sur une approche scientifique, enrichie par l'apport de coauteurs tous
experts dans leurs domaines respectifs et qui, à propos du bruxisme, ce sujet
d'importance en dentisterie, réussissent la difficile, mais nécessaire synthèse
entre la rigueur scientifique et le pragmatisme de la pratique quotidienne.

Rudolf SLAVICEK
Vienne, juillet 2015
Le Bruxisme tout simplement

Auteurs: Gérard DUMINIL Jean-Daniel ORTHLIEB


Docteur en chirurgie dentaire Docteur en chirurgie dentaire
Docteur en sciences odontologiques Docteur de l'un iversité d'Aix-Marseille
CES anthropologie Professeur des universités
CES de parodontologie Faculté d'Odontologie
CES de prothèse fixée Université Aix-Marseille
DU occlusodontolog ie Praticien hospitalier- Pôle Odontologie APHM
DU biophysique et prothèse informatisée
DU implantologie
Exercice libéral à Nice

Avec la participation de :

Marc BOLLA
Docteur en ch irurgie dentaire
Docteur de l'université de Nice-Sophia-Antipolis
Emmanuel d'INCAU
Docteur en chirurgie dentaire
Professeur des universités
Docteur de l'université de Bordeaux
Praticien hospitalier
Maître de conférences des universités
Université de Nice-Sophia-Antipolis
4 Pôle d'odontologie, CHU de Nice
Praticien hosp italier CHU de Bordeaux
UFR des sciences odontologiques
UMR 5199 PAC EA
Maria Clotilde CARRA Université de Bordeaux
Docteur en chirurg ie Dentaire
Doctorat de recherche (PhD) en sciences
biomédicales, université de Montréal, Canada
Pietro DULBECCO (Italie)
Docteur en médecine
Diplôme universitaire de parodontologie
Spécialiste en gastro-entérolog ie
clinique, université Paris-Vil-Denis Diderot
Professeur des universités
Assistant hospita lo-universitaire (A HU)
Praticien hospitalier
UFR d'odontologie, université Paris-VI l-Denis
Chef du service de gastro-entérologie,
Diderot
hôpital San Martino-IST Gênes
Service d'odontologie, hôpital Rothschild,
AP- HP, Paris.
Élodie EHRMANN
Docteur en chirurg ie dentaire
Massimo CONIO (Italie) Docteur de l'Université
Docteur en médecine
de Rennes 1
Spécialiste en gastro-entérologie
Maître de conférences des universités
Praticien hospita lier
Praticien hospitalier
Médecin chef du service de gastro-entérologie
Université de Nice Sophia Antipolis
hôpita l de Sanremo
Pôle d'odontologie, CHU de Nice

Vianney DESCROIX Olivier ETIENNE


Docteu r en chirurgie dentaire
Docteur en chirurgie dentaire
Docteur en pharmacie
Docteur de l'u niversité de Strasbourg
Docteur de l'université Paris-VIl-Denis Diderot
Maître de conférences des universités
Professeur des universités en pharmacologie
Praticien hospitalier à temps partiel
à I'U FR d'odontologie de l'université Paris-VIl-
Exercice libéral à Strasbourg
Denis Diderot
Université de Strasbourg
Praticien hospita lier
Chef de service, service d'odontologie,
hôpitaux universitaires La Pitié-Sa lpêtrière-
Charles-Foix Paris
Adrien LAVENANT
Docteur en chirurgie dentaire Sadao SATO (Japon)
Assista nt hospitalo-universitaire Professeur au Kanagawa Dental
Exercice libéral Aix-en-Provence College Yokosuka.
Faculté d'Odontologie, université Aix-Marseille Département d'orthodontie
Doyen du Kanagawa Dental College
Gilles LAVIGNE
Docteur en médecine dentaire Patrick SI MONET
Fellow Collège royal des dentistes du Canada - Docteu r en chirurgie dentaire
Médecine buccale Master of Science de l'université du Michigan,
PhD en neuroscience-physiologie orale Ann Arbor, États-Unis
Chaire de recherche du Canada « Douleur, Membre associé de l'Académ ie nationale
sommeil et Traumatologie » de chirurgie dentaire
Chercheur et clinicien, département de Expert près la cour d'appel de Paris
chirurgie, hôpital du Sacré-Cœur, Montréal Exercice libéral à Paris
Professeur et doyen, Faculté de médecine
dentaire, université de Montréal Rudolf SLAVICEK (Autriche)
MD, DDS, PhD
Éric LEFORESTIER Professeur à l'École dentaire
Docteur en chirurgie dentaire de l'université de Vienne
Docteur de l'universi té de Nice-Sophia-Antipolis Professeur émérite et chef du programme
Maître de conférences des universités postuniversitaire « Diagnostic et plan de 5
Praticien hospitalier traitement en dentisterie interdisciplinaire »
Université de Nice-Sophia-Antipolis Université de Krems
Pôle d'odontologie, CHU de Nice
Exercice libéral, Nice Delphine TARDIVO
Docteur en chirurgie dentaire
Michèle MULLER-BOLLA Docteur de l'université d'Aix-Marseille
Docteur en chirurgie dentaire Habilitation à diriger des recherches
Docteur de l'université de Nice-Sophia-Antipolis Enseignant chercheur titulaire
Professeur des universités de I'UMR 7268 ADÉS
Praticien hospitalier Maître de conférences des universités
Université de Nice-Sophia-Antipolis Faculté d'Odontologie - Université Aix-Marseille
Pôle d'odontologie, CHU de Nice Praticien hospitalier- Pôle Odontologie APHM

Élodie TERRER
Michel POMPIGNOLI Docteur en chirurgie dentaire
Docteur en chirurgie dentaire Docteur de l'université d'Aix-Marseille
Docteur en sciences odontologiques Maître de conférences des universités
CES biologie buccale Faculté d'Odontologie - Université Aix-Marseille
CES de prothèses fixées, amovibles Praticien hospitalier- Pôle Odontologie APHM
complètes et partielles
Ancien assista nt hospitalo-universitaire (A HU) Charles TOLEDANO
Faculté de chirurgie dentaire, Docteur en chirurgie dentaire
université Paris-V-René-Descartes Ex-assistant hosp italo-universita ire
Exercice libéral à Paris Exercice libéral à Strasbourg
Université de Strasbourg
Jean-Philippe RÉ
Docteur en chirurgie dentaire
Maître de conférences des universités
Faculté d'Odontologie- Université Aix-Marseille
Praticien hospitalier- Pôle Odontologie APHM
Exercice libéral à Toulon
Le Bruxisme tout simplement

Table des matières


Comprendre
1. Définition, classification, prévalence . . .. .. ... . .................... 11
Jean-Daniel Orthlieb, Gérard Duminil
2. Stress et appareil manducateur .................. .. ........ . . . .. 23
Sadao Soto, Rudolf Slavicek
3. Bruxisme du sommeil et troubles respiratoires . . ... . . .. ........... . 37
Maria Clotilde Carra, Gilles Lavigne
6 4. Bruxisme chez les enfants et les adolescents . ... . .. .. ............ . 49
Michèle Muller-Bol/a
5. Étiologies .. .. ......... .. .. .. ... .. ... .. ... .. . . .. . ....... .. .. .. 63
Jean-Daniel Orthlieb, Gérard Duminil

Identifier
6. Diagnostic : identifier le bruxeur . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 75
Jean-Daniel Orthlieb, Gérard Duminil
7. Les lésions d'usure . ..................... . ........ . ............ 89
Emmanuel d 'lncau
8. Cartographie des facettes d'attrition sur la canine maxillaire . . . . . . 107
Jean-Daniel Orthlieb
9. Répercussions du reflux gastro-œsophagien ............. . . ..... . . 119
Pietro Dulbecco, Massimo Conio
10. Bruxisme et dimension verticale .................. . ....... . ..... 135
Jean-Daniel Orthlieb
11. Réponses parodontales au bruxisme ....... ... ................. 153
Delphine Tardivo
12. Répercussions dentino-pulpaires ...... . .......... . ... .. ........ 165
Élodie Terrer; Adrien Lavenant
Prendre en charge
13. Stratégies thérapeutiques ... . . .... . ... . ..................... . . 175
Gérard Duminil, Jean-Daniel Orthlieb
14. L'alliance thérapeutique ou la prise en charge cognitivo-
comportementale (PECC) ....... . ......... . ............... . ... 183
Jean-Daniel Orthlieb, Gérard Duminil
15. Pharmacologie clinique ..... .. .. . . . . .. . ..... .. . . ... ....... .... 203
Vianney Descroix 7
16. Les gouttières occlusales . .. . . .. ................................ 215
Jean-Philippe Ré
17. Les matériaux de restauration prothétique . ............. . .. . . .... 227
Élodie Ehrmann, Éric Leforestier; Marc Bol/a
18. Les collages occlusaux chez le bruxeur . ..... . .................. 239
Jean-Daniel Orthlieb
19. Réhabilitations mini-invasives ... . .. . .. . . .. ........ . ....... . . ... 253
Olivier Étienne, Charles Toledano
20. Réhabilitations occlusales de grande étendue : principes. . ....... 271
Gérard Duminil
21 . Réhabilitations occlusales de grande étendue : mise en œuvre. . .. 289
Gérard Duminil
22. Bruxisme et implantologie ... . .. ............ . ... . .. .. ... ... . .. . 303
Patrick Simonet Gérard Duminil
23. Bruxisme et prothèse adjointe complète ..... . ... . ... . . ... ....... 317
Michel Pompignoli
24. Stratégies thérapeutiques : exemples cliniques .. .. . . . ............ 329
Jean-Daniel Orthlieb, Gérard Duminil
·.
,-----
Bruxisme définition,
classification, prévalence
11
Jean-Daniel Orthlieb, Gérard Duminil

Des définitions diverses, des classifications et des théories variées ont été proposées à pro-
pos du bruxisme. Depuis quelques années, l'approfondissement des connaissances, issues
en particulier des recherches sur le sommeil, a conduit à des révisions conceptuelles.
La position actuelle est la suivante :
• on établit une différence entre bruxisme du sommeil (BS) et bruxisme d'éveil (BE);
• le bruxisme n'est plus considéré comme une parasomnie (troubles qui dérangent
la période de sommeil);
• l'origine mécanique liée à un trouble de l'occlusion est écartée;
• les mécanismes étiopathogéniques procèdent d'une combinaison de facteurs .
Face à ce changement de paradigme, l'attitude thérapeutique du chirurgien-dentiste doit
clairement évoluer.
Le Bruxisme tout simplement

Historique
Comprendre une problématique, c'est d'abord connaître l'évolution des connaissances la
concernant.
On retrouve des mentions très anciennes de comportement de bruxisme dans des tablettes
assyriennes (vile siècle av. J.-C.) ou dans des références bibliques. Dès 1886, G.V. Black [1) a
observé que l'usure occlusale était associée à une habitude de frottement qui pouvait faire
rap idement disparaître les cuspides . Mais c'est probablement Karolyi, en 1901 [2), qui a véri-
tablement introduit les concepts du bruxisme. Marie et Pietkiewiecz [3] décrivent en 1907
une·« manie de grincement de dents » chez des malades atteints de lésion du système ner-
veu x central et parlent de « bruxomanie », où « les dents sont usées comme à la meule ».
En 1928, Tishler [41 décrit une « neurose occlusale ». En 1931, Frohman [Sl semble intro-
duire le terme de bruxisme pour désigner l'action dysfonctionnelle ou parafonctionnelle
consistant à serrer les dents de façon plus ou moins continue dans des positions d'inter-
cuspidie maximale ou d'excursion de la mandibule. En 1945, le terme de névrose occlusale
est évoqué. Dans un dictionnaire médical de 1970, le bruxisme est défini comme « une
friction intense et prolongée entre les dents antagonistes provoquant leur usure ou leur
ébranlement. Ce phénomène pathologique et inconscient peut se produire, soit pendant le

12 sommeil, soit à l'état d'éveil. .. ». En France, depuis les années 1980, D. Rozencweig a été
incontestablement celui qui a le plus attiré notre attention sur ce problème.

Terminologie
Il n'existe pas d'échange scientifique sans une terminologie claire, « sensée » et largement
partagée.
Bruxisme vient du grec brukein (bryco), signifiant « grincer des dents ». Actuellement, le
terme « bruxisme » (bruxism, en anglais) est internationalement reconnu . « Bruxomanie » et
« bruxomane » évoquant un état maniaque seront rejetés; en effet, mania signifie « fol ie »
en grec, alors que le bruxisme n'est que rarement associé à un trouble psychiatrique.
Bruxeur : nous retiendrons ce terme international (bruxer, en anglais), pour caractériser un
bruxisme sévère, par analogie avec le terme de « boxeur ».
Dysfonction : potentialité de perturbations des activités fonctionnelles pouvant conduire
à des comportements adaptatifs.
Dysfonctionnement : expression de la perturbation d'une activité fonctionnelle pouvant
conduire à un comportement adaptatif. Il existe trois degrés de dysfonctionnement :
• léger : altération fonctionnelle;
• modéré : réduction fonctionnelle;
• sévère : impotence fonctionnelle.
Parafonction : le grec para signifiant « à côté », une parafonction peut donc être inter-
prétée comme une fonction « à côté », généralement non pathogène, sollicitant un organe
ou un appareil pour un usage qui n'est pas sa destination première. On trouve le préfixe
para dans des mots comme « paranormal », « parapsychologie » ou « paramédical ». Mais
on le trouve aussi pour _souligner un caractère anormal, comme dans « paresthésie » ou
dans « parasomnie » (troubles qui dérangent la période de sommeil). On peut noter aussi
que para est utilisé pour signifier une protection, comme dans les mots « parachute » ou
1 Définition, classification prévalence

« parasol ». Le bruxisme protégerait-il? ... Nous ne sommes pas loin de le penser dans sa
possibilité de lien avec la ventilation, la salivation ou la décharge du stress.
Pathofonction : activité fonctionnelle, parafonctionnelle ou dysfonctionnelle pouvant pro-
voquer une instabilité structurelle et/ou des atteintes des structures avec ou sans réactions
douloureuses.

Définitions : le bruxisme, de quoi s'agit-il?


La multiplicité des définitions reflète une difficulté à préciser ce qu'est le bruxisme, alors
qu'une définition est indispensable à une exploitation clinique des travaux de recherche.
En 1966, Ramfjord et Ash [6] assimilent le bruxisme à un grincement des dents sans but
fonctionnel.
En 1990, I'American Academy of Sleep Medicine (ASDA) [7] propose une classification
des troubles du sommeil (International Classification of Sleep Disorders, ICSD) définissant
le bruxisme de sommeil comme une forme de parasomnie associée à des mouvements
mandibulaires stéréotypés et périodiques survenant durant le sommeil, caractérisés par du
grincement ou du serrement des dents.
En 2001, le lexique du Collège national d'occlusodontie [SI décrit le bruxisme comme un 13
« comportement qui se caractérise par une activité motrice parafonctionnelle et involontaire
des muscles manducateurs, continue (serrement) ou rythmique (grincement), avec contacts
occlusaux, associés à l'usure anormale des dents et à l'inconfort des muscles élévateurs ».
En 2005, dans une deuxième édition, I'ICSD-2 [9] définit le bruxisme du sommeil (BS)
comme une parafonction orale, habituellement en relation avec des micro-éveils, où une
activité répétitive et rythmique des muscles masticateurs est caractérisée par le serrement
ou le grincement des dents. Le BS est alors classifié parmi les troubles du mouvement en
relation avec le sommeil.
En 2008, suivant la quatrième édition de I'Orofacial Pain Guide/ines (OFPG-4) des recom-
mandations de I'American Academy of Orofacial Pain [10], le bruxisme est défini comme une
activité parafonctionnelle, diurne ou nocturne, comprenant le serrement et le grincement
des dents. Cette définition, de même que les suivantes, inclut dans le bruxisme des activités
mandibulaires sans contact dento-dentaire.
En 2013, un groupe d'experts [11] propose une nouvelle formulation : une activité répétitive
des muscles de la mâchoire caractérisée par le serrement et le grincement des dents et/ou
par le bracing et le thrusting (pressions de la musculature orofaciale sans contacts occlu-
saux) de la mandibule comprenant deux manifestations circadiennes distinctes, une durant
le sommeil et une durant l'éveil.
En 2014, I'ICSD-3 [12] décrit le bruxisme comme une activité mandibulaire répétitive carac-
térisée par le serrement ou le grincement des dents et/ou par « bracing or thrusting of the
mandible ».
Dans ces différentes formes, le bruxisme nous semble bien en cohérence avec la définition
de la « parafonction » avec contacts occlusaux. Avec étonnement, on retrouve encore chez
certains auteurs l'idée que le br,uxisme serait uniquement associé au grincement [13]. Mais,
classiquement, en odontologie on associe grincement et serrement des dents.
Le Bruxisme tout simplement

Aussi, à l'heure actuelle, nous retiendrons les définitions suivantes :


- les parafonctions orales regroupent les activités orales non nutritives liées
à des hyperactivités musculaires souvent involontaires comprenant :
• pression orale : langue, lèvres, joues, succion;
• morsure : joues, lèvres;
• mâchonnements : chewing-gum, onychophagie, objets divers.
- le bruxisme est une parafonction orale caractérisée par des contacts occlusaux
résultants d'activités motrices manducatrices non nutritives, répétitives, involontaires,
le plus souvent inconscientes. On distingue des formes d'éveil ou de sommeil, des
types de bruxisme avec serrement, balancement, grincement, tapotements des dents.

Classification
L'intérêt d'une classification réside dans l'identification d'entités nosologiques relevant de
causes spécifiques confirmées ou supposées, pouvant identifier des approches thérapeu-
tiques individualisées.
Dans le bruxisme, on distinguera :
- les types de bruxisme en relation avec le rythme circadien (éveil/sommeil);
14 - les catégories de bruxisme en relation avec l'étiologie (primaire/secondaire);
-les formes de bruxisme en relation avec le type d'affrontement occlusal
(serrement/balancement/grincement/tapotement).

Types circadiens :
bruxisme d'éveil et bruxisme de sommeil
Dès 1936, Muller, cité par Rozencweig [141. initie une distinction, en séparant le bruxisme,
diurne, de la « bruxomanie », qui serait nocturne. Reding et coll. [15] soulignent en 1968
les états de conscience différents liés au -sommeil. Les années 2000 établissent que le
bruxisme du sommeil doit être distingué de celui qui survient
à l'état d'éveil s'appuyant sur des réactions phy-
siologiques très différentes des états de veille/
sommeil (fig. 1).
Bruxisme d'éveil. Pour le sujet éveillé
(état de conscience), le bruxisme
« d'éveil » est plutôt caractérisé par
le serrement des dents provoqué
par des crispations des mâchoires.
Suivant les individus, ces crispa-
tions, le plus souvent involon-
taires, sont d'intensité et de durée
variable. Dans le bruxisme d'éveil,

1. Classification du bruxisme :
types (éveil/sommeil),
catégories (primaire/secondaire).
1 Définition, classification prévalence

' le grincement des dents ne se rencontre généralement que dans les bruxismes neuropa-
th iques (voir infra « bruxisme secondaire »). ·
Bruxisme de sommeil. On privilégie le terme de « bruxisme de sommeil » plutôt que
celui de « bruxisme nocturne », car certaines personnes peuvent travailler la nuit et dor-
mir le jour. Pendant le sommeil, le sujet est plus ou moins « inconscient ». Le bruxisme de
sommeil semble être une réponse complexe à l'excitation du système nerveux central, liée
à des changements des niveaux du sommeil accompagnés par des mouvements du corps.
Les équilibres physiologiques au cours du sommeil sont très spécifiques, avec une influence
relativement plus importante du système nerveux autonome et une forme d'inhibition du
contrôle cortical (voir chapitre 5, « Étiologies »).

Catégories étiologiques :
bruxisme secondaire et bruxisme primaire
Selon un critère étiologique, depuis quelques années, deux catégories de bruxisme ont
également été distinguées : primaire ou secondaire [16] .
Bruxisme primaire. Bruxisme idiopathique (créé par l'organisme lui-même), correspon-
dant à des réactions musculaires manducatrices à base physiologique, sans cause neuro-
pathique identifiable. Il s'agit probablement d'une exaspération d'un réflexe physiologique 15
« archaïque » du système nerveux autonome en relation avec des troubles anxieux, des
troubles respiratoires, des « tocs » comportementaux (voir chapitre 5, « Étiologies »).
Bruxisme secondaire. Bruxisme associé à une maladie neuropsychiatrique, à l'effet neu-
ropathique de drogues ou de médicaments, ou à des séquelles neuropathiques de causes
médicales ou traumatiques. Quand c'est possible, l'intérêt est bien entendu de cibler une
prise en charge thérapeutique sur la cause primaire, sinon des traitements palliatifs visant à
compenser les séquelles dentaires seront mis en œuvre. Ces troubles essentiellement neu-
ropathiques peuvent exagérer un bruxisme primaire. La liste suivante les recense de manière
non exhaustive :
- infarctus du ganglion basal;
- lésion cérébrale post-traumatique;
- paralysie cérébrale;
-stress post-traumatique;
-syndrome de Down (trisomie 21) (fig. 2);
-certaines formes d'autisme, de démence;
-épilepsie;
- méningite septicémique;
-syndromes de Rett, de Shy-Drager, de Gilles de la Tourette,
d'impatience des membres inférieurs;
-maladies de Huntington, de Leigh, de Whipple, de Parkinson;
- infarctus du ganglion basal;
-paralysie cérébrale;
-septicémie à méningocoque;
-dyskinésie hémifaciale, dystonie oromandibulaire;
-effets de substances méd icamenteuses telles que les antidépresseurs,
les neuroleptiques, la L-dopa, les antidopaminergiques, les antagonistes du
calcium, les inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine (ISRS) (Prozac®... ) ;
Le Bruxisme tout simplement

16
r

2 a, b, c, d. Bruxisme secondaire: adulte trisomique de 25 ans avec très forte attrition.


-effets de substances addictives telles que le tabac, la caféine, le cola, l'alcool,
la cocaïne, les amphétamines, le 3,4-méthylènedioxy-méthamphétamine (ecstasy) ...
Les chirurgiens-dentistes doivent être en mesure de reconnaître les manifestations orales
des troubles manducateurs mentionnés ci-dessus afin que les patients soient référés au
cadre médical compétent, mais aussi être aptes à prendre en charge les conséquences
locales dans un contexte pluridisciplinaire.

Formes d'affrontement des dents:


serrement balancement grincement tapotement
Il existe quatre formes d'affrontement parafonctionnel des dents, qui souvent se combinent
(fig. 3 et 4).
Serrement (clenching). Le serrement est le résultat de crispations élévatrices isotoniques
prolongées, parfois intenses, sans mouvement mandibulaire. Le serrement est silencieux,
il est probablement plus fréquent le jour que la nuit. Cette crispation statique est le plus
souvent réalisée en OIM, générant des contraintes verticales souvent bien absorbées par
les dents, mais elle peut s'exercer dans des positions excentrées en latéro-propulsion. Pour
certains, excentré signifie souvent « grincement », c'est pourquoi nous n'utiliserons pas les
1 Définition, classification prévalence

3. Classification du bruxisme intégrant les formes


parafonctionnelles ~·afronet des ~ents :
le grincement d'éverl caractense le bruxrsme
secondaire, dont l'origine est neuropathique.

termes confus de bruxisme centré et


excentré,
Grincement (grinding). Le grin-
cement est provoqué par des
contractions musculaires élévatrices
phasiques, avec déplacement de la
mandibule. Il est souvent accompagné
par un bruit de frottement entre les dents,
souvent audible par un tiers. En dehors du
bruxisme secondaire, le grincement est très rare
pendant l'éveil. Il génère des contraintes horizon-
ta les beaucoup plus nocives pour les structures dentaires,
en particulier lorsqu 'elles sont artificielles. 17
Balancement (jiggling). Dans les parafonctions orales provoquant un affrontement
occlusal, certains patients évoquent le fait de « jouer à faire bouger leurs dents avec leurs
dents » ; ils provoquent, dents serrées, des micro-déplacements des dents, les dents subis-
sant un mouvement d'oscillation que nous nommerons « balancement ». Alors que dans
le grincement une partie importante de l'énergie est dispersée par le mouvement, dans
le « balancement » les contraintes sont transmises en totalité soit au parodonte alternant
des contraintes de compression et de distension, soit aux dents avec une concentration
des contraintes au niveau cervical comme l'ont montré de nombreuses études en pho-
toélasticimétrie et en éléments finis. Le concept du « balancement » pourrait être une
explication tant recherchée, d'une part, à la stimulation du parodonte du bruxeu r, mais
aussi, d'autre part, au phénomène d'abfraction, ces lésions
cervicales d'usure en encoche que l'on a bien
du mal à expliquer par les seuls phénomènes
d'abrasion et/ou d'érosion.
Tapotement (tapping). Durant le som-
Serrement Balancement
meil, des mouvements orofaciau x incon-
trôlés sont produits par des contractions
rythmiques des muscles masticateurs
(A RMM). Ces mouvements mandibu-
laires génèrent ou non des contacts occlu-
saux. Lorsqu'ils se produisent, ils peuvent
se marquer par une série d'affrontements
dento-dentaires brefs; ce tapotement a
souvent un rythme rapide, sorte de « cla- Tapotement
quement des dents ».

4. Formes d'affrontement occlusal dans le bruxisme.


1
Le Bruxisme tout simplement

5. La densité alvéolaire caractéristique du bruxeur 6. L'abfraction (encoche cervicale en coup de


serait un effet positif de balancement. hache) serait un effet négatif de balancement.

Les abfractions
La biomécanique est le déterminant de la réaction biologique.
18 Les bruxeurs affichent un taux de lésions cervicales non carieuses significativement élevé
rapporté aux sujets témoins [17]. Parmi les lésions cervicales non carieuses, l'abfraction
(lésion cervicale en encoche) est difficile à expliquer seulement par l'abrasion/érosion. Mais
la littérature peine à montrer globalement des corrélations entre l'abfraction et les différents
paramètres occlusaux (usure interférences, schéma de guidage, occlusion i~ versé, etc.) [18] .
Les études en photoélasticimétrie ou en éléments finis montrent une concentration des
contraintes au niveau cervical. McCoy explique, probablement avec clairvoyance, la rareté
des abfractions linguales par la distribution de contraintes linguales liées à l'effet de cohé-
sion des arcades dentaires [19].
Le balancement Uiggling) provoque une oscillation de la couronne dentaire, la racine
étant enchâssée dans l'os alvéolaire; il peut en résulter une concentration des contraintes
au niveau cervical. Ce phénomène peut se produire en dehors de toute anomalie occlusale
et ne génère pas d'usure occlusale, ce qui pourrait expliquer les échecs de la recherche à
mettre en évidence une corrélation entre trouble de l'occlusion et abfraction.
Plus de 90% des bruxismes de sommeil sont caractérisés par une activité rythmique des
muscles masticateurs (ARMM). Cette activité est trois fois plus fréquente et de 40 à 60%
plus intense chez les sujets bruxeurs. Le déclenchement de cette ARMM est précédé par une
séquence d'excitation du cerveau .
Dans les trava ux de recherches utilisant des enregistrements de sommeil, il existe des cri-
tères permettant d'identifier les formes de bruxisme, par exemple :
-des hyperactivités phasiques correspondant à au moins trois épisodes de contraction
de 0,25 à 2 secondes séparés par deux intervalles de repos;
-des hyperactivités toniques correspondant à un épisode de contraction
d'au moins 2 secondes;
-des hyperactivités mixtes correspondant à une .combinaison d'épisodes phasique
et tonique séparés par des intervalles d'au moins 30 secondes.
1 Définition, classification prévalence

7. Le balancement provoque
une oscillation de la couronne
dentaire autour de l'ensemble
radiculo-alvéolaire, avec une
concentration des contraintes
au niveau cervical.

19

Prévalence du bruxisme
Avec des moyens cliniques d'identification peu discriminatifs, les études épidémiologiques
ne montrent pas une grande solidité.
Les études sur la fréquence du bruxisme sont rendues peu crédibles par l'absence de cri-
tères d'évaluation simples et précis du bruxisme. Par exemple, l'usure n'est pas spécifique
au bruxisme et l'attrition n'est pas représentative de tous les bruxismes . Le serrement est
inconscient et probablement très largement généralisé. Il existe donc des variabilités impor-
tantes entre les résultats épidémiologiques. Les études en polysomnographie sont le moyen
le plus précis pour identifier le bruxisme de sommeil, mais elles sont complexes à mettre en
œuvre et ne portent que sur une ou deux nuits.
Pour Nadler [20], 100% des sujets présentent du bruxisme. Slavicek pense de même, sou-
tenant l'idée que le bruxisme est « physiologique », comme une fonction de décharge des
tensions émotionnelles. Il semblerait qu'il n'existe pas de différence significative entre les
femmes et les hommes. Paesani [21] situe la plage entre 6 et 90% ! Pour Rozencweig [14],
il est raisonnable de considérer un chiffre moyen de 70% en regard des différentes études
réalisées, tout en signalant que moins de 20% des individus présentent un bruxisme sévère.
Une revue de littérature actualisée [22] rapporte une prévalence du bruxisme entre 8 et
31,4%, avec le bruxisme d'éveil entre 22,1 et 31 %.
Le Bruxisme tout simplement

Un graphique classique de Petit et coll. [23) montre une nette prévalence (probablement) du
grincement chez l'enfant et une faible prévalence chez le senior (graphique 1). Kato [24)
affiche les résultats similaires :

35
Graphique 1 - Évolution
de la prévalence du bruxisme selon
30 l'âge, de l'enfant au senior [24] .
25

20
12%
15 10%

10

-19% chez les 3-10 ans;


- 13 % chez les adolescents;
20 - 3% chez les plus de 60 ans.
Ces résultats confirment ceux présentés par Archbold et Chervin en 2002 [25), qui mon-
traient une prédominance du bruxisme du sommeil chez les petits garçons et une diminu-
tion à l'âge de la préadolescence (graphique 2).

Graphique 2- Évolution
35
de la prévalence du bruxisme
30 de l'enfant à l'adolescent [25].

25

20

15

10

Primaire
(n=213)

Reding et coll. [26) montrent également une diminution significative de la prévalence du


bruxisme avec l'âge. Cette notion semble solide (« On observe plus de bruxisme chez le
jeune, moins chez le senior »), ce qui a une incidence clinique importante et pourrait per-
mettre de lire quelques pistes étiopathogéniques du bruxisme (voir chapitre 5, « Étiologies »).
« On observe plus de bruxisme chez le jeune, moins chez le senior. ))
1 Définition, classification prévalence

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16 Lavigne GJ, Manzini C. Sleep bruxism and
concomitant motor activity. Principles and
Practice of Sleep Medicine. Philadelphia: Saunders
Company; 2000. p. 773-85.
Le Bruxisme tout simplement

22
·- ·- - -
Stress et appareil
manducateur
23
Sadao Soto, Rudolf Slavicek,
traduit de l'anglais par Nina Fenouil/e

Le corps humain s'assemble en plusieurs organes


interconnectés qui coopèrent pour réaliser
toutes les fonctions nécessaires à sa bonne santé
et à sa survie. Parmi ceux-ci, l'appareil mandu-
cateur * forme un ensemble unique dans l'or-
ganisme, tant d'un point de vue physiologique
que psychosomatique. Le processus normal de
mastication repose sur une série hautement
coordonnée de mouvements assurés par la man-
dibule, les lèvres, les joues, la langue, les articula-
tions temporo-mandibulaires et plusieurs autres
structures orales et péri-orales. Essentiel pour la 1.
Ce concept cybernétique (science des
mastication, l'appareil manducateur joue éga- interactions entre les mécanismes) de l'appareil
lement un rôle dans la parole, la respiration, le manducateur proposé par R. Slavicek dans les
années 1990 souligne ses aspects plurifonctionnels
bâillement, le maintien de la posture et la gestion
et pluristructurels.
du stress par le biais des grincements et/ou ser-
rements liés au bruxisme. Pour proposer des traitements adaptés à la physiologie complexe
de chaque individu, les chirurgiens-dentistes ne doivent pas se contenter d'observer l'engrè-
nement statique de dents antagonistes lors du diagnostic et du traitement des troubles
stomatognathiques (fig. 1), mais envisager l'appareil manducateur comme étroitement lié
au système limbique, formant ainsi une unité fonctionnelle impliquée dans les émotions.
Dès lors, il faut intégrer la méqecine du stress et l'occlusodontie dans un champ d'études

* Rudolf Slavicek utilise les expressions Kaus organ ou masticatory organ pour évoquer ce que nous appelons
en français « appareil manducateur ». C'est cette expression française qui sera donc utilisée dans ce chapitre.
Le Bruxisme tout simplement

qui prend en compte deux concepts essentiels, le premier étant un système centralisé de
rétrocontrôles, le second établissant un lien étroit entre stress et bruxisme. Le rôle de l'appa-
reil manducateur en tant que soupape de décharge doit être reconnu comme majeur en
odontologie [1-3].

Agression et appareil manducateur


Pour l'organisme, utiliser l'appareil manducateur comme une soupape
antistress représente une solution efficace aux problèmes de gestion du stress.

Le système limbique a été référencé comme l'ensemble des structures du cerveau impliquées
dans les émotions et des voies qui les connectent les une aux autres. Généralement, ces dif-
férentes aires cérébrales fonctionnent en inhibant les émotions . L'appareil manducateur est
connecté, directement ou indirectement, au système limbique. Bien que l'homme moderne
ait maintenu cette connexion au cours de son évolution, cet appareil extériorise une forme
d'agressivité plutôt lors des phases de bruxisme du sommeil, puisque pendant l'éveil le cor-
tex cérébral évolué inhibe le comportement agressif « archaïque » chez l'homme.
Le grincement des dents est retrouvé chez plusieurs espèces animales comme une compo-
24 sante de leur réponse à des situations menaçantes ou de stress. Certains auteurs [4-5] ont
__ ..- - -
proposé que les animaux utilisent leurs dents et mâchoires tantôt comme des armes pour
mordre et tuer, tantôt comme des outils pour séparer, tenir et grogner.
Il en était de même pour les hominidés primitifs. L'appareil manducateur humain a évolué
au fil du temps comme un organe impliqué dans la gestion des émotions, suivant plusieurs
étapes où il était tout d'abord utilisé comme un outil ou une arme pour exprimer l'agres-
sivité. L'homme moderne continue à l'utiliser lorsqu'il est psychologiquement stressé pour
exprimer non plus un comportement direct d'agressivité, mais un comportement indirect
qui passe par le serrement et/ou le grincement des dents.
Des recherches plus approfondies ont montré qu'un stress psychique et une dysharmonie
occlusale sont associés au bruxisme [6-11]. D'un point de vue psychosomatique, les désordres
psychiques non résolus se répercutent au niveau des organes. Les fonctions de l'appareil
manducateur sont intimement connectées aux fonctions cérébrales, au niveau somatique
et psychique. L'appareil manducateur apparaît essentiel pour l'organisme et son adaptation
au monde extérieur.

Bruxisme et maladies orales


Le bruxisme peut être impliqué dans de nombreuses pathologies orales, comme
des lésions parodontales, des destructions des tissus durs (attritions, abfractions)
ou des troubles temporo-mandibulaires. Suivant la théorie du « maillon faible »
c'est la structure la plus fragile qui subira des altérations structurelles.

Le bruxisme est défini comme une activité parafonctionnelle, d'éveil ou de sommeil, de


serrement, broyage et grincement des dents. Ëtant donné qu'il affecte beaucoup d'indivi-
dus, le bruxisme du sommeil semble être un phénomène physiologique nécessaire au corps
humain, d'un point de vue fonctionnel ou comportemental [12-15]. Lavigne et coll. [16] ont
2 Stress et appareil manducateur

' montré que l'activité rythmique des muscles manducateurs au cours du sommeil est liée
à certaines fonctions physiologiques du sommeil, notamment d'activation des voies ner-
veuses autonomes. Leurs résultats ont mis en évidence que celle-ci n'est pas liée qu'à des
perturbations du sommeil nocturne, suggérant ainsi qu'elle se produit de façon normale
au cours du sommeil. Puisqu'il peut endommager les tissus oraux et l'ensemble musculo-
articulaire, le bruxisme du sommeil associé à une activité motrice excessive est devenu ces
dernières années un important sujet de recherche en médecine dentaire.
En cas de bruxisme du sommeil, des contacts occlusaux très forts, bien plus forts que ceux
réalisés consciemment par un individu durant les heures de réveil, sont appliqués aux dents.
Des charges importantes se répartissent sur la denture, les structures parodontales de sou-
tien et les articulations temporo-mandibulaires (ATM).
Une nouvelle classification des lésions du tissu dentaire minéralisé a été introduite pour défi-
nir l'abfraction comme l'ensemble des lésions dentaires induites par le stress qui résultent
d'un hyperfonctionnement et d'un parafonctionnement de l'appareil manducateur [17-23].
Les forces à la fois de traction et de cisaillement contribuent à la perte structurelle dans la
région cervicale de la dent, lors de la formation active de ces lésions. La localisation et la
distribution des abfractions supportent ce concept biomécanique de tensions induites par le
stress. Drum [24] a rapporté que les parafonctions traumatisantes sont déterminantes dans
le développement des pathologies parodontales. Le bruxisme est également étudié comme 25
un facteur décisif dans la surcharge répétitive des structures de l'ATM [25]. Dans le domaine
de la recherche dentaire, la relation entre occlusion et maladies orales (telles que les troubles
de l'ATM et les pathologies parodontales) a cependant été longtemps controversée. Étant
donné que les forces occlusales extrêmes résultent des manifestations parafonctionnelles
du bruxisme, qui dépendent des concepts occlusaux [26-29], les notions actuelles d'occlu-
sion ont progressivement été repensées pour y intégrer les parafonctions de serrement et
de grincement de l'appareil manducateur [30-32].
Dans ce contexte, il est nécessaire d'investiguer les effets du bruxisme liés à l'activité motrice
excessive des muscles manducateurs, sur les trois structures suivantes :
- la structure de la dent (lésions cervicales non carieuses, hypersensibilité,
usure et fissures);
- le tissu parodontal (niveau d'attache, mobilité, saignement au sondage, et exostose);
-les muscles et les ATM.
Il est aussi indispensable de définir précisément les conditions qui endommagent spécifi-
quement telle structure ou tel tissu. Mehta et coll. [33] ont documenté l'interrelation entre
les indices de lésions parodontales (indice de Russell) [34], les DAM (indice de Helkimo) [35],
l'évaluation de l'usure des dents et l'activité parafonctionnelle en cas de bruxisme nocturne
avéré. En effet, environ 90% des patients qui présentent des scores de bruxisme modérés
à sévères ont un indice élevé pour l'un de ces trois critères précédemment cités, suggérant
que le composant le plus faible du système oral est sélectivement affecté par une forte
activité parafonctionnelle. Les auteurs parlent de la théorie du maillon faible. Des résultats
récents [36-37] montrent également que le bruxisme associé à des contacts molaires pré-
dominants n'est non seulement responsable d'affections dento-parodontales, mais aussi
probablement de troubles de l'ATM, ce qui supporte en partie la théorie du maillon faible.
Le Bruxisme tout simplement

Conséquences biologiques chez l'animal


d'activités similaires au bruxisme
Récemment, différents modèles animaux ont mis en évidence qu'une activité
de l'appareil manducateur permet de réduire les réponses neurophysiologiques
liées au stress .

Les animaux ont depuis longtemps utilisé leurs mâchoires comme un exutoire émotionnel,
au-delà de leur fonction de simple outil de nutrition [4-5] . Au cours de l'évolution des pri-
mates, des changements importants ont été observés au niveau du complexe amygdalien
chez les insectivores et les primates [38] . Les noyaux cortico-médians contrôlant l'agressi-
vité sont considérablement réduits par rapport aux noyaux basaux latéraux de l'amygdale
orientés vers le plaisir. De ce fait, les schémas d'agressivité volontaire à visée défensive sont
de plus en plus réduits à des mouvements inconscients de serrements et de grincements .
Plusieurs espèces animales grincent des dents en réponse à des situations menaçantes ou
de stress. Il a été suggéré que l'Homme moderne continue d'utiliser l'appareil manduca-
teur pour communiquer son agressivité lorsqu 'il psychologiquement submergé. Mobiliser
26 l'appareil manducateur comme une soupape antistress représente une solution efficace,
peu risquée, aux problèmes de gestion du stress [1-31 (fig. 2).
-·---

. ~m me

Système limbique +------ rva ~ ate~r


l
Hypothalamus
"~ •
li onctions
• '.:Serrement
c f~ Bruxisme
Q) FOS, NNOS, NO, BDNF, NAR, ERK :J
/cRF
ro
c
.._
•Qi
.._
:l
~
"'
0
1

"'
;.,
..c
c..
0
c..
;.,
..c
1
0
E
ro
ro
..c
Lymphocytes, neutophiles

./
+-'
c..
;.,
..c
Q) Surcharge allostatique
>< Gonflement des glandes surrénales, dégénération du thymus,
<!
ulcère gastrique, etc. 2. Modèle hypothétique
de la compensation du
stress par le biais de
l'appareil manducateur.
2 Stress et appareil manducateur

Réactions tissulaires induites par le stress


L'activité de bruxisme de l'appareil manducateur semble réguler les réactions
de l'axe hypothalamo-hypophyso-surrénal et du système nerveux sympathique
dans une situation de stress.

11 a été montré que les rats de laboratoire grincent spontanément des dents lorsqu'ils sont
immobilisés sur une planche de contention [38]. De même, des études ont mis en évidence
que les manifestations similaires au bruxisme préviennent l'apparition d'ulcères à l'estomac
causés par le stress [39-441; l'appareil manducateur serait donc utilisé pour soulager l'orga-
nisme en cas de stress (fig. 3-4).

3. Le rat, stressé
par l'expérimen-
tation, ronge
spontanément
une baguette
de bois.

27

* : p < 0,05 vs Contrôle


t : p < 0,05 vs S group
3000
*
2500 4. L'induction d'un
2000
stress chez le rat
Î augmente le taux
1-
u d'ACTH mais moins
1500
~ dans le groupe des
~ 1000 rats rongeant un
:c morceau de bois (S/B)
500 que dans le groupe
n'ayant pas d'activité
0 mandibulaire.
Contrôle 5 (30') 5/B (30') 5 (60') 5/B (60')

Chez le rat, le niveau plasmatique de l'hormone adrénocorticotrope (ACTH) augmente une


demi-heure après que l'animal ait été immobilisé, alors qu'une activité assimilée au bruxisme
atténue ce niveau . Le ratio sanguin neutrophiles/lymphocytes se retrouve, quant à lui,
inversé seulement quatre heures après un stress de contention, ce qui peut provoquer des
dommages à plusieurs organes, notamment l'estomac, le thymus et la rate [45-47]. Toutes
ces altérations de différents paramètres physiologiques observées en réponse au stress sont
d'autant plus limitées que les activités mandibulaires apparentées au bruxisme sont longues.
Le Bruxisme tout simplement

Expression de la corticolibérine
(CR~ corticotropin-releasing factor)
L'activation de l'axe hypothalamo-hypophyso-surrénalien induite par le stress se caractérise
par l'expression renforcée de la corticolibérine dans le noyau PVN, et par conséquent de
I'ACTH et des glucocorticoïdes surrénaliens dans le sang. La corticolibérine sécrétée dans
l'hypothalamus est donc importante pour médier les réponses comportementales au stress.
Le nombre de neurones exprimant la corticolibérine dans le noyau PVN augmente forte-
ment après un stress de contention de courte durée (30 ou 60 minutes), suivi d'une période
postcontention de 3 heures. L'activité associée au bruxisme prévient l'augmentation de la
corticolibérine observée dans le noyau PVN après immobilisation [56] . Dès lors, il a été
proposé que la suppression de la transmission noradrénergique centrale, incluant les vojes
afférentes du locus cœruleus, pouvait être un mécanisme par lequel la corticolibérine n'est
plus produite en cas de bruxisme.

Évaluation de la température
Soumis à un stress, l'animal activant son appareil manducateur régule mieux
sa température corporelle et sa tension artérielle.

·. _.-..
~-
28
D'autres recherches chez le rat
(* : p < 0,005)
ont permis d'étudier les effets du
bruxisme sur l'élévation de la pres- 9 39
sion sanguine, l'augmentation de c
~
la température corporelle et l'accu- Q)

Qi
mulation sérique de médiateurs 0c.
chimiques en réponse au stress, 0
u
mettant alors en évidence que ces ~
::J
paramètres sont significativement +-'
~
réduits chez les rats qui grincent -QI
c.
E 36L-~ __ L __ _ L _ _L __ _ J_ __ L _ _L _ _
des dents par rapport à ceux à
~
qui l'on n'offre pas la possibilité
Temps (en min.)
de ronger une baguette de bois
(bruxisme simulé), lorsqu'ils sont Ne pouvant pas ronger
maintenus en planche de conten- Pouvant ronger
tion [48]. Des différences dans la
température corporelle sont nette-
ment visibles en caméra infrarouge
5. Les rats pouvant ronger un bout de bois (en vert)
montrent un bien meilleur contrôle de leur température
entre ces deux groupes d'animaux corporelle que les rats n'ayant pas la possibilité de ronger
(fig. 5). pendant la contrainte (en rouge).
Des analyses biochimiques révèlent
également que le fait de mordre prévient la sécrétion d'interleukine 1b, d'interleukine 6 et
de la leptine dans le plasma sanguin, tout en augmentant les niveaux circulants de la thy-
réostimuline (TS H, thyroid-stimulating hormone).
2 Stress et appareil manducateur

Expression de la protéine Fos au niveau cérébral


L'étu de de la protéine Fos suggère que les parafonctions de l'appareil
manducateur temporisent les effets néfastes causés par le stress
psychologique sur le système nerveux central.

Chez l'an imal stressé, les manifestations associées au bruxisme ra lentissent fortement le
turn-over de la noradrénaline (norépinéphrine) dans l'hypothalamus, les structures lim-
biques et l'amygdale [49-53]. De plus, l'activité non fonctionnelle de mastication atténue
la stim ulation dopaminergique au niveau du striatum observée suite à un stress [8, 11]. Il a
été montré que le stress psychologique causé par une contention ou une immobilisation de
l'animal conduit à l'activation du facteur de transcription c-Fos qui contrôle l'expression de la
protéine Fos dans un sous-groupe de neurones du système nerveux central [54]. Cette étude
a plus particulièrement cherché à savoir si une activité de mastication, telle que le fait de
mordre un morceau de bois (assimilé au bruxisme), pouvait moduler le niveau de Fos dans
le tronc cérébral des rats immobilisés.
Les auteurs ont alors réalisé un marquage immunohistochimique de la protéine Fos dans
le système nerveux central pour mesurer les effets d'un stress aigu lié à la contention des
animaux, et d'une activité apparentée au bruxisme [55]. Chez les rats maintenus en position 29
allongée entre 10 minutes et 1 heure, l'expression rapide de la protéine Fos est systémati-
quement induite dans les neurones des cortex somatosensoriel et moteur, du noyau hypo-
thalamique paraventriculaire (PVN), du locus cœruleus (LC), du noyau amygdalien médian
et de la partie antérieure du noyau thalamique paraventriculaire. D'autre part, on note une
absence d'immunoréactivité de Fos lorsque l'animal immobilisé ronge un morceau de bois.

Expression de l'oxydoréductase NOS


(oxyde nitrique synthase *)
Le monoxyde d'azote (NO) régule l'activité du système endocrinien lors d'une répon se com-
portementale à un stress. Hori et coll. [57] ont étudié l'effet de la contention d'un animal
sur l'expression de la synthase neuronale nNOS dans le noyau paraventriculaire de l'hypo-
thalamus et sa modulation par une activité similaire au bruxisme. Les auteurs ont observé
une augmentation des transcrits de nNOS, et du nombre de neurones exprimant cette syn-
thase dans l'hypothalamus des rats immobilisés pendant 30 ou 60 minutes, ces effets étant
prévenus lorsque l'on favorise, chez les rats stressés, une activité mandibulaire assimilée
au bruxisme. Ces résultats convaincants suggèrent le potentiel antistress du bruxisme et la
ma nière dont ce mécanisme peut opérer de manière inconsciente.

Phosphorylation des kinases ERKl /2


(extracellular signal-regulated protein kinase)
Comme décrit précédemment, l'immobilisation forcée d'un animal stimule l'expression de
la protéine Fos, marqueur de l'activité neuronale. L'expression de Fos et la phosphoryla-
tion de ERK1/2 au niveau du noyau paraventriculaire hypothalamique étant associée, une
approche d'immunohistochimie a été mise au point pour déterminer si les kinases ERK1
* Une NO-synthase désigne le système enzymatique qui catalyse la synthèse de NO à partir d'arginine,
de NAD PH et de tétrahydrobioptérine.
Le Bruxisme tout simplement

et 2 sont phosphorylées après un stress de contention et si une activité simultanée de


bruxisme peut prévenir ce signal de phosphorylation [58] . Une immobilisation forcée du rat,
par tranches de 15 minutes maximum, conduit effectivement à des niveaux détectables de
phospho-ERK1/2 proportionnels à la durée du stress, ces niveaux étant atténués en cas de
bruxisme. Ces résultats suggèrent que le bruxisme prévient la phosphorylation de ERK1/2
dans l'hypothalamus lors d'un stress aigu; la réponse neuronale est donc modulée en partie
par le blocage du signal phospho-ERK1/2 lorsque l'animal immobi lisé mord simultanément
un morceau de bois .

Niveau de radicaux libres dans le cerveau


Les radicau x libres sont responsables des dommages oxydatifs observés dans diverses condi-
tions physiologiques. La résonance paramagnétique électronique (RPE) est l'une des tech-
niques les plus puissantes pour détecter in vivo les espèces réactives à l'oxygène au niveau
tissulaire, voire cellulaire. Des approches non invasives de spectroscopie et d'imagerie, basées
sur la RPE, peuvent donc être utilisées pour évaluer en temps réel, le statut redox d'orga-
nismes viva nts. Une sonde radicalaire perméable à la barrière hémato-encéphalique, MC-
PROXYL (3-methoxycarbonyl-2,2,5,5-tetramethylpyr-rolidine-1-oxyl), a été administrée à des
rats immobilisés pendant 30 minutes. Après dissection, les cerveaux de ces animaux ont
30
_...- - - -
été imagés par tomographie RPS pour mesurer le taux de décroissance de la sonde MC-
PROXYL qui est plus rapide dans l'hypothalamus des animaux stressés par rapport aux ani-
maux contrôles; l'immobilisation forcée semble donc causer un stress oxydatif au niveau
cérébral [59] . Le bruxisme prévient le stress radicalaire induit par l'immobilisation forcée du rat.
Les conséquences du bruxisme sur les niveaux de monoxyde d'azote dans l'hypothalamus
ont été mesurées par le biais d'une électrode NO-sensible après un stress de contention [60].
Les niveaux de NO sont augmentés chez les animaux stressés, tandis que cette
augmentation n'est pas observée chez les animaux immobilisés qui ont mordu
simultanément un morceau de bois pendant 30 minutes, ce qui confirme les
effets antistress du bruxisme.

Niveau du facteur neurotrophique dérivé du cerveau


(BDNF, brain-derived neurotrophic factor)
Le facteur neurotrophique dérivé du cerveau est le membre de la famille des neutrophines
le plus abondant dans le système nerveux central, impliqué dans la survie, le maintien et
l'activité de transmission nerveuse des neurones. Une immobilisation forcée d'une heure
augmente fortement le niveau de BDNF plasmatique [61], qui est principalement sécrété
par les glandes salivaires en situation de st ress [62]. Les niveaux des ARN messagers codant
BDNF et du facteur plasmatique sont également augmentés chez les animaux stressés sujets
au bruxisme, suggérant ainsi que le facteur BDNF sécrété par les glandes salivaires fournit
une protection contre les dommages causés par un stress aigu [63]. Il a aussi été reporté
que le bruxisme régule les altérations des niveaux de BDNF dans l'hippocampe des rats qui
subissent un stress de contrainte [64] .
2 Stress et appareil manducateur

Conséquences des activités similaires


au bruxisme chez l'homme

31
1 s tn n ~H»nM«mw

Sec

Stress

6. Effet en IRM fonctionnelle de la mastication sur la réponse au stress au niveau de l'amygdale.

Imagerie fonctionnelle à résonance magnétique (fig. 6)


L' IRM fonctionnelle chez l'homme permet de montrer que les activités
manducatrices comparables au bruxisme compensent les réactions
automatiques sous corticales liées au stress.
Une connexion étroite entre les fonctions de mastication et l'activité de l'hippocampe en
situation de stress a largement été documentée [65-68]. Le complexe amygdalien déclenche
des changements physiologiques pour répondre à des facteurs de stress [51, 55] . Partant de
ce constat, l'amygdale devrait être activée lorsqu'un individu rencontre une situation stres-
sante. Pour tester cette hypothèse, des sujets ont été soumis à un stimulus auditif (alarme
sonore) via un écouteur, et le signal BOLD (dépendant du niveau d'oxygène sanguin) a été
mesuré par imagerie fonctionnelle à résonance magnétique (IRMf) [69] . Ëtant donné qu'un
facteur de stress peut être perçu différemment par chaque individu, il a été préalablement
vérifié que l'alarme sonore génère bien un stress pour tous les sujets de l'étude. Lorsque les
signaux BOLD sont détectés à P 1/4 0.01 , l'amygdale est nettement réactive aux stimuli audi-
tifs . Cependant, l'activation amygdalienne n'est pas observée lorsque les sujets mâchent un
chewing-gum ou serrent les dE!nts (BLA) dans les mêmes conditions de stress. Les princi-
pales voies efférentes de l'amygdale se projettent vers le septum et l'hypothalamus, ce qui
Le Bruxisme tout simplement

suggère l'implication subcorticale dans l'intégration des fonctions évaluatives du système


limbique, ainsi qu'un rôle commutateur de l'axe hypothalamo-hypophyso-surrénalien . La
mastication déclenche une réponse similaire, mais réduite au stress au niveau de l'amygdale,
diminuant de ce fait l'activité hormonale liée au stress.

Niveau de la chromogranine A dans la salive


La chromogranine A (CgA) est une protéine acide et hydrophile de 48-kDa, originelle-
ment isolée à partir des granules chromaffines de la médullosurrénale bovine. Cette chro-
mogranine est exprimée de manière ubiquiste dans les vésicules sécrétoires des cellules
neuroendocriniennes. Des études précédentes ont permis de localiser spécifiquement la
chromogranine A dans les nerfs sympathiques, tandis que sa sécrétion est mesurée dans la
salive par dosage radio-immunologique en condition de stress [70-71]. Les auteurs ont ainsi
pu observer une forte immunoréactivité de la CgA des glandes salivaires humaines, cette
chromogranine étant principalement produite par les cellules sé reuses avant d'être sécrétée
dans la salive [72] .
Une autre étude réalisée sur 44 adultes volontaires et en bonne santé s'est attachée à doser
la concentration en CgA dans la sa live par test ELISA (enzyme-linked immunosorbent assay),

.-~
32 en utilisant un anticorps dirigé spécifiquement contre la CgA humaine [73] . De manière
intéressante, celle-ci répond au stress p_?ychosomatique, démontrant par là même qu'il est
possible d'évaluer les niveaux de stress ressentis par un individu grâce à un simple dosage
de la CgA sal iva ire. D'autre part, le grincement des dents (assimilé au bruxisme) prévient
l'augmentation de la Cg A salivaire liée au stress ; la réactivité du système parasympathico-
médullosurrénalien peut donc être modulée par les manifestations de bruxisme.

Chez l'animal et chez l'homme, l'étude de nombreux marqueurs biologiques :


-montre l'impact positif de l'activation de l'appareil manducateur,
supportant ainsi fortement le concept d'un appareil manducateur
«soupape» des tensions émotionnelles;
-montre l'implication directe du système nerveux sympathique.

Allostasie et appareil manducateur


L'allostasie est définie comme un mécanisme adaptatif de protection de l'organi sme sou-
mis à un stress interne ou externe,
qui implique plusieurs systèmes inté- Allostasie
grés, notamment le système nerveux
autonome, l'axe hypothalamo-hypo- État allostatique
physo-surrénalien, et le système
immunitaire [74-75] (fig. 7).

7.Allostasie et appareil
manducateur.
Stress Adaptation
2 Stress et appareil manducateur

' En particulier, ces processus allostatiques sont régulés par l'adrénaline, le cortisol et d'autres
messagers chimiques qui permettent non seulement à l'organisme de s'adapter en situation
de stress aigu mais contribuent également à maîtriser la surcharge allostatique, c'est-à-dire
la fatigue générale du corps et de l'esprit que l'on peut ressentir en période de stress. Ce
co ncept nous impose alors de chercher à comprendre comment on peut améliorer l'effica-
cité de cette réponse adaptative aux facteurs de stress tout en minimisant la suractivité des
systèmes exécutants qui est responsable de beaucoup maladies de la vie moderne.
Contrairement au mot « stress » utilisé pour tout et pour ne rien dire, les termes d'« allos-
tasie » et de « surcharge allostatique » permettent une description plus précise des pro-
cessus adaptatifs déclenchés en condition de stress qui, bien qu'essentiels au maintien de
l'homéostasie, peuvent aboutir à des effets cumulatifs néfastes lorsqu'ils sont trop sollicités
dans la vie de tous les jours. Dès lors que la situation problématique est levée, les systèmes
reviennent à la normale. Cependant, si le stress perdure (stress chronique), le cumul des
changements conduit à une surcharge du corps et de l'esprit qui peut provoquer différents
effets physiopathologiques.
Les résultats expérimentaux présentés ici suggèrent que l'activité manducatrice est essen-
t ielle pour minimiser les troubles psychosomatiques liés au stress, en modulant le système
limbique, l'axe hypthalamo-hypophyso-surrénalien, le système nerveux autonome et le sys-
tème immunitaire. Nous devons cependant garder à l'esprit que l'appareil manducateur est 33
depuis toujours relié au système limbique et reste utilisé pour exprimer un comportement
agressif en mode archaïque; cet organe est donc fortement associé à l'état émotionnel
d'un individu . De ce fait, l'occlusion contribue significativement à la capacité d'un individu à
faire face à une situation stressante. Le bruxisme peut être reconnu comme un mécanisme
prophylactique dans les maladies liées au stress (surcharge allostatique) .

.Conclusion
Cette revue de la littérature scientifique, volontairement détaillée, renseigne sur le large
éventail de fonctions biologiques intégrées dans l'appareil manducateur. La bonne santé de
cet ensemble dépend principalement de l'occlusion qui doit être suffisamment stable pour
garantir sa fonction antistress. Investiguer l'activité de bruxisme de l'appareil manducateur
permettra aux praticiens d'établir un diagnostic complet des pathologies dentaires et de
proposer une thérapie efficace. Nous devons donc intégrer l'occlusodontie dans le champ
plus large des sciences médicales afin de faire progresser les soins dentaires, et plus géné-
ralement de santé, à la pointe des connaissances actuelles.
Utiliser l'appareil manducateur comme une soupape au stress est une réaction
physiologique principalement liée au système nerveux autonome. Le bruxisme
modéré est une activité musculaire normalement peu risquée n'ayant
généralement que des conséquences négatives limitées sur le système dentaire,
parfois positives (cf parodonte). Le bruxisme est peut-être le moins délétère des
systèmes de compensation du stress. Il ne s'agira donc pas de chercher
à supprimer le bruxisme, mais on visera une diminution du bruxisme excessif
et/ou trop agressif pour des éléments dentaires fragiles.
Le Bruxisme tout simplement

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Bruxisme du sommeil
et troubles respiratoires
37

Maria Clotilde Carra, Gilles Lavigne

Le bruxisme du sommeil (BS) est une activité répétitive et rythmique des muscles mandu-
cateurs caractérisée par un serrement ou un grincement des dents qui se manifeste durant
le sommeil (en anglais, sleep bruxism) [1]. JI est classifié parmi les troubles du mouvement
en relation avec le sommeil [2) (fig. 1). Le bruxisme est un problème bien connu par les
chirurgiens-dentistes qui doivent quotidiennement gérer ses conséquences sur la cavité
orale, telles que l'usure anormale des dents, la destruction de restaurations et prothèses,
ainsi que la douleur cranio-faciale. Cependant, l'étiologie du BS reste incertaine; plusieurs
facteurs pourraient être impliqués dans la genèse du mouvement du bruxisme et plusieurs
hypothèses ont été investiguées [3) . Dans ce chapitre, nous couvrirons l'interrelation, bien
que faible, entre le bruxisme et la respiration normale et pathologique lors du sommeil
pour mieux comprendre la physiopathologie de ce phénomène complexe de grincement
des dents.
Le Bruxisme tout simplement

Épidémiologie du bruxisme du sommeil


Le BS est une activité parafonctionnelle assez fréquente dans la population générale. Selon
une récente étude populationnelle publiée par Maluly et coll. [4] en 2013, qui a examiné
avec polysomnographie (enregistrement du sommeil pour une nuit) plus de 1 000 sujets
adultes au Brésil, la prévalence du BS est estimée à 7,4% de la population . Cette prévalence
semblerait plus élevée chez les enfants et adolescents (environ 14%, pour des rapports
allant jusqu'à 40 %) [51 et aurait une tendance à dim inuer chez les personnes âgées [6]. Ces
variations de prévalence liées à l'âge sont difficiles à interpréter face à la qualité des études
épidémiologiques disponibles.
À l'exception de l'étude de Maluly et coll. [4], la grande majorité des études sont des sondages
populationnels basés uniquement sur des questionnaires (autoévaluation du bruxisme), ce qui
nous oblige à la prudence dans leur extrapolation [7] . En effet, la validité des questionnaires
comme outils de diagnostic reste débattue en raison des nombreux facteurs de confusion
(par exemple, la connaissance du bruxisme, la présence des dents, le fait de dormir seul)
qui limitent la fiabilité des résultats. Le bruit typique du bruxisme du sommeil, produit par le
grincement des dents, ne se manifeste pas chez tous les sujets (le bruxisme peut être présent
avec uniquement du serrement des dents), ni forcément dans tous les épisodes de bruxisme
38 (environ dans le 50-60 % des épisodes). De plus, il n'est pas entendu par le sujet bruxeur, qui
--- - - lui-même n'est pas dérangé pendant son sommeil par sa parafonction, mais souvent par le
partenaire de sommeil qui en est le témoin actif s' il ne dort pas trop profondément.

Classification internationale des troubles du sommeil


1. Classification
SAOS, Sacs hypoventilation, internationale
hypoxémie des troubles du sommeil.
SAOS : syndrome d'apnée
obtructive du sommeil
Troubles SJSR : syndrome des
respiratoires liés jambres sans repos
au sommeil TMPJ : Trouble de
mouvements périodiques
des jambres
Hyper-
Insomnie somnolence
centrale

,.sJJ
Parasomnies ri'

~
~-
~
§
~

SJSR, TMJP, crampes,


bruxisme, myclonie
~
3 Bruxisme du sommeil et troubles respiratoires

En considérant les différents moyens de diagnostic, un récent consensus a établi que le BS


est qualifié comme « possible » lorsqu'il est basé sur une autoévaluation au moyen de ques-
tionnaires et/ou sur l'anamnèse obtenue lors de la consultation; il est « probable » lorsque
le diagnostic repose sur une autoévaluation et un examen clinique en présence de signes
et symptômes pouvant être associés au bruxisme (ex. : usure des dents, hypertrophie des
masséters); et enfin, il est défini comme « avéré » lorsque le diagnostic est posé sur la base
d'un enregistrement polysomnographique du sommeil (avec ou sans enregistrements audio
et vidéo) associé à une électromyographie des muscles masséters et/ou temporaux [1] .
En raison du haut niveau de sensibilité et de sa spécificité diagnostique, un enregistrement
polysomnographique du sommeil est un examen très complexe, coûteux et qui demande
des compétences avancées dans le domaine de la médecine du sommeil. Il est donc rare-
ment effectué à la seule finalité de poser le diagnostic du BS. Au contraire, il pourrait être
indiqué chez les patients avec un bruxisme probable et en présence des signes et symp-
tômes suggérant une comorbidité avec d'autres troubles du sommeil, tels que l'apnée obs-
tructive, l'insomnie, le syndrome des jambes sans repos, l'épilepsie nocturne ou le trouble
du comportement en sommeil paradoxal (REM Behaviour Disorder, caractérisé par l'absence
d'atonie musculaire lors du sommeil paradoxal). Il faut aussi souligner que la probabilité du
bruxisme augmente fortement en présence d'autres pathologies qui représentent soit des
facteurs de risque (ex. : stress, anxiété, prise de médicaments) soit des comorbidités souvent 39
associées (ex. : apnée obstructive du sommeil, maladie de Parkinson) [4, 8-10] (tableau 1).

Tableau 1 -Pathologies et conditions associées au bruxisme du sommeil,


de la plus fréquente à la plus rare ou anecdotique

Troubles du sommeil • Apnée- Hypopnée obstructive du sommeil


• Ronflement
• Résistance des voies aériennes supérieures
• Mouvements périodiques du sommeil
• Syndrome des jambes sans repos
• Trouble du comportement en sommeil paradoxal
• Reflux gastro-œsophagien du sommeil
• Parosomnies (terreurs nocturnes ... )
• Somniloquie
• Énurésie
• Épilepsie du sommeil
Douleur • Céphalées
• Douleurs orofaciales
• Troubles de l'articulation temporomandibulaire
Parafonctions orales • Bruxisme de l'éveil (serrement des dents)
• Autres parafonctions (ronger les ongles, les stylos ... )
• Tics

Anomalies craniofaciales/ • Hypertrophie des amygdales et adénoïdes


Pathologies médicales • Allergies
• Troubles de déficit de l'attention et hyperactivité
• Troubles neurologiques et psychiatriques
: (démence seule ou avec les troubles du comportement
en sommeil paradoxal ... )
• Troubles du mouvement (maladie de Parkinson ... )
Le Bruxisme tout simplement

Physiopathologie du bruxisme du sommeil


Comme mentionné précédemment, l'enregistrement polysomnographique est générale-
ment réservé aux cas suspects de comorbidité nécessitant une investigation supplémen-
taire ou comme outil de recherche. La majorité des avancées sur la physiopathologie du
bruxisme nous proviennent de cette méthodologie. Le bruxisme pendant le sommeil, donc
dans un état d'inconscience, est observé par la présence de mouvements involontaires très
similaires à ceux engagés pendant la mastication, mais sans aucune finalité apparente. Ces
mouvements ont été décrits comme une activité rythmique des muscles manducateurs
(ARMM) [11), qui s'explique au niveau des muscles masséters et temporaux, soit des contrac-
tions musculaires répétées d'une durée de 0,25-2 secondes (contraction rythmique) ou avec
une contraction soutenue d'une durée supérieure à 2 secondes (contraction tonique) 131
(fig. 2). Ces ARMM sont observées chez près de 60% de la population générale adulte;
elles sont donc considérées comme une activité physiologique pendant le sommeil si sa fré-
quence d'apparition est limitée(< 1 épisode d'ARMM par heure de sommeil) et si la force de
la contraction musculaire est faible [11-12]. Chez les patients atteints de BS, la fréquence des
épisodes d'ARMM est plus élevée(> 2 épisodes/h de sommeil) et la contraction musculaire
est environ 40% plus importante en intensité.

40 Le bruxisme du sommeil pourrait être donc considéré comme une manifestation extrême
d'un comportement moteur orofacial physiologique durant le sommeil sur lequel certains
_:.-~ ---
.

facteurs augmentent son occurrence jusqu'à un niveau pathogène d'activité musculo-


squelettique [3, 13].
Bien que l'étiologie du BS reste inconnue, sa physiopathologie est en partie expliquée par
une réactivation des systèmes nerveux autonome et cérébral pendant les périodes d'instabi-
lité du sommeil appelées micro-éveils [3, 13]. Les micro-éveils du sommeil sont des périodes
brèves qui se répètent plusieurs fois sur une nuit et sont caractérisées par une reprise de
l'activité cérébrale, une accélération du rythme cardiaque, une augmentation du tonus mus-
culaire. Ils représentent un mécanisme de protection qui assure la réaction du sujet dor-
mant en cas d'altération de l'homéostasie
du sommeil. Ils peuvent par exemple être
Contraction induits par une augmentation de l'effort
rythmique respiratoire lors d'un épisode d'obstruction
des voies aériennes, qui signale au cerveau
> 0.25 sec la présence du problème. Dans ces périodes,
le sommeil se fait plus léger et l'organisme
met en place des réactions (ex. : reprise du
tonus musculaire au niveau pharyngé pour
Contraction faire face à l'obstruction des voies aériennes)
tonique jusqu'à ce que l'homéostasie du sommeil
soit rétablie . Il ne s'agit pas d'un réveil com-
plet de l'individu, qui dans la plupart des cas
> l.SI!C ne s'aperçoit pas de ces phénomènes. Si le

2. Activité électromyographique du muscle


nombre des micro-éveils est trop élevé, la
qualité du sommeil peut être compromise
masséter dans le bruxisme du sommeil : activité
rythmique des muscles de la m!astication (ARMM). en raison de la fragmentation du sommeil
dû à la répétition des micro-éveils.
3 Bruxisme du sommeil et troubles respiratoires

3. R~ présentaio
schématique d'une
nuit de sommeil
(hypnogramme). Les
stades du sommeil N1,
N2, N3 et SP se répètent
pour 4-6 cycles de
sommeil. La majorité des
épisodes de bruxisme
(représentés par un trait
rouge) surviennent dans 1h 2h 3h 4h 5h 6h 7 h 8h
les stades de sommeil
léger N2, surtout dans la Durée de sommeil
période juste avant le SP.

La grande majorité (60-80 %) des épisodes de bruxisme de sommeil se manifestent


en association à un micro-éveil.
Les micro-éveils surviennent le plus souvent dans le stade 2 du sommeil non-REM (N 2
selon la nouvelle nomenclature) et dans les périodes qui précèdent le sommeil paradoxal
(fig. 3) [14] . La succession de micro-éveils qui caractérise ces stades du sommeil facilite aussi
les activités musculaires non seulement des muscles de la mâchoire, mais aussi des jambes
41
ou des autres muscles [15].
D'un point de vue physiopathologique, la survenue d'un épisode d'ARMM est précédée
dans la majorité des épisodes et chez les sujets sains par une cascade de phénomènes qui
peuvent être schématiquement décrits comme (fig. 4) :
- l'augmentation de l'activité du système nerveux sympathique
(à partir de 4 minutes avant I'ARMM) [14];
- l'apparition d'un micro-éveil au niveau électroencéphalographique
(à partir de 4 secondes avant I'ARMM) [14];
-l'augmentation du rythme cardiaque (dans la seconde qui précède I'ARMM) [14];
-la contraction musculaire des muscles supra -hyoïdiens
(dans la seconde qui précède I'ARMM) [16];
-l'augmentation de l'amplitude respiratoire (dans la seconde qui précède I'ARMM) [17];
- l'augmentation de la pression artérielle systolique et diastolique (dans la seconde qui
précède I'ARMM) [18];
-et, enfin, la manifestation de I'ARMM au niveau des muscles masséters et temporaux.
Dans 60% de cas, l'épisode de ARMM est suivi par une déglutition (dans les 5-15 secondes
qui suivent I'ARMM) [19] .
L'épisode de BS peut être aussi associé à une hypoxie transitoire (réduction du taux d'oxy-
gène) qui se rétablit dans les 7-9 secondes suivant I'ARMM. Malgré son aspect schématique,
cette description de I'ARMM permet de bien visualiser les relations complexes entre les
mouvements rythmiques de la mâchoire et la physiologie du sommeil, avec la participation
du système nerveux sympathique, cardiaque, cérébral, et respiratoire. La respiration, en par-
ticulier, semblerait avoir un rôle de première importance, tant en présence qu'en l'absence
des troubles respiratoires du sommeil. Si l'apnée du sommeil est concomitante, le tout peut
être associé à des activés paralléles, mais le lien de cause à effet est débattu tel que décrit
dans la section qui suit.
Le Bruxisme tout simplement

1. Activation du système nerveux


sympathique et micro-éveil

2. Augmentation d'environ 25 %
du rythme cardiaque

3. Contraction des muscles


supra-hyoïdiens

4. Augmentation de l'amplitude
ventilatoire

5. Augmentation de la pression 11HHHijJJ.J.J.jw


.••
artérielle systolique et diastolique WJAI ~ H '~ 'I I .

6. Activité rythmique des muscles


de la mastication (ARMM)

4. Représentation schématique
des phénomènes qui précèdent 7. Déglutition (plétysmographie)
42 la genèse d'un épisode d'activité
rythmique des muscles de la
mastication (ARMM).

Les troubles du sommeil


en relation avec la respiration
Les troubles respiratoires du sommeil comprennent une série de pathologies dont les plus
fréquents sont le ronflement, la résistance de voies aériennes supérieures, l'apnée et l'hypo-
pnée du sommeil (d'origine centrale et obstructive), le syndrome d'hypoventilation/hypoxie
du sommeil. Le chirurgien-dentiste peut être impliqué dans le dépistage (pas le diagnostic
qui, lui, relève du médecin du sommeil) et traitement des certaines de ces troubles, notam-
ment le ronflement et l'apnée/hypopnée obstructive du sommeil.
Le ronflement (ou ronchopathie) désigne le bruit respiratoire qui est produit durant
le sommeil par la vibration des tissus oropharyngés détendus par la relaxation musculaire
induite à l'endormissement. Le ronflement habituel (ou chronique) a une haute prévalence
(20-40 %) dans la population générale adulte et tend à augmenter avec le vieillissement.
Dans la majorité des cas, le ronflement n'est qu'un bruit dérangeant, mais le ronflement
peut être aussi un signe de problèmes respiratoires plus sévères du sommeil, tel que l'apnée/
hypopnée obstructive du sommeil [20] .
L'apnée/hypopnée obstructive du sommeil (AHOS) est caractérisée par une obs-
truction complète (apnée) ou partielle (hypopnée) des voies aériennes supérieures qui cause
l'arrêt ou la réduction du flux aérien pendant le sommeil.
Ces épisodes d'obstruction sont favorisés par certaines conditions anatomiques (microgna-
thie, hypertrophie des amygdales, macroglossie) et par l'accumulation de gras au niveau de
l'oropharynx (obésité). Les voies aériennes ont donc un calibre réduit et, suite à l'endormis-
3 Bruxisme du sommeil et troubles respiratoires

sement et à la relaxation musculaire conséquente,


Apnée obstructive du sommeil
le collapsus des tissus semi-rigides de l'oropharynx
et l'obstruction des voies aériennes se reproduisent
plusieurs fois dans le sommeil. Les épisodes d'apnée Oxy ~J.Ul!\u
et/ou hypopnée causent une altération des taux Can
d'0 2 et C02 (hypoxie et hypercapnie) qui déclenche
les systèmes d'alarme de l'organisme afin que la
ER-1
respiration puisse reprendre. Donc une augmenta-
tion de l'effort respiratoire et un micro-éveil sont
souvent associés à I'AHOS (fig. 5).
L'AHOS est associée à l' hypertension, à la somno-
lence, à l'obésité, au reflux gastrique, à la dépres-
Hypopnée obstructive du sommeii
sion et à l'asthme. Le praticien doit être prudent 1

dans la gestion de ces patients, car I'AHOS est une


Oxy
situation médicale qui peut avoir des conséquences
majeures sur la qualité de la vie et la morbidité- Can
mortalité si elle n'est pas soignée efficacement.
L'AH OS a une prévalence estimée à environ 10% de
ER-1
la population générale adulte, avec une tendance 43
à augmenter avec l'âge et avec des hommes plus ER-2
atteints que les femmes . Cependant, I'AHOS est
souvent asymptomatique, surtout si elle est légère
ou modérée, et donc elle peut être non diagnos-
tiquée dans un grand pourcentage des patients.
5. Exemples d'un épisode d'apnée et
d'hypopnée obstructive du sommeil.
Pour évaluer la sévérité de I'AHOS on se base sur L'apnée obstructive du sommeil est
le nombre d'apnée/hypopnée par heure du som- caractérisée par l'obstruction complète
meil (< 5) et la présence de signes et symptômes des voies aériennes supérieures (Can),
typiques, tels que la somnolence diurne excessive, et donc la cessation de la respiration
la fatigue, les céphalées matinales, la perte de pour au moins 10 secondes malgré
la persistance de l'effort musculaire
mémoire, la baisse de performance académique, et
respiratoire (ER-1, ER-2).
la haute probabilité d'accident sur la route et/ou au Une désaturation d'oxygène est aussi
travail [21]. associée (Oxy) (de 3 ou 4% selon les
critères utilisés). L'hypopnée obstructive
du sommeil est caractérisée par
Le bruxisme et les troubles l'obstruction partielle des voies aériennes

respiratoires du sommeil supérieures et donc la réduction de la


respiration d'environ 30-50% associée
Le BS a été souvent décrit en association à des à une désaturation d'oxygène.
troubles respiratoires du sommeil avec 40-50% des
patients adultes atteints de AHOS présentant aussi
une activité ARMM pendant le sommeil [22-23].
Ceci a été aussi décrit dans des populations pédia-
triques [24]. En outre, les patients avec BS peuvent
présenter des symptômes, tels que les céphalées,
qui s'associent à la fois au brux ~ sme et aux troubles
respiratoires (fig. 6). Cette observation a conduit
les chercheurs à avancer des hypothèses sur la
Le Bruxisme tout simplement

nature de la relation bruxisme-apnée, s'il s'agit d'une relation « de cause à effet » ou plus
simplement d'une association temporaire entre deux pathologies très fréquentes chez les
mêmes patients [25].
Une des hypothèses avancées serait que le BS pourrait représenter un mécanisme de défense
en raison de l'obstruction des voies aériennes supérieures. En fait, l'activité musculaire des
muscles masséters et temporaux pourrait aider à rétablir la perméabilité des voies aériennes,
et donc la reprise de la respiration . Cette relation serait en lien dans la majorité de cas à
un micro-éveil, déclenché par l'apnée du sommeil et facilitant la survenue du BS [2, 25-26].
Dans une étude récente, Hosoya et coll. [27] ont examiné le sommeil de 67 patients atteints
d'AHOS et 16 sujets témoins pour établir la présence et la relation entre les épisodes respi-
ratoires, les micro-éveils et les épisodes de bruxisme. La probabilité d'observer du BS était
significativement plus élevée chez les patients avec AHOS que les témoins, avec un Odds
Ratio de 3,96 (intervalle de confiance à 95% : 1,03-15,20; P < 0,05) [27]. De plus, la fré-
quence des épisodes de bruxisme était corrélée positivement avec la fréquence des épisodes
d'AHOS, des micro-éveils et de désaturation d'oxygène, en suggérant une relation stricte
entre la respiration et le bruxisme. Cependant, on observe des épisodes de bruxisme qui
suivent l'épisode d'AHOS, mais aussi des épisodes de bruxisme qui les précèdent.
Chez un petit échantillon de 10 patients avec AHOS et BS, Saito et coll. [28] ont décrit que
44 54% des épisodes de bruxisme suivaient dans les 0-10 secondes celui d'AHOS, mais 25%
-'·- - -
les précèdent et environ 19% des épisodes de bruxisme n'avaient aucune relation tempo-

Éveil
Céphalée
-Fatigue - Douleur orofaciale
- Somnolence -Troubles ATM
- Mauvaise qualité du sommeil - Bruxisme de l'éveil
-Troubles du comportement - Parafonctions orales

Sommeil
Troubles respiratoires -Mouvements périodiques
du sommeil du sommeil
- Ronflement -Trouble du comportement
- Résistance des voies en sommeil paradoxal
aériennes supérieures - Reflux gastro-œsophagien
- Apnée/hypopnée obstructive BRUXISME du sommeil
du sommeil DU - Parosomnies
SOMMEIL

6. Relations entre le bruxisme du sommeil, les autres troubles du sommeil


et les symptômes diurnes.
3 Bruxisme du sommeil et troubles respiratoires

' relie avec un épisode d'apnée ou d'hypopnée. En outre, Kato et coll. [29L en évaluant l'acti-
vité électromyographique des masséters chez des patients atteints d'AHOS, ont observé
que les muscles masséters sont rarement activés après les événements respiratoires non
associés à un micro-éveil, tandis que leur activation est augmentée de manière significative
en présence et en corrélation avec la durée des micro-éveils .
Un modèle de réponse similaire a été constaté aussi pour le muscle temporal [29]. Malgré
le nombre limité des patients examinés, ces résultats suggèrent que les contractions des
muscles manducateurs après les événements respiratoires peuvent être des phénomènes
moteurs non spécifiques, en fonction de la durée des micro-éveils plutôt que de la surve-
nance d'événements respiratoires .
La possible relation « de cause à effet » entre I'AHOS et le bruxisme du sommeil reste donc
à être confirmée, mais il existe des preuves indirectes qui la supportent.
Parmi ces preuves indirectes, on souligne que des études cliniques pilotes ont montré une
diminution de la fréquence du BS après différents traitements pour I'AHOS, par exemple
après amygdalectomie chez des enfants atteints d'AHOS [30-31L après traitement ortho-
dontique par expansion palatine rapide [32] ou suite à la thérapie ventilatoire par pression
positive continue (PPC qui est le traitement de référence pour I'AHOS) [33]. En outre, les
appareils d'avancée mandibulaire utilisés chez les patients avec AHOS se sont démontrés
aussi efficaces pour la gestion du BS ainsi que pour réduire l'intensité des maux de tête
45
matinaux chez des populations de jeunes adultes et adolescents [26, 34-36] . Ces résultats
préliminaires soutiennent l'hypothèse que I'ARMM peut être une activité qui aide à rétablir
la perméabilité des voies respiratoires suite à un événement obstructif et donc que la réso-
lution de I'AHOS amène aussi à une amélioration du bruxisme.
Une hypothèse alternative considère I'ARMM comme un événement physiologique néces-
saire pour lubrifier les structures de l'oropharynx pendant le sommei l, période où le flux

Bruxisme Bruxisme associé Bruxisme associé Bruxisme associé aux


« idiopathique » à la déglutition aux mouvements troubles respiratoire

• +1- associé aux • +1- associé aux micro- • +1- associé aux micro- • Associé aux micro-
micro-éveils éveils et symptômes éveils et mouvements éveils et épisodes
cliniques de jambes ou corps d'hypopnée ou apnée
• Rare dans le
sommeil REM • Rôle dans la • Associé à la • Rôle dans le
lubrification de fragmentation rétablissement de la
• Bonne qualité
l'oropharynx lors du sommeil et perméabilité des voies
du sommeil
de réduction autres troubles aériennes supérieures
• +1- associé aux du flux salivaire à travers l'activation
signes et symptômes des muscles
cliniques masticatoires

7. Hypothèses sur l'étiologie et le rôle de I'ARMM dans le sommeil.


Le Bruxisme tout simplement

salivaire et le taux de déglutition sont normalement réduits [37] . Dans le même ordre d'idée,
le BS a été mis en relation avec le reflux gastro-œsophagien et la déglutition [38 -39].
Cependant, les facteurs qui induisent une fréquence anormale de I'ARMM chez les patients
avec BS restent à élucider. Encore pourrait-on avancer l'hypothèse que plusieurs typologies
d'ARMM, et donc de bruxisme, existent et se man ifestent durant le sommeil. Chacune a ses
particularités en termes de facteurs déclenchant, de relation temporelle et de « fina lité »
(fig. 7).

Conclusion
Le bruxisme du sommei l est un phénomène moteur complexe qui, pour être bien compris,
doit être ana lysé dans le contexte spécifique du patient (ex. : présence de comorb idités) et
en relation avec la physiologie et l'homéostasie du sommeil . La connaissance de ces phéno-
mènes par le chirurgien-dentiste est un prérequ is pour un diagnostic différentiel correct et
le choix de la meilleure approche thérapeutique.

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association between sleep apnea-hypopnea and
sleep bruxism events. J Sleep Res 2013.
=

1 Le Bruxisme tout simplement

48
-.~ .-
Bruxisme chez les enfants
et les adolescents
49

Michèle Muller-Bolla

Des parents vous amènent leur enfant, s'étonnant de grincements des dents la nuit. À l'oc-
casion d'une visite de contrôle, vous observez des usures marquées des dents temporaires
et/ou permanentes de votre jeune patient. Face à ces situations cliniques, quand le bruxisme
doit-il être évoqué 7 Quelle attitude thérapeutique adopter 7 Ce chapitre a pour objectif de
vous aider à optimiser la prise en charge de vos jeunes patients face à ce problème.
Le Bruxisme tout simplement

1 a, b. Bruxisme du sommeil chez une fillette de 3 ans en denture temporaire stable.


Attrition des incisives supérieures mise en évidence avec la correspondance des facettes
d'usure des dents antagonistes en position de bout à bout. Celles-ci sont présentes sur les incisives
et les canines temporaires en vue occlusale.

"·- ~-
50
Épidémiologie
L'épidémiologie permet de placer le bruxisme dans un contexte général afin de mieux
appréhender l'ampleur du problème dans son exercice quotidien et donner les explications
adéquates aux parents. Chez l'enfant et l'adolescent, le bruxisme survient le plus souvent
en période de sommeil- c'est le bruxisme du sommeil (BS) -, mais aussi pendant la journée
dans le cas du bruxisme de l'éveil (BE). Le premier, le plus répandu serait observé avec une
prévalence de 6 à 50% chez les enfants [1] . Il peut apparaître dès le plus jeune âge, après
l'éruption des incisives temporaires, mais le plus souvent il commence en denture tempo-
raire stable (fig. 1a-b) et sa fréquence augmente ensuite avec l'âge pour atteindre un pic
au moment de l'adolescence [2-3]. En revanche, la prévalence de BE tend à augmenter
avec l'âge (12% chez les enfants à plus de 20% chez les adultes). Cette habitude para-
fonctionnelle de serrement des dents est concomitante du BS, environ une fois sur deux.
Ainsi demeure-t-elle moins fréquente que le BS chez les enfants et les adolescents [3] . Des
parents avertis des signes et des symptômes du BS permettent d'en améliorer son diagnos-
tic. De ce fait, la prévalence du BS peut s'en trouver augmentée, ce qui pourrait en partie
expliquer la variabilité des chiffres indiqués dans la littérature [4-7]. La prévalence du BS ne
diffère pas en fonction du sexe [1, 5].

Facteurs de risque
Bruxisme du sommeil. Les facteurs de risque associés au BS sont nombreux, mais ils
ne sont pas pour autant des facteurs étiologiques. En effet, ce dernier terme ne peut être
utilisé que si les études épidémiologiques correspondantes ont permis de mettre régulière-
ment en évidence leur présence avant l'occurrence du BS. Celui-ci est multifactoriel, c'est-
à-dire associé à la présence de nombreux facteurs de risque parfois combinés entre eux.
4 Bruxisme chez les enfants et les adolescents

Les habitudes orales parafonctionnelles et les malocclusions liées à elles, en particulier les
classes Il et les occlusions inversées postérieures, sont statistiquement associées au BS . Cer-
tains ont récemment associé l'occurrence du BS à la durée de l'allaitement, lui-même lié
aux habitudes de succion non nutritives, mais les résultats sont contradictoires [4, 7-8). Par
ailleurs, le bruxisme peut être lié à un hypodéveloppement du maxillaire et de la mandibule
concomitant d'une macroglossie relative; c'est pourquoi le BS est souvent observé chez
l'enfant trisomique. D'autres fois, il peut s'agir d'une hypertrophie adéno-amygdalienne
aboutissant également à une réduction de l'espace des voies aériennes supérieures. Par
conséquent, l'enfant a des problèmes ventilatoires pendant le sommeil qui se manifestent
par des ronflements, des hypopnées et des apnées obstructives du sommeil (AOS), eux-
mêmes liés au BS [9). La probabilité de bruxisme est doublée chez les enfants somnambules,
ayant de la salive sur l'oreiller ou des conversations pendant leur sommeil. Par ailleurs, le BS
est associé à l'énurésie nocturne [2, 4-6, 10].
Les troubles psychosociaux sont classiquement évoqués. Les troubles du comportement
(déficit de l'attention ou trouble d'hyperactivité, assoupissement et faible performance sco-
laire) ainsi que l'anxiété et le stress augmentent la probabilité de BS qui peut être jusqu'à
quatre fois plus élevée [4, 111 . Le contexte familial dans lequel l'enfant se sent moins en sécu-
rité pourrait également jouer un rôle : c'est l'enfant « abandonné » au moment du coucher
par ses parents ou celui dont les parents se séparent [3, 5). Cependant, ces facteurs doivent 51
plutôt être envisagés à partir de l'âge de 6 ans, car chez les enfants plus jeunes l'association
entre BS et facteurs psychologiques ne s'est pas révélée à ce jour significative [12].
Bruxisme de l'éveil. Les facteurs psychosociaux sont liés au BE et le serrement des dents
serait un comportement réactif à l'anxiété et au stress dans un contexte social [6]. Par
exemple, il serait plus fréquent chez l'enfant dont la mère est accaparée par un emploi [3].
Les enfants affectés rapportent également des troubles du sommeil (sensation de sommeil
non reposant, réveils fréquents pendant le sommeil, longue latence pour s'endormir, som-
nolences diurnes). Le BE est significativement associé à de nombreux signes du DAM (cla-
quements articulaires, blocages, fatigue des muscles de la mâchoire, difficultés d'ouverture
buccale, occlusion dentaire inconfortable) et, de ce fait, pourrait en être une des causes
chez les enfants et les adolescents [6).
Dans les deux cas, ils peuvent être associés aux maux de tête (surtout temporaux), en par-
ticulier ceux rencontrés dans la matinée après le réveil ou ceux associés au serrement des
mâchoires pendant l'éveil. Ainsi, lorsqu'un groupe d'enfants avec céphalées a été comparé
à un groupe indemne, la fréquence du bruxisme était plus élevée dans le premier (23%
versus 17 %) [5] . Cependant, il n'y a pas encore assez d'évidence scientifique pour confirmer
cette association dans le cas particulier des enfants [12). Par ailleurs, il a été observé une
augmentation de la fréquence du bruxisme chez certains handicapés (fig. 2a-b), en parti-
culier les enfants trisomiques (40% des cas) ou atteints de paralysie cérébrale (40-60 %) [5].
Enfin, il y aurait une prédisposition familiale, puisque le bruxisme se retrouve au sein d'unè
même famille (un enfant aurait 1,8 fois plus de risque de présenter un bruxisme si un de ses
parents est affecté). Selon neuf des dix études incluses dans une revue systématique de la
littérature, le bruxisme est en partie génétiquement déterminé, les comportements mimé-
tiques ne pouvant éventuellement influencer que le BE. Souvent, il persiste tout au long de
la vie, car 86% des adultes att.eints se souviennent d'avoir commencé à bruxer dans leur
enfance [5, 13-15).
Le Bruxisme tout simplement

2 a, b. Bruxisme de l'éveil et du sommeil chez un garçon de 6 ans affecté par un handicap psychomoteur.
L'enfant bruxe en position de proglissement mandibulaire essentiellement en fin de journée et pendant
la nuit. Les lésions d'attrition sont de forme variable, plane ou concave au niveau des incisives centrales
maxillaires (51 et 61) usées par les incisives latérales mandibulaires de forme pointue. La 11 est en train
de faire son éruption en situation palatine de la 51.

52 Conséquences au niveau
de l'appareil manducateur
En complément des conséquences dentaires liées aux grincements et/ou aux serrements des
dents, le bruxisme peut également contribuer à provoquer une hypertrophie des muscles
masticateurs, des acouphènes et un dysfonctionnement de l'appareil manducateur (DAM),
comprenant lui-même des douleurs des muscles masticateurs, des articulations temporo-
mandibulaires ou des deux [4-6, 16] .
Le DAM s'observe déjà en période de dentition primaire et sa prévalence augmente avec
l'âge pour concerner 2 à 6% des adolescents. L'incidence annuelle des douleurs liées aux
DAM est de 2,6% chez les adolescents. Elle est plus souvent observée chez les filles [4. 17] .
Il existe des comorbidités douloureuses définies comme l'existence simultanée et l'occur-
rence de deux maladies ou plus, médicalement diagnostiquées chez la même personne. Les
plus communes parmi les enfants et les adolescents sont les maux de tête, du cou, du dos,
des membres ou de l'abdomen [18-19], mais les raisons de la coexistence de ces conditions
douloureuses avec le DAM ne sont pas bien comprises. Une étude de cohorte a démontré
que les adolescents affectés par des maux de tête ou ayant mal au dos ont en moyenne un
risque trois fois plus élevé de développer des douleurs liées au DAM par rapport à ceux qui
n'avaient pas de maux. Dans le cas de maux d'estomac, le risque est doublé [20]. Inverse-
ment, la probabilité d'avoir des maux de tête augmente avec le nombre de symptômes de
DAM.

Démarche diagnostique
Le diagnostic est basé sur l'évaluation clinique, l'entretien clinique qui en découle et d'éven-
tuels examens complémentaires par d'autres spécialistes, leur chronologie dépendant du
motif de la consultation évoqué en introduction .
4 Bruxisme chez les enfants et les adolescents

3a,b. Usures attritives dominantes chez une fillette de 6 ans. Les habitudes de bruxisme du sommeil
ont entraîné une usure sévère de toutes les dents. La pulpe est visible par transparence au niveau
des 51 et 61. Des lésions érosives initiales dont l'étiologie n'a pas été retrouvée sont observées
au niveau des pointes canines.

53

4a, b. Parafonction chez un adolescent de 14 ans. L'usure attritive asymétrique est objectivée
au niveau des cuspides vestibulaires des premières prémolaires à gauche et au niveau des pointes
canines et prémolaires à droite à l'occasion des mouvements de diduction.

Évaluation clinique
Examen des dents. L'attrition pathologique des dents constitue souvent le signe d'appel
lorsqu'elle est observée à l'occasion d'une visite de contrôle de l'enfant ou de l'adolescent.
Elle est la conséquence de l'activité répétitive des muscles masticateurs associée au grince-
ment des dents. Elle résulte d'un frottement de deux corps liés aux contacts dento-dentaires
entre dents antagonistes (fig. 1, 4). Ainsi les dents présentent des facettes d'usure lisses,
brillantes et à angles vifs donnant un aspect aplati aux surfaces occlusales des dents posté-
rieures et aux bords libres des dents monoradiculées (fig. 1, 3). Qu'elles soient localisées sur
des tissus dentaires, des matériaux restaurateurs ou les deux, les facettes d'usure se corres-
pondent et restent en contact intime lors de faibles mouvements excursifs mandibulaires.
L'indice de BEWE peut être utilisé pour évaluer la sévérité de l'usure et suivre sa progression
dans le temps à l'occasion du suivi [5, 211.
Des fractures dentaires, une hypermobilité dentaire, une pulpite, une nécrose pulpaire
doivent être également recherchées, car elles ont été signalées comme des conséquences
du BS, chez les enfants. Il en est de même pour une sensibilité dentaire accrue, qui doit faire
suspecter un BS comme un BE [S! 13] . En revanche, il n'y a pas de répercussions négatives au
niveau du parodonte contrairement à ce qui a pu être évoqué dans le passé [22].
Le Bruxisme tout simplement

5. Amygdales hypertrophiques chez un garçon


de 9 ans (classe Il selon la classification
de Mallampati modifiée). La masse oropharyngée
est évaluée la bouche grande ouverte et la
langue au repos à l'intérieur de la cavité buccale.
Si la luette, les piliers et le pôle supérieur
sont visibles (classe Il), le passage de l'air dans
les voies aériennes supérieures n'est pas aisé.

Examen de l'occlusion. Il n'est pas nécessaire de rechercher la présence d'interfé-


rences occlusales injustement autrefois qualifiées de facteur étiologique du bruxisme [2].
En revanche, il faut rechercher les malocclusions désignées comme facteurs de risque du BS
(occlusion de classe Il, occlusion inversée postérieure, rétrognathie, micrognathie).
Examen des muqueuses bucè:ales. L'empreinte des dents ou des crêtes est recherchée
à l'intérieur des joues ou sur les côtés de la langue [5] .
54 Examen des amygdales et des végétations. Leur morphologie doit être observée
. -. ~ · - ·-
pour suspecter des troubles respiratoires du sommeil en se référant aux scores de Mal-
lampati. Ceux-ci qualifient l'obstruction oropharyngée de 1, en l'absence d'obstruction (les
amygdales, les piliers et le palais mou sont bien visibles), à IV en cas de « forte obstruction »
(seul le palais dur est visible) [13] (fig. 5).
Examen exobuccal. Les signes évocateurs d'une respiration orale du fait d'obstacles à
la ventilation nasale optimale sont recherchés : enfant présentant des cernes, des narines
collapsées ou des lèvres entrouvertes gercées. Une perlèche unilatérale doit faire suspecter
un écoulement salivaire nocturne [23] .
L'évaluation clinique doit inclure l'examen de la posture de la tête ainsi que la palpation de
la tête et du cou. Les bruxeurs ont une inclinaison de tête plus antérieure et plus basse qui
pourrait affecter le flu x ventilatoire évoqué dans les facteurs de risque [5] . Cette posture
céphalique est également décrite chez les enfants avec un haut niveau d'anxiété impliquée
dans l'occurrence des BS et BE [4]. Des douleurs musculaires au niveau des muscles mas-
séters et temporaux, ressenties principalement le matin au réveil, sont recherchées pour
orienter le diagnostic vers un BS [2, 6] . En outre, la présence de muscles masséters hyper-
trophiés et/ou denses peut être un signe indirect du serrement ou du grincement de dents.
Enfin, le praticien doit rechercher un éventuel DAM mis en évidence par la limitation des
mouvements mandibulaires et, plus rarement, par des douleurs articulaires ou la présence
de bruits articulaires [5].
Diagnostic différentiel. Il doit se faire avec d'autres types d'usures ou une fracture
amélaire.
L'attrition physiologique existe entre dents temporaires antagonistes. Les usures obser-
vées, mineures, favoriseraient ainsi les mouvements occlusaux horizontaux et, de ce fait, un
élargissement des procès alvéolaires et davantage d'espace pour l'alignement dentaire [24] .
Elles sont la conséquen ëe de contacts masticatoires inconstants.
4 Bruxisme chez les enfants et les adolescents

6a,b,c. Lésions érosives vestibulaires


des incisives chez un garçon de 5 ans et
palatines chez un adolescent, tous deux
grands consommateurs de Coca-Cola.
La présence d'émail périphérique intact,
protégé par la plaque dentaire et le fluide
gingival, est caractéristique de l'exposition
aux acides extrinsèques.

55
l'érosion dentaire résulte d'un processus chimique dû à des acides d'origine endogène
(acides gastriques) ou exogène. Les lésions érosives d'aspect brillant et poli intéressent les
surfaces dentaires non protégées par le biofilm ou la gencive (fig. 6a-c). Leur aspect varie
en fonction de leur localisation et de leur sévérité : c'est une lésion concave au niveau des
pointes cuspidiennes dont les limites arrondies ne sont pas toujours faciles à distinguer puis
la lésion, plus large que profonde, devient jaunâtre du fait de la dentine visible par trans-
parence (fig. la-b) . Sa surface n'est pas régulière dans les cas les moins sévères. Enfin, les
lésions érosives intéressant éventuellement des dents antagonistes ne se correspondent pas
exactement. En pratique, le diagnostic n'est pas toujours aisé, car il arrive qu'attrition et
érosion soient associées [25) (fig. Ba-b et 9a-c).
Fracture amélaire. Le trait de fracture limité à
l'émail peut faire penser à une usure, surtout s'il
intéresse plusieurs dents antérieures. L'absence
d'usure des autres dents orientera le question-
naire (fig. 10).
les amélogénèses et dentinogénèses impar-
faites héréditaires concernent les deux den-
tures temporaire et permanente. Les importantes

7 a, b. Lésions érosives au niveau des canines


et molaires temporaires chez un garçon de 10 ans.
Lésions érosives concaves, lisses et polies intéressant les
pointes cuspidiennes au stade initial (55, 65, 75, 85). À
un stade plus avancé, elles deviennent_plus larges que
profondes et la dentine devient visible· par transparence
sous l'émail érodé (54, 53, 63, 64, 74, 84).
Le Bruxisme tout simplement

8 a, b. Usures liées à l'attrition et l'érosion des dents chez un garçon de 4 ans. Les lésions érosives
initiales inhérentes à une consommation pluriquotidienne de sodas sont caractérisées par leur forme
concave. Elles intéressent les pointes cuspidiennes des premières molaires et les faces palatines des
incisives alors que les usures liées au bruxisme intéressent les bords libres des dents antérieures.

56
.--.- -:·

9 a, b, c. Usures liées à l'attrition et l'érosion des dents chez une fillette de 7 ans. En diduction, les facettes
d'attrition des canines et incisives latérales temporaires correspondent. Les lésions érosives observées
sur les molaires temporaires correspondent aux scores 2 (lésion nette allant jusqu'à 50% de la surface sur
la 74) et 3 (lésion étendue au-delà de 50% de la surface sur la 84) de BEWE. Les 61 et 62 ont été éliminées
sur la prothèse pédiatrique fixée pour permettre l'éruption de la 21.

10. Fracture amélaire des 11 et 21


chez un adolescentde 14 ans polycarié.
En regard des 11 et 21, les dents sont intactes,
sans signe d'attrition. Les lésions carieuses sont
essentiellement liées à un défaut d'hygiène bucco-
dentaire au cours d'un traitement orthodontique
avec attaches.

usures observées sur toutes les dents sont la conséquence d'une moindre résistance tissu-
laire. Dans le cas des amélogénèses imparfaites héréditaires (AIH), elles sont plus précoce-
ment observées dans les formes hypominéralisée et hypoplasique (fig. 11a-d). Dans le cas
de la dentinogénèse imparfaite héréditaire (DIH), l'émail normal se clive rapidement, d'où
une exposition de la dentine alors soumise à une attrition importante [25] (fig. 12a-d).
4 Bruxisme chez les enfants et les adolescents

57
11 a, b, c, d. Amélogénèse imparfaite héréditaire de type hypominéralisé chez une enfant de 8 ans. Forme
d'AIH caractérisée par une dureté diminuée responsable d'une perte de la DVO liée à l'usure des zones
en occl usion. La béance antérieure est fréquemment associée à ce type d'AIH. Les molaires temporaires
ont été protégées et le défaut de DVO corrigé à l'aide de couronnes pédiatriques préformées.

12 a, b, c, d. Dentinogénèse imparfaite héréditaire chez une fillette de 7 ans. Dents de couleur translucide
et bru n ambré du fait de l'irrégularité des tubules dentinaires. L'émail normal se clive rapidement,
exposant ainsi la dentine soumise à une abrasion importante avec perte de la DVO.
Le Bruxisme tout simplement

Entretien clinique
L'entretien est capital pour comprendre les observations cliniques et acquérir l'histoire de la
crispation et du grincement de dents. Le praticien doit rechercher tous les facteurs de risque
décrits ci-dessus associés aux BS et BE.
Classiquement, le praticien recherche en première intention les bruits nocturnes. En effet,
parents et fratrie entendent souvent des grincements dentaires alors que le patient dort.
Ainsi les parents qui gardent la porte de leur chambre ouverte rapportent une fréquence de
bruxisme 1,7 fois plus souvent que ceux qui la gardent fermée.
Pour faciliter l'identification de facteurs psychocomportementaux, le praticien peut interro-
ger les parents sur les attitudes comportementales (agitation, anxiété, stress) et la tendance
à s'endormir de leur enfant, tout en gardant à l'esprit que ces comportements ont été à la
fois associés aux BS et aux TRS . En effet, l'enfant est le plus souvent incapable de verbaliser
son anxiété ou son stress. Des questionnaires adaptés à une utilisation clinique ont été vali-
dés (PSQI pour évaluer la qualité du sommeil, échelle d'Epworth pour évaluer la somnolence
diurne excessive) pour les diagnostiquer. Le praticien doit interroger les parents, mais aussi
l'enfant, en particulier l'adolescent, sur la prise d'antidépresseurs ou d'antipsychotiques,
ainsi que sur la consommation de drogues récréatives (par exemple, le 3,4-méthylènedioxy-
58 méthamphétamine, connu sous le nom d'ecstasy) [5).
Diagnostic différentiel. L'entretien confirme le diagnostic évoqué par l'évaluation cli-
nique.
L'érosion dentaire liée aux acides gastriques est associée à l'anorexie-boulimie avec
vomissements, plus fréquente chez l'adolescente, ou aux reflux gastro-œsophagiens, en
particulier chez l'enfant obèse. D'origine extrinsèque, le diagnostic est confirmé par un
mauvais comportement alimentaire (consommation répétée d'agrumes, de boissons acides
comme les sodas, boissons énergétiques ou prémix alcoolisés, et mode de consommation
en les sirotant) (fig. 6-7).
Les amélogénèses et dentinogénèses imparfaites héréditaires, d'origine génétique,
résultent respectivement d'une perturbation de l'amélogénèse et de la dentinogénèse. Il
faut donc questionner les parents d'un enfant en denture adulte jeune sur l'existence des
mêmes anomalies de structure sur les dents temporaires, car elles concernent les deux den-
tures . De même, il faut rechercher l'existence de cas similaires dans la famille, mais les AIH
peuvent être aussi d'origine sporadique [25) (fig. 11-12).

Examens complémentaires
Examens salivaires. Les facteurs biologiques liés à l'hôte constituent des facteurs aggra-
vants de l'usure dentaire, d'où la nécessité de mesurer le débit salivaire. La normalité de la
sécrétion salivaire doit être recherchée par la collecte de salive stimulée par la mastication
d'une pastille de paraffine avec un gobelet gradué.
Surveillance en ambulatoire et en laboratoire du sommeil. Afin d'étudier et de
confirmer la présence de l'activité motrice inhabituelle oro-mandibulaire pendant le som-
meil, l'enregistrement ambulatoire ou polysomnographique en laboratoire est utile. Les
enregistrements ambulatoires sont réalisés avec des appareils portatifs d'enregistrement
EMG qui peuvent être utilisés pendant que le patient dort chez lui . Cependant, ces enregis-
4 Bruxisme chez les enfants et les adolescents

trements ambulatoires ne peuvent pas être associés au BS en l'absence d'enregistrements


audio et vidéo, car environ 30 % des activités oro-motrices pendant le sommeil ne sont pas
spécifiques du BS [5] .
La polysomnographie (PSG) en laboratoire avec des enregistrements audio et vidéo simul-
tanés sous un éclairage infrarouge (avec enregistrements EMG d'au moins un muscle mas-
séter, d'un autre à la jambe et un électroencéphalogramme) permet d'exclure les troubles
du sommeil concomitants tels que les mouvements périodiques des jambes pendant le
sommeil, l'apnée du sommeil, l'insomnie, ou l'épilepsie du sommeil [5] . Pour référence, elle a
permis d'observer chez des enfants atteints de BS une moyenne de 36 épisodes de bruxisme,
correspondant à des micro-éveils, sur une durée totale moyenne de 137 secondes, pouvant
parfois atteindre 10 minutes par nuit, et le BS survenait principalement dans le stade Il
du sommeil non-REM (stade du sommeil caractérisé par des mouvements oculaires non
rapides) et pendant le sommeil paradoxal [5, 211 .

Conduite à tenir
Qu'expliquer aux parents? Il faut leur expliquer que le BE est une parafonction, à
l'occasion de laquelle l'enfant serre les dents en exerçant des contractions soutenues des
muscles masticateurs au même titre que les habitudes de succion non nutritives (pouce 59
et tétine). Il est important de rechercher avec eux les facteurs étiologiques, en particulier
l'anxiété et le stress.
L'étiologie multifactorielle du BS qui correspond à des micro-éveils est plus difficile à expli-
quer et à cibler : pendant le sommeil, il y a plusieurs épisodes d'activité rythmique des
muscles masticateurs de quelques secondes, lorsque l'enfant passe d'un sommeil profond à
léger, à l'occasion desquels, dans environ la moitié des cas, il grince des dents. Cependant,
le BS d'origine a priori centrale est influencé par de nombreux facteurs périphériques déve-
loppés ci-dessus et qu'il va falloir rechercher avec l'enfant et sa famille.
Quels conseils comportementaux donner? Les conseils indiqués dans la littérature
sont nombreux, mais leur efficacité n'a pas toujours été évaluée chez les enfants. Dans le
cas du BS, les parents et le patient doivent être informés sur les techniques de rela xation et
d'hygiène du sommeil [5] . Il a été déconseillé de consommer des chewing-gums pendant
la journée, pour ne pas entretenir un réflexe reproduit la nuit. Certains recommandent des
petites siestes au moins une fois par jour. Il faudrait éviter les activités stimulantes (smart-
phone, télévision, jeux vidéo ... ) avant le coucher, pour un endormissement serein, et, au
contraire, lire une histoire aux plus jeunes avant le coucher. De même, l'application de cha-
leur humide aiderait à la rela xation musculaire avant le coucher. Il faut également améliorer
la posture pour ne pas obstruer les voies aériennes supérieures en ne mettant pas d'oreiller
pour dormir [4, 211.
Dans le cas du BE, il est nécessaire de sensib iliser parents et enfant à être attentifs à ce que
ce dernier ne serre pas les dents, en sachant que la correction de ce comportement para-
fonctionnel peut ne pas s'avérer facile, en particulier chez les jeunes enfants [21, 26] .
Faut-il traiter? Aucune thérapie n'a à ce jour prouvé son efficacité pour le traitement
du BS chez l'enfant. En revanche, les approches thérapeutiques disponibles et indiquées
ci-après ont montré différents niveaux d'efficacité dans la gestion des conséquences aggra-
vantes potentielles du BS [2. 13] .
Le Bruxisme tout simplement

13 a, b, c, d, e. Amélogénèse imparfaite héréditaire de type hypoplasique chez une enfant de 7 ans.

60 Les dents des deux dentures présentent des puits et des fissures, voire des zones avec une perte plus
importante d'émail. La béance antérieure est fréquemment associée à ce type d'AIH. Les molaires
temporaires ont été protégées et la DVO augmentée à l'aide de restaurations composites au niveau
des molaires temporaires et de couronnes pédiatriques préformées sur les molaires permanentes.

Thérapeutiques bucco-dentaires. La perte de DVO peut amener le praticien à réaliser


des restaurations composites en techniques directes (fig. 73a-e). Dans le cas des dents
temporaires, des couronnes pédiatriques préformées pourront également être envisagées
(fig. 10). En présence d'une usure sévère, et par extension à la prise en charge des lésions
érosives, l'utilisation d'un dentifrice fluoré peu abrasif (Relative Dentin Abrasion < 40) doit
être recommandée et la pression exercée au moment du brossage contrôlée [23].
L'efficacité des orthèses dans la protection des surfaces occlusales contre l'usure dentaire
a uniquement été étudiée chez les adultes. Elles sont exceptionnellement indiquées aux
enfants, car elles posent le problème de leur renouvellement régulier avec le changement
de formule dentaire chez un sujet en cours de croissance qu'elles ne doivent pas perturber.
Carra et coll. [2]1es envisagent uniquement dans les cas les plus sévères et sous réserve d'un
suivi très régulier du jeune patient.
Thérapeutiques orthodontiques. Au regard des facteurs de risque décrits, les malocclu-
sions doivent être corrigées. Néanmoins, aucune étude n'a donné la preuve certaine de leur
efficacité dans l'interception du BS . Seule l'expansion palatine rapide dans le cas d'apnée du
sommeil semble très efficace pour diminuer le bruxisme et l'utilisation d'orthèse d'avancée
mandibulaire diminuerait le BS . Ainsi, il y aurait réduction de l'activité nocturne du bruxisme
du fait de l'ouverture des voies respiratoires [2].
Thérapeutiques cognitive-comportementales. Dans les cas les plus sévères, caracté-
risés par une usure sévère des dents permanentes en denture mixte, ces thérapeutiques
peuvent être utiles, au même titre que les techniques de biofeedback ou l'hypnose, chez
les enfants qui n'arrivent pas à contrôler le serrement des dents pendant la journée [21, 26].
4 Bruxisme chez les enfants et les adolescents

Renvoi à un spécialiste du sommeil. Les patients présentant une somnolence diurne ou


des maux de tête au réveil doivent être adressés à un spécialiste pour étudier la possibilité
de syndrome de résistance des voies aériennes supérieures ou de syndrome d'apnée du
sommeil [5] .
Thérapeutiques chirurgicales. Chez les patients atteints de troubles respiratoires du
sommeil, la prévalence du bruxisme et du grincement des dents a diminué de plus de la
moitié après une amygdalectomie ou une adéno-amygdalectomie [27].
Le suivi. Après exclusion des comorbidités, le BS peut être considéré chez l'enfant comme
une parafonction orale (para)physiologique qui demande simplement un suivi à long
terme [2]. En effet, ce comportement de BS tend à diminuer progressivement à l'adoles-
cence, contrairement au BE. Dans les deux cas, une stratégie d'observation basée sur la
confection de moulages et la prise de photographies à intervalles de temps régulier serait
l'approche la plus raisonnable chez les jeunes enfants en complément de l'enregistrement
du BEWE [21, 28] . Ces visites de suivi donneront l'occasion de contrôler les changements
comportementaux et de les rappeler si nécessaire.

Conclusion
Le BS est un trouble du sommeil commun chez l'enfant, parfois à l'origine d'usures den- 61
taires nettement observables sur les dents temporaires. Il faut donc être attentif aux pre-
miers signes d'usure sur les premières molaires permanentes. Des douleurs musculaires, des
céphalées et des DAM peuvent êtres présentes, sans toutefois qu'il soit établi un lien de
causalité. Le plus souvent, le BS disparaît à l'adolescence. Les chirurgiens-dentistes sont res-
ponsables de la détection des BS et BE, et de leur prise en charge. Ils ont un rôle important
à jouer dans l'information des parents. Des traitements simples et non invasifs, comme des
collages, permettent de compenser certains effets sur les altérations dentaires. Dans les cas
sévères, une approche multidisciplinaire doit être envisagée.

BIBLIOGRAPH 1E
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Étiologies
Jean-Daniel Orthlieb, Gérard Duminil
63

« Le bruxisme présente parfois


des expressions "extrêmes"
d'un phénomène banal. »
G. Lavigne [1]

Bien que l'étiologie du bruxisme


n'ait pas encore été clairement
établie, il existe un fort consen-
sus pour souligner son caractère
plurifactoriel associant des facteurs
psychosociaux (stress, niveau d'édu-
cation) et physiopathologiques (troubles
du sommeil, excitation du système nerveux
central) (fig. 1). Et si le facteur occlusal ne
joue qu'un rôle mineur dans l'étiologie, en
revanche ce sont les conséquences dentaires qui
nous préoccupent le plus, et il faut bien admettre 1. Modèle hexagonal
que pour « bruxer » il faut avoir des dents. de l'étiologie du bruxisme.
Le Bruxisme tout simplement

Facteur génétique
Le bruxisme pourrait être plus mimétique que génétique. Cliniquement, on retrou ve
des fratries ou parentés de bruxeurs. On évoque des traits de tempérament.
Il n'existe pas d'étude soutenant solidement ces hypothèses cliniques, les seuls niveaux
de preuves dont nous disposons sont faibles. L'effet héréditaire strict est probablement
modeste, un polymorphisme génétique pouvant prédisposer au bruxisme est plus probable.
Comment discerner l'inné des acquis comportementau x par le simple mimétisme dès le
plus jeune âge ? Les enfants ont une forte tendance naturelle à imiter les comportements
environnants; l'enfant peut apprendre à serrer en regardant un parent de réagir de cette
manière au stress, à la colère ou à la frustration .

Facteur neuropathique (bruxisme secondaire)


Le bruxisme est une forme de réaction neurologique provenant des couches basses,
sous-corticales, du système nerveux central. L'hypothèse du « Thegosis » d'Everit [2],
forme de réflexe « archaïque » de frottement des dents, semble soutenue par les phéno-
mènes de bruxisme observés chez les patients comateux ainsi que chez des sujets présen-
64 tant un retard mental ou une démence.
·.' . - - - -
Globalement, le bruxisme correspond à une hyperactivité du système nerveux autonome liée
le plus souvent à une absence ou à une diminution de l'inhibition corticale qui conduisent
à des recrutements musculaires mal coordonnés ou incoordonnés. C'est la raison pour
laquelle ce bruxisme secondaire à un trouble neuropathique s'exprime également pendant
l'éveil, période où l'inhibition corticale devrait jouer complètement son rôle. Le trouble neu-
ropathique peut avoir des origines diverses, soit liées à la structure neurologique, soit de
type chimique (médicaments, drogues).
L'origine centrale du bruxisme concerne principalement les régions sous-corticales [3] dans
la zone des ganglions de la base (fig. 2). Un déséquilibre au niveau des circuits activation-
inhibition des ganglions de la base (ou noyaux gris centrau x) pourrait être responsable de
l'hyperactivité musculaire générant une dyskinésie mandibulaire [4].

Thalamus
....

.._ Ganglions de la base

....
2. Le cortex doit« chapeauter»,
Tronc cérebral souvent inhiber, les structures
sous-corticales (système
limbique, thalamus, ganglions
· de la base, hypothalamus).
5 Étiologies

Une autre piste serait la notion de sensation de « plaisir » générée par l'activation de la
sphère orale s'exprimant tout particulièrement chez l'enfant. La dopamine et la sérotonine
sont des neurotransmetteurs qui assurent la communication entre les neurones. La séro-
tonine joue un rôle dans l'ajustement du sommeil, l'appétit et l'humour. La dopamine est
impliquée dans la satisfaction, le plaisir et le mouvement. Son déficit est observé en cas
d'états anxieux et de dépressions . Le rôle de relance psycho-dopaminergique (le même que
les amphétamines) explique l'aggravation des épisodes de bruxisme. Mais le jeu des neuro-
transmetteurs est plus complexe que le seul système dopaminergique : il est sous l'influence
des inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine [5] . Certains antidépresseurs, tels
que les inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine ou ISRS (par exemple, Prozac®),
sont reconnus pour exacerber le serrement et, parfois, le grincement des dents.

Facteur comportemental (praxie)


Un comportement habituel crée des engrammes facilitant sa perpétuation. Une
praxie, c'est le fait d'acquérir par apprentissage une boucle motrice automatisée, orientée
par et vers une finalité. Il s'agit d'une habituation créant une facilitation au sens neurolo-
gique du terme.
La répétition du geste renforce l'image cérébrale créée . Le passage répété d'un influx
entraîne une modification au niveau de I'ARN de certaines synapses, la formation d'une
65
trace mnésique et donc le passage de plus en plus rapide de l'influx. Ces phénomènes
d'habituation s'installent d'autant plus facilement au niveau de la bouche que la sphère
orale est un lieu privilégié des sensations plaisantes .
Comme toute sensation plaisante, le bruxisme atténue les réactions au stress par régulation
du système limbique, de l'axe hypothalamus-hypophyse-surrénales (HHS) et du système
nerveux autonome. Il s'agit de la physiologie de la satisfaction à la base des sensations du
plaisir [6-7] .

Facteur psychosocial (stress)


Les tensions émotionnelles se traduisent souvent par un bruxisme de serrement!
balancement. Le stress se caractérise comme la réponse globale d'un individu aux
demandes de son environnement. Cette réponse est étroitement dépendante des condi-
tions de la stimulation (nature, durée, facteurs psychologiques associés) et des particula-
rités de l'individu (structure neuropsychologique innée ou acquise au fil de son histoire
personnelle). Déjà, en 1872, Charles Darwin notait, après Herbert Spencer (1855), que « les
passions destructrices s'expriment par une tension générale des muscles, le grincement des
dents, la saillie des griffes, la dilatation des yeu x et des narines, des grognements ».
Le stress est une sensation réelle ou interprétée de menace à l'intégrité physiologique ou
psychologique d'un individu se traduisant par des réactions physiologiques et/ou compor-
tementales [8] . Il s'agit là de la vision négative du stress, mais il peut être aussi interprété
comme un facteur extérieur (réel ou supposé) provoquant une stimulation de l'individu
l'amenant à des comportements bénéfiques. Le stress apparaît dans des situations variées
qui demandent une réadaptation liée à un changement des conditions de vie (fig. 3).
Cette vision positive du stress est certainement à ne pas négliger, elle conduit à la notion
de bon stress. Mais la stimulation extérieure peut devenir trop importante, trop pressante,
Le Bruxisme tout simplement

3. Naissance ou deuil, mariage ou divorce, promotion ou licenciement sont des situations génératrices
de stress liées à la nécessité d'affronter des situations nouvelles.

à un mauvais moment ou être trop prolongée; on ouvre alors la voie au mauvais stress, aux
conséquences négatives. Le stress active des mécanismes endocriniens et des interactions
neuronales du système limbique, à commencer par l'axe hypothalamo-hypophysaire (HHS)
dans les couches basses de notre système nerveux central. L'hypothalamus stimule la glande
pituitaire, l'hypophyse sécrète l'hormone corticotrope (ACTH), I'ACTH stimule les glandes
surrénales produisant l'hormone corticostéroïde .
Le cortex surrénalien libère des hormones du stress (cortisol) favo-
risant l'approvisionnement régulier en glucose pour faire face aux
stress prolongés, mais aide aussi le corps à revenir à la normale.
66 Ces réactions impactent le système immunitaire qui est en quelque
___._...__
sorte neutralisé.
L'hypothalamus déclenche également la médullosurrénale, compo-
sante du système nerveux autonome (SNA) qui intervient dans le
maintien de l' homéostasie. La médullosurrénale sécrète l'hormone
adrénaline qui prépare le corps à la lutte ou à la fuite (augmenta-
tion du rythme cardiaque, par exemple) par l'excitation du système
nerveux sympathique et réduction du parasympathique. Une fois
la « menace » écartée, le parasympathique reprend le contrôle et
ramène le corps dans un état équilibré (fig. 4).

"Sans stress, on ne fait rien, et on reste comme un potiron


dans un champ de citrouille".
Les réactions au stress en lui-même constituent un système de pro-
tection, c'est un réflexe archaïque de survie. L'état de stress aug-
mente le taux de catécholamines et se traduit par un état anxieux
générant des tensions musculaires. Cette hyperactivité musculaire
concerne au premier chef la sphère orale et périorale [9]. La patho-
génicité du stress est en fait liée à la chronicisation de ces boucles
réflexes, les réactions physiologiques devenant moins intenses mais
permanentes.
On pense généralement que le bruxisme est lié au stress. Cette 4. Cairn de Vachères
(Alpes-de-Haute-Provence).
croyance est typique des patients, qui ont généralement une sen-
Équilibre: activation
sation d'augmentation de leur bruxisme de sommeil pendant les
sympathique et freinage
périodes de vie stressantes. Il semblerait que le niveau d'anxiété soit parasympathique
plus en relation avec le stress d'éveil, surtout caractérisé par le ser- maintiennent l'équilibre
rement des dents par crispation des muscles élévateurs. Les para- homéostatique.
5 Étiologies

(a) Stress (b) Stress (a) Stress (b) Stress


Rat avec baguette Rat sans baguette Rat avec baguette Rat sans baguette
à ronger à ronger à ronger à ronger

5. L'activité manducatrice empêche la hausse de température liée au stress : (a) rat à activité
manducatrice: rat rongeant une baguette de bois; (b) rat n'ayant rien à ronger (comparaison
en thermographie, document Sadao Sato).
67
fonctions de sommeil font intervenir d'autres réactions neurophysiologiques que la seule
anxiété [10], même s'il faut noter que le stress est un facteur de troubles du sommeil [11] .
Si l'on se doit de remarquer que le bruxisme de sommeil peut être indépendant du stress,
la majorité des auteurs soulignent l'influence des facteurs psychosociaux sur le bruxisme de
serrement. On sait par ailleurs que le stress favorise les troubles du sommeil et qu'ainsi le
bruxisme d'éveil pourrait influencer le bruxisme de sommeil [12].
De nombreuses études établissent un lien de cause à effet entre intensité du stress, anxiété
et bruxisme [13] . Pour Sato et Slavicek, le bruxisme serait même une soupape des tensions
émotionnelles (charge allostatique), soutenant ainsi le concept d'un appareil manducateur
comme organe de décharge du stress [14].
Pour les psychanalystes, la cavité orale à une forte signification émotionnelle. Le bruxisme
serait alors l'expression de l'anxiété, des difficultés rencontrées dans la vie ou encore des
frustrations ressenties : « On grince des dents quand on ne peut pas mordre ce qu'on a
envie de mordre », écrivait Marie Bonaparte en 1952. Hippocrate, cité par Rozencweig, avait
déjà souligné que « l'usure dentaire reflétait le désarroi de l'esprit » [15] . Par exemple, stress
et bruxisme sont montrés comme associés chez des policiers [16].
Le stress, par l'activation des voies dopaminergiques, semble induire le bruxisme qui dépend
à son tour du type et de la durée des facteurs de stress [10]. La dopamine prépare les
muscles à une réaction rapide de fuite ou d'affrontement (fight or flight), mais elle régule les
effets plus « sauvages » des autres peptides stimulants comme l'adrénaline et la noradréna-
line, en combinant vivacité et concentration . La substance grise périaqueducale est un car-
refour de communication entre le système limbique et tous les systèmes exécutifs (moteurs,
respiratoires, cardia-vasculaires) nécessaires à la réalisation d'une réaction émotionnelle et
comportementale. Car il semblerait que le bruxisme, par activation d'une réaction parasym-
pathique, réduit les effets biologiques du stress. Les résultats de nombreux travau x sug-
Le Bruxisme tout simplement

gèrent que les réactions de l'axe hypothalamo-pituitaro-surrénalien (axe HPA) et du système


sympathique peuvent être modulées par l'activité de bruxisme de l'appareil manducateur.
Plusieurs expérimentations animales [17] montrent par l'image thermographique que les
rats attachés à une planche ont une forte élévation de la température alors que ceux pou-
vant ronger une baguette de bois ne montrent pas cette élévation de la température. Ceci
sous-entend que l'activité manducatrice aide à gérer les réactions biologiques liées au stress
(fig. 5). Il en est de même pour l'activité dopaminergique qui, elle aussi, se voit diminuée
en présence de mouvements oraux parafonctionnels, en même temps que se réduisent les
effets néfastes du stress sur l'amygdale et sur l'hippocampe. Les auteurs parlent de réduc-
tion de la charge allostatique provoquée par le stress (voir chapire 2).
Il faut garder à l'esprit que l'appareil manducateur est relié au système limbique, originel-
lement utilisé pour exprimer une agression . Cet appareil est fortement relié à l'état émo-
tionnel de l'homme moderne. Supprimer le bruxisme chez l'homme pourrait ainsi générer
des conséquences plus graves sur l'organisme : maladies psychosomatiques (comme chez
les rats ne pouvant ronger qui développent plus d'ulcères gastriques) ou maladies mentales
(dépression, par exemple) [18-19].

~ ...__
68 E

SP

N1

N2

N3

Durée du sommeil

SP

N1

N2

N3

DurN du sommeil

6. Représentation schématique comparative d'une nuit de sommeil (hypnogramme) d'un non-bruxeur


(en haut) et d'un bruxeur (en bas): les stades de sommeil N1, N2, N3 et SP se répètent pour 4 à 6 cycles
de sommeil. La majorité des épisodes de bruxisme (ligne verticale rouge) surviennent le plus souvent
dans les stades de sommeil léger N2, juste avant le pic du sommeil paradoxal. La durée totale des
épisodes chez le bruxeur est plus longue (zones en rouge). ·
5 Ëtiologies

· Troubles du sommeil
Bruxisme et sommeil sont incontestablement Augmentation
liés. Le bruxisme se déclencherait dans une de l'activité
phase de transition du sommeil vers une cardiaque
phase d'éveil et apparaîtrait comme autonome
une réaction d'éveil. Le bruxisme du
sommeil survient préférentiellement
lors des stades 1 et 2 du sommeil
lent (non REM, sommeillent léger),
peu pendant le sommeil paradoxal
Augmentation Accélération âu
(REM) [20] (fig. 7). Le bruxisme
de l'activité des rythme cardiaque
du sommeil correspondrait ainsi à tachycardie
des réponses excessives liées à des env. -1 sec
bouffées de micro-éveils associées
à une hausse d'activité du système
nerveux sympathique c'est-à-dire une
réactivation transitoire du cerveau de 3 à
10 secondes. Le BS est associé à 80% à des
micro-éveils se déclenchant huit à quinze fois par 69
heure de sommeil [21] .
Il s'agit d'une réactivation du système nerveux auto-
7. La << roue » de la pathophysiologie
du bruxisme, en rapport avec les
nome jouant un rôle de contrôle à la manière d'une micro-éveils répétitifs, d'après
« sentinelle ». Chaque épisode de bruxisme est ainsi Lavigne [20].
précédé par une activité corticale (EEG), une accéléra-
tion du rythme cardiaque (ECG), une augmentation du
tonus musculaire des muscles abaisseurs (EMG), une
augmentation du flu x d'air, de la pression artérielle et
une activité rythmique des muscles masticateurs [22]
(fig. 8). Les épisodes d'activité rythmique manduca-
trice ont été notés chez 60% des sujets non bruxeurs,
ce qui suggère un caractère physiologique de cette
activité [23] . Chez les bruxeurs, ces épisodes sont plus
amples (durée totale des contacts dentaires supérieure
de 15 à 45 minutes) par rapport à la normale, avec
des épisodes de 7 à 40 secondes en moyenne et plus
fréquents (1,8 par heure de somme il chez les sujets
normaux, contre 2 à 12 chez les bruxeurs), soit trois à
six fois plus, avec des bruits de grincements dans 45%
des cas [1, 20, 221 . Le nombre de micro-éveils est aug-
menté par les épisodes d'apnée (voir chapitre 3).
Une augmentation du flux salivaire est observée avant
le déclenchement du ARMM [23], provoquée par des
mouvements mandibulaires pour lubrifier les structures
8. Posture de sommeil latérale gauche,
l'usure sera ipsilatérale antérieure
oro-œsophagiennes [1, 24] . La déglutition est souvent et contrlaé~e postérieure dans
présentée comme la seule fonction orale encore pré- une diagonale << balançante » [27].
Le Bruxisme tout simplement

9a, b,c. Cas de Mme V.S. Le serrement des mâchoires nécessite une bonne stabilité mandibulaire assurée
par l'occlusion :(a) OIM stable= forte capacité de serrement; (b) bout-à-bout instable= incapacité de
serrement; (c) latéroposition gauche avec contact postérieur non travaillant= forte capacité de serrement.

sente physiologiquement durant le sommeil. Cependant, sa fréquence est diminuée au


cours du sommeil, passant globalement de soixante fois par heure durant l'éveil à dix fois
moins, soit six fois par heure au cours du sommeil [25). Dormir sur le dos favoriserait l'acti-
vité rythmique des muscles masticateurs [26), Colquit décrit des formes d'usures dentaires
en fonction de la posture de sommeil [27) (fig. 8).

le paradoxe du senior. Le bruxisme diminue chez les seniors alors qu'ils pré-
sentent plus de troubles ventilatoires et plus de troubles de sommeil.
70 Le bruxisme de sommeil (BS) autorapporté est associé à l'âge, indépendant de la perte des
dents. La prévalence est de 8 %. Le BS était plus élevé dans les groupes allant de 30 à 39 ans
- -'------
et de 40 à 49 ans par rapport aux groupes composés de personnes âgées de plus de 60
ans [28). Un commentaire de cet article proposé par Winocur souligne la notion de ralentis-
sement de la réactivité physiologique chez le sujet âgé. En rapport avec l'âge, la neurochi-
mie du senior montre des modifications des systèmes sérotoninergiques, cholinergiques et
dopaminergiques. Il est possible que deux influences opposées affectent la prévalence du
bruxisme chez les seniors. Alors que les nombreux micro-éveils devraient augmenter le BS,
les changements des neurotransmetteurs peuvent l'atténuer, conduisant à une nette dimi-
nution de la prévalence du bruxisme chez le senior [29).

Occlusion
Depuis, Ramjord et Ash [30), le bruxisme a longtemps été associé à un déséquilibre de l'oc-
clusion, justifiant le recours aux techniques d'équilibration et aux reconstructions occlusales
invasives. Actuellement, on ne reconnaît qu 'une influence mineure du facteur occlusal dans
l'étiologie du bruxisme, qui serait peu généré par des facteurs sensoriels périphériques mais
par une origine centrale [1) . La mise en place d'interférences artificielles a généralement
montré des réactions d'évitement avec diminution des parafonctions [311. comme lors des
traitements orthodontiques; l'instabilité occlusale transitoire n'autorise pas l'application de
forces importantes. Dans plusieurs études, la modification des informations propriocep-
tives d'origine occlusale diminue temporairement, mais ne supprime pas durablement le
bruxisme [32).
L'activation des muscles demande impérativement, par opposition, une résistance; on ne
peut activer fortement un système musculaire dans le vide. La recherche montre qu'une
activité puissante des muscles élévateurs demande une relation occlusale stable (fig. 10).
Un test clinique courant· s'appuie sur ce principe : la morsure sur deux rouleaux de coton en
position centrée permet un recrutement important des muscles élévateurs. Le serrement sur
un coton positionné d'un seul côté diminue la capacité de serrement [14, 33) .
5 Étiologies

10a,b,c. Cas de Mme V.S. Les configurations de serrement sur des rouleaux de coton testés
par Wang et coll. [33] montrent qu'un serrement optimal demande une bonne stabilité de la position
mandibulaire : (a) capacité maximale de serrement; (b) et (c) capacité de serrement diminuée.

Conclusion
On retiendra une étiologie plurifactorielle du bruxisme, avec des facteurs prédisposants
(épigénétiques et mimétiques), des facteurs déclenchants centraux (immaturité du SNC,
stress, anxiété, altération neurobiochimique) et des facteurs locaux (ventilation, posture).
• Le bruxisme pourrait être plus mimétique que génétique.
• Le bruxisme est une forme de réaction neurologique provenant
des couches basses, sous-corticales, du système nerveux central.
• Sur le plan comportemental, un comportement habituel crée des engrammes 71
facilitant sa perpétuation.
• Les tensions émotionnelles se traduisent souvent par un bruxisme
de serrement-balancement.
• Le bruxisme de sommeil se traduit souvent par des phases de grincement.
• Pour serrer les dents, la mandibule doit être dans une position stable sur le plan
occlusal; une interférence occlusale produit plutôt un réflexe d'évitement qu'un
réflexe de grincement.

Les phases de bruxisme sont variables dans le temps . L'ensemble des facteurs étiologiques
étant intrinsèquement variables, ils se combinent pour faire émerger par périodes des
phases de bruxisme plus sévère potentiellement délétère pour les structures.
Ceci nous orientera vers une évaluation globale du patient bruxeur pour définir une
approche thérapeutique individualisée.

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Le Bruxisme tout simplement

74
Diagnostic
identifier le bruxeur
75

Jean-Daniel Orthlieb, Gérard Duminil

Le diagnostic est l'élément clé de toute décision thérapeutique. Concernant le bruxisme, le


diagnostic de cette parafonction orale, polymorphe, très fréquente, peu pathogène, reste
souvent flou. Il n'existe pas un signe pathognomonique, le diagnostic sera fondé sur un
faisceau d'indices révélés par l'interrogatoire, l'examen clinique et, parfois, par quelques
examens complémentaires explorant un champ large. Le chirurgien-dentiste est un acteur
incontournable de ce processus diagnostique.
Le Bruxisme tout simplement

Les critères diagnostiques pour le bruxisme du sommeil proposés dans l'édition de 2014 de
la classification internationale des troubles du sommeil sont les suivants :
-présence de grincements dentaires bruyants survenant pendant le sommeil;
-présence d'un ou plusieurs des signes cliniques suivants :
• usure anormale des dents impliquées dans le grincement des dents
pendant le sommeil;
• myalgie ou fatigue musculaire transitoire matinale et/ou maux de tête
temporaires, et/ou phénomène de limitation de l'ouverture orale au réveil [1].

La lecture de ces critères ne peut que déclencher une forme d'étonnement. On comprend
bien que le patient serreur, non grinceur intempestif, échappe à ces critères . On sait égale-
ment que, généralement, les fatigues musculaires, les céphalées ou les limitations de l'ou-
verture sont rares chez le bruxeur. Enfin, il est clair que l'observation d'usures dentaires ne
signifie pas toujours la présence d'attrition .

« Pour identifier les caractères du patient bruxeur,


il nous faut un objectif grand-angle »
Par analogie avec le classement des douleurs neuropathiques, une classification a été récem-

76 ment suggérée [2], en bruxisme « possible » (questionnaire et/ou anamnèse), « probable »


(questionnaire et/ou après anamnèse plus examen clinique) et « établi » (questionnaire
et/ou anamnèse, examen clinique et enregistrement polysomnographique). En fait, cette
approche établit un index de fiabilité du diagnostic et non une évaluation de l'intensité du
bruxisme. Lorsque l'on sait qu'une très large proportion de
nos patients bruxent, fiabiliser le diagnostic est évidemment
nécessaire, mais c'est de la détermination de l'intensité du
bruxisme que dépendront les décisions thérapeutiques. Par
exemple, la sévérité du bruxisme est en corrélation positive
avec l'intensité de la force de serrement [3], donc dépen-
dant de la potentialité musculaire intrinsèque du patient.
Cette potentialité est à confronter à la capacité de stabili- Pathofonction
Le bruxisme sévère
sation mandibulaire plus ou moins offerte par les rapports est une pathofonction
s'il s'exprime sur des structures
occlusaux, mais aussi aux déclenchements des hyperacti- dentaires fragiles
vités musculaires d'origines psycho-émotionnelles, neu-
Parafonction
ropathiques ou autres. L'évaluation à visée diagnostique Le bruxisme actif
englobant l'ensemble de ces paramètres visera à position- est une parafonction

ner notre patient dans l'échelle du bruxisme entre fonction,


parafonction et pathofonction (fig. 1)
Fonction
Le bruxisme habituel
Les limites des est une fonction

outils dlévaluation
BRUXitherm
Comment mesurer un comportement oral aussi banal que
le bruxisme? La démarche diagnostique essentiellement
basée sur l'entretien clinique et l'examen exo- et endobuc-
1. Bruxitherm : l'échelle du
cal peut éventuellement être affinée par des examens com- bruxisme montre un continuum
plémentaires. entre physiologie et pathologie.
6 Diagnostic : identifier le bruxeur

· Entretien clinique : recueil des données subjectives


Avant l'entretien clinique, un questionnaire est remis au patient afin qu'il le remplisse dans
la salle d'attente. Même si les questionnaires sont un instrument d'évaluation diagnostique
du bruxisme de faible validité, les patients pouvant sous-estimer ou surestimer leurs com-
portements parafonctionnels ils restent indispensables [4]. Le fait que le patient réponde
par écrit à un questionnaire spécifique sur le bruxisme est nécessaire pour l'engager et il est
important de conserver ce document dans le dossier médical. À charge pour le praticien,
dans l'interrogatoire médical qui suit, de revenir sur chaque réponse et de vérifier la fiabilité
des réponses, voire même d'éventuellement les corriger.

Examen clinique : recueil des données objectives


Rozencweig [SI parle de bruxisme pour les stades 1et Il, alors que dans les stades Ill et IV,
il utilise le terme de brycose, forme excessive du bruxisme, véritable « rumination obses-
sive » : le patient « mange ses dents ». D'un point de vue étymologique, bryco signifie frot-
tement de dents et le suffixe « ose » induit une notion de chronicité, d'excès (tableau 1).
Molina et coll. [6] ont élaboré une liste de quinze critères à observer lors de l'examen cli-
nique, permettant d'obtenir un score déterminant la sévérité du bruxisme entre « léger »,
« modéré » et « sévère ». Les patients obtenant 3-5 points sur 15 sont classés en « léger »,
entre 6 et 10 en« modéré», et au-dessus de 10 en« sévère». Dans cette étude, le score de 77
3 à 5 pour déterminer un bruxisme léger peut paraître relativement faible si l'on considère
que, parmi ces critères, on peut en citer au moins trois qui ne sont pas spécifiquement liés
au bruxisme. On retiendra de Molina et coll. l'intérêt de « scorer » des éléments apportés
par l'interrogatoire et par les examens cliniques, mais en individualisant ces deux sources
d'information, ce qui n'est pas le cas dans leur proposition .

Polysomnographie
La polysomnographie (PSG) est présentée comme l'outil diagnostique de référence, mais
elle présente des inconvénients majeurs. Elle requiert une hospitalisation, représente un
coût important et, de plus, cet examen ne concerne le plus souvent qu'une ou deux nuits.
Elle est également réservée à des patients présentant une forte présomption de troubles du
sommeil ou de troubles de la respiration.
Les systèmes simplifiés d'enregistrement ambulatoire sont intéressants pour la détection
d'un syndrome d'apnée-hypopnée du sommeil, mais probablement pas pour le bruxisme.
Le simple enregistrement vidéo avec un caméscope domestique peut être un élément inté-
ressant par sa simplicité de mise en œuvre.

f;bleau 1 -Classification des usures selon Rozencweig


'K
Stade 1 Usure limitée à l'émail et intéressant moins de 3 couples de dents
Stade 2 Usure de l'émail et de la dentine en îlots, intéressant moins 6 couples de dents
Stade 3 Usure de l'émail et de la dentine sans îlots, intéressant plus de 6 couples de dents
Stade 4 Usures dépassant le milieu de la couronne
Le Bruxisme tout simplement

2. Bruxoff® :
dispositif ambulatoire
d'enregistrement
EMG et ECG.

B
3. Bruxoff®:
lecture des résultats
...
...
sur ordinateur.

Dispositifs d'enregistrement
ambulatoires
Des appareillages légers peuvent être confiés au patient
78 pour un test réalisé chez lui. Le Bruxoff® est un système
d'enregistrement ambulatoire d'électromyographie
(EMG) couplé à un enregistrement d'électrocardiogra-
phie (ECG). Il se compose de deux capteurs EMG à posi-
tionner sur les masséters et une autre série ECG à placer sur la poitrine qui est maintenue
par un bandeau transthoracique. Ces électrodes sont toutes reliées à un petit boîtier de la
tail le d'un smartphone qui va stocker les enregistrements réa lisés pendant la nuit (fig. 2).
Une calibration de l'appareil est nécessaire au début de l'enregistrement par trois morsures
fortes de la part du patient. De retour en consultation, le boîtier enregistreur est couplé à
un ordinateur pour lecture et décodage des informations (fig. 3).
Une autre possibilité réside dans l'utilisation du BiteStrip®, un enregistreur EMG très com-
pact qui est collé sur le masséter gauche du patient (fig. 4-5). Le patient est instruit de sa
mise en œuvre, il faut ici aussi effectuer un calibrage de l'appareil avant le port nocturne ou
diurne. Il comporte une puce électronique enregistrant l'activité EMG pendant 5 à 6 heures.
Cet appareil permet une lecture directe sur l'appareil du score enregistré en trois valeurs qui
sont affichées par un système de led. Usage unique pour ce système qui présente l'avan-
tage d'un coût réduit (environ 40 euros). Une étude comparative conclut à l'intérêt de ces
systèmes dans un cadre clinique diagnostic et leur insuffisance à des fins de recherche par
rapport à la PSG [7) .
Un autre analyseur EMG miniature autonome (Grindcare®) a été développé avec une fonc-
tion de biofeedback (stimulation électrique) pour impacter l'activité du BS par des impul-
sions électriques qui inhiberaient l'activité EMG du muscle temporal pendant le sommeil
(fig. 6). En 2008 [8], une étude suggère que la stimulation électrique ne provoque pas de
perturbation majeure dans le sommeil tout en étant associée à une réduction marquée de
l'activité EMG du temporal pendant le sommeil.
Il est généralement reconnu que la qualité des signaux EMG peut être affectée par l'em-
placement des électrodes, le positionnement de la tête et du corps, et les niveaux de
6 Diagnostic : identifier le bruxeur

4. Le BiteStrip® est un dispositif d'enregistrement, 5. Dispositif BiteStrip® en place sur


ad hésif, à usage unique. la zone du muscle masséter gauche
du patient.

6. Dispositif Grindcare®
en place sur la zone du
muscle temporal gauche
du patient.
79

conductibilité de la peau. La validité dans l'évaluation du bruxisme par un appareil EMG


est généralement considérée comme inférieure à celle faite en laboratoire de sommeil en
relation avec le nombre de canaux enregistrés . Globalement les enregistrements EMG sont
« parasités » par les activités diverses oro-faciales (toux, déglutition, mimique ... ) difficiles à
distinguer du bruxisme [9] .
Les systèmes d'enregistrement portatifs EMG permettent plusieurs enregistrements dans un
milieu naturel à un faible coût. Le principal intérêt de ces dispositifs réside dans leur utilisa-
tion comme un levier de motivation du patient par l'effet « feedback » qu'ils procurent. En
effet, au-delà de la précision qu'ils délivrent, ils ont un impact positif sur le plan de la prise
de conscience de leur bruxisme par les patients, et ils permettent de valider leur nécessaire
engagement dans une thérapie comportementale. L'utilisation d'un système d'impulsion
électrique se déclenchant pendant les bouffées de bruxisme du sommeil est incontestable-
ment intéressante.

Protocole diagnostique
Il comprend un questionnaire, un interrogatoire et un examen clinique, souvent accompa-
gnés de l'observation de la radiographie panoramique et, plus rarement, d'autres examens
complémentaires . La consultation se conclut par une synthèse expliquant au patient l'hypo-
thèse diagnostique, les examens à pratiquer (moulages, imagerie . ..), l'intérêt éventuel de
certaines consultations médicales (médecin du sommeil, ORL, neurolog.ue ... ) et, si néces-
saire, le projet de prise en charge.
Le Bruxisme tout simplement

Questionnaire et interrogatoire
Le protocole retenu sera donc de faire remplir pa r le patient un questionnaire, court, clair,
et ensuite de commenter ce questionnaire avec le patient au cours de l'interrogatoire
(tableau 2). L'interrogatoire porte sur les comportements oraux ressentis pendant l'éveil
ou supposés pendant le sommeil; il interroge sur le so mmeil, sur la ventilation orale, sur les
tensions émotionnelles.

Tableau 2- Fiche-questionnaire BRUXiq


EVALUATION du BRUXISME- QUESTIONNAIRE BRUXiq
Nom: Prénom:

À remplir par le praticien : cercler les chiffres 0 pour « Non », 1 pour« Oui, un Oui, Oui, Ou i,
peu », 2 pour« Oui, modérément », 3 pour « Oui, beaucoup ». Non un peu modérément beaucoup

Pensez vous grincer des dents en dormant ? 0 1 2 3


Eveillé, avez-vous tendance à grincer des dents? 0 1 2 3
Eveillé, avez-vous tendance à contracter vos muscles de la mâchoire, à
serrer les dents, ? 0 1 2 3

80 Eveil lé, avez-vous tendance à faire bouger vos dents en serrant dessus?
Avez vous tendan Avez vous tendance à vous ronger les ongles ? ce à
0 1 2 3

vous ronger les ongles ? 0 1 2 3


Avez vous l' habitude de mâcher du chewing-gum ? 0 1 2 3
Avez vous tendance à vous mâchonner la joue, la lèvre, un objet ? 0 1 2 3
Avez vous tendance à presser la langue, ou les lèvres, contre les dents ? 0 1 2 3
Avez vous tendance à respirer par la bouche? 0 1 2 3
Vous arrive t 'i l de vous réve iller la nuit conscient que vous étiez en train
de serrer les dents ? 0 1 2 3
Avez-vous des sensations de fatigue dans les muscles de la mâchoire au
réveil ? 0 1 2 3
Ressentez vous le matin au réveil des dents douloureuses ou en «carton»
comme anesthésiées ? 0 1 2 3
Avez vous un sommeil difficile ? 0 1 2 3
Pensez vous ronfler en dormant ? 0 1 2 3
Avez-vous te ndance à avoir la bouche sêche au réveil ? 0 1 2 3
Avez-vous tendance à être fatigué au réveil, à la somnolence dans la
journée? 0 1 2 3
Avez vous tendance à ressentir votre environnement psycho-social
comme stressant ? 0 1 2 3
Vous ressentez vous comme plutôt sensible sur le plan émotionnel ? 0 1 2 3
Avez vous tendance à absorber souvent des produits excitants (tabac,
café, drogue ... etc) ? 0 1 2 3
Avez des problèmes d'acidité buccale (alimentation ou boissons acides,
nausée, reflux ...) ? 0 1 2 3
Ressentez vous des sensibilités un peu globales des dents ? 0 1 2 3
Ressentez vous des mau x de tête le matin au réveil? 0 1 2 3
Souffrez vous de troubles neurologiques? 0 1 2 3

Total = BRUXIq
6 Diagnostic : identifier le bruxeur

· Examen clinique
11 investigue les dents (état dentaire, stabilité, fonction occlusale, usure, hypersensibilité ou
hyposensibilité), le parodonte (mala die parodontale ou au contraire densité réactionnelle),
la typologie squelettique (hypo- ou hyperdivergent), les muscles (volume, densité, sensibi-
lité), la mobilité mandibulaire, les articulations temporo-mandibulaires (ATM), la capacité de
ventilation nasale, de fermeture labiale, la posture linguale (des exemples cliniques sont
illustrés dans les fig. 7 à 14).

7 a, b, c. Usure horizontale avec fort bruxisme sur érosion et usure dentaire antéromandibulaire
contre matériaux céramiques abrasifs.
81

8a, b, c. Usure multiforme ayant créé une béance antérieure par attrition, abrasion,
érosion (drogues, alcool).

9 a, b, c, d, e, f. Usure par serrement-balancement concentré sur dents antérieures maxillaires


pa r absence de calage postérieur. DVO faible, forte densité des rebords alvéolë!ires antérieurs
hyperactivité de serrement.
-----
Le Bruxisme tout simplement

10 a, b, c, d, e. Usure par
serrement-balancement
concentré sur dents antérieures
maxillaires par absence de calage
postérieur. Perte de DVO, forte
densité des rebords alvéolaires
antérieurs.

82
.__........

11a, b. Usure par serrement-balancement concentré sur dents antérieures avec fortes usures
mandibulaires, forte densité des rebords alvéolaires antérieurs.

12 a, b, c, d, e. f. Usure par serrement-balancement-grincement concentré sur dents antérieures par


absence de calage postérieur, asymétrie entre les usures maxillaires et Jllandibulaires; perte de DVO;
forte densité des rebords alvéolaires antérieurs.
6 Diagnostic : identifier le bruxeur

13 a,b,c. Hypertrophie et hyperdensité massétérine bilatérale avec exostose goniaque. a, b. en OIM,


c. en crispation maximale

14. Mâcheur de
chewing-g ums :
hypertrophie et
hyperdensité massétérine
bilatéral e avec exostoses
goniaques très accessibles
à la palpation.

83

Compréhension et compliance
S'agissant de prise en charge à long terme, impliquant largement le patient, la potentialité
de participation du patient est un élément à apprécier dès le premier rendez-vous.
« Compliance » est un anglicisme qui signifie généralement « conformité ». Un patient mm-
pliant est un patient qui va se conformer à la prescription et deviendra donc« observant ».
Ces notions d'éducation thérapeutique seront revues dans les chapitres abordant la prise en
cha rge du bruxisme (chap. 14).
Bien entendu, la compréhension par le patient des problèmes posés et de la manière dont
on peut l'aider à les résoudre est à la base de tout traitement. Au cours de l'interroga-
toire préliminaire et de la discussion de synthèse concluant la consultation initiale, il nous
appartiendra d'évaluer la capacité de compréhension du patient et éventuellement de so n
entourage. La difficulté du traitement est inversement proportionnelle à la collaboration
du patient. C'est pour cela que la potentialité d'observance sera subjectivement évaluée en
excellente (0), forte (1), modérée (2), faible (4). Plus l'observance est faible, plus le traitement
est difficile.
Le Bruxisme tout simplement

Occlusogramme
On appelle un « occlusogramme » l'enregistrement de l'empreinte de « morsure » en OIM
sur une plaque de cire. Il peut être réalisé en cire rose très usuelle, mais des plaques de cire
beaucoup plus fines et résistances dédiées sont préférables (fig. 15-17).
Le « mordu » en cire peut être réalisé en OIM comment un moyen d'évaluation de la qualité
de la fonction occlusale de calage. Le « mordu » peut être réalisé dans différentes positions
pour parfois matérialiser des interférences occlusales postérieures.

Table 3- Fiche clinique BRUXiex


ÉVALUATION DU BRUXISME- FICHE CLINIQUE
1 Nom :
A remplir par le praticien : cercler les chiffres
Prénom : 1 Date: J
0 pour« Non », 1 pour « Oui, un peu », Oui, Oui, Oui,
2 pour « Oui, modérément », 3 pour« Oui, beaucoup ». Non un peu modérément beaucoup
Usures occlusales : indice global (abrasion, attrition, érosion .. ) 0 1 2 3

84 Attrition (bruxisme) 0 1 2 3
Abrasion (3 éme corps abrasif) 0 1 2 3
Erosions (chimiques) 0 1 2 3
Abfraction (LCNC en encoche) 0 1 2 3
Facettes d'usure brillantes 0 1 2 3
Nette densité des muscles élévateurs 0 1 2 3
Hypertrophie des muscles élévateurs 0 1 2 3
Os alvéolaire épais, exostose alvéolaire 0 1 2 3
Exostose goniaque, calcifications péri-mandibulaires 0 1 2 3
Dysfonction linguale 0 1 2 3
Hypertrophie linguale 0 1 2 3
lndentement lingual 0 1 2 3
Ventilation orale 0 1 2 3
Traces de mordillement, d'aspiration (face interne des joues,
des lèvres) 0 1 2 3
Anomalie de calage 0 1 2 3
Surguidage : D verrouillage incisif D canin droit
D canin gauche 0 1 2 3
Canine afonctionelle 0 1 2 3
Fonction de groupe de plus de 2 dents par côté 0 1 2 3
Limitation du mouvement d'ouverture(< 40 mm) (valeur= mm) 0 1 2 3
Dyscinésie neuropathique 0 1 2 3
Totaux
Total général = BRUXIex
6 Diagnostic : identifier le bruxeur

15. Occlusogramme
en OIM réalisé
en cire rose.

16. Cire dédiée


à l'occlusogramme.

85
17 a, b,c. Occlusogramme en OIM: la plaque de cire de
0.4 mm est mordue en OIM une seule fois. Le « mordu >>
montre une OIM répartie normalement chargée sur les
secteurs postérieurs sauf au niveau de 36 absente.
Cas de Mme V. S. (voir chapitre 5, fig. 9).

Brux Checker©
En 2000, un projet de recherche a été développé
au Japon par Sadao Sato (Kanagawa Dental
University) dans le but de proposer un système
simple pour évaluer les comportements man-
dibulaires pendant le sommeil. Après de nom-
breux essais [10], le Brux Checker® a été finalisé.
Il s'agit d'une feuille thermoformable de polyvinyl
chloride de 0,1 mm d'épaisseur peinte en rouge
avec un colorant alimentaire (bruxpainter Rocky
Mountain Morita Co) (fig. 18). Après réalisation
d'un moulage, le plus souvent maxillaire, la feuille 18. Brux Checker® : feuille colorée
est chauffée à 220° pendant 15 secondes, puis thermoformable de 0,1 mm d'épaisseur.
thermoformée. Le Brux Checker® va enregistrer
un mordu dans le même esprit que l'occluso-
Le Bruxisme tout simplement

19a,b. Brux
Checker®. La
feuille colorée est
thermoformée (a).
Après Je port pendant
une à deux nuit, les
zones de bruxisme
sont rendues visibles
par la disparition
du colorant (b).

20a,b. Brux
Checker® : les points
de contraintes
occlusales sont
colorés en jaune.
Cette méthode
permet de contrôler
une grande
reconstruction après
sa mise en bouche
86 (document S. Sato).
-------·- - - -
21 a,b. Brux
Checker®:
(a) enregistrement
pendant l'éveil;
(b) enregistrement
pendant Je sommeil
(document C. Basili).

gramme, mais alors que ce dernier est un instantané, le Brux Checker® sera porté pendant ·
le sommeil, une nuit ou deux. L'évaluation des comportements occlusaux pendant le som-
meil se fait par la visualisation des zones où les serrements-balancements-grincements des
dents ont effacé la peinture rouge (fig. 19-20). La première publication présentant le Brux
Checker® date de 2006. Les expérimentations de validation montrent une bonne reproduc-
tibilité des résultats [11-12] . La très faible épaisseur de la feuille permet d'avoir une incidence
quasi nulle sur les relations occlusales.
Le Brux Checker® est très intéressant par sa simplicité de mise en œuvre et son faible coût.
Il permet une évaluation des contraintes occlusales liées au bruxisme du sommeil, mais il
peut également être utilisé le jour. On peut ainsi mettre en évidence que, dans certains cas,
environ 40% des grincements se produisent pendant l'éveil. L'utilisation du Brux Checker®
est un moyen qui devient irremplaçable dans la motivation du patient vis-à-vis de leurs
parafonctions (fig. 21).
6 Diagnostic : identifier le bruxeur

Quantification du bruxisme
Indice de bruxisme BRUXi (fig. 22)
Sur le plan de l'indication de la prise en charge, nous partons du principe qu'il est abso-
lument nécessaire de tenter d'évaluer l'intensité du bruxisme. Il s'agit bien entendu d'une
démarche complexe pour transformer un caractère polymorphe et fluctuant en un indice
quantitatif. Dans ce but, l'indice BRUXi est proposé en deux parties : une partie BRUXiq
pour le résultat donné par le questionnaire, une partie BRUXic pour le résultat donné par
l'examen clinique.
Basé sur l'interrogatoire et l'examen clinique, on parlera de bruxisme « probable » [2) . Il
s'agit de scorer de 0 à 3 les différents items du questionnaire ou de l'examen clinique. La
totalisation des scores est ensuite située entre des valeurs seuils pour définir un bruxisme
léger, modéré, ou sévère. La définition de ces seuils est arbitraire; elle demande une évalua-
tion clinique en cours d'élaboration .

INDICE BRUXi

BRUXiCq < 10 bruxisme léger


Questionnaire 10;;, BRUXIq < 20 bruxisme modéré
87
BRUXIq;;, 20 bruxisme sévère
BRUXiex < 10 bruxisme léger
Clinique 10;;, BRUXIex < 20 bruxisme modéré
BRUXIex;;, 20 bruxisme sévère
BRUXi < 20 bruxisme léger
Ensemble 20;;, BRUXi < 30 bruxisme modéré
BRUXi;;, 30 bruxisme sévère

Fragilité Tensions Terrain Observance


Structurelle Psychologiques Médical Potentielle
BRUXi
22. Le curseur bleu situe l'intensité du bruxisme probable. Les curseurs noirs évaluent
les paramètres qui orienteront la décision thérapeutique.
Le Bruxisme tout simplement

Conclusion
Il est indispensable de disposer de système d'évaluation du bruxisme. La graduation de
bruxisme « possible », « probable » et « établi » semble pertinente pour évaluer la fiabilité
(solidité) du diagnostic, mais n'éclaire pas la décision clinique. Il faut y adjoindre :
- un indice d'intensité du bruxisme : « léger », « modéré », « sévère »;
- un indice du niveau de risque structurel : « léger », « modéré », « sévère »
évaluant la capacité de l'appareil manducateur du sujet à absorber ou à résister
aux contraintes liées au bruxisme;
Par exemple, un bruxisme sévère aura probablement peu de conséquences à long terme
sur un appareil manducateur sain et robuste, alors qu'un bruxisme modéré peut être un fac-
teur de risque important s'il s'exerce sur une structure dentaire affaiblie (parodontopathie)
ou trop rigide (reconstruction céramique étendue, reconstruction sur implant).
- un indice du contexte psychosocial;
- un indice des potentialités d'observance.
La pose du diagnostic repose sur la synthèse des informations subjectives et objectives
collectées. Pour une partie d'entre elles, ce sont des évaluations; pour d'autres, des consta-
tations. Le sens clinique et l'expérience du praticien permettent d'en affiner la pertinence.
88
_,-- - -
Le respect de la méthodologie proposée permet d'établir un bilan initial et de réaliser par
..
la suite une évaluation comparative de l'évolution thérapeutique. Les aspects de la décision
médicale de prise en charge seront développés dans le chapitre 13 .

BI BLIOGRAPH 1E
1 Klasser G, Lavigne GJ. Sleep Bruxism Etiology: The 8. Jadidi F, Castrillon E, Svensson P. Effect of
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Les lésions d/usure
Emmanuel d'lncau 89

De nombreux praticiens associent le bruxisme à une usure dentaire importante. Le lien de


cause à effet peut paraître évident, l'établissement du diagnostic repose même parfois sur
ce seul signe clinique sans réelle connaissance des mécanismes d'usure et de la physiopa-
thologie des bruxismes. L'objectif principal de ce chapitre est d'effectuer l'analyse critique
d'une telle démarche. Pour cela il nous paraît indispensable, dans un premier temps, de
définir les différents mécanismes d'usure, d'évaluer leur complexité et leurs interactions.
Dans un second temps, l'étude des modifications propres aux bruxismes doit permettre de
mieux comprendre les liens potentiels entre ces deux manifestations pour enfin apporter
une réponse validée par la recherche clinique.
Le Bruxisme tout simplement

1. D'une manière générale la surface la plus dure 2. Facettes d'abrasion à deux corps (attrition)
(céramique sur la dent 23) use préférentiellement liées à un probable bruxisme de l'éveil. Elles
la surface la plus ductile (émail et dentine sont bien définies, plates et à angles aigus.
sur la dent 33 (probable bruxisme du sommeil).

Mécanismes d'usure
90 En odontologie, l'usure est un terme générique communément employé pour décrire diffé-
.--- - -
..
rents phénomènes :
• l'attrition, qui correspond aux frottements dento-dentaires occlusaux et proximaux;
• l'abrasion, qui correspond à une interposition de particules lors de la mastication
ou lors du brossage dentaire;
• l'érosion, qui correspond à une dissolution chimique d'origine acide.
Bien qu'usuelle, cette terminologie ancienne ne rend pas parfaitement compte de la réa-
lité et de la variété des mécanismes physiques et chimiques mis en jeu . De plus, elle laisse
supposer que ces trois phénomènes agissent de façon distincte, alors qu'ils interagissent le
plus souvent, rendant d'autant plus difficile leur diagnostic clinique [1]. Une autre approche
consiste donc à utiliser la terminologie empruntée à la tribologie [2-5] . Cette science et
technologie regroupe l'étude de la friction, de l'usure et de la lubrification. Elle permet de
décrire quatre mécanismes fondamentaux d'usure dont la survenue dépend de nombreux
paramètres [6-7]. Certains d'entre eux sont susceptibles d'être présents lors des contractions
phasiques (grincement), toniques (serrement) ou mixtes qui ont lieu au cours des épisodes
de bruxisme de l'éveil et/ou du sommeil.

Usure abrasive
A l'échelle microscopique, aucune surface n'est lisse. Lorsque des contacts s'établissent
entre différents corps, c'est par le biais de leurs aspérités, assimilables à des particules abra-
sives. Selon la microrugosité de ces corps, plus ou moins de microcontacts s'établissent
et définissent une surface effective beaucoup plus faible que la surface maximale théo-
rique [BI . Aussi, même si la pression globale exercée est faible, la pression locale développée
au niveau de chaque microcontact est parfois tellement importante qu'elle peut entraîner
lors d'un déplacement leur déformation, voire leur rupture [6] . En fonction du nombre de
corps impliqués, la tribologie distingue deux types d'usure abrasive : l'abrasion à deux corps
et l'abrasion à trois corps.
7 Les lésions d'usure

3. Lésions attritives liées à un probable


bruxisme du sommeil. Aucune marge ne sépare
l'émail de la dentine malgré le différentiel
de minéralisation de ces deux tissus.

Abrasion à deux corps (attrition)


Elle correspond à la friction de deux corps
91
solides en mouvement dont les surfaces
sont en contact direct. En odontologie, elle 4 a, b. Correspondance des surfaces attritives
se nomme attrition, ce qui peut porter à entre deux canines antagonistes (13 et 43) :
(a) occlusion d'intercuspidie maximale (OIM);
confusion. Différents modèles d'abrasion
(b) diduction droite.
à deux corps sont retrouvés selon l'angle
d'attaque et de la géométrie des aspéri-
tés, la vitesse de déplacement, la pression,
le coefficient de frottement, la distance et le différentiel de dureté entre les deux surfaces en
contact [9-10]. D'une manière générale, les microaspérités de la surface la plus dure (e.g . émail ou
céramique) creusent la surface la plus ductile (e.g. dentine) (fig. 1) en formant des sillons parallèles
bordés de berges symétriques. Avec la répétition des passages, toutes les aspérités de surface
subissent un ou plusieurs de ces modèles et se désolidarisent, si bien que l'effet cumulatif des
pertes microscopiques aboutit à l'usure macroscopique.
L'aspect clinique des lésions attritives est distinctif au niveau des tissus dentaires et des matériaux
restaurateurs. JI se caractérise par des facettes d'usure bien définies, lisses, brillantes et à angles
aigus (fig. 2). Les sommets cuspidiens et les bords libres des incisives sont plats. Quand la dentine
est exposée, elle se situe au même niveau que l'émail, sans aucune marge [11) (fig. 3). Qu'elles
soient localisées sur des tissus dentaires, des matériaux restaurateurs ou les deux simultanément,
les facettes d'usure de dents antagonistes se correspondent en occlusion d'intercuspidie maximale
(OJM) ou lors de faibles mouvements de propulsion et/ou de diduction . Ces caractéristiques cli-
niques, qui peuvent intéresser un nombre réduit (fig. 4a-b) ou important (fig. 5a-b) de dents, sont
fondamentales pour mettre en évidence ce mode d'usure. Elles ne sont cependant pas toujours
simples à identifier, en particulier si d'autres modes d'usure coexistent avec l'attrition.
En effet, si les surfaces de dents antagonistes ne se correspondent pas exactement ou s'il existe une
différence de l'avancée de l'usure entre deux arcades opposées, alors un ou plusieurs autres méca-
nismes physiques ou chimiques se surajoutent et doivent être recherchés [4) (fig. 6a-c). JI peut s'agir
Le Bruxisme tout simplement

5 a, b. Correspondance des surfaces d'attrition au niveau des dents de tout le secteur droit :
(a) OIM; (b) diduction droite.

92

6a,b,c. Lésions d'usure polymorphes chez un


individu présentant un probable bruxisme du sommeil.
Les surfaces antagonistes ne se correspondent pas
exactement, ce qui laisse penser que l'attrition n'est
ou n'a pas été le seul mécanisme d'usure impliqué.
(a) Vue de face en OIM.
(b) Vue occlusale de l'arcade maxillaire.
(c) Vue occlusale de l'arcade mandibulaire; noter
les lésions cupuliformes sur les sommets cuspidiens
évoquant une dissolution d'origine acide (usure
biocorrosive ou érosion).

d'une dissolution acide localisée des tissus dentaires (érosion dans son acception odontolo-
gique) ou d'une abrasion à trois corps provoquée par la charge abrasive de l'alimentation et/
ou le brossage dentaire au niveau des plages dentinaires exposées [12].
L'origine de l'abrasion occlusale à deux corps est multifactorielle. Elle peut être liée aux
contacts dento-dentaires furtifs et inconstants qui s'établissent lors de la déglutition et de
la mastication [13-15]. Elle peut également être favorisée par une édentation (postérieure),
une malposition dentaire ou une malocclusion de type supraclusion qui expose de manière
préférentielle certains couples de dents antagonistes, notamment les incisives (fig. la-c).
Elle est enfin et surtout susceptible d'être provoquée lors d'un bruxisme du sommeil, carac-
térisé par des contractions phasiques (grincements), toniques (serrement) ou mixtes liées
7 Les lésions d'usure

7 a, b, c. Certaines malpositions ou malocclusions prédisposent à l'attrition : (a) supraclusion vue de face,


en OIM; (b) usure en encoche au niveau des faces palatines des dents maxillaires; (c) usure en miroir au
niveau d'une canine mandibulaire.

aux activités rythmiques des muscles masticateurs (ARMM) [16) . Lors de cette phase, le flux
salivaire est en effet significativement moins important que lors de l'éveil [17-18), ce qui a
pour effet de limiter l'action lubrifiante des mucines (MUC5B et MUC7) [19) et de la pellicule
exogène acquise [20) . De plus, de nombreux individus qui présentent un syndrome d'ap-
nées obstructives du sommeil (SAOS) présentent également une sécheresse buccale [21). Or 93
les épisodes de bruxisme du sommeil sont fréquemment associés aux événements (micro-
éveils, désaturation en oxygène) induits par un SAOS [22-23), si bien que la conjonction de
ces deux manifestations potentialise certainement l'usure (attritive et érosive) au niveau des
tissus dentaires [16) . Pour Duran-Cantolla et coll. [24), il existe même un lien significatif entre
la sévérité de l'indice d'apnées/hypopnées (IAH) et la sévérité de l'usure.
Notons enfin que lorsqu'une importante usure attritive est dépistée, il est nécessaire d'éva-
luer son étiologie et de prévenir son évolution . Il est également crucial de quantifier sa
cinétique grâce à des moulages, des photographies et/ou une cotation des lésions. La clas-
sification proposée par Johansson et coll. [25) peut alors avantageusement être mise à profit
de par sa simplicité et sa rapidité d'utilisation (tableau 1).

Tableau 1 -Classification de l'usure attritive communément employée. Seuls les stades 2 et 3


nécessitent une prise en charge restauratrice (d'après Johansson et coll., 1993).

Sta de 0 Absence d'usure- Morphologie incisale/occlusale intacte.

Sta de 1 Usure limitée à l'émail- Morphologie incisale/occlusale légèrement altérée.

Sta de 2 Usure exposant des zones parcellaires de dentine-


Morphologie incisale/occlusale altérée avec réduction coronaire.

Sta de 3 Usure exposant d'importantes zones de dentine(> 2 mm 2) - Morphologie incisale/


occlusale totalement perdue par endroits, avec réduction coronaire substantielle.

Sta de 4 Usure majeure exposant la dentine secondaire-


Morphologie incisale/occlusale inexistante.
Le Bruxisme tout simplement

8. Abrasion à trois corps (abrasion) physiologique 9. Abrasion liée à l'alimentation chez un


liée à l'alimentation et au brossage dentaire chez individu médiéval (série de Sains-en-Gohelle-
une personne âgée. Les surfaces sont émoussées, Archéosphère). Une importante marge
satinées. sépare la dentine et l'émail, dont la
minéralisation est différente.
Abrasion à trois corps (abrasion}
L'abrasion à trois corps correspond au déplacement de deux corps solides l'un contre l'autre
avec interposition de particules abrasives qui constituent le troisième corps. En odontologie,
94 elle se nomme simplement abrasion, ce qui peut porter à confusion. Son importance est
essentiellement liée à la taille, à la forme et à la dureté des particules interstitielles [6]. La
tribologie distingue deux modèles d'abrasion à trois corps en fonction de la proximité des
corps solides en mouvement [3].
L'aspect clinique des lésions abrasives se caractérise par des surfaces d'usure émoussées,
satinées, brossées, avec des limites de contour arrondies (fig. 8). Lorsque la dentine est
directement exposée, sa faible dureté liée à son importante teneur en substance organique
provoque un différentiel d'usure avec l'émail. Une marge sépare alors ces deux tissus, car
les surfaces de dentine moins minéralisées s'usent plus rapidement [4] . Le diagnostic diffé-
rentiel avec les lésions érosives occlusales est parfois difficile.
L'origine de l'abrasion à trois corps est multifactorielle. Lorsqu'elle est liée à l'alimentation,
elle est globale, car elle concerne l'ensemble des surfaces dentaires. Ceci est particulière-
ment visible chez les individus appartenant aux populations du passé (fig. 9). Leur denture
présente en effet une abrasion intense et systématique [5], à mettre en relation avec les
particules dures incorporées dans la nourriture (phy-
tolithes, quartz, silice amorphe). Dans les populations
actuelles industrialisées, elle est beaucoup plus rare. Elle
est considérée comme physiologique lorsqu'elle est un
corollaire au vieillissement et au régime alimentaire des
individus [14]. Elle engendre des facettes d'usure dont
la surface augmente avec l'âge. Lorsqu'elle est liée à un
brossage dentaire iatrogène, l'abrasion à trois corps est
focale. Les lésions sont alors préférentiellement locali-
sées dans le tiers cervico-vestibulaire [26] (fig. 10). Si le
brossage perdure, la gencive peut subir une ulcération
10. Abrasion liée à un brossage
dentaire iatrogène (les particules
ou une récession favorisée par une santé parodontale contenues dans le dentifrice
déficiente. Des lésions cervicales d'usure se forment constituent le troisième corps).
alors au niveau de la dentine radiculaire dénudée. Noter les stries d'usure horizontales.
7 Les lésions d'usure

· Usure adhésive
Ce mécanisme d'usure est essentiellement lié aux polymères et aux métaux. Il est suscep-
tible d'advenir lorsque deux corps soumis à une forte pression glissent l'un contre l'autre.
D'un point de vue tribologique, les aspérités de surface qui s'affrontent subissent une défor-
mation plastique et peuvent s'unir localement telle une soudure à froid . Plus ou moins de
matériel est alors transféré d'une surface vers l'autre selon la distance qui sépare les maté-
riaux, leurs propriétés, leur rugosité, la pression, la température ou l'environnement [6]. Cet
amas de matériel transféré peut se rompre avec l'augmentation de l'amplitude des mouve-
ments, mais pas nécessairement le long de la ligne de fusion originale. S'il s'interpose entre
les deux corps, une abrasion à trois corps s'initie.
Au niveau de la cavité buccale, les grincements de dents sont théoriquement susceptibles
d'induire une usure adhésive s'ils sont associés à de fortes pressions. En effet, des tests in
vitro de friction à deux corps mettent en évidence un transfert de matériel sur l'émail ou un
analogue, à partir de matériaux restaurateurs comme l'amalgame [271, l'or [28) et certains
composites soumis à une importante pression [29). D'autres résultats montrent que ce type
d'usure peut également survenir entre· deux surfaces de poly (methyl methacrylate) [30) .
Dans la cavité buccale, l'usure adhésive est cependant limitée grâce à l'action lubrifiante de
la salive qui réduit le coefficient de frottement. De plus, l'abrasion à trois corps provoquée
par le bol alimentaire a tendance à ôter la fine couche de matériel déplacé [3) . 95
Usure de fatigue
Lorsqu'un matériau fragile glisse le long d'un autre et qu'il est soumis à une forte pres-
sion, certaines déformations peuvent intéresser ses molécules de surface ou se propager
en subsurface occasionnant des ruptures de liaisons intermoléculaires. Des microcracks
internes peuvent alors s'initier au niveau de la zone endommagée puis se propager avec la
répétition des cycles . Lorsque la propagation atteint la surface, des fragments de matériel
assez important peuvent se détacher et s'interposer entre les deux surfaces en contact
provoquant une abrasion à trois corps [6). En général, la délamination de la surface résulte
d'interactions entre les mécanismes d'abrasion, d'adhésion et de fatigue.
Au niveau de la cavité buccale, l'usure de fatigue a pu être mise en évidence sur cer-
taines surfaces de contacts amélaires occlusales soumises à une importante pression, en
dehors de la masticatioQ [31]. L'importante minéralisation de ce tissu le rend plus dur que
la dentine, mais son haut module d'élasticité et sa faible limite élastique le rendent cas-
sant. Lorsqu'ils sont initiés, les microcracks amélaires
provoquent d'abord la délamination de la substance
interprismatique puis celle des prismes sans pouvoir
se propager au niveau dentinaire grâce à la jonction
émail-dentine qui dissipe les contraintes [32). Selon
certains auteurs [33-36), la notion de fatigue est éga-
lement centrale dans la théorie de la flexion dentaire
initiant la fragmentation superficielle de l'émail. Cela
se concrétise cliniquement par des lésions cervicales
d'usure d'aspect cunéiforme, encore appelées lésions
d'abfraction (fig. 11). Pour certains auteurs [371, les
contractions toniques (serrement) ou mixtes (grince- 11
• Lésions d'abfraction.
Le Bruxisme tout simplement

ment + serrement) liées à un bruxisme sont théoriquement susceptibles d'engendrer ce


type de lésions. Bien que divers arguments cliniques et théoriques sont évoqués pour la
justifier indirectement, la relation de causalité reste cependant spéculative pour certains
autres auteurs [38-39) . Nous verrons dans la seconde partie ce qu'il faut penser de ces avis
divergents.

Usure biocorrosive (érosion)


L'usure biocorrosive (érosion dans son acception odontologique) ne constitue pas une moda-
lité d'usure proprement dite. Elle survient lorsqu'une attaque chimique (acide, chélatant)
rompt les liaisons intermoléculaires des tissus dentaires ou des matériaux restaurateurs,
potentialisant les différents autres modes d'usure mécaniques [2, 40). Les molécules de sur-
face sont alors chassées et la surface nouvellement exposée est immédiatement attaquée
par l'environnement corrosif [4).

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12. pH de certains aliments et de certaines boissons


couramment consommés (d'après Paesani, 2010).
7 Les lésions d'usure

13. Lésions biocorrosives (érosives) sur les faces 14. Lésions érosives majeures sur l'ensemble des
vestibulaires de dents maxillaires antérieures. faces occlusales. La pellicule d'émail étant fortement
Leur aspect et leur localisation sont liés à l'action dissoute, les dents prennent la couleur jaune-orangé
conjug uée d'une alimentation acide (succion de de la dentine sous-jacente. L'anamnèse a permis de
citron en quartiers) et d'un brossage iatrogène, mettre en évidence une consommation excessive de
en particulier du côté gauche chez cette personne soda au cola, un brossage iatrogène et un possible
droitiè re. bruxisme du sommeil.

L'origine de l'usure biocorrosive provient d'acides extrinsèques et/ou intrinsèques, de sources


97
- - -..'<

non bactériennes [41-42] . Les principales sources extrinsèques se retrouvent dans l'alimen-
tation et dans les facteurs chimiques environnementaux [43]. Elles comprennent essentiel-
lement les sodas, les agrumes, les prémixs alcoolisés destinés aux adolescents (a lcopops),
les boissons énergétiques ou sportives, les jus de fruits (orange, pomme), le vin et certains
aliments (kiwis, moutarde, cornichons, etc.), dont la faible va leur du pH et l'importante
acidité titrable n'est que rarement signalée (fig. 12). Certains médicaments sont éga lement
incriminés de manière directe (acide ascorbique, acide sa licylique) ou indirecte de par leur
effet sialoprive (anticho linergiques).
Les principales sources intrinsèques sont [44] :
• le reflux gastro-œsophagien (RGO), qui correspond au passage involontaire de l'acide gas-
trique (p H compris entre 0,8 et 2) dans l'œsophage et, parfois, dans la cavité buccale (voir
chapitre 9, « Répercussions du reflux gastro-œsophagien »). Pour certains auteurs [45-49L
un lien étroit existe entre les épisodes d'acidification œsophagienne liés à un RGO et les
épisodes d'ARMM liés à un bruxisme du sommeil. L'hyposia lie propre à cette phase du
sommeil ne ferait qu'amplifier le risque d'usure [16, 50-511 en limitant la dilution, la cla i-
rance, la neutralisation et le tamponnement de l'acide gastrique;
• le vomissement chronique, qui est un rejet actif avec contraction du diaphragme et des
muscles abdominaux du contenu gastrique. Il est à différencier de la régurgitation, où la
remontée du contenu gastrique est passive, et du mérycisme, où la remontée des aliments
mastiqués est volonta ire;
• certains troubles du comportement alimentaire (TCA), dont l'anorexie-boulimie, caractéri-
sée par l'ingestion excessive d'aliments, suivi de vomissements provoqués.
L'aspect clinique des lésions érosives est polymorphe mais, d'une manière générale, les
surfaces sont lisses (effacement des périkymaties), sans relief, cupuliformes sur les sommets
cuspid iens, de couleur satinée à terne, avec des bords amélaires intacts le long du bord gin-
gival [26, 42, 44]. Les faces vestibu laires (fig. 13), occlusa les (fig. 14), palatines antérieures
Le Bruxisme tout simplement

(fig. 15) ou postérieures (fig. 16) peuvent


présenter des lésions plus ou moins impor-
tantes, selon l'origine et le temps d'appli-
cation de la source acide. Les restaurations
(amalgames, composites) se situent géné-
ralement au-dessus des surfaces dentaires
adjacentes alors que la morphologie den-
taire est affectée (fig. 17).
Au terme de cette première partie, nous
venons de voir que l'usure dentaire dépend 15. Lésions érosives majeures, essentiellement
de nombreux mécanismes complexes, syn- localisées au niveau des faces palatines des dents
chrones ou séquentiels, synergiques ou maxillaires antérieures. Elles évoquent un trouble
additifs qui souvent masquent sa véritable du comportement alimentaire de type anorexie-
boulimie. L'anamnèse a permis de mettre
origine [52]. Elle est le plus souvent modé-
en évidence que la maladie n'est plus active.
rée et physiologique lorsqu'elle est liée au
vieillissement, au régime alimentaire et à
98 l'époque des individus. Dans certaines situations, elle peut être importante et prendre un
caractère pathologique lorsqu'elle engendre des douleurs tout en détériorant la fonction et
l'esthétique. La forme des lésions, leur localisation, leur couleur et leur éventuelle congruence
sont alors des indices cliniques qui doivent être couplés à certaines données anamnestiques
pour tenter d'établir leur diagnostic et prévenir leur évolution [26, 53] (tableau 2). Le recueil
de ces données doit mettre en évidence une éventuelle surconsommation d'aliments abra-

CARACTÉRISTIQUES
Usure vestibulaire
GLOBALES
canines et prémolaires variables
(incisai et occlusal)

CARACTÉRISTIQUES
l
LOCALES Absence dents Facettes d'usure Micromorphologie
postérieures occlu sales/ de surface altérée
Malpositions incisales Formes d'usure
Prématurités congruentes atypiques

ÉTIOLOGIES
Occlusion
1 Diverses :
environnement
mécanique (objets
PROBABLES
postérieure Bruxisme Brossage/dentifrice divers),
inadéquate actif ou ancien iatrogènes chimique
et/ou instable (médicaments)
7 Les lésions d'usure

16. Lésions érosives majeures essentiellement 17. Lésions érosives avancées sur la face occlusalé
localisées au niveau des faces occlusales des dents de molaires mandibulaires. La présence
maxillaires postérieures. L'anamnèse a permis de des restaurations à l'amalgame atteste de l'origine
mettre en évidence un reflux gastro-œsophagien chimique (sodas) des lésions.
d'origine médicamenteuse.

sifs (fibres insolubles) et/ou acides (sodas), un brossage dentaire iatrogène, un RGO ou un
TCA (anorexie-boulimie). Toutes ces situations peuvent être associées ou non à un éventuel 99
bruxisme de l'éveil et/ou du sommeil dont la fréquence et l'amplitude des ARMM sont sus-
ceptibles d'induire une importante abrasion à deux corps (attrition), une usure de fatigue
(abfraction), le tout dans un éventuel contexte d'acidité (érosion), potentialisant les diffé-
rents modes d'usure mécaniques. La seconde partie de ce chapitre est destinée à répondre
à cette interrogation .

Usure dents Usure dents


postérieures antérieures
> dents antérieures > dents postérieures

/ /
Surfaces vestibulaires
~ ~ -=
Surfaces palatines
1'• molaire Toutes les dents
dents antérieures dents antérieures
mandibulaire postérieures
maxillaires prémolaires maxillaires

1 1 1 1
Régurgitations
Soda Fruits/chewing -gum Fruits
chroniques
Dé gazage buccal Mastication prolongée Succion prolongée
TCA 1
RG0 2
1. Trouble du comportement alimentaire Alcoolisme
2. Reflux gast ro-œsophagien
Le Bruxisme tout simplement

Bruxisme et usure
Problème de la fiabilité du diagnostic du bruxisme
De nombreuses études s'intéressent aux étiologies du bruxisme, à son épidémiologie, à sa
physiopathologie, à ses affections comorbides ou à ses conséquences au niveau de l'appa-
reil manducateur (denture, parodonte, musculature, articulations temporo-mandibulaires).
Certaines d'entre elles ont un faible niveau de preuve ou reposent sur des présomptions
scientifiques. Ceci est particulièrement le cas pour celles qui tentent d'établir un lien entre
le bruxisme et l'usure dentaire, et cela pour au moins deux raisons .
La première est que le type de bruxisme étudié (éveil ou sommeil) n'est pas toujours signalé,
en particulier dans les études anciennes [54-56]. Ces deux manifestations sont pourtant, au
moins en partie, des entités différentes [57-58] . ·

La seconde est que les critères de diagnostic du bruxisme (éveil ou sommeil) ne sont pas
toujours signalés ou qu'ils présentent un faible niveau de preuve. Ce dernier est en effet
gradué selon trois stades qui dépendent des méthodes employées pour l'établir [58] .
Un bruxisme de l'éveil ou du sommeil peut ainsi être qualifié de « possible » lorsque son
diagnostic n'est basé que sur l'anamnèse et la réponse à certains questionnaires d'auto-éva-
100 luation qui visent à mettre en évidence des épisodes de grincement dentaire, des douleurs
,-.-.- - - - parodontales et/ou musculaires (tableau 3). Cela pose un problème pour les patients qui
dorment seuls et qui n'ont généralement pas conscience de leur grincement, ce dernier
étant le plus souvent rapporté par un partenaire de chambre ou un membre de la famille .
La plupart des épisodes d'ARMM liée au bruxisme du sommeil ne sont par ailleurs pas
accompagnés de bruit [59] et la survenue des épisodes sonores au cours du temps est très
variable chez certains individus [60].
Un bruxisme devient « probable » lorsque son diagnostic repose en plus de l'anamnèse et
des questionnaires d'auto-évaluation sur certains signes cliniques . Ceux-ci comprennent
essentiellement l'usure et la fracture des dents ou des restaurations, et parfois les douleurs
musculaires et temporo-mandibulaires. Plus rarement, il est rapporté une fatigue et une rai-
deur au réveil, une densité masséterine lors du serrement, des morsures linguales ou jugales
et des mobilités dentaires. Tous ces signes ou symptômes sont cependant secondaires et
subjectifs, si bien qu'aucun d'entre eux ne permet à lui seul de confirmer le diagnostic cli-
nique du bruxisme du sommeil [61] . Certains d'entre eux sont cependant retenus par I'Ame-
rican Academy of Sleep Medicine pour constituer avec quelques indicateurs anamnestiques
les critères minimaux de diagnostic clinique du bruxisme du sommeil [62] (tableau 4).

Tableau 3- Questionnaire succinct à présenter au patient pour évaluer le bruxisme


du sommeil (d'après Koyano et Tsukiyama, 2012).
-Est-ce que quelqu'un vous a dit que vous grinciez des dents la nuit?
-Est-ce que vos dents, vos gencives, ou vos muscles des mâchoires sont douloureux au réveil?
- Est-ce que quelqu'un vous a entendu grincer des dents la nuit?
- Est-ce que votre mâchoire est toujours fatiguée ou douloureuse le matin au réveil?
-Est-ce que vos dents ou vos gencives sont toujours douloureuses le matin au réveil?
- Est-ce que vous ressentez des douleurs aux tempes le matin au réveil?
7 Les lésions d'usure

Le bruxisme est enfin considéré comme « avéré » lorsque son diagnostic repose en plus
des éléments précités sur des enregistrements électromyagraphiques, pour le bruxisme de
l'éveil, et polysomnographiques, pour le bruxisme du sommeil [58] .

Valeur diagnostique de l'usure dentaire


Depuis des années, la recherche tente d'établir un lien significatif entre le bruxisme de
grincement et l'usure dentaire (sous toutes ses formes) mais, de façon surprenante, aucun
consensus ne semble admis à ce jour. Certaines études montrent en effet que les patients
qui présentent un bruxisme du sommeil peuvent être différenciés des autres sur la seule
base de leur usure dentaire [63-66], alors que d'autres montrent que l'étendue et la sévérité
de l'usure ne varient pas significativement entre ces deux groupes [67-69] . Bien que leurs
résultats diffèrent, ces études ont cependant en commun une limite majeure, car l'évalua-
tion du bruxisme n'est basée que sur l'anamnèse des patients ou sur leurs réponses à des
questionnaires. Nous avons vu les limites de cette démarche.
Afin de limiter ce biais, d'autres études utilisent des outils technologiques pour permettre
un meilleur diagnostic du bruxisme. Certaines reposent sur des enregistrements de capteurs
de pression placés entre les arcades [70] et n'établissent pas de corrélation entre l'usure et le
bruxisme. D'autres reposent sur des enregistrements portatifs des muscles masséters [711 et
établissent un lien, ou sur des enregistrements polysomnographiques réalisés en laboratoire 101
du sommeil [721 sans retrouver de lien. Mais, là encore, la prudence est de mise quant aux
résultats, car aucun protocole de gradation du bruxisme n'est appliqué et aucun enregistre-
ment audio et vidéo ne vient discriminer le grincement et/ou le serrement lié au bruxisme
des autres activités orofaciales nocturnes (toux, déglutition, somniloquie, myoclonies, etc.).
Actuellement, il semble donc que seule l'étude de Abe et coll. [73] prend en compte ces biais
méthodologiques en associant :
-des réponses à un questionnaire d'auto-évaluation (grincements dentaires
présents au moins trois fois par semaine dans les six derniers mois et confirmés
par un partenaire de chambre);
-un examen clinique recherchant au moins un signe évocateur (usure anormale,
inconfort musculaire, fatigue, douleur et mâchoire bloquée au réveil, hypertrophie
masséterine en serrant les dents);
- un examen polysomnographique couplé à des enregistrements audio et vidéo.

Tableau 4- Critères minimaux du diagnostic clinique du bruxisme du sommeil - Les critères A


et B doivent être remplis (d'après AASM, 2014).
A. Présence d'un grincement des dents régulier ou fréquent se produisant pendant
le som meil.
B. Présence d'au moins un signe clinique parmi les suivants :
- usure anormale des dents correspondant à un grincement des dents
durant le sommeil, tel qu'il a été décrit précédemment;
-douleur ou fatigue ressentie de manière transitoire le matin dans les muscles
de la mâchoire; ou des maux de tête au niveau des tempes ou encore un blocage
de la mâchoire au réveil en accord avec le grincement des dents durant le sommeil,
tel qu'il a été décrit précédemment.
Le Bruxisme tout simplement

Elle propose ainsi trois conclusions fiables.


• La première montre que les deux groupes de patients qui présentent un bruxisme
léger (48 sujets présentant 2,1 épisodes/h, dont 1,0 avec bruit) ou modéré à impor-
tant (59 sujets présentant 5,9 épisodes/h, dont 10,5 avec bruit) ont une usure signi-
ficativement plus importante que les patients sans bruxisme (23 sujets présentant
1,2 épisode/h, dont aucun avec bruit).
• La deuxième montre que c'est l'usure moyenne de l'ensemble de la denture qui doit
être évaluée pour différencier les patients avec ou sans bruxisme, plutôt qu'un groupe
de dents (incisives, canines) . La faible usure des molaires permet cependant d'exclure
les individus bruxeurs.
• La troisième montre que l'augmentation de la sévérité du bruxisme mesurée en termes
d'ARMM ne s'accompagne pas systématiquement d'une augmentation de l'usure den-
taire mesurée sur une échelle ordinale.
Comme le précisent Abe et coll. [73), cette étude doit cependant être interprétée avec
prudence, car la plupart des individus retenus étaient âgés moins de 30 ans (âge moyen =
26,6 ± 0,5 ans) et la cotation de l'usure était effectuée par différentes juges dont les résul-
tats n'ont pas été comparés (ca lcul des erreurs intra- et inter-observateurs). Rajoutons que
102 le système de cotation retenu comprenait cinq stades, mais qu'il ne prenait pas en compte
la forme des lésions (planes, en cupule, émoussée, etc.) et l'éventuelle congruence des sur-
faces antagonistes.

Conclusion
L'usure dentaire procède de différents mécanismes complexes qui agissent souvent de façon
synergique [74) . Elle est considérée comme physiologique lorsqu'elle est modérée et qu'elle
est un corollaire au vieillissement et au régime alimentaire des individus [5). Le bruxisme
de l'éveil ou du sommeil l'aggravent sans aucun doute, car certaines conditions physico-
chimiques sont rassemblées [16, 75).
La présence d'une usure importante ne doit cependant pas systématiser le diagnostic du
bruxisme, car certaines usures importantes peuvent être provoquées par une baisse de la
quantité et de la qualité de la salive (syndrome de Gougerot-Sjogren, médicaments sialo-
prives, radiothérapie cervico-faciale, stress), par une attaque acide (sodas, RGO, TCA), un
brossage iatrogène ou une moindre résistance tissulaire.
De plus, certains jeunes adultes qui présentent un bruxisme modéré ou important ne pré-
sentent pas toujours une usure développée [73) et une usure importante peut avoir été
provoquée par un bruxisme qui n'est plus actif [75). L'usure dentaire représente donc cer-
tainement un signe du bruxisme, mais il reste insuffisant pour le diagnostiquer, en clinique
et en recherche.
7 Les lésions d'usure

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Le Bruxisme tout simplement

106
Cartographie
des facettes d attrition
1

sur la canine maxillaire 107

Jean-Daniel Orthlieb

Les canines jouent un rôle de guidage particulièrement important lors des fonctions occlu-
sales. Pendant la mastication, elles permettent le retour de la mandibule vers I'OIM où
va s'exercer la trituration du bol alimentaire. Il apparaît sur cette dent des traces d'usures
fonctionnelles ou parafonctionnelles. L'observation de ces facettes d'usure et leur interpré-
tation en fonction de leur forme et de leur situation permettent d'en déterminer la nature et
l'origine. Cette cartographie est un point important de l'examen clinique du patient bruxeur.
Le Bruxisme tout simplement

a b
1. Tout au long de 2.Jusqu'à une époque 3a,b. La canine maxillaire
l'hominisation jusqu'à des récente (industrialisation), le humaine est génétiquement
temps historiques proches, on rapport occlusal de type bout caractérisée par une pointe
constate des usures importantes à bout génère des attritions cuspidienne marquée, la ·
du système dentaire généralisées des arcades, la face linguale présente deux
principalement par abrasion canine n'étant pas plus exposée crêtes proximales et une arête
(Homo sapiens archaïque, mont que les autres dents (Homo centrale souvent nettement
Carmel, environ -100000 ans). sapiens sapiens historique, convexes (a). À l'heure actuelle,
environ -2000 ans). le temps et les contraintes
doivent se traduire par des
facettes d'usures modérées (b).
108 La morphologie initiale, génétiquement programmée, de la canine maxillaire est une pointe
arrondie, avec une importante épaisseur d'émail. Jusqu'à une époque récente (industria-
lisation), le rapport occlusal de type bout à bout favorisait des attritions généralisées des
arcades, la canine n'étant pas plus exposée que les autres dents (fig. 1-3). Le recouvrement
antérieur actuel expose principalement les dents antérieures aux contraintes fonctionnelles
et parafonctionnelles. Chez l'enfant, la disparition rapide des lobules des incisives perma-
nentes montre que l'usure occlusale est un phénomène physiologique.
Les canines maxillaires sont elles aussi concernées par les phénomènes de perte de subs-
tance par usure. La frontière entre l'usure physiologique lente et limitée (eufonction) et
l'usure pathologique (pathofonction) est floue, difficile à définir. L'observation attentive des
« facettes » peut nous aider à quantifier l'importance de la perte de substance par le stade
d'usure, à identifier l'étiologie par le type d'usure, à mieux décoder les parafonctions orales
par la situation de l'usure confrontée aux rapports d'occlusion. Toute information pertinente
issue d'une observation est toujours liée à la reconnaissance d'image (matching cérébral) et
à son intégration dans une classification essentiellement fondée sur des critères objectifs.
C'est pourquoi la notion de « cartographie » souligne dans ce chapitre des classifications
intégrant des critères de reconnaissance morphologique. A partir de cette cartographie, le
chapitre 18 proposera de visualiser les possibilités thérapeutiques par collage dans le but
d'influencer les parafonctions manducatrices.

Relations canines
La compréhension des relations occlusales est nécessaire pour interpréter correctement des
facettes d'usures.

Sur le plan sagittal


L'anatomie occlusale molaire ou canine montre que nos arcades sont faites pour s'engrener
au niveau des dents cuspidées avec une mésioposition mandibulaire d'une cuspide (classe 1
8 Cartographie des facettes d'attrition

Classe 1 Classe 2
Contact
en O. I. M

a b
4a, b. Relation occlusale de classe 1 (a) et de classe 2 d'Angle totale (b). Le point de contact en OIM
de la canine mandibulaire se situe en mésial (classe 1) ou en distal (classe 2) de l'arête centrale de la
canine maxillaire.

d'Angle). Dans ce cas, en diduction, la canine mandibulaire glisse en mésial de l'arête cen-
trale ou linguale de la canine maxillaire. En classe 2 d'Angle, la canine mandibulaire glisse en
distal de l'arête linguale de la canine maxillaire, ce qui induit des rétrofonctions susceptibles
109
d'être responsables de distensions ligamentaires au niveau de l'ATM (fig. 4a-b).

Sur le plan vertical et transversal


Selon la position relative des canines antagonistes, on distinguera (fig. 5, 6a-b et la-c) :
• le guidage fonctionnel, la relation intercanine en OIM est favorable à l'établissement
d'un guidage canin fonctionnel :
-contact en OIM;
- recouvrement d'au moins 3 mm permettant le guidage;
-surplomb d'au moins 3 mm permettant la liberté de mouvement ;
-absence d'interférence occlusale postérieure (par malposition dentaire postérieure).
• le guidage afonctionnel (sous-guidage), par béance (anomalie verticale) ou surplomb
excessif (anomalie transversale) :
-absence de contacts antérieurs en OIM;
- interférence occlusale postérieure toujours présente.

5. La fonction de guidage est classée en trois situations suivant la relation des dents antérieures
antagonistes (1) (2).
Le Bruxisme tout simplement

• le guidage dysfonction ne! (surguidage), les mouvements de translation sont verrouillés,


on parlera d'interférence antérieure :
-contact en 0/M sur la face vestibulaire de la dent mandibulaire
et non au niveau de sa pointe cuspidienne;
-absence de surplomb (inférieur à de 2 mm);
- la trace de guidage se situe sur la face vestibulaire mandibulaire.

110 6a,b. Sous-guidage au niveau de 13 (a), un collage composite


pourra facilement optimiser durablement la fonction de guidage (b).

7 a, b. Surguidage incisif signé par les traces de guidage sur la face vestibulaire mandibulaire;
l'optimisation simple est impossible.

Types dl usure et étiologie


Les phénomènes d'usure occ/usa/e peuvent être la conséquence de phénomènes étiolo-
giques différents se traduisant par différentes formes d'usure excluant les processus carieux.
Des modèles étiologiques sont proposés (bien entendu, ils sont souvent associés).
Érosion : usure par dégradation chimique. Les zones érodées sont de forme concave, avec
des bords dentinaires diffus laissant des bords d'émail souvent vifs (s'ils ne sont pas lissés
par attrition).
8 Cartographie des facettes d'attrition

8. Attrition de stade 2 : sur la 13, facette à surface 9. Usure (attrition) de stade 3 sur la 33
plane d'émail, à bord net, avec une parcelle de et de stade 4 sur 31 et 41.
denti ne exposée.

Abrasion : usure mécanique par frottement répétitif d'une structure ou d'une substance
exogène plus ou moins dure (alimentation abrasive par exemple). En règle générale, cette
usure indirecte montre des surfaces dentaires plutôt planes, élargies au-delà des zones de
contacts occlusaux, sans limites bien précises, les bords ayant tendance à être diffus. 111
Attrition : usure mécanique par frottement direct dent sur dent (bruxisme de forme grin-
cement). La facette d'attrition est limitée aux surfaces occlusales, sa surface est plane, cir-
conscrite par des bords nets, en congruence occlusale, c'est-à-dire en correspondance avec
une surface usée antagoniste (sauf migration).
Remarque : le terme « facette » (tacet, en anglais), défini en français comme une « petite
surface plane délimitée par des bords nets à angles vifs », correspond bien à une zone
d'usure par frottement. Il est curieux que l'on nomme « facette » une « plaquette », souvent
en céramique, collée sur la face vestibulaire d'une dent!

Usure et âge
Le caractère de gravité, et donc l'indication d'une d'intervention, est directement lié à l'âge
du sujet. Des usures importantes chez un sujet âgé ne sont pas inquiétantes. Des usures
importantes chez un sujet jeune ne doivent pas être négligées, mais cela ne signifie pas que
la porte soit ouverte à des interventions invasives.

Stades de l'usure
Il existe de très nombreuses classifications de l'importance des usures occlusales. Une
approche simple où la perte de substance en volume est qualifiée suivant quatre stades.
Stade 1 : usure limitée à l'émail.
Stade 2 : usure laissant apparaître des zones parcellaires de dentine exposée (fig. 8).
Stade 3 : perte de substance étendue, mais restant inférieure à un tiers du volume
coronaire (fig. 9).
Stade 4 : importante perte de substance supérieure à un tiers du volume coronaire .
Généralement, les stades 1 et 2 n'indiquent pas de prise en charge.
Le Bruxisme tout simplement

Usure maxillaire ou mandibulaire?


Dans le secteur antérieur, les usures sont souvent plus importantes au niveau maxillaire alors
que, paradoxalement, elles semblent avoir plus de capacité d'absorption élastique (paro-
donte plus souple). On peut expliquer ce phénomène par différents facteurs :
-surface de frottement alimentaire (abrasion) plus importante;
-exposition aux agressions chimiques (érosion) plus grande;
-épaisseur d'émail plus fine sur la face linguale que sur le bord libre mandibulaire;
-dents maxillaires surface fi xe alors que les dents mandibulaires sont sur une base mobile.
Mais on observe également des usures mandibulaires marquées, probablement en relation
avec un principe de base : « le plus faible cède » ou la loi du plus fort! Par exemple, les
incisives mandibulaires résistent bien tant qu'elles sont protégées par leur collerette d'émail,
mais avec un stade d'usure avancée. Leur faible diamètre les rend plus faibles (fig. 10-13).

État de surface de la zone d'usure


Si l'analyse des moulages met en évidence des zones d'usure parfois minimes, l'observation
clinique attentive peut relever la brillance d'une facette d'attrition lustrée par le frottement.

112_
__ __
,.,.

1O. Usure antérieure maxillaire très marquée 11. Dans un mode mixte érosion-attrition, l'usure
avec un facteur érosif important. antérieure maxillaire est nettement plus marquée
qu'au niveau mandibulaire.

12. Dans un mode attrition majoritaire, l'usure 13. Dans un mode attrition-abrasion, le contexte
antérieure maxillaire est plus marquée qu'au fonctionnel et parafonctionnel modèle les faces
niveau mandibulaire. occlusales selon le principe du maillon faible.
8 Cartographie des facettes d'attrition

14. Facette d'attrition brillante caractérisant un état


de surface très poli et donc un bruxisme de grincement
en activité.

La brillance signerait un bruxisme par grincement


« en activité » (fig. 14). À l'inverse, les zones
d'usure par érosion ou par abrasion ne sont pas
lisses (aliment abrasif ou meulage iatrogène) et
les facettes d'attrition anciennes sont rendues
mates par la mastication.

Cartographie de la facette
Dimension, inclinaison et localisation par rapport au contact occlusal en OIM
Onodera et coll. [3] et Sugimoto et coll. !41 révèlent deux configurations différentes observables
entre la zone de grincement (facette d'attrition) et la situation du point de contact en occlusion
d'intercuspidie maximale (OIM). Bien sûr, il existe des situations mixtes, mais la compréhension de
ces deux configurations permet d'identifier deux modes différents de fonctionnement, le mode
concentrique et le mode excentrique :
- la facette concentrique (C F) englobe le point de contact en OIM; 113
-la facette excentrique (EF) n'englobe pas le point de contact en OIM.

Facettes concentriques (CF)


L'usure se développe à partir de et vers I'OIM . Le guidage est fonctionnel, la facette d'attrition
englobe le contact en OIM, son inclinaison est à tendance verticale (environ 45°) dans les stades
d'usure peu avancés. On distingue :
- CFe: facette concentrique peu étendue concernant uniquement l'émail (fig. 15-16);
- CFd : facette concentrique avec exposition dentinaire nette (fig. 11) ;
- CFw : facette concentrique large ne laissant qu'une collerette d'émail, concernant souvent
plus d'un tiers de la hauteur coronaire. Souvent, ces facettes larges sont concaves du fait de la
charge masticatoire associée le plus souvent à des phénomènes érosifs (fig. 18-19).

15. Cfe- facette concentrique limitée à l'émail : 16. Cfe- facette concentrique: la facette
patiente de 22 ans, facette brillante sur la 13, la d'attrition inclut le point de contact en OIM
surface d'attrition sans exposition dentinaire est (facette concentrique avec faible exposition
à tendance verticale, elle inclut la zone du contact dentinaire, l'émail reste largement majoritaire).
en OIM (point bleu).
Le Bruxisme tout simplement

17. CFd -facette concentrique dentine exposée : 18. CFw- M facette concentrique étendue:
la facette d'attrition verticale inclut le point de la facette d'attrition est large, à tendance
contact en OIM avec une exposition dentinaire horizontale, elle inclut le contact en OIM.
nette (sujet de 55 ans). La surface la dentinaire exposée, largement
supérieure à la collerette d'émail, est souvent
légèrement concave exposée à l'abrasion
et à l'érosion alimentaire.

114
19. Facettes concentriques
(CF) : initialement à
tendance verticale, la
facette concentrique,
incluant le contact en OIM,
l'usure élargie la surface
en s'horizontalisant,
en même temps qu'une
fonction groupe, s'étend.
(e = limité à l'émail; d =
exposition dentinaire nette;
w = usure étendue).

Facettes excentriques (EF)


Dans cette configuration, l'usure s'étend à partir de la pointe canine. La facette d'attrition
est située à distance du contact en OIM, elle a d'emblée une orientation plutôt horizontale.
Cette dernière configuration indique que la mandibule « saute » I'OIM pour venir grincer
directement en bout à bout. La mandibule semblerait comme empêchée de glisser facile-
ment entre la pointe canine et le point de contact en OIM, soit du fait d'un sous-guidage,
soit d'un surguidage. On distinguera ainsi plusieurs configurations de la facette excentrique:

• Facette excentrique afonctionnelle - sous-guidage (AEF)


Le guidage est afonctionnelle plus souvent par béance ou surplomb excessif, parfois du fait
d'une interférence occlusale postérieure par malposition dentaire. Le sujet vient se position-
ner en bout à bout canin pour exercer sa parafonction occlusale excentrée. Très souvent,
la présence simultanée d'un contact occlusal postérieur (dit équilibrant) du côté travaillant
8 Cartographie des facettes d'attrition

20. AEFe- facette excentrique afonctionnelle: 21. AEFd -facette excentrique afonctionnelle : la
la facette d'attrition, uniquement sur l'émail, facette d'attrition, exposant la dentine, se situe à
se situe à distance du contact en OIM. (le contact distance du contact en OIM. (le contact en OIM est
en OIM est présent sur la 12). présent sur la 12).

22. AEFd- facette excentrique


afonctionnelle : la facette d'attrition
très horizontale expose la dentine,
la 13 est sans contact en OIM. 115
ou non travaillant, stabilise la position
mandibulaire favorisant ainsi cette
parafonction en position excentrée.
AEFe : facette excentrique afonction-
nelle, intéresse uniquement l'émail de
la pointe cuspidienne (fig. 20)
A EFd :facette excentrique afonction-
nelle avec exposition dentinaire éten-
due (fig. 21-22)
AEFw : facette excentrique afonc-
tionnelle le plus souvent horizontale,
la surface exposée est majoritaire-
ment dentinaire, souvent concave du
fait de la charge masticatoire associée
le pl us souvent à des phénomènes
érosifs. Il ne reste souvent qu'une col-
lerette d'émail (fig. 23).

23. Facettes excentriques


afonctionnelles (AEF) : absence de
contact OIM par surplomb excessif
ou béance; la mandibule cherche un
appu i excentré en bout à bout canin
(e =limité à l'émail; d =exposition
dentinaire; w =usure étendue).
Le Bruxisme tout simplement

• Facette excentrique dysfonctionnelle- surguidage (DEF)


Le guidage est dysfonctionnel (surguidage), caractérisé par une absence de surplomb et
une pente de guidage très inclinée (> 60 °) verrouillant la diduction . Le plus souvent, dans
les situations de surguidage on n'observe pas de facette d'usure, la position mandibulaire
excentrée étant très complexe à stabiliser : la pente canine représente une sorte de tobog-
gan alors que la mandibule en appui sur le sommet de la canine n'est jamais stabilisée par
un contact occlusal postérieur simultané (fig. 24a-b). Mais, parfois, on observe des facettes
d'usure occlusale (sur la pointe canine maxillaire); ce bruxisme en bout à bout sur une
pointe canine aiguë ne s'explique que par un fort recrutement musculaire avec une inhibi-
tion des réflexes proprioceptifs de protection évoquant une boucle sous-corticale réflexe
« courte », en rapport éventuellement avec certaines sorties brutales de phases de sommeil.

116

24a,b. Guide antérieur dysfonctionnel: l'occlusion antérieure est serrée, sans surplomb, le verrouillage
antérieur crée une forte instabilité mandibulaire en dehors de I'OIM, laquelle empêche tout bruxisme
excentré, les pointes canines sont intactes. On note une surface de surguidage sur la 33 (b).

25. DE Fe- facette excentrique dysfonctionnelle 26. DEFe- facette excentrique dysfonction ne lie
limitée à l'émail : petite facette sur la pointe de limitée à l'émail : la surface d'attrition est
la 13, la surface d'attrition limitée à l'émail est horizontale, limitée à l'émail. Il n'y a pas de
horizontale, Il y a un contact canin en OIM, mais contact canin en OIM par linguoversion de 43.
la pente de guidage est très verticale (surguidage) La linguoversion de la 13 crée une pente abrupte
(sujet de 45 ans). (surguidage). Le contact en OIM est présent sur
la 14 (sujet de 24 ans).
8 Cartographie des facettes d'attrition

27. DEFd -facette excentrique dysfonctionnelle 28. DEFd- facette excentrique dysfonctionnelle
dentinaire : la facette d'attrition se situe à distance dentinaire : la facette d'attrition sur la 13 expose
du contact en OIM qui est furtif avec une zone de largement la dentine, il existe une surface de
surguidage en rouge. contact en OIM. Avec la fac!i! vestibulaire de 43.
La pente de guidage, initialement très verticale,
a tendance à diminuer avec l'usure.

117
29. DEFw -facette
excentrique dysfonctionnelle
étendue : la facette
d'attrition très étendue
englobe une large surface
de contact en OIM. L'usure
concerne la 23 et la 33. Les
édentements postérieurs
ont accéléré le processus.
(doc. Dr M. Laurent).

DEFe : facette excentrique dysfonctionnelle, intéresse uniquement l'émail de la pointe cus-


pidienne (fig. 25-26).
DEFd: facette excentrique dysfonctionnelle avec exposition dentinaire étendue (fig. 27-28).
DEFw : facette dysfonctionnelle, large ne laissant qu'une collerette d'émail, concernant
souvent plus de un tiers de la hauteur coronaire. Si la facette a tendance à être moins incli-
née, la pente reste notable (fig. 29-30).
Le Bruxisme tout simplement

30. Facettes excentriques


dysfonctionnelles (DEF) : absence
de surplomb, le contact en OIM
est soit absent soit sur une surface
verticale. La mandibule peut
chercher un appui excentré en bout
à bout canin (e = limité à l'émail;
d = exposition dentinaire;
w = usure étendue). Zone de
surguidage en rouge.

Conclusion
La lecture des facettes d'attrition au niveau des canines permet d'associer le niveau du
118 bruxisme de grincement au type de fonction de guidage. Le chapitre 18 montre que cer-
taines formes de sous-guidage se prêtent facilement à une optimisation par collage, alors
que les surguidages demandent souvent des approches thérapeutiques invasives, seu le une
détérioration rapide pourrait en indiquer la correction .
• Une facette d'attrition excentrique, horizontale localisée à la pointe canine, en dehors du
contact en OIM, incite à rechercher une anomalie de guidage (surguidage ou sous-guidage)
• Une facette d'attrition n'est pas inquiétante sauf si elle s'étend nettement à la dentine
chez un sujet jeune.

BIBLIOGRAPHIE
1. Orthlieb JD. Relation incisive: Analyse 3. Onodera, K, Kawagoe. T, Sasaguri, S,
fonctionnelle. Collège Natl Occlusodontologie. Sato S. The Use of a BruxChecker in the
1989;1:19-27. Evaluation of Different Grinding Patterns
2. Orthlieb JD, Darmouni L, Jouvin-Darmouni During Sleep Bruxism. Cranio. 2006;
J, Pédinielli A. Dysfonctions occlusales : 24(4):292-9.
anomalies de l'occlusion dentaire humaine. 4. Sugimoto K, Yoshimi H, Sasaguri K,
Encycl Méd-Chir- Médecine Buccale. 2013;28- Sato S. Occlusion Factors lnfluencing the
160:1-11. Magnitude of Sleep Bruxism Activity. Cranio.
2011;29(2):127-37.
Répercussions du reflux
gastro-œsophagien
119
Pietro Dulbecco, Massimo Conio
Traduit de l'italien par Gérard Duminil

Ce chapitre, rédigé par deux gastro-entérologues décrit de façon détaillée la maladie du


reflu x gastro-œsophagien (RGO). L'intérêt pour le chirurgien-dentiste de la compréhension
de cette pathologie réside dans le fait que certaines manifestations cliniques d'érosion den-
taire peuvent être rapportées au RGO. Ce reflux survient généralement la nuit alors que
des épisodes de bruxisme peuvent aggraver la destruction dentaire en présence d'acide.
L'observation de ces lésions doit amener le praticien à compléter l'interrogatoire du patient
sur d'autres symptômes éventuellement présents. Compte tenu de certains aspects évolutifs
du RGO il est souhaitable de référer le patient à un gastro-entérologue afin de poser un
diagnostic précis qui pourra éventuellement mettre en œuvre la thérapeutique appropriée.
Le Bruxisme tout simplement

Épidémiologie
Le reflux gastro-œsophagien se définit comme « une situation clinique qui se produit
lorsque le reflux du contenu de l'estomac dans l'œsophage provoque des symptômes et/ou
des complications gênantes ». Ce n'est pas une entité simple, mais cela englobe un large
éventail de conditions cliniques, qui peuvent varier du reflux symptomatique sans lésions
muqueuses jusqu 'à des lésions de la muqueuse avec des complications telles que les ulcères,
les sténoses et l'œsophage de Barrett (OB) [1].
L'hétérogénéité des formes cliniques et pathologiques rend difficile leur cadre épidémiolo-
gique précis. Afin de fournir des données épidémiologiques sur la prévalence du RGO dans
la population générale, dans la plupart des études, menées principalement aux États-Unis,
seule a été prise en compte la présence du symptôme le plus souvent rapporté par des per- ·
sonnes souffrant de RGO : les brûlures d'estomac.
En 2005, une revue systématique de l'épidémiologie du RGO, obtenu à partir de l'ana-
lyse de quinze études, dans lesquelles la maladie a été estimée à partir de l'apparition des
brûlures d'estomac et/ou des régurgitations hebdomadaires, a montré une prévalence de
10-20% aux États-Unis et Europe, et de 5% en Asie [2] . L'incidence, toutefois, correspond
à 5 %o sujets/an [2].
120 En 2014, EI-Serag et collaborateurs [3] ont mis à jour les données épidémiologiques du RGO
en ajoutant aux quinze travaux précédents seize études publiées entre 2004 et 2011 . La
prévalence estimée de RGO était respectivement de 18-28% en Amérique du Nord, 8,8-
26% en Europe, 2,5-7,8% en Asie, 8,7-33% dans le Moyen-Orient, de 11 ,6% en Australie
et 23% en Amérique du Sud. Ces données épidémiologiques ont montré, par consé-
quent, une augmentation d'environ 50% de la prévalence du RGO définie sur la base de
la présence hebdomadaire depuis 1995, et que la prévalence est demeurée relativement
constante au fil du temps. Les pourcentages de prévalence du RGO (tableau 1) sont définis
selon l'apparition des brûlures d'estomac ou de régurgitation hebdomadaire.
Au cours des dernières années, cependant, il est apparu, dans le cadre de la RGO, un
nouveau critère qui a permis de reconsidérer l'ancien paradigme disant que l'œsophagite
érosive était la principale manifestation clinique de RGO.
Ce nouvel aspect est constitué par le RGO sans œsophagite, autrement connu comme NERD
(Non-Erosive Reflux Esophagitis). Il est défini en fonction de l'apparition des symptômes du
RGO dus à la présence d'acide dans
l'œsophage, et en l'absence de lésions
muqueuses visibles au cours de l'exa-
men endoscopique [21]. Cette situa-
tion représente environ 60 à 70% des
cas de RGO (fig. 1).
En outre, les patients atteints de
NERD, même s'ils diffèrent de ceux
• NERD
avec œsophagite sont plus jeunes • Œsophagite érosive
(moyenne d'âge entre 30 et 40 ans), • Complications
plus maigres, et appartiennent prio-
ritairement au sexe féminin; ils ont
cependant, des symptômes tout à 1. Répartition clinique du RGO.
Répercuss ions dentaires du reflu x gastro-œsophagien

Tableau 1 - Prévalence des symptômes du reflux gastro-œsophagien


dans la population générale
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lB' 1.1• iiF.il om
lifol"iltltlliiF.U' om

Amerique du Nord
Locke/ Questionnaire 2073 17,8%
États-Unis [4] postal
Locke/ Questionnaire 2118 17,4%
États-Unis [S] postal
Tall ey/ Questionnaire 1 021 13,2%
États-Unis [6] postal
EI-Serag/ Questionnaire 915 25,2%
États-Unis [7] postal
Jung/ Questionnaire 4194 18,1%
États-Unis [8] postal
Eu rope 121
Isola uri/ Questionnaire 2500 14,8% 14,5%
Finl ande [9] postal
Va lle/Italie [10] Entretien 768 7,7% 6,6%
médical
Diaz-Ru bio/ Entretien 8686 9,8%
Espagne [11] téléphonique
Lofdahl/ Questionnaire 2373 8,8%
Su ède [12] postal
Ro nkainen/ Questionnaire 1365 20%
Suède [13] postal
Za gari/ltalie [141 23,7%
Moyen-Orient
Nouraie/lran [15] Entretien 3019 21,2%
téléphonique
Mostaghni/lran [16] Entretien 748 33,1%
médical
Asie
Hu/Chine [171 Entretien 2640 4,8%
téléphonique
Wang/Chine [18] Entretien 3605 2,5
téléphonique
Pa n/Chine [19] 5000 3,1%
Chen/Chine [20] Entretien 3 514 2,2% 7,0% 7,8%
médical
Le Bruxisme tout simplement

fait comparables en termes de


fréquence et d'intensité [21]. Le
NERD peut évoluer, au moins
chez une partie des patients,
vers des degrés plus légers de la
maladie érosive [22] .
Pour ce qui concerne la pré-
valence de l'œsophagite éro-
sive, les pourcentages varient
entre 3 et 23 % [23-24]. Cette
variabilité est liée à la fois aux
caractéristiques de l'échantillon
examiné, ainsi qu'à la zone géo- 2. Principe du reflux gastrique.
graphique d'origine.
En analysant les données sur l'épidémiologie du RGO, il est donc nécessaire d'exami ner cer-
tains facteurs génétiques, environnementaux et/ou concomitants (tableau 2), qui peuvent
affecter la gravité des symptômes et donc changer la prévalence réelle de cette maladie.

122 Physiopathologie du RGO


Dans le RGO, le facteur pathogène le plus important est représenté par le reflux du contenu
gastrique, notamment l'acide, dans l'œsophage pour une période de temps excessive par
rapport à la capacité de tolérance de l'œsophage lui-même. Il semble donc clair que le RGO
connaît une pathogenèse multifactorielle due à un déséquilibre entre les facteurs défensifs
normaux et ceux agressifs.
Les facteurs défensifs sont l'efficacité du sphincter inférieur de l'œsophage et de sa synchro-
nisation avec la partie crurale anatomique du diaphragme (sp hincter externe) [25-26), l'effet
tampon de la salive [27], la production de mucus et de bicarbonate [27], l'activité péristal-
tique œsophagienne (clearing) [27], la contiguïté de la couche de cellules épithéliales [281
(jonctions serrées), et une vidange gastrique adéquate [29].
Les facteurs agressifs sont l'acidité du reflu x gastrique [30), son volume, la présence simulta-
née des composants duodénaux tels que la bile et des enzymes pancréatiques [31] .

Tableau 2- Facteurs associés au RGO


Facteurs génétiques Facteurs démographiques Facteurs environnementaux

Histoire familiale Grossesse Tabagisme


de RGO
Âge Café
Indice de masse corporelle Alcool
Éducation Médicaments (antagonistes
-Ca, nitrates, benzodiazepine,
théophiline, anticolinergiques,
AINS, aspirine
Infection par Helicobacter pylori
9 Répercussions du reflux gastro-œsophagien

3. Différentes formes cliniques de la hernie hiatale.


Le mécanisme le plus important à l'origine du reflux gastrique dans l'œsophage est la
relaxation inappropriée, qui n'est pas liée à la déglutition, du sphincter inférieur de l'œso-
phage, ce qui est la cause du reflux dans 65% des patients atteints de RGO [32) (fig. 2).
Les autres 35% des épisodes de reflu x sont consécutifs à une augmentation soudaine de 123
la pression intra-abdominale qui peut dépasser les capacités d'obturation du sphincter ou à
une diminution progressive, mais réversible de la tonicité du sphincter œsophagien inférieur
aux valeurs abdominales.
Il a récemment été réévalué l'importance pathogénique de la hernie hiatale dans le RGO [33).
Il a été démontré que la hernie hiatale conduit à une désynchronisation des deux sphinc-
ters (interne et externe), la hernie représente ainsi un réservoir intrathoracique d'acide, qui
peut être reflué dans l'œsophage immédiatement après la vidange de l'œsophage (clearing)
(fig. 3).
Chez les patients avec NERD, pour expliquer l'apparition des symptômes, il a été mis en
cause un élargissement des espaces intercellulaires [34) . Cette hypothèse, cependant, ne
fournit qu'une explication partielle de la relation entre la genèse des symptômes et les épi-
sodes de reflu x, car la NERD comprend des groupes hétérogènes de patients.

Signes cliniques du RGO


La classification de Montréal [11 (tableau 3) distingue le spectre clinique du RGO en deux
groupes principaux :
- syndromes œsophagiens;
- syndromes extra-œsophagiens.
Les syndromes œsophagiens sont en outre divisés en syndromes symptomatiques sans
lésions de la muqueuse et syndromes symptomatiques avec lésions de la muqueuse, tandis
que les syndromes extra-œsophagiens sont divisés en formes dans lesquelles l'association
de RGO est suffisamment certaine et en formes dans lesquelles une telle association ne
peut se concevoir.
Le symptôme le plus fréquent et caractéristique du RGO est la brûlure d'estomac rétroster-
nale. Il est rapporté par les patients comme une sensation de brûlure en arrière du sternum,
Le Bruxisme tout simplement

souvent irradiant à partir de la région épigastrique jusqu 'à la gorge. La brûlure d'estomac
apparaît souvent en relation avec les repas et, chez certains patients, elle peut même être
corrélée avec l'absorption d'aliments spécifiques (alcool, boissons gazeuses, café, aliments
épicés et gras .. .), ceci avec une énorme variabilité individuelle. Souvent, le RGO peut sur-
venir soit en position couchée sur le dos, soit le tronc penché en avant ou aussi lors d'un
exercice physique intense.
Un autre symptôme œsophagien typique est la régurg itation qui constitue la remontée
du contenu gastrique depuis l'estomac vers l'œsophage, jusqu'au pharynx. Le patient a la
sensation dans la bouche du retour des aliments non digérés, parfois de seulement un goût
acide. Cela se produit généralement après les repas, après l'ingestion de boissons gazeuses.
Des symptômes compatibles avec le syndrome de colopathie fonctionnelle (de vagues dou- .
leurs abdominales, des changements dans le nombre et la consistance des selles, ballon-
nements intestinaux, le mucus mélangé avec des matières fécales), ainsi que des troubles
dyspeptiques (ballonnements épigastriques, la lourdeur postprandiale épigastrique, la
satiété précoce, l'éructation) sont présents dans environ 50% des patients avec NERD et
œsophagite érosive [35].
Les syndromes extra-œsophagiens qui se sont révélés être en corrélation avec le RGO sont
représentés par :
124
-la tou x ;
- la laryngite;
-l'asthme;
- les érosions dentaires.
C'est l'érosion dentaire qui nous intéresse plus particulièrement. Elle peut être considérée
comme la principale manifestation orale du RGO. Elle a été définie par Pindborg [36] comme
« la perte de tissus durs de la surface de la dent en ra ison d'un processus chimique qui ne
comporte pas l'action des bactéries ». Bien qu'il ait été largement démontré qu'en raison
des maladies ci-dessus la présence de HCI dans la cavité buccale est en corrélation avec
l'érosion, il existe, dans la littérature, de grandes différences de prévalence de ces lésions

Tableau 3 - la classification du RGO selon Montréal


Syndrome œsophagien Syndrome extra-œsophagien
Syndrome Syndrome Association confirmée Pharyngite
symptomatique avec lésion
muqueuse
Syndrome typique Œsophagite Toux liée au reflux Sinusite idiopathique
du reflux
Syndrome du Sténoses Laryngite liée au reflux Fibrose pulmonaire
reflux avec douleur idiopathique
thoracique
Œsophage Asthme lié au reflux Otite moyenne
de Barrett récurrente
Érosion dentaire
liée au reflux
,;
Ill"""""

9 Répercussions du reflux gastro-œsophagien

' dentaires chez les patients atteints de RGO. La prévalence de l'érosion dentaire dans l'échan-
tillon de sujets souffrant de RGO est comprise entre 5 et 47 %, avec une valeur moyenne de
32,5% (tableau 4). Le pourcentage le plus élevé a été constaté dans les études où le RGO
a été défini sur la base des symptômes rapportés par les patients, tandis que le pourcentage
le plus faible a été observé dans ceux qui ont utilisé les seuls critères endoscopiques.
Les études qui ont évalué la prévalence du RGO chez les patients atteints d'érosion dentaire,
cependant, ont montré des taux compris entre 21 % et 83% en fonction de la méthode
utilisée pour définir le RGO (tableau 5).
Le tableau 6 résume les facteurs qui déterminent la variabilité de la prévalence de l'érosion
dentaire.
Les facteurs responsables de l'acidité à l'intérieur de la bouche provoquant ainsi l'érosion
dentaire sont multiples et peuvent être divisés en facteurs intrinsèques ou extrinsèques.

Facteurs intrinsèques
L'érosion dentaire est provoquée le reflux gastro-œsophagien [46]. Les acides qui remontent
en bouche déminéralisent la structure amélaire. L'acide chlorhydrique (HCI), en fait, a une
valeur de pH comprise entre 1,0 et 1,5, tandis que le niveau critique de dissolution de l'émail
dentaire est à un pH de 5,5.

Facteurs extrinsèques [47-48]


125
Ils sont représentés par la consommation de certains aliments ou boissons avec un taux
élevé d'acidité. Les aliments acides sont très fréquents dans le régime alimentaire, car sou-

Ta-bleau 4 - Prévalence de l'érosion dentaire chez les sujets présentant un RGO


Ét ude Nbre de patients Méthode de %
avec RGO diagnostic du RGO
M unoz [37] 181-171-78 Symptômes-pH-métrie- 47
endoscopie
M eurman [38] 117 Symptômes 16
Sc hroeder [39] 20-30 pH-métrie pendant 24 h 40
Lo ffeld [40] 293 Endoscopie 33
Ja rvinen [41] 35 Endoscopie 5
0 ginni [42] 125 Symptômes 16

Ta bleau 5- Prévalence du RGO chez les sujets présentant des érosions dentaires
Ét ude Nbre de patients Méthode de %
avec érosion dentaire diagnostic du RGO
Ba rtlett [431 36 pH-métrie pendant 24 h 64
Gr egory-Head [441 20 pH-métrie pendant 24 h 50
Gudmundsson [45] 14 pH-métrie pendant 24 h 21
Sc hroeder (groupe de patients 12 pH-métrie pendant 24 h 83
av ec érosion dentaire) [39]

...._____
Le Bruxisme tout simplement

vent l'acidité est la base de bon goût


d'un aliment, comme dans le cas
des tomates. L'important est non
seulement la fréquence à laquelle
vous consommez des aliments ou
des boissons acides, mais aussi le
mode d'application : la coutume,
par exemple, de siroter un verre en
le consommant dans un temps plus
ou moins long expose à une attaque
continue des dents. Cela arrive
parce qu'on ne laisse pas le temps
de la capacité tampon de la salive 4. Importantes érosions au niveau
des dents postérieures.
pour ramener le pH à un niveau de
nature à permettre à la reminéralisation de la dent.
Dans les premiers stades, le seul signe peut être la perte de la surface glacée de l'émail.
L'érosion est difficilement détectable dans les stades initiaux, jusqu'à ce qu'apparaisse la
dentine au travers de l'émail aminci . Les surfaces dentaires les plus concernées par le reflu x
126 sont les faces linguales des molaires et prémolaires maxillaires. L'émail et la dentine endom-
magés par le reflu x acide deviennent plus sensibles à l'abrasion, jusqu'à risquer l'exposition
de la pulpe dentaire. Les zones érodées sont généralement dures, lisses, contrairement aux
caries qui généralement présentent un fond sombre et des bords irréguliers. En outre, l'alté-
ration importante de la structure de la dent entraîne une modification de l'anatomie occlu-
sale, et des douleurs liées à la proximité pulpaire (fig. 4). Chez les patients présentant des
érosions dentaires, il a aussi été démontré une faible capacité tampon de la salive [50]. Cette
dernière a un pH neutre et contient des sels de calcium et de phosphate qui remplissent
la fonction d'entretien . Dès l'instant où une substance acide est présente à l' intérieur de la
bouche, la salive « prend » le calcium et le phosphate des dents pour ramener le pH à un
état de neutralité. Il est important de se rappeler que des variations diurnes se produisent
dans le flux sa livaire, et donc de la capacité de pouvoir tampon . Cette capacité est encore
plus réduite au cours de la nuit quand il y a une réduction du nombre de déglutitions alors
que la position couchée sur le dos prédispose à des épisodes de reflux de longue durée. Les
patients présentant des érosions, dans le cas de suspicion de RGO, devraient être référés à
un gastro-entérologue pour de plus amples examens.

Tableau 6 - Facteurs déterminant la variabilité de la prévalence de l'érosion dentaire

Variabilité indépendante Variabilité dépendante


de l'opérateur de l'opérateur
Fréquence de la régurgitation Indice d'évaluation utilisé
Durée de la pathologie (RGO) Dimension de l'échantillon de référence
Pouvoir tampon salivaire Difficulté d'identification des lésions érosives
Friction linguale sur les dents Difficulté de diagnostic différentiel entre attrition et abrasion
Déglutition Présence de restaurations prothétiques
Phonation
Répercussions dentaires du reflux gastro-œsophagien

Parmi les syndromes avec lésions de la muqueuse, on distingue les œsophagites érosives, les
sténoses œsophagiennes et l'œsophage de Barrett (OB).
L'œsophagite érosive, qui représente environ 30-35% des formes de RGO, a été diver-
sement classée. En 1994, une nouvelle classification a été créée, connue sous le nom de
classification de Los Angeles (tableau 7).
Dans cette classification, on décrit quatre degrés de gravité, sur la base de l'extension de la
lésion de l'œsophage [51) .
Il est également convenu que les degrés plus sévères, C et D, sont associés à la formation
des sténoses qui sont générées par rétraction de la cicatrice fibreuse secondaire à la guéri-
son elle-même.
L'OB [52). est un trouble caractérisé par le remplacement de l'épithélium malpighien normal
de l'œsophage avec épithélium métaplasique dû à l'agression du reflux gastro-œsophagien
chronique. Cette métaplasie est un facteur de risque pour le développement d'une dyspla-
sie et par conséquent de l'adénocarcinome de l'œsophage distal, un cancer qui, au cours
des dernières années, a montré une augmentation considérable et significative.
L'OB est une maladie de l'âge adulte qui affecte principalement des Caucasiens, alors qu'il
est rare dans les populations hispaniques, afro-américaines et asiatiques. Les plus touchés
semblent être les individus de sexe masculin, mais on ne sait pas si cette prévalence plus 127
élevée est en relation avec les changements hormonaux ou une répartition différente du
tissu adipeux qui peut influencer les mécanismes pathogènes de reflux. La majorité des
patients atteints de OB ont des symptômes indiscernables de ceux présents dans le RGO,
tels que les brûlures d'estomac et les régurgitations, mais dans 25% des cas, il peut être
diagnostiqué au cours de l'examen endoscopique en l'absence de symptômes spécifiques
et ensuite confirmé histologiquement.

Tâbleau
,.., 7 - La classification de Los Angeles

LA grade A LA grade B

Une ou plusieurs lésions Une ou plusieurs lésions


muqueuses d'une longueur muqueuses d'une longueur
de 5 mm, sans lésion supérieure à 5 mm, sans
muqueuse entre le sommet lésion muqueuse entre
de deux plis. le sommet de deux plis.

Lésions muqueuses Lésions muqueuses


s'étendant entre le touchant au moins 75 %
sommet de deux plis ou de la circonférence
plus, mais touchant moins de l'œsophage.
de 75 % de la circonfé-
rence de l'œsophage.
Le Bruxisme tout simplement

Diagnostic du RGO
La première approche diagnostique pour le patient souffrant de RGO est essentiellement
clinique . Cette approche, en fait, est basée, d'une part, sur la reconnaissance des symp-
tômes typiques, les brûlures d'estomac et les régurgitations, avec une valeur prédictive
positive de 70% environ.
Le tableau 8 résume les avantages, les inconvénients et des indications sur les principales
méthodes disponibles pour le diagnostic de RGO . La pH-métrie, largement utilisée, ne
détecte cependant pas épisodes de reflux non acides ou faiblement acides, et est accablée
par un taux élevé de « faux négatif » chez les patients avec des symptômes typiques qui
peut aller jusqu'à 30-40%. la tendance actuelle est celle d'un remplacement progressif de
cette méthode par la pH-impédancemétrie œsophagienne de 24 heures [57] .
Cette méthode consiste à introduire un cathéter de petit calibre dans l'œsophage. Ce cathé-
ter comporte six paires d'électrodes annulaires espacées de 2 centimètres au travers des-
quelles passe un courant de faible intensité, entraînant ainsi un champ électrique (fig. 5). Le
cathéter est également équipé d'une électrode d'antimoine qui permet d'identifier le type
de reflux acide ou faiblement acide [57] .
Cette technique mesure la variation de l'impédance, qui est inversement proportionnelle
128 à la conductivité électrique, lors du passage d'un bol dans un viscère creux tel que l'œso-
phage [57]. Ainsi, l'impédance augmente au cours du passage d'un bol gazeux qui a une
faible conductivité et est réduite lors du passage d'un bol liquide ayant une grande conduc-
tivité [57] .
Il est ainsi possible de distinguer la direction et la vitesse de propagation d'un bol à l'inté-
rieur de l'œsophage et les différents types de bols (liquide, solide ou gazeux) par les modi-
fications du champ électrique [57].
En effectuant l'impédancemétrie, couplée à la pH-métrie œsophagienne de 24 heures, on
peut classer les patients avec NERD en trois sous-catégories :
1. Patients atteints de NERD qui ont une exposition acide anormale de l'œsophage en
l'absence de lésions visibles à l'endoscopie ;
2. Patients ayant un œsophage hypersensible, avec exposition acide normale, absence de
lésions endoscopiques et avec symptômes positifs pour le reflux acide ou non acide;
3. Patients avec des brûlures d'estomac fonctionnelles (functional heartburn ou FH) ou qui
présentent une symptomatologie positive du RGO malgré une exposition normale à l'acide

Tableau 8- Mesures diététiques et comportementales

Redressement du tronc et de la tête en position allongée au lit


Éviter les repas abondants
Réduire les aliments gras
Éviter le chocolat, la menthe, les oignons, l'ail, les tomates
Éviter les boissons alcoolisées et, surtout, le vin blanc
Réduire le tabagisme
Éviter les vêtements contraignants l'abdomen
Éviter la position pliée en deux
9 Répercussions du reflux gastro-œsophagien

· de l'œsophage distal, association négative des symp-


tômes avec reflux acides ou non acides, absence de
lésions et réponse non satisfaisante à un traitement 17
pharmacologique 15
L'utilité clinique de cette classification est qu'elle per-
met d'expliquer efficacement la cause de l'absence
de réponse à la thérapie avec des inhibiteurs de la
pompe à protons, et d'identifier les deux extrêmes
de vrais patients NERD corrélés à l'acide et ceux ayant
des brûlures d'estomac fonctionnelles. électrode
d'Impédance

Traitement du RGO 7
Le traitement du RGO a deux objectifs différents : 5 électrode pH
• atténuer ou inverser les symptômes causés
par le reflux; 3
• obtenir la guérison de lésions des muqueuses
détectées à l'endoscopie, prévenir la récidive
de l'œsophagite ou de ses complications .
5. Catéther pour la 129
Traitement comportemental pH-impédancemétrie.
De nombreuses études ont montré que la mise en
œuvre de règles alimentaires et comportementales,
résumées dans le tableau 8 permet de supprimer les conditions facilitant le reflux gastro-
œsophagien . Toutefois, ces mesures ne sont pas appuyées par des études scientifiques
rigoureuses [59] .

Traitement médical
Le traitement médical du RGO est l'administration d'inhibiteurs de la pompe à protons (IPP)
qui sont actuellement les médicaments de choix, ayant montré une efficacité dans le traite-
ment du RGO bien meilleure que les antagonistes H2 et prokinétiques 60. Les IPP soulagent
les symptômes et guérissent l'œsophagite dans 80-90% des cas après 4-8 semaines de trai-
tement et préviennent les complications, en particulier l'OB [60]. Cependant, environ deux
tiers des patients avec œsophagite et NERD rechutent six mois après l'arrêt du traitement.
Ces patients nécessitent une thérapie à long terme avec la dose minimale efficace pour
contrôler les symptômes [61].
Chez les patients avec des formes légères, sans récidive de l'œsophagite érosive, il peut
être recommandé la prise de médicament selon les besoins (traitement à la demande) [62].
Environ 40% des patients avec NERD qui ont une mauvaise réponse au traitement par IPP
ont continué de se plaindre de symptômes de reflux [63-64] . Ceci est lié au fait que la popu-
lation se compose de sous-groupes de NERD de patients comprenant à la fois ceux qui ont
un œsophage hypersensible et à la fois ceux qui ont des brûlures d'estomac fonctionnelles,
qui, par définition, ne répondent pas à la thérapie avec les IPP, car ils ne font pas partie du
spectre clinique des syndromes de RGO symptomatique.
Les figures 6-7 représentent les arbres décisionnels pour le traitement de patients atteints
de RGO sans symptômes d'alarme et pour les patients qui ne bénéficient pas de la thérapie
avec IPP65 .
Le Bruxisme tout simplement

6. Arbre décisionnel pour le traitement des patients avec RGO sans signes d'alarme.

Patients avec MRGE


sans signes d'alarme

/
IPP test (IPP à dose
pleme par 10-15 gg

IPP 1 cpr 30 min avant


le pet1t déjeuner pendant 8 sem
!
Fa1ble Probabilité de RGO

/
Résolution complête
Résolution partielle ou
des symptômes
nulle des symptômes

Thérapie

130 de maintenance
IPP double dose 1 cpr 30 mm avant
le petit déjeuner et 1 cpr 30 m1n avant le dmer

IPP IPP à la demande


Résolution Résolution
1 cpr 30mln avant (NERD œsophagite
partielle ou nulle complête
le pet1t déjeuner grade A/B
des symptômes des symptômes
pendant 8 sem

Mesures Thérapie
comportementales de mamtenance
par IPP à double dose

7. Arbre décisionnel du traitement des patients qui ne répondent pas au traitement par IPP.
IPP double dose 1 cpr 3 mm avant le pet1t déjeuner
+ 1 cpr 30 mm avant le dîner pendant 2 mois

pH 1mpédencemétne de 24 H
9 Répercussions du reflux gastro-cesophagien

Le traitement des manifestations extra-œsophagiennes de RGO, même avec des médica-


ments efficaces, tels que les IPP, a été décevant du point de vue clinique. Il est recommandé,
toutefois, de doubler la dose des IPP pendant au moins 3-4 mois de traitement. Le résultat
de ce traitement pourrait être défini comme probable ou pour exclure un lien de causalité
entre les symptômes extra-œsophagiens et RGO [66-68].
En ce qui concerne l'érosion dentaire, il faut rappeler qu'il s'agit d'un processus lent et que
l'approche thérapeutique est différente en fonction de l'importance de la perte de substance.
Lorsque le processus d'érosion est encore réversible, on peut y remédier en modifiant les
habitudes alimentaires; l'utilisation de fluor facilite la reminéralisation de la dent et contre-
carre ainsi le processus de détérioration de l'émail. Il est souhaitable, par conséquent, que
le dentiste et l'hygiéniste dentaire interrogent le patient sur ses habitudes alimentaires afin
qu'ils puissent circonscrire ou diagnostiquer à temps l'érosion dentaire, un phénomène qui
a longtemps été sous-estimé par l'industrie, donnant plus d'importance à la carie ou à la
plaque dentaire.

Traitement comportemental
Tous les aliments ayant un taux élevé d'acidité conduisent à l'érosion de l'émail, et parmi
ceux-ci les tomates, les carottes, les kiwis, le raisin, le vinaigre, ainsi que les boissons ayant
une forte acidité comme les boissons énergétiques, le jus de citron, le jus d'orange, les
sodas, le café (en particulier le prétendu « café américain »), le thé glacé, l'alcool.
131
Il faut également rappeler qu'une substance chaude a une capacité plus érosive parce que
la chaleur augmente (même légèrement) l'acidité, en plus de l'action érosive de la chaleur
elle-même.
Afin de prévenir l'érosion dentaire, il faut conseiller :
•d'éliminer des boissons gazeuses très acides, ainsi que les jus de fruits;
•de boire les boissons acides avec une paille sans siroter;
•de boire beaucoup d'eau, en particulier dans le cas d'hyposialie;
•d'éviter les collations, sauf s'il est possible de se rincer la bouche
ou de se brosser les dents;
• de rincer les dents après les repas uniquement avec de l'eau et d'attendre 30 minutes
avant le brossage pour laisser le temps à la salive de rétablir le pH neutre;
• de choisir du chewing-gum sans sucre;
• d'utiliser un dentifrice fluoré.

Le traitement chirurgical
La décision de traitement chirurgical résulte d'une consultation pluridisciplinaire entre le
gastro-entérologue, le diététicien et le chirurgien.
Ce traitement consiste à :
• la réduction de hernie hiatale, si elle est présente;
• la reconstruction de la partie intra-abdominale de l'œsophage;
• l'amélioration de la fonction du sphincter diaphragmatique;
• l'augmentation de la pression basale du sphincter œsophagien inférieur;
• la réduction de la part des relaxations transitoires spontanées;
Le traitement chirurgical est une stratégie efficace à long terme pour le RGO et a montré
être équivalent à un traitement médical avec IPP dans des études réalisées dans les centres
d'excellence chirurgicale [70].
Le Bruxisme tout simplement

Conclusion
Le chirurgien-dentiste est amené par l'observation d'érosions dentaires suspectes à pressen-
tir l'existence d'un RGO, qui peut être asymptomatique par ailleurs. Il est à même d 'informer
son patient, de lui indiquer les règles d'hygiène alimentaire et comportementale appro-
priées. Il doit aussi lui conseiller de consulter un gastro-entérologue qui pourra investiguer
plus avant, poser le diagnostic précis et mettre en œuvre la thérapeutique appropriée.

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Bruxisme
et dimension verticale
135
Jean-Daniel Orthlieb

La dimension verticale d'occlusion


(DVO) correspond à la hauteur de
l'étage inférieur de la face mesu-
rée entre deux repères, cutanés ou
osseux (par exemple, point sous
nasal et point menton) lorsque les
arcades sont en occlusion d'inter-
cuspidie maximale (OIM). Pour le
choix de la DVO thérapeutique, le
meilleur compromis est obtenu par
la combinaison de différents indica-
teurs . On profitera des potentialités
d'adaptation existantes dans le sens
vertical, pour optimiser les relations
occlusales antérieures et les aspects
mécaniques (rétention, rapport
couronne/racine), pour compenser
1 a, b, c, d, e. L'effondrement de la dimension verticale
d'occlusion est souvent la conséquence d'une histoire
légèrement les typologies sque- dentaire chaotique avec usure, perte de structure,
lettiques et favoriser l'esthétique migration, soins dentaires mal conduits, etc., dont sont
(fig. 1a-e). responsables à la fois le patient et ses praticiens successifs.
Le Bruxisme tout simplement

Diagnostic
La problématique de la DVO en onze types
Depuis 1938 [1], nous devrions savoir que la présence de dents usées ne signifie pas que
la DVO est systématiquement diminuée. Une égression compensatrice, en particulier anté-
rieure, est très fréquemment observée. Pour identifier une perte de DVO, il est plus perti-
nent de rechercher la combinaison d'une perte de calage postérieur avec une perte d'appui
antérieur. Ces pertes de calage so nt le résultat de causes diverses (édentement, érosion,
fracture, délabrement, abrasion, attrition, migration, descellement) ou de sous-occlusion
iatrogénique. On distingue onze types de situations 121 :
Type A - DVO conservée avec perte de calage sectoriel.
Type B - DVO conservée par stop vertical.
Type C- DVO conservée avec usures antérieures.
Type D- DVO conservée avec migrations antérieures.
Type E- Perte de DVO : perte de calage postérieur et antérieur.
Type F- Perte de DVO avec migrations dentaires.
Type G- Perte de DVO avec édentement en quinconce ou encastrement.
136 Type H - Perte de DVO avec usure rapide.
Type 1- Insuffisance par hypodéveloppement vertical
Type J- DVO augmentée avec syndrome d'hyperdivergence squelettique.
Type K- DVO augmentée avec surélévations excessives de certaines réhabilitations .

Maintien de la DVO
Type A - DVO conservée avec perte de calage sectoriel
Simple perte de calage sectoriel. Les dents résiduelles nombreuses maintiennent la DVO par
des stops verticaux largement conservés. Des égressions génèrent souvent des problèmes
d'espace prothétique; il s'agit alors d'un problème de désorganisation du plan d'occlusion
et non de DVO (fig. 2a-c).

2a,b,c. Perte de calage sectoriel, le côté gauche maintien la DVO. La téléradiographie permet de
comprendre qu'il n'y a pas égression de 47, mais prolifération tubérositaire.
10 Bruxisme et dimension verticale

'Type B - DVO conservée par stop vertical


Quelques dents résiduelles non usées, non versées, non migrées maintiennent un stop verti-
cal si le parodonte de ces dents résiduelles résiste encore. Ce maintien reste parfois précaire
(fig. 3-b et 4a-e).

3a, b. Perte de calage bilatéral, deux couples de prémolaires intacts constituent deux stops verticaux
maintenant la DVO, égression de 16,15,25 et 37.

137

4a,b, c,d,e. Perte de calage bilatéral.15,13/44,43 maintiennent éventuellement la DVO. Les extractions
à l'adolescence se traduisent par des égressions majeures en particulier à gauche. Apprécier sur la
radiographie panoramique la situation de l'apex de la 35 par rapport au trou mentonnier, signant
son égression.

Type C- DVO conservée avec usures antérieures


Les dents antérieures sont usées, de faible hauteur coronaire, avec un parodonte épais, une
gencive attachée haute, une ligne des collets abaissée; les dents postérieures sont quasi
intactes [3] . Le sujet à pour habitude de propulser la mandibule pour stabiliser celle-ci sur le
bout à bout incisif. Il serre ou frotte ainsi les dents antérieures, provoque une perte de hau-
Le Bruxisme tout simplement

5a,b,c,d,e,f. Perte
de calage étendu,
mais quelques dents
résiduelles stables
maintiennent la DVO,
malgré une forte
usure par érosion des
antéromaxillaires,
la langue participe
largement au maintien
de la DVO.

138

teur coronaire antérieure d'autant


plus importante que le bruxisme
est associé à des phénomènes
érosifs. S'il n'y a pas de perte de
calage postérieur, la DVO reste
stable puisque les dents posté-
rieures ne sont pas usées. Lorsque
le patient cesse sa parafonction,
libérées du contact en OIM , par
attrition-érosion, les dents anté-
rieures s'égressent, les collets
s'abaissent. On constate souvent 6a, b. Attrition et érosion :
une usure antéro-maxillaire impor- relation occlusale antérieure
tante avec une égression des dents perturbée. Noter sur la
antéro-mandibulaires (fig. 5a-f et téléradiographie l'égression
6a-b). de l'incisive mandibulaire (a),
et sur les moulages en OIM (b),
l'encastrement incisif :
pas de perte de DVO.
10 Bruxisme et dimension verticale

7 a, b. Migration
vestibulaire
des dents
antéromaxillaires,
égression des
antéromandibulaires,
sans perte de calage
postérieur, donc sans
perte de DVO.

Type D - DVO conservée avec migrations antérieures


La migration dentaire antérieure ne s'accompagne pas toujours d'une perte de DVO. Les
dents antérieures peuvent migrer sous l'action de parafonctions, telles l'interposition lin-
guale, labiale ou la succion du pouce, associées ou non à une maladie parodontale, mais les
secteurs postérieurs non concernés maintiennent la DVO (fig. la-b).

Perte de DVO 139


La perte de DVO combine perte
de calage postérieur (bilatérale) et
perte d'appui antérieur. L'ouver-
t ure récente de diastèmes anté-
rie urs associée à une insuffisance
bilatérale de calage postérieur
est caractéristique d'une perte de
DVO.

Type E - Perte de DVO :


perte de calage postérieur
et antérieur
La perte de calage des deux sec-
teurs postérieurs peut se combiner
avec une perte de substance coro-
naire antérieure. JI y a alors perte
de dimension verticale d'occlusion.
La perte de substance coronaire
antérieure peut être due à l'éden-
te ment, au délabrement carieu x,
à la fracture coronaire, à l'érosion,
à l'attrition par bruxisme, à l'abra-
sio n sur un parodonte résistant.
L'exemple classique est le patient,
éde nté postérieur, qui mastique 8a,b,c,d,e. Perte de DVO par perte bilatérale de calage
uniquement sur ses dents anté- postérieur et usure antérieure par attrition et abrasion
rieures résiduelles (fig.Ba-e) . (le patient ne mastique qu'avec ses dents antérieures).
Le Bruxisme tout simplement

9a,b,c,d.
Perte de DVO
par insuffisance
de calage
postérieur et
migrations
antérieures
par maladie
parodontale.

140
Type F- Perte de DVO avec migrations dentaires
Sur parodonte fragile, la migration dentaire antérieure peut être consécutive à un effondre-
ment occlusal postérieur. La perte de calage postérieur provoque une surcharge des dents
antérieures qui se traduit, avec atteinte parodontale, par la migration des dents antérieures.
Le principe gnathologique selon lequel « les dents postérieures protègent les dents anté-
rieures » est alors vérifié par l'absurde. Le signe clinique pathognomonique est l'ouverture
récente de diastèmes antérieurs associés à une perte d'attache souvent en linguale des
dents antérieures maxillaires (fig. 9a-d).

Type G - Perte de DVO avec édentement en quinconce ou encastrement


Dans les cas d'édentement en quinconce, l'absence totale de stop occlusal génère un effon-
drement de la DVO. Au niveau des dents résiduelles, il existe souvent des égressions, un
non-alignement des collets et d'importantes altérations du plan d'occlusion. Une approche
architecturale globale sera nécessaire pour guider la reconstruction prothétique (fig. 10a-b
et 11a-b).

10 a, b. Perte de DVO par édentement en quinconce : association


d'édentements, de perte de substance, d'abrasion-attrition.
10 Bruxisme et dimension verticale

11 a, b. Perte de
DVO par occlusion
encastrée : en
OIM, absence
complète de
concordance
d'arcade
transversale et
sagittale (doc.
J.-P. Ré).

Type H - Perte de DVO avec usure rapide


Le phénomène d'égression compensatrice naturelle
peut être pris de vitesse par un bruxisme neuropa-
thique chez le jeune adulte (comme chez un sujet
trisomique) ou dans les phénomènes érosifs éten-
dus et agressifs. Il existe alors une faible hauteur de
l'étage inférieur. On peut observer le même phé-
nomène face aux grandes hypominéralisations, où 141
les hauteurs coronaires se dégradent rapidement
(fig. 12). 12. Perte de substance coronaire généralisée:
l'égression compensatrice est prise de vitesse
Type 1- Insuffisance par par un bruxisme sévère chez un jeune adulte
hypodéveloppement vertical trisomique; la pression linguale favorise les
Il est probable que de forts comportements de cris- migrations dentaires antérieures.
pation de mâchoires, dès l'enfance, limitent le déve-
loppement vertical de la hauteur de l'étage inférieur
de la face en empêchant l'égression naturelle des
dents. On retrouve alors un patient qui semble avoir
une DVO faible, alors qu'il a une situation dentaire
saine, naturelle (fig. 13a-b et 14a-d). Temporal

M asséter
profond Ptérygoïdien
lat éral

Ptérygoïdien
médial

b
13a,b. Insuffisance de DVO: jeune femme, col condylien court, angles goniaques massifs et fermés;
les racines mandibulaires sont au contact du canal dentaire. La coupe frontale en IRM montre une
hypertrophie et une hyperdensité des muscles élévateurs.
Le Bruxisme tout simplement

142

14a,b,c,d. Effondrement de la DVO chez


cette patiente hypodivergente par insuffisance
de calage postérieur non stabilisé au niveau
antérieur du fait de la forte classe Il.

DVO augmentée
Le volet « DVO augmentée » inclut un
type J avec le syndrome d'hyperdivergence
squelettique et un type K correspondant
aux rares surélévations excessives de cer-
taines réhabilitations (fig. 15).

15. Chez ce bruxeur, l'angle ouvert entre le


plan mandibulaire et le plan palatin montre une
typologie hyperdivergente qui peut faire suspecter
une perte de DVO malgré une importante hauteur
de l'étage inférieur de la face.
10 Bruxisme et dimension verticale

Peut-on «jouer » avec la DVO?


Les fausses vérités
À propos de la dimension verticale d'occlusion, quelques vieilles croyances non fondées
sont encore souvent évoquées comme des vérités premières :
-surélever la DVO serait dangereux;
-diminuer la DVO comprimerait l'ATM;
-usure dentaire signifierait perte de DVO;
-posture de repos et espace libre seraient des référentiels stables;
- les tests phonétiques seraient reproductibles;
- les étages inférieur et supérieur de la face devraient être égaux;
- les variations de DVO devraient être réalisées progressivement;
- le bruxeur ne pourrait pas supporter une augmentation de la DVO.
Aucune de ces assertions n'est exacte. La présence d'un espace interocclusal en posture de
repos et l'absence de contacts entre les arcades dentaires durant la phonation sont généra-
lement acquises par la simple adaptation spontanée du patient. L'usure dentaire n'implique
pas nécessairement perte de DVO. Posture de repos et espace libre ne sont pas des référen-
tiels stables, les tests phonétiques sont dépendants du contenu oral et non de la DVO. Les
étages inférieur et supérieur de la face ne sont pas systématiquement égaux, les variations
143
de DVO sont réalisées en un seul temps, le bruxisme n'est pas d'origine occlusale.
Il n'existe pas de méthode précise et reproductible pour déterminer la DVO, du fait des
larges potentialités d'adaptation des sujets aux variations verticales de la relation intermaxil-
laire. Le plus souvent, on peut « jouer », avec la DVO, l'augmenter ou la diminuer en une
fois sans danger.

Les limites
Si les capacités de tolérance aux variations verticales semblent importantes, il existe, bien
entendu, des limites à intégrer dans la décision clinique, tout en sachant que ces limites ne
sont pas au millimètre près.

Esthétique et équilibre labial


L'observation clinique de l'harmonie du visage reste un élément pertinent, mais il n'influence
le choix de la DVO qu'à 4 ou 5 millimètres près. Parallèlement, on cherchera toujours un
équilibre des muscles périoraux en position de repos pour assurer une fermeture orale par
un contact labial sans contraction musculaire.

La typologie squelettique
La typologie squelettique, sous-jacente aux tissus cutanés, impose son cadre à l'harmonie
du visage. Si, par la DVO prothétique, on peut compenser l'hyperdivergence ou l'hypodi-
vergence squelettique, on veillera généralement à ne pas les accentuer. La céphalométrie
est précieuse pour apprendre à décoder ce paramètre squelettique grossièrement apprécié
cliniquement et échappant à l'analyse sur articulateur.

L'adaptabilité neuromusculaire du sujet


Les variations de DVO influencent directement l'équilibre de l'activité des muscles antago-
nistes abaisseurs-élévateurs. Généralement, l'adaptabilité est large, mais chez les patients
Le Bruxisme tout simplement

âgés, certains sujets atteints de troubles neurologiques ou d'occlusoconscience exacerbée


(phobie occlusale), leur tolérance est faible sur le plan neuromusculaire. Dans ces cas, il
semble recommandé d'aborder avec plus de prudence les variations de DVO.

La capacité de rotation condylienne


Un examen clinique attentif (crépitations) associé à une anamnèse (historique de trauma-
tisme, d'ancien claquement) et à l'observation d'un simple cliché panoramique (aplatisse-
ment condylien) permet le plus souvent de discerner une articulation temporo-mandibulaire
(ATM) saine d'une ATM présentant des phénomènes dégénératifs et/ou arthrosiques . Dans
ce dernier cas, pour les changements importants, il paraît indiqué de prendre des précau-
tions par des modifications progressives de la DVO (fig. 16a-b).

144

16a,b. Imagerie de l'ATM- Surface articulaire aplatie du condyle gauche: l'augmentation de la DVO
impose une rotation condylienne pouvant générer des difficultés d'adaptation de l'articulation en cas de
condyle aplati par une lésion dégénérative (souvent appréciable sur une radiographie panoramique) (a).
Confirmation de la lésion par imagerie cone bearn (b).
10 Bruxisme et dimension verticale

·Quels sont les indicateurs


de choix de la DVO?
En prothèse fixée, l'espace prothétique et la relation des dents antérieures constituent les
éléments majeurs de la décision du choix de la DVO.
On distinguera des indicateurs généraux (aspect global), des indicateurs squelettiques et
deux indicateurs dentaires, véritables clés de la décision de la DVO thérapeutique : les
relations des dents antérieures et l'espace prothétique. Le choix de la DVO sera établi en
confrontant les différents éléments du diagnostic global, squelettique et dentaire.

Indicateurs de choix de la DVO en prothèse fixée


Indicateurs généraux (de 3 à 5 millimètres près)
-Adaptabilité de l'ATM.
-Adaptabilité neuromusculaire.
- Esthétique.
Indicateurs squelettiques (de 2 à 3 millimètres près)
- Contact bilabial.
-Typologie squelettique, position maxillaire et morphologie mandibulaire.
145
Indicateurs dentaires (à 1 millimètre près)
- Occlusaux : relation des dents antérieures, recouvrement, surplomb. '1
- Prothétiques : hauteur prothétique antérieure et postérieure.

Capacité d'adaptation : ATM et coordination neuromusculaire


Un examen clinique attentif associé à une anamnèse détaillée (historique de traumatisme,
ancien claquement) et à l'observation du cliché panoramique (arthrose) permet le plus sou-
vent de discerner une ATM saine d'une ATM présentant des phénomènes dégénératifs
avancés. Dans ce dernier cas, il semble prudent d'éviter une variation de DVO importante et
brutale. Il en est de même pour un patient à faible potentiel d'adaptation neuromusculaire
(patient âgé, neuropathie, psychopathie). Si nécessaire, une variation progressive de la DVO
semble indiquée. Dans les autres situations, nous procéderons à un changement immédiat
de DVO, même s'il semble important.

Esthétique et hauteurs faciales


La DVO thérapeutique vise une harmonie du visage en occlusion. En dehors de l'apprécia-
tion visuelle subjective, des mesures à partir de photographie permettent une quantification
et une comparaison par rapport à des documents antérieurs. Le calcul de la hauteur infé-
rieure de la face par rapport à d'autres mesures faciales ne paraît pas probant. Par exemple,
le rapport de Wylie entre étage supérieur et étage inférieur de la face donne des résultats
fantaisistes [4] . La variation de DVO doit être d'au moins 4 à 5 millimètres au niveau incisif
pour avoir un impact esthétique, ce n'est donc qu'un macro-indicateur.

Typologie squelettique
Les analyses céphalométriques conventionnelles identifient le type squelettique vertical du
patient (hyper-, normo- ou hypodivergent) et le type squelettique sagittal (classes 1, Il ou Ill).
En ce qui concerne la typologie verticale, il semble logique que la DVO thérapeutique n'ag-
grave pas une éventuelle hyper- ou hypodivergence, mais ait plutôt tendance à la corriger.
Le Bruxisme tout simplement

17 a, b. DVO et typologie : (a) une augmentation de DVO compensera une classe Ill, augmentera le
surplomb antérieur, mais diminuera le recouvrement antérieur; (b) une augmentation de DVO aggravera
une classe Il.

On doit noter qu'une augmentation de la DVO majorera une classe Il squelettique, et dimi-
nuera une classe Ill squelettique. À l'inverse, une diminution de la DVO aggravera une classe
146 Ill squelettique, et compensera une classe Il squelettique [S-6] (fig. 17a-b).

Position du maxillaire et morphologie mandibulaire


Il a été montré la trop grande variabilité générée par l'utilisation comme référence
céphalométrique de la simple valeur angulaire moyenne de l'angle ENA-Xi-pm. C'est tout
l'intérêt de l'utilisation des corrélations significatives entre la hauteur de l'étage inférieur de
la face (DVO) et la morphologie mandibulaire mesurée par l'angle goniaque et l'angle de
l'arc mandibulaire. Ces corrélations permettent de s'affranchir de la valeur linéaire (en milli-
mètres) des étages et de l'utilisation de valeurs angulaires moyennes [7].

Relation des dents antérieures :


recouvrement, surplomb
Le recouvrement incisif est en moyenne de 3 à 4 milli-
mètres et le surplomb moyen est de 3 millimètres [8-9].
L'obtention ou le maintien de contacts antérieurs fonc-
tionnels (calage antérieur et guidage) représentent un
des objectifs occlusaux principaux fiabilisant grande-
ment les traitements prothétiques. Les variations de
la DVO les influençant directement, l'obtention de
contacts antérieurs dominera la décision. Une aug-
Angle de liberté
mentation de la DVO entraînant une diminution du
fonctionnelle
recouvrement incisif et une augmentation du sur-
plomb, nous pourrons augmenter la DVO face à un
excès de recouvrement ou à une insuffisance de sur-
plomb. A contrario, une diminution de la DVO entraî- 18. Paramètres de la relation
antérieure (triangle de Slavicek) : elle
nant une augmentation du recouvrement incisif et une
est quantifiée par le surplomb (S),
diminution du surplomb; nous serons donc tentés de le recouvrement (R), la pente de
diminuer la DVO face à un excès de surplomb ou à une guidage (P) et l'angle de liberté
insuffisance de recouvrement (fig. 18). fonctionnelle (interocclusal).
10 Bruxisme et dimension verticale

' Hauteur prothétique


La rétention influençant directement le pronostic des prothèses fixées, elle constitue donc
un impératif majeur. On peut considérer que la hauteur coronaire des préparations pour
recevoir une coiffe à recouvrement complet doit être au moins de 4 millimètres. À l'inverse,
la hauteur coronaire ne doit pas créer un rapport couronne/racine défavorable. Le choix
s'établira entre hauteur de rétention suffisante et rapport couronne/racine favorable. Pour
affiner l'analyse, on discernera hauteur prothétique postérieure et antérieure. Notons que
si la DVO influence directement la hauteur prothétique, l'organisation curviligne du plan
d'occlusion doit répartir cette hauteur harmonieusement entre hauteurs maxillaire et man-
dibulaire. Enfin, une fois la DVO et le plan d'occlusion définis, une hauteur prothétique
encore insuffisante peut souvent être augmentée aux dépens du parodonte par élonga-
tion coronaire chirurgicale ou par orthodontie. La simulation sur articulateur est irrempla-
çable. En plus de la simple observation, la tige antérieure graduée de l'articulateur permet
la nécessaire évaluation quantitative en tenant compte des variations proportionnelles liées
à la position du point concerné (molaire, incisive, table antérieure). Un calcul simple est
obtenu par la règle des tiers [51 (fig. 19).
Une fois la DVO définie, la distribution de l'espace prothétique sera organisée par
la répartition des hauteurs coronaires maxillaires et mandibulaires, c'est-à-dire le
positionnement du plan d'occlusion avec ses caractéristiques de forme (rayon de 147
courbure) et d'inclinaison.

1/3 1/3 1/3

En mm
Molaire Incisive Tige
antérieure
5,3 10 15,6
4,7 9 14,1
-
4,2 8 12,5

3,7 7 10,9
-
3,2 5 9,4

2,6 5 7,8

2,1 4 5,3
1,6 3 4,7

1,3 2,5 3,9

1,1 2 3,1
-
0,8 1,5 2,3

0,5 1 1,6
0,3 0,5 0,8

0 0 0

19. Règle des tiers: pour une même variation angulaire de la DVO, les changements de hauteur
au niveau molaire, incisif et de la tige antérieure de l'articulateur sont proportionnels. En moyenne,
pour 3 millimètres d'augmentation au niveau de la tige antérieure, l'augmentation est de 2 millimètres
au niveau des incisives et de 1 millimètre au niveau molaire.
Le Bruxisme tout simplement

Choix de la DVO : rationnel de décision


Le praticien peut jouer dans un espace d'adaptation spécifique du cas clinique en fonction
des impératifs biologiques, mécaniques et esthétiques. L'étude sur articulateur est irrem -
plaçable pour apprécier directement l'influence des variations de la DVO sur les hauteurs
prothétiques (antérieure et postérieure) et sur les relations des dents antérieures (surplomb,
recouvrement). Elle est précédée par l'analyse céphalométrique.

Un rationnel de décision est proposé en quatre étapes :


1. Une première étape vérifie le feu vert musculo-articulaire.
2. Dans une deuxième étape, l'importance de l'obtention ou le maintien de contacts
antérieurs en OIM donne un rôle principal aux notions de surplomb et de recouvrement ·
antérieurs.
3. Par rapport à l'établissement des contacts antérieurs, les hauteurs prothétiques anté-
rieures et postérieures sont évaluées compte tenu des impératifs mécaniques coronaires
ou radiculaires.
4. Dans une dernière étape, la proposition issue des indicateurs dentaires est confron-
tée à ses conséquences sur le plan d'occlusion, sur la typologie squelettique, sur la
148 fermeture labiale et sur l'esthétique.
La variation de DVO est toujours quantifiée en millimètres au niveau des incisives et
transformée en valeur au niveau de la tige incisive.

Exemple de forte augmentation de la DVO


L'absence de recouvrement incisif contre-indiquerait une augmentation de la DVO, alors
que tous les autres critères sont en faveur d'une augmentation importante de DVO. La
synthèse des critères conduit à choisir une augmentation de 10 millimètres au niveau de la
tige antérieure, soit environ 6 millimètres au niveau incisif. Le contexte parafonctionnel et
l'ancienneté de la perte de DVO allument un feu « orange » sur le plan musculaire : ceci
ne signifie pas que l'on ne peut pas changer la DVO, mais que l'on doit l'expliquer très
clairement au patient pour qu'il ne soit pas surpris par la hauteur de ses futures dents et
que l'on doit mettre en place dès le début du traitement une prise en charge cognitivo-

Usures et augmentation de DVO : une décision plurifactorielle


AUGMENTATION DE DVO
Avantages 1nconvén ients

Augmente l'espace prothétique Pénalise le rapport couronne/racine


Allonge le visage Risque de gêner la fermeture labiale
Aggrave une classe Il squelettique
Compense une classe Ill squelettique Aggrave une hyperdivergence
Compense une hypodivergence
Augmente un surplomb antérieur insuffisant Aggrave un surplomb excessif
Diminue le recouvrement antérieur excessif Risque de diminuer/supprimer le guidage
Compense des égressions Impose une reconstruction étendue
10 Bruxisme et dimension verticale

comportementale des parafonctions. L'absence de recou vrement initial est le seul facteur
structurel qui s'oppose à une augmentation de la DVO. La vue clinique initiale du sourire
montre que l'allongement de la hauteur coronaire au niveau des dents antéromaxillaires
permettra de redonner une esthétique satisfaisante et de créer un recouvrement antérieur
suffisant (fig. 20a-g).

149

Espace prothétique Relation antérieure Typologie

c
2w
tl! (ii
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nsumsan r
An teneur
n sU~ I SBn J 1{
::;urplomc
ns u~1 sa n
Kecouvrement Céphalométne Esthétique
J r.._nsu'!!san J { nsuwsan ]('nsumsan
A.T.M § """"' §
-§ ~ §-~ ~ §-~ ~ §-~ - §-~ - §- ~]
li Excessif Excessif Excessif Excessif Excessif Excessif

Table de
tige incisive

-4
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r-:6 ~ r-:6 r-:6 r-:6 r-:6 -2

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Q) -4 -4 -4 ~ -4 ~ -4 -4
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0 c.:!:..L (~)
+J
c.:!:..L
+J
c.:!:..L <:::> <t:::D E10 mm pécision
~

(Les valeurs concerne les variation en mm au niveau des incisives)

20a,b,c,d,e, f,g. Cas M. T.E. Décision d'augmentation de la dimension verticale d'occlusion: l'association
de perte de calage postérieur par édentement et de perte de support antérieur par usure provoque
un effondrement de DVO (a-f). Graphique d'aide à la décision (g) :tous les facteurs orientent vers une
augmentation importante de DVO, excepté le recouvrement incisif. Il sera obtenu par un rétablissement
prothétiquement de la hauteur coronaire des incisives.
Le Bruxisme tout simplement

Compromis
Motif de consultation : demande de tra itement prothétique.
Anamnèse : pas de prob lème de santé not ab le, bruxisme, érosions.
Examen cl inique : cinématique mandibulaire normale, ATM silencieuses, nombreuses res-
taurations prot hétiques postéri eu res. Une reconstruct ion prothét ique étendue est envisagée.
Le man que de hauteur prot hét ique antéri eure inciterait à augmenter la D.VO, mais la hau -
teur prothétique postéri eure est importante et le souri re n'autori se qu'un fa ible allongement
prothétique de la hauteur coronaire des incisives maxillai res. Une so lut ion de comp romis
est choisie, avec une légère augmentation de la DVO de 1 mi llimèt re au niveau incisif et un
aba isse ment du bord libre de 11, 21 et 12 aligné sur 22 et 23 (fig. 21a-e).

150

Espace prothétique Relation antérieure Typologie


1-'osteneur Anteneur ::>urplomo Kecouvrement ~ep a1ometne t:stnetique
c
gcv n o Uu l o~m
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0 c:!:.L c:!:.L .:!:.L c:!:.L .:!:.L .:!:.L
~ écison
(Les valeurs conc me les variation en mm au niveau des incisives)

21 a, b, c, d, e, f. Cas M. Be. Décision de conservation de la dimension verticale (a-e). Les vues


cliniques (a, b) montrent une faible hauteur prothétique antérieure, alors que les radiographies (c, d)
affichent une importante hauteur prothétique postérieure. Le visage (e) n'incite pas à diminuer la DVO.
La synthèse conduit à vers une légère augmentation de la DVO (f).
10 Bruxisme et dimension verticale

Conclusion
Il existe un large espace d'adaptation à des variations, en une fois, de DVO à condition que
cette va riation :
-soit réalisée par une simple rotation autour de l'axe charnière (en relation centrée);
- n'exagère pas une typologie verticale (hypo- ou hyperdivergence) déjà marquée;
- permette le contact labial non forcé,
On profitera des potentialités d'adaptation existantes, pour optimiser les relations occlusales
antérieures et les aspects mécaniques (rétention, rapport couronne/racine), pour compenser
légèrement les typologies squelettiques et pour favoriser l'esthétique. Notre expérience cli-
nique nous incite à réaliser les variations de DVO en une seule étape; une approche progres-
sive ne semble pas modifier le pronostic, mais complique lourdement les protocoles. Pour
le choix de la DVO thérapeutique, le meilleur compromis est obtenu par la combinaison des
différents indicateurs. On passera d'une évaluation à plus de 5 millimètres (incisifs) près par
l'examen du visage, pour une évaluation à 2-3 millimètres près par l'analyse céphalomé-
trique, pour aboutir à une évaluation au millimètre près des critères dentaires (occlusaux et
prothétiques).

151

BIBLIOGRAPHIE
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59.
Le Bruxisme tout simplement

152
Réponses parodontales
au bruxisme
153

Delphine Tardivo

Sujets d'autant de recherches que de controverses depuis plus d'un siècle, les effets du
bruxisme sur le parodonte sont actuellement toujours matière à débat dans la communauté
médicale et scientifique internationale.
Le Bruxisme tout simplement

Les effets du bruxisme sur le parodonte sain


Si le cément, le ligament parodontal et l'os alvéolaire forment une unité dans la physiologie
neuromusculaire du système masticatoire, le ligament parodontal constitue une interface
spécialisée particulière entre l'os alvéolaire et la dent.
Composé jusqu'à 75% de son volume d'un réseau dense de fibres de collagène attachées
à l'os et interconnectées, appelées fibres de Sharpey, le ligament parodontal sert en effet
d'unité structurelle, sensorielle et nutritive. D'environ 0,25 millimètre d'épaisseur, il permet,
au niveau général, les fonctions orales normales de mastication, de déglutition, de parole,
etc. Dans des conditions physiologiques, les forces occlusales sont transférées, par le liga-
ment parodontal, à l'os alvéolaire, puis à la mandibule ou au maxillaire.
Le ligament parodontal se caractérise également par un réseau vasculaire et nerveux riche
et dense. Il contient en outre des propriocepteurs, qui permettent mouvement et position-
nement de la dent, et des mécanorécepteurs, gérant pour leur part contact, douleur et
pression.
Le ligament parodontal, de par ses propriétés viscoélastiques, absorbe les forces, les distri-
bue à l'os alvéolaire, et, grâce aux propriocepteurs, permet de réguler la fonction musculaire
et les forces occlusales pour éviter surcharges et dommages dentaires et parodontaux. L'os
154 alvéolaire présente, quant à lui, une grande capacité à se modeler et à se remodeler sous
l'effet des forces occlusales. Dans des conditions physiologiques, les procès alvéolaires se
remodèlent en effet à un taux de 20% par an, contre 3% seulement pour l'os basal.
Le ligament parodontal et l'os alvéolaire ont besoin du
stimulus fonctionnel de l'occlusion pour conserver leur
condition physiologique saine. La mobilité dentaire sur
un parodonte sain n'est autre que l'expression clinique
des propriétés viscoélastiques du ligament et de la
réponse fonctionnelle [1] (fig. 1).
Cette mobilité dentaire physiologique, horizontale
comme verticale, est différente entre les dents. Elle est
déterminée par la largeur, la hauteur et la qualité du liga-
ment parodontal.
En direction verticale, le déplacement dentaire physio-
logique est de 0,02 millimètre, avec des petites forces
jusqu'à 1 newton. Avec des forces verticales plus grandes,
la dent est déplacée en direction plus apicale, le sang
contenu dans le ligament parodontal étant alors poussé
vers les lacunes veineuses et l'os spongieux. Après arrêt
de la force occlusale appliquée, une à deux minutes sont
nécessaires pour que la dent retrouve sa position initiale.
1. Sur un parodonte sain, la Ceci explique le fait que la mobilité dentaire est diminuée
mobilité dentaire physiologique est après mastication et que la dent se trouve dans une posi-
déterminée par la hauteur de l'os
tion plus apicale.
alvéolaire, la forme de la racine et
l'intensité de la force appliquée. Son Dans le plan horizontal, sous une force de 500 grammes,
amplitude est donc limitée (d'après on observe, dans des conditions physiologiques, une
De Boever et De Boever, 2004).
11 Réponses parodontales au bruxisme

mobilité dentaire de 0,1 à 0,12 mil-


limètres pour les incisives, 0,05 à
0,09 millimètres pour les canines,
0,08 à 0,1 millimètres pour les pré-
molaires et 0,04 à 0,08 millimètres
pour les molaires [2]. Sous de plus
grandes contraintes occlusales, les
forces sont alors transmises aux
dents adjacentes via les contacts
interproximaux et à l'os, avec une
petite déformation du procès
alvéolaire (fig. 2). La réaction de
l'os et du ligament dépend donc
de l'importance, de la durée et de 2. Dissipation des forces occlusales
au niveau des dents et du parodonte.
la direction des forces.
Différents types de forces occlusales peuvent être distingués :
-les forces occlusales physiologiquement normales à la mastication et à la
déglutition : faibles, et excédant rarement 5 newtons, qui permettent de maintenir le
parodonte et l'os alvéolaire en condition saine et fonctionnelle; 155
-les forces d'impact : principalement fortes, mais de courte durée. Le parodonte peut
supporter des forces importantes durant une courte période, comme mentionné précé-
demment. Cependant, les forces dépassant les capacités d'absorption viscoélastiques
du ligament parodontal peuvent être à l'origine de fractures dentaires et alvéolaires;
- les forces continues : très faibles, mais continuellement appliquées dans une direc-
tion. Elles sont efficaces dans le déplacement dentaire par remodelage alvéolaire (pa r
exemple, forces orthodontiques ou dysfonction linguale);
-les forces d'oscillation (jiggling des Anglo-Saxons) : il s'ag it de forces intermit-
tentes dans deux directions qui provoquent un élargissement de l'a lvéole et une mobi-
lité dentaire accrue.
Comme précisé plus spécifiquement dans d'autres chapitres de cet ouvrage, plusieurs types
de forces peuvent être observés dans le cadre du bruxisme. Il s'agit essentiellement des
forces occlusales normales (à des intensités variables) et des forces d'oscillation .
Dans l'étude des effets de l'occlusion sur le parodonte, lorsque ces forces sont d'intensité
importante, elles ont été décrites comme étant responsables de changements structurels
et fonctionnels des tissus parodontaux. On parle alors de traumatisme occlusal chronique.
Sur un parodonte sain, le traumatisme occlusal chronique qui peut être observé chez un
patient bruxeur correspond à un traumatisme occlusal dit primaire. Le traumatisme occlu-
sai primaire est causé par des forces occlusales excessives exercées sur des dents avec un
parodonte normal, sain et non inflammatoire. Dans ce cadre, les forces exercées sur les
structures parodontales correspondent aux forces continues ou d'oscillation.
Les forces continues, appliquées dans une seule une direction, sont à l'origine du bascule-
ment de la dent dans la direction opposée ou de son déplacement, parallèlement à la force.
Dans le ligament parodontal, on distingue des zones de compression et de tension , indui-
sant une résorption osseuse alvéolaire accrue. Si la conséquence clinique de ce phénomène
est une mobilité dentaire temporairement accrue, il n'y a pas, pour autant, de changements
~ - Le Bruxisme tout simplement

3. Les forces continues provoquent un épaississement du


ligament parodontal au niveau radiculaire, du côté opposé
au point d'application de la force et au niveau apical, du côté
où la force est appliquée (d'après De Boever et De Boever, 2004).

4. Examen clinique d'un patient bruxeur, permettant de mettre


en évidence l'usure dentaire pathognomonique d'un bruxisme
pathologique.

156 5. Examen radiographique


panoramique du même patient
bruxeur. Le support osseux
alvéolaire de hauteur normale
est particulièrement dense.

dans les fibres supracrestales, pas de perte de l'attache parodontale ni d'augmentation de


la profondeur de sondage des poches. L'augmentation de la mobilité dentaire observée est
alors simplement l'adaptation parodontale fonctionnelle aux forces excessives exercées sur
cette dent. Toutefois, si les forces sont trop importantes et supérieures au niveau d'adap-
tation, une nécrose aseptique se produit dans la zone de tension du ligament parodontal,
caractérisée par la hyalinisation. Dans la zone de compression, la pression stimule les ostéo-
clastes dans l'os adjacent et les parois alvéolaires se résorbent, jusqu'à ce qu'une nouvelle
connexion se forme avec l'os hyalinisé. Dans la zone de tension, l'apposition osseuse et
la rupture des fibres de collagène se produisent (fig. 3). Après suppression de la force, le
ligament parodontal se réorganise et développe à nouveau une composition histologique
normale. Enfin, si les forces appliquées sont trop fortes, il se produit une résorption radicu -
laire au milieu des tissus hyalinisés.
On notera également que dans les cas de bruxisme sévère caractérisé par des forces unidi-
rectionnelles de « serrement », la mobilité dentaire décroît : il se produit un effet ankylo-
sant, le ligament parodontal devient alors plus fin et non fonctionnel.
Les bruxeurs qui présentent de l'attrition ont d'ailleurs le plus souvent des dents parfaite-
ment stables (fig. 4 et 5).
11 Réponses parodontales au bruxisme

Les forces d'oscillation, provenant de directions différentes


et opposées, sont quant à elles à l'origine de changements
histologiques plus complexes dans le ligament. Théorique-
ment, les mêmes événements de hyalinisation et de résorp-
tion se produisent. Cependant, ils ne sont pas clairement
distincts, dans la mesure où il n'y a pas de zones distinctes
de pression et de tension . Histologiquement, il y a de fait
apposition et résorption de chaque côté du ligament paro-
dontal, résultant en un élargissement de l'espace parodon-
tal (fig. 6). Ceci peut être observé radiographiquement.
Ce phénomène explique l'accroissement de la mobilité
dentaire, sans formation de poche parodontale, migration
ou basculement de la dent.
On retiendra donc qu'une occlusion traumatique, telle que
le bruxisme, peut, sur un parodonte sain, conduire à une
mobilité dentaire accrue, mais aucunement à une perte
d'attache parodontale [3].

6. Sur un parodonte sain, les 157


forces d'oscillation induisent

Les effets du bruxisme sur un épaississement du ligament


paradontal et une augmentation de
le parodonte pathologique la mobilité dentaire physiologique
sans résorption osseuse ni perte
Le traumatisme occlusal secondaire correspond quant à lui d'attache (d'après De Boever
au traumatisme causé par des forces occlusales excessives et De Boever, 2004).
sur des dents présentant une atteinte inflammatoire du
support parodontal.
Nombre d'expérimentations animales et d'études cliniques
épidémiologiques ont cherché à définir le rôle de l'occlu-
sion traumatique, notamment du bruxisme, dans le déve-
loppement de la parodontite.
L'hypothèse que les forces occlusales excessives pou-
vaient être un cofacteur du développement de la mala-
die parodontale en changeant la voie et la diffusion de
l'inflammation dans les tissus parodontaux plus profonds
a été évoquée dès les années 1960 : la zone gingivale est
une zone d'irritation par la plaque bactérienne, les fibres
supracrestales du ligament parodontal constituent alors,
sous l'influence d'une occlusion défectueuse, une zone de
codestruction [4] (fig. 7).

7. Rôle d'un traumatisme occlusal sur la progression de la maladie parodontale selon Glickman
et Smulow (1967). En présence de plaque bactérienne et d'inflammation, A constitue une <<zone
d'irritation >> et B une << zone de codestruction » (d'après De Boever et De Boever, 2004).
Le Bruxisme tout simplement

.. 8. Lorsque des forces


d'oscillation sont appliquées
sur un parodonte inflammatoire
non traité, en présence de
poches parodontales, la perte
osseuse est accélérée et une
migration bactérienne apicale
se produit (d'après De Boever
et De Boever, 2004).

Les études animales ont


permis de mettre en
évidence que les forces
d'oscillation qui peuvent
être présentes dans cer-

158 tains types de bruxisme induisent une migration plus rapide de la plaque bactérienne en
direction apicale dans la poche parodontale, aggravant l'importance de la perte osseuse et
de la perte d'attache du tissu conjonctif su r les dents atteintes de maladie parodontale [5]
(fig. 8).
En outre, sans suppression du traumatisme occlusal, le traitement de l'i nflammation paro-
dontale a pour effet une diminution de la mobilité dentaire et une augmentation de la
densité osseuse.
Les résultats des études animales expérimentales ne pouvant cependant être directement
extrapolés aux humains, des études cliniques épidémiologiques ont été conduites. Toute-
fois, compte tenu de la complexité des interactions occlusales et parodontales, et de l'aspect
multifactoriel de la pathologie parodontale, peu ont été publiées, et la plupart d'entre elles
n'ont qu'un niveau de preuve scientifique limité. Elles tendent toutefois à confirmer que le
bruxisme est un « catalyseur » de la progression de la maladie parodontale [6-7] et ont per-
mis de mettre en évidence que davantage de bactéries parodontopathogènes sont retrou-
vées dans les poches parodontales des dents présentant une mobilité accrue [8].
La question de la prise en charge du bruxisme comme partie intégrante du traitement paro-
dontal peut alors être soulevée. En tout état de cause, le bruxisme pathologique doit être
traité en tant que tel dès lors qu'il a été diagnostiqué, en présence ou non d'une pathologie
parodontale. Pour autant, il a été sou ligné dans d'autres chapitres que tout individu présen-
tait des phases de contraction et/ou de serrement. Se pose alors la question de la prise en
charge d'un bruxisme « non pathologique » pour aider au traitement parodontal chez les
patients atteints de parodontite. Les dernières études publiées sur le sujet soulignent que
les dents présentant un traumatisme occlusal chez les patients atteints de parodontite ne
doivent pas faire l'objet d'un ajustement occlusal systématique [9-11], le traumatisme occlu-
sai ne constituant qu'un facteur de risque du développement de la maladie parodontale,
au même titre que la consommation de tabac, mais aucunement un facteur étiologique
primaire de cette maladie [11-13] .
11 Réponses parodontales au bruxisme

Bruxisme et implants
Si le bruxism e excessif est considéré comme une contre-indication relative à la réalisation de
prothèses implanto-portées, d'un point de vue osseux, aucune preuve scientifique justifiant
cette attitude n'existe [14) . Seule une relation entre bruxisme et fracture de la suprastructure
prothétique a été mise en évidence, mais en aucun cas entre bruxisme et ostéointégration
implantaire [15) (fig. 9). Il a par ailleurs été spécifiquement souligné que le bruxisme n'en-
traîne pas de perte osseuse péri-implantaire [16) .
Pour autant, en pratique clinique quotidienne, il est nécessaire de garder à l'esprit que,
contrairement aux dents naturelles, qui sont maintenues dans l'a lvéole par le ligament paro-
dontal, les implants n'ont pas de ligament parodontal : seul un contact implant-os alvéolaire
existe, on parle d'ankylose fonctionnelle. Il a été mis en évidence que les implants peuvent
seulement être déplacés de 3 à 5 micromètres verticalement, et de 10 à 50 micromètres
latéralement (17] . Les implants ne peuvent donc s'adapter comme les dents et, en cas de
surcharge occlusale, alors que les dents naturelles peuvent réagir grâce à leur ligament paro-
dontal pour s'adapter aux forces excessives comme mentionné précédemment, les implants
ne possèdent pas cette capacité adaptative. Toutefois, l'os péri-implantaire possède égale-
ment des mécanorécepteurs qui permettent une rétroaction sensorielle des implants mis en
charge aux forces occlusales [18), mais avec une précision bien moindre.
159
La perte osseuse péri-implantaire semble n'être provoquée que par une charge occlusale
localisée excessive [19-20), et ce, sa ns inflammation marginale au niveau des tissus paro-
dontaux péri-implantaires [21-22) . Une perte de l'ostéointégration sur toute la surface de
l'implant résulte alors, sans formation de poche cliniquement détectable, ni de signes
inflammatoires, notamment lorsque l'implant est situé dans une crête osseuse fine. La
mobilité de l'implant peut même ne pas être perceptible, en dépit de la résorption osseuse
prononcée sur toute sa su rface. Il est donc conseillé de compléter l'examen clinique par un
examen complémentaire radiographique de contrôle [23) .
Si la surcharge occlusale peut être à l'origine d'une perte de l'ostéointégration de l'implant,
il semb le néanmoins intéressant de sou ligner qu'en deçà du seuil de 6 600 microstrains
le stress mécanique induit une apposition osseuse [24) . La pérennité de l'ostéointégration
implantaire ne dépend donc nullement de l'existence ou non d'un bruxisme pathologique
du patient, mais uniquement du réglage occlusal au niveau de la suprastructure prothétique
implanto-portée.

9. Examens clinique et
radiographique de contrôle
implantaire à quinze ans chez un
patient bruxeur. L'ostéointégration
implantaire est parfaitement
satisfaisante, mais on observe
une fracture de la suprastructure
prothétique.
Le Bruxisme tout simplement

Les effets du bruxisme sur l'os alvéolaire


Les résultats de plusieurs études animales menées depuis une trentaine d'années sur le
sujet suggèrent en effet que le remodelage de l'os alvéolaire est influencé par la fonction
masticatoire [25-28) . De la même façon , il existerait chez l'homme une relation positive entre
les fonctions masticatoires, définies par l'épaisseur du masséter, le nombre de dents posté-
rieures en occlusion et la masse et l'épaisseur de l'os alvéolaire [29).
La force de morsure maximale a en effet été mise en évidence comme étant un indicateur
fiable de la fonction masticatoire, facilement évaluable cliniquement [30-321). Or, si la mor-
phologie craniofaciale a été macroscopiquement liée à cette force [33-34], son influence sur
le développement de l'os alvéolaire a principalement été rapportée au niveau microsco-
pique : les forces occlusales induisent le développement de l'os alvéolaire [35). De plus, si les
forces occlusales normales régulent un remodelage osseux physiologique, les forces occlu -
sales excessives, telles qu'elles peuvent être observées chez les patients bruxeurs, condui-
raient quant à elles au développement d'une hypertrophie osseuse alvéolaire, apicalement
décroissante [36-37). Ainsi, les forces occlusales des patients bruxeurs induiraient une aug-
mentation de l'apposition osseuse alvéolaire, lui conférant une plus grande densité et, de
fait, une plus grande résistance [38-39) .
160 Par ailleurs, l'examen clinique des patients bruxeurs permet souvent de mettre en évi-
dence la présence de tori mandibulaires (fig. 10-12) et palatin et d'exostoses vestibulaires
(fig. 13-15) et ante-goniaques (fig. 16-17) [40).

1O. Tori mandibulaires 11. Tori mandibulaires 12. Tori mandibulaires


chez un patient bruxeur. chez un patient bruxeur. chez un patient bruxeur.

13. Exostoses
vestibulaires
maxillaires chez un
patient bruxeur.
11 Réponses parodontales au bruxisme

14. Exostoses vestibulaires maxillaires chez un 15. Exostoses vestibulaires maxillaires


patient bruxeur. chez un patient bruxeur.

161

16. Exostoses ante-goniaques 17. Radiographie panoramique


chez un patient bruxeur. d'un patient bruxeur présentant
des exostoses ante-goniaques.

Les tori mandibulaires sont situés sur la face linguale de la mandibule au-dessus de la ligne
mylo-hyoïdienne, dans la région canine prémolaire, et de manière bilatérale dans 80%
des cas [41]. Le torus palatin est quant à lui situé le long de la crête longitudinale du palais
dur. Enfin, les exostoses sont généralement multiples et bilatérales, situées au maxillaire,
au niveau des prémolaires le plus souvent [42) . Elles peuvent également être observées, de
façon bilatérale en distal de la ligne mylo-hyoïdienne et en mésial de l'angle goniaque.
Ces différents éléments auraient une origine traumatique. Leur apparition serait une réponse
à un stress fonctionnel induit au niveau osseux lors de la mastication d'aliments durs ou en
présence d'un bruxisme pathologique [41, 43) . Dans ces situations, les mécanorécepteurs
situés au niveau du ligament parodontal induiraient un signal de transduction aboutissant
à la différenciation de cellules-souches en ostéoblastes aux épicentres des forces reçues, ce
qui expliquerait la formation et la localisation de ces tori et exostoses [44). Ainsi, les forces
périodiques, lourdes et de faibles durées présentes chez les patients bruxeurs activeraient
ces mécanorécepteurs par la torsion des fibres de collagène et de l'os alvéolaire, indui-
sant un dépôt osseux à des endroits très spécifiques de pression pour maintenir l'équilibre
homéostatique osseux [44) . Au maxillaire, compte tenu de la forme du palais en voûte, les
Le Bruxisme tout simplement

forces se concentrent donc au niveau de la suture médiane, expliquant la formation de tori


palatins. Cependant, si le vecteur des forces n'est plus centré sur la suture, des exostoses
maxillaires apparaissent. Au niveau de la mandibule, le foramen mentonnier crée une zone
de faiblesse où se concentre l'effet les forces. Pour cette raison, les tori mandibulaires et les
exostoses sont généralement situés à ce niveau [40]. Des exostoses mandibulaires peuvent
également être observées chez les patients bruxeurs au niveau de l'extrémité distale de la
ligne mylo-hyoïdenne et en mésial de l'angle goniaque. Elles correspondent à la réponse
osseuse au stress fonctionnel induit par une activité exacerbée du muscle mylo-hyoïdien et
du masséter, respectivement [45-46]. On notera en outre qu'il a également été évoqué dans
la littérature que l'origine du bruxisme serait un mécanisme de défense contre le collapsus
des voies aériennes : les muscles masticateurs seraient alors, à tort, contractés de manière
antagoniste au muscle constricteur supérieur ou inférieur du pharynx [44].
Enfin, au-delà de cette réaction périostée stimulant le remodelage et l'apposition osseuse
alvéolaire, des forces occlusales excessives pourraient également induire un épaississement
de la gencive marginale, décrit sous le nom de « festons de McCall » [47].
Ainsi, en présence d'un bruxisme pathologique sur un parodonte sain, la mobilité dentaire
physiologique étant diminuée par compression verticale du ligament parodontal et la den-
sité du support osseux fortement accrue, la stabilité exacerbée des dents permet leur usure
162 coronaire pathognomonique.
En revanche, sur un parodonte pathologique, le bruxisme précipitant l'évolution de la mala-
die et la perte du support osseux, c'est l'augmentation de la mobilité puis la perte des dents
qui sont observées chez les patients bruxeurs.

À retenir
• Le bruxisme n'est pas un facteur étiologique primaire de la maladie parodontale, mais
peut être un facteur de risque de la progression de la maladie parodontale.
• Un traumatisme occlusal primaire peut provoquer l'augmentation de la mobilité den-
taire sans pour autant induire d'atteinte pathologique des tissus parodontaux.
• Dans le cadre d'une pathologie parodontale (gingivite ou parodontite), la suppression
d'un traumatisme occlusal secondaire peut permettre de réduire la mobilité dentaire
mais n'empêchera en aucun cas la progression de la maladie parodontale si celle-ci
n'est pas traitée spécifiquement.
• La surcharge occlusale implantaire pouvant être à l'origine d'une résorption osseuse
sans signe inflammatoire, poche parodontale péri-implantaire profonde ou mobilité
accrue, la mise en place d'examens complémentaires radiographiques et surtout l'éva-
luation de l'occlusion doivent faire partie des programmes réguliers de maintenance
implanta ire.
• En l'absence de pathologie parodontale, des forces occlusales importantes observées
dans le cadre de certains bruxismes, mêmes pathologiques, induisent une réaction
périostée stimulant remodelage et apposition au niveau de l'os alvéolaire et un épais-
sissement de la gencive marginale.
11 Réponses parodontales au bruxisme

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Répercussions
dentine-pulpaires
165

Élodie Terrer, Adrien Lovenont

Rappels et histophysiologie
Dans certains cas, les patients souffrant de bruxisme peuvent subir des altérations ayant
des répercussions sur la pérennité du complexe pulpodentinaire. Ce dernier est composé de
deux parties de même origine mésenchymateuse : la dentine minéralisée et la pulpe non
minéralisée.
La dentine entoure la pulpe qu'elle protège. Elle est traversée sur toute son épaisseur par
des tubuli contenant l'extension cytoplasmique des cellules qui permettent sa formation et
son maintien : les odontoblastes.
La dentine est recouverte par l'éma il au niveau coronaire et par le cément au niveau radi-
culaire.
Le Bruxisme tout simplement

1 a, b. (a) Coupe histologique de corne pulpaire (coloration hématoxyline-éosine):


dentine secondaire tubulaire d'une corne pulpaire de dent saine. (b) Coupe histologique
de corne pulpaire (coloration hématoxyline-éosine) : dentine tertiaire poreuse de type
réparatrice (raréfaction des tu bu li dentinaires) d'une corne pulpaire rétractée.

On distingue la dentine primaire (élaborée au cours du développement dentaire), la dentine


166 secondaire (responsable de la diminution de la lumière canalaire avec l'âge) et la dentine
tertiaire (dentine réactionnelle et dentine réparatrice) (fig. 1a-b). Les dentines primaire et
secondaire sont physiologiques, contrairement à la dentine tertiaire qui est le plus souvent
pathologique en réponse à une agression (le bruxisme, par exemple).

Conséquences du bruxisme
sur le complexe pulpodentinaire [1]

La rétraction pulpaire
En réponse à des contraintes occlusales importantes et répétées, il se produit des calci-
fications de la chambre pulpaire, donnant ainsi l'impression d'une rétraction pulpaire. Il
s'agit en fait d'une minéralisation rapide de la trame dentinaire nouvellement formée éla-
borée aux dépens du volume pulpaire (dentine tertiaire réactionnelle ou réparatrice) [2] . Les
radiographies rétro-alvéoalaires bien angulées permettent de détecter ce type de problème
(fig. 2). Chez le bruxeur, on aura intérêt à compléter cet examen classique par des exa-
mens radiographiques rétro-coronaires qui permettent souvent une meilleure visibilité de la
chambre pulpaire. Dans l'éventualité où un traitement endodontique est nécessaire, l'accès
à la chambre pulpaire et les entrées canalaires peuvent être difficiles à localiser en raison de
cette rétraction pulpaire.
De ce fait, il est préconisé:
• de réaliser la cavité d'accès à l'aide d'une instrumentation appropriée : fraise de trépana-
tion en visant une des cornes pulpaires, puis en élargissant le puits d'accès avec une fraise
endodontique à bout lisse (fig. 3) afin d'éviter les risques de modifications de l'anatomie
caméra le ou d'éventuelles perforations du plancher pulpaire;
• de localiser les entrées canalaires avant de poser la digue à l'aide d'ultrasons endo-
dontiques pour rechercher et ouvrir les canaux calcifiés;
12 Répercussions dentino-pulpaires

2. Rétraction du volume pulpaire et 3. Fraises utilisées pour réaliser l'accès pulpaire:


dégénérescence fibreuse dans la chambre (a) fraise de trépanation; (b) fraise d'élargissement
pulpaire de la 26. du puits d'accès (Zekrya®).

167

4. Dégénérescences calciques dans la chambre 5. Forte attrition des incisives mandibulaires:


pulpaire de la 26 et 27. le choix du traitement endodontique est
probablement une décision hasardeuse.

• de perméabiliser les canaux sous digue à l'aide de limes K de petits diamètres (lime K8
ou 10), mais aussi d'ultrasons endodontiques, de PathFiles de petits diamètres, et l'utili-
sation par alternance de solution d'irrigation canalaire d'EDTA (acide éthylène diamine
tétra acétique) ou de glyde (dissolution de la phase minérale) et d'hypochlorite de sodium
(élimination de la phase organique).

Les dégénérescences calciques


Les dégénérescences calciques (type pulpolithes) ou fibreuses en rapport avec le bruxisme
peuvent être présentes au niveau caméra!, mais également radiculaire. Là encore, des exa-
mens radiographiques de qualité sont indispensables chez le bruxeur (fig. 4). L'existence de
rétractions pulpaires et de dégénérescences calciques doit rendre prudent le praticien en
charge d'un patient bruxeur vis-à-vis de la décision des traitements endodontiques. Dans
des cas d'attrition importante, la situation la plus critique se situe au niveau des incisives
mandibulaires (fig. 5-6, la-b et Ba-b) où des restaurations collées sont probablement de
meilleur pronostic que des traitements endodontiques hasardeux suivis de reconstitutions
corona-radiculaires coulées qui ne sont pas toujours « couronnées » de succès!
Le Bruxisme tout simplement

••
6. Fortes attritions et érosions alcooliques 7 a, b. Attrition sévère avec forte rétraction pulpaire
des incisives mandibulaires : avec les au niveau des incisives mandibulaires : (a) aspect clinique,
phénomènes érosifs, l'accès endodontique (b) aspect radiologique.
est probablement plus facile.

168

Sa, b. Bruxeur sévère: dans ce cas, il y aura une tentative de traitement endodontique
mais, en cas de difficultés, il sera éventuellement plus sûr de procéder à des extractions.

Les fêlures ou fractures


Le bruxeur est un patient à risque du point de vue des fêlures ou des fractures . Elles ont
généralement un mauvais pronostic : elles peuvent se situer au niveau coronaire, parfois
jusqu 'au niveau de la chambre pulpaire, de la furcation, mais aussi tout au long de la racine
de la dent [3] . La dent présente des douleurs vives et brèves à la morsure et au relâchement
c'est le syndrome de la dent fissurée . Chez le bruxeur, le test clinique de morsure sur un coin
de bois sera réalisé systématiquement à la moindre expression algique.
Les fêlures récentes sont impossibles à diagnostiquer radiographiquement, mais un son-
dage parodontal (à l'aide d'une sonde parodontale graduée) ponctuel et profond révélant
une perte d'attache très localisée doit faire suspecter une fêlure ou fracture radiculaire de
la dent. La radiographie rétro-alvéolaire peut mettre en évidence la présence de lésions
radioclaires en regard de la fracture dans les espaces proximaux. Il peut y avoir ou non
une mobilité associée en cas de fracture . Dans certains cas, s'il y a une fi stule, un cône de
gutta-percha peut y être introduit. Le cône de gutta-percha s'arrêtera au niveau radiculaire
en regard de la fêlure ou fracture. Leur diagnostic peut également se faire avec l'util isation
d'un colorant dans la dent : bleu de méthylène ou d'une solution de révélateur de carie, ce
colorant est ensuite rincé. La coloration persiste dans les fêlures, ce qui permet une locali-
sation plus aisée.
12 Répercussions dentino-pulpaires

9. Fêlures multiples chez une patiente avec un bruxisme


à forme de serrement-balancement.
1O. La fracture de la cuspide vestibulaire a exposé
la pulpe entraînant des douleurs importantes.
11. La molaire est fracturée longitudinalement,
l'extraction est ici inévitable.

169
Traitement : s'il s'agit d'une fêlure, dans un premier temps, la dent devra être traitée
endodontiquement, puis une restauration coronaire collée sera réalisée. Un contrôle radio-
logique et un suivi régulier doivent être observés. Chez le bruxeur, cette approche faible-
ment invasive reste pertinente. Elle devra être associée à un parfait contrôle du calage . Faire
participer cette dent à une OIM bien répartie ne constitue pas en soit un facteur de risque;
le risque existe dans la participation au guidage et dans la morsure d'objet résistant (fig. 9).
Si la symptomatologie persiste, l'extraction de la dent devra être envisagée.
Les fractures peuvent être spectaculaires et représenter une urgence vraie. La fracture peut
n'intéresser que la couronne, et aboutir à une
exposition pulpaire (fig. 10) ou la dent dans
son ensemble (fig. 11). Dans le premier cas,
le traitement endodontique est réalisé en
urgence, dans le second, c'est l'extraction de
la dent qui est indiquée.

Les résorptions
Par la contrainte mécanique induite, le
bruxisme semble entraîner des degrés
variables de résorptions (externes ou internes,
perforantes ou non, cervicales ou apicales).
Si les résorptions externes ne sont pas de très
mauvais pronostics (exemple des résorptions 12a,b. (a) Obturation endodontique de
observées en orthodontie), les résorptions la 21 en présence d'une résorption interne
internes sont difficiles à détecter souvent perforante. (b) Trois ans plus tard, la 21 doit
d'un mauvais pronostic si elles sont perfo- être extraite en raison de l'évolution profonde
rantes (fig. 12a-b). de la résorption.
Le Bruxisme tout simplement

L'hypercémentose 13. Zone de


Elle est plus rare. Des forces occlusales remaniement
cémentaire au
excessives sur de longues périodes peuvent
niveau radiculaire
engendrer une formation de calcifications (hypercémentose) de la
dystrophiques apicales [4] (fig. 13). Il ne molaire mandibulaire.
semble pas y avoir d'évolution défavorable,
le risque peut résider dans une surprépara-
tion endodontique.

La nécrose aseptique de la pulpe (ou nécrobiose)


Les microtraumatismes répétés sont la principale étiologie des nécroses aseptiques, ils sont
souvent liés à des parafonctions occlusales. La dent peut être asymptomatique, l'inspection
visuelle peut déceler une dyschromie de la couronne de la dent, il n'y a pas de carie, la cavité
pulpaire est fermée. La pulpe se nécrose en dehors de tout germe pathogène. Les dents les
plus touchées par ce type de nécrose sont les incisives. Les signes cliniques peuvent rester
longtemps silencieux, mais cette forme de nécrose aseptique évolue inévitablement vers

170 une nécrose septique. La radiographie rétro-alvéolaire révèle alors la présence de lésions
apicales. Le traitement endodontique est inévitable, il peut parfois être associé à une chirur-
gie apicale (fig. 14a-c).
La détection des nécrobioses réside dans l'observation clinique, radiographique et dans les
tests de sensibilité.

14a,b,c. (a) La radiographie


préopératoire met en évidence
une nécrose aseptique de la 31.
(b) Radiographie postopératoire
après traitement endodontique
et chirurgie apicale.
(c) Radiographie de contrôle
à six mois, montrant la
cicatrisation de la lésion.

Répercussions des lésions cervicales non carieuses


et des surfaces occlusales d'usures sur le collage.
L'étiologie est souvent multifactorielle. Il existe quatre processus d'usure qui vont rentrer en
interaction : abrasion, érosion, attrition et abfraction . Ces lésions sont caractérisées par des
modifications de l'état de surface initial de la dent. De la dentine est exposée dans la cavité
buccale (fig. 15).
Des sensibilités plus ou moins importantes peuvent être ressenties au niveau de ces zones
exposées, ce qui parfois amène le patient à consulter. L'occlusion doit alors être contrôlée à la
recherche de surcontacts qui seront corrigés et une restauration adhésive sera mise en place.
12 Répercussions dentine-pulpaires 1

15. Nombreuses abfractions chez ce bruxeur. 16. Abfraction très profonde sur la 44, on observe
l'oblitération de la chambre pulpaire (flèches).

171

17. Une lésion d'abfraction sur la 22 a continué 18. Le traitement a consisté à déposer
à se développer en présence d'une restauration l'obturation existante et à en refaire
mise en place quelques années auparavant. une nouvelle en optimisant les conditions
occlusales particulières chez ce patient.

Il y a souvent formation dans la dentine (exposée ou non) d'une dentine tertiaire réactionnelle
sclérotique élaborée par les odontoblastes aux dépens de la lumière des tubuli dentinaires, pauvre
en collagène, très minéralisée [SI (fig. 16). Ces facteurs impliquent des techniques de restaurations
spécifiques. Il est nécessaire au préalable de traiter le(s) facteur(s) étiologique(s) afin d'écarter tout
risque de récidive . Cliniquement, il faut réaliser une préparation de la zone qui recevra la procédure
adhésive à l'aide d'une fraise diamantée puis d'une fraise tungstène . Ce qui implique ensuite une
procédure adhésive sous champ opératoire (digue, contour strip) à l'aide d'un système MR3 (élimi-
nation de la smear layer et va leurs d'adhésion maximales) [6-7) (fig. 17-18).
L'attrition occlusale liée au bruxisme génère les mêmes difficultés d'adhésion à la dentine que celles
rencontrées au niveau des lésions cervicales non carieuses. Souvent, les attritions occlusales favo-
risent l'ob litération des tu bu li et la rétraction pulpaire, il en résulte que les dents sont peu ou pas
sensibles . Cette situation est différente de celle rencontrée dans les érosions qui ouvrent les tubuli,
ce qui ne laisse pas le temps à la rétraction pulpaire de se produire (fig. 19).
Le Bruxisme tout simplement

L'ensemble de ces répercussions oblige


le clinicien à anticiper ces difficultés si les
dents concernées doivent recevoir un traite-
ment endodontique.
Au niveau pulpodentinaire, le bruxeur peut
présenter:
-des difficultés lors des traitements
endodontiques (rétraction pulpaire,
pulpolithe, risque de résorption interne) ;
-des risques de fêlure et/ou de fracture;
-des difficultés de collage. 19. Bruxisme avec grincement. la présence
d'une large surface amélaire sur 23 autorise
un collage avec un bon pronostic.

172

BIBLIOGRAPHIE
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Stratégies
thérapeutiques
175
Gérard Duminil, Jean-Daniel Orthlieb

Le bruxisme peut être envisagé comme une situation banale, surtout lorsqu'il est présent
dans les périodes de sommeil. En situation d'éveil, il se présente comme une activité de
décharge du stress. En restant à des niveaux faibles, il présente plutôt des avantages sur les
plans structurel et émotionnel . Dans les indices qui ont été définis précédemment, il peut
atteindre des seuils mettant en danger l'intégrité des dents naturelles ou reconstruites en
devenant une pathofonction. Des stratégies thérapeutiques doivent alors être définies pour
gérer les différents stades du bruxisme.
Le dictionnaire définit le mot « stratégie » comme étant « l'art de coordonner diverses
actions pour atteindre un but ». C'est aussi, sur le plan militaire, l'art de coordonner toutes
les forces engagées dans un conflit. Par principe, on cherche à exploiter les points faibles
accessibles, sur lesquels les énergies seront mobilisées et concentrées.
Dans le cadre thérapeutique, l'objectif est de résoudre une situation clinique en utilisant les
moyens à notre disposition pour obtenir la guérison ou la stabilisation d'une pathologie.
Ici, dans un but pédagogique, nous pouvons utiliser les analogies avec une stratégie mili-
taire. Le praticien est le stratège, et la pathologie est l'ennemi . Les moyens tactiques à
mettre en œuvre peuvent aller de la diplomatie (conseils comportementaux, biofeedback) à
l'engagement (thérapeutique plus ou moins invasive). Le praticien peut passer d'une forme
défensive classique, avec la gouttière, à une forme offensive, par une approche psycho-
comportementale appuyée sur la proprioception.
Le Bruxisme tout simplement

Gérer la peur
du praticien
Comme avant tout engagement, la pre-
mière étape est de surmonter sa propre
peur de l'adversaire. Le bruxisme, en effet.
fait peur aux praticiens, ce qui parfois leur
fait préférer l'abstention plutôt que l'affron-
tement (fig. 1).
Face au constat fréquent des effets délé- 1. le praticien a parfois tendance à faire la
tères que produit le bruxisme, la peur est en politique de l'autruche face au bruxisme.
grande partie liée à la méconnaissance du
problème et de la variété des solutions pouvant s'y rapporter. Le praticien doit apprendre
à connaître le bruxisme, ses diverses formes et les multiples étiologies, qui parfois se com-
binent pour potentialiser leurs actions. Il doit également se former pour maîtriser les moyens
thérapeutiques appropriés [1].

176 Connaître le patient FACTEURS ÉTIOLOGIQUES FACTEURS LIÉS AU PATIENT

Le premier souci d'un stratège est de se


faire des alliés. Pour le praticien, c'est le
patient qui doit devenir son allié bien plus
qu'un adversaire dans le projet de prise
en charge. Le bruxisme existe à différents
stades, à tous les âges de la vie. Chaque
patient présente des critères particuliers
quant à son niveau d'éducation, ses motiva-
tions, ses moyens financiers et l'observance
qu'il va manifester dans son traitement. La
coopération du patient est indispensable à
obtenir, car il est en fait l'« homme du ter-
rain ». Terrain qu'il est indispensable de bien
connaître, car seule une compilation de ces
différents facteurs pourra aboutir à un plan
de traitement personnalisé [2] (fig. 2).

Poser un diagnostic
Il s'agit d'identifier la cause principale du
bruxisme et le meilleur angle d'attaque 2. la prise en compte des facteurs étiologiques
(points faibles accessibles) afin de cibler individualisés du patient aboutit à un plan de
traitement personnalisé.
l'intervention au plus juste. C'est là qu'inter-
viennent les renseignements (fig. 3).
L'établissement d'un diagnostic précis est le résultat, nous l'avons vu, d'un entretien clinique
complet accompagné d'un examen clinique minutieux.
13 Stratégies thérapeutiques

Les renseignements sur le terrain détermineront


le choix du type d'engagement et, dans certains
cas, la nécessité de la réparation des « dommages
de guerre », ces actions devant se dérouler dans
un environnement que l'on aura toujours souci de
préserver par les approches les moins invasives pos-
sible et évitant les « dégâts collatéraux ».
Les moyens de lutte contre la pathologie sont
variés, ce qui est indispensable face à cet adver-
saire aux multiples aspects et dans des stades de
gravité plus ou moins avancés . La réponse se doit
d'être ciblée sur l'étiologie principale et adaptée à
3. Cibler le traitement sur
l'étiologie· principale accessible
la sévérité de la situation (riposte graduée). est un gage d'efficacité.

Prendre la bonne décision


Quand et comment intervenir? La solution thérapeutique est conçue en fonction de
l'âge du patient, de la sévérité du bruxisme, de la nature et la fragilité des structures, ainsi
que de la capacité de collaboration du patient et de son niveau de tensions émotionnelles. 177
La synthèse du questionnaire clinique permet d'établir l'indication de prise en charge et le
niveau de difficulté de celle-ci (fig. 4).
Les questions auxquelles il faut répondre sont, par ordre d'importance :
1. Quel danger le bruxisme représente-t-il pour le patient? Le niveau de risque
est en rapport direct avec, d'une part, la sévérité du bruxisme et avec, d'autre part, la fra-
gilité des structures. Si ce premier indice est égal ou supérieur à 3, la prise en charge est
indiquée, avec toutefois des modulations quant aux moyens mis en œuvre : un bruxisme

Sévérité du bruxisme

Faible (1), modéré (2), sévère (3) 1 2 3


Fragilité des structures (dents, parodonte,
implant, prothèse, muscles, ATM)
Fa ible (1), moyenne (2), majeure (3) 1 2 3
Indication de prise en charge du bruxisme Indice 16

Niveau d'observance prévisible

Excellente (1), moyenne (2), faible (3) 1 2 3


Niveau de tension psychologique
Fa ible (1), moyenne (2), majeure (3) 1 2 3
Niveau de difficulté de la prise en charge Indice 16

4. Zone de synthèse du questionnaire clinique.


Le Bruxisme tout simplement

sévère aura probablement peu de conséquences à long terme sur un appareil manducateur
sain et robuste, alors qu'un bruxisme modéré peut être un facteur de risque important s'il
s'exerce sur une structure dentaire affaiblie (parodontopathie) ou trop rigide (reconstruction
prothétique étendue en céramique, reconstruction sur implants).
2. Quelle est la difficulté du traitement à entreprendre? Celle-ci est inversement
proportionnel le avec le niveau d'observance prévisible (adhésion et respect des prescriptions
par le patient) et directement proportionnelle avec la tension psychologique (excitation des
réflexes, difficulté à accepter l'implication personnelle nécessaire à la prise en charge).
Une faible observance et une forte tension émotionnelle laissent augurer d'un traitement
difficile, mal contrôlé, qu 'il est parfois nécessaire de mettre en place plus progressivement,
voire de mieux encadrer avec des moyens d'appoint (prise en charge médicale, relais par un
psychologue, un physiothérapeute). Ici aussi, un indice supérieur ou égal à 3 indique une
difficulté certaine.
3. Quelles sont les tensions émotionnelles présentes? Une éva luation précoce
de cel les-ci est importante pour décider d'entreprendre ou de différer toute intervention
lourde. On ne bruxe pas tout le temps avec la même intensité [3] (fig. 5).
Pour diverses raisons, il est préférable d'attendre l'apaisement des tensions avant d'entre-
178 prendre un traitement irréversible. La mise en place d'une gouttière occlusale peut être
indiquée dans des périodes de tension particulière et ainsi permettre, tant au patient qu 'au
praticien, de prendre du recul pour mieux réévaluer la stratégie thérapeutique initia lement
envisagée.
Nous savons que la gouttière occlusale n'est pas la solution universelle au problème du
bruxisme :
• elle diminue le bruxisme, mais seulement pendant quelques semaines, et parfois elle l'aug-
mente (chez 20% des patients) [4-5];
• elle protège les dents des usures;
• elle est susceptible d'augmenter le bruxisme en cas de port continu pendant plusieurs
mois par le senti-
ment de confort et
d'impunité qu'elle
induit. Un port à long
terme continu peut
générer une forme
de dépendance; à
l'inverse, on sa it que
dans la majorité des
cas, l'observance du
port de la gouttière
ira decrescendo avec
le temps [6-~].

5. On ne bruxe pas tous les jours de la même façon.


13 Stratégies thérapeutiques

Observance
La problématique de l'observance concerne
les formes de traitement, comme la ges-
tion du stress, le reconditionnement des
comportements, l'hygiène de vie, le port
de gouttière chez les patients dépendants.
Entre 30 et 60% des patients ne suivent
pas les prescriptions médicales, et l'obser-
vance décroît régulièrement dans le temps,
ceci avec de fortes variations intra- et inter-
individuelles. C'est pour cela que le praticien
doit passer un « pacte d'observance » avec
son allié, le patient (fig. 6) . 6. Le pacte d'observance engage le patient
dans son traitement.
Le pacte d'observance consiste en un
contrat de soins et un consentement éclairé
dans lesquels le patient s'engage à être un acteur durable de son traitement. C'est égale-
ment une planification des rendez-vous pour les actes à venir et les séances de suivi (coa-
ching). Tout ceci est assorti d'un devis prévisionnel.
179

le praticien et l'observance : ce qu'il faut savoir


• La simplicité du traitement améliore l'observance.
• L'observance est moins bonne quand le praticien ne se réfère pas aux recommandations
thérapeutiques généralement admises.
• La formation des praticiens est essentielle et doit porter sur le suivi des recommanda-
tions, la réflexion sur l'observance et la qualité du suivi .
• La qualité et la régularité des consultations sont des facteurs de bonne observance.
En fait, en médecine en général, résoudre le problème de la non-observance thérapeutique
serait plus efficace que l'avènement de n'importe quel nouveau progrès médical (voir notam-
ment à ce sujet l'ouvrage édité par la World Health Organization, Adherence to Long-Term
Therapies. Evidence for action, 2003).

Établir une stratégie de traitement


L'information du patient et la prise de conscience de son état sont toujours les premières
étapes du processus thérapeutique.
Face à une pathologie multifactorielle, la réponse ne peut être que pluridisciplinaire.
Dans les chapitres précédents, nous avons examiné les variables du problème. Nous allons
maintenant envisager l'éventail des moyens à mettre en œuvre et ainsi établir les meilleures
approches thérapeutiques (fig. 7). Ces diverses approches sont décrites en détail dans les
chapitres suivants
Le Bruxisme tout simplement

...... , .......

7. La stratégie consiste 8. À chaque patient, une séquence


à séquencer les moyens thérapeutique différente.
thérapeutiques disponibles.

Les moyens à notre disposition sont les suivants :


• information, prise de conscience, éducation concernant l' hygiène de vie et du sommeil;
180 • rééducation cognitivo-comportementale;
• dispositifs à rétroaction;
• pharmacologie, toxine botulique;
• orthèses;
• collages de composites occlusaux;
• prothèse mini-invasive;
• reconstruction prothétique étendue.

La mise en œuvre de la stratégie


La tactique concerne le choi x des moyens et la chronologie selon laquelle ils seront appli-
qués. Quel que soit le plan de traitement envisagé, il faut toujours commencer par l'infor-
mation et la prise de conscience du patient sur sa situation (fig. 8).
Pour un sujet jeune présentant des signes précoces et avec des structures dentaires en bon
état, le traitement se limitera à une information, à des conseils simples, à de la surveillance
et à des auto-évaluations régulières .
Si les signes sont plus avancés, un programme d'autoprise en charge comportementale est
indiqué. Lorsque les conditions dentaires s'y prêtent, des collages occlusaux viendront ren-
forcer l'effet de rééducation par les modifications proprioceptives qu'ils provoquent.
Les bruxeurs sévères passeront par une prise en charge comportementale ayant pour objec-
tif non pas de supprimer le bruxisme, dont bon nombre de mécanismes neurophysiolo-
giques nous échappent, mais de nettement diminuer la charge durant l'éveil et de réduire
les « bouffées » de bruxisme de sommeil. La gouttière occlusale devient alors un élément
de renfort de cette rééducation, car elle peut agir également comme une alerte propriocep-
tive. Cet effet d'inhibition décroît avec l'habitude du port, aussi faut-il vraisemblablement
disposer d'une véritable tactique d'utilisation de la gouttière occlusale : matériau dur, port
nocturne discontinu adapté aux phases de stress ... On distinguera la gouttière utilisée dans
13 Stratégies thérapeutiques

la prise en charge initiale de la gouttière de protection réalisée en fin de traitement prothé-


tique. Ces deux gouttières ne se distinguent pas sur le plan de la forme, mais sur le plan
temporel.
La gouttière « initiale » ne sera pas généralement mise en place dans les premiers temps de
la prise en charge, mais au contraire en seconde intention, après un temps de mise en place
et d'observation de l'autorééducation cognitivo-comportementale.
La reconstruction des délabrements peut alors être envisagée par les techniques appro-
priées (mini-invasives ou pas). Les prothèses provisoires constituent un élément non négli-
geable de contrôle des charges exercées sur les dents. Leurs usures, les descellements ou
fractures répétées seront autant de signes d'insuffisance de l'autocontrôle du patient ou sur
le plan de la conception architecturale, voire les deux cumulés. Cela indique formellement
au praticien qu'il n'est pas encore temps de passer à la prothèse d'usage mais de réévaluer
la stratégie de prise en charge.
La gouttière de protection sera mise en place après la pose des prothèses d'usage. Les
conseils de port seront les suivantes : port nocturne continu pendant environ un à deux
mois, puis un port nocturne discontinu . Le patient portera sa gouttière de sommeil pendant
les périodes de tensions émotionnelles, les périodes d'obstruction nasale, après les soirées
arrosées, etc.
Des séances de contrôle seront planifiées pour relancer la motivation et évaluer l'évolution, 181
par exemple avec le système du Brux Checker® déjà décrit. Ce dispositif, simple à mettre en
œuvre, matérialise les parafonctions nocturnes. Il constitue un excellent moyen de remoti-
vation du patient.
La pharmacologie et les injections de Botox ne sont que des indications rares et dont les
effets, pour ce dernier, sont limités dans le temps.

Conclusion
L'établissement d'une stratégie thérapeutique réside sur une réflexion attentive synthétisant
les facteurs étiologiques et les facteurs liés au patient afin d'élaborer une séquence de soins
personnalisée, et même si le succès n'est pas garanti, la résignation n'est pas de mise.

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l:alliance thérapeutique
ou la prise en charge cognitivo-
comportementale (PECC)
183
Jean-Daniel Orthlieb, Gérard Duminil

La prise en charge cognitivo-comportementale est un abord thérapeutique évoqué mais


rarement développé dans les ouvrages sur le bruxisme. Ce chapitre en décrit son intérêt, ses
principes et les modalités de sa mise en œuvre.
La destruction n'est pas une fatalité, nous pouvons aider nos patients à contrôler leur
bruxisme.
Les formes sévères du bruxisme génèrent souvent, chez le praticien, un fort sentiment
d'impuissance face aux potentialités destructrices pour les systèmes dentaires naturels ou
artificiels.
Les moyens thérapeutiques proposés sont souvent décevants. Les traitements « occlusaux »
visant une équilibration occlusale par meulage, prothèse ou orthodontie, ont un caractère
invasif et n'ont pas apporté la preuve de leur effet à long terme pour traiter le bruxisme.
Parmi les autres voie5;.thérapeutiques, on note les injections de toxine botulique aux effets
souvent éphémères, et les traitements médicamenteux, parfois efficaces mais compor-
tant des effets secondaires non négligeables. De ce bilan des moyens thérapeutiques peu
enthousiasmant, il en résulte pour le praticien une réaction de résignation défaitiste. Le
praticien indique alors le port nocturne d'une gouttière occlusale qui, si elle ne traite pas le
bruxisme, protégera (du moins, on l'espère ... ) les organes dentaires ou les artifices prothé-
tiques. A moins que la gouttière ne soit surtout destinée qu'à protéger le praticien ...
Le Bruxisme tout simplement

1. Réaction au stress : la fuite, le combat ou le bruxisme.

Le port nocturne à long terme, sans stratégie particulière, d'une gouttière occlusale comme
unique élément de la prise en charge du bruxisme, n'est pas une fin en soi . On peut même
penser que, une fois passé l'effet inhibant initial, le sujet « bruxera », avec un sentiment
d'impunité, sur une gouttière occlusale bien équilibrée, encore mieux que sur ses dents! On
obtiendrait alors un effet de renforcement de la parafonction et non la diminution souhaitée.
184
Les objectifs de la rééducation
La rééducation du bruxisme sévère (bruxeur)
Depuis 1984, R. Slavicek [11 soutient l'hypothèse que le bruxisme de l'adulte est un réflexe
de protection de l'organisme agissant comme une soupape physiologique de décharge des
tensions émotionnelles. La réaction organique générée par une contrainte émotionnelle, un
stress, n'est pas simplement le classique flight or fight (« s'échapper ou combattre »), mais
flight, fight, or brux, c'est-à-dire « s'échapper, combattre ou se mettre à l'abri en serrant les
dents » (fig. 1). Ces dernières années, les travau x de l'équipe de S. Sato (Kanagawa Dental
University, Japon) ont apporté de nombreux éléments scientifiques étayant cette hypothèse
et montrant les effets bénéfiques du bruxisme sur de nombreux marqueurs biologiques du
stress (chez le rat et chez l'homme) (voir chapitre 2).
A ce titre, on peut considérer que le bruxisme serait bénéfique pour l'organisme. Seuls les
effets collatéraux du bruxisme sur les dents pourraient deve-
nir problématiques lorsqu'il est exagéré. Un bruxisme sévère
génère des risques mécaniques parfois majeurs pour la survie
des éléments dentaires naturels, plus encore s'ils sont artificiels.
Un des objectifs des traitements dentaires serait alors de main-
tenir un système dentaire suffisamment résistant pour autori-
ser les phénom~es de bruxisme en conservant une parfaite
stabilité mandibulaire. Mais aussi, nous avons tout intérêt à
encourager chez le bruxeur une réduction des comportements
parafonctionnels exagérés.
Il est pour cela très souvent nécessaire de mettre en place une
prise en charge dans le cadre d'une alliance thérapeutique 2. Pourquoi une approche psychologiq
visant une réduction des phénomènes parafonctionnels par du bruxisme? Parce qu'au-dessus
des dents, il y a un cerveau!
une autorééducation cognitivo-comportementale (fig. 2).
14 Prise en charge psycho-comportementale

La cible de la prise en charge :


le système nerveux central
Il ne faut pas se résigner à adopter une attitude passive, mais
au contraire installer une prise en charge pragmatique visant
à diminuer les effets délétères du bruxisme en réduisant son
intensité et sa fréquence (éveil et sommeil.) Le bruxisme est
la conséquence de contractions, le plus souvent inconscientes,
des muscles masticateurs. Il semble bien établi que cette hyper-
activité musculaire trouve son origine au niveau du système 3. Le Cogito ergo s
nerveux central (fig. 3). On définit ainsi la cible de la prise en («Je pense, donc j pis))) de
charge : agir sur le système nerveux central par une prise en Descartes soulign bi'en que
charge cognitivo-comportementale (PECC). l'homme assume sa propre
existence, en particulier
La cible de la prise en charge : puisque nous considérons ses comportements, en tant
le bruxisme comme d'origine centrale, adressons-nous que « chose qui pense )),
au cerveau. ce qui signifie que l'homme
« pensant )) peut modifier
ses comportements.
Le bruxisme, un réflexe archaïque
On appelle comportement neuromusculaire la réponse motrice à un besoin fonctionnel ou 185
parafonctionnel. Il se traduit par la coordination et l'adaptation de contractions musculaires
dans un but déterminé, sous le contrôle du système nerveux central. Il ne s'agit donc pas de
mouvements quelconques, mais de véritables séquences organisées appelées « praxies ».
Au cours d'un comportement souvent mimétique que le sujet s'est plu à répéter circulent
des influx polysensoriels parcourant, toujours dans le même sens, un certain nombre de
synapses. Ces praxies s'individualisent par des modifications biochimiques de la structure
des macromolécules d'ARN formant une « trace mnésique élémentaire », matérialisation
de l'engrammation cérébrale [2]. Comme beaucoup, Kato et coll. [3] suggèrent que le sys-
tème nerveux autonome a un rôle dominant dans la genèse du bruxisme. La fréquence
du bruxisme chez l'enfant et chez certains sujets handicapés sur le plan neurologique, et
l'influence de certains neuroleptiques sur le bruxisme inciteraient à voir celui-ci comme
une forme de comportement « archaïque » intéressant principalement les zones infracorti-
cales du système nerveux central. Ce comportement
réflexe, concernant le cerveau « du dessous » serait
sous l'influence de phénomènes d'inhibition dépen-
dant du contrôle cortical ou « cerveau du dessus »
(fig. 4). Par exemple, ce contrôle est affecté chez les
sujets handicapés au plan neurologique.
Chez l'enfant, il va augmenter avec son développe-
ment et la maturation du SNC. On sait que, pendant
le sommeil, le contrôle cortical est beaucoup moins
influent. Ainsi le crocodile (notre cerveau reptilien) qui
dort en nous peut alors s'exprimer sans subir d'inhi-
bition des centres supérieurs. Dans les zones infra-
4. Deux cibles thérapeutiques
différentes : le cerveau «du dessus))
corticales, les phénomènes d'habituation gravent par (cortical) analysant les stress, et le
répétition des voies qui facilitant le déclenchement du cerveau « du dessous )) (infracortical)
comportement praxique. sensible aux automatismes (en jaune).
Le Bruxisme tout simplement

Le bruxisme, une réaction au stress


De nombreux travaux montrent que le stress est reconnu comme un facteur initiant, pré-
disposant, ou perpétuant des troubles physiques, des symptômes psychologiques et des
troubles du sommeil. Les phénomènes d'anxiété semblant être les troubles psychologiques
les plus liés au bruxisme.
Certains auteurs pondèrent la relation entre stress et bruxisme de sommeil montrant des
activités de bruxisme de sommeil comme une réaction « archaïque » du système nerveux
central non liée au stress. Dans une récente revue de littérature [4], le serrement d'éveil
semble être associé à des facteurs psychosociaux ou à un certain nombre de symptômes
psychopathologiques, alors qu'il y aurait peu de preuves reliant le bruxisme du sommeil
avec les troubles psychosociaux. Bien entendu, cette dichotomie n'est pas aussi simpliste en
pratique clinique, le stress restant un facteur contributif important du bruxisme, ne serait-ce
qu'en générant des troubles du sommeil. Il est donc nécessaire d'en aborder la « gestion »
dans la prise en charge du bruxisme. La gestion des réactions aux émotions se situe prin-
cipalement dans les zones infracorticales du système limbique, mais l'interprétation des
émotions psychosociales déclenchant les réactions précédentes est modulée au niveau du
cortex « cerveau du dessus ».

186 Distinguer deux cibles thérapeutiques par


deux approches psychologiques spécifiques
Par hypothèse, il est possible d'inciter notre patient à reconditionner son système nerveux
central au niveau des deux dimensions incluses dans le terme « cognitivo-comportemental » :
-cognitif : gestion du stress par la prise de conscience en favorisant une meilleure
« hyg iène de vie », une bonification des réactions au stress, pour diminuer
la charge « électrique » acquise dans la journée et obtenir des conditions de sommeil
plus pacifiées;
-comportemental : modifier une habitude, un automatisme, une praxie en induisant
un reconditionnement de la séquence réflexe par l'apprentissage de l'enchaînement
« posture de repos- déglutition- posture de repos ». Cela signifie répétition
très fréquente de cette séquence en la déclenchant de manière active par des alertes
sensorielles (cf infra).

Les principes de la prise en charge


cognitivo-comportementale (PECC)
Le patient peut « désapprendre » un comportement aux effets indésirables par rééduca-
tion cognitivo-comportementale. Cette approche thérapeutique du bruxisme n'est pas un
leurre; au contraire, elle est objectivement non invasive, simple et souvent efficace.

Que veut dire ce « grand » mot?


Les thérapies cognitivo-comportementales (en anglais Cognitive Behavioral Therapy, CBT)
cherchent à résoudre les problèmes liés à des troubles émotionnels, à des comportements
dysfonctionnels et à des modes de pensée préorientés. La rééducation comportementale
est une psychothérapie visant à éduquer le patient en lui expliquant les caractéristiques
14 Prise en charge psycho-comportementale

globales du problème parafonctionnel et les facteurs étiologiques incriminés, puis à lui


apprendre à autogérer sa parafonction pour augmenter son pouvoir d'action sur ses symp-
tômes et à contrôler ses habitudes en leur substituant des comportements bénéfiques. Le
succès de cette thérapeutique dépend essentiellement de la coopération, de l'observance
et de la motivation du patient.

Efficacité de la PECC
De nombreuses études montrent l'efficacité de la PECC en général, mais aussi plus parti-
culièrement dans le domaine de la sphère orale. Cette hypothèse est étayée par certaines
études. En 1996, une conférence de consensus du NIH [S-6] a conclu que la médecine
comportementale était efficace dans le domaine de la douleur chronique, le facteur le plus
important résidant dans l'impact du praticien sur le patient (fig. 5). Chez l'adulte, l'effet
thérapeutique de l'approche cognitivo-comportementale dans la prise en charge des DAM
a été montré dans de nombreuses études cliniques [7]. À titre d'exemple, Oakley [SI montre
que l'approche cognitivo-comportementale a un effet positif chez les patients DAM, en par-
ticulier sur les effets de l'anxiété, et Truelove et coll. [9] montrent l'importance de l'autoprise
en charge, comparée au traitement par gouttière.
L'approche psychologique du bruxisme n'est pas une option, c'est une nécessité.
187
Plus spécifiquement, pour Casas et coll. [10], les attitudes de gestion du stress apprises
durant l'éveil, pourraient avoir, pendant le sommeil, un effet sur les activités musculaires
induites par le stress.
Directement orientées sur le bruxisme, les recherches de Restrepo et coll. [11] ont montré
un effet significatif des approches psychologiques sur le relâchement musculaire, sur la
réduction du bruxisme chez l'enfant en denture temporaire. Soulignons deux aspects très
intéressants de cette étude que sont l'implication de l'entourage et le temps : en dehors
des techniques de rela xation, une approche dite de compétence consistait à changer les
attitudes anxiogènes de l'environnement des enfants (parents, éducateurs ... ). Autre point
important : les résultats n'ont été évalués qu'après 6 mois.
Face à une relation praticien/patient difficile, Ornitz et Ritvo [12] montrent que le grincement
des dents chez des autistes peut être fortement diminué sur du long terme, par des stimu-
lations proprioceptives proches de la technique d'inversion
d'habitude de Azrin et Nunn [13] se proposant :
-d'accroître la sensibilisation du sujet à son habitude;
-d'interrompre la chaîne de comportement aussitôt
que possible;
-d'enseigner une réponse de remplacement;
-de renforcer le comportement approprié.

Mais, il est nécessaire de souligner également les inconvé-


nients des techniques comportementales qui sont consom-
matrices de temps clinique (nécessité de plusieurs séances,
plutôt longues) et dont les effets ont tendance à s'estomper
avec le temps s'il n'existe pas de suivi réel [14]. Ceci signifie 5. Le patient à besoin
qu'on l'aide à entrer dans
qu'il faut installer une forme de « coaching », structurée,
le processus et à maintenir
mais suffisamment simple à maintenir dans le cadre de la son autorééducation.
Le Bruxisme tout simplement

pratique habituelle en l'intégrant dans les phases cliniques classiques de la dentisterie pour
ne pas représenter un su rcoût thérapeutique. Les odontologistes sont habitués à mettre en
place ce type de coaching pour la maintenance de l'hygiène bucco-dentaire. Pourquoi ne
pas y adosser une surveillance du bruxisme et du stress? Dworkin [671, au Canada, mobilise
à juste titre les hygiénistes dentaires dans ce coaching; un exemple à méditer lorsque l'on
s'intéresse à la santé publique.
Il ne peut y avoir de rééducation efficace et durable sans un fort impact initial,
sans l'installation d'une alliance thérapeutique, renforcée par un suivi régulier sur
une longue durée.
Par sa seule présence, la gouttière occlusale peut être un élément de renfort de cette réédu-
cation, le rituel de son port matérialisant la prise en charge. Elle peut aussi agir ponctuelle-
ment comme une alerte proprioceptive inconsciente si son port nocturne n'est pas constant
sur une longue période, l'effet d'inhibition du bruxisme par la gouttière diminuant avec
l'habitude du port. Il faut donc proposer une véritable tactique d'utilisation de la gouttière
occlusale : matériau dur, port nocturne discontinu en fonction des épisodes de stress, des
difficultés ventilatoires nasales, par exemple.

Le chirurgien-dentiste est un clinicien du comportement oral


88 Est-il légitime pour le chirurgien-dentiste de s'immiscer dans la rééducation psychocompor-
tenientale de ses patients? Notre réponse est certainement oui. Comment peut-il en être
autrement? Le chirurgien-dentiste est un clinicien du comportement manducateur, que
ce soit pour l'hygiène, les dysfonctions ou les parafonctions orales. Expl iquer, démontrer,
convaincre que l'autocontrôle est un antidote aux comportements manducateurs délétères
est de sa complète compétence. Dans notre société, les chirurgiens-dentistes sont des prati-
ciens de sa nté en interface avec des millions de personnes chaque année. Il est dans le rôle
de chaque praticien d'être concerné par la santé émotionnelle et comportementale de ses
patients, tout particulièrement en ce qui concerne l'appareil manducateur. Il est également
dans so n rôle de dépister les contextes psycho-émotionnels difficiles (environ 10 à 20% des
patients bruxeurs) et de travailler alors en collaboration avec des confrères spécialisés dans
l'approche psychologique.
la première personne à convaincre est le chirurgien-dentiste lui-même.
Il est alors nécessaire de renforcer la formation initiale des chirurgiens-dentistes en psycho-
sociologie et de développer des sessions
de formations continues dédiées à cette
approche [15].
Le praticien doit d'abord être convaincu de
l'efficacité des approches cognitivo-com-
portementale, et prendre très fortement
conscience que cette voie est sans doute
la plus fiable pour maintenir dans le temps
le résultat de ses traitements prothétiques.

6. Débruxe. « Pour garder votre sourire, contrôle


Pour que le praticien puisse asséner régu-
le bruxisme. » Message à afficher dans les salles lièrement à son patient « pour garder votre
d'attente, sur les fiches-conseils, les devis sourire, contrôler votre bruxisme » (fig. 6),
de prise en charge.
14 Prise en charge psycho-comportementale

il ne doit avoir aucun doute sur le fait que le bruxisme peut être contrôlé dans une large
majorité des bruxismes sévères. Il développera ainsi une attitude réellement offensive contre
la pseudo-fatalité du « bruxisme un jour, bruxisme toujours ».

Mise en œuvre méthodique de la PECC


Toute approche thérapeutique se doit d'être méthodique et non fantaisiste; ceci est éga-
lement vrai pour la psychologie. Le paragraphe suivant décrit les éléments constitutifs de
l'alliance thérapeutique.
Les trois conditions du succès de la PECC liées au praticien :
- la volonté : un praticien convaincu dans une posture éducative active bien comprise;
-la rigueur : une mise œuvre rigoureu se de la méthode, incluant un suivi régulier;
- la patience : laisser du temps au temps.

Description des objectifs au patient


De manière pragmatique, il ne s'agit pas de supprimer le « bruxisme », dont bon nombre de
mécanismes neurophysiologiques nous échappent, mais de diminuer la charge musculaire
durant l'éveil et de chercher à réduire les « bouffées » de bruxisme de sommeil (fig. 7).
189
Prise de conscience et mise en confiance
Pour que le patient s'impose un changement comportemental, il faut qu 'i l ait conscience
de l'existence de ce comportement et de sa nocivité pour son organisme, en l'occurrence
pour ses dents. Mais il faut aussi qu 'il ait la sensation qu'il pourra acquérir la maîtrise de
cette habitude.
Dans la vie, on peut presque tout changer, mais il faut en ressentir l'envie et, surtout, le
besoin .
La prise de conscience : le patient est informé des effets parasites de certaines de ses
habitudes de vie et de leurs possibles relations avec son bruxisme. Les consultations initiales
permettent de repérer les comportements susceptibles de favoriser le bruxisme (alcool,
tabac, prise de psychosti mulants, neuroleptiques, tensions émotionnelles ... ) et de matéria-
liser les signes d'hyperactivités musculaires. En dehors de l'usure des dents antérieures, ces

7. L'objectif est d'aider R Xi.t


le patient à se maintenir
en dessous de la zone
rouge (pathofonction).
Le Bruxisme tout simplement

8 a, b. Pour cette jeune adulte, la photographie de sa première molaire usée est un élément important
de prise de conscience et de motivation (a); d'autres cas spectaculaires vont marquer l'esprit du patien ~
et servir d'« épouvantail » (b).

effets sont inconnus du patient. On montrera au patient, dans un miroir, ses dents usées,
ses exostoses, on lui fera toucher du doigt les densités musculaires. La photographie se
révèle irremplaçable pour matérialiser au patient les effets du bruxisme dans sa bouche.
Éventuellement, on complétera par des illustrations d'autres situations cliniques (fig. Ba-b).
Le Brux Checker® est également un moyen fort de matérialisation des affrontements den-
190 taires de sommeil (cf p. 199), mais aussi d'éveil.
La mise en confiance : l'empathie attentive, la simplicité du discours, la matérialisation
des signes de surcharges, les explications accessibles des interrelations physiopathologiques,
la définition d'objectifs thérapeutiques clairs, la description de succès thérapeutiques, la
reconnaissance des difficultés, la nécessité de prendre du temps pour observer des change-
ments progressifs, l'établissement d'un calendrier de visites sont autant d'éléments qui per-
mettent de gagner l'indispensable confiance du patient. Il ne peut y avoir de réussite d'une
autogestion sans compréhension globale du problème accompagné par le sentiment que le
praticien en possède les clés et qu'il va piloter et soutenir la rééducation sans dramatisation.
Le temps consacré à ces descriptions et les conditions de ces explications en sont sans doute
un paramètre déterminant. Il demande un investissement fort de la part du praticien .
La motivation : le succès d'une rééducation est toujours lié à la motivation du patient,
à sa volonté de s'approprier ce processus. Le bruxisme est généralement indolore, on ne
peut appuyer la motivation sur la douleur. La motivation du patient sera toujours plus forte
s'il est lui-même à l'origine de la consultation sur son bruxisme. La plupart du temps, la
demande du patient est par rapport à son apparence qui s'est modifiée. Dans les stades de
dépistage précoces d'un bruxisme, on insistera sur les risques pour les dents. Le maintien de
l'esthétique du sourire et les coûts importants engendrés par les prothèses fracturées sont
des arguments forts. Il faudra également renforcer la motivation du patient par un soutien
de son environnement social proche, commentant favorablement les efforts de correction
et lui rappelant la nécessité de « pratiquer les exercices ». Un calendrier de rendez-vous, des
rappels (téléphoniques, courriels, SMS) sont sans doute des éléments souhaitables à mettre
en œuvre dans le cadre du « coaching ». Il est aussi nécessaire de s'appuyer sur des données
écrites. Le questionnaire « facteurs à impact négatif » permet d'identifier les points de résis-
tances qui risquent de limiter le succès de la rééducation et leur évolution au cours du suivi.
Créer le besoin de s'approprier le processus de rééducation est une garantie de
succès.
14 Prise en charge psycho-comportementale

Recommandations au patient
Pour le patient, changer ses habitudes de façon durable est un véritable défi qu'il faudra
relever avec succès. Nous l'orienterons sur la voie à suivre avec cinq recommandations.
Reco n° 1 : Bénéficier d'un meilleur sommeil par une meilleure hygiène de vie.
Reco n° 2 : Favoriser un meilleur sommeil par une meilleure posture de sommeil et une
meilleure ventilation.
Reco n° 3 : Diminuer les contraintes physiques en décollant les dents pendant l'éveil.
Reco n° 4 : Diminuer les contraintes émotionnelles en apprenant à mieux gérer le stress.
Reco n° 5 : Utiliser impérativement des alertes sensorielles pour renforcer quotidiennement
l'autorééducation cognitivo-comportementale.

Hygiène de vie. Recommandation n° 1 : Bénéficier d'un meilleur sommeil par une


meilleure hygiène de vie.
C'est le jour que l'on prépare sa nuit, ou c'est l'éveil qui prépare le sommeil.

-~
Nom:
-Prénom:
À remplir par le patient: cercler les chiffres
0 pour « Non », 1 pour « Un peu »,
ur.r••'

BRUXit NÉGATIF- RÉÉDUCATION DU BRUXISME- FACTEURS À IMPACT NÉGATIF

Non
~·mu ..,,

Un peu
Ultr;U[I)I

Date:
Moyen Fort
191

2 pour « Moyennement », 3 pour « Fortement »


1 Je ne crois pas serrer les dents pendant l'éveil 0 1 2 3
2 Je ne me rends pas compte que je serre des dents 0 1 2 3
3 Je ne crois pas que l'habitude puisse être contrôlée 0 1 2 3
4 Je ne crois pas pouvoir ressentir différemment 0 1 2 3
mon environnement social trop stressant
5 Je ne me crois pas vraiment en état de stress fréquent 0 1 2 3
6 Je ne crois pas vraiment avoir des problèmes 0 1 2 3
de ventilation pendant le sommeil
7 Je ne crois pas vraiment avoir des problèmes 0 1 2 3
de fragilité au niveau de mes dents
8 Je ne crois pas vraiment pouvoir changer mes habitudes 0 1 2 3
9 Je n'ai pas très envie de modifier mes comportements 0 1 2 3
de la mâchoire
10 Je n'ai pas très envie d'apprendre à gérer mes facteurs 0 1 2 3
de stress
11 Je ne crois pas vraiment que l'on puisse apprendre 0 1 2 3
à gérer le stress
12 Je ne me sens pas aidé 0 1 2 3
Total = BRUXit négatif
Le Bruxisme tout simplement

La qualité du sommeil est influencée par le déroulement de la période d'éveil; des consignes
générales sont prodiguées quant :
-au mâchonnement : le chew ing-gum est à proscrire, en dehors d'une utilisation
éventuelle de quelques minutes pour nettoyer ses dents. Certes, il stimule le
parodonte, mais il entretient la puissance musculaire ;
-aux érosions : éviter les boissons et les aliments acides susceptibles d'aggraver
les usures dentaires;
-aux produits excitants : sont à proscrire cola, boisson énergétique, tabac,
café, alcool, drogues. .. ;
-au repas : éviter les repas copieu x le soir avant de s'endormir;
-à la phase de préendormissement: elle doit être un moment de calme, d'apaisement;
-au rythme de vie : organiser un rythme régulier avec un temps de sommeil suffisant
et non fractionné .

La présence de troubles du sommeil notables et fréquents indique une consultation médi-


cale spécialisée par l'intermédiaire du médecin généraliste avec des échanges écrits entre
tous les praticiens concernés.
Sommeil-respiration. Recommandation n° 2 : Favoriser un meilleur sommeil par une
meilleure posture de sommeil et une meilleure ventilation.
192 Dormir alternativement sur le côté droit et gauche, respirer par le nez.
La qualité du sommeil est influencée par la posture de sommeiL Une posture de sommeil sur
le dos facilite la respiration par la bouche, le ronflement, les apnées. On sait que ces phéno-
mènes seraient associés au bruxisme de sommeil. Une posture de sommeil sur le ventre, en
dehors du fait qu'elle est pathogène sur le plan dorsa-cervical et parfois pour les ATM, rend
plus difficile la respiration et donc constitue également un facteur favorisant des phases
d'hypoxie liées au déclenchement du bruxisme de sommeil. La posture de sommeil latérale,
rectiligne semble plus favorable . On se souviendra qu 'en termes de posture, l'important sur-
tout est d'éviter la stase, c'est-à-dire qu'il faut alterner les postures. On recommandera donc
d'alterner les postures de sommeil latérales entre le côté droit et le côté gauche (fig. 9).

a b

â. -::/):" ~ r ~&

9 a, b, c, d. Postures de sommeil : les postures de sommeil ventrale et dorsale sont à éviter (a, b); la
posture latérale est favorable à une respiration facilitée. Sur le plan cervico-dorsal, la position fœtale (c)
est moins bénéfique qu'une position latérale plus rectiligne, un coussin entre les genoux (d).
14 Prise en charge psycho-comportementale

Pour éviter de dormir sur le dos ou sur le ventre, il est classique et efficace de dormir avec
un tee-shirt sur lequel une ou deux balles de tennis sont glissées dans une poche cousue (en
ventral ou en dorsa l, suivant la posture à corriger).
L'observation du patient (bouche ouverte, lèvres sèches, cernes ... ) et l'interrogatoire (séche-
resse orale la nuit. ronflements, som meil fractionné .. .) permettent de dépister le ventilateur
oral. La capacité de ventilation nasale sans effort est à examiner (observation du patient,
interrogation, tests cliniques). La présence de gênes notables indique une consultation
médicale spécialisée par l'intermédiaire du médecin généraliste avec des échanges écrits
entre tous les praticiens concernés.
Une ventilation nasale difficile pendant l'éveil doit souvent être réhabilitée par une auto-
rééducation constante, y compris et peut-être surtout après une éventuelle intervention
chirurgicale.
On donnera pour consignes, le plus souvent possible :
- de garder les lèvres le plus souvent closes, sans forcer;
-de fermer doucement les lèvres, d'inspirer lentement par le nez, de souffler
par le nez ou la bouche,
-de stimuler constamment l'odorat : la fonction sensorielle de l'odorat peut être un
vecteur important de la rééducation de la ventilation nasale en cherchant à capter
toutes les odeurs, en stimulant so n odorat par le dépôt régulier de parfum sur le
193
dos de la main, en utilisant des diffuseurs d'odeur, en fleurissant son bureau, son
domicile ... (fig. 10).
Praxie. Recommandation n° 3 : Diminuer les contraintes physiques en décollant les dents
pendant l'éveil .
Corriger une praxie demande de répéter le même enchaînement deux cents fois par jour,
soit plus de dix fois par heure d'éveil.
La reprogrammation comportementale des praxies mandibulaires vise un conditionnement
de la posture mandibulaire de déglutition et de repos . La rééducation comportementale
d'une praxie implique de développer l'apprentissage d'un comportement concurrent, sou -
vent inverse, de préférence favorable à la physiologie, simple à réali ser, discret et compatible
avec les activités sociales [13] .

11. Répétition =
habituation. La
rééducation de la
praxie concerne
globalement notre
cerveau reptilien :
« Le crocodile est
complètement
idiot, il faut donc
lui faire répéter
10. La stimulation de l'odorat
très souvent le
même exercice. »
favorise la ventilation nasale.
Le Bruxisme tout simplement

5 Posture de repos 1 Observation


suis-je en train de faire avec mes dents ?
"Fermer ne veut pas dire serrer les dents"
"Dès que j'ai avalé ma salive, je décolle
légèrement les dents, la langue reste en
contact léger avec le palais"

4 Déglutition 2 Posture de repos


avaler la salive en mettant les Lèvres en contact, dents sans contact
dents en contact sans les serrer langue légèrement posée contre le palais
juste en arrière des incisives maxillaires

3 Ventilation nasale
lnsipirer doucement par le nez, sentir les odeurs
Exercice de respiration ventrale

12. Cercle vertueux: automatiser la posture de repos (la même recette pour tous les patients).

194 Si changer une habitude est essentiellement une question de motivation (d'envie, de com-
préhension, de besoin), c'est aussi une affaire de répétitions quotidiennes, multiples, d'un
exercice simple, toujours le même (fig. 11-13). Nous avons tous le même cerveau reptilien,
ce qui signifie que pour la rééducation de la praxie, on pourra appliquer la même recette à
tous les patients.
Consignes au patient: Pour éviter le serrement fréquent, décollez les dents dans l'enchaî-
nement suivant :
1. Observation : « Qu'est ce que j'étais en train de faire avec mes dents? »
2. Postu re de repos : lèvres en contact, langue en léger contact sur le palais, dents sans
contact.
3. Inspi ration nasale, respiration ventra le.
4. Déglutition : avaler : poser les dents, langue au palais (poser les dents n'est pas serrer les
dents).
5. Posture de repos : la langue reste en
contact avec le palais, les dents sont Zone corticale
Explication, motivation, conflanca :
décollées. f' besoin de changer

Le réflexe conditionné qu'Ivan Petrovitch 1&'-l~ :l('i" ~ ~ Une méthode simple, bien comprlse
• Renforcement par Coachlng
Pavlov a décrit à partir de 1889 est acquis
par l'apprentissage. Le conditionnement
pavlovien démontre que l'apprentissage
peut créer, par habituation, une réaction
involontaire, non innée, provoquée par un
stimulus extérieur, c'est-à-dire un autre
réflexe parfois opposé au premier. C'est
par un reconditionnement pendant l'éveil
que l'on peut influencer les comportements
nocturnes et espérer influencer le bruxisme 13.Reconditionnement d'une boucle
diurne. praxique de relâchement mandibulaire.
14 Prise en charge psycho-comportementale

À titre d'exemple, dans les myalgies manducatrices, la simple prise de conscience des ten-
sions musculaires, de la posture mandibulaire, de la respiration a été évaluée comme plus
efficace que les techniques de TENS (électro-stimulations) [16] .
Stress. Recommandation n° 4 : Diminuer les contraintes émotionnelles en apprenant à
mieux gérer le stress.
L'autogestion du stress, cela s'apprend : plus les facteurs de stress sont importants, plus il
faut apprendre à les gérer, à apprivoiser le stress.
Les réactions d'anxiété générées par le stress varient individuellement en fonction de plu-
sieurs facteurs :
-environnement : l'intensité de l'« agression », facteur extérieur pas toujours contrôlable;
-tolérance : l'hypersensibilité émotionnelle où l'hyperréactivité altère la nécessaire
capacité de « résilience » (tolérance) psychoémotionnelle;
- réponse : l'aptitude à trouver une réponse à l'agression ou une voie d'échappement
(plan B);
-neutralisation : faculté de « neutraliser le stresseur » en le contextualisant, c'est-à-dire
en le replaçant à sa juste dimension dans le contexte global de son environnement
psychosocial, de ses priorités (fig. 14).
Apprivoiser le stress vise à diminuer les tensions émotionnelles diurnes, mais aussi à ne pas 195
accumuler dans la journée une charge « électrique » qui en se déchargeant la nuit aura ten-
dance à altérer la qualité du sommeil. Contrairement à la rééducation de la praxie, il n'existe
pas de recette universelle. Au contraire, la gestion du stress est un cocktail très individuel,
dont pratiquement seul le patient est à même de trouver la recette appropriée. La très large
majorité de nos patients ne relève pas d'une psychothérapie médicalisée. Notre rôle sera
d'ouvrir des pistes générales de réflexions afin d'aider notre patient à se tracer lui-même de
nouveaux chemins de pensée.
La gestion du stress repose sur quatre axes auxquels le patient
doit impérativement réfléchir :
- identifier ses stresseurs : comprendre les causes réelles
et leur nature;
-évaluer ses principales réactions de stress (certaines
hypersensibilités sont plus ou moins fondées);
-connaître les techniques physiques et psychiques qui
s'opposent efficacement aux stress (mieux se connaître,
trouver des réponses, relativiser, positiver, partager, respirer,
s'exposer à la lumière, rire, prendre du plaisir... );
-appliquer une stratégie individualisée qui favorise une
meilleure gestion du stress (planifier, préciser des objectifs,
définir ses priorités, maîtriser le temps, cultiver 14. Le sujet acteur de son
la satisfaction, optimiser le sommeil). stress : le niveau de stress
ressenti est fonction des
L'esprit de chacun a un potentiel de régulation à la manière d'un
contraintes psychosociales
potentiomètre qui peut augmenter ou diminuer le son du télévi- environnantes, mais aussi de
seur (fig. 15). Pour le patient, il s'agira de bonifier les réactions au notre capacité à les absorber
stress en mettant en place une forme d'introspection simplifiée de (résilience), à imaginer des
sa façon de réagir aux tensions émotionnelles et d'instaurer une réponses, à hiérarchiser, à
certaine hygiène de vie favorisant un sommeil récupérateur. trouver des compensations.
Le Bruxisme tout simplement

Zone corticale
Gestion cognitive du Stress
+ Trouver des réponses
+ Augmenter la tolérance
+ Neutraliser par le oonte>cte
+ Cuniver le plaisir

• l'hyperactivité musculaire
• le phénomène d'habituation
• les troubles du sommeil

15. Face au stress l'approche cognitive 16. Esprit régulateur: le SNC modère
permet de majorer les réactions bénéfiques ou amplifie toutes nos réactions émotionnelles.
et de diminuer les réactions délétères. Il faut apprendre à jouer de son esprit régulateur
dans le sens de la satisfaction

À chacun de s'exercer par exemple en prenant cinq minutes par semaine (ou par jour) pour
196 réfléchir sur soi, décrire une situation que l'on a vécue, chercher à comprendre les déclen-
cheurs externes et internes, puis questionner la stratégie que l'on a mise en œuvre et en
inventer d'autres (fig. 16). Un autre exemple réside dans le fait d'apprendre les bases des
méthodes de relaxation par la lecture de petits ouvrages de vulgarisation . L'important est
que le patient y trouve des éléments en conformité avec son propre mode de pensée et que
cela n'engage jamais de coût financier notable.
L'ennemi du stress est la satisfaction, le plaisir.
Activer les voies réflexes de la satisfaction est probablement le moyen de compensation
le plus efficient. Physiologiquement, les sensations de plaisir s'opposent biologiquement
et immédiatement aux réactions neuro-endocriniennes de l'anxiété. La satisfaction peut
prendre des formes très différentes suivant les individus. C'est vraisemblablement dans la
« création hédonique », dans la « création plaisir », dans le « jeu », de préférence partagé
(en groupe), que se trouvent les meilleures voies de compensation des tensions psychoémo-
tionnelles . Le stress « dur », sur lequel le sujet n'a pas de prise (le deuil, par exemple), doit
générer des phénomènes d'acceptation et de compensation par les voies de la satisfaction.
Quand le stress est écrasant, il faut activer des phénomènes, d'échappement, de compen-
sation, de détournement. Les sujets éprouvant un besoin irrépressible d'activité musculaire,
ils peuvent « jouer » avec quelque chose dans la main. Cela devient indispensable chez
l'hyperactif (fig. 17a-c).
Renforcement proprioceptif. Recommandation n° 5 : Utiliser impérativement des
alertes sensorielles pour renforcer quotidiennement l'autorééducation n cognitivo-compor-
tementale.
Le principe du biofeedback (rétroaction sensorielle) réside dans l'utilisation d'un stimulus
sensoriel pour attirer l'attention du patient sur ses activités musculaires indésirables (au
niveau des mâchoires, par exemple) afin d'induire un « conditionnement aversif ». Il peut
s'agir d'une visualisation à l'aide d'un appareil électrique (lumière, sons) déclenché par
l'enregistrement d'un signal physiologique (EMG enregistrant la contraction d'un muscle,
14 Prise en charge psycho-comportementale

17. c'ompensation
du besoin
d'hyperactivité
par écrasements
répétés d'un objet
en mousse.

par exemple). Cette technique a été appliquée avec succès au bruxisme d'éveil et de som-
meil [17-18). Ces techniques de rétroaction après déclenchement d'un stimulus sont intéres-
santes. Elles ont donné lieu à plusieurs évaluations scientifiques, mais demandent le plus
souvent une mise en œuvre un peu complexe qui en limite l'usage au quotidien (temps,
structure, coût).
La reconnaissance, par le patient, de ses activités « nocives » est la base de toute th érapie
cognitive. Pour favoriser cette prise de conscience, il est souvent indispensable d'utiliser des
méthodes « d'alerte sensoriel le » comme l'utilisation des classiques gommettes adhésives
colorées positionnées sur des objets fréquemment sous le regard du patient [19) . Ces alertes
sensorielles n'ont pas qu'un rôle de prise de conscience, elles doivent également déclencher 197
l'apprentissage du nouveau réflexe : l'observation de l'alerte déclenche le cercle vertueux :
posture de repos-> déglutition dents en contact posture de repos.
Le renforcement proprioceptif par des alertes sensorielles est indispensable à l'autorééduca-
tion. Le renforcement proprioceptif peut prendre des formes diverses :
Pense-bête visuel : gommettes (petites, bleues ou vertes, etc.) collées sur des objets très
souvent en face du patient (le volant de la voiture, le bracelet de la montre, la manche de
la veste, le clavier de l'ord inateur, etc.). À chaque fois que l'œi l voit le point vert, le cercle
vertueux se déclenche (fig. 18a-b).
Pense-bête objet porté : changer sa montre de bras, la mettre à l'envers, porter sur soi
quelque chose d'inhabituel (bracelet, bague ... ). Cette nouvelle sensation cutanée jouera le
rôle de déclencheur de l'exercice (fig. 19).
Pense-bête de situation : associer systématiquement certaines situations répétitives dans
la journée (ouvrir une porte, la sonnerie d'un téléphone) au déclenchement de l'exercice.

18 a, b. Les alertes sensorielles comme


les gommettes (point vert) sont des outils
indispensables au reconditionnement des
praxies (a). Cependant, il faut les disposer
avec parcimonie (b).

19. Mettre sa montre à l'envers crée


une alerte sensorielle cutanée.

20. Une montre connectée peut envoyer


régulièrement un message d'alerte.
Le Bruxisme tout simplement

Pense-bête électronique : les smartphones, les montres connectées, les bracelets


« tracker » d'activité peuvent être dorénavant facilement transformés en déclencheurs du
cercle vertueux (fig. 20).
Pense-bête stresseurs : identifier les situations dans la journée de tensions émotionnelles
où l'on est surpris à serrer les dents. Créer, au contraire, un réflexe de relâchement (certaines
personnes, la sonnerie du téléphone, les embouteillages ... ).
D'autres types d'« alertes sensorielles » sont à imaginer par le patient. Ses propres inven-
tions l'aideront beaucoup à majorer sa rééducation (fig. 21).

L'encadrement de la rééducation (coaching)


Dans une prise en charge sérieuse du bruxeur (bruxisme sévère), le coaching est une .
impérieuse nécessité. Il inclut l'évaluation de l'autorééducation dans ses deux dimensions
(contrôle de la praxie, gestion du stress), mais aussi les conditions éventuelles du port de la
gouttière, les prothèses provisoires, les réactions aux collages s'ils ont été réalisés .
A la fin de la phase initiale d'explication du problème et de description de la méthode
à suivre, des fiches sont remises au patient pour renforcer les messages et lui permettre
de revoir tranquillement les nombreuses informations qui lui ont été apportées lors de la
198 consultation. Un calendrier de réévaluation est établi dans le cadre d'un devis global concer-
nant la prise en charge initiale comme cela se pratique depuis longtemps en parodontie :
- rendez-vous : environ tous les deux mois pour contrôle avec questionnaire (facteurs à
impact négatif et positif), interrogatoire, réévaluation clinique, remotivation sur les points
faibles, éventuellement correction de la stratégie thérapeutique (tableau 2);
-parfois, recours à un renforcement par un physiothérapeute (kinésithérapeute, ostéo-
pathe, orthophoniste ...) ou par un psychologue;
-mise à disposition éventuelle de dispositifs ambulatoires (EMG portatifs, Brux Checker®.. .) ;
-dans de rares cas, indication d'un soutien médical (neurologue, psychiatre) via le médecin
traitant (tableau 2).
Dans les cas complexes, une fiche synthétique du suivi « BRUXit monitoring » est utile. Elle
devient indispensable dans les projets de recherche (tableau 3).
L'utilisation du Brux Checker® se révèle un moyen très utile pour mobiliser l'attention du
patient sur ses parafonctions d'éveil ou de sommeil, mais aussi l'attention du praticien sur
la principale cible thérapeutique (éveil ou som-
,Zone infracorticale
, ' Par conditionnement, le point vert finit meil), et sur des zones dentaires exposées au
' par déclencher automatiquement le
bruxisme (fig. 22-24).

.,.__.•
réflexe de reiAchement

Cercle vertueux
Concernant les rééducations comportementales
ou, plus globalement, les traitements de long
terme de maladies chroniques, de nombreuses
études montrent un fort impact des rendez-
vous d'encadrement, marquant toujours un
effet rebond de la motivation . De plus, il est
absolument nécessaire de se donner du temps
21. Les alertes sensorielles, comme les de suivi, et ceci doit être parfaitement précisé
gommettes (ici le point vert), sont des outils
dès le début de la prise en charge. Le temps
indispensables au reconditionnement.
14 Prise en charge psycho-comportement ale

22 a, b. Brux Checker® : (a) enregistrement 23 a, b. Brux Checker® : (a) enregistrement


pendant l'éveil; (b) enregistrement pendant le pendant l'éveil; (b) enregistrement pendant le
sommeil, la coloration rouge est effacée par le sommeil. Noter les contraintes non travaillantes
bruxisme, dans ce cas la parafonction est très en distal de 17 et en propulsion sur 21 pendant
majoritairement nocturne (documents C. Basili). l'éveil (documents C. Basili).

24 a, b. Brux Checker® : (a) enregistrement


pendant l'éveil; (b) enregistrement pendant
le sommeil. Le bruxisme d'éveil semble plus
important que le bruxisme de sommeil
(documents C. Basili).

199
BRUXit-NÉGATIF- RÉÉDUCATION DU BRUXISME- FACTEURS À IMPACT NÉGATIF
Nom: Prénom: Date:
À remplir par le patient : cercler les chiffres Non Un peu Moyen Fort
0 pour « Non », 1 pour « Un peu »,
2 pour « Moyennement », 3 pour « Fortement »
1 Je suis attentif à ne pas rester les dents serrées 0 2 3
pendant l'éveil
2 Je me rends compte que parfois je serre des dents 0 2 3
3 J'ai l'impression que l'habitude de serrer les dents diminue 0 2 3
4 J'ai l'impression de mieux absorber le stress 0 2 3
environnemental
5 J'ai l'impression d 'avo ir un meilleur sommeil 0 2 3
6 J'ai l' impression d'avoi r mo ins de problèmes de ventilation 0 2 3
pendant le sommeil
7 Grâce aux« alertes sensorielles »,je su is attentif 0 2 3
à ne pas exposer mes dents à trop de contraintes
8 J'ai l'impression que j 'arrive à mieux contrôler 0 2 3
mes habitudes
9 J'ai très envie de modifier mes comportements 0 2 3
de la mâchoire
10 J'ai très envie d'apprendre à gérer mes facteurs de stress 0 2 3
11 Je travaille la gestion du stress 0 2 3
12 Je me sens aidé 0 2 3
Total = BRUXit ositif
Le Bruxisme tout simplement

nécessaire pour apprécier réellement les effets de la rééducation est imprévisible, puisque
complètement dépendant du patient lui-même. On observe aussi bien des modifications
comportementales quasi instantanées que des modifications très lentes demandant 6 à
12 mois, voire plus. On peut annoncer au patient qu'à 3-4 mois on doit pouvoir évaluer des
effets bénéfiques.
Un échec de la prise en charge initiale demande une remise en question à la fois du praticien
et du patient, visant à identifier les facteurs à impact négatifs qui bloquent les modifications
bénéfiques, et à rechercher ensemble les moyens de lever ces blocages .
En cas de difficultés, deux choses sont certaines :
- ne jamais se précipiter dans la mise en place de réhabilitations dentaires définitives;

lr:J:lll lllUIJj lmffoToiiU.I#:l f::Ji iT:ril

Évaluation de la prise en charge du bruxisme de 0 à 10

Nom: Prénom: Date:


Autoévaluation par le patient 0 1 2 3 14 5 6 7 8 9 !10
200 Niveau de douleur ou fatigue musculaire
Niveau de troubles du sommeil
Niveau de fatigue globale
Niveau de tensions psycho-émotionnelles
Niveau d'anxiété
Niveau de difficultés de ventilation par le nez
Niveau de parafonctions orales (morsures, mâchonnements)
Niveau de serrement des dents
Niveau de pression, de crispations (langue, lèvres)
Niveau d'inattention aux comportements oraux
~m d'inattention aux « alertes sensorielles »
1
1mettes ... )
Niveau d'inattention à la gestion du stress
Autres
Examen clinique
Facettes brillantes
Douleur à la palpation musculaire
Niveau de densité musculaire élévatrice
Niveau de destruction des dents, collage, gouttière
Examen complémentaire
Brux Checker® index
Enregistrement EMG d'éveil
Enregistrement du sommeil
Total
14 Prise en charge psycho-comportementale

-se méfier des patients « pressés »; le patient non-observant, demandant des résultats
rapides sans qu'il ait besoin de se remettre en cause, impose non pas un abandon
thérapeutique, mais un renouvellement du contrat thérapeutique concernant la prise en
charge initiale.

Mise en pratique : la PECC est non invasive pour le patient, mais pas pour le praticien,
du fait de l'implication nécessaire et du temps qu'il doit y consacrer.
La prise en charge cognitivo-comportementale est sans aucun doute une méthode efficace,
mais qui requiert un investissement en temps important de la part du praticien. L'al li ance
thérapeutique s'exprime dans le pacte d'observance, évoqué dans le chapitre 13, qui doit
être accompagné d'un devis stipulant les modalités pratiques et financières en prenant
modèle sur la maintenance parodontale. En dehors de la première séance, qui peut être
assimilée à une consultation et facturée comme telle, les autres rendez-vous ne corres-
pondent pas à des actes inscrits à la nomenclature. Il faut donc étab lir une enveloppe
forfaitaire pour l'ensemble des rendez-vous sur la base du temps passé et du coût de fonc-
tionnement propre à chaque cabinet. Au moins trois rendez-vous sont à prévoir espacés
d'un à deux mois. Les éventuels éléments matériels comme les Brux Checker®, collages,
gouttières, prothèses provisoires sont à prévoir dans le devis.
Ces données ne sont que des indications et doivent être adaptées à la difficulté du cas et à
l'observance du patient.
201

Conclusion
« L'esprit n'est pas servilement lié à son tempérament, mais est capable de le
transcender » (Hegel).
Bien entendu, le praticien doit s'efforcer de mieux détecter le bruxisme et d'anticiper les
risques mécaniques par une stratégie prothétique adaptée, c'est-à-dire adapter la résistance
des prothèses aux contraintes susceptibles d'être appliquées. Mais il doit aussi savoir qu'il
existe des capacités de rééducation comportementale méritant pour le moins d'être mises
en œuvre. C'est le patient lui-même qui peut éventuellement agir sur son bruxisme, il doit
donc être « responsabilisé » dans son traitement. Aussi, sans aucun doute, la communica-
tion, les explications, le « coaching » sont des éléments déterminants du succès de cette
alliance thérapeutique. Le patient doit bien comprendre que l'autorééducation a deux cibles
bien distinctes au niveau du SNC :
- le cerveau du dessus : les réactions émotionnelles des sphères corticales
que nous appellerons « stress »,
-le cerveau du dessous : les réflexes automatiques sous-corticaux
que, pour simplifier, nous appellerons « praxie ».
En cela, le terme « cognitivo-comportemental » est pertinent, cognitif pour « penser »,
comportemental pour « réflexe ».
Pour cela, le praticien doit tout d'abord être confiant dans ses propres connaissances sur
le bruxisme et dans les résultats qu'il peut attendre de la rééducation cognitivo-comporte-
mentale. On ne peut être convaincant que si l'on est soit même convaincu.
La prise en charge cognitivo-comportementale est à la fois efficace, sans risque et simple à
mettre en œuvre. « Efficace », « simple », « sans risque » sont des arguments très forts en
Le Bruxisme tout simplement

termes de traitement médical. On peut donc s'étonner de la faible mention qui est habituel-
lement faite de cette approche dans la prise en charge du bruxisme. En fait, dans l'esprit des
praticiens, il existe souvent deux freins :
- le temps à consacrer à cette approche psychologique. Réponse : ce n'est qu'une affaire de
contrat de soins avec le patient;
- la compétence nécessaire pour encadrer une approche psychologique. Réponse : ce n'est
qu'un problème élémentaire de formation .

Le chirurgien-dentiste doit jouer pleinement son rôle de clinicien du comportement oral; il


peut s'y consacrer à peu de frais, et au plus grand bénéfice du patient et de lui-même. Le
lecteur qui a pris la peine le lire ce chapitre en était déjà certainement en partie convaincu .

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randomized control led trial. J Am Dent Assoc.
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15 Pharmacologie clinique

Pharmacologie
clinique 203

Vianney Descroix

Parmi l'ensemble des thérapeutiques du bruxisme, les médicaments sont depuis longtemps
une option envisagée. Le choi x des traitements évalués est corrélé avec l'évolution des
connaissances sur la physiopathologie de cette maladie. Il est toujours difficile et délicat de
trouver le traitement d'une maladie dont l'étiologie est mal connue et/ou multifactorielle.
Ainsi, différents traitements médicamenteux ont été associés avec une diminution ou une
augmentation de bruxisme nocturne supportant la probabilité de l'implication de méca-
nismes centrau x dans la genèse du bruxisme. Cependant, il existe encore très peu d'évi-
dences d'une efficacité et d'une sécurité à utiliser les traitements médicamenteux. Dans les
faits, il existe très peu de données fiables évaluant correctement l'intérêt de l'utilisation du
médicament dans le traitement du bruxisme. Ainsi, une revue de la Collaboration Cochrane
publiée en 2014 [13) qui analyse les études sur la pharmacothérapie du bruxisme nocturne a
pu identifier dix-huit études cliniques, dont sept seulement présentaient les caractéristiques
méthodologiques suffisantes pour être analysées. Chacune d'elle comportait un nombre
très restreint de sujets (entre 7 et 16) et quatre de ces études étaient d'une méthodologie
de qualité médiocre.
Nous nous proposons à travers ce chapitre d'étudier tout d'abord les données de la littéra-
ture scientifique étudiant les traitements pharmacologiques du bruxisme, puis nous envisa-
gerons, dans une seconde partie les médicaments qui, au contraire, peuvent être à l'origine
d'un bruxisme ou de l'aggraver.
Le Bruxisme tout simplement

Les médicaments anxiolytiques


Parce que l'anxiété et le stress sont des facteurs de risque souvent cités dans la genèse et
l'entretien du bruxisme, de nombreux auteurs ont proposé l'utilisation de médicaments
anxiolytiques ou sédatifs dans le traitement du bruxisme. Aucune étude clinique répondant
aux critères actuels de méthodologie n'a pu être retrouvée dans cette indication.

Les benzodiazépines
Les benzodiazépines possèdent des propriétés anxiolytiques, hypnotiques, myorelaxantes
et anticonvulsivantes. Leur mécanisme d'action repose essentiellement sur un effet gabaer-
gique indirect en facilitant la fixation du GABA sur son récepteur GABA A.
En 2012, en France, 21 benzodiazépines ou apparentées étaient commercialisées (tableau 1).
Parmi celles-ci, onze benzodiazépines sont classées parmi les anxiolytiques. Elles possèdent
toutes les deux indications suivantes :
-traitement symptomatique des manifestations anxieuses sévères et/ou invalidantes;
-prévention et traitement du delirium tremens et des autres manifestations
du sevrage alcoolique.
La plupart de ces benzodiazépines ont des indications limitées aux troubles sévères du som-
~04 meil dans les cas d'insomnie occasionnelle ou d'insomnie transitoire.
Parmi l'ensemble de ces molécules, seul le clonazepam (alias Rivotril® en France) a été
correctement évalué dans le bruxisme nocturne. Cette molécule est la seule qui semble
apporter une amélioration sur des critères polysomnographiques [24-25]. Cependant, la
méthodologie de ces études est, d'une part, très discutable (absence de randomisation,
simp le aveugle .. .) et, d'autre part, le clonazepam en France est soumis à la réglementa-
tion des substances stupéfiantes et ne peut être prescrit que par les neurologues ou les
pédiatres.

Buspirone
La buspirone (Buspirone générique) est un médicament anxiolytique dont le mécanisme
d'action est différent de celui des benzodiazépines. Son mécanisme d'action n'est pas
encore totalement élucidé, ses propriétés pharmacologiques seraient essentiellement sous-
tendues via les récepteurs de la sérotonine 5HT1A. Initialement conçue pour le traitement
des troubles d'anxiété généralisée, la buspirone semblerait également intéressante dans
différents troubles neurologiques et psychiatriques, comme les dyskinésies de la maladie de
Parkinson, l'ataxie ou encore la phobie sociale [10] .
Dans la prise en charge du bruxisme, la buspirone n'a jamais été utilisée que pour atténuer
des bruxismes iatrogènes induits ou exacerbés notamment par des traitements antidépres-
seurs [7, 15].
Aucune étude clinique prospective n'a évalué la buspirone utilisée seu]e, dans la prise en
charge du bruxisme. Dans l'état actuel des connaissances, ce traitement ne peut en aucun
cas être retenu comme une alternative possible.
15 Pharmacologie cliniquJ -

Les médicaments antidépresseurs


Les médicaments antidépresseurs sont particulièrement prescrits et utilisés en France. Les
premiers commercialisés sont l'iproniazide et l'im ipram ine. Depuis, plus de trente composés
ont été mis sur le marché sans qu'aucun des nouveaux produits n'apporte la preuve d'une
plus grande efficacité que le premier tricyclique imipraminique (imipramine) ou le premier
inhibiteur de la monoamine-oxydase (i proniazide).
Ces médicaments sont essentiellement prescrits pour le tra itement des épisodes dépres-
sifs majeurs (c'est-à-dire caractérisés) . Pour certains, ils possèdent également une indica-
tion dans l'énurésie nocturne de l'enfant (par exemple, l'amitriptyline), dans les douleurs

- Substance active
.I.!.Ti'r.'ili11

Alprazolam
• .
I!.IJ -tl:li:lll

Nom commercial

Xanax®, génériques
m:JII ~
Demi-vie (h)

6-18
Bromazepam Lexomil ®, génériques 8-20
Clobazam Urbalyl ® 10-31 205
Clorazepate potassique Tranxéne® 2
Clotiazepam Vératran ® 4
Diazepam Valium ® 15-60
Ethyl loflazepate Victan ® 73-119
Lorazepam Temesta®, génériques 9-20
litrazepam Nordaz® 17-48
Oxazepam Séresta®, génériques 4-11
Prazepam Lysanxia®, génériques 1,3
• • • . :,·:: li''·'t''·- ><.
Estazolam Nuctalon ® 10-31
Loprazolam Halva ne® 3-14
Lormétazepam Noctamide® 10
Midazolam Hypnovel ® 1-4
Nitrazepam Mogadon® 17-48
Témazee_am Normison® 3-13
' , ,i.J~·:'• ·\~ ·.·:< .
~ ::
':."'
. .·. ~-{·i:J _. .
Zolpidem Stilnox®, génériques 0,7-3
Zopiclone lmovane®, génériques 5
,.
~i ~
·~:'=."c
J:. ;.~:1'·o
·~
<7: :;~ .•
·-~ .
T ..
' '· ii· ,:/(
Clonazepam Rivotril ® 19-60
Midazolam Buccolam® 1-4
Le Bruxisme tout simplement

neuropathiques (amitriptyline, duloxétine, par exemple) ou encore le traitement du trouble


anxieux généralisé (ven lafaxine).
Leur classification usuelle repose sur leurs propriétés neurobiologiques, concernant notam-
ment l'inhibition de l'enzyme monoamine-oxydase et l'inhibition de recapture des monoa-
mines (sérotonine 5-HT, noradrénaline NA) par le neurone présynaptique (tableau 2).

Les antidépresseurs imipraminiques


Les antidépresseurs imipraminiques ou tricycliques ont été proposés à une époque où
certains auteurs suggéraient une corrélation entre le bruxisme et le sommeil paradoxa l
(REM) [28]. En effet, les antidépresseurs sont connus pour retarder l'apparition de cette
phase (ils augmentent la latence du stade paradoxa l).
Aujourd'hui, cette relation entre bruxisme et stade de sommeil est remise en question, le
bruxisme étant beaucoup plus fréquent durant la phase 2 du sommeil [6].
Trois études portent sur la comparaison de l'amitriptyline à un placebo chez 10 partici-
pants [17, 20-21]. Aucune différence statistiquement significative n'a été retrouvée entre les
deux groupes concernant les enregistrements électromyographiques des masséters. De la
même façon, aucune différence dans l'évaluation de la douleur. Les intensités de la douleur,
206 sur une EVA, sont identiques dans les deux groupes. Enfin, les résultats de cette étude ne

Tableau 2- Classification des médicaments antidépresseurs


Famille Dénomination commune internationale
lmipraminiques Amitriptyline
Amoxapine
Clomipramine
Dosulépine
Doxépine
lmipramine
Maprotiline
Trimipramine
Inhibiteurs de la recapture de la sérotonine Duloxétine
et de la noradrénaline Milnacipran
Venlafaxine
Inhibiteurs sélectifs de la Citalopram
recapture de la sérotonine Escitalopram
Fluoxétine
Fluvoxamine
Paroxétine
Sertraline
Inhibiteur de monoamine-oxydase non sélectif lproniazide
-
Inhibiteur de monoamine-oxydase sélectif Moclobémide
Autres Agomélatine
Miansérine
Mirtazapine
Tianeptine
15 Pharmacologie clinique

montrent aucune différence en termes de durée de sommeil ou encore de niveau de stress


perçu.
Le peu d'effet de l'amitriptyline dans ces études peut être expliqué par les faibles doses
utilisées (25 mg par nuit) et/ou la durée de traitement (7 nuits).
Une fois encore, à la vue de ces résultats, l'amitriptyline ne peut être retenu comme un
traitement de première intention du bruxisme nocturne.

Inhibiteurs de la recapture de la sérotonine


et de la noradrénaline (IRSN)
La venlafaxine (alias Effexor®) est un antidépresseur plus récent qui agit par recapture
synaptique de la sérotonine et de la noradrénaline. Différents rapports de cas impliquent
cet antidépresseur dans l'apparition de bruxisme nocturne. L'explication de cet effet est
sans doute à rapprocher de l'effet indésirable d'akathisie que peut entraîner la venlafaxine.

Inhibiteurs sélectifs de la recapture


de la sérotonine (ISRS)
De la même façon, différents rapports de cas mettent en exergue le possible lien entre la
prise d'ISRS (escitalopram, fluoxetine) et l'induction de bruxisme nocturne [5, 22] .
207
L'imputabilité de ces médicaments, IRSN et ISRS, dans le déclenchement d'un bruxisme noc-
turne est difficile à confirmer en l'absence d'études prospectives correctement menées. Il
n'en reste pas moins que leur mécanisme d'action peut expliquer qu'ils soient responsables
d'un tel effet indésirable. Cependant, il serait intéressant de rechercher dans l'anamnèse la
prise de tels médicaments très fréquemment prescrits.

Les médicaments dopaminergiques


Différents travaux ont pu mettre en évidence l'implication du système dopaminergique
dans la genèse ou le maintien du bruxisme nocturne (voir chapitre 5, « Étiologies»). Cette
hypothèse dopaminergique est particulièrement intéressante et complexe. Elle impliquerait
de manière différentielle les récepteurs dopaminergiques D1 et D2. Ainsi, l'activation des
récepteurs D1-like (D1 et D5) favoriserait le bruxisme alors que celle des récepteurs D2-like
(D2-D4) aurait un rôle opposé.
Par ailleurs, en fonction des doses (faibles ou fortes) des médicaments agonistes ou antago-
nistes dopaminergiques utilisés, les effets sur le bruxisme seraient complètement différents.

Agonistes dopaminergiques
Parmi l'ensemble des médicaments agonistes dopaminergiques, la levodopa et la bromo-
criptine sont les deux molécules qui ont été évaluées dans le bruxisme. ·Les études sont
des rapports de cas et des études cliniques en cross-over et double aveugle. Le nombre de
patients inclus dans les études est particulièrement faible.
Bromocriptine. La bromocriptine (alias ParlodeJ® et génériques) est un dérivé de l'ergot de
seigle qui stimule à la fois les récepteurs dopaminergiques D1 et D2. Au niveau nigro-strié,
par stimulation directe et prolongée des récepteurs dopaminergiques postsynaptiques, la
Le Bruxisme tout simplement

bromocriptine pallie la déplétion en dopamine qui caractérise la maladie de Parkinson. Elle


est indiquée en première intention en monothérapie dans le traitement de la maladie de
Parkinson.
Deux études ont étudié les effets de la bromocriptine.
Dans une première étude, sur 6 patients, 1 a dû arrêter du fait d'une maladie intercurrente
et 3 autres sont sortis de l'étude du fait d'effets indésirables graves dus à la bromocrip-
tine [11]. Ainsi, 66% des sujets de cette étude n'ont pas continué l'étude jusqu'à son terme
et il est donc impossible d'en tirer une quelconque conclusion .
Dans une seconde étude [8], méthodologiquement correcte (randomisée, double aveugle
versus placebo), 7 patients ont été inclus par groupe (bromocriptine versus placebo). Après
deux semaines de traitement, aucune différence statistiquement significative n'est retrou-
vée sur les variables du bruxisme et sur les variables du sommeil. Pour éviter les effets indé-
sirables, de la dompéridone a été administrée aux patients durant toute l'étude.
Levodopa. La levodopa ou L-Dopa est un précurseur de la dopamine. Elle est transformée
au niveau du neurone dopaminergique en dopamine par la dopa-décarboxylase centrale.
Elle est indiquée associée à la carbidopa (alias Modopar® Sinemet®) dans le traitement de
la maladie de Parkinson .
208 Une seule étude évalue l'intérêt de la L-Dopa sur 10 patients [11] . Les patients reçoivent la
levodopa durant deux nuits, à raison de deux doses par nuit. Pour les auteurs, cette étude
montre que la L-Dopa atténue le bruxisme et montre une normalisation de l'électromyo-
gramme chez les sujets souffrant de bruxisme.
L'analyse de cette même étude par Macedo CR ne montre aucune différence statistique-
ment significative concernant le nombre de crises de bruxisme par heure de sommeil, ni de
crises de bruxisme par épisode, ni sur l'index de microéveil [13] .

Antagonistes dopaminergiques
Les médicaments antagonistes dopaminergiques sont essentiellement représentés par les
médicaments antipsychotiques, appelés également neuroleptiques. Ces médicaments sont
indiqués dans de nombreuses pathologies psychiatriques, en premier lieu les différentes
psychoses (schizophrénies, délires chroniques non schizophréniques- délires paranoïaques,
psychoses hallucinatoires chroniques), mais également la dépression ou encore l'anxiété.
Il existe deux grandes classes d'antipsychotiques : les antipsychotiques dits typiques (par
exemple, l'halopéridol, alias Haldol®), qui sont des antagonistes des récepteurs dopami-
nergiques de type D2 ; et les antipsychotiques de seconde génération dits atypiques (par
exemple la clozapine, alias Leponex®), qui sont à la fois des antagonistes des récepteurs D2
mais également des récepteurs à la sérotonine 5-HT1A et 5-HT 2A. Cela explique que ces
médicaments puissent atténuer ou au contraire générer un bruxisme par leur action directe
sur les signalisations dopaminergiques et sérotoninergiques [14].
Il n'existe avec ce type de traitement que des rapports de cas peu conèluants aussi bien en
termes d'effets bénéfiques qu'en termes d'effets indésirables [16, 27].
En fonction des molécules antipsychotiques, les effets sont contradictoires, certaines étant
potentiellement responsables de bruxisme, d'autres pouvant les soulager.
15 Pharmacologie clinique

· Agonistes et antagonistes
des récepteurs adrénergiques
Les médicaments agonistes et antagonistes des récepteurs adrénergiques appartiennent
essentiellement à la classe des médicaments antihypertenseurs. Ils agissent en modulant le
tonus du système sympathique en s'opposant ou en activant les différents types de récep-
teurs adrénergiques (alpha ou bêta).
Le rationnel de leur utilisation dans le bruxisme repose sur l'observation d'une augmentation
de la pression artérielle (diastolique et systolique) lors des périodes de bruxisme [18). Cette
perturbation de la pression pourrait être en relation avec une participation du système ner-
veu x sympathique. Cela a conduit différentes équipes à évaluer l'intérêt de bêtabloquants
(propranolol alias Avlocardyl ®) et d'un d'alpha 2 agoniste (clonidine alias Catapressan®).
Le propranolol a été évalué contre placebo dans une étude portant sur 25 sujets [4] . Le
propranolol a été administré pendant deux nuits de suite, le bruxisme étant alors évalué par
des enregistrements de l'activité des muscles masséters. Ni le sommeil ni le bruxisme n'ont
été modifiés par le propranolol.
Dans cette même étude, la clonidine a été également évaluée. Les patients traités par cloni-
dine ont eu une durée de la phase 2 de sommeil allongée; chez 14 patients sur 16, la phase 209
de sommeil paradoxal a été supprimée. Ils ont retrouvé une réduction significative de la
tension artérielle ainsi que du tonus sympathique.
Enfin les auteurs montrent une réduction de l'index de bruxisme de 61 % et statistiquement
significatif par rapport au groupe placebo.
Les auteurs concluent que la clonidine a permis une diminution du tonus sympathique dans
la minute précédant l'apparition de bruxisme nocturne, réduisant ainsi le bruxisme en pré-
venant une activation motrice autonome.
Il faut noter que cette analyse très positive en faveur de la clonidine n'est pas retrouvée dans
la méta-analyse de Macedo CR [13]. Par ailleurs, une hypotension importante au réveil chez
19 % des patients doit rendre prudent quant aux résultats de cette étude.

Toxine botulique
La toxine botulinique est l'une des toxines les plus puissantes d'origine bactérienne (Cios-
tridium botulinum). Huit sérotypes distincts ont été identifiés. Parmi eux, cinq présentent
une activité pharmacologique chez l' homme (A, B, E, F, G) et deux sont inactives (C et D).
À l'heure actuelle, la toxine de type A est la plus utilisée en thérapeutique, même si la toxine
de type B se développe progressivement.
L'action la plus connue de la toxine botulinique de type A repose sur son effet myorelaxant
fa isant intervenir l'acétylcholine. Toutefois, de plus en plus d'observations ont récemment
été publiées concernant ses effets antinociceptifs.
Elle agit principalement au niveau du système nerveux périphérique en inhibant l'exocytose
de l'acétylcholine des terminaisons nerveuses motrices, une propriété qui l'a rendue utile
pour le traitement de nombreuses conditions pathologiques impliquant des contractions
musculaires excessives.
Le Bruxisme tout simplement

En France, différents médicaments sont commercialisés avec des indications très différentes
(tableau 3). Pour l'instant ni les douleurs myofasciales orofaciales ni le bruxisme ne sont des
indications thérapeutiques de ces produits.
De nombreuses études cliniques sont réalisées qui s'intéressent spécifiquement à l'intérêt de
l'injection de toxine botulinique dans le traitement des douleurs myofasciales des muscles
de la face. Les résultats sont très disparates et loin d'être unanimes. Il existe trop de dispa-
rité et d'hétérogénéité dans le type de patient inclus, de pathologie, de dosage, de type
d'injection, de muscle injecté pour tirer une quelconque conclusion sur l'intérêt ou non de
la toxine botulinique dans la prise en charge des douleurs orofaciales d'une façon générale
et du bruxisme en particulier.
Finalement si quelques (deux) études cliniques laissent percevoir une possible efficacité de la
toxine botulinique dans le bruxisme nocturne, aucune donnée scientifique fiable et robuste
ne permet de préconiser la toxine comme un traitement même de seconde intention.

210
Tableau 3 - Nom commercial et indication des médicaments
contenant de la toxine botulinique de type A

Nom commercial Indications


Azzalure® • Correction temporaire des rides glabellaires
modérées à sévères
Bocouture® • Correction temporaire :
.
-des rides verticales intersourcilières (rides glabellaires)
modérées à sévères observées lors du froncement des sourcils
-des rides latérales périorbitaires (rides de la patte d'oie)
modérées à sévères observées lors d'un sourire forcé
Botox® • Dysfonctions vésicales
• Troubles de l'oculomotricité : strabisme, paralysies
oculomotrices récentes, myopathie thyroïdienne récente
• Blépharospasme
• Spasme hémifacial
• Torticolis spasmodique
• Hyperhidrose axillaire sévère
Dysport® • Blépharospasme
• Spasme hémifacial.
• Torticolis spasmodique.
• Traitement symptomatique local de la spasticité
des membres supérieurs et/ou inférieurs.
Vista bel® • Rides verticales intersourcilières modérées à sévères
• Rides canthales latérales modérées à sévères observées
Xeomin® • Chez l'adulte, pour le traitement symptomatique
du blépharospasme, de la dystonie cervicale
à prédominance rotationnelle
15 Pharmacologie clinique

Psychostimulants
Les psychostimulants sont essentiellement représentés par des drogues utilisées à des fins de
toxicomanie. Il s'agit essentiellement des amphétamines, de la cocaïne, de la métamphéta-
mine (MDMA, ecstasy), de la nicotine ou encore de l'alcool. Chacune de ces drogues entraîne
une libération plus ou moins importante de dopamine dans le noyau accubems. D'autres
médiateurs, notamment la sérotonine, le glutamate et le GABA, sont également impliqués
et influencent la voie dopaminergique mésolimbique et éventuellement d'autres voies de la
récompense.
L'étude de l'imputation exacte de ces substances psychostimulantes est difficile pour diffé-
rentes raisons . Il est évidemment impossible d'un point de vue éthique de réaliser des essais
cliniques, les données ne peuvent être qu'observationnelles. Par ailleurs, il est bien établi
que les personnes souffrant de dépendances sont plus à risque de troubles dysfonctionnels,
notamment d'ADAM. Ainsi les données doivent être considérées avec prudence.

Amphétamines
Les amphétamines sont des molécules ayant un effet stimulant particulièrement puissant
sur le système nerveux central. Parmi l'ensemble des molécules de ce groupe, la métam-
phétamine (MDMA ou ecstasy) est sans doute la plus dangereuse et la plus puissante. Les 211
amphétamines dérivent de l'éphédrine, une amine sympathicomimétique, qui potentialise
les effets de l'adrénaline ou de la noradrénaline. Les effets bucco-dentaires de l'utilisation
chronique du MDMA sont bien connus. Shetty V. et son équipe ont pu mettre en évidence
chez 301 patients toxicomanes à l'ecstasy plus de 20% de patients souffrant de bruxisme.
D'autres études mettent en avant une incidence de bruxisme de l'ordre de 30% des sujets
[1, 2, 26, 9]. Le bruxisme induit par l'ecstasy pourrait être la conséquence des différents
désordres moteurs qu'entraîne cette substance. Le bruxisme peut également être associé à
des dystonies des muscles linguaux et autres muscles faciau x.
Une autre molécule la méthylphénidate (alias Ritaline®) est la seule amphétamine com-
mercialisée comme médicament dans l'indication de trouble déficitaire de l'attention avec
hyperactivité (TDAH) chez l'enfant de 6 ans et plus et dans la narcolepsie avec ou sans
cataplexie en cas d'inefficacité du modafinil chez l'adulte et l'enfant de plus de 6 ans. Parmi
ses nombreux effets indésirables, on retrouve de nombreux facteurs de risque de bruxisme
(secousses musculaires, dyskinésie, hyperactivité psychomotrice). Les troubles du sommeil
associé au TDAH sont également des facteurs de risques supplémentaires de bruxisme [3].

Cocaïne
La cocaïne est un produit naturel extrait de la feuille de coca. La cocaïne purifiée est utilisée
comme stimulant du système nerveux central depuis le début du xxe siècle. La cocaïne induit
un effet psychostimulant très proche de celui produit par les amphétamines. Elle augmente
les concentrations synaptiques noradrénergiques et dopaminergiques, et agit également en
tant qu'agent anesthésique. Ses effets pharmacologiques sont essentiellement l'euphorie,
une tachycardie, une hypertension ainsi qu'une suppression de l'appétit. La cocaïne possède
un effet de renforcement positif important, induisant une rapide dépendance psycholo-
gique, effet encore plus marqué chez les personnes qui fument la cocaïne-base . Les effets
indésirables bucco-dentaires de la cocaïne sont nombreux, et le bruxisme en fait partie [29] .
Le Bruxisme tout simplement

Alcool
L'alcool et la nicotine sont les drogues les plus largement répandues dans la population
générale. L'éthanol agit en stimulant les récepteurs GABAergique (comme les benzodiazé-
pines) et entraîne un effet sédatif et dépresseur du SNC.
Alors qu'il est communément admis que l'éthanol favorise le bruxisme, les données scienti -
fiques le démontrant sont quasi inexistantes.
Les seules données sont des études épidémiologiques transversales réalisées par sondage
qui laissent entrevoir un lien entre la prise d'alcool et le bruxisme [19, 23] .

Conclusion
Bien que beaucoup d'études aient été conduites pour tenter de mettre en évidence l'inté-
rêt ou l'efficacité de médicaments dans le traitement du bruxisme, il est particulièrement
difficile dans ce domaine de mener les études rigoureuses qui seraient les seules à pouvoir
offrir des résultats fiables. Il nous manque encore des études prospectives, randomisées en
double aveugle de taille suffisante et sur une durée assez longue. Par ailleurs, il faut égale-
ment tenir compte du rapport bénéfice/risque des traitements. Dans l'ensemble des études
212 analysées dans ce chapitre, tous rapportent des effets indésirables importants (hypotension
de la clonidine, pharmacodépendance du clonazepam .. .).
Finalement, si les traitements pharmacologiques sont utilisés, ils ne doivent être considérés
que pour les patients dont la symptomatologie est sévère et sur une courte durée de trai-
tement.

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Le Bruxisme tout simplement

214
Les gouttières
occlusales
215

Jean-Philippe Ré

La gouttière occlusale est, sans conteste, le moyen le plus fréquemment cité pour protéger
les dents des effets du bruxisme de grincement [1] . Mais est-ce une solution réellement
pertinente?
Est-on en droit, raisonnablement, en utilisant cet argument d'inciter nos patients, désireux
de réponses aux conséquences de leur bruxisme ou porteurs d'onéreuses et complexes
restaurations prothétiques, à supporter chaque nuit le port d'une gouttière occlusale, dite
de protection?
Cette solution est surtout séduisante pour le thérapeute puisque, in fine, elle fournit un
semblant de réponse au problème et, éventuellement, elle lui permet de « s'en laver les
mains ». Réellement, qui peut croire en une rigoureuse discipline de nos patients au sujet
du port de la gouttière, et ce même chez les plus motivés d'entre eux?
Le Bruxisme tout simplement

Il n'existe, pas vraiment, d'étude sur l'observance du port de la gouttière occlusale. L'étude
de Vecchierini 121 sur le port nocturne des orthèses d'avancée mandibulaire (OAM) dans
le cadre du syndrome d'apnée du sommeil montre une observance de 80%, sachant que
le porteur d'une OAM, lui, obtient un bénéfice immédiat qui améliore très nettement son
sommeil et, en même temps, celui de son conjoint. Il est difficile d'imaginer une observance
similaire chez les porteurs de protection dentaire nocturne, qui eux la perçoivent plutôt
comme une contrainte. Ainsi Carlsson [3], se basant sur une étude prospective, rappelle
qu'à deux ans, la gouttière occlusale semble portée régulièrement par seulement un tiers
des patients.
A contrario, dans le cadre d'une utilisation avérée, l'hypothèse d'un port contre-productif
qui renforcerait le bruxisme pourrait être évoquée. Ainsi une forme de dépendance peut se
créer, engendrant une accoutumance dont il est difficile de se passer, la gouttière procurant
alors une sensation rassurante de protection conduisant à l'erreur de moins se soucier de
son comportement parafonctionnel délétère.
Pourtant, et en dépit de ces inconvénients majeurs, la gouttière occlusale, qui demeure un
des moyens de lutte contre les méfaits du grincement, doit être ajoutée à notre arsenal
thérapeutique.

216 La gouttière occlusale dans la stratégie


de prise en charge du bruxisme
La gouttière occlusale est rarement indiquée en première intention mais peut être indiquée
pour une prise en charge initiale globale du bruxisme sévère.
Dans ce cadre, le mécanisme d'action est expliqué par :
-la matérialisation du besoin thérapeutique !41;
- l'information proprioceptive renvoyée, inhabituelle et inhibitrice,
entraînant un relâchement du tonus musculaire des muscles manducateurs
pendant quelques semaines [5] .
En seconde intention, le même type de gouttière peut être proposé, mais cette fois dans
un but principal de protection des arcades dentaires, naturelles ou prothétiques. Mais cette
prescription ne doit pas être systématique et doit seulement être réservée à des patients à
l'abord délicat où la prise en charge globale du bruxisme donne difficilement les résultats
escomptés.

Réalisation
La gouttière occlusale prescrite est une gouttière se rapprochant du type Michigan, qui a
été décrit par Ramfjord et Ash [61; elle est appelée également gouttière de reconditionne-
ment musculaire (GRM) [7-8].
Cette gouttière doit être impérativement réalisée en matériau dit« dur» afin d'éviter l'appa-
rition de tout tic de mâchonnement qui, dans cette utilisation, serait véritablement et gran-
dement contre-productif [6, 9] . En effet, les gouttières molles, en raison de leur plasticité et
de l'impossibilité de leur équilibration, favorisent le réflexe de mâchonnement.
16 Les gouttières occlusales

1. Usures sur la face linguale 2. Incisives mandibulaires 3. Lors de la diduction, la canine


des incisives médiales. s'encastrant dans la face linguale maxillaire présente plus d'usure
des incisives maxillaires. que la canine mandibulaire.

217

4. Fracture de tout le pan vestibulaire d'une 5. Prémolaires maxillaires en fonction groupe


molaire maxillaire, vraisemblablement due à une et soumises à de fortes contraintes lors des
interférence occlusale postérieure travaillante. diductions mandibulaires.

Le choix de l'arcade dentaire destinée à rece-


voir la gouttière chez un patient bruxeur est
recommandé au maxillaire. Les dents maxil-
laires, tout particulièrement les dents anté-
rieures, sont particulièrement exposées aux
forces parafonctionnelles excentrées, au
contraire du bloc incisivo-canin mandibu-
laire; idéalement positionné d'un point de
vue biomécanique, puisque cet ensemble
est globalement perpendiculaire au rayon
de fermeture de la mandibule. L'architec-
ture de position des dents maxillaires peut
expliquer:
- une plus grande usure de leur 6. Ces mêmes prémolaires maxillaires
face linguale en raison du passage montrent des signes radiologiques
des dents mandibulaires (fig. 1-3); de mobilité et de nécrose pulpaire.
Le Bruxisme tout simplement

7.Gouttière en forme de « fer à cheval » 8. Gouttière maxillaire présentant


dégageant au maximum le palais. un retour vestibulaire.

- une fracture de la dent ou de la restauration prothétique (fig. 4);


- une mobilité survenant avec le temps et avec la diminution
du niveau osseux (fig. 5-6).
La gouttière occlusale doit présenter un recouvrement complet de l'arcade dentaire support
218 et caler l'ensemble des dents antagonistes.
Pour une gouttière maxillaire, il faut insister sur la forme en « fer à cheval » pour ne pas trop
gêner le positionnement de la langue à cet endroit (fig. 7). Une langue perturbée dans son
ascension au palais engendre un défaut de prononciation, et surtout une gêne qui peut la

Quel matériel?
Cabinet dentaire - Laboratoire de Cabinet dentaire -
1re étape prothèse- 28 étape 38 étape
• Moulage maxillaire monté • Articulateur avec • Bain de bouche
sur double base engrenée moulages en situation + verre (assistante)
• Moulage mandibulaire • Crayon • Ruban marqueur de
• Articulateur + plaquettes • Cire rose deux couleurs différentes
de montage • Vernis isolant+ pinceau • Pinces de Miller
• Arc facial • Poudre + liquide Orthoresin® • Bandelette d'aluminium
• Divers matériel d'aide au de type Shim Stock®
• Fil électrique de récupération,
montage (table de montage, non élastique • Pièce à main +fraise résine
support de fourchette ...)
• Enceinte de polymérisation • Boîte à prothèse (assistante)
• Eau thermostatée à 52°
• Eau bouillante + louche
+ bol (assistante)
trouée au centre + pince
• Cire Moyco®
+ paire de ciseaux • Fraise résine
• Plâtre à prise rapide • Ruban marqueur de
deux couleurs différentes
+ bol et spatule
• Polissoir sur pièce à main
• Tour à polir
16 Les gouttières occlusales

conduire à migrer vers une position iatrogénique. Enfin, il doit exister un recouvrement du
bord libre de l'ensemble incisivo-canin maxillaire afin que la gouttière puisse jouer un rôle
de maintien des dents (fig. 8).
La réalisation doit être faite sur articulateur, à l'aide d'un arc facial et d'une double
base engrenée maxillaire, unique moyen de vérifier la reproductibilité de la posi-
tion de référence.
La relation centrée est la seule position mandibulaire de référence physiologique et repro-
ductible à utiliser lorsqu'il n'y a plus de contacts dento-dentaires, ce qui est le cas dès lors
que la dimension verticale d'occlusion (DVO) initiale n'est plus utilisée :
-en raison de ses dimensions, proches des conditions anatomiques, il est possible
de faire varier la dimension verticale thérapeutique, sur de faibles épaisseurs,
afin de loger suffisamment de matériaux entre les deux arcades occlusales;
-l'articulateur permet d'approcher la simulation des mouvements mandibulaires excentrés;
-il permet une analyse aisée des conditions d'affrontement occlusal;
- il offre un temps clinique court alors qu 'une gouttière occlusale obtenue par simple
thermoformage sans montage imposera un temps clinique d'équilibration long et
des ajouts de résine qui ne bénéficient pas d'une qualité optimale de polymérisation .
219
L'articulateur ne fait pas perdre du temps, il fait gagner du temps et de la qualité.
L'articulateur doit présenter des boîtiers condyliens réglés classiquement avec des mesures
de 40° pour la pente condylienne et de 15° pour les angles de Bennett.
La réalisation, proprement dite, de la gouttière occlusale peut faire appel à des techniques
classiques, soit par :
- thermoformage, avec addition, sur l'extrados, de résine ortho afin de majorer
le nombre et la répartition de points d'occlusion;
-coffrage, avec utilisation de résine ortho, en technique de saupoudrage « poivre
et sel » ;
-maquette de cire, d'élaboration identique aux réalisation s de prothèses amovibles .

9. Moulage
maxillaire avec
double base
engrenée aimantée.
Le Bruxisme tout simplement

1O. Le montage en articulateur nécessite une 11. Montage du moulage maxillaire : utilisaÜon
paire de moulages, un arc facial, un articulateur d'une table de montage, du bras supérieur
et trois jeux de cires d'enregistrement de position de l'articulateur et de l'arc facial.
mandibulaire en RC.

220

12. Montage des moulages sur articulateur 13. Les moulages doivent être espacés
terminé : les cires d'enregistrement occlusal d'au moins 2 millimètres.
donnent la position du moulage mandibulaire.

Étapes de laboratoire d/une


gouttière occlusale par coffrage
Le moulage maxillaire doit présenter une double base engrenée (fig. 9) afin de pouvoir
jouer le rôle d'un amplificateur d'erreur lors de l'essayage des cires, mais aussi afin d'autori-
ser le travail indépendamment de l'articu lateur (fig. 10-12).
Le choix de la dimension verticale thérapeutique est déterminé en faisant varier la mesure
de la tige incisive de l'articulateur. Il est nécessaire de déterminer un espace minimal d'au
moins 2 millimètres entre les deux moulages (fig. 13) afin de ménager de l'espace suffisant
à la réalisation de la gouttière.
Cependant, il peut être plus judicieux de ne pas modifier la dimension verticale donnée par
les cires Moyco de double épaisseur, puisqu'elles ont permis d'enregistrer la position man-
dibulaire. De cette façon, l'opérateur est certain de travailler sur une situation inter-arcades
occlusales très similaire à celle clinique, ce qui, à l'évidence, entraînera, et si besoin est, très
peu d'ajustage occlusal lors de la pose.
16 Les gouttières occlusales

1
- _.J
14. Les limites, en lingual, sont 15. Les limites, en vestibulaire, 16. Coffrage avec de la cire
de 3-4 millimètres sous le collet, sont sous la ligne de plus rose sur les limites de la future
mais elles n'empiètent pas sur le grand contour et seulement gouttière.
palais en arrière des incisives. de 2 millimètres en antérieur.

221

17. Le moulage antagoniste 18. Saupoudrage de poudre 19. L'indentement de la résine


est, également, enduit de vernis et liquide Orthoresin ® à molle par le moulage antagoniste
isolant. l'intérieur du coffrage. doit permettre le contact table/tige
incisive.

Avant de commencer la réalisation, il convient de déterminer les limites de la gouttière


(fig. 14-15). Classiquement, elles sont situées :
-en postérieur, à 3-4 millimètres sous le collet des dents en lingual
et sous la ligne de plus grand contour en vestibulaire ;
-en antérieur, en empiétant le moins possible, au palais, sur l'emplacement
de la langue en arrière des incisives et en recouvrant sur 2 à 3 millimètres
les faces vestibulaires . En cas d'édentement, la plaque prendra la forme
d'une selle de prothèse partielle amovible.
Afin de faciliter la désinsertion de la gouttière, il peut être nécessaire de combler les contre-
dépouilles avec de la cire.
La zone de travail est, d'abord, coffrée avec de la cire rose (fig. 16), au niveau des limites,
afin de contenir la résine fluide puis badigeonnée de vernis isolant, ainsi que le moulage
antagoniste (fig. 17), pour éviter que la résine ne colle au plâtre.
La résine ortho est ensuite mise en place par saupoudrage. La poudre déposée à l'intérieur
du coffrage est aussitôt imbibée de liquide monomère.
Le Bruxisme tout simplement

20. L'utilisation d'un <<fil 21. Au sortir de l'enceinte 22. Le moulage est ébouillanté
électrique de récupération » non de polymérisation, la résine pour enlever la cire de coffrage.
élastique permet de bloquer les polymérisée présente son
deux bras de l'articulateur lors indentement.
de la polymérisation, évitant
alors tout risque de déformation.

L'ajout de poudre et de liquide se poursuit, progressivement et alternativement jusqu'à la


formation du volume désiré (fig. 18). À la fermeture de l'articulateur, la résine doit être
entièrement indentée par le moulage antagoniste. Parallèlement, l'opérateur doit veiller à
conserver le contact, entre la table et la tige incisive, nécessaire au maintien de la dimension
~2 verticale thérapeutique (fig. 19).
La polymérisation se fait sur l'articulateur en occlusion (fig. 20), de préférence dans une
enceinte de polymérisation.

23. Le moulage et la 24. Le fond des indentements 25. La gouttière est dégrossie
gouttière débarrassés est repéré au crayon. avec l'utilisation d'une fraise
de la cire de coffrage. pour la résine.

26. La gouttière est équilibrée 27. La gouttière est prépolie 28. Polissage soigneux à la pierre
au laboratoire à l'aide de ruban par l'utilisation du polissoir. ponce et au blanc d'Espagne.
marqueur.
16 Les gouttières occlusales

.•J • '
1

29. Décontamination 30. Gouttière maxillaire équilibrée 31. Marques bleues en occlusion
avec un bain de bouche en occlusion de relation centrée. de relation centrée, marques rouges
à la chlorhexidine. en occlusion excentrée.

Après polymérisation, la future gouttière est


nettoyée (fig. 21-23) et le fond des inden-
tements est visualisé à l'aide d'un crayon
(fig. 24), ce qui va permettre d'éliminer faci-
lement toute la résine en excès afin d'obtenir
une surface la plus plane possible. La gout-
tière doit être lisse et ne présenter que les
223
traces de crayon (fig. 25).
La gouttière doit être ensuite ajustée plus
finement par rapport au moulage antagoniste 32. Vérification des contacts occlusaux.
à l'aide de l'articulateur (fig. 26).
Les points d'occlusion en relation centrée,
visualisés à l'aide de ruban marqueur fin
(1 0 ~m), doivent être répartis uniformément
sur l'ensemble, globalement plat, de la gout-
tière occlusale en privilégiant les contacts
avec les cuspides vestibulaires d'appui mandi-
bulaire.
Puis la gouttière doit être polie (fig. 27-28) et
décontaminée (fig. 29).
33. Diduction mandibulaire droite.
Lors de l'essayage clinique (fig. 30), l'utilisation
de ruban marqueur doit permettre de retrou-
ver les réglages occlusaux définis au labora-
toire (fig. 31); de plus, l'emploi de bandelettes
d'aluminium de type Shim Stock®, permet de
vérifier la concomitance des contacts sur toute
la surface de la gouttière (fig. 32).
Enfin, les mouvements mandibulaires excen-
trés doivent êtres pris en charge immédiate-
ment et guidés sur la gouttière uniquement
par le contact avec le bloc incisivo-canin man-
dibulaire (fig. 33-34). 34. Propulsion mandibulaire.
Le Bruxisme tout simplement

35. Avant traitement (patient 1). 36. Après traitement (patient 1)


(chirurgie parodontale : Jean-Marc Glise).

Le port de la gouttière
La première indication doit s'intégrer dans
une thérapeutique initiale de prise en charge
224 du bruxisme sévère où la gouttière est, mais
très rarement, proposée seulement pour
une courte durée de deux mois avec un port 37. Gouttière occlusale maxillaire de protection,
en occlusion (patient 1).
exclusivement pendant le sommeil.

Il doit y avoir de la part du patient une prise en charge diurne, sans gouttière, de la para-
fonction manducatrice.
L'objectif est de provoquer un reconditionnement musculaire indispensable à toute prise
de conscience et, ensuite, de supprimer la gouttière pour éviter tout effet d'accoutumance
contre-productif.
En revanche, pour les patients présentant des difficultés à s'impliquer dans une stratégie
de management du bruxisme et présentant des signes de souffré!nce avérés, la deuxième
indication de ce type de gouttière doit être envisagée (fig. 35-42). Mais, même si certains
auteurs préconisent le port pendant le sommeil de la gouttière de façon permanente [9-11],
les meilleurs résultats devraient être obtenus par l'usage discontinu, c'est-à-dire une utili-
sation de la gouttière sous le contrôle averti du patient et dans des situations uniquement
ponctuellement stressantes.
Le patient bruxeur doit être suivi régulièrement, environ tous les trois mois pendant deux
ans, six mois sur cinq ans, tous les ans par la suite. Interrogatoires, examens cliniques den-
taires, observation de l'état de la gouttière permettront d'évaluer le niveau de contrôle
acquis par le patient sur son bruxisme.

·La maintenance
L'utilisation d'une brosse à ongles et d'un détergent comme le savon de Marseille permet
de maintenir une propreté satisfaisante de la gouttière occlusale après chaque utilisation .
La conservation au quotidien de la gouttière se fait en la laissant tremper dans une eau
16 Les gouttières occlusales

38. Avant traitement, en occlusion (patient 2). 39. Avant traitement, en ouverture (patient 2).

225
40. Après traitement (patient 2) 41. Gouttière occlusale maxillaire de protection,
(chirurgie parodontale : Jean-Marc Glise). en occlusion (patient 2).

additionnée d'un comprimé antibactérien


de type Polident® ou Corega®.
La gouttière doit pouvoir être conservée
pour être réutilisée. Ainsi, en cas de stoc-
kage, la conservation se fait au sec, à l'abri
de la chaleur et de la poussière, et des mor-
sures d'un éventuel animal de compagnie
dans une boîte à prothèse perforée. Puis, 42. Gouttière occlusale maxillaire de protection,
avant utilisation, la gouttière est trempée en diduction mandibulaire droite (patient 2).
dans un bain de bouche à la chlorhexidine
pendant 5 à 30 minutes.

Conclusion
La gouttière occlusale ne stoppe pas le bruxisme 1121 et n'améliore pas le sommeil du
bruxeur [13] . Impérativement inscrite dans une stratégie de prise en charge du bruxisme,
elle peut majorer la prise de conscience, renforcer un changement de comportement et, si
elle est portée, protéger les arcades occlusales.
Le Bruxisme tout simplement

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Les matériaux
de restauration
prothétique 227

Élodie Ehrmann, Éric Leforestier, Marc Bolla

En fonction de son intensité et de son ancienneté, le bruxisme conduit à des altérations


morphologiques des dents, dont la réhabilitation des dents atteintes est indiquée lorsqu'une
quantité significative de tissu dentaire est éliminée. La restauration des organes dentaires
ayant subi une usure précoce en raison des parafonctions peut faire appel à une diversité
de formes de restaurations partielles ou corona-périphériques complètes et de préférence
adhésives pour des raisons biomécaniques. Le développement des résines composites et
des techniques adhésives permet de réaliser des procédures conservatrices ou peu invasives,
en méthode directe ou indirecte, tandis que dans les cas de destruction sévère les facettes
céramiques, inlays, onlays et couronnes seront utilisés.
Le choix d'un biomatériau est essentiel. Il dépend du type de restauration envisagé et repose
sur une bonne connaissance de ses propriétés [1] . En effet, il doit être le plus adapté possible
à l'environnement dans lequel il est placé et aux contraintes qu'il va subir, en particulier
chez le patient bruxeur. Quel que soit le matériau choisi, la longévité de la restauration ou
de la reconstruction dépendra toujours de la possibilité d'éliminer ou contrôler les facteurs
étiologiques de la perte de substance.
Le Bruxisme tout simplement

Propriétés mécaniques des biomatériaux


Les matériaux mis en place dans la cavité
buccale sont soumis à un large éventail de Rm
contraintes mécaniques dont l'intensité ru
0....
est largement exacerbée chez le patient Q)
+-'
bruxeur : jusqu'à 1 000 N, alors qu'elles sont c Rupture
~
de l'ordre de 20 à 120 N pendant la masti- +-'
c
cation. u
0

Ces contraintes appliquées [2], ainsi que leurs Déformation


effets sur les matériaux peuvent être expli- élastique
quées en partie par l'essai de traction, qui
consiste à exercer de façon standardisée un Déformation àUL
étirement axial sur un matériau éprouvette,
jusqu'à sa rupture. Une courbe contrainte/ 1. Courbe contrainte/déformation.
déformation est obtenue, de laquelle se
dégagent différentes valeurs permettant de
quantifier plusieurs aspects de la résistance
mécanique du matériau.
~28
L'application de la force de traction pro- Ductile
voque initialement une déformation élas-
ru
0....
tique (réversible) suivie d'une déformation Q)
+-'
plastique (irréversible) menant à la rupture c
de l'éprouvette (fig. 1). ~
+-'
c
0
La rigidité est principalement mesurée u
par le module d'élasticité E (ou module de Ëlastique non linéaire
Young). Il correspond à la pente du domaine
élastique : plus elle est élevée, plus le maté-
riau est rigide. Déformation àUL
La résistance à la traction (Rm) carac-
térise la contrainte maximale qu'un matériau 2. Courbe contrainte/déformation:
supporte avant de se rompre. Cette résis- trois types de comportements des matériaux.
tance est également fonction de la forme
des pièces ou de ses défauts.
La ductilité est la capacité d'un matériau à se déformer de façon irréversible avant sa
rupture. Plus l'allongement est important, plus le matériau est ductile. À l'opposé, lorsque la
déformation plastique est très réduite, voire nulle, on parle d'un matériau fragile. Cependant,
un matériau fragile peut présenter une résistance très élevée. La dureté peut être définie
comme une mesure de la résistance à la déformation plastique de la surface du matériau.
Lors d'une sollicitation, les matériaux peuvent présenter trois types de comportements
(fig. 2):
• Fragile : le matériau ne présente pas de domaine de déformation plastique, la rupture
se produit alors que les déformations sont purement élastiques. Le verre, les céra-
miques et les polymères thermodurcissables sont des matériaux à rupture fragile.
17 Les matériaux de restauration prothétique

• Ductile : une déformation plastique irréversible suit la déformation élastique réver-


sible. La majorité des métaux et des alliages et certains polymères thermoplastiques
présentent ce type de comportement.
• Élastique non linéaire: la déformation élastique n'est pas proportionnelle à la charge
qui la provoque. Un tel comportement est caractéristique de certains polymères ther-
moplastiques et des élastomères.
Des ruptures peuvent être obtenues en dessous de la limite élastique dans des conditions
particulières qui rendent le matériau fragile : les microfissures, les pores, l'inclusion de parti-
cules fragiles (défauts internes) et la présence d'entailles (macrofissures) résultant de défauts
de fabrication ou de conception.
Les résistances à la compression et à la flexion correspondent aux valeurs de résis-
tance maximale enregistrée lors de la rupture d'un échantillon standardisé soumis à une
contrainte en compression (physiologiquement appliquée au niveau des faces occlusales des
dents postérieures) ou en flexion (bloc incisivo-canin).
La résistance au cisaillement correspond à la capacité de résister aux sollicitations tan-
gentielles à la surface d'application. Le test de cisaillement est intéressant pour évaluer un
collage ou une liaison céramo-métallique.
La fatigue est une sollicitation mécanique alternée (en compression, flexion et/ou cisaille- 229
ment) impliquant des modifications de microstructure, souvent à l'origine de la rupture des
pièces prothétiques dentaires. Du fait de cette alternance, la rupture peut intervenir à des
niveaux de contraintes peu élevés.
La résistance à l'abrasion correspond à la résistance au frottement de la surface du
biomatériau. Ces forces de frottement peuvent provoquer une perte de matériau à partir de
la surface, une dégradation de l'état de surface du matériau, et une altération de la forme
de la restauration.

Interactions avec l'environnement


et facteurs liés au patient
L'environnement biologique de la cavité buccale a une influence sur le comportement des
matériaux et dépend en partie des habitudes du patient [3] .
Une alimentation riche en sucre et en acides accélère la dégradation des matériaux. Les
bactéries dégradent le sucre en acide, avec pour résultat la déminéralisation de l'émail et
l'érosion. La difficulté pour la salive est de réussir à neutraliser ces acides par réaction tam-
pon. Le potentiel corrosif des boissons acides n'est pas seulement « pH dépendant » : les
propriétés tampon de la salive, la chélatio_ n des acides, la fréquence et la durée de consom-
mation de ces boissons sont aussi des facteurs qui influencent le développement du pro-
cessus destructeur.
Le bruxisme ainsi que des habitudes telles que le mâchonnement d'objets durs accélèrent
l'usure et augmentent le risque de fracture de fatigue. La corrosion, la fatigue et l'usure sont
les formes les plus fréquentes de dégradation au sein de la cavité buccale. Les conséquences
de la fatigue au niveau des restaurations dentaires sont les fractures marginales, la perte de
couche de matériau, l'usure [4] et la fracture.
Le Bruxisme tout simplement

Les différents biomatériaux


Les biomatériaux sont schématiquement classés en quatre grands groupes : métalliques,
céramiques, organiques et composites.
Matériaux métalliques
Les métaux sont inesthétiques dans la bouche et sont susceptibles de se corroder. En
revanche, il est aisé d'obtenir de bonnes propriétés mécaniques avec les matériaux métal-
liques. La plupart d'entre eux sont ductiles, ce qui signifie qu'ils sont capables de subir
des déformations permanentes avant fracture . Les caractéristiques d'usure de nombreux
alliages sont similaires à celles des structures dentaires.
Bien que possédant d'excellentes propriétés mécaniques [S] et ayant fait la preuve d'une
excellente longévité en bouche (l'or platiné est le matériau dont l'usure se rapproche le plus
de celle de l'émail naturel), les matériaux métalliques, en particulier les alliages précieux, ne
seront pas traités dans ce chapitre. Ils ne sont plus utilisés pour restaurer des faces occlusales
et ne répondent plus à la demande esthétique des patients.
Matériaux céramiques
Largement utilisées dans les restaurations prothétiques, les céramiques sont stables dans
l'environnement oral et possèdent des caractéristiques qui les rendent esthétiques sur de
230 longues durées. Leur fragilité et leur rigidité sont parfois des désavantages [6]. Pour éviter
la propagation des contraintes et la fracture, elles peuvent avoir besoin d'être renforcées
ou supportées par une infrastructure métallique. De par leur dureté, elles peuvent générer
l'usure des autres structures antagonistes (émail, résine composite, métaux).
Matériaux organiques
Les matériaux organiques tels que les résines utilisées en dentisterie sont des polymères syn-
thétiques obtenus à basse température par une activation chimique (chémopolymérisation)
ou physique (photopolymérisation). Les résines peuvent être travaillées facilement, mais
elles s'usent face à l'émail antagoniste. Elles se contractent lors de la polymérisation. Leurs
propriétés s'améliorent considérablement lorsqu'elles sont combinées avec des matériaux
céramiques.
Matériaux composites
Il s'agit de la combinaison de deux ou trois des matériaux précités. Ils sont combinés afin
d'améliorer les propriétés individuelles de chaque composant. Ils possèdent habituellement
une matrice de liaison et un renforcement ou une charge [7]. Lorsqu'un renforcement
céramique est ajouté à une matrice organique, les propriétés mécaniques et la stabilité
dimensionnelle sont améliorées. Leur manipulation est facilitée par rapport aux matériaux
céramiques. Le manque d'adhérence entre les deux phases constitutives peut devenir un
problème avec la perte de particules de renforcement, après l'usure de la matrice.

Composites dentaires
Un matériau composite est un matériau composé de plusieurs matériaux de nature ou d'ori-
gines différentes et dont les caractéristiques mécaniques sont supérieures à celles des maté-
riaux entrant dans sa composition. La condition fondamentale pour le concept de matériau
composite est que la cohésion de l'ensemble soit assurée par des liaisons mécaniques, phy-
siques ou chimiques.
.17 Les matériaux de restauration prothétique

La plupart du temps ces matériaux sont


constitués d'une matrice organique rési- Charges
neuse et d'un renfort constitué de charges.
La cohésion entre ces deux matériaux est Silane - ..-..•
assurée par un agent de couplage qui est
Matrice
un silane (fig. 3). organique
La phase organique constitue en moyenne
24 à 50% du volume du composite. Elle 3.
Représentation schématique
comprend la résine matricielle, les abais- d'une résine composite.
seurs de viscosité, le système de polyméri-
sation et divers additifs. La matrice résineuse joue un rôle de liant entre les charges et
influence le coefficient d'expansion thermique, la rétraction de prise, l'absorption d'eau et
la solubilité des résines composites. Le pourcentage ainsi que la chimie de cette phase orga-
nique influencent également les propriétés mécaniques des composites.
On distingue actuellement trois familles de résines composites [SI : les macrochargés, les
hybrides et les microchargés. Les hybrides comportent le plus grand nombre de matériaux;
on peut distinguer les microhybrides (taille moyenne des particules de charges < 1 [Jm) et
les microhybrides nanochargés (contenant des particules nanométriques).
Les restaurations en composite peuvent être réalisées en technique directe ou indirecte.
231
Dans le cas d'un patient bruxeur, le praticien envisagera en technique directe des apports
limités au rétablissement d'une zone de guidage ou de stabilisation de I'OIM dans le but
d'un effet de rééducation par biofeedback, ou des restaurations partielles réalisées en tech-
nique indirecte, sous forme d'inlays-onlays.
Par rapport à la technique directe, les restaurations partielles collées réalisées en technique
indirecte présentent plusieurs avantages [9] :
-augmentation du taux de polymérisation, ayant pour conséquence l'augmentation
des propriétés mécaniques et de la biocompatibilité de la restauration;
- limitation du retrait de polymérisation, et donc des contraintes liées à ce retrait.

Dans les composites dits « de laboratoire », le prothésiste dentaire peut avoir recours à
différentes techniques pour augmenter le taux de polymérisation : traitement thermique
(de 100 à 120°C) ou polymérisation sous atmosphère d'azote. Ces composites permettent
de réaliser des restaurations avec ou sans métal. Une procédure de traitement thermique
confère au matériau des propriétés optimales et une parfaite qualité de surface, ce qui
garantit une meilleure résistance à la coloration et à l'adhésion de la plaque dentaire, et
offre d'excellents résultats avec, une fois poli, un brillant semblable à l'émail dentaire. Enfin,
stabilité de la teinte, fluorescence et opalescence naturelles permettent de donner à la res-
tauration terminée une esthétique très proche de celle de la dent naturelle.
Les composites peuvent également être mis en forme par un procédé de CFAO [10] . Il
s'agit de composites ayant une matrice classique mais avec des nanocharges minérales de
zircone et de silice. Ces blocs présentent des taux de charge et de polymérisation améliorés
par rapport à un composite classique, et donc de meilleures propriétés mécaniques et une
excellente biocompatibilité.
Le Bruxisme tout simplement

Céramiques dentaires
Longtemps utilisées surtout pour la confection de dents artificielles pour prothèses amo-
vibles, puis l'élaboration de couronnes et de bridges céramo-métalliques, les céramiques
peuvent être considérées comme les biomatériaux permettant l'élaboration des restaura-
tions les plus esthétiques. L'évolution de ces matériaux a permis la réalisation de facettes,
d'inlays et d'onlays, et même de couronnes et bridges sans armature métallique.
Les céramiques actuelles possèdent un large champ d'indications, qui vont de la restaura-
tion partielle de la dent, dès que l'esthétique et surtout le délabrement contre-indiquent
les résines composites, au remplacement de dents absentes avec les bridges sans armature
métallique, en passant par des piliers pour prothèse sur implants.
Les matériaux céramiques sont des matériaux inorganiques composés d'oxydes, de nitrures
et de carbures, qui présentent des liaisons ioniques et covalentes fortes. Elles sont mises en
forme à partir d'une poudre agglomérée par frittage. Deux phases coexistent au sein de ces
matériaux : une phase vitreuse désordonnée, considérée comme la matrice, et une phase
cristalline, ordonnée, qui va conférer au matériau des propriétés mécaniques d'autant plus
fortes que sa proportion sera importante. Plus la phase cristalline est importante, plus les
propriétés mécaniques sont importantes, mais en contrepartie les propriétés esthétiques
232 sont moins bonnes, ainsi que l'aptitude du matériau à être collé. Ces deux dernières proprié-
tés sont directement liées à la présence de la phase vitreuse au sein du matériau .
Les restaurations céramiques peuvent être obtenues par des techniques conventionnelles
de prise d'empreinte surfacique permettant une réalisation au laboratoire ou, grâce aux
techniques de CFAO [11], être réalisées en techniques directes ou semi-directes au fauteuil,
et donc, selon la méthode employée, avec ou sans laboratoire (fig. 4).

Empreinte
optique

CAO
immédiate

Élaboration
Scanner de
par stratification
laboratoire
Usinage
au cabinet
et pose
dans la
CFAO au séance
laboratoire

4. Diverses possibilités actuelles de travail de la céramique.


17 Les matériaux de restauration prothétique

5. Montage de la céramique par stratification. 6.La méthode de stratification permet d'obtenir


des caractérisations dans la masse.

Plusieurs matériaux sont disponibles pour ces différents procédés de mise en


forme:
Mise en forme par émaillage
Appartenant à la famille des céramiques feldspathiques, ces céramiques traditionnelles
sont destinées à l'émaillage des coiffes céramo-métalliques. Des céramiques feldspathiques 233
à haute teneur en cristaux de leucite possèdent une résistance mécanique améliorée et
un coefficient de dilatation thermique augmenté et peuvent, dans certaines situations cli-
niques, être utilisées sans armature. Cette méthode par stratification donne les meilleurs
résultats esthétiques par le gradient de teinte qui est réalisé depuis les couches profondes
vers les couches superficielles, plus translucides (fig. 5-6).
Mise en forme par technique de pressée
Les vitrocéramiques sont des matériaux mis en forme à l'état de verre puis traités thermi-
quement pour obtenir une cristallisation contrôlée et partielle. Ce traitement thermique leur
confère de meilleures propriétés mécaniques. Elles peuvent être subdivisées en fonction du
cristal qu'elles contiennent, et l'on parlera de vitrocéramiques renforcées à la leucite ou au
disilicate de lithium. Ce matériau est disponible sous forme de lingotins, qui seront secon-
dairement ramollis à température élevée dans une machine spécifique.
Les éléments prothétiques sont construits classiquement en cire, puis, mise en revêtement,
la cire sera éliminée par chauffage. Le matériau rendu fluide est alors injecté sous pression
dans le revêtement. L'utilisation de lingotins
de couleur dégradée permet l'obtention de
couronnes sans armature métallique du plus
bel effet; un maquillage de surface ajoute la
coloration des fonds de sillon (fig. 7).
L'obtention de matériaux céramique très
résistants qui ont permis la réalisation de res-
taurations prothétiques unitaires ou plurales
sans armature métallique a été rendue pos-
sible grâce à l'utilisation d'alumine (AI 2 0 3) ,
7.Couronnes en céramique pressée
d'oxyde de zirconium (Zr0 2) et la mise au (document J.-P. Casu).
Le Bruxisme tout simplement

8. Armature en chrome-cobalt
lors de son essayage clinique.
9. Même situation clinique :armature en zircone
lors de son essayage.
1O. L'infrastructure en zircone
a été revêtue par stratification
pour lui conférer son aspect
234 cosmétique.

point de céramiques dans lesquelles la phase cristalline est devenue prépondérante. Ces
matériaux, en raison de leur opacité, sont utilisés en lieu et place de l'armature métallique
des coiffes céramo-métalliques. On parle alors de céramiques d'infrastructure (fig. 8-10).
Coulée en barbotine (procédé ln Ceram)
Ces céramiques ont plus de phase vitreuse et moins de phase cristalline que les céramiques
feldspathiques, ce qui leur procure une augmentation des propriétés mécaniques mais aussi
une certaine opacité. La nature des cristaux est à l'origine des différentes présentations :
oxydes d'aluminium et magnésium (ln Ceram spinell®, Vita), alumine (ln Ceram alumina®,
Vita), ou zircone (ln Ceram zirconia ®, Vita).
Obtention par procédé de CFAO
On y trouve des vitrocéramiques possédant plus de 30% en volume de charges cristallines.
Ces charges présentent différentes natures chimiques : leucite (Empress®, lvoclar), felds-

11. Les nouveaux matériaux céramique sont disponibles sous forme de blocs prêts à être usinés.
17 Les matériaux de restauration prothétique

paths (Cerec®, Sirona), disilicate de lithium (e.max CAD®, lvoclar), silicate de lithium renforcé
à la zircone (Celtra®, Dentsply), ou bien des céramiques issues du procédé ln Ceram, dispo-
nibles sous forme de blocs (fig. 11).
Les céramiques dites polycristallines ne possèdent pas de phase vitreuse. Elles sont compo-
sées de cristaux d'oxyde d'alumine (Procera Alumina ®, Nobel Biocare) ou d'oxyde de zircone
(Procera Zirconia®, Nobel Biocare ; Lava®, 3M), condensés par frittage. Leur mise en œuvre
au laboratoire ne peut se faire que par usinage. Elles sont extrêmement résistantes mais
complètement opaques, et doivent donc être maquillées d'une céramique cosmétique pour
simuler une teinte naturelle. Elles présentent une inaptitude au collage, qui contre-indique
leur emploi dans le cas de restaurations collées.
Les blocs de « céram ique hybride » CAD/CAM (Enamic®, Vita; Cerasmart®, GC) répondent
aux propriétés combinées des matériaux céramique et composite adaptés aux restaurations
esthétiques postérieures [12]. Ces matériaux peuvent prendre toute leur place pour des
patients où la nécessité d'amortir les contraintes est nécessaire, en particulier dans les cas
de bruxisme.
La fig. 12 récap itule les différents matériaux céramiques, associés à leurs principales pro-
priétés mécaniques, esthétiques et aptitude à être assemblés par collage.

235
Phase polycristalline pure
Matrice vitreuse + haute densité
phase cristalline dispersée sans phase vitreuse

Céramique feldspathique Céramique alumineuse Céramique polycristalline


renforcée teneur en alumine

Leucite Disilicate de lithium 40 % 65 % 85 % 98 % Zr0 2 Stabilisée


Mac Ali ln Ceram® Procera® à l'ytrium
Lean® ceram® Spinelle® CFAO CFAO
Zirconia®
Aluminia®

12. Propriétés mécaniques et esthétiques, et aptitude au collage des différents matériaux céramiques.
Le Bruxisme tout simplement

Importance de !/assemblage
Le concept d'un assemblage adhésif par le moyen des colles plutôt que micromécanique par
les ciments de scellement [13] est intéressant pour plusieurs raisons :
- une prévention assurée par l'étanchéité immédiate et différée améliorée;
- une adhérence supérieure;
-des propriétés rhéologiques des colles liées à la viscoélasticité de ces matériaux,
qui permettent de contourner l'interface rigide produite par les ciments de
scellement [14] . De fait, elles permettent de prévenir les risques de fractures des
pièces prothétiques, des tissus minéralisés naturels et de pouvoir compter sur un joint
adhésif fiable même si l'épaisseur va au-delà des 25 ~m prescrits par la spécification
n° 6 de I'ADA, ce qui n'est pas le cas des ciments de scellement.
Concernant les matériaux esthétiques tels que les composites et les céramiques, les produits
d'assemblage peuvent être résumés de la façon suivante : scellements adhésifs à base de
ciments verre ionomères et dérivés, ou colles.

Scellement
236 Les ciments verres ionomères (CVI) présentent la capacité d'adhérer aux tissus dentaires,
mais ces biomatériaux présentent des propriétés mécaniques assez faibles. C'est pour dimi-
nuer cet inconvénient que sont apparus les ciments verres ionomères renforcés par adjonc-
tion de résine (CVIMAR). Un tel ciment présente une prise double : une réaction acide-base
caractéristique d'un ciment de scellement, et une réaction de polymérisation caractéristique
d'un polymère.
Ces CVIMAR possèdent des qualités mécaniques améliorées. Leurs valeurs d'adhésion
peuvent être augmentées en préconditionnant les tissus dentaires à l'aide d'un acide faible
tel que l'acide polyacrylique.

Collage
On distingue classiquement trois types de colles :
- les colles sans potentiel adhésif (Variolink®, lvoclar; Nexus®, Kerr; Multilink®, lvoclar).
Ce sont des résines composites beaucoup moins chargées, donc plus fluides. Elles
nécessitent donc l'utilisation d'un adhésif amélo-dentinaire sur le substrat dentaire
et une préparation de surface de l'élément à coller, par l'intermédiaire d'une couche
de silane;
- les colles avec potentiel d'adhésion propre, encore dénommées résines de collage
(Panavia F®, Kurara; Superbond®, Morita). Un prétraitement des surfaces dentaire
et prothétique est nécessaire pour obtenir des valeurs d'adhésion qui peuvent être
assez fortes. Leur comportemènt viscoélastique permet dans certains cas d'amortir
et dissiper les contraintes au niveau du joint adhésif;
-les colles auto-adhésives, dites « tout-en-un » (Smart Cem2®, Dentsply; Speedcem®,
lvoclar; Maxcem®, Kerr), pour lesquelles aucun traitement de surface préalable
n'est nécessaire. Même si les monomères acides qu'elles renferment ont une action
automordançante, certains auteurs préconisent cependant un mordançage de l'émail
avant leur application .
17 Les matériaux de restauration prothétique

A l'instar des ciments de scellement, ces colles sont de manipulation très aisée. Les indica-
tions de préparation des surfaces [15] et d'assemblage des matériaux esthétiques utilisables
chez le patient bruxeur sont présentées dans le tableau 1.
Le tableau 2 rassemble les principales indications de l'assemblage en fonction et diffé-
rentes préparations de surfaces et des matériaux.
Le collage fournit une meilleure rétention de l'élément prothétique et une meilleure étan-
chéité, à la condition sine qua non d'une rigueur opératoire inflexible sur les protocoles
d'utilisation des colles.

Tableau 1 -Indications de préparation des surfaces [15]


et d'assemblage des matériaux esthétiques utilisables chez le patient bruxeur
Matériau Traitement de la surface prothétique Indications : collage ou scellement
Composite Oui : mordançage à l'acide Collage++
fluorhydrique et/ou sablage à l'oxyde
d'alumine à 50 IJm NB : préférer une colle à prise duale,
+ surtout si épaisseur de matériau de
apposition d'une couche de silane restauration > 2 mm.
Céramique Oui : mordançage à l'acide Collage++
feldspathique fluorhydrique et/ou sablage à l'oxyde
d'alumine à 50 IJm NB : préférer une colle à prise duale,
237
+ surtout si épaisseur de matériau de
apposition d'une couche de silane restauration > 2 mm.
Céramique Non : le mordançage est inefficace Scellement++ au CVIMAR.
polycristalline et le sablage non contrôlé entraîne Éventuellement, assemblage avec
un risque de fissures. une résine de collage après sablage
contrôlé à l'alumine, suivi de
l'application d'une couche de silane.

Phase vitreuse : Phase cristalline :


scellement collage
Colles avec potentiel adhésif propre Ciments au phosphate de zinc :
Monomère actif : Harvard cement®, Crown and bridge
MDP: Panavia F® cement®, Poly - F Plus®
4-Meta : Superbond®
Colles non adhésives :
Ciments verres ionomères
Composites de collage avec association modifiés par adjonction de résine :
indispensable d'un adhésif compatible:
Nexus®, Calibra ®, Multilink®, Variolink® Fuji +®, Ketac Cern®, Fuji Cern®

Colles autoadhésives :
Pas de traitement des tissus dentaires, pas de
traitement de la restauration
Rely X Unicem ®, G-Cem ®, Max Cern ®,
Multilink Sprint®, Smart Cern ®
Le Bruxisme tout simplement

Conclusion
Le choix d'un biomatériau répond à plusieurs critères qui sont d'ordre esthétique ou bio-
mécanique, et liés à sa compatibilité avec le produit d'assemblage. Actuellement, le marché
propose une variété étendue de matériaux dont les indications seront fonction de l'étendue
de la reconstruction à réaliser, du type d'antagoniste en présence, de la méthode de fabrica-
tion (trad itionnelle ou CFAO), l'objectif étant d'apporter la solution la plus pérenne possible
dans le traitement du patient bruxeur.

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Les collages occlusaux
chez le bruxeur
239

Jean-Daniel Orthlieb

La cartographie des facettes d'attrition occlusales décrite dans un précédent chapitre per-
met de mieux comprendre ces usures et de resituer leur interprétation dans le diagnostic
toujours complexe du bruxisme. Ces références visuelles permettent de dessiner mentale-
ment les contre-indications ou les possibilités d'intervention par collage. L'objectif est de
mettre en œuvre, si nécessaire, des approches thérapeutiques individualisées remplaçant ou
complétant la gouttière occlusale, derrière laquelle quelques-uns pensent (à tort?) trouver
un abri sûr et durable.
Le Bruxisme tout simplement

1. Canine maxillaire usée


horizontalement sans
contact en OIM par surplomb
horizontal excessif.

Bruxisme et occlusion
De nombreux doutes ont été exprimés concernant l'efficacité des corrections occlusales
réalisées dans le but de traiter le bruxisme [1). Cependant, quelques études montrent
que des modifications occlusales, en générant de nouvelles informations proprioceptives,
40 peuvent diminuer le bruxisme au moins provisoirement [2] . En 2012, Michelotti et coll. [3]
ont confirmé Rugh en 1984 [4] en montrant la diminution du bruxisme par le réflexe d'évi-
tement généré par une interférence occlusale artificielle.
Pour Onodera et coll. et Sugimoto et coll . [5], bien que le bruxisme soit régulé par le système
nerveux central en relation avec des réponses physiologiques, des difficultés ventilatoires,
et des aspects psychologiques, le facteur occlusal peut l'influencer. Selon ces auteurs, les
résultats expérimentaux montrent que l'activité musculaire est augmentée par la présence
d'un appui occlusal postérieur en position excentrée (en fonction de groupe étendue, par
exemple). Ces résultats indiquent également qu'une pente canine fortement inclinée est
associée à une facette horizontale sur la pointe canine (et non sur la face linguale). Ce
guidage dysfonctionnel, ou surguidage présente une surface linguale verticale. Dans cette
situation, le mouvement de diduction ne peut pas s'effectuer. Cette face linguale est comme
un mur vertical que le patient évite pour venir de s'appuyer sur le bout à bout canin. C'est
pourquoi on observe des facettes horizontales sur les pointes canines, nettement en dehors
du contact en OIM . Paradoxa lement, on retrouve également ces facettes horizontales sur
les pointes canines, chez des sujets n'ayant pas de guidage canin immédiat (canine sans
contact en OIM par surplomb horizontal excessif) (fig. 1) (cf chapitre 8, «Cartographie des
facettes d'attrition sur la canine maxillaire »). Des études expérimentales montrent qu'une
facette horizontale est associée à une capacité d'activité musculaire nettement plus impor-
tante que dans les cas de facette linguale partant de I'OIM et présentant une inclinaison
douce, proche de la pente condylienne. Ainsi, en 2011, Sugimoto et coll. [51 se sont interro-
gés : serait-il possible de contrôler le bruxisme par des facteurs occlusaux? Une surface de
guidage légèrement inclinée pourrait-elle constituer un facteur de régulation du grincement
de sommeil et de diminution de la contrainte appliquée? En 2008, Loobezzo et coll . [1]
concluaient que les preuves accumulées n'étaient ni convaincantes ni assez puissantes pour
affirmer que le traitement occlusal empêchait le bruxisme du sommeil. Selon ces auteurs,
on ne peut donc pas affirmer que la thérapie occlusale est recommandée comme approche
principale dans la gestion du bruxisme de sommeil.
18 Collages occlusaux chez le bruxeur

Collage occlusal
et reprogrammation sensorielle
A ce jour, la recommandation précédente reste fondée, mais cela ne signifie pas que
quelques interventions, très limitées, non invasives, puissent être envisagées, par exemple
comme un collage en composite sur une canine maxillaire afonctionnelle, surtout s'il n'a pas
comme objectif de « traiter » le bruxisme (fig. 2a-c). Les objectifs de l'addition de compo-
site chez le bruxeur sont :
- de déclencher de nouveaux messages proprioceptifs destinés à renforcer
l'indispensable rééducation cognitivo-comportementale installée en amont;
-de créer une instabilité mandibulaire dans les positions excentrées
pour concentrer les phases de bruxisme vers I'OIM.
De nombreuses études ont montré que les modifications occlusales ont une influence sur
la dynamique mandibulaire à la fois sur les recrutements musculaires et sur la direction
et l'amplitude des mouvements mandibulaires. On sait que les techniques classiques de
biofeedback (rétroaction sensorielle) sont décrites comme efficientes dans les thérapies
comportementales traditionnelles. Le principe du biofeedback réside dans l'utilisation d'un
stimulus sensoriel pour concentrer l'attention du patient sur ses activités musculaires indési- 241
rables (au niveau des mâchoires, par exemple) pour induire un « conditionnement répulsif ».
Les informations nouvelles de guidage transmises par le composite joueront un rôle de bio-
feedback naturel, in situ, à travers ces organes si sensoriels que sont les dents.
De plus, la surveillance de ces collages apportera un indispensable élément objectif de
contrôle dans le suivi du patient bruxeur.

2 a, b, c. Collage en lingual
de 23 initialement afonctionnelle.
Le but est de favoriser le
reconditionnement par
de nouvelles informations
proprioceptives.
a) OIM avant collage.
b) OIM après collage.
c) Trace de guidage à partir
du contact en OIM.
Le Bruxisme tout simplement

Le collage en composite peut, de manière très simple, peu coûteuse, non invasive :
-renforcer l'autocontrôle des parafonctions orales;
-gêner les postures parafonctionnelles excentrées;
- matérialiser par son usure l'intensité du bruxisme de grincement.

Le matériau composite
Le choix du matériau est basé sur l'état dentaire préexistant (carie, ancienne restauration,
état pulpaire) ainsi que sur le volume et la localisation du délabrement. Il s'agit d'une déci-
sion médicale fortement individualisée respectant toujours le concept global d'absence ou
de faible invasivité.

Résistance
Des études cliniques ont montré que la performance des résines composites dans la res-
tauration des usures est suffisante et que seules des fractures partielles représentent la
complication la plus probable [6]. Elle peut être corrigée par une simple réparation ou un
remplacement de la restauration. Le taux de survie à dix ans des couronnes céramo-métal-
liques s'avère légèrement supérieur aux restaurations en composite, mais avec des compli-
242 cations beaucoup plus graves [7]. Dietschi et Argente [8] ont publié un cas de restaurations
occlusales en composite après érosions et bruxisme avec huit ans de recul. Dans le cas
présenté, seule la couronne prothétique sur implant (élément rigide) présente un échec
par fracture du cosmétique. Kuijs et coll. [9] suggèrent que les restaurations en céramique,
résine composite indirecte ou résine composite directe offrent une résistance à la fatigue
comparable et présentent des modes de défaillance comparables en cas de fracture. Tous
les types de composites peuvent être utilisés. Si la modification anatomique permanente
n'est pas nécessaire, les composites fluides sont indiqués, l'éruption passive compensant
l'usure. Inversement, lorsque la correction anatomique doit perdurer, un composite résistant
à l'usure est impératif (composites hybrides). Par rapport à la céramique, le matériau com-
posite présente des inconvénients sur le plan du rendu esthétique et sur le vieillissement du
matériau, en particulier au niveau des limites.

Méthode directe ou indirecte


On distingue trois méthodes de mise en œuvre des restaurations en résine com-
posite.
Méthode directe : elle est réservée aux collages peu étendus sans incidence esthétique
prioritaire. Le modelage du composite est réalisé directement en bouche, à main levée.
L'avantage principal en est la simplicité de la mise en œuvre, ne générant qu'un coût rela-
tivement limité. L'inconvénient de la méthode directe est la difficulté de contrôle des mor-
phologies à la fois sur le plan fonctionnel et sur le plan esthétique. Hemmings et coll. 1101
rapportent 90% de succès après 30 mois dans des cas de surélévation occlusale en com-
posite par méthode directe.
Un léger sous-guidage est facilement optimisable par addition directe de compo-
site.
18 Les collages occlusaux chez le bruxeur

· Méthode indirecte : les pièces en composite sont entièrement réalisées au laboratoire,


le plus souvent après construction d'une maquette en cire (wax-up); l'assemblage clinique
par collage, finalise le traitement. La capacité du modelage de la morphologie exacte et du
contrôle esthétique est un avantage important de la technique indirecte. Si le reposition-
nement des éléments à coller demande un contrôle précis (guide de collage), le véritable
inconvénient de la méthode indirecte réside dans le coût de laboratoire qu'elle génère.
Elle sera donc indiquée pour des restaurations étendues, pour lesquelles on envisage une
longue durée (restauration permanente). C'est dans ce cas que se posera réellement la
question du choix entre matériaux céramiques ou composites.
Méthode semi-directe : le projet thérapeutique est construit en cire au laboratoire (wax-
up), le composite est ensuite modelé en bouche à l'aide d'une clé. Cette méthode comporte
une étape de laboratoire à la fois nécessaire dans les restaurations étendues (wax-up) mais
réduit nettement le coût de laboratoire par un modelage direct en bouche. Cette méthode
sera indiquée dans les restaurations étendues envisagées comme un traitement initial, éven-
tuellement de longue durée, mais non comme une restauration permanente « définitive ».
La photopolymérisation en bouche impose l'utilisation d'une clé transparente, en utilisant
un matériau silicone (Memosil, Heraeus Kulzer). Pour compenser le risque de déformations
de la clé en silicone, la technique proposée par Mizrahi [11] semb le très intéressante. Une
surplaque transparente thermoformée sur la clé en silicone en assure une bien meilleure 243
rigidité et qualité de repositionnement.
Des collages multiples demandent une validation du projet thérapeutique par la
réalisation d'une maquette en cire (wax-up).

Indications des collages en fonction


de la cartographie des facettes
La classification cartographique des facettes d'usure vue précédemment a pour but de
visualiser les indications ou les contre-indications de la participation des collages dans la
prise en charge du bruxeur.
On retiendra deux principes :
- lorsque le calage et/ou le guidage peuvent être accentués, le collage est souvent
indiqué s'il reste inférieur à environ 2 mm d'épaisseur;
-lorsque la pente de guidage doit être diminuée, le collage est contre-ind iqué.

Dans les cas d'usure importante, une augmentation de la dimension verticale d'occlusion
facilitera la gestion des vo lumes vis-à-vis de l'esthétique et de la résistance (voir chapitre 10).
Dans cette situation clinique, il s'agit bien entendu d'un traitement important et de nom-
breux facteurs interviennent dans la décision médicale. Souvent, une phase initiale par des
collages « simplifiés » permet d'initier la prise en charge sans engendrer d'emblée un trai-
tement invasif, toujours risqué en l'absence d'un bon contrôle de la nécessaire compliance
du patient.
Facettes concentriques (CF). Les collages sont généralement indiqués, excédant rare-
ment 2 millimètres d'épaisseur. Si le collage concerne deux ou trois dents, la méthode
directe est indiquée pour un praticien expérimenté. Au-delà, la visua lisation du projet par
wax-up est utile avec une méthode semi -directe (fig. 3, 4a-c, 5a-h et 6a-i).
Le Bruxisme tout simplement

44

3. Facettes concentriques (CF) : les collages sont


globalement indiqués. a = limité à l'émail, addition directe
de composite; b =exposition dentinaire, éventuellement
wax-up et collage par méthode semi-directe, parfois collage
direct mandibulaire (parfois ingression orthodontique);
c = usure étendue wax-up bimaxillaire et collage par
méthode indirecte ou semi-directe.

Facettes excentriques afonctionnelles


(AEF). Il existe un surplomb excessif (anoma-
lie horizontale) et/ou une béance (anomalie
verticale). Pour des dents saines, l'orthodontie
représente une solution qu'il faut toujours envi-
sager, mais des collages permanents peuvent
être indiqués s'ils n'excèdent pas 2 millimètres
d'épaisseur. Si l'épaisseur à combler est plus
importante, le collage peut-être envisagé dans
la phase initiale de reconditionnement.

4a,b,c. la 23 présente une facette concentrique limitée à


l'émail (CFe). Collage composite en méthode directe sur 23
laissant ouvert l'espace fonctionnel interocclusal.
18 Les collages occlusaux chez le bruxeur

5. Facettes concentriques :
bruxisme intense (serrement
et grincement, érosions). Des
petits collages sont envisagés,
dans ce cas de facettes
concentriques; la simulation
par le wax-up permet
de confirmer la faisabilité
et conduit à un collage
par méthode semi-directe.
245
Le Bruxisme tout simplement

246

6. Facettes concentriques étendues. La demande esthétique et le bilan dentaire indiquent


une reconstruction globale. Dans une phase de prise en charge initiale, des collages antérieurs
sont réalisés en méthode directe. La dernière photo montre la situation après un an d'encadrement.

Facettes excentriques dysfonctionnelles (DEF). L'absence de surplomb n'est jamais


optimisable par collage, rarement modifiable par meulage. L'abstention thérapeutique est
donc l'alternative au traitement orthodontique. Les traitements prothétiques étendus sur
dents saines sont à justifier pour de très fortes raisons; la simple motivation esthétique est
à analyser en profondeur avec explications et consentements écrits. Parfois, le traitement
orthodontique peut être complété par des collages permanents de faible étendue. La seule
indication du collage concerne le traitement initial d'un état dentaire altéré indiquant intrin-
sèquement une reconstruction étendue. La méthode indirecte est alors de rigueur. Encore
que, dans ces cas, une préparation orthodontique préprothétique soit souvent indiquée.
18 Les collages occlusaux chez le bruxeur

7. Fa~ets excentriques
afonctionnelles (AEF) : les
collages sont globalement
indiqués dans la limite
d'une épaisseur raisonnable
(inférieure à 2 mm).
=
e limité à l'émail, addition
directe de composite;
d = exposition dentinaire,
éventuellement wax-up et
collage par méthode semi-
directe, parfois collage direct
mandibulaire;
w = usure étendue, wax-up
bimaxillaire et collage par
méthode indirecte ou semi-
directe.

247

8 a, b, c, d, e, f. Facettes excentriques afonctionnelles (AEFe) : collage dans l'espace


d'inocclusion de la 13 en OIM.
Le Bruxisme tout simplement

9 a, b, c. Collage en lingual de 23
pour renforcer la rééducation de la
parafonction orale de mordillement
de lèvre. Le résultat a été immédiat
(exemple similaire à la prise en charge
du bruxisme).

~48

10 a, b, c, d, e, f. La patiente
consulte après de nombreuses
tentatives de réalisation d'un
bridge 17-15 ressenti comme
toujours gênant. Bruxisme
intense avec fort inconfort lié
à une « double OIM » (a et b
représentent deux possibilités
d'un « pseudo-OIM »). Le
recentrage mandibulaire par
collage en lingual13 et 23, et
calage sur le provisoire 15-17,
permet de préciser I'OIM, de
renforcer l'autorééducation
comportementale. La patiente
n'est plus gênée par son
bridge secteur 1. La création
du guidage canin permet une
intégration simple du bridge
provisoire. L'impact sur la
rééducation du bruxisme est
fort. Le collage sur 13 est trop
volumineux, il indique une
correction orthodontique
de la 13, discours que la
patiente, une fois soulagée,
est prête à entendre (e et f
après 2 mois).
18 Les collages occlusaux chez le bruxeur

11 . Fa~ets excentriques
dysfonctionnelles (AEF) :
les meulages et les collages
sont globalement contre-indiqués.
Les solutions sont l'abstention
thérapeutique ou l'orthodontie,
sauf grands délabrements (EDFw)
où la reconstruction prothétique
est souvent facilitée par une
augmentation de DVO quand
elle est possible.

Le patient acteur de la prise en charge


Le patient doit être clairement informé (préférentie llement par écrit) du fait que :
249
-l'objectif des collages est de l'aider à renforcer son autocontrôle de ses parafonctions,
ils ne représentent que des alertes sensorielles et ne visent pas à traiter le bruxisme
par l'équilibration occlusale;
-ces additions de composite ne mettent pas en danger les dents;
-ces additions de composite vont créer une gêne fonctionnelle au niveau de la langue
par le volume qu'elles représentent, lors de la mastication (sensation de dent longue),

12. Fort bruxisme par serrement, petite facette AEF


limitée à l'émail. Sportive de haut niveau, très anxieuse,
incluse dans un coaching psychologique. Collage en
lingual de 13 profitant de l'inocclusion pour renforcer la
rééducation des crispations et la mise en confiance. Le
collage ne perturbe pas I'OIM initiale, mais la renforce.
Le collage permet également de favoriser une correction
posturale de la langue (cf. même cas, chapitre 8, fig. 6).
Le Bruxisme tout simplement

50

13 a, b, c, d, e, f, g, h. Jeune femme, Serrement important : (a) OIM; (b) la propulsion objective la


dysfonction antérieure; (c) érosions alimentaires antéromaxillaires; (d, e) butée occlusale antérieure;
(f) en 2 mois, in occlusion antérieure par égression postérieure; (g, h) stabilisation initiale par collage
composite - à 4 mois.

et cette gêne délibérément créée sera intégrée progressivement dans ses schémas
fonctionnels ;
- le matériau composite sert de test, il est choisi pour sa simplicité d'utilisation et sa
dureté modérée ;
-un suivi régulier est nécessaire à 6 semaines à la suite de la mise en place,
puis environ tous les 2 à 3 mois.
Il est fondamental de ne pas laisser penser au patient que l'on traite son bruxisme unique-
ment par un traitement occlusal. Ce serait non seulement fau x, contre-productif vis-à-vis
de la nécessaire autorééducation du patient, mais aussi dangereux par la fausse croyance
que cela induirait, croyance qu'il sera difficile d'effacer, chacun s'attachant facilement aux
recettes simplistes et « magiques ».
18 Les collages occlusaux chez le bruxeur

'Quand il est possible, le collage composite permet :


• de renforcer l'autorééducation;
• de diminuer le bruxisme dans des postures mandibulaires latéralisées;
• d'apporter un élément objectif de contrôle dans le suivi du bruxeur.

La correction d'un léger sous-guidage est facilement obtenue par un simple col-
lage de composite
Lorsque les additions occlusales sont importantes, la maquette par wax-up est
nécessaire, servant de guide pour un modelage direct en bouche.
Si les additions sont occlusales et vestibulaires, la technique indirecte sera privilé-
giée pour des raisons esthétiques
La correction d'un surguidage demande des moyens invasifs orthodontiques ou
prothétiques; elle demande une motivation plus importante, des facteurs étio-
pathogéniques forts, pour être mise en œuvre.
La correction d'un surguidage sur dents saines requiert le plus souvent de l'or-
thodontie.

251

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252
Réhabilitations
mini-InVaSIVeS
1 1 1 1

253
Olivier Etienne, Charles Toledo no

La réhabilitation des dents usées par le bruxisme (associé ou non à d'autres cofacteurs)
a longtemps eu recours systématiquement aux techniques prothétiques conventionnelles .
Celles-ci se traduisent par une préparation périphérique, suffisamment large pour assurer la
résistance des matériaux prothétiques. Ces concepts, s'ils sont encore indiqués face à une
usure très avancée, peuvent être complétés aujourd'hui grâce aux approches mini-inva-
sives. En effet, les matériaux de restauration (céramiques ou polymères) et de collage, tout
comme les procédures cliniques, offrent au praticien un arsenal thérapeutique complet et
adapté à toutes les formes d'usure [1-9] .
' "Bruxisme tout simplement

Les principes
Observation clinique et DVO
Le degré d'usure de la denture doit toujours être replacé dans son contexte temporel : une
usure rapide chez le sujet jeune ou une usure lente et progressive chez le sujet âgé ne s'ap-
préhendent pas de la même façon [10-13]. En effet, l'usure rapide associée à des compor-
tements répétitifs de serrement se traduit par une perte de DVO qui doit être évaluée puis
restaurée. Cette hauteur perdue, exploitable, permet des préparations dentaires extrême-
ment limitées, voire pour certains auteurs non nécessaires (concept no prep). Au contraire,
l'usure progressive s'accompagne très souvent d'une égression compensatoire qui impose
alors un équilibre entre l'augmentation de cette DVO et un geste clinique plus invasif afin de
respecter les exigences d'épaisseur des matériaux. L'augmentation initiale de la DVO peut se
faire arbitrairement sur articulateur ou peut faire intervenir des méthodes plus élaborées. A
l'exception des table tops pour lesquels il est techniquement difficile de le faire, une valida-
tion clinique temporaire est toujours souhaitable avant la réalisation prothétique finale [14].

Matériaux et protocoles cliniques mini-invasifs


L'étiologie de l'usure constatée doit être bien appréhendée : si une érosion purement
254 chimique peut autoriser l'indication d'une épaisseur de céramique inférieure aux recom-
mandations du fabricant, un contexte parafonctionnel impose le respect de celles-ci, sous
peine de fractures .
Dans le cadre du bruxisme, un diagnostic basé uniquement sur l'observation clinique de
facettes d'usure reste une probabilité plus qu'une certitude [15] mais doit être considéré
comme un facteur de risque potentiel.
La réhabilitation de ces dents usées et les matériaux envisagés varient selon les auteurs.
Dans l'ouvrage de Lussi et Jaeggi [16]. les auteurs distinguent trois situations et proposent
trois approches :
- l'usure est inférieure à 0,5 mm : restauration directe par composite fluide;
- l'usure est entre 0,5 et 2 mm : restauration directe par composite;
- l'usure est supérieure à 2 mm : restauration indirecte en céramique.
Ces approches très conservatrices sont certes adaptées au traitement de l'usure par érosion,
mais le contexte du bruxisme et des forces importantes qui lui sont associées ne paraît
pas compatible à moyen ou long terme avec les matériaux composites utilisés en méthode
directe. En effet, du fait de leur résistance limitée à l'usure, un renouvellement régulier doit
alors être envisagé [16]. Les restaurations indirectes, en résine composite ou hybride, ou
préférentiellement en céramique renforcée, nous semblent être le choix le plus judicieux à
ce jour, pour peu qu'elles soient associées à un antagoniste de même nature.
Concernant les protocoles cliniques publiés à ce jour, celui de Vailati et Belser, basé sur
une classification nommée Anterior Clinical Erosive (ACE) [17] et sur trois temps opéra-
toires (three-step technic) [5-71 paraît tout à fait transposable au traitement des usures par
bruxisme. Celui-ci propose d'adapter la nature et la forme des restaurations à la perte tis-
sulaire observée sur les dents antérieures. Ainsi le degré d'usure est estimé faible, modéré
ou sévère selon la persistance d'une couche amélaire ou la destruction complète de celle-ci .
Dans les cas les plus sévères, exposant la dentine sur les faces occlusales et linguales anté-
19 Réhabilitations mini-invasives

· rieu res, leur approche thérapeutique est développée en trois temps opératoires visant à
restaurer temporairement et successivement :
- les faces vestibulaires des dents maxillaires;
- les faces occlusales prémolo-molaires (à l'exception des deuxièmes molaires) sur l'une
ou les deux arcades selon le degré d'usure;
- les faces linguales antéro-maxillaires (guide incisivo-canin).
L'originalité de cette approche réside dans sa première étape qui se concentre sur des aspects
esthétiques, alors qu'une approche conventionnelle consisterait à gérer l'occlusion dans les
secteurs postérieurs en premier lieu. Il s'avère en réalité bien plus aisé, car beaucoup mieux
codifié [181, de projeter la restauration antéro-vestibulaire en première intention. Celle-ci
donne alors un cadre général facilitant le travail du prothésiste dans sa réalisation du projet
occlusal postérieur puis du guidage antérieur. Par ailleurs, ces trois étapes suivent l'ordre
de réalisation du projet (wax-up) confié au laboratoire et de la mise en place clinique d'élé-
ments temporaires qui guideront les réalisations finales. Il est alors possible de réaliser les
restaurations d'usage en commençant par les secteurs postérieurs et le calage de l'occlu-
sion, pour finaliser ensuite les restaurations antérieures, ou inversement (voir cas cliniques
complets en fin de chapitre).

Le projet esthétique et fonctionnel 255


Le projet esthétique et fonctionnel constitue la première phase de la prise en charge. Il per-
met de restaurer, grâce au wax-up, l'enveloppe naturelle et initiale des dents [19, 20]. Il est
obtenu à partir des empreintes des arcades dentaires, complétées par le transfert des infor-
mations concernant l'augmentation de la DVO, qui permet au laboratoire de prothèse de
construire un wax-up. Ce projet peut être global ou partiel selon l'historique des traitements
du patient. Les traitements prothétiques préalables peuvent ne laisser que quelques dents à
restaurer (fig. 1a-b), tandis que d'autres nécessitent une réhabilitation complète (fig. 2a-d).
Le traitement doit répondre aux exigences esthétiques sur le secteur antérieur, en particulier
par le rallongement des bords libres usés, mais aussi aux exigences fonctionnelles.
Le modelage des faces linguales antéromaxillaires (en cas d'usure à ce niveau) et des faces
occlusales prémolo-molaires est le garant d'une stabilité de l'occlusion et du rétablissement
d'une cinématique occlusale fonctionnelle.

1 a, b. L'usure associant bruxisme et érosion chimique peut être localisée (a) et nécessiter alors une
réhabilitation sectorielle. Le projet se limite aux dents concernées (ici 46, 45, 44) en leur redonnant
les volumes perdus et la morphologie occlusale adéquate (b) (suite du traitement en fig. 5 et 8).
Le Bruxisme tout simplement

2 a, b,c, d. L'usure peut aussi concerner la quasi-totalité des dents et imposer alors une réhabilitation
globale (a, b). Le transfert des données cliniques, notamment la position et l'augmentation de la DVO
souhaitée, est obligatoire pour réaliser un tel wax-up (c, d).

Ce projet doit ensuite être reporté en bouche, constituant alors un masque (mock-up) par-
dessus les dents existantes. Pour ce faire, un moule reproduisant ce wax-up est réalisé, puis
rempli d'une résine acrylique avant d'être replacé in situ, sur les dents usées du patient
(fig. 3a-f).
Pour que le transfert des données du wa x-up soit parfait, il convient d'utiliser une technique
assurant un repositionnement exact et un moule présentant une rigidité adéquate pour ne
pas se déformer sous la pression lors de son insertion avec la résine.
Différentes options techniques ont été proposées pour réaliser ce moule :
-dupliquer le wa x-up, puis thermoformer une gouttière sur le duplicata;
- réaliser une empreinte en silicone du wax-up ;
-utiliser un guide usiné issu d'une empreinte optique du wa x-up.

La gouttière thermoformée a l'avantage d'être transparente et fine, permettant un contrôle


immédiat de son positionnement. En revanche, son manque de rigidité entraîne souvent
une déformation et un surcontour du masque.
L'empreinte en silicone est une option rapide et peu coûteuse, qui doit toutefois respecter
quelques principes. Ainsi, l'empreinte du wax-up doit préférentiellement être réalisée en
double mélange, avec un silicone de haute viscosité présentant une dureté maximale après
sa prise. Elle peut aussi être préparée au laboratoire, sous vide. Au maxillaire, la repro-
19 Réhabilitations mini-invasives

257

f
3 a, b, c, d, e, f. Le wax-up est reproduit avec une empreinte en silicone extrêmement précise. Celle-ci
est ensuite remplie d'une résine bis-acryl (Luxatemp, DMG ou Protemp 4, 3M Espe), avant d'être insérée
par-dessus les dents séchées du patient (c, d). Après désinsertion, la résine en place sur les dents
constitue le masque (mock-up) qui projette la réalisation finale. La comparaison avant (e) et après (f)
permet au praticien comme au patient d'évaluer l'impact bénéfique du traitement sur le sourire, mais
aussi sur la restauration de l'étage inférieur de la face.

duction de la voûte linguale assure une butée d'enfoncement qui positionne parfaitement
l'empreinte et le masque. En revanche, à la mandibule, il est impératif de créer des zones
non waxées qui serviront de butées d'enfoncement et seront comblées par la suite.
Enfin, l'approche la plus récente fait appel à un enregistrement numérique du wax-up et à la
confection d'une gouttière rigide, usinée ou imprimée [1). Celle-ci est enduite d'un silicone
de basse viscosité permettant de reproduire très finement les détails du wax-up et d'éviter
Le Bruxisme tout simplement

tout risque de liaison chimique avec la résine bis-acryl injectée. L'enfoncement de cette
gouttière est contrôlé grâce à l'extrême rigidité de celle-ci qui vient buter sur les lignes de
plus grands contours des dents.

Validation du projet
La mise en place du masque sur les dents usées permet de valider immédiatement l'inté-
gration esthétique du projet dans le visage du patient (sourire, harmonie des étages de la
face) (fig. 3). Selon la sévérité de l'usure et l'augmentation de DVO envisagée, il est parfois
judicieux de proposer une va lidation fonctionnelle en installant ce masque pour quelques
semaines.
Pour ce faire, les dents doivent être séchées puis mordancées par un point central d'acide
orthophosphorique (soit su r la face occlusale, soit sur la face vestibulaire). Un adhésif est
alors étalé à la surface des dents avant de positionner le moule garni de résine bis-acryl
chémopolymérisable. Après désinsertion, les excès sont éliminés par polissage. Du fait de
son épaisseur minime, cette validation reste limitée et source de complications possibles
(fracture de résine, décollement partiel ou total .. .). Elle ne peut être envisagée sur plusieurs
mois comme cela peut être le cas avec les couronnes provisoires. Cela reste une limite à
l'heure actuelle dans ce type de traitement.
258
Les préparations
Principes
Les préparations mini-invasives respectent toutes le principe de conservation maximale des
tissus dentaires résiduels. Pour cela, et pour respecter les épaisseurs requises pour la résis-
tance des matériaux prothétiques, il est intéressant de guider les préparations se lon les
techniques de pénétration contrôlée. Ces dernières sont enseignées depuis de nombreuses
années pour les préparations périphériques conventionnelles et leur adaptation à la dentis-
terie mini-invasive repose essentiellement sur deux aspects spécifiques :
- la profondeur de pénétration qui est diminuée;
-la réalisation préalable du masque qui sert de référence à travers laquelle sont réalisés
les repères de profondeur [21-22].

Selon la forme de la pièce prothétique envisagée, ces repères sont préparés sur les faces
occlusales, sur les faces vestibulaires, ou sur les deux.
L'option clinique consistant à ne rien préparer (concept no prep) engendre forcément une
finition prothétique en « lame de couteau » dont la résistance est compromise dans le
temps autant pour les céramiques que pour les polymères.

Les préparations postérieures


L'overlay
La terminologie d'overlay est utilisée spécifiquement pour caractériser cette pièce restaurant
entièrement la table occlusale et la distinguer ainsi de l'onlay dont la définition est plus large
puisqu'elle intègre toutes les restaurations indirectes reconstituant au moins une cuspide.
19 Réhabilitations mini-invasives

259
4a,b,c,d. Lorsque l'usure de la table occlusale est localisée à une dent (ici 47), l'overlay en céramique
(ici, Emax Press, lvoclar-Vivadent) est indiqué. Les anciennes restaurations directes (a), sont éliminées
et la forme de la préparation respecte les principes de transition arrondie, sans autre angle vif que
les limites périphériques (b). Après collage, l'overlay en céramique assure une morphologie occlusale
pérenne et s'intègre dans l'occlusion du patient (c, d).

Son épaisseur répond en tout point aux critères recommandés par les fabricants, tant pour
les matériaux polymères que pour les céramiques. En ce sens, il nous paraît être l'option de
choix dans le cadre d'une thérapeutique chez le patient bruxeur. L'overlay peut s'envisager
sur une seule table occlusale lorsque l'usure est ponctuelle (fig. 4a-d), ou sur une restau-
ration globale.
Quel que soit le matériau utilisé, les grands principes de préparation répondent à :
- une forme douce sans angles vifs autres que la bordure périphérique;
- un repère de positionnement qui évite tout risque de rotation ou de déplacement
lors du collage.
La forme de la préparation varie en fonction de l'existence possible d'anciennes restaura-
tions directes. Dans ce cas, l'overlay intègre le volume de l'ancienne restauration qui est
déposée.
Le veneerlay
Ce terme, combinaison des termes veneer (« facette ») et onlay, est généralement attribué
à une restauration incluant la table occlusale et la face vestibulaire lorsque celle-ci doit être
restaurée aussi (fig. Sa-i). La face vestibulaire y est généralement préparée a minima, dans
des épaisseurs de l'ordre de 0,5 à 0,8 millimètre, tandis que la face occlusale respecte le mil-
limètre et demi. Au-delà de son rôle fonctionnel, attribué à la table occlusale reconstruite,
Le Bruxisme tout simplement

260

5 a, b, c, d, e, f, g, h, i. Le veneerlay est une pièce prothétique restaurant la face occlusale et la face


vestibulaire. Le masque postérieur est réalisé d'après le wax-up (a). Les repères de profondeur se font
selon la technique de pénétration contrôlée, sur la face vestibulaire (fraise Shofu, réf. 0896-1) et sur la
face occlusale (fraise Meisinger, réf. 8280) (b, c, d). Après dépose du masque, les rainures offrent un
gabarit aux préparations (e). La face vestibulaire est préparée avec une fraise à congé fin conventionnelle
(diamètre 016), tandis que la face occlusale est rendue concave grâce à une fraise de forme prune (f). Afin
de permettre la future séparation des dies sur le modèle, une bande abrasive (Komet) peut être passée
entre chaque dent pour laisser place au silicone (g). La forme des préparations requiert des lignes douces,
en particulier pour les transitions proximales et vestibulaires. Elle est contrôlée avant l'empreinte.

le veneerlay assure aussi, grâce à sa composante vestibulaire, la protection biologique de la


dent et la restauration de l'aspect esthétique des corridors latéraux.
Les table tops ou facettes occlusales
Les table tops constituent la forme la plus récente et la moins invasive des restaurations
indirectes [1, 23) . Ils peuvent prendre différentes formes selon que la préparation est plus
ou moins étendue sur la face occlusale. Ce choix est fait en étroite relation avec l'estimation
du degré d'usure et de la nécessité de restaurer ou non les cuspides. L'épaisseur des table
tops, entre 0,5 et 0,8 millimètre (soit en deçà des recommandations des fabricants), rend
ces pièces plus sujettes à la fracture, et ce d'autant plus que leur morphologie occlusale est
travaillée avec des sillons qui sont autant d'initiateurs de fissures . En conséquence, le choix
du matériau est limité aux céramiques vitreuses renforcées (ex. : Emax, lvoclar-Vivadent), ou
aux matériaux résineux hybrides, seuls capables de fournir une aptitude au collage et une
résistance élevée.
19 Réhabilitations mini-invasives

Ces options thérapeutiques sont particulièrement indiquées dans les restaurations d'usure
d'étiologie érosive, mais peuvent présenter un réel risque face à un patient bruxeur.

Les préparations antérieures


La restauration par techniques mini-invasives des dents antérieures usées fait appel aux
facettes en céramique [20] . Celles-ci permettent de restau rer à la fois l'usure vestibulaire
et l'usure du bord libre. En ce sens, elles restaurent le guide antérieur dans sa totalité et
assurent la désocclusion postérieure (fig. 6a-f). Lorsque l'usure est aussi présente sur la face
linguale, la facette vestibulaire peut être associée à une seconde facette, linguale, telle que
décrite dans la three-step technic [24-25]. Dans ce cas, la conservation de la poutre d'émail
interdentaire assure alors la rési sta nce de la dent tout en minimisant son délabrement.
D'autres auteurs ont avancé un concept légèrement plus invasif en proposant une facette à
360°, soit une préparation a minima sur toute la périphérie de la dent, préservant l'émail et,
par conséquent, la qualité optimale du collage.
Quels que soient le concept thérapeutique et/ou la forme de préparation (avec ou sans
retour palatin), la restauration par facettes en céramique collée dans le cadre du bruxisme
reste une indication soumise à risque. En ce sens, elle doit être réservée à des patients ayant
fait la preuve de leur adhésion au protocole d'autocontrôle, parfois renforcé par le port
nocturne d'une gouttière occlusale [26] . 261

6a, b, c, d, e, f. L'usure des bords libres des incisives centrales, associée à des incisives latérales
riziformes, indique une intervention esthétique et fonctionnelle. Le bruxisme nocturne à forme de
grincement étant confirmé par le patient et ses proches, il est envisageable de réaliser des restaurations
mini-invasives collées si l'engagement formel du patient à porter une gouttière est obtenu. Celle-ci
est réalisée avant d'engager le travail prothétique afin de s'assurer de la coopération du patient.
Il est ici décidé, dès le début du traitement, de conserver la cinématique occlusale en latéralité (fonction
groupe), mais de recréer le guidage incisif perdu. Ce travail délicat de réglage occlusal est entièrement
dévolu au prothésiste lors du wax-up (b). Ce dernier est utilisé ensuite comme masque pour contrôler
la profondeur des préparations et préserver l'émail (c). Après collage, l'intégration esthétique
et fonctionnelle est contrôlée (d). Enfin, la gouttière occlusale maxillaire préexistante est modifiée
le jour même pour s'adapter aux nouvelles formes des incisives (e, f).
Le Bruxisme tout simplement

Le collage
Les techniques mini-invasives reposent à la fois sur les qualités mécaniques des céramiques
renforcées et sur leur aptitude au collage. Cette cohésion recherchée recrée un corps unique
dont le comportement biomécanique se rapproche de la dent naturelle.
Quelques grands principes doivent être respectés afin d'optimiser le collage :
- isolation du site avec un champ opératoire;
-choix d'un système adhésif adapté aux tissus dentaires exposés;
- respect rigoureux de la procédure clinique.
La mise en place du champ opératoire (digue) constitue un confort de travail pour le pra-
ticien et le patient, mais surtout évite tout risque de contamination par les fluides salivaire
ou sulculaire. Les formes de préparations respectant pour la plupart les points de contact
interdentaires, la digue est positionnée avec beaucoup de facilité.
Le choix du système adhésif est crucial pour ces pièces prothétiques minimalistes dont
l'assemblage à la dent est souvent exclusivement basé sur le collage . Les adhésifs à mor-
dançage-rinçage préalable (MR) restent aujourd'hui encore l'option de choix. Si le collage
à l'émail semble équivalent pour les adhésifs MR à deux (MR2) ou trois étapes (MR3), le
262 collage à la dentine est significativement meilleur pour les adhésifs MR3 [27] . Ainsi les res-
taurations antérieures, de type facette, peuvent être collées à l'aide de MR2 lorsque l'émail
a été conservé (fig. la-f}, tandis que les restaurations postérieures, exposant la dentine,
bénéficieront plutôt d'un collage MR3 (fig. Ba-c).

7 a, b, c, d, e, f. Le collage des facettes en céramique suit un protocole rigoureux [20]. L'isolation unitaire
de la dent préparée permet son traitement sans risque de contaminer les préparations voisines. Après
dépose des facettes provisoires (a), la surface amélaire est sablée à l'alumine (b), puis mordancée
30 secondes à l'acide orthophosphorique (c). Après rinçage et séchage, l'émail est enduit d'un adhésif
(ici, MR2 : Excite DSC, lvoclar-vivadent) qui est étalé à la soufflette avant d'être photopolymérisé (d).
La facette encollée (ici, Variolink Il, lvoclar-Vivadent) est positionnée et les excès de colle sont éliminés
avant la photopolymérisation (e). La séquence de collage commence par les incisives centrales et se
poursuit par les incisives latérales (f). Le cas final est présenté en figure 6.
19 Réhabilitations mini-invasives

263

8 a, b, c, d, f, g, h, i. Lorsque l'usure
liée au bruxisme et à d'autres
facteurs parafonctionnels expose
une importante surface dentinaire,
le recours à un adhésif de type
MR3 est vivement conseillé.
L'isolation du champ opératoire
et l'application successive d'un
promoteur d'adhésion (primer)
puis de l'adhésif sont des prérequis
indispensables. Le collage des
pièces prothétiques (ici veneerlay
collé avec Syntac et Variolink Il,
lvoclar-Vivadent) est alors réalisé
avec le meilleur pronostic. Le Le collage MR3 reste le collage le plus technique. Le respect
contrôle à une semaine permet strict du protocole spécifique au fabricant conditionne sa
d'objectiver l'intégration tissulaire pérennité, de même que l'expérience clinique de son opé-
et de parfaire les contrôles rateur [28] . La diminution des étapes nécessaires au collage
occlusaux (c).
représente, en ce sens, une source de moindre erreur pour
l'opérateur. Certains adhésifs automordançants en deux
étapes (SAM2), présentant une acidité « douce » (« mild »,
pH > 1,5), constituent ainsi une alternative intéressante et
dont le taux d'échec annuel est parmi les plus faibles [29] .
Le Bruxisme tout simplement

Cas clinique global


Cet homme de 55 ans se plaint de l'usure progressive de ses dents antérieures. Il trouve que
la situation se dégrade et que ses dents se « raccourcissent » selon ses mots. Il ressent un
inconfort esthétique et fonctionnel avec des douleurs modérées au niveau des ATM et il est
inquiet depuis qu'il a eu une nécrose de la 12 ayant abouti à un traitement endodontique.
Il se rend compte qu'il serre souvent ses dents et se trouve so uvent contracté. Il se décrit
d'ailleurs lui-même comme angoissé et nerveux. L'interrogatoire fait aussi apparaître une
consommation quotidienne de jus de fruits (fig. 9).
La vue dans un miroir du maxillaire montre une usure très marquée des faces palatines
des dents antérieures, des pointes cuspidiennes des premières prémolaires et beaucoup
plus modérée des faces occlusales postérieures. Les faces vestibulaires présentent des
pertes d'émail au niveau cervical caractéristiques des lésions d'usure dans les situations de
bruxisme (fig. 10).
La vue dans un miroir de la mandibule montre aussi une usure marquée des bords incisifs,
des faces occlusales des deuxièmes molaires ainsi que des pointes cuspidiennes postérieures
(fig. 11). Ces dernières laissent d'ailleurs apparaître des plages de dentine exposée.
Ce patient présente une perte tissulaire essentiellement localisée dans le secteur antérieur,
.64 couplée à des douleurs articulaires. Le traitement aura donc pour objectif d'augmenter et
de caler la dimension verticale tout en réhabilitant l'esthétique du sourire.
La vue des secteurs latéraux mandibulaires objective l'amincissement de l'émail occlusal
ainsi que sa disparition au niveau des pointes cuspidiennes (fig. 12-13).

9. Usure des dents antérieures 10. Vue occlusale de l'arcade maxillaire.


chez un patient de 55 ans.

11. Vue occlusale de l'arcade mandibulaire. 12. Secteur 40 13. Secteur 30


en vue occlusale. en vue occlusale.
19 Réhabilitations mini-invasives

14. Maquette prospective 15. Maquette prospective


de l'arcade mandibulaire. de l'arcade maxillaire.

16. La gouttière thermoformée rigide et garnie 17. Aspect prévisionnel de l'esthétique 265
de composite est insérée sur l'arcade maxillaire. après réglages.

Un wax-up est réalisé sur les modèles d'étude du patient,


de manière à laisser la place nécessaire pour la reconstruc-
tion des faces linguales de 13 à 23 (fig. 14-15).
Des gouttières translucides rigides de 1 millimètre d'épais-
seur sont ensuite thermoformées sur les duplicatas en
plâtre des wax-up. Ces gouttières permettent de trans-
férer en bouche ces modélisations par l'intermédiaire de
résine composite microhybride réchauffée puis photopo-
lymérisée. Les composites ainsi ramollis sont foulés dans
la gouttière qui est ensuite insérée sur l'arcade dentaire
en prenant soin de garder un calage naturel (fig. 16). À
la mandibule, le calage se fait sur le secteur incisivo-canin
non modifié, permettant ainsi de s'assurer de la mise en
place complète et correcte de la gouttière. Les composites
ne nécessitent en général pas d'être collés et conservent

18. Masque en place 19. Masque en place


une bonne tenue pendant la phase provisoire. Ces compo-
dans le secteur 40. dans le secteur 30. sites sont progressivement réglés jusqu'à l'obtention d'un
équilibre esthétique et fonctionnel pour le patient et de la
disparition des douleurs (fig. 17). Dans ce cas particulier,
des couronnes provisoires de laboratoires ont été fabri-
quées dans un deuxième temps de 13 à 23.
Vue des secteurs latéraux mandibulaires objectivant les
masques en composites postérieurs après réglages et
polissage (fig. 18-19).
Le Bruxisme tout simplement

20. La préparation occlusale est réalisée 21. Une fraise à pénétration contrôlée
directement au travers du masque. est utilisée en vestibulaire.

266
23. Aplanissement jusqu'à disparition
des fonds de sillons.

22. Marquage au crayon des fonds de rainures.

Les restaurations en céramique à venir seront de


type veneerlay ou overlay et devront avoir une
épaisseur minimale de 1,5 millimètre en occlusal et
de 0,7 millimètre en vestibulaire. Les préparations
sont faites directement dans les masques en com-
posite de manière à obtenir une préservation tis-
sulaire maximale, en particulier vis-à-vis de l'émail.
Chaque secteur latéral est préparé en utilisant une
fraise graduée tous les 2 millimètres (coffret 4562, 24. Finition des préparations.
Komet), ce qui permet de visualiser avec précision
la profondeur de pénétration dans les faces occlusales. Les rainures de 1,5 millimètre sont
réalisées dans les fonds de sillons et sur les sommets des cuspides (fig. 20).
Les faces vestibulaires sont ensuite préparées à l'aide d'une fraise à pénétration contrôlée à
0,4 millimètre (réf. 8688 .314.020, Komet), toujours dans le masque en composite (fig. 21).
L'ensemble des rainures est marqué au crayon noir pour les objectiver au mieux (fig. 22).
19 Réhabilitations mini-invasives

25. Moulage des préparations réalisées. 26. Aspect des restaurations terminées.

27. Un préhenseur
adhésif est indiqué
pour manipuler
ces petites pièces.

267
28. Restaurations en place dans le secteur 40.
Les rainures sont ensuite aplanies sur les
faces occlusales puis vestibulaires jusqu'à
disparition des traits de crayon . S'il persiste
du composite, il devra être éliminé à ce
stade (fig. 23).
Les préparations mandibulaires sont ensuite
terminées et polies. La perte tissulaire par
rapport à la situation initiale est extrême-
ment réduite et préserve une grande quan-
tité d'émail, particulièrement propice pour
le collage des restaurations en céramique 29. Aspect du secteur 10 reconstruit.
(fig. 24).
Les préparations sur les 4, 5 et 6 sont de type veneerlay, c'est-à-dire un recouvrement occlu-
sai et vestibulaire. La préparation de la 7 est de type overlay, c'est-à-dire un recouvrement
uniquement occlusal, car un gonflement de la face vestibulaire dans cette zone invisible
au sourire ne présente pas d'intérêt esthétique et la visibilité du joint collé ne sera pas pré-
judiciable. Lorsque la situation clinique le permet (ancienne restauration à déposer, sillons
infiltrés ...), la réalisation de boîtes occlusales permettra de simplifier la mise en place précise
des pièces en céramique lors de l'essayage et de l'assemblage (fig. 25).
Des restaurations en Emax sont pressées et maquillées. La céramique est choisie du fait de
la nécessité de caler l'occlusion de manière pérenne et compte tenu de l'importance de la
surface des préparations (fig. 26-27). Vue de 44 à 47 après collage des pièces prothétiques
(fig. 28). Les secteurs maxillaires sont reconstruits selon les mêmes principes, en conservant
le calage occlusal obtenu et réglé au stade des provisoires (fig. 29).
Le Bruxisme tout simpl'ement

30. Vue globale de la restauration. 31. Aspect de l'esthétique retrouvée.


Vue finale objectivant la reconstruction de
tous les secteurs postérieurs uniquement
par des pièces en céramique collées sur
dents vitales (fig. 30). 13 à 23 ont, pour
leur part, été reconstituées par des cou-
ronnes en Emax stratifiées, sans préparation
linguale du fait l'usure initiale déjà présente
(fig. 31).
68 Vue finale du sourire du patient. Une gout-
32. Orthèse de protection.
tière de protection rigide à port nocturne
est confiée au patient du fait du contexte de bruxisme (fig. 32). li lui est aussi demandé de
veiller à réduire sa consommation de boissons acides.

Conclusion
Les restaurations mini-invasives ont trouvé leur place dans l'arsenal thérapeutique moderne.
Elles ont une réelle indication dans les traitements de l'usure. Toutefois, si les étiologies
purement érosives peuvent bénéficier de toutes les options de formes de restaurations, en
particulier les table tops, les étiologies impliquant le bruxisme doivent faire l'objet d'une
approche plus réservée. En effet, les forces occlusales développées par le bruxeur dépassent
parfois les va leurs de résistance des matériaux, même collés, et risquent alors de générer
des fissures en leur sein. L'anamnèse et les examens cliniques doivent orienter le choix
du praticien vers des pièces prothétiques plus résistantes, comme les overlays, lorsque le
bruxisme est diurne. Au contraire, le bruxisme nocturne peut bénéficier avantageusement
d'une gouttière occlusale qui assurera alors aussi un rôle de protection vis-à-vis des restau-
rations mini-invasives.
19 Réhabilitations min-vase ~
BI BLIOGRAPH 1E
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70
Réhabilitation occlusales
de grande étendue
271
pr1nc1pes
1 1

Gérard Duminil

Le bruxisme est un comportement qu'il est difficile de contrôler compte tenu de ses étio-
logies variées, le rôle du praticien en prothèse ne se limitant pas à en compenser les effets
destructeurs survenus sur tout ou partie des arcades dentaires. Il doit s'inscrire dans une
prise en charge plus globale en vue de son contrôle.
Dans les situations où les signes d'attrition sont apparents, mais avec des délabrements
limités, le traitement se réduit à des interventions simples : amélioration de I'O IM et du
guidage, tel qu'il a été montré dans les chapitres précédents .
Selon l'importance des destructions observées, de la demande et de la motivation du
patient, les traitements prothétiques seront plus ou moins extensifs. Le but de ce chapitre
est d'exposer les principes généraux mis en œuvre dans les reconstructions occlusales de
grande étendue, et des exemples cliniques de traitements prothétiques seront présentés
dans le chapitre su ivant.
Les destructions occlusales intéressent tout autant les secteurs antérieurs que postérieurs,
ce qui conduit à une modification importante de I'OIM et à des perturbations des fonctions
occlusales de centrage, calage et guidage. L'esthétique se trouve également impliquée : le
délabrement des dents antérieures impacte fortement la vie sociale des patients. Le sourire
ne montre plus que des dents raccourcies et le visag e est affecté dans son ensemble par des
modifications de la dimension verticale de l'étage inférieur de la face, parfois assorties d'un
proglissement mandibulaire. Ces facteurs esthétiques sont souvent les plus déterminants
Le Bruxisme tout simplement

pour le patient qui vient demander un traitement de réhabilitation. L'objectif du traitement


prothétique est donc multiple pour le praticien. Il s'agit de répondre à la demande esthé-
tique du patient sans pour autant perdre de vue les aspects fonctionnels et comportemen-
taux susceptibles de pérenniser le résultat.
Seule une étude approfondie permet d'élaborer un projet prothétique répondant aux cri-
tères suivants :
• établissement d'une position maxillo-mandibulaire stable, en ayant recours
à la référence articulaire qu'est la relation centrée;
• rétablissement des fonctions occlusales en redonnant des morphologies occlusales
capables d'assurer le centrage, le calage et le guidage;
• évaluation correcte de la dimension verticale (les usures ont-elles modifié
celle-ci de telle sorte qu'il soit nécessaire de la changer?);
• aspect esthétique retrouvé.

Cette étude passe par la constitution d'un dossier complet comportant les éléments néces-
saires pour documenter l'état initial. Le montage en articulateur des modèles initiaux du
patient est la clé de cette étude prospective [1]. Le projet ainsi élaboré peut être présenté au
patient et, une fois accepté, il sert de modèle à la fabrication des prothèses provisoires qui
72 permettront de valider cliniquement les solutions proposées.
L'examen radiographie de base est la radio panoramique qui est complétée par les radios
rétro-alvéolaires pour préciser certains aspects. Il est important également de réaliser la
prise de photographies des arcades en occlusion et séparément, ainsi que des photos du
visage de face et profil.

Montage en articulateur des modèles


Nous supposons acquise la méthode permettant l'obtention de moulages de qualité. Il est
judicieux de réaliser deux jeux de moulages afin d'en conserver une paire intacte à titre de
référence en fin de traitement.

Choix d'un articulateur


Un articulateur semi-adaptable permet de réaliser la plupart des travaux prothétiques. Tous
actuellement disposent du réglage de la pente condylienne et de l'angle de Bennett, et sont
pourvus d'un système de verrouillage en centrée.
Pour envisager une utilisation régulière, c'est la facilité de la mise en œuvre qui est le pre-
mier critère de choix. L'arc de transfert est la clé de cette ergonomie : la mise en place d'un
arc de transfert ne doit pas excéder 2 minutes : ainsi, cette manipulation s'inscrit facilement
dans toute démarche diagnostique ou prothétique.

Mise en place de l'arc facial


La première étape du montage en articulateur est la mise en place d'un arc facial afin de
positionner le modèle maxillaire dans un repère coordonné entre le patient et l'articulateur.
Il existe chez le patient un repère anatomique utilisable, c'est l'axe de rotation bicondylien
qui est transféré sur l'axe de rotation de l'articulateur (fig. 1).
20 Réhabilitations occlusales de grande étendue : principes 1

1. Axe de rotation commun 2. Le gabarit prend appui sur le bord libre


entre le patient et l'articulateur. de l'incisive latérale pour situer le point antérieur
de référence.

273

3. Le cadre de l'arc de transfert doit être parallélisé avec la ligne bi pupillaire A (système SAM B Denar C FAG).

Pour une utilisation rationnelle de l'arc de transfert, nous utilisons un arc avec embouts auri-
culaires. L'interpolation qui est faite à ce niveau garantit une précision suffisante à l'usage
clinique pour peu que l'enregistrement interocclusal soit de faible épaisseur, ou idéalement,
soit réalisé à la dimension vertica le de la future reconstruction.
Un point de référence qui est choisi au niveau antérieur définit avec cet axe un plan de réfé-
rence pour orienter le maxillaire dans l'espace. Le plan de référence est le plan de Francfort
pour les systèmes SAM ou FAG . Le système Denar préconise un plan arbitraire dont le point
de référence antérieur est défini au niveau de l'aile du nez par un gabarit (fig. 2). La position
du point antérieur influe sur l'orientation du plan de référence, et par conséquent sur le
positionnement des modèles dans l'articulateur.
Une fourchette occlusale est garnie sur ses deux faces d'un silicone d'enregistrement de l'oc-
clusion. La fourchette est plaquée contre le maxillaire et le patient est invité à refermer au
contact de la fourchette en position de propulsion afin de décomprimer la zone postérieure.
Pour la mise en place du cadre, le patient insère lui-même les embouts auriculaires et le
praticien réalise l'alignement sur le repère antérieur.
Ace stade, il faut être attentif à l'orientation du cadre par rapport à la ligne bipupillaire afin
que le moulage placé dans l'articulateur reflète la situation perçue sur le patient (fig. 3) [2-3] .
Le Bruxisme tout simplement

Montage du modèle maxillaire


L'utilisation d'un arc facial est incontournable pour le montage en articulateur, il permet de
situer l'a rcade maxillaire à la bonne distance de l'axe de rotation bicondylien, c'est-à-dire
qu'il enregistre le rayon de fermeture du patient (fig. 4). Même si les arcs faciau x diffèrent
légèrement selon le système utilisé le principe en est identique. Le système Slidematic®
Denar comporte une pièce qui se fixe en remplacement de la table incisive de l'articulateur
pour positionner la fourchette de transfert, ce qui permet de s'affranchir de la présence du
cadre (fig. 5).
Le système SAM permet lui aussi le positionnement du modèle maxillaire sans utiliser le cadre
de transfert. La fourchette est reliée à une pièce spécifique qui se fi xe en remplacement de
la table incisive (fig. 6). Ces systèmes sont extrêmement pratiques et ergonomiques, ils
permettent un positionnement très rapide du modèle maxillaire dans l'articulateur. Le sys-
tème FAG requiert la mise en place du cadre de transfert sur les index situés sur les bâtis,
latéralement aux boîtiers condyliens (fig. 7) .
Quel que soit le système utilisé, une fois le modèle situé dans l'a rticulateur, du plâtre à prise
rapide (S now -White® de Kerr par exemple) est utilisé pour relier le modèle à la branche
supérieure de l'a rticulateur.

274

_,
4. L'arc de transfert situe le maxillaire 5. Protocole de montage du modèle maxillaire
par rapport à l'axe transverse. avec système Denar.

6. Protocole de montage du modèle maxillaire 7. Protocole de montage du modèle maxillaire


avec système SAM. avec système FAG.
20 Réhabilitations occlusales de grande étendue : principes

Choix et enregistrement
d'une position de référence
Les modifications occlusales progressives qui affectent le patient provoquent une adapta-
tion de la position mandibulaire dans un déplacement antérieur plus ou moins symétrique.
L'OIM d'un patient bruxeur ne peut plus être considérée comme une position de référence
acceptable. Nous devons donc utiliser la relation centrée comme position de choix pour la
reconstruction.
Quelques arguments pour expliquer les raisons du choix de la relation centrée.
La relation centrée est la position la plus haute et non pas la plus reculée ; les condyles sont
positionnés dans une direction antéro-supérieure, contre les versants postérieurs des tuber-
cules temporaux. Dans cette position, le disque articulaire est interposé entre le condyle
mandibulaire et l'éminence du temporal (fig. 8).
Le calage du mouvement de rotation est assuré par les pôles médiaux des condyles et
les disques articulaires qui assurent la stabilité transversale et le centrage de la mandibule
(fig. 9). La stabilité des structures articulaires assure une bonne reproductibilité clinique de
la position mandibulaire dans une posture donnée.
La possibilité de l'enregistrement et du transfert de cette situation constitue son intérêt 275
diagnostique et thérapeutique. Aucun contact occlusal ne doit influencer cette position
condylienne. Elle est obtenue cliniquement par un guidage non forcé de l'opérateur lors
d'une succession de mouvements d'ouverture/fermeture en rotation (fig. 10) [1] .
Telle qu'elle est définie actuellement, la relation centrée est bien une position physiologique
et confortable pour le patient. L'enregistrement de cette position requiert cependant un
entraînement préalable du patient et de l'opérateur, et l'adaptation des méthodes et maté-
riaux aux conditions particulières de la situation clinique.

8. Résultante antéro-supérieure
des forces en relation centrée.

9. La notion de centrée.
10. Position de l'opérateur lors de
l'enregistrement de la relation centrée.
Le Bruxisme tout simplement

Sur un sujet denté, la cire (Moyco® X hard)


est le matériau de choix, elle est condition-
née dans un bain-marie à 53 oc, elle offre
une plasticité parfaite pour l'enregistrement.
L'indentation doit être peu profonde et sans
contact dento-dentaire (fig. 11). Retiré avec
précaution de la bouche après refroidisse -
ment par un jet d'air, chaque enregistre-
ment est stocké dans de l'eau froide jusqu'à 11. Absence de perforation de la cire qui présente
des indentations peu profondes.
son utilisation pour le montage du modèle
mandibulaire. Dans un but de contrôle, plu-
sieurs enregistrements peuvent être réalisés, pour peu que l'on ait prévu une double base
engrenée (split cast) dans le modèle maxillaire.
Dans le cas d'édentements importants, de dents préparées prothétiquement, de piliers
implantaires, des dispositifs spécifiques doivent être préparés avant l'enregistrement. Ils
peuvent être conçus soit avec des appuis muqueux, soit sur les piliers prothétiques, pour
assurer une stabilité maximale lors de l'enregistrement. Des exemples cliniques de ces
méthodes sont illustrés dans les chapitres suivants.
276 Montage du modèle mandibulaire
Un enregistrement est placé entre les modèles maxillaire et mandibulaire, la tige incisive
de l'articulateur est augmentée de 4 millimètres (pour compenser l'épaisseur du matériau
d'enregistrement). La stabilité de l'ensemble est vérifiée. Du plâtre à prise rapide relie alors
le modèle mandibulaire à la branche inférieure de l'articulateur (fig. 12).

Paramétrage de l'articulateur
Pour réaliser le paramétrage de l'articulateur, il faut préalablement enregistrer les positions
de latéralité sur le patient (fig. 13). Dans un mouvement de latéralisation les deux condyles
mandibulaires effectuent des déplacements asymétriques (fig. 14): le condyle non travail-

12. L'articulateur est retourné pour la


13. Enregistrement clinique d'une latéralisation droite.
fixation du moulage mandibulaire.
20 Réhabilitations occlusales de grande étendue : principes
A

14. Représentation des déplacements


condyliens en latéralisation droite.

lant effectue le déplacement le plus


important, il se déplace en avant en bas
et en dedans en suivant l'anatomie de
l'ém inence du temporal. Le condyle tra-
vai llant se déplace en dehors, en haut 15. Paramétrage de la pente condylienne.
et en arrière.
La branche supérieure est déverrouillée,
les boîtiers condyliens sont réglés suroo 277
de pente condylienne et l'aile de Ben-
nett est laissée libre.
Le modèle maxillaire est posé sur le
modèle mandibulaire par l'intermédiaire
d'une paire de cires en latéralité prenons
par exemple une latéralité droite, ce qui
permet de régler les paramètres du boî- 16. Paramétrage de l'angle de Bennett.
tier coté gauche.
Dans les conditions précitées, la boule condylienne côté gauche est en dessous de la paroi
du boîtier. Le boîtier est abaissé au contact de la boule, ce qui détermine l'angulation de
la pente condylienne (fig. 15). L'aile de Bennett est amenée au contact interne de la boule
condylienne (fig. 16), les valeurs angulaires de pente condylienne et d'angle de Bennett
sont notées dans la fiche du patient. Dans le cas d'une angulation de Bennett fixe à 7°, c'est
la quantité de déplacement latéral qui est noté (en mm ou fraction de mm). Le protocole est
reconduit pour régler le côté opposé en interposant l'autre enregistrement en latéralisation.
A ce stade, nous disposons d'un appareillage capable de simuler les positions dentaires et
les déplacements des arcades du patient avec une précision suffisante pour réaliser l'analyse
occlusale. Un articulateur destiné à la prothèse doit être robuste il peut être programmé
différemment pour contrôler une enveloppe de mouvements plus amples par rapport à
celle du patient.

Paramètre Modification des réglages enregistrés


Pente condylienne Plus faible que sur le patient (-5°)
Angle de Bennett Plus important que sur le patient(+ 3°)
Déplacement latéral (si réglable) Plus important que sur le patient (+0,5 mm)
Le Bruxisme tout simplement

Pourquoi une telle


programmation en prothèse?
Dans une situation de classe 1 et avec concept prothétique de protection antérieure que
nous projetons de réaliser, le principe est d'éviter des interférences postérieures au niveau
des reconstructions . Grâce à la modification des valeurs enregistrées sur le patient, la pente
condylienne sera plus faible sur l'articulateur : 20° au lieu des 25° mesurés . Ainsi, dans un
mouvement de propulsion, l'abaissement des moulages sur l'articulateur sera moins impor-
tant (20°) que la séparation des dents sur le patient (25°). Les prothèses construites sur
l'articulateur sans interférences disposent d'une marge de sécurité lors de leur insertion en
bouche (fig. 17). Il en est de même dans les mouvements latéraux si l'enveloppe de mouve-
ment est augmentée sur l'articulateur, les risques d'interférence en bouche seront minorés.
L'articulateur joue ainsi un rôle de « garde-fou ». Dans les situations de classe Il et Ill, il est
préférable de conserver les valeurs enregistrées sur le patient, le guidage antérieur étant
plus difficile à régler [4].

Conception de la maquette prospective


~78 Les arcades dentaires sont pour le praticien, la clé d'entrée dans le système manducateur.
Le positionnement mandibulaire est défini contre le crâne par l'engrènement occlusal. La
maquette prospective des reconstructions prothétiques doit être élaborée en établissant
une nouvelle OIM en position de relation centrée. Ceci réharmonise la fonction des divers
constituants de l'appareil manducateur.
Chez le bruxeur, nous sommes en général en présence de dents au parodonte solide, la
réalisation de restaurations individuelles s'impose pour conserver au maximum la précision
de la proprioception .
L'analyse occlusale des moulages initiaux montés en articulateur permet d'évaluer le diffé-
rentiel existant entre I'OIM et la RC, la validité du guidage antérieur et la dimension verticale
d'occlusion .

17. La pente réglée sur l'articulateur est plus faible que la situation existante sur le patient.
20 Réhabilitations occlusales de grande étendue : principes

18. Le centrage
de la mandibule
autorise un
fonctionnement
musculaire
symétrique. 19. Le calage dans le sens vertical détermine la DVO.

Rétablissement des fonctions occlusales


Le centrage de la mandibule doit être assuré de façon à permettre un fonctionnement
symétrique des muscles masticateurs (fig. 18). Le centrage se conçoit dans les trois dimen- 279
sions de l'espace.
Dans le plan transversal : la position mandibulaire en relation centrée répond à une situa-
tion globalement symétrique de la mandibule par rapport au crâne.
Dans le plan sagittal : il existe une tolérance articulaire plus grande, par rapport à la
relation centrée. Dans le sens sagittal, le différentiel ORC-OIM sagittal physiologique est
généralement inférieur à 1 mm.
Dans le plan vertial : en fermeture, en rotation autour des condyles, I'OIM stoppe l'éléva-
tion mandibulaire, ce qui définit la dimension verticale d'occlusion. Celle-
ci correspond à la hauteur de l'étage inférieur de la face (fig. 19).
Le calage L'occlusion en OIM doit stabiliser chaque couple
dentaire antagoniste et la mandibule dans son ensemble.
Ces résultats sont obtenus par la répartition homogène
et la précision des multiples contacts occlusaux sur
toute l'arcade (fig. 20).

20. Les cuspides


linguales maxillaires
et vestibulaires.
mandibulaires sont
support d'occlusion.
Le Bruxisme tout simplement

Le calage occlusal signifie donc :


• stabilité de la mandibule contre le maxillaire;
• stabi lité de chaque dent avec son antagoniste (stabilité inter-arcades);
• stabi lité de chaque dent avec les dents adjacentes (stabilité intra-arcades).

Pour le patient bruxeur, le rétablissement de ces paramètres sera un gage de confort, par la
précision de la position, et la répartition des contraintes ainsi obtenues.
Le guidage
Lors des mouvements masticatoires, le retour vers I'OIM est guidé par des contacts dentaires.
Ces zones de frottement guident les mouvements mandibulaires, agissant :
• par voie mécanique (les dents créent les bornes, les limites du mouvement)
• par voie proprioceptive (la proprioception et le feedback limitent le mouvement à une
enveloppe fonctionnelle, sans aller jusqu'au contact occlusal). En effet, si les limites du
mouvement sont définies par les contacts occlusaux lors des parafonctions, l'enveloppe
de mouvements fonctionnels se réalise en deçà, évitant les traumatismes occlusaux.
Lorsque ces contacts sont à dominance antérieure, la fonction de guidage est optimisée.

~80 A la manière d'un cône d'accès, ces surfaces de guidage pilotent l'élévation mandibulaire
directement vers la cible qu'est I'OIM (fig. 21). L'évitement des contacts au niveau des dents
postérieures réduit les contraintes par l'éloignement du point d'application des forces mus-
culaires et facilite la coordination neuromusculaire (proprioception majorée). Les mouve-
ments mandibulaires nécessaires aux diverses fonctions sont alors fluides, économes et sans
obstacle dentaire. Ce pilotage proprioceptif, fin et réactif, est favorisé par le recouvrement
des dents mandibulaires par les antéromaxillaires ce qui est le cas en classe 1.
La maquette prospective va s'attacher à rétablir les contacts occlusaux entre les dents anté-
rieures antagonistes afin de constituer un guide antérieur.

21. Le retour vers I'OIM est guidé par les dents 22. L'angle interincisif préserve un espace
en contact. fonctionnel (en vert sur le schéma).
20 Réhabilitations occlusales de grande étendue : principes

24. La cuspide linguale de la première prémolaire


maxillaire s'oppose à une position mandibulaire
trop rétruse.

23. La désocclusion canine doit se produire


avec un angle assez ouvert favorable au confort 281
musculaire.

On distingue :
• le guide vers l'ava nt en propulsion/
rétropulsion sur les crêtes proximales de
la face palatine des incisives maxillaires,
et la crête distale des canines maxillaires
(fig. 22);
• le guide en latéralité (diduction) guide
canin sur le pan mésial de l'arête
médiane de la canine maxillaire en
classe 1d'Angle (fig. 23) ;
• le guide vers l'arrière guide
antirétroposition (GAR) en rétraction/
protraction les contacts occlusaux sur le
trajet OIM-ORC sont préférentiellement
situés sur le pan mésial de la cuspide
linguale des premières prémolaires
maxillaires (fig. 24) [S].
Ainsi, lors d'un mouvement de translation
mandibulaire (propulsion/rétropu lsion ou
diduction), ces contacts antérieurs pro-
voquent une désocclusion des dents pluri-
cuspidées lors des mouvements d'excursion 25. Lors des latéralisations, la séparation des
et constituent les pentes du cône d'accès à dents postérieures évite des composantes latérales
I'OIM des mouvements incursifs (fig. 25). de forces.
Le Bruxisme tout simplement

26. Une gouttière thermoformée sur un moulage 27. Vue générale du Ditramax® en situation
des provisoires permet la construction des faux sur le patient.
moignons en méthode directe.

~82 Dimension verticale


L'évaluation de la DVO a été largement évoquée dans un chapitre précédent. Des arbitrages
sont donc à réaliser à ce sujet, sachant qu'il existe une tolérance physiologique à ce niveau
ce qui nous donne une marge de manœuvre dans ce domaine. Sur le plan prothétique se
pose le problème de la rétention sur des structures considérablement réduites par l'usure.
Deux solutions sont alors possibles :
• conserver la DVO et réaliser des allongements coronaires au détriment des
structures de soutien. Ceci est en général possible, les bruxeurs ayant majoritairement
un parodonte en excellente condition. Cela ne permet de gagner que 2 ou
3 millimètres maximum, et impose une phase chirurgicale. Une combinaison
avec une légère augmentation de la DVO permet alors la rétention prothétique
dans de bonnes conditions;
• augmenter la DVO d'une valeur permettant la construction prothétique en réalisant
des reconstructions coronaires avec ancrages radiculaires (fig. 26). Ici, se pose
le problème du traitement endodontique de racines parfois très calcifiées.
Les paramètres esthétiques vont participer à ce choix en fonction de la ligne du sourire et
de l'exposition gingivale.
Le choix du type de préparation des dents se fait à ce stade en fonction de l'espace inter-
arcades disponible. On pourra opter pour des préparations corona-périphériques classiques,
ou des préparations à minima privilégiant l'adhésion pour leur assemblage.

Restauration de l'esthétique
Pour une intégration esthétique, qui est déterminante dans la satisfaction du patient, l'arc
facial seul ne suffit pas. Pour faciliter la transposition des paramètres esthétiques du sou-
rire, il peut être nécessaire d'utiliser un dispositif complémentaire comme le Ditramax® [6]
(fig. 27).
20 Réhabilitations occlusales de grande étendue : principes

Utilisation du Ditramax®
Une fourchette occlusale garnie de silicone d'enregistrement de l'occlusion est insérée en bouche, le cadre
est positionné et aligné sur la face. Une réglette transparente est ajustée sur la ligne bipupillaire, le cadre
est centré sur l'axe sagittal du visage (fig. 28). Dans le plan sagittal, les index sont parallélisés sur le plan
de Camper (fig. 29). Le cadre est retiré de la bouche et il est ensuite placé sur un support. Le moulage
maxillaire prend place dans les indentations de la fourchette. (fig. 30). Une pièce comportant deux rai-
nures orthogonales permet de tracer sur le moulage une ligne horizontale parallèle à la ligne bipupillaire
et une ligne verticale indiquant l'axe du visage (fig. 31-33). Ces repères vont donner une information au
laboratoire pour la construction esthétique.

283

28. La réglette translucide 29. Alignement de l'index latéral 30. Le cadre placé sur son
est alignée sur la ligne parallèlement sur le plan de Camper. support est muni du guide
bipupillaire et le cadre de traçage.
est centré.

31. Le crayon est guidé par le rail 32. Traçage de l'axe du visage. 33. Le moulage dans
pour tracer la parallèle à la ligne l'articulateur avec les repères
bipupillaire. précédemment tracés.
Le Bruxisme tout simplement

Une fois les maquettes réalisées


(fig. 34a-c), des masques (mock-
up) peuvent être fabriqués pour une
prévisualisation esthétique.
La validation viendra de l'épreuve
fonctionnelle après la mise en
bouche des provisoires issus de
cette maquette. Ces provisoires
doivent être confectionnés au labo-
ratoire sur l'articulateur dans des
matériaux suffisamment solides
pour la période de test qui peut
durer plusieurs semaines.
Ce test grandeur nature est indis- 34a. Maquettes prospectives en cire en occlusion.
pensable avant de passer à la pro-
thèse d'usage. Les modifications
fonctionnelles et esthétiques per-
turbent momentanément le patient
284 dans les jours qui suivent la mise en
bouche, un contrôle à une semaine
est nécessaire pour une première
évaluation . Puis un suivi s'installe
à un rythme de quinze jours pour
contrôler la réponse du système
manducateur à la nouvelle organi-
sation occlusale qui a été mise en
place. Lors de ces rendez-vous, il
ne faut pas manquer de renforcer
le coaching comportemental. Il
faut également observer les des- 34 b. Maquettes prospectives mandibulaires.
cellements, fractures et usures
qui pourraient apparaître et être
ainsi les révélateurs d'éventuelles
contraintes à corriger.
Le confort occlusal retrouvé se
manifeste par une aisance des
excursions mandibulaires des dents
en contact. Dans ce cas, le patient
est à même d'effectuer les mouve-
ments sans hésitation. La durée de
la période de test est variable, mais
elle ne doit pas dépasser la résis-
tance des matériaux des prothèses
provisoires, faute de quoi la préci-
sion occlusale risque de se dégrader
et l'inconfort tend à réapparaître. 34 c. Maquettes prospectives maxillaires.
20 Réhabilitations occlusales de grande étendue : principes

· Une fois les provisoires validés, il est


important de récupérer les infor-
mations des morphologies qui ont
fait leurs preuves esthétiquement et
fonctionnellement.
Pour cela, des empreintes des deux
arcades sont prises et les moulages
sont montés en articulateur. De la
résine en phase pâteuse est dispo-
sée sur la table incisive. Les modèles
sont déplacés dans l'articulateur
dents au contact dans toutes les
directions. La tige incisive imprime
dans la résine les trajets de ses dépla-
cements (fig. 35-36). Le modèle
de travail est monté en regard de
l'arcade intacte; cette méthode de
montage en articulateur s'appelle le
35. Les moulages sont déplacés dents au contact sur
l'articulateur, la tige incisive modèle une table incisive
montage croisé. Ainsi l'élaboration
du cosmétique peut se faire dans la
personnalisée dans de la résine. 285
même enveloppe fonctionnelle que
celle qui a été validée.
En disposant, grâce aux modèles
issus des provisoires, de nouvelles
références esthétiques et fonction-
nelles, il est possible de dissocier le
traitement prothétique entre sec-
teurs postérieurs et antérieurs, ou
le maxillaire ou la mandibule.
Ceci facilite grandement la réali -
sation des empreintes de travail
(moins de piliers) ainsi que les ajus-
tements occlusaux. La technique du
montage croisé permet d'opposer
les modèles de travail aux modèles
des provisoires et ainsi à partir des
clés réalisées, reproduire une mor-
phologie conforme à ce qui a été
validé cliniquement pour les dents
d'usage [7].

36. La partie cosmétique sera élaborée en reproduisant


l'enveloppe fonctionnelle validée par les provisoires.
Le Bruxisme tout simplement

Technique du montage croisé


Le montage croisé a pour but de pouvoir intervertir dans l'articulateur les moulages des dents
provisoires avec les moulages des dents préparées et de pouvoir ainsi sectoriser la confection des
prothèses d'usage.
Un arc facial est enregistré sur le patient muni de ses provisoires, le moulage maxilla ire est monté
dans l'articulateur (fig. 37). Le moulage mandibulaire est monté avec l'enregistrement réal isé en
bouche (fig. 38). Un deuxième enregistrement est réalisé en bouche après le démontage des
provisoires mandibulaires et le moulage de travail est monté en rapport avec le moulage des pro-
visoires au maxillaire (fig. 39). Un troisième enregistrement est réalisé en bouche entre les deux
arcades préparées . Le moulage maxillaire est alors monté face à celui des dents mandibulaires
préparées (fig. 40).

86

37. Le moulage des provisoires est monté 38. Le moulage des provisoires mandibulaires
avec un arc de transfert. est monté avec une cire de RC.

39. Le moulage de travail est monté face 40. Le moulage de travail maxillaire est monté
aux provisoires du maxillaire. face au moulage de travail mandibulaire.
20 Réhabilitations occlusales de grande étendue : principes

Il est alors possible d'intervertir les moulages pour croiser les références selon les besoins (fig. 41).

287

41. Il est ainsi possible de croiser les références en intervertissant les moulages.

Matériaux
Le choi x des matériaux s'oriente actuellement vers les matériaux cosmétiques en tenant compte de leurs
caractéristiques techniques (cf chap. 17). Dans les reconstructions partielles, l'opposition entre dent
naturelle et surfaces prothétiques requiert une attention particulière en raison des différentiels d'usure
possible [8-9].
Le Bruxisme tout simplement

Conclusion
Une bonne méthode prothétique s'appuie sur les principes suivants :
Principe 1 : La réalisation de maquettes prospectives.
Principe 2 : L'élaboration des prothèses transitoires au laboratoire est faite à partir des
empreintes des préparations dentaires. Ceci permet leur transfert clinique avec un minimum
d'adaptations.
Principe 3 : L'augmentation de la dimension vertica le initiale est bien tolérée si la modifica-
tion des conditions occlusales est réalisée en une seule fois et de manière précise.
Principe 4: Une période de test de la nouvelle DVO avec les dents provisoires est indispen-
sable avant la confection des prothèses d'usage.
Principe 5 : La confection d'une table incisive personnalisée à partir des moulages des élé-
ments provisoires fonctionnels facilite l'élaboration de la prothèse d'usage.
Principe 6 : Le traitement prothétique d'usage peut être fractionné dans sa réalisation.
Principe 7 : Les couronnes d'usage sont individuelles, à la fois pour améliorer la propriocep-
tion, mais aussi pour faciliter la réparation en cas de besoin.
~8 Principe 8 : Les ajustements occlusaux se font lors de l'étape de l'essayage des biscuits de
céramique.
Principe 9 : Le port d'une orthèse a pour vocation la protection des reconstructions et non
la cessation des habitudes parafonctionnelles.

BIBLIOGRAPHIE
1. Duminil G, Laplanche O. L'occlusion tout 6. Margossian P, Laborde G, Koubi S, Couderc
simplement. Paris : Espace ID; 2013. 225 p. G, Mariani P. Use of the ditramax system
to communicate esthetic specifications
2. Fradeani M. Réhabilitation esthétique en to the laboratory. Eur J Esthet Dent. 2011
prothèse fixée. Quintessence international. Summer;6(2):188-96.
Paris : Quintessence books; 2007. 352 p.
7. Laborde G, Andrieu P, Maille G, Sette A,
3. Fradeani M, Barducci G. Réhabilitation Niboyet C, Ferdani A, et al. Objectifs et
esthétique en prothèse fixée. Paris : Décisions cliniques modernes en Odontologie
Quintessence International; 201 O. 600 p. Reconstructrice. Rev Odonto Stomatol. 2014;
4. Canning T, O'Connel! B, Houston F, 43:269-85.
O'Sullivan M. The effect of skeletal pattern on 8. Koczorowski R, Wloch S. Ëvaluation of wear
derterminig articulator sttings for prosthodontic selected prosthetic materials in contact with
rehabilitation : an in vivo study. !nt J enamel and dentin. J Prosthet Dent. 1999
Prosthodont. 2011 ; 24(1):16-25. Apr; 81 (4):453-60.
5. Orthlieb JD. Gnathologie fonctionnelle. Paris : 9. Kadokawa A, Suzuki S, Tanaka T. Wear
Editions CDP; 2011. 195 p. evaluation of porcelain opposing gold,
composite resin, and enamel. J Prosthet
Dent. 2006;96(4):258-65.
Réhabilitation occlusales
de grande étendue
289
m1se en œuvre
1

Gérard Duminil

Chez le bruxeur, l'attrition généralisée des deux arcades est un phénomène lent mais iné-
luctable. Sans traitement, la vie sociale du patient se dégrade sur le plan esthétique et fonc-
tionnel, des sensibilités, des douleurs apparaissent et impactent l'alimentation (fig. 1-2).
La demande du patient finit par évoluer vers le souhait d'une restauration esthétique et
fonctionnelle plus globale. La gestion prothétique du bruxisme ne vise pas à corriger ou à
supprimer cette habitude, mais à rétablir tout ou partiellement les dents délabrées. Comme
il a été largement expliqué dans les chapitres précédents, le traitement prothétique est
toujours accompagné de l'information du patient sur les mécanismes à l'origine de son
bruxisme et la nécessité de sa coopération active à gérer ce phénomène.

1. Destruction complète des dents antérieures 2. Effondrement de la DVO et antéposition


chez ce bruxeur. chez le même patient.
Le Bruxisme tout simplement

L'objectif est de traiter les conséquences du bruxisme (malocclusions secondaires, des-


tructions coronaires). Selon l'importance des destructions, le traitement doit toujours être
adapté en fonction du rapport bénéfice/risque thérapeutique le plus favorable au patient.

Situation clinique simple


Dans cette première situation clinique, l'état de la première molaire mandibulaire requiert
la confection d'une couronne (fig. 3). Les dents voisines sont porteuses de traces d'usure
ayant modifié les morphologies originales. Nous optons ici de réal iser une couronne uni-
taire devant s'intégrer dans cette situation occlusale fonctionnelle sans la perturber. Dans
une première séance, la préparation corona-périphérique et son empreinte sont réalisées
(fig. 4-5). Dans l'interséance, le laboratoire fabrique la chape en zircone (fig. 6). Lors de
la deuxième séance cl inique la chape est essayée, puis recouverte d'une cire molle (fig. 7) .
Une fois replacée en bouche, le patient est invité à « grincer des dents », c'est-à-dire effec-
tuer des mouvements dents au contact (fig. 8). Ceci permet d'obtenir dans la cire l'em-

~ 90

3. Restauration défaillante sur la 46. 4. La 46 est préparée.

5. Empreinte de la dent préparée. 6. Chape en zircone.

7. De la cire basse viscosité recouvre la chape. 8. Enregistrement dynamique de l'occlusion


lors de l'essayage de la chape.
21 Réhabilitations occlusales de grande étendue : mise en œuvre

preinte dynamique des trajets du déplacement des dents antagonistes, c'est la technique
du FGP (Functionally Generated Path) décrite par Dawson (et documentée en détail dans
notre précédent ouvrage L'Occlusion, tout simplement). La morphologie de la couronne
ainsi réalisée s'harmonise à celle des dents voisines et s'intègre dans le schéma occlusal du
patient (fig. 9-10).
Attention, cependant, au fait que la mise en place d'un matériau prothétique (ici la céra-
mique) modifie la réponse adaptative au niveau de ce couple de dents antagonistes. Une
surveillance est nécessaire afin de contrôler l'évolution de la situation d'une éventuelle
usure différentielle entre la dent naturelle et la couronne en céramique. Avec les tech-
niques actuelles de CFAO, les logiciels ont une fonction générant des anatomies occlusales
correspondantes aux dents environnantes appelée « biomimétisme » et dont les résultats
cliniques sont très satisfaisants (fig. 11-12).
Les exigences actuelles en matière d'esthétique ainsi que le coût des métaux précieux ont
pratiquement fait totalement disparaître l'utilisation de l'or au niveau des faces occlusales.
Dans le but de limiter l'impact du frottement sur les dents antagonistes, des surfaces d'ap-
puis métalliques au niveau des zones de contact et de guidage ont été réalisées sur les faces
palatines de ces six couronnes aura-céramiques, sans pour autant entraîner de préjudice
esthétique (fig. 13-14).
291

9. la morphologie occlusale mimétise 1O.l'anatomie de la couronne s'intègre


celle des dents voisines. dans la fonction existante.

11. le logiciel Cerec propose une anatomie 12. la couronne usinée se mimétise
occlusale « inspirée » des dents du patient. avec l'environnement.
Le Bruxisme tout simplement

13. L'impact et le guidage des antagonistes 14. Restauration esthétique


s'effectuent sur des zones en métal. moins et fonctionnelle de ce patient.
agressives pour les antagonistes.

Réhabilitation bimaxillaire simultanée


Compte tenu des détériorations importantes survenues au niveau du système dentaire, la
reconstruction représente un travail important concernant l'intégralité des deux arcades. Ce
sont des traitements longs et onéreux, facteurs qui souvent ont retardé la prise de décision
du patient.
~92 Dans cette deuxième situation clinique, une patiente, âgée d'une cinquantaine d'années, a
bénéficié d'une dentisterie « occasionnelle » qui a pris en charge les problèmes dentaires
au fur et à mesure des besoins, ce qui n'a pas empêché l'évolution globale défavorable de
la situation (fig. 15-17).
L'OIM est en coïncidence avec la RC, les fonctions de guidage en latéralisation sont prises en
charge par les canines (précédemment restaurées par des couronnes) provoquant une forte
usure des dents antagonistes (fig. 18-20).

15. Aspect inesthétique 17. Radio panoramique


de la denture. des dents naturelles. de la situation de départ.

18. Fonction de guidage 19. Fonction de guidage 20. Usure importante des
vers la gauche. vers la droite. antagonistes des dents prothétiques.
21 Réhabilitations occlusales de grande étendue : mise en œuvre

La dimension verticale est légèrement affec-


tée, comme en témoigne le pincement des
lèvres (fig. 21).
Les empreintes des deux arcades sont réali-
sées et les moulages sont montés en articu-
lateur en position de relation centrée.
La décision d'une réhabilitation globale
bimaxillaire est prise avec le consentement
éclairé de la patiente. Le traitement prévoit
une réhabilitation en arcade raccourcie au
niveau des premières molaires.
21. Diminution de la DVO, les lèvres sont pincées.
Phase 1 du traitement
• Dépose des éléments prothétiques existants .
• Réalisation des traitements endodontiques.
• Préparations corona-périphériques et mise en place des dents provisoires au fur et à mesure de
l'avancement des préparations (fig. 22).
• Prise des empreintes et montage des moulages en artîculateur en RC (fig. 23-24).
293
• La dimension verticale est établie de façon à disposer d'un espace de travail et de rétention pro-
thétique suffisants.
• Le laboratoire prépare une maquette en cire prospective à partir de laquelle des couronnes provi-
soires établissent les nouveaux paramètres esthétiques et fonctionnels (fig. 25).

22. Couronnes provisoires de première intention. 23. Préparations corono-périphériques réalisées.

24. Les moulages des dents préparées 25. Les provisoires «thérapeutiques»
montés en articulateur en RC. sur l'articulateur.
Le Bruxisme tout simplement

26. Mise en bouche des provisoires 27. Les critères de l'occlusion fonctionnelle
en une seule séance. sont restaurés.

• Les dents provisoires sont placées, ajustées, et la patiente est invitée à tester cette nouvelle
occlusion (fig. 26-27).
La modification importante du schéma occlusal et de la longueur des dents réclame
quelques jours d'adaptation pour que la patiente en éprouve tout le confort esthétique,
phonétique et fonctionnel souhaité. Un contrôle à une semaine est l'occasion de quelques
retouches occlusales mineures.

Phase 2 du traitement
94 • Après un mois de test, val idant les nouveaux paramètres, les empreintes de travail sont
effectuées. Un arc de transfert est mis en place pour enregistrer la position du maxillaire
par rapport à l'axe transverse (fig. 28a-d).

28 a. L'accès aux limites des préparations 28 b. Empreinte de l'arcade mandibulaire


est réalisé avec des cordonnets. aux hydrocolloïdes.

28 c. Empreinte de l'arcade maxillaire 28 d. Arc de transfert en place.


aux hydrocolloïdes.
21 Réhabilitations occlusales de grande étendue : mise en œuvre

' • L'occlusion est enregistrée de manière séquentielle en maintenant d'un côté le calage de
la position et de la DVO par les provisoires fonctionnels. Puis les provisoires sont retirés et
l'enregistrement est réalisé de l'autre côté (fig. 29-30).
• Le laboratoire confectionne les chapes, qui sont essayées en bouche pour en contrôler
l'adaptation individuelle (fig. 37-32).
• Les biscuits sont réglés sur l'articulateur et contrôlés en bouche (fig. 33-34).

29. Enregistrement sectoriel de l'occlusion, 30. Complément de l'enregistrement


provisoires en place. après retrait des provisoires. 295

31. Confection des chapes au laboratoire, 32. Essayage de l'adaptation des chapes.
les couronnes sont individuelles.

33. Élaboration cosmétique au stade du biscuit. 34. Essayage esthétique et réglage fonctionnel.
Le Bruxisme tout simplement

• Après une dernière étape de glaçage au laboratoire les couronnes d'usage sont mises en
bouche (fig. 35-37).
• Le même jour, une empreinte est prise pour confectionner l'incontournable orthèse de
protection qui est remise à la patiente la semaine suivante (fig. 38).
La mise en place de cette orthèse fait partie de l'engagement que le patient doit prendre
dans la gestion de son bruxisme. Les principes de conception et de réalisation de ce type
d'orthèse sont décrits dans un chapitre suivant.

96

35. Les couronnes d'usage. 36. Contrôle de l'occlusion.

38. L'orthèse occlusale est


également contrôlée au niveau
de l'occlusion.
21 Réhabilitations occlusales de grande étendue : mise en œuvre

Réhabilitation bimaxillaire
dissociée en deux temps
Dans cette troisième situation clinique, la demande de ce patient est principalement esthé-
tique (fig. 39).
Le différentiel OIM/RC est caractérisé par une prématurité entre 27 et 36. Les hauteurs
coronaires sont limitées et la dimension verticale diminuée (fig. 40). Une réhabilitation
complète bimaxillaire est indiquée et acceptée par le patient.

Phase l du traitement
• L'examen des moulages montre une attrition de l'ensemble des dents avec une disparition
du relief occlusal. La courbe de SPEE est aplatie, I'OIM n'est plus valide et les dents 24, 25,
26, 41 et 47 sont absentes (fig. 41).
• Sur les moulages montés en articulateur en RC, on observe une différence de 3 millimètres
au niveau de la tige incisive entre DVOIM et DVORC. Une augmentation de la DVOIM est
indispensable pour disposer d'une hauteur de rétention prothétique et de dents plus en
harmonie avec l'aspect facial du patient. La valeur choisie ici est la DVORC (fig. 42).
• Extraction des racines de 26 et pose des implants en position de 24, 26, 37 et 47. 2g7

39. Situation initiale en OIM. 40. Interférence en RC entre 17 et 36.

41. Moulages d'étude montrant 42. Choix d'une DVO permettant la réalisation
les usures généralisées. prothétique.
Le Bruxisme tout simplement

'e Les traitements endodontiques, préparations corona-périphériques et des couronnes pro-


visoires de première intention sont réalisés par secteurs (fig. 43-44).
• Les moulages des dents préparées sont montés en articulateur. (fig. 45).
• Selon la méthode décrite par Dawson (1989), la courbe de Spee est définie en utilisant
un plateau fi xé sur la branche supérieure de l'articulateur et un instrument dont l'écarte-
ment entre les pointes est de 10 centimètres. Un premier arc de cercle ayant pour centre
la pointe canine mandibulaire est tracé sur le plateau (fig. 46). Un second arc est tracé
depuis la cuspide disto-vestibulaire de la deuxième molaire mandibulaire et vient intersec-
ter avec le premier arc. Apartir de ce point d'intersection, la courbe de Spee est tracée au
niveau de l'arcade mandibulaire (fig. 47).
• Des bridges et couronnes provisoires sont construits sur l'articulateur en respectant les
critères de l'occlusion fonctionnelle (fig. 48).

43. Dans la phase initiale, pose des implants, 44. Des provisoires extemporanés sont réalisés
traitements endodontiques. au fur et à mesure des préparations.

45. Les
moulages des
prétailles sont 46. Traçage
montés en de la courbe
articulateur. de Spee.

48. Les
provisoires
47. Le compas rétablissent
de traçage a un l'occlusion
écart de 10 cm. et la DVO.
21 Réhabilitations occlusales de grande étendue : mise en œuvre

Phase 2 du traitement
• L'ensemble des prothèses provisoires
est placé en une séance. Le patient est
informé de la gêne immédiate qu'il va
éprouver et des éventuelles difficultés
phonétiques liées à l'allongement de ses
dents (fig. 49). L'aspect esthétique favo-
rable est un facteur positif encourageant
pour le patient dans l'acceptation de ces
nouvelles références. 49. la mise en place en une séance apporte
• La modification brutale de la dimension un changement considérable au patient,
verticale d'occlusion ne pose aucun pro- une rééducation phonétique et fonctionnelle
blème à condition que la position d'oc- est nécessaire.
clusion soit stable et précise en relation
centrée. Il faut rapprocher cette modifica-
tion brutale de la DVO à la mise en place
d'une orthèse qui correspond, elle aussi,
à une augmentation brutale de la DVO.
Comme il a été développé précédemment, 299
la DVO n'est pas un concept strict. C'est
une zone de tolérance entrant dans les
capacités d'adaptation du système neuro-
musculaire. L'augmentation progressive de
la DV par adjonction successive de matière
ne permet en aucun cas de répondre aux
critères de précision et de stabilité.
• Le patient est revu à 1 semaine pour
effectuer les réglages nécessaires. Durant
l'interséance, le patient a intégré le nou-
veau schéma occlusal et la phonétique
s'est rapidement adaptée.
50. les moulages des provisoires sont montés
en articulateur.

Phase 3 du traitement
• Quatre semaines plus tard, le patient
ayant acquis un certain confort occlusal,
le test thérapeutique est validé. Il s'agit
alors de récupérer ces informations pour
les reproduire dans la prothèse d'usage.
• Des empreintes des deux arcades sont
prises et les moulages sont montés en
articulateur (fig. 50).
• Une petite quantité de résine en phase
pâteuse est modelée sur la table anté-
rieure en déplaçant les moulages dans 51. Une table incisive personnalisée est
diverses excursions (fig. 51). enregistrée en déplaçant les moulages au contact
dans toutes les directions.
Le Bruxisme tout simplement

Cette table incisive personnalisée, qui est une réplique des effets du guidage antérieur,
permet l'élaboration de la prothèse d'usage dans l'enveloppe fonctionnelle va lidée sur le
patient.
• Les préparations sont finalisées à l'arca de mandibulaire et l'empreinte de travail est prise.
• L'occlusion est enregistrée en conservant les prothèses provisoires dans le secteur anté-
rieur pour caler la DVO. Le moulage mandibulaire est monté face à l'empreinte des provi-
soires de l'arcade maxillaire (fig. 52a-d).

00

52 a. Les préparations sont finalisées 52 b. Empreinte aux hydrocolloïdes.


à la mandibule.

52 c. Enregistrement sectoriel de l'occlusion,


les provisoires antérieurs maintiennent la DV.

52d. Le moulage mandibulaire est monté


face au moulage des provisoires.
21 Réhabilitations occlusales de grande étendue : mise en œuvre

· Phase 4 du traitement
• La prothèse d'usage est élaborée à la mandibule face à l'arcade maxillaire en provisoires
(fig. 53-54). Les ajustements occlusaux en bouche se font au niveau de l'arcade maxillaire
(fig. 55).
• La réalisation des prothèses à l'arcade maxillaire se fait ensuite classiquement : empreinte
de travail et montage du moulage maxillaire à l'aide d'un arc facial.
• Un enregistrement séquentiel de l'occlusion est fait avec les provisoires en place sur une
hémi-arcade, ensuite du côté controlatéral l'enregistrement est complété avec le premier
enregistrement en place (fig. 56).
• Les biscuits sont élaborés sur l'articulateur en utilisant la table incisive personnalisée
précédemment (fig. 57). Un réglage clinique est toujours indispensable pour affiner les
contacts (fig. 58-59).
• La prothèse d'usage est ainsi terminée, et le patient est invité à porter régulièrement son
orthèse de protection nocturne. (fig. 60-62).

301

53. Les prothèses d'usage 54. L'arcade mandibulaire 55. Le réglage en bouche
sont confectionnées face à est terminée. se fait aux dépens des provisoires
l'empreinte des provisoires. de l'arcade maxillaire.

56a,b,c,d.
(a) L'occlusion est
enregistrée sur
une hémi-arcade.
(b) L'enregistrement
est complété
après retrait des
provisoires.
(c) Montage du
modèle maxillaire
avec l'arc facial.
(c) Le modèle
mandibulaire
est monté avec
l'enregistrement
réalisé.
Le Bruxisme tout simplement

58. Essayage des biscuits.

57. L'étape des biscuits 60. Mise en


sur l'articulateur. bouche finale.

302

61. Radio panoramique 62. Orthèse de protection.


de contrôle.

Conclusion
Ce qu'il faut retenir de ces situations cliniques :
La mise en œuvre des thérapeutiques de reconstructions occlusales se fait dans un contexte
souvent difficile fonctionnellement (contraintes excessives, malocclusions secondaires et dys-
fonctions occlusales liées aux séquelles du bruxisme) et techniquement (perte de substances
importantes, modifications des rapports intermaxillaires, espaces prothétiques réduits).
Le traitement prothétique ne fait que compenser les délabrements infligés aux arcades den-
taires mais ne prétend pas à lui seul faire cesser le bruxisme.

LECTURES CONSEILLEES
1. Brocard D. Laluque J.F. Knellesen C. La gestion du 5. Lobbezoo F. Van Der Zaag J. Van Selms MKA
bruxisme.Quintessence international Paris 2006. Hamburger HL Naeje M. Principles for the
2. Duminil G Laplanche O. L'occlusion tout management of bruxism. J Oral Rehabil. 2008
simplement. Espace ID éditions Paris 2013. Jul;35(7):509-23.
3. Fradeani M. Réhabilitation esthétique en prothèse 6. Mc Neil C. Science and practice of occlusion.
fixée Vol 1 Analyse esthétique. Quintessence Quintessence international Chicago 1997.
international Paris 201 O. 7. Paesani D. Bruxism Theory and practice.
4. Fradeani M Barducci G. Réhabillitation esthétique Quintessence international Londres 201 O.
en prothèse fixée Vol 2 Traitement Prothétique.
Quintessence international Paris 2010
Bruxisme
et implantologie
303
Prédictibilité, consensus et controverses
Patrick Si monet Gérard Duminil

Le bruxisme est un terme générique classiquement utilisé pour définir des activités fonction-
nelles anormales et répétitives (parafonction) qui peuvent être diurnes (bruxisme de l'éveil)
et/ou nocturnes (bruxisme du sommeil) [1]. Les études les plus actuelles privilégient une
approche multifactorielle de son étiologie en mettant en exergue la prédominance de fac-
teurs comportementaux, psychosociaux et physiopathologiques aux dépens de l'occlusion
dentaire 121. Les conséquences cliniques habituellement observées sont une .attrition plus
ou moins marquée des surfaces occlusales voire des fractures coronaires ou radiculaires.
En prothèse implanta-portée, le bruxisme est considéré comme étant un facteur de risque
majeur, voire une contre-indication absolue. Si les dents sont soumises à une surcharge
fonctionnelle auxquelles répond la mobilité physiologique, l'implant lui immobile, peut-être
soumis aux mêmes contraintes avec d'autres conséquences.
Il faut dissocier viscoélasticité et seuil de discrimination tactile. Si l'on se réfère aux travaux
de Parfitt [3], pour une dent naturelle avec une force donnée, il existe un premier temps de
réaction ligamentaire initiale suivi d'un déplacement de la dent. A l'inverse, pour un implant,
toutes les contraintes vont être immédiatement transférées aux implants d'une manière pro-
portionnelle et linéaire. De plus, le déplacement d'une dent va dépendre de sa taille, du
nombre de contacts, de la configuration géométrique de sa racine et du moment d'applica-
tion de la dernière force si celle-ci est répétée comme chez les bruxeurs. Ce qui complique un
peu les choses, est le fait qu'un mouvement dentaire en réponse à une force occlusale n'est
pas linéaire, mais tridimensionelle, alors que la force appliquée peut-être unidirectionnelle.
Le Bruxisme tout simplement

Ce déplacement, le plus souvent mesuré horizontalement est de l'ordre de 64 à 100 microns,


alors que celui de l'implant est d'environ 12 microns.
En denture naturelle, lors d'un contact occlusal pathogène, les récepteurs desmodontaux
sont à l'origine d'une programmation neuromusculaire réflexe, sous la forme soit d'une
réponse inhibitrice transitoire des muscles élévateurs, soit d'un réflexe d'ouverture provoqué
par la contraction des muscles abaisseurs.
En implantologie, l'absence de desmodonte réduit la capacité proprioceptive des piliers implan-
tai res, et ce malgré la présence à distance de récepteurs périostés et gingivaux. En effet, à la
différence d'une dent naturelle, les récepteurs ne sont pas situés immédiatement autour des
implants, mais à distance dans l'os. De plus, ils possèdent un seuil de tolérance élevé à la pres-
sion, mais une capacité discriminative tactile très réduite. Toutefois, la sensation perçue par un
patient sur un implant est quasiment identique à celle d'une dent. Il existe cependant une dif-
férence majeure : l'information proprioceptive dentaire reste très précise, alors que la proprio-
ception implantaire est plus protopathique, c'est-à-dire plutôt vague et diffuse. Lorsque des
implants restaurent deux arcades antagonistes, l'information transmise au système nerveux
central est de moindre qualité. De ce fait, sa capacité de réponse est altérée.

04 1 FORCES 1

1 1
Fonctionnelles Pa rafonction nell es
1 1
1nterm ittentes Continues ou épisodiques
(déglutition, mastication) (bruxisme, serrement)

Contrôle Bruxeur
Contractions (par nuit) 96,5 +1- 39 166,8 +1- 48,5
Contractions (par heure) 12,9 +1- 3,5 20,4 +1- 5,7
Durée (par épisode, sec.) 4,7 +1- 1,2 8,4 +1- 2,4
Intensité(% de force max.) 28% 74%

Le tableau 1 permet d'apprécier la différence existant entre un sujet dit « normal » et un


bruxeur. On comprend que la surcharge pourrait jouer un rôle plus ou moins important sur
une prothèse implanto-portée [4] selon la situation clinique, l'intensité des forces occlusales,
leur temps d'action, leur rapport intensité/durée, leur fréquence, leur direction, mais aussi
la qualité de l'adaptation de la prothèse sur les piliers prothétiques. La conséquence peut
en être mécanique (fracture des vis, de la prothèse et/ou de l'implant) ou biologique (perte
osseuse).
À partir de cette hypothèse, il est possible de dégager trois pistes de réflexion :
1. Les forces occlusales excessives jouent un rôle déterminant.
2. Elles influent sur les contraintes induites à l'interface os/implant.
3. Ces contraintes ont une signification biologique.
22 Bruxisme et implantologie

Deux problèmes cependant, mais de taille :


• il n'existe aucune étude scientifiquement fiable qui confirme
ou infirme d'une manière irréfutable ce qui précède [5];
• nous ne connaissons pas le seuil d'adaptation au-delà duquel
une force peut devenir excessive pour un implant.
Il faut donc, pour le moment, se contenter d'objectifs très généraux visant à mieux contrô-
ler la surcharge fonctionnelle tout en gardant à l'esprit que la pertinence de certaines des
propositions cliniques qui vont suivre reste à démontrer scientifiquement.

Les objectifs
OBJECTIF N° 1 Lors de la phase chirurgi-
cale, déplacer Je risque biologique (perte
osseuse péri-implantaire) vers un risque mé-
canique (fracture des vis ou de la prothèse)
plus facilement gérable cliniquement ou éco- 1. Situation clinique présentant des implants
nomiquement. longs, courts et de faible diamètre. 305
Solutions cliniques possibles
pour mieux répondre à cet objectif
Utiliser des implants longs de diamètre
standard ou bien des implants courts
de plus gros diamètre (fig. 1)?
Si les études et opinions sont parfois contradic-
toires, on peut cependant dégager quelques élé- 2 a. Multiplier le nombre d'implants
ments de réflexion : permet de mieux répartir les contraintes.
-augmenter le diamètre d'un implant diminue
les contraintes au niveau du col, mais augmenter
sa longueur n'a que peu d'effet [6];
- les implants courts ont un taux de survie
équivalent aux implants longs en particulier
si l'on augmente leur diamètre [7];
-augmenter la longueur entraîne les contraintes
de cisaillement dans l'implant et dans la vis de 2 b. À l'inverse, si le nombre d'implants
pilier : un implant court absorbe mieux diminue, la répartition des contraintes
ces contraintes [8] . est moins favorable.

Multiplier le nombre d'implants?


Là encore, les opinions divergent, mais il semble raisonnable à la lecture de certaines études
in vivo d'augmenter le nombre d'implants pour répartir plus uniformément la surcharge
occlusale (fig. 2a) aux dépens de situations où le nombre d'implants est réduit (technique
a/l-in-four). (fig. 2 b). Par ailleurs, si l'espace intermaxillaire prothétique est augmenté, plus
le bras de levier et le facteur de risque s'accroissent (fig. 3).
Le Bruxisme tout simplement

3. Augmenter le bras de levier, 4. Répartition des 5. Aligner les implants


augmente les risques chez le implants en tripode. n'implique aucun préjudice
bruxeur. mécanique.

Aligner ou déporter en tripode les implants lors de la mise en place chirurgicale?


La réflexion a évolué depuis les recommandations de Renouard [9] de déporter en tripode
306 les implants les uns par rapport aux autres pour minimiser l'effet des contraintes occlusales
au col et à l'apex des implants (fig. 4). Aujourd'hui,
ltoh et coll. [101 ont montré que cette option s'avère
inutile et qu'aligner les implants ne cause aucun pré-
judice mécanique tout en facilitant la réalisation cli-
nique (fig. 5).
Réduire l'inclinaison de l'axe implantaire?
Là encore, à défaut d'études concluantes in vivo, il
faut se contenter de pistes de réflexion proposées par
des études par modélisations in vitro [11] : globale-
ment, plus l'orientation de l'implant est oblique, plus
6. Les contraintes s'accroissent
avec une orientation plus oblique.
les contraintes internes augmentent (fig. 6).

OBJECTIF N° 2 Lors de l'évaluation préprothétique, faire le meilleur compro-


mis entre le risque de fracture et/ou d'usure prothétique et le bénéfice esthé-
tique et économique souhaité.
Solutions cliniques possibles pour mieux répondre à cet objectif
Réaliser une infrastructure par fonderie traditionnelle ou par CFAO?
Chez le bruxeur plus que tout autre, la précision d'adaptation de la pièce prothétique est
essentielle. Une inadaptation associée à des contraintes majorées augmente le risque de
défaillance mécanique.
Jusqu'à ces dernières années, il était habituel d'utiliser une fonderie traditionnelle en métal
noble ou semi-noble pour la réalisation des armatures (fig. la-b). L'avantage évident est
qu'en cas de fracture de l'armature ou en présence d'une adaptation insuffisamment pas-
sive, il est possible de la souder. L'inconvénient réside dans la difficulté d'obtenir une excel-
lente passivité (fig. le).
22 Bruxisme et implantologie

7 a. Prothèse transvissée 7 b. La même prothèse 7 c. Adaptation parfaitement


en métal noble. en bouche. passive. Noter sur la figure 7a,
le recours à une brasure
primaire entre 13 et 14.

307
8 a. Armature transvissée CFAO 8 b et c. Barre transvissée CFAO en titane sur laquelle seront
en chrome-cobalt télescopées des CCM individuelles (Zimmer-Biomet 31).
(Zimmer -Biomet 31).

8 d. Armature transvissée CFAO en zircone 8 e. Fichier numérique.


(NobeiBiocare). Document Laboratoire J.-P. Casu. Document Laboratoire J.-P. Casu.

En prothèse transvissée traditionnelle ad modum Branemark, la technique CFAO par fraisage


robotique a apporté une qualité d'adaptation exceptionnelle par rapport aux techniques de
coulée traditionnelles. Le chrome-cobalt (fig. Ba), le titane (fig. Bb-c) et la zircone (fig. Bd)
font partie des matériaux usinables. En cas de problème, à défaut d'être réparable, une nou-
velle armature peut être refaite à partir du même fichier numérique sans avoir à reprendre
une nouvelle empreinte (fig. Be).
Attention cependant : lorsque le choix se porte sur la réalisation d'une prothèse transvissée
réalisée par CFAO (fig. 9a) avec des dents prothétiques en résine, il peut s'ensuivre des
épisodes de décohésion (fig. 9b) car, souvent, la barre usinée ne présente aucune rétention
mécanique. Les armatures doivent être conçues avec des rétentions mécaniques adéquates
ou éventuellement ajoutées par soudure au laser en un second temps (fig. 9c).
Le Bruxisme tout simplement

9a. Barre transvissée CFAO 9 b. Décohésion des dents 9 c. Ajout de rétentions


en titane pour prothèse ad prothétiques en résine. mécaniques soudées
modum Brânemark (document : secondairement par laser.
G. Duminil).

Choisir un matériau occlu sai approprié?


Tous les matériaux s'usent, quelle que soit leur nature. Classiquement et historiquement,
il était recommandé d'utiliser des dents prothétiques en résine. L'objectif derrière ce choix
était double :
-de protéger les implants à tout prix. En effet, selon la formule physique suivante :

l08 M (masse mandibulaire) x V (vitesse de fermeture)


= F (force appliquée) x T (temps d'application de la force)
si l'on augmente le temps d'application de cette force (en utilisant un matériau occlusal
qui absorbe les contraintes comme la résine), cette dernière sera réduite (fig. 10).
-de compenser la transmission des forces qui est immédiate sur les implants en
comparaison des dents naturelles ou d'une prothèse adjointe totale (fig. 11).
Le problème de l'utilisation de la résine est que, très rapidement, l'usure des faces occlusales
va entraîner une perte de calage, de guidage et de centrage des rapports dento-dentaires
et possiblement, à terme, une décohésion des dents artificielles de leur infrastructure métal-
lique comme décrit précédemment. De plus, la fonction occlusale devenant moins efficace,
le patient va développer plus de forces de mastication pour la même fonction .

...
F 1
1
'
1
1


Dents naturelles

Prothèse adjointe totale


1 1
1 1 • Prothèse sur implants
1 1
1 1 ~

1 \
1 1
1
1 \
1 1 \
1
'' 11 \

1
1 ;
1
;, "
\

.... .... ........ ~


\ ..
.... .,.
... .
- .......... ........ .,T
·'
1O. Formule physique expliquant l'utilisation de la résine.
11. Transmission plus ou moins intense et immédiate des contraintes occlusales selon la situation
clinique (d'après S.Hobo et coll. in Osseointegration and occlusal rehabilitation. Ed. Quintessence. 1989).
22 Bruxisme et implantolor

12. Noter les traces


d'usure fonctionnelle
à 1 an postopératoire.

309

13 a. Vue préopératoire droite. 13 b. Vue préopératoire gauche.

13 c. Réhabilitation bi maxillaire sur implants 13 d. Côté gauche.


et dents naturelles après augmentation de la DV.
Côté droit.

La recommandation dans ces situations extrêmes pour la restauration des surfaces occlu-
sales reste les alliages d'or. (fig. 12) Leur ductilité (déformation élastique réversible suivie
d'une déformation permanente plastique) permet de subir des déformations avant de
se fracturer. En effet, la céramique peut se fracturer le long des lignes de plus grande
force lors des excursions mandibulaires parafonctionnelles, alors que l'alliage d'or ne
fait que s'user. Malheureusement, la demande esthétique des patients est telle que ce
choix raisonnable demeure exceptionnel et que le matériau de référence est la céramique
(fig. 13a-d).
Le Bruxisme tout simplement

Anticiper les possibilités de réparation: sceller ou transvisser?


Aucune étude à long terme ne privilégie l'une ou l'autre option chez les patients para-
fonctionnels . Le transvissage permet d'anticiper les réparations (potentiellement plus nom-
breuses dans ces situations cliniques), mais présente l'inconvénient majeur d'être à l'origine
chez les bruxeurs de nombreuses fractures de céramique autour des puits d'accès à la vis à
cause d'une propagation interne des contraintes plus importante (fig. 14). L'option du scelle-
ment est idéale (anatomie occlusale respectée, diminution des contraintes internes, passivité
d'adaptation certaine), mais toute réparation reste délicate et souvent coûteuse en temps,
en argent ou en sérénité : un scellement provisoire est trop souvent. .. définitif! (fig. 15)
La recherche [12] concorde à montrer au moyen d'études par éléments finis que l'option
scellement distribue plus uniformément les forces axiales. Quant aux forces obliques, voire
horizontales, comme chez les bruxeurs, sceller ou visser augmente les contraintes exercées
dans la même proportion.
Une alternative intéressante chez ces patients bruxeurs est de réaliser des restaurations
céramo-métalliques sectorielles scellées sur une armature transvissée réalisée par CFAO.
L'avantage étant qu'en cas de fracture d'un élément cosmétique, la réintervention est réa-
lisée à minima tant du point de vue du laboratoire que clinique. Pour faciliter un futur
démontage, il est aussi possible de placer des clavettes dévissables (Rotee®) qui rendent
10 déposables les secteurs postérieurs céramo-métalliques (fig. 16a-g).

14. Fracture
des prothèses
transvissées. Vue
préopératoire de
la figure 12.

15. Prothèse
scellée.

16 a. Maître-modèle.
16 b, c, d. Barre transvissée CFAO en titane sur laquelle sont
placées les armatures postérieures télescopées pour CCM. Le secteur
antérieur est opaqué afin de masquer le métal de la barre avant
collage des éléments céramo-céramiques.
22 Bruxisme et implantologie

16 e, f, g. Les éléments prothétiques sont télescopées sur la barre et


clavettés au moyen d'une vis permettant le démontage à la demande.

Anticiper le choix du pilier prothétique [12, 13, 14]


Le pilier prothétique est un composant très important de l'assemblage prothétique. Il doit
disposer d'une connexion de grande précision dans l'implant et permettre l'adaptation de la
prothèse dans de bonnes conditions qu'elle soit scellée ou vissée.
Le meilleur ajustage de la connexion implantai re ne peut venir que du fabricant de l'implant
qui usine la pièce avec les tolérances appropriées. L'assemblage mécanique ainsi réalisé offre
ainsi une sécurité optimale. Les connexions coniques semblent apporter la meilleure étan- 311
chéité, les connexions internes offrant une meilleure répartition des contraintes occlusales.
La partie prothétique du pilier peut être utilisée sans retouches (cas du transvissé) ou ajus-
tée pour faciliter l'insertion de la suprastructure (ce qui est plus souvent le cas en prothèse
plurale).
Les vissages devront toujours respecter les indications de couple de serrage données par le
fabricant.
Quelle que soit la solution retenue, prothèse vissée ou scellée, la qualité des ajustements
côté implantaire ou prothétique doit être excellente pour résister aux contraintes fonction-
nelles ou parafonctionelles dans les meilleures conditions. Tout défaut d'adaptation se tra-
duira par des dévissages, des descellements ou des fractures des composants.

OBJECTIF N° 3 Lors de la réalisation au laboratoire prévenir par anticipation


le risque mécanique (fracture de la prothèse).
Solutions techniques possibles pour mieux répondre à cet objectif
Solidariser les éléments prothétiques pour mieux répartir la surcharge?
Les dernières études in vitro par modélisation par éléments finis [15] montrent l'inutilité de
cette option même si la répartition des forces exercées est plus uniforme. Toutefois, il faut
bien reconnaître que techniquement et cliniquement il est plus facile de réaliser et manipu-
ler des éléments prothétiques solidarisés plutôt qu'unitaires (essayage des infrastructures
métalliques, réglage des points de contact, scellement ou vissage).
Réduire les composantes obliques des forces occlusales?
Gérer l'occlusion c'est orienter la direction des forces plus que moduler leur intensité. Il faut
donc éviter de substituer à une anatomie préexistante forcément abrasée, une anatomie
prothétique très cuspidée pouvant créer des contacts nocifs lors des mouvements de frot-
tement au cours du bruxisme.
Le Bruxisme tout simplement

On sa it que l'intensité des contraintes


occlusales est doublée lorsque l'angle
d'application des forces varie de oa (force
axiale) à 30°. On prend mieux la mesure
de l'importance potentielle des contraintes
parafonctionnelles sachant que l'orien-
tation des forces occlusales se situe dans
une fourchette comprise entre 45° et 70°.
Les contraintes internes dans un implant
peuvent augmenter jusqu'à quinze fois
lorsque les forces appliquées deviennent de
plus en plus horizontales, ce qui est le cas
des bruxe urs (fig. 17). 17. Selon l'axe de la force occlusale exercée,
les forces augmentent de 1 à 15.
Diminuer la largeur
des surfaces occlu sales?
Théoriquement deux principes s'opposent :
1. Si on assimile l'intensité d'application des forces occlusales à une pression, celle-ci est
égale à force/surface.
12 Si on augmente la surface d'application, la pression diminue, d'où l'intérêt d'augmenter
la surface occlusale. Réduire cette surface permet une réorientation plus axiale des forces
occlusales dans l'axe de l'implant, mais au détriment d'une augmentation des contraintes
exercées et d'une réduction de la fonction masticatoire (fig. 18a).
2. D'autres auteurs [16] pensent au contraire que si l'affrontement occlusal réalise un contact
simultané sur deux versants occlusaux opposés (un lingual et un vestibulaire), la force résul-
tante sera verticale, indépendante de la largeur de la table occlusale (fig. 18b).
Aucune étude à ce jour ne donne raison à l'une ou l'autre option.

18 a. Schéma explicatif de la théorie no 1. 18 b. Schéma explicatif de la théorie no 2.


La réalité clinique donne une autre perspective à ce qui précède : plusieurs paramètres sont
à considérer : la position et l'axe de l'implant, le couloir prothétique, l'hygiène bucco-den-
taire et enfin l'incidence esthétique. La position et l'axe de l'implant sont déterminés par
le volume osseux disponible. Lorsqu'une compensation prothétique s'impose (fig. 19a-c),
l'anatomie occlusale devra être réglée pour éviter des forces obliques. Quant au couloir pro-
thétique, la réduction d'une surface occlusale implique un diamètre vestibulo-lingual plus
22 Bruxisme et implantologie

19 a, b, c. Compensation prothétique avec une largeur adéquate de la table occlusale.

19 d. Schéma clinique des conséquences d'~n 19 e. Schéma clinique des 313


déport vestibulaire de la position de l'implant. conséquences d'un déport lingual.

étroit. La conséquence en sera une rétention alimentaire


du côté lingual si le déport est vestibulaire (fig. 19d).
Dans le cas inverse viendra s'ajouter aux tassements ali-
mentaires un éventuel préjudice esthétique (fig. 19e).
Dans une situation clinique d'un ancien édentement
bimaxillaire, le décalage des bases osseuses s'inverse en
raison des phénomènes de résorption . Au problème du
bras de levier évoqué précédemment s'ajoute parfois
la nécessité de l'organisation d'une occlusion inversée
(fig. 19f). 19 f. Schéma clinique des
conséquences d'un décalage
les extensions distales et bruxisme des bases.
Les extensions distales ont été communément employées
avec l'avènement des prothèses transvissées ad modum
Branemark à la mandibule. Il s'agissait de remplacer des dents absentes dans les secteurs
postérieurs alors qu'il existe un volume osseux insuffisant pour placer des implants. La ques-
tion qui se pose est celle de la détermination d'une longueur optimale de l'extension dans
des conditions de contraintes occlusales extrêmes. La règle de base est celle dite de « l'en-
vergure antéro-postérieure » [17-18] : la longueur idéale est la mesure de la distance entre
l'implant le plus antérieur et la face distale de l'implant le plus postérieur multipliée par 1,5 à
2,5 (fig. 20a). Dans une situation d'un patient bruxeur, il convient de limiter à 1,5.
Un autre paramètre à considérer et qui modulera la précédente règle est celui de la forme
de l'arcade à restaurer : plus celle-ci est large, plus les implants antérieurs seront alignés
et en conséquence l'extension devra être courte. Une erreur d'appréciation peut avoir des
conséquences fâcheuses! (fig. 20b) À l'inverse, une arcade étroite (fig. 20c) favorisera
Le Bruxisme tout simplement

20 b. Fracture
d'une barre CFAO
en titane après
une appréciation
inadéquate de
l'envergure
antéro-
postérieure chez
un bruxeur.

20 a. l'envergure antéro-postérieure
adéquate.

20 c. Situation
idéale : arcade
étroite.

14
une extension plus importante. Enfin, la nature de l'arcade antagoniste (fixe ou amovible)
sera aussi à considérer. L'association d'une arcade étroite opposée à une prothèse amovible
totale reste l'idéal.

OBJECTIF N° 4 : Lors de la mise en place clinique, compenser pour mieux


maintenir la fonction occlusale?
Solutions cliniques possibles pour mieux répondre à cet objectif
Adapter la technique d'ajustement
occlu sai?
Lorsque des dents naturelles ou prothé-
tiques coexistent avec des restaurations
implanta ires, il faut compenser les mobi-
lités physiologiques différentes et tenir
compte, à terme de l'intrusion des dents
naturelles. Il est recommandé de réaliser
les ajustements occlusaux d'abord avec
les arcades antagonistes en léger contact
(contacts égaux et simultanés sur les
dents naturelles) puis dans un second
temps en serrement forcé (obtention des
contacts sur les prothèses implantaires)
(fig. 21).
Dans des situations cliniques totalement
implanta-portées, l'ajustement occlusal
se fait de la même manière qu'en den-
ture naturelle.
21 a, b, c. Schéma illustrant l'ajustage occlu sai.
22 Bruxisme et implantologie

22 a, b, c. Situation clinique illustrant une sous-


occlusion pathogène (document G. Duminil).

Mettre les implants


en sous-occlusion?
Cette option n'est pas à retenir. Mettre en
sous-occlusion les contacts afin de « soula-
ger » une prothèse implantaire des forces
exercées, c'est cautionner l'idée qu'il faille
protéger à tout prix les implants au détri-
315
ment d'un autre élément de l'appareil
manducateur (ATM ou dents). La solution
implantaire est une garantie de conser-
ver une DVO stable par rapport à l'option
d'une prothèse amovible, ce qui a pour effet
de limiter la compression au niveau des
ATM. Dans le cas présenté ici l'absence de
contacts dans le secteur 20 implanta-porté
est en contradiction avec l'indication théra-
peutique de soulager la maladie dégénéra-
tive des ATM bien observable sur la radio 23. Situation clinique très sereine!
panoramique (fig. 22). Les modélisations in
vitro et les études in vivo montrent que les implants ont une grande capacité de résistance
mécanique. Les fractures sont rares. Par ailleurs, si les dents antagonistes aux implants sont
naturelles, la sous-occlusion sera vite compensée par leur égression.
Adapter aux implants un concept occlusal personnalisé?
Aucune étude scientifique ne justifie l'utilisation d'un concept occlusal plutôt qu'un autre. Il
est de règle d'appliquer les mêmes concepts que pour la restauration sur dents naturelles.
L'organisation d'un guidage antérieur préserve les dents postérieures d'un excès de forces
transversales en favorisant une orientation plus axiale des contacts occlusaux. En fonction
de la nature de l'arcade antagoniste (dentée, implanta-portée ou prothèse amovible), il
convient de ménager la situation la moins stable. Par exemple, lorsqu'une prothèse amo-
vible totale est opposée à une prothèse implantaire (fig. 23), l'occlusion doit être réglée de
manière bilatéralement équilibrée.
Protéger la restauration clinique par une orthèse occlu sale?
Indispensable, à l'évidence.
Le Bruxisme tout simplement

Conclusion
L'absence d'études prospectives, rétrospectives ou épidémiologiques concernant un pos-
sible rapport de cause à effet entre bruxisme, parafonctions et échecs implantaires ne per-
met pas de conclure à une contre-indication certaine et absolue. Il faut donc anticiper
au maximum les problèmes potentiels à défaut de pouvoir en circonscrire totalement les
conséquences. En pratique, un suivi régulier du patient s'impose.

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83(3) : 332-43.
Bruxisme et prothèse
adjointe complète
317
Michel Pompignoli

Ce chapitre a pour objectif de rapporter les observations cliniques de plusieurs années


d'exercice du traitement du patient édenté total bimaxillaire par des prothèses amovibles
complètes (PAC), dites « conventionnelles ».
Le Bruxisme tout simplement

b
1 a, b. Facettes d'usure et fractures partielles sur la table occlusale
des dents prothétiques en porcelaine.

2 a, b. Plan d'occlusion sculpté par les frottements des deux arcades au cours des glissements
fonctionnels, para- ou dysfonctionnels.

Introduction
Certains patients porteurs de prothèses amovibles complètes présentent des comporte-
ments que l'on pourrait assimiler à un phénomène de bruxisme. Le signe le plus révélateur
est représenté par des surfaces d'usure sur les dents artificielles qui équipent leurs prothèses
(fig. 1a-b). Ces surfaces d'usure, prenant l'aspect de véritab les miroirs (glaçage) quand les
dents sont en porcelaine (avec, par ailleurs, des fractures partielles), peuvent aller jusqu'à
la disparition des reliefs occlusaux pour des dents en résine . Elles sont révélatrices des frot-
tements entre les dents des deux arcades au cours des mouvements mandibulaires à vide.
Lorsque des dents en matériau tendre (comme certaines résines) sont portées par les deux
arcades des prothèses, une surface occlusale est sculptée avec le temps et l'usage, sculpture
qui a été considérée par certains auteurs [1] comme une forme de plan d'occlusion fonction-
nel, idéalement individualisé, propre en quelque sorte au patient qui les utilise (fig. 2a-b).
D'autre part, l'observation d'une résorption des surfaces d'appui plus marquée et rapide
chez certains patients semble montrer des usages différents des prothèses en termes de
forces déployées.
Ces observations peuvent laisser à penser que l'édenté complet appareillé est un bruxeur
si tant est que ses prothèses lui en donnent le loisir, c'est-à-dire autorise le bruxisme. Le
23 Bruxisme et prothèse adjointe complète

3 a, b. Prothèse amovible complète unimaxillaire dont la surface occlusale des dents en porcelaine a été
sculptée par un antagoniste hétérogène en matière de résistance dont le support est différent (implants
ostéo-intégrés et parodonte).

bruxisme pour un patient appareillé complet bimaxillaire relève essentiellement de la qualité


du traitement et de certaines données anatomo-fonctionnelles.
L'édentement unimaxillaire face à une arcade partiellement ou totalement édentée offre
une multitude de situations de rapports occlusaux qu'il est difficile d'analyser pour en tirer 319
des règles scientifiquement objectives. Chaque situation clinique, chaque patient sont des
entités uniques (fig. 3a-b).
Tou s ces éléments concourent à supposer un bruxisme du patient édenté complet.

Spécificités de la prothèse amovible complète


L'utilisation de prothèses amovibles complètes procède d'une spécificité propre. Elles doivent
être considérées comme des outils mis à disposition des patients afin d'assurer une alimen-
tation et une vie sociale les mieux adaptées. Les prothèses sont soumises à des contraintes
mécaniques dont la connaissance et le respect permettent la pérennité du système prothé-
tique et aux entités anatomiques et fonctionnelles qui les accompagnent [2] .

Sustentation, stabilisation et rétention


La sustentation s'oppose à l'enfoncement des bases sur leurs surfaces d'appui, la stabilisa-
tion aux mouvements transverses, de rotation et de bascule, tandis que la rétention assure
leur maintien en place. On décrit une sustentation qualitative, qui prend en compte la qua-
lité de la résistance aux so llicitations, et une quantitative, définie par la surface maximale
exploitable pour assurer les fonctions et le maintien du « patrimoine » osseux des surfaces
d'appui des patients.
C'est l'optimisation de ces trois paramètres qui va assurer l'efficacité du système prothé-
tique. À cela va s'ajouter l'exactitude d'un rapport intermaxi llaire adapté, d'une occlusion
et d'un plan d'occlusion, situé et orienté en adéquation avec les données fonctionnelles
articulaires, musculaires et proprioceptives du patient.
La sensibilité de la muqueuse buccale sous prothétique, assimilée à une proprio et extéro-
ception, participe, en remplacement de la proprioception parodontale, à toutes les fonc-
tions de l'apparei l manducateur et de sa neurophysiologie (fig. 4a-b).
Le Bruxisme tout simplement

4 a, b. Quand la sustentation remplace le parodonte.


Le rapport intermaxillaire (RIM)
en prothèse amovible complète
Toutes les références dentaires ayant disparu, le RJM est déterminé et établi à partir de
données fonctionnelles, anatomiques et même esthétiques, observées chez le patient. Bien
évalué et bien enregistré, il concourt à un usage efficace des prothèses et peut de surcroît
supporter et autoriser la présence de parafonctions comme le bruxisme.
0 Le RIM est défini dans les trois plans de l'espace. Dans le plan vertical, c'est la
dimension verticale d'occlusion (DVO) qui ménage un espace libre d'inocclusion dont la
valeur varie en fonction de critères personnels au patient. Dans les plans frontal et horizon-
tal, elle représente la relation centrée. Cette dernière, dans une valeur adaptée de la DVO,
est répétitive et reproductible . JI est à noter que chez le patient âgé, anciennement appa-
reillé, l'anatomie et la position des condyles dans leurs cavités articulaires sont le résultat de
phénomènes adaptatifs liés à une histoire dentaire et prothétique qui leur est spécifique.
Méthode d'enregistrement du RIM. JI appa-
raît ici évident que l'enregistrement du RIM et l'éta-
blissement d'une DVO adaptée sont des éléments
essentiels à un bon usage futur des appareils. L'uti-
lisation de bases de transfert et d'occlusion parfai-
tement adaptées aux surfaces d'appui, surmontées
de bourrelets en matériau dur et indéformable, est
indispensable à un enregistrement de qualité. JI per-
met de se situer au plus près de l'usage des futures
prothèses [2]. (fig. Sa-b).

5 a, b. (a) Enregistrement du RJM sur des bases d'occlusion


et de transfert stabilisées et en matériau dur et indéformable
pour se situer au plus près de l'usage des futures prothèses.
Une clef d'indexation est placée au centre d'équilibre
des bases, niveau estimé des 5 et des 6. (b) Utilisation
des empreintes secondaires après adaptation pour
enregistrer le RIM.
23 Bruxisme et prothèse adjointe complète

6a,b. Évolution du RIM suivant la mise en place des prothèses d'usage. (a) La situation le jour de la mise
en place. (b) Une position plus reculée de la mandibule s'observe évoquant une évolution de la position
sagittale du RIM.

Le RIM correctement établi assure le remplacement et le rétablissement efficace des fonc-


tions disparues de l'appareil manducateur tout en autorisant une faculté d'adaptation. Le
RIM est appelé à évoluer au cours de sa vie fonctionnelle, ce qui impose des aménagements
réguliers (réfection des bases, équilibrations par exemple) (fig. 6a-b).

L'occlusion en PAC.
L'anatomie de la surface occlusale des dents artificielles doit répondre aux impératifs méca-
niques de stabilité des bases prothétiques à vide (occlusion) et pendant la mastication
321
(montage : situation et orientation du plan d'occlusion) mais aussi assurer l'efficacité de
transformation du bol alimentaire (écrasement, dilacération, cisaillement).
À vide. Afin d'assurer la stabilité des bases sur leurs surfaces d'appui au cours des mou-
vements fonctionnels et parafonctionnels à vide, c'est-à-dire sans l'interposition du bol ali-
mentaire, l'occlusion en PAC est une occlusion dite en trépied d'équilibration : en latéralité,
des contacts équilibrants contrebalancent les forces des contacts travaillants. En propulsion,
au minimum deux contacts postérieurs contrebalancent les forces des contacts antérieurs
et assurent l'équilibre des bases prothétiques (fig. la -d).

7a,b,c,d.
Occlusion équilibrée
bilatérale :
(a) Latéralité
travaillante, vue
vestibulaire.
(b) Mouvement
de propulsion
(c) Contacts
équilibrants, vue
vestibulaire,
(d) Vue linguale.
(Document:
G. Duminil.)
Le Bruxisme tout simplement

8a, b. Plaquettes de dents en porcelaine


Candulor™ et en résine Dentsly™.

Surfaces occlusales (occlusion) et articulations temporo-mandibulaires sont directement en


relation fonctionnelle par un vecteur spécifique à la PAC : la sustentation. Cette dernière
apparaît comme l'équiva lent du parodonte du sujet denté.

322 Pendant la mastication. La PAC est à considérer comme un outil dont l'efficacité à
mastiquer les aliments dépend essentiellement de l'implantation des dents prothétiques
à l'intérieur, tant que faire se peut, de la surface de sustentation des bases. Le bruxisme
n'intervenant pas pendant la mastication, ce sont les contacts occlusaux qui sont prépon-
dérants.
Nature du matériau La porcelaine est incontestablement le matériau de choix pour ses
qualités de résistance à l'abrasion. Elle assure le maintien du RIM dans le temps et préserve
l'intégrité des surfaces d'appui osseuses. De moins en moins proposées par l'industrie, les
dents porcelaine tendent à être remplacées par des dents en résine, en matériau composite
voi re les deux en plusieurs couches superposées (Dents Phonares™).
Idéalement il faudrait pouvoir disposer d'une gamme de dents artificielles de dureté diffé-
rentes, adaptées aux données individuelles de chaque patient (fig. Ba-b).

PAC et bruxisme
Absence des dents
L'origine du bruxisme serait plutôt centrale et existerait indépendamment de la présence ou
de l'absence de dents naturelles avec leur parodonte. Ainsi les édentés sont à même de serrer
ou de grincer des dents avec les prothèses amovibles. La sensibilité de la surface muqueuse
sur laquelle s'appuie la base s'est substituée à la proprioception du parodonte. La PAC est une
manière de bien comprendre que le bruxisme ne peut se déclencher que s'il existe des points
d'appui dentaires. Le patient édenté qui ne porte sa prothèse en dormant ne bruxera pas,
même s'il pourra avoir d'autres parafonctions orales (langues, muscles périoraux).

Bruxisme d'éveil
Le fait de grincer sur des prothèses amovibles peut se manifester de deux manières diffé-
rentes :
23 Bruxisme et prothèse adjointe complète

9 Apparition d'une crête flottante antérieure 10 Blessure d'origine occlusale.


résultante d'une surcharge occlusale qui génère
une résorption de l'os sous-jacent.

Situation clinique favorable: relief des crêtes bien marqué, stabilité des surfaces d'ap-
pui. Le patient va user les dents prothétiques d'autant plus nettement qu'elles sont d'un
matériau tendre. Le RIM va s'en trouver modifié (perte de DVO accompagné d'un proglisse-
ment mandibulaire). Les charges occlusales se déplacent sur la crête antérieure provoquant
la création de crêtes flottantes, résultat d'une résorption importante du substrat osseux 323
dans cette zone sous la base maxillaire le plus souvent (fig. 9).
Situation clinique défavorable : reliefs des crêtes peu marqués, muqueuse fine. Les
conséquences ici sont l'apparition de blessures et d'irritations douloureuses.
En règle générale, quand les forces musculaires fonctionnelles ou parafonctionnelles sont
supérieures à la capacité de réaction des surfaces d'appui, et c'est le cas en présence de
bruxisme important, des pathologies multiples apparaissent comme des irritations ou des
blessures. Le bruxisme s'en trouve en quelque sorte contrarié, voire contrôlé. On peut esti-
mer, de ce fait, que les blessures seront un frein au bruxisme (fig. 10).
Le bruxisme d'éveil est fréquent, d'autant plus que les morphologies occlusales se dété-
riorent. L'absence d'une position précise du RIM conduit à une itération mandibulaire pour
tenter de stabiliser les prothèses. Ce comportement de « protection » peut devenir une
forme praxique, automatique et inconsciente.
Le bruxeur chez l'édenté complet ne peut se manifester que face à une prothèse portée,
stable non douloureuse
Formes cliniques
• Édentement unimaxillaire. Le maxillaire édenté est opposé à une arcade complète-
ment ou partiellement dentée. Les édentements peuvent être ou non compensés par des
prothèses. La distribution et la répartition des segments édentés établissent sa valeur de
sustentation et par conséquent, la nature des forces occlusales opposées à l'arcade édentée
dont la sustentation est entièrement muqueuse. Il en découle des fonctions occlusales où
le patient recherche efficacité et confort aussi bien pendant la mastication que durant les
mouvements à vide.
Le maxillaire édenté, avec une surface de sustentation conséquente (voûte palatine), est à
même de mieux supporter les forces occlusales antagonistes. Le bruxeur aura plus de lati-
tude, de facilités à grincer des dents.
Le Bruxisme tout simplement

11 a, b, c. (a) Mandibule édentée


fortement résorbée.
(b) Arcade maxillaire reconstruite
avec des dents en céramique.
(c) Sustentation de la base augmentée
(à gauche), comparée à celle de
l'ancienne prothèse.

324 A contrario, quand il s'agit d'un édentement mandibulaire, la sustentation, la stabilité (pré-
sence de la langue) et la rétention sont moindres. L'opportunité laissée au bruxe ur d'exercer
sa parafonction se trouve limitée, voire impossible (fig. 11a-c).
• Passage à l'édentation complète. Une situation clinique particulière doit retenir notre
attention [3-Sl : le passage à l'édentation complète chez un patient dont les signes cliniques
de bruxisme sont avérés. L'extraction des dernières dents maxi llaires suivant la technique de
la prothèse immédiate, assure la mise en place d'emblée d'une prothèse d'usage qui pos-
sède toutes les qualités de sustentation stabilité et rétention d'une prothèse amovible com-
plète. Les empreintes, le RIM (maintenu par une arcade antagoniste stable), l'esthétique, la
chirurgie aboutissent à une prothèse d'usage le jour même de sa mise en place.
Chez le patient bruxeur, la mise en place de prothèses amovibles le jour de l'extraction
des dernières dents, va changer fondamentalement ses fonctions avec l'utilisation de ses
nouveaux outils prothétiques et va impliquer une période d'adaptation particulièrement
délicate. Si le patient persiste dans sa parafonction, des complications vont apparaître :
blessures, fractures des bases ... De nombreuses séances d'équilibration seront nécessaires
et seule une maintenance vigilante pourra lui éviter des pathologies irréversibles. Des réfec-
tions des bases, destinées à atteindre une sustentation nécessaire à l'usage des prothèses,
s'avèrent souvent indispensables (fig. 12a-b).
Dans cette situation clinique, il est souhaitable de passer par la mise en place d'un traite-
ment utilisant des prothèses de transition.

Bruxisme de sommeil
Il semble qu'il n'y ait pas là encore de corrélation entre l'existence d'une parafonction
orale (mouvements de la mandibule) pendant le sommeil et la présence ou l'absence de
dents [6-7].
Il est communément demandé aux patients de ne pas porter leurs prothèses la nuit pour
des raisons d'hygiène et de prévention des maladies de la muqueuse buccale. Cependant si
23 Bruxisme et prothèse adjointe complète

12 a, b. (a) Patient bruxeur traité par la technique de la prothèse immédiate. Les marques d'usure
de l'arcade antagoniste montrent l'importance des frottements entre les deux arcades.
(b) Une réfection de la base prothétique maxillaire a été nécessaire pour obtenir une sustentation
suffisante pour éviter les blessures à répétition.

l'on considère que le port continu des prothèses participe à leur intégration fonctionnelle, à
leur adoption psychologique, cette décision pour certains auteurs est laissée à l'appréciation
des patients eux-mêmes en fonction de leurs aspirations à une certaine qualité de vie.
En présence d'anciens bru xeurs, le conseil de ne pas porter une ou les deux prothèses la
325
nuit peut être considéré à juste titre comme un empêchement de serrer ou de grincer des
dents pendant le sommeil et ainsi de préserver non seulement les prothèses mais aussi
leurs surfaces d'appui, le bruxisme nocturne restant une composante importante de cette
parafonction .

Bruxisme et surfaces d'appui


Le bruxisme a un effet st imulant au niveau parodontal. Il n'en est pas de même en PAC.
Blessures et douleurs. En PAC. ce sont les surfaces d'appui qui vont subir l'applica-
tion des charges occlusales, moins intenses, certes, mais tout aussi importantes de consé-
quences en présence de surfaces fragiles et directement liées à la qualité et la nature de la
sustentation assurée par les bases prothétiques.
Une sustentation mal assurée (en qualité et en quantité) n'est pas à même à répondre aux
sollicitations des forces occlusales des blessures apparaissent. Si elles sont la manifestation
des forces occlusales transmises aux surfaces d'appui, il apparaît évident qu'elles interdisent
toute forme de bruxisme même si elles en sont peut-être la conséquence.
En présence d'une sustentation quasi inexistante, les prothèses ne sont pas efficaces et le
patient est privé des fonctions de la mastication et a fortiori de pouvoir bruxer. (fig. 13a-b).
Résorption des surfaces d'appui. Une autre conséquence d'une sollicitation excessive
des surfaces d'appui muqueuses et osseuses par la transmission des forces occlusales prin-
cipalement à vide se traduit par leur résorption . Elle entraîne, nous l'avons dit, des modifi -
cations du RIM et de tout l'environnement prothétique dont l'équilibre se trouve rompu . Si
le patient n'est pas suivi, des pathologies irréversibles peuvent apparaître avec une aggra-
vation de leur handicap.
A contrario, quand la sustentation répond, à l'équilibre en théorie, aux forces occlusales, les
phénomènes de résorption sont réduits .
Le Bruxisme tout simplement

13 a, b. Exemples de deux bases prothétiques qui ne peuvent manifestement pas assurer une
sustentation suffisant à une fonction de mastication efficace. À droite, la présence de tartre sous
la base laisse supposer une insuffisance d'appui.

Équilibration et sollicitations au bruxisme


Si l'« incitation » au bruxisme réclame donc des surfaces d'appui favorables et des pro-
26 thèses conçues pour assurer une bonne sustentation, l'occlusion est également un facteur
à considérer. En effet, a contrario, des prothèses aux surfaces occlusales mal équilibrées au
cours des contacts dans des mouvements mandibulaires à vide (sans aliment interposé),
déstabilisent le système prothétique empêchant le « grincement » sur les dents artificielles.
Les caractéristiques de l'antagoniste deviennent prépondérantes et surtout la nature du
matériau utilisé. Certaines situations cliniques indiquent d'utiliser des dents en résine, plus
tendres comme pour des personnes très âgées par exemple ou qui sont porteuses d'an-
ciennes prothèses avec des dents de résine.
Les rectifications appliquées aux surfaces occlusales au cours des séances d'équilibration
(médiates et immédiates) qui suivent la mise en place des prothèses doivent être polies par-
faitement. Non polies, ces surfaces rugueuses peuvent devenir un point de fixation pour le
patient et provoquer un bruxisme « de confort».
L'usure des surfaces occlusales des dents artificielles avec ou sans une résorption des maxil-
laires modifie les relations inter-arcades, et par conséquent le RIM .
L'usage de dents en porcelaine permet d'éviter ou du moins ralentir singulièrement ce phé-
nomène. Les équilibrations médiates et immédiates réclament un polissage soigné des sur-
faces corrigées pour éviter une incitation au bruxisme.

Bruxisme et RIM
Pour certains auteurs, la valeur de la DVO intervient sur l'incitation des patients à user leurs
dents artificielles.
Surévaluée, l'espace libre est insuffisant et les surfaces occlusales sont continuellement
en contact, simulant un bruxisme. Les troubles fonctionnels sont multiples : hypersalivation,
troubles de l'élocution, fatigue musculaire, voire résorption des surfaces d'appui.
Sous-évaluée, c'est une incitation à la propulsion avec les conséquences iatrogènes
décrites dans le syndrome de « compensation ».
23 Bruxisme et prothèse adjointe complète

14 Patiente présentant des


signes de bruxisme. La mise en
place d'une plaque de libération
occlusale sur la prothèse
mandibulaire (prothèse amovible
complète supra-implantaire
retenue et stabilisée par une barre
en appui sur deux implants) a
apporté un confort à l'usage des
prothèses tout en augmentant la
dimension verticale d'occlusion.

Ces notions sont très contestées, il s'agit probablement plus de manifestations d'une faible
adaptabilité au changement que d'un problème réel de DVO. Les bases des prothèses se
conduisent comme des plaques de libération occlusale à appui muqueux. On peut excep-
tionnellement les utiliser pour tester une augmentation de la DVO, sous-estimée dans un
327
premier temps pour des raisons propres au patient (fig. 14).

Conclusion
Le bruxisme en PAC est conditionné principalement à la valeur de la sustentation des bases
prothétiques, ce qui correspond à la valeur du parodonte chez le sujet denté dont on sait
qu 'il est particulièrement résistant.
Si tant est que le patient édenté complet ait la vocation à bruxer, les conditions cliniques et
prothétiques requises pour assurer sa parafonction dépendent des qualités offertes par le
traitement. .. ou de ses insuffisances.
Le bruxeur nouvellement édenté pourra continuer sa parafonction si ses prothèses lui en
donnent les moyens. Cette constatation est encore plus évidente quand il s'agit d'un éden-
tement maxillaire face à une mandibule complètement dentée ou bien encore reconstituée
par des prothèses fi xées sur des dents ou des implants ou amovibles partiellement.

Remerciements: Laboratoires Didier Raux, Christian Millet, Dominique Garnier.


Le Bruxisme tout simplement

BIBLIOGRAPHIE
1. Pompignoli M. Apropos de la technique de 5. Pompignoli M, Postaire M. Les dernières dents.
Paterson. Questions d'Odonto-Stomatologie Garder ou extraire. Edition L'information Dentaire,
1983 ; 8 : 231-236. 2011, Paris, 167 p.
2. Pompignoli M, Doukhan JY, Raux D. Prothèse 6. Kato T, Velly AM, Nakane T, Masuda Y, Maki S.
complète. Clinique et laboratoire. 4e édition. Age is associated with self-reported sleep bruxism,
Tomes 1 et 2 réunis. Editions CDP, Paris 2011, independently of tooth loss. Sleep Breath. 2012
329 p. Dec;16(4):1159-65
3. Pompignoli M, Postaire M, Rau x D. Immédiate 7. Winocur E. Age is associated with self-reported
complete dentures : an alternative approch. sleep bruxism, independently of tooth loss.
Collection « Clinical Success » Ed. QI Books. 2008. A critical commentary. Sleep Breath. 2012
Chicago. Anglais (E.U.). Dec;16(4):947-8.
4. Pompignoli M, Postaire M, Raux D. La prothèse
complète immédiate. Collection Réussir. Ed.
Quintessence. 2004. Paris. 89 p.

:28
Stratégies thérapeutiques ·
exemples cliniques 329

Jean-Daniel Orthlieb, Gérard Duminil

Ce chapitre réunit à titre d'exemple la mise en pratique de stratégies thérapeutiques dans


plusieurs situations cliniques de sujets bruxeurs.
Les tactiques adoptées peuvent aller de la simple information sans aucune intervention à la
réhabilitation prothétique complexe bimaxillaire.
La démarche comporte toujours une information préalable du patient et une évaluation de
divers paramètres généraux (demande du patient, état de stress, motivation) et locaux (état
dentaire et état des structures de soutien).
Le bruxisme étant une situation d'évolution lente ne comportant pas d'urgence, il est raison-
nable de privilégier une approche peu invasive et de laisser le temps aux patients de corriger
des comportements excessifs. La réévaluation régulière permet ainsi d'ajuster le traitement
à sa juste mesure.
Comme dans tout traitement, et sans doute plus encore dans le cas du bruxisme, l'implica-
tion du patient et sa collaboration active sont des éléments indispensables à l'obtention de
bons résultats.
Le Bruxisme tout simplement

Nathalie, 43 ans Sévérité du bruxisme 0 1 2 ~ 4


Fragilité des structures (dents, 1~ 1 2 3 4
Motifs de consultation : vis ite de contrôle. parodonte, implant, prothèse, ATM)
Pas de signes de DAM , ouverture rectiligne à 52 mm. Indication de prise en charge Indice 318
Examen clinique Niveau d'observance 0 1{D3 4
Cinématique mandibulaire : normale, exostoses Niveau de tension psychologique 0 1 ( 2"]3 4
maxillaires importantes. Niveau de difficulté Indice 4/8
Muscles: muscles élévateurs non hypertrophiques,
nette densité.
Dents: dents saines .
Bruxisme : important à type de serrement, praxie et intériorisation d'un tempérament « nerveux».
Occlusion: calage et centrage OK, asymétrie de guidage par agénésie de 12.

30

1. Vue vestibulaire en OIM, 2. Vue occlusale du secteur 4: l'absence d'usure


fortes exostoses maxillaires. et d'exostoses signe un fort serrement.

Il Stratégie
Thérapeutique
J Stratégie thérapeutique
lnfonnatlon
Bruxisme important sur terrain sain : abstention thérapeutique, simple information.

1 l
1

1
1
1
1
24 Stratégies thérapeutiques : exemples cliniques

Marie, 56 ans Sévérité du bruxisme 0 1'2 ~3 4


Fragilité des structures (dents,
~ 1 2 3 4
Motifs de consultation : cervicalgies (évaluée à 4/1 0). parodonte, implant, prothèse, ATM)
Pas de demande de soins restaurateurs. Indication de prise en charge Indice 2/8
Pas de signes de DAM, ouverture rectiligne à 55 mm.
Niveau d'observance 0 C)2 3 4
Examen clinique Niveau de tension psychologique 0 1 20) 4
Cinématique mandibulaire : ample. Niveau de difficulté Indice 4/8
Muscles: muscles élévateurs hypertrophiques, denses.
Dents: dents saines, intrinsèquement pas de soins
dentaires, très forts tori mandibulaires.
Bruxisme: net tableau de serrement en OIM, tensions émotionnelles palpables, sommeil difficile.
Occlusion: pas d'anomalie notable dans le cadre d'une classe Il avec un surplomb incisif excessif.

Diagnostic
Bruxisme modéré à sévère en OIM, bruxisme d'éveil et de sommeil,
troubles psycho-émotionnels, denture globalement saine.

2.Vue
vestibulaire en
OIM, exostoses
maxillaires
331
modérées.

1. Radiographie panoramique.

3. Vue occlusale mandibulaire: 4a,b. OIM: vue latérale droite (a), gauche (b).
très forts tori mandibulaires.

Il Stratégie
Thérapeutique
1
Stratégie thérapeutique
Faible sévérité donc moyen thérapeutique simple de bon pronostic

1
~
fi Indication de prise en charge du bruxisme du fait des plaintes douloureuses (cervicalgie)
lnfonnatlon

Gestion du Stress
Attention portée à la posture trop antérieure de la tête et prescription de simples auto-
~ 1 ''.i exercices de mobilisation douce et fréquente de la tête
1
Prise en charge cognitivo-comportementale orientée principalement sur la gestion des
Il tensions émotionnelle, viser une meilleure qualité du sommeil.
Il i
Pas de gouttière occlusale, pas de collage. Réévaluation sur 2 et 4 mois : très bonne
11 observance de la patiente, bonne compréhension de la problématique de la gestion du
stress renforcée par la quasi-disparition des cervicalgies.
Le Bruxisme tout simplement

Beà, 33 ans Sévérité du bruxisme 0 1 2 3 14


Fragilité des structures (dents, 0 1 2 ~ 14
Motifs de consultation :fortes céphalées chroniques, parodonte, implant, prothèse, ATM) ~
bruxisme et réhabilitation. Indication de prise en charge Indice 618
Examen clinique Niveau d'observance 0 1{?)3 4
Muscles: muscles élévateurs denses. Niveau de tension psychologique 0 1 2 3 ~
Dents: reconstruction globale à envisager, érosions Niveau de difficulté Indice 618
importantes par régurgitation, impact esthétique
antéro-maxillaire.
Bruxisme: net, essentiellement en serrement en OIM .
Psychisme : très fortes tensions émotionnelles; sommeil difficile, terrain anxio-dépressif en traitement
avec errance médicale. Le sourire est triste.
Occlusion : pas de perte de DVO, courbure occlusale droite inversée.
Diagnostic
Bruxisme de serrement.
Céphalées de tensions d'origine psycho-émotionnelles (pas d'étiologie occlusale; les parafonctions
sont les conséquences des tensions et non la cause des céphalées).
Troubles psycho-émotionnelles anxio-dépressifs importants.
Réhabilitation globale sans difficulté prothétique majeure.
332 La difficulté ne réside pas dans la gestion du bruxisme, le serrement n'étant pas un facteur de risque
majeur pour les reconstructions dentaires, mais dans le terrain psychologique très fragile.

1. Radiographie panoramique: nécessité 2. Télécrâne de profil en occlusion:


de prise en charge prothétique étendue. pas de perte de DVO appréciable.

3. OIM vue vestibulaire: usure d'environ 50% 4. OIM vue latérale gauche : faible hauteur
de la hauteur coronaire des dents antérieures coronaire des secteurs postérieurs.
maxillaires.
24 Stratégies thérapeutiques : exemples cliniques

5. Le sourire est psychologiquement difficile, 6. Le profil en OIM est harmonieux.


exposant faiblement des dents courtes.

333

7 a, b, c. L'OIM correspond à l'occlusion en relation centrée :


vue latérale droite (a), vue linguale (b) vue latérale gauche (c).

Stratégie 1 Stratégie thérapeutique


Thérapeutique
Indication de prise en charge du bruxisme du fait
fi
1
Information
de la réhabilitation dentaire à réaliser.
~ j!Ecè ~ ;,~
Prise en charge cognitivo-comportementale
~ Psychothérapie 1
orientée principalement sur la gestion des ten-
Goulllèra
sions émotionnelle, collaboration impérative
Coechklg 1
avec une approche médicalisée.
1 Prothèse
Gouttière occlusale initiale : pour aider au
1 1 contrôle des parafonctions nocturnes, matéria-
liser la prise charge, pas de collage. 8. La gouttière occlusale maxillaire
Projet de réhabilitation globale: élongations en forme de fer à cheval protège les
coronaires antéro-maxillaires. Relation centrée, dents maxillaires sans trop empiéter
sur l'espace lingual.
avec une légère augmentation de DVO (1 à
2 mm), harmonisation des courbes occlusales
(rayon 75 mm), fonction canine.
En fin de traitement, pas de gouttière occlusale
de protection .
Le Bruxisme tout simplement

Hector, 61 ans Sévérité du bruxisme 0 1 2 3 4


Fragilité des structures (dents, 0 1 ~ 3 4
Motifs de consultation : Usures, sensibilités dentaires, parodonte, implant, prothèse, ATM)
demande de soins restaurateurs. Indication de prise en charge Indice 518
Pas de signes de DAM, ouverture rectiligne à 45 mm .
Niveau d'observance 0 1..{2] 3 4
Examen clinique Niveau de tension psychologique o/U 3 4
Cinématique mandibulaire normale. Niveau de difficulté Indice 318
Muscles: muscles élévateurs hypertrophiques
et hyperdenses.
Dents: dents saines, intrinsèquement pas de soins dentaires.
Bruxisme : sévère, avec attrition antérieure marquée correspondant
à des postures de bruxisme très excentrées.
Sommeil: ronflements importants.
Occlusion : pas d'anomalie notable.

334

1a, b, c. OIM vue latérale droite (a), face (b), latérale gauche (c).

2 a, b, c. Posture de bruxisme excentré : en diduction droite (a), en antéposition (b), en diduction gauche (c).

Diagnostic
Bruxisme sévère, essentiellement en
posture excentrée, probablement
plus marquée pendant le sommeil,
en association avec des troubles
de la ventilation et la posture de
sommeil (fréquemment dorsale).
Pas de troubles psycho-émotionnels
forts mis en évidence.
Denture globalement saine.
Perte de substance importante
sur les incisives mandibulaires.
24 Stratégies thérapeutiques : exemples cliniques

Il Stratégie
Thérapeutique
1 Stratégie thérapeutique

fr lnf= nJ
Indication de prise en charge du bruxisme du fait des pertes de substances.
Contact avec médecin traitant pour prise en charge des problèmes de ventilation nocturne
(ronflement).
Gouttière

SuM
Prise en charge cognitivo-comportementale orientée principalement sur le contrôle de la
praxie.
i Gouttière occlusale initiale pour augmenter le contrôle et la protection des dents pendant
11
le sommeil. Réévaluation sur 2, 4 et 6 mois.
!1
Projet de réhabilitation antérieure maxillaire et mandibulaire en matériau composite pour
préparer une éventuelle réhabilitation en matériau céramique ultérieurement.
Pas de gouttière de protection à port nocturne discontinu .

335
4 a, b. Gouttière occlu sale initiale en résine dure, à port nocturne :
en occlusion en RC (a), bouche ouverte (b).

5 a, b, c, d. Simulation (en bleu) du projet de restauration par collage à visée explicative


pour le patient : vue occlusale maxillaire (a), vue vestibulaire mandibulaire initiale (b),
simulation du collage mandibulaire (c et d).

Conclusion
A3 mois, la gouttière portée régulièrement ne montre pas d'usure particulière. La posture de sommeil
dorsale a été corrigée, un traitement médicamenteux par application par spray est suivi régulièrement, les
ronflements ont nettement diminué au dire de la conjointe. Le patient ne souhaite pas aborder une phase
de restauration . Il n'a pas ni douleur, ni gêne esthétique. Il préfère ne pas toucher à ses dents, ni engendrer
des coûts . Le patient est maintenu en surveillance à 6 mois la première année, ensuite une fois par an. Les
photos et les moulages permettront d'évaluer l'évolution des attritions.
Le Bruxisme tout simplement

~ 336

© L'information dentai re 2015 40 avenue Bugeaud 75784 Paris Cedex 16


Achevé d'imprimer sur les presses de l'Imprimerie Moderne de Bayeux
Z.I.- 7, rue de la Résistance 14400 Bayeux
Dépôt légal 4• trimestre 2015 - ISBN 978-2-36134-030-8
" Toute représentation ou reproduct ion intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l'auteur
ou de ses ayants droit ou ayants cause et de l'éditeur, est ill icite" (alinéa 1er de l'article 40).
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donc une contrefaçon sanctionnée par les articles 425 et suivants du Code Pénal.
Imprimé en France
Si vous lisez ces quelques lignes, c'est que le bruxisme est pour vous
une source de curiosité, d'intérêt, ou peut-être même d'inquiétude
à l'idée de devoir un j our prendre en charge des traitements plus
ou moins complexes en rapport avec les situations qu'il provoque.
Cet ouvrage est la suite logique du premier consacré à l'occlusion.
Expliquer le bruxisme, c'est tout à la fois le comprendre, l'identifier
et savoir le prendre en charge.
Comprendre le bruxisme, c'est d'abord le définir d'une manière
originale, comme une fonction plus qu'une parafonction, ce qui est en
accord avec les critères scientifiques actuels. C'est ensuite observer ses
différentes formes, celle du sommeil et celle de l'éveil, et ses diverses
expressions : grincement, balancement, serrement, etc. Enfin, c'est
aussi envisager ses rapports avec le stress et les troubles respiratoires.
Identifier le bruxisme, c'est le différencier des autres formes d'usure
et savoir reconnaître dans les facettes d'usure les mécanismes
qui les ont produites. C'est également poser un diagnostic précis
grâce aux index cliniques qui sont proposés.
Prendre en charge le bruxisme, c'est savoir en diminuer la charge,
à défaut de pouvoir l'éliminer, ma is aussi élaborer des stratégies
thérapeutiques qui vont répondre aux besoins de chaque
patient à travers un large éventail de solutions. Depuis la simple
information jusqu'aux traitements prothétiques étendus,
les propositions thérapeutiques décrivent en détailla prise
en charge comportementale, les collages occlusaux, les gouttières,
la pharmacologie et les traitements mini-invasifs.
Pour cela, nous avons réuni dans cet ouvrage les compétences
des meilleurs spécialistes dans leurs domaines respectifs
de prédilection pour exposer les aspects fondamentaux
et cliniques qui permettront aux omnipraticiens d'envisager
le bruxisme différemment ... et plus simplement.

Gérard DUMINIL et Jean-Daniel ORTHLIEB

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