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­ nquête sur la

E
dysphorie de genre
­Pauline ­Quillon

­ nquête sur la
E
dysphorie de genre
­ IEN COMPRENDRE
B
POUR AIDER VRAIMENT LES ENFANTS
­Direction  : ­Guillaume ­Arnaud
­Direction éditoriale  : ­Sophie ­Cluzel
­Direction artistique  : ­Armelle ­Riva
Édition  : ­Vincent ­Morch
­Compositeur  : ­Pixellence
­Direction de fabrication : ­Thierry ­Dubus
­Fabrication  : ­Marie ­Dubourg

© ­Mame, ­Paris, 2022


www.mameeditions.com
­I­S­B­N  : 978­-2­-7289­-3093­-7
­M­D­S  : ­M­M30937
­
­Tous droits réservés pour tous pays.
­Introduction

­Sasha ­­n’a que 7 ans. ­Pourtant, ­­l’enfant sait depuis tou-


jours qu’« ­­ il ­­n’est pas né dans le bon corps ». ­Ce sexe de
petit garçon n’est ­­ pas le sien. S­asha est une fille.
­­Heureusement, sa mère ­­l’accepte comme il est, et se bat
contre une institution scolaire « transphobe » pour faire
reconnaître l’identité
­­ de son enfant et assurer son bonheur.
­Tel est le récit que livre le documentaire ­Petite ­fille1 diffusé
par A ­ rte en 2020, premier du genre à faire le portrait d’une­­
petite fille trans, et qui a reçu un accueil enthousiaste de
toute la presse. « ­ Bouleversant  » pour ­Marie­-­Claire,
« ­poignant » selon ­Têtu, « histoire ­­d’une éclosion lumineuse »
­­d’après Le ­Monde qui émet le souhait qu’il ­­ contribue à
« changer le regard sur les enfants trans ». ­Ce documentaire
­­s’inscrit dans une série ­­d’émissions présentant de très jeunes
enfants qui vivent sous une autre identité que leur sexe de
naissance. ­En novembre 2020, sur F ­ rance 2, l’émission
­­­ Ça
commence ­­aujourd’hui présente trois enfants de moins de
10 ans, ­Adriano, ­Lilie et ­Lee, qui, eux non plus, « ne sont
pas nés dans le bon corps », selon ­­l’intitulé de l’émission.
­­

1.  ­Sébastien Lifshitz, ­Petite fille, 2020.


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Enquête sur la dysphorie de genre

­ n février  2021, ­­l’émission ­C à vous sur F


E ­ rance 5 donne la
parole à ­Stella, enfant de 8 ans, qui vient ­­d’obtenir la per-
mission ­­d’être désigné par le prénom féminin ­­qu’il a choisi.
­Lui aussi est « une petite fille emprisonnée dans un corps
de petit garçon » dont la télévision salue le courage.
­La fiction se saisit également de ­­l’enfant transgenre et en
fait le héros de ses histoires. A­ u ­Royaume­-­Uni, une série
de trois épisodes diffusée en 2019, ­De Max à ­Maxine,
raconte la transformation physique ­­d’un garçon de 11 ans
qui devient une fille, ou bien ­­d’une « fille née dans le mau-
vais corps ». ­Le point commun de toutes ces histoires est
de présenter des enfants prépubères, tous de sexe mascu-
lin, qui ont le sentiment puissant d’être ­­ des filles et à qui
­­l’entourage permet de se présenter sous ­­l’apparence de leur
identité ressentie. L ­ a bienveillance de ­­l’approche, et le
caractère authentiquement touchant de ces enfants qui
témoignent ­­un profond soulagement grâce à la reconnais-
sance par leur famille et la société de leur identité ressentie,
suscitent naturellement une profonde empathie de la part
du public.

­­­L’explosion des cas ­­d’enfants trans


Cette exposition médiatique tranche avec ­­
­ l’extrême
rareté et la stabilité des cas d’enfants concernés jusque
­­ très
récemment. ­Depuis les années 2000, ces chiffres sont en
nette expansion, notamment chez les plus jeunes. ­La qua-
trième et avant-dernière version du M ­ anuel diagnostique et
statistique des troubles mentaux (­DS­ ­M) pose trois condi-
tions au diagnostic de ce qu’elle
­­ nomme « dysphorie de
genre » et qui désigne un douloureux inconfort dans son

6
­Introductio

sexe anatomique1. ­Il faut que les tests différentiels aient exclu
­­d’autres pathologies mentales qui auraient pu expliquer le
trouble, que l’identification
­­ à un autre sexe soit intense et
­persistante, et qu’elle
­­ provoque une grande souffrance.
­Le chercheur suédois spécialiste du sujet, le professeur
­Mikael L ­ andén, souligne ­­l’explosion soudaine dans son
pays de ce phénomène, ­­jusqu’ici stable et très minoritaire :

­Dans ma thèse de 1999 sur le transsexualisme, j’ai


­­ mesuré
la stabilité du nombre de demandes de réassignation sexuelle
au cours des 20 dernières années qui ont suivi l’entrée
­­ en
vigueur de la loi sur la réassignation sexuelle : en moyenne,
11,6 personnes par an ont demandé une réassignation sexuelle
entre 1972 et 1992. D ­ ans les années 2010, la situation
a radicalement changé. ­ En 2018, 446 personnes ont
déposé une demande de changement de sexe. C ­ hez les
jeunes (moins de 20 ans), le changement est encore plus
spectaculaire. 727 jeunes ont été diagnostiqués avec un
trouble de ­­l’identité de genre en 2017 contre 31 personnes
dix ans plus tôt, soit une augmentation de 2345 % en 10 ans2.

­ e phénomène d’explosion
C ­­ des demandes de change-
ment de sexe dans la population des enfants et des adoles-
cents concerne tous les pays occidentaux en des propor-
tions similaires. ­Au ­Royaume­-­Uni, la clinique dévolue aux

1.  ­Le ­DS­ ­M, publié par ­­l’­Association américaine de psychiatrie (­A­P­A), est le
manuel de référence qui classifie les troubles mentaux. ­Sa dernière version
date de 2013. L­ a « dysphorie de genre » est l’expression
­­ utilisée pour décrire
le malaise des personnes trans qui veulent changer de sexe. ­La question du
vocabulaire sera développée plus loin, chapitre 4.
2.  ­Cité par Olivier ­Vial, « ­Détrans. Les ­Cassandre de la communauté trans »,
­C­E­R­U ­Publications, juin 2021, p. 6.

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Enquête sur la dysphorie de genre

enfants, le ­Gender ­Identity ­Development ­Service (­G­I­D­S)


de ­­l’hôpital londonien ­Tavistock and ­­Portman, a enregis-
tré une hausse massive de cas qui s’accélère ­­ ­­d’année en
année. ­En 2009, 97 enfants ont demandé une transition
médicale dans le pays, contre 2 519 en 20181. ­Aux
­Pays­-­Bas, la clinique ­spécialisée, ­The ­Dutch ­Clinic, à
­Amsterdam, observe un doublement des cas chaque année.
­La psychiatre néerlandaise ­Annelou de ­Vries a déclaré à la
revue scientifique ­Medscape ­Medical ­News que désormais
50 enfants ­frappaient tous les mois à la porte de la clinique,
soit 600 par an. ­Aux États­-­Unis également, les cas se mul-
tiplient au point que le pays compte désormais 65 cliniques
spécialisées dans le changement de sexe, et que certaines ne
traitent que les enfants, dont celle de Boston, ouverte en
2007.
­Les P­ ays­-­Bas, la ­Suède et les États­-U­ nis ouvrent la tran-
sition médicale aux enfants depuis une vingtaine ­­d’années,
contrairement à la F ­ rance où la première équipe dévolue
aux mineurs a­­ été créée en 2013 seulement. D ­ epuis, les
cliniques spécialisées commencent à s’ouvrir ­­ un peu par-
tout sur le territoire. E ­ n 2021, les enfants sont reçus à P ­ aris
dans trois lieux, la ­Pitié­-­Salpêtrière, ­­l’hôpital ­Robert­-­Debré
et le C ­ iapa (­ Centre intersectoriel ­­ d’accueil permanent
pour adolescents), et des centres devraient ouvrir à L ­ ille,
­Tours, ­Marseille et ­Bordeaux. ­Ces ouvertures répondent à
­­l’afflux grandissant des enfants : « ­La première année [en
2013], nous avons dû voir trois patients. ­­­Aujourd’hui, nous

1.  ­Chiffres disponibles sur le site de ­­l’hôpital, ­« G­ID


­ ­S Referrals Increase in
2017/18 », 17 mai 2018, tavistockandportman.nhs.uk.

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­Introductio

recevons une demande par semaine », expliquent à ­Elle


­Anne ­Bargiacchi, pédopsychiatre, et ­­Laetitia ­Martinerie,
endocrinologue pédiatre, de ­Robert­-­­Debré1. ­Selon elles,
une cinquantaine ­­d’enfants sont ­­aujourd’hui suivis dans
leur structure. ­­­D’après une enquête de ­Marianne  2, il y
aurait en réalité environ 700 enfants et adolescents
­­aujourd’hui pris en charge dans ces cliniques parisiennes.
­De 3 en 2013 à 700 en 2020 : ­­l’augmentation est expo-
nentielle et nul doute que la ­France devrait atteindre,
comme les pays anglo­-saxons, le cap de plusieurs milliers
­­d’enfants candidats à un changement de sexe dans les
prochaines années.
­Faut­-il s’inquiéter
­­ ­­d’une telle augmentation et y voir un
effet de mode inquiétant, une gigantesque erreur médicale
dans laquelle la médecine précipiterait des enfants confron-
tés à une souffrance telle ­­qu’ils ne verraient ­­pas d’autre
issue que de changer de sexe ? ­Selon certains militants
­L­GB ­ ­T et de nombreux médecins, pas du tout. I­ l faudrait
davantage s’en ­­ réjouir. ­Selon eux, il ­­s’agit ­­d’un simple « rat-
trapage ». ­Alors que la société brimait depuis toujours
­­l’existence de la transidentité, il est devenu enfin possible
de la vivre au grand jour. ­Nous redécouvririons ainsi une
réalité longtemps censurée dans notre société judéo­ -
chrétienne, et qui pourtant avait largement droit de cité
dans les sociétés dites traditionnelles. I­ls arguent en effet
que, sous ­­d’autres cieux ­­qu’en ­Occident, ­­l’ambiguïté

1.  ­Hélène ­Guinet, « ­Au pays des enfants transgenres », ­Elle, 18 août 2017.
2.  V ­ iolaine des ­Courières, « ­Ces enfants qui changent de sexe en un temps
record dès ­­l’âge de trois ans », ­Marianne, 15 octobre 2020.

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Enquête sur la dysphorie de genre

sexuelle est non seulement admise, mais institutionnalisée,


voire valorisée, comme dans trois cas fameux, rapportés
par les anthropologues : le troisième sexe chez les ­Inuits,
les ­hijras en ­Inde et les berdaches dans les sociétés amérin-
diennes, ­­aujourd’hui plus volontiers désignés par le terme
two­-­spirit ou « bispirituels ».
Dans les années 1980, ­­
­ l’anthropologue S­aladin
­­d’­Anglure décrivit chez les I­nuits ce qu’il
­­ a appelé un
« troisième sexe social ». « ­Les I­ nuits pensent ­­qu’un fœtus
peut changer de sexe en naissant1 », décrivait­-il. ­Ainsi, un
enfant né mâle peut­-il être déclaré fille à la naissance, et
élevé comme tel. ­Plus rarement, ce sont des enfants nés
femelles qui sont considérés et élevés comme des garçons.
­Ces enfants deviennent ensuite des chamans, des inter-
médiaires entre les forces terrestres et supérieures, et ils
sont valorisés en tant que tels. ­Ils accèdent à une ­fonction
sociale à part, qui n’est
­­ ni masculine ni féminine, mais
religieuse, une fonction d’intermédiaire
­­ entre les forces
spirituelles et le monde.
­La caste des ­hijras, en ­Inde, partage avec le troisième
sexe inuit ce rôle social sacré d’intermédiaire
­­ entre les deux
mondes. Les hijras, nés hommes, se consacrent au culte de
la déesse mère, B ­ ahuchara ­Mata, et bénissent notamment
les femmes pour leur obtenir ­­d’être fécondes. ­Il ­­s’agit
­­d’eunuques, qui vivent en petites communautés. ­Ils se tra-
vestissent en femmes et ont des relations sexuelles avec des
hommes. ­Castrés, ou nés avec une verge atrophiée, ils

­ olette ­Chiland, ­Changer de sexe. Illusion et réalité, ­Paris, ­Odile


1.  ­Cité par C
­Jacob, 2011, p. 71­-87.

10
­Introductio

occupent plus volontiers des rôles sociaux identifiés


comme féminins, portent des vêtements de femmes,
­­s’assoient avec les femmes, les imitent, souvent de façon
burlesque.
­Les bispirituels occupent quant à eux un statut supé-
rieur dans les sociétés nord­-amérindiennes grâce à leurs
pouvoirs supranaturels. L ­e terme «  berdache  » a été
employé par les ­Occidentaux et vient du persan berdaj,
« homosexuel passif  ». ­
Les ­Amérindiens préfèrent la
dénomination two­-spirit qui ne réduit pas le phénomène
à une pratique sexuelle. C ­ es personnes, hommes ou
femmes, sont réputées abriter deux esprits, masculin et
féminin ; elles s’habillent
­­ avec les vêtements de l’autre
­­
sexe, ou ­­d’une façon qui échappe aux caractéristiques de
genre. ­Elles appartiennent à un troisième sexe, voire à un
quatrième, si on distingue les berdaches mâles des
femelles. ­Elles occupent un rôle spirituel : elles voient
­­l’avenir, organisent les mariages, réconcilient les couples
et assument en même temps des tâches attribuées à
­­l’autre sexe.

Être trans : une censure dans le monde occidental ?


­En ­Occident, la culture, le droit et l’histoire
­­ ne laissent
pas de place à ­­ l’ambiguïté sexuelle. ­ La culture judéo­ -
chrétienne présentait même à ce sujet une sévérité cer-
taine, inspirée par le ­Deutéronome (22, 5) qui formulait
­­l’interdit on ne peut plus clairement : « ­Une femme ne por-
tera point un habillement d’homme,
­­ et un homme ne
mettra point des vêtements de femme ; car quiconque fait
ces choses est en abomination devant l’Éternel
­­ ton ­Dieu. »

11
Enquête sur la dysphorie de genre

­ urant tout le ­haut ­Moyen Âge, la réprobation morale


D
ne s’accompagne
­­ pas de mesures de rétorsion. L’époque
­­­
est même relativement bienveillante à l’égard­­ du traves-
tissement des femmes, qui est toujours une feinte pour
échapper à la condition féminine ou aux dangers que
leur fait courir leur sexe.
­Les militants de la cause trans citent volontiers ­­l’exemple
de femmes qui ont vécu sous le déguisement d’un ­­ homme,
et significativement des saintes dont ils font des égéries de
leur combat. ­Mais il ­­s’agit moins pour ces femmes, légen-
daires ou non, telle H ­ildegonde­ -­Joseph, moine de
­Schönau, morte en 1188, de coïncider avec leur identité
masculine, que d’accéder
­­ à une plus grande perfection,
souligne ­­l’historien médiéviste ­Clovis ­Maillet1. ­Le mascu-
lin est alors vu comme un état supérieur de la nature
humaine, le féminin comme un état de plus grande fai-
blesse et de plus grande vulnérabilité à la faute, et notam-
ment au péché de la chair. ­Cette hiérarchie des sexes, ­­qu’il
convient de ne pas transgresser, explique ­­qu’on ne trouve
pas ­­ d’exemple médiéval d’homme
­­ vivant comme une
femme – leur cas est honteux et méprisable. ­Transgresser la
barrière des sexes pour les femmes, significativement tou-
jours pour embrasser une vie religieuse ardue et sévère, et
non pour vivre en tant ­­qu’homme jouissant de toutes ses
prérogatives, c’est
­­ accéder à un héroïsme des vertus plus
grand encore, puisque ces saintes doivent vaincre une
nature considérée plus faible, pour atteindre une chasteté

1.  ­Clovis ­Maillet, ­Les ­Genres fluides. ­De ­Jeanne ­­d’­Arc aux saintes trans, ­Paris,
­Arkhê, 2020.

12
­Introductio

parfaite. ­Il s’agit


­­ davantage de fuir la féminité que de deve-
nir un garçon.
­­­L’impunité fera long feu. L­ e travestissement sera qualifié
pénalement en « usurpation de sexe » à partir du xiie siècle
et du recueil de droit canonique nommé ­Décret de ­Gratien.
­Le cas de ­Jeanne ­­d’­Arc est emblématique. ­La prise de
­­l’habit ­­d’homme et des armes est un point central de sa
condamnation à mort (1431).
­Bien sûr, que le travestissement fût interdit en ­Occident
ou durement réprimé et assimilé à un vice ne signifie pas
que des individus ne vivaient pas une forme
­­d’indétermination ou ­­d’indécision sexuelle. ­­­L’histoire de
­France fait état de plusieurs cas fameux de travestissement,
dont, au xviiie siècle, le chevalier d’Éon­­ qui a défrayé la
chronique et est devenu l’icône ­­ de militants de la cause des
personnes trans. Était­-il un homme ou une femme ? S­ i le
célèbre diplomate commença sa carrière en tant ­­qu’espion,
et vécut sous des habits ­­d’homme durant quarante-neuf ans,
il termina sa vie en tant que femme, et fut condamné à
porter des vêtements de femme durant trente­-trois ans,
­­jusqu’à sa mort en 1810. ­Le trouble était permis. ­Charles
­­d’Éon de ­Beaumont était imberbe, de carrure étroite ; il
prenait plaisir au travestissement où il excellait. L ­ a légende
affirme même que c’est ­­ durant un bal masqué que le roi
­Louis ­X­V lui­-même ­­l’aurait abordé, abusé par son vête-
ment. ­ Impressionné, le souverain ­­ l’aurait alors recruté
dans son cabinet noir, le fameux « ­Secret du roi ». ­Mais
alors ­­qu’il connaissait une période de disgrâce auprès du
roi, le chevalier, réfugié à ­Londres, fit scandale en ­­s’habillant
en femme et en déclarant ­­qu’il avait toujours été une

13
Enquête sur la dysphorie de genre

femme. L ­ ouis ­X­V, piqué, le somma de révéler sa vraie


identité. D
­ es médecins ­­l’examinèrent, tout habillé, pudeur
oblige, et ils conclurent ­­qu’il ­­s’agissait bien ­­d’une femme.
­Le voici contraint de porter des vêtements féminins. M ­ ais,
au lendemain de sa mort, on découvrit avec stupéfaction,
au moment de la toilette mortuaire, que la vieille dame
était bel et bien pourvue des « organes mâles de la généra-
tion parfaitement formés sous tous les rapports », selon les
termes utilisés alors par le médecin qui constata le fait.
­Plus tard, dès le xviiie siècle, médecins et juristes com-
mencèrent à consigner des cas d’hommes
­­ qui prétendaient
être des femmes, et ­­qu’ils envisageaient sous le prisme
de la folie. ­Un certain F­ rançois ­Gayot de ­Pitaval, juriste,
fait ainsi la description de m ­ ademoiselle R ­ osette, un
­Béarnais  :

­M. ­V. paraît en habits de femme dans les rues, dans les


églises, quoique chassé, poursuivi, honni partout par les
enfants ; il change souvent de demeure, et enfin se fixe à la
campagne pour ne plus quitter ses vêtements chéris. P ­ our
­­n’être pas trahi par sa barbe, M ­ . ­V. ­­l’arrachait avec des
pinces et de la pierre ponce ; il se formait le sein avec des
étoupes ; il portait un corset garni de fer. ­Si on lui objectait
que sa barbe et son air le démentaient, il répondait que
­­c’était une erreur de la nature, étant vraie fille, sujette aux
incommodités périodiques, et il prenait des précautions
pour ­­n’être pas démenti par la propreté du linge ; son délire
est allé ­­jusqu’à se croire enceinte1.

­ ayot de ­Pitaval, ­Faits des causes célèbres et intéressantes,


1.  ­François G
­Amsterdam, Chez ­Chastelain, 1757, p. 333­-339.

14
­Introductio

­uelques années plus tard, ­­


Q l’aliéniste français
­Jean­-Étienne E­ squirol fait état de cas semblables, et parti-
culièrement ­­d’un homme de 20 ans :

Admis dans la haute société, si l’on


­ ­­ y jouait la
comédie, il choisissait toujours les rôles de femme ; enfin,
après une très légère contrariété, il se persuada qu’il
­­ était
femme et chercha à en convaincre tout le monde, même
les membres de sa famille ; il lui arriva plusieurs fois
chez lui de se mettre nu, de se coiffer et de se draper en
nymphe ; dans cet habillement, il voulait courir les rues.
­Confié à mes soins, hors de ce travers ­­d’esprit, ­M… ne
déraisonnait point 1.

­­­L’élève ­­d’­Esquirol, ­François ­Leuret, écrit encore en 1834  :

Quelques hommes disent qu’ils


­ ­­ sont femmes, et
quelques femmes ­­qu’elles sont hommes ; les uns et les
autres prennent autant qu’ils
­­ le peuvent, le costume, les
allures, les habitudes du sexe ­­qu’ils ont choisi : ce genre
de folie n’est
­­ pas fréquent ; il l’est
­­ assez cependant pour
­­qu’on en trouve un ou plusieurs exemples dans les grandes
maisons ­­d’aliénés comme sont ­Charenton, la ­Salpêtrière
et ­Bicêtre2.

­ n retrouve dans ces descriptions ce qui caractérise


O
­­aujourd’hui les personnes trans : il s’agit
­­ de personnes
chez qui le sentiment très fort ­­d’appartenir à ­­l’autre sexe

1.  ­Jean­-Étienne ­Esquirol, article  ­« Démonomanie », dans ­Dictionnaire des


sciences médicales, 1814.
2.  ­François ­Leuret, ­Fragmens psychologiques sur la folie, ­Paris, ­Crochard,
1834, p. 114­-120.

15
Enquête sur la dysphorie de genre

est apparu dans la première jeunesse, parfois dès que


­­l’enfant a été capable de parler. ­La dissonance entre le
sexe réel et le ressenti de ­­l’enfant est à ­­l’origine ­­d’un
inconfort, ­­d’une souffrance importante. ­Ce sentiment
­­s’accompagne ­­d’une haine pour son corps – ­mademoiselle
­Rosette, dont parlait ­Gayot de P ­ itaval, ayant même noué
son pénis de telle sorte ­­qu’il s’est­­ nécrosé et a causé sa
mort – et du désir d’être ­­ perçu comme appartenant à
­­l’autre sexe et de revêtir ses attributs, qu’ils­­ soient vesti-
mentaires ou sociaux. M ­ ademoiselle R ­ osette, qui avait
reçu une formation de juge, déclarait qu’elle ­­ ne voulait
plus juger, mais coudre et filer. F ­ ait significatif : cette
intime conviction persiste dans le temps, n’est ­­ accompa-
gnée ­­d’aucun symptôme de psychose (la personne ne
souffre pas ­­d’une perte de contact avec la réalité et fait
parfaitement la différence entre ce qui est réel et ce qui ne
­­l’est pas). ­En dehors de cette conviction, il y a absence de
déraison ou de trouble psychiatrique. ­Pour la médecine
du xixe siècle, il ­­s’agit ­­d’une rare et étrange folie qui jus-
tifie un internement dans un asile d’aliénés.­­
­Les jeunes garçons dont la télévision nous donne à voir
la transition vers leur « identité » féminine ne présentent
pas un autre tableau clinique. ­ Mademoiselle ­ Rosette,
­­aujourd’hui, ­­n’aurait pas eu à nouer elle­-même son sexe
pour le faire se nécroser. ­Elle aurait sans doute subi une
« transition médicale » et ne serait pas morte des remèdes
imparfaits ­­ qu’elle tentait ­­d’apporter à sa dysphorie de
genre. ­Dans de telles conditions, comment remettre en
question les progrès ­­d’une médecine capable de soulager
une telle souffrance et de sauver des vies ?

16
­Introductio

­ t, cependant, l’expansion
E ­­ du phénomène et la célébra-
tion dont il est l’objet
­­ dans notre société contemporaine
ouvrent ­­l’espace ­­d’une légitime interrogation. ­Est­-il réelle-
ment raisonnable de faire droit à la plainte de ­­l’enfant qui
estime être lésé par la « ­nature » du corps qui est psychique-
ment le sien, au détriment de celui qu’il ­­ est, indubitable-
ment ? ­­­D’où viennent les applaudissements qui accom-
pagnent ­­l’effort de ces enfants ? ­Sont­-ils justes et exempts
de danger pour ceux­-là mêmes qu’ils­­ célèbrent ? ­Est­-il pro-
bable que seuls la pression sociale, l’interdit
­­ et le mépris
auxquels venaient se heurter les personnes ­­qu’on nomme
­­aujourd’hui « trans » expliquent le fossé entre ­­l’extrême
rareté du phénomène hier, et son occurrence, si ce ­­n’est
fréquente, du moins avérée désormais dans la vie de cha-
cun, et singulièrement dans la vie de tous les collégiens et
lycéens de ­France ­­aujourd’hui  ?
­Ils sont nos enfants, ou, à défaut, les amis de nos enfants,
à chérir, à protéger, à écouter et à faire grandir. ­La question
de savoir comment répondre à leur trouble revêt ainsi une
singulière urgence.
­PREMIÈRE PARTIE

­­­L’épineuse question
de la transidentité
chez les enfants
­CHAPITRE 1

­Le nouveau mal du siècle ?

­Une nouvelle typologie de cas


De nombreux cliniciens font entendre des fausses
­
notes dans le concert de louanges qui accompagne les
transitions médicales des enfants, à savoir la mise en adé-
quation de leur corps avec l’image­­ qu’ils
­­ en ont, au
moyen de la médecine. Sans contester ­­­l’existence avérée
et dramatique ­­d’une dysphorie de genre dans un ­certain
nombre de cas, ils doutent que le syndrome soit diagnos-
tiqué à bon escient. ­Pour eux, ­­l’augmentation des cas
relèverait avant tout d’une
­­ terrible et effrayante erreur de
diagnostic.
­Le professeur ­­américain d’endocrinologie ­William
­Malone a commencé à éprouver des doutes quand il a
constaté que le nombre de patients augmentait de façon
exponentielle quasi exclusivement dans une catégorie de
la population traditionnellement épargnée par la dyspho-
rie de genre : les adolescentes. ­Il ­­s’est penché sur le sujet,
parce que des médecins lui rapportaient recevoir depuis

21
Enquête sur la dysphorie de genre

peu «  des cohortes ­­ d’amies, des adolescentes, qui


­­s’identifiaient comme des hommes, souvent regroupées
en groupe1 ».
­Le fait est si massif qu’il
­­ ne peut être ignoré. D
­ epuis
quelques années, la dysphorie de genre, qui jusqu’alors
­­ ne
concernait que de très rares cas ­­d’enfants, le plus souvent
des garçons, apparaît de façon beaucoup plus importante
à ­­l’adolescence, et le plus souvent chez des jeunes filles.
­­­L’Association professionnelle mondiale pour la santé des
personnes transgenres, la ­W­P­A­T­H, organisme peu suspect
de freiner les transitions des jeunes, décrit également ce
phénomène, sans préciser ­­qu’il est récent, et en expansion :

­ ne autre différence entre la dysphorie de genre chez


U
les enfants et chez les adolescents réside dans les ratios
par sexe de chaque groupe d’âge. ­­ P
­armi les enfants
dysphoriques de moins de 12 ans sous suivi médical le
ratio garçon/fille va de 6 pour 1 à 3 pour 1. ­Parmi les
adolescents dysphoriques de plus de 12 ans sous suivi
médical le ratio garçon/fille est proche de 1 pour 12.

­ es mots ont été écrits en 2012. ­Depuis, le ratio est


C
largement excédentaire chez les jeunes filles, le nombre de
cas masculins restant relativement stable. ­Au point que la
situation évoque la courbe d’une
­­ épidémie qui toucherait

1.  ­Becky ­Mc­Ca­ ll et ­Lisa N­


­ ainggolan, « ­Transgender ­Teens: ­Is the ­Tide S­ tarting to
T­ urn ? », ­Medscape ­Pediatrics, 26 avril 2021, traduit par ­Deepl.
2.  ­­La ­W­P­A­T­H, ou ­World ­Professional ­Association for ­Transgender ­Health,
créée en 1979, offre des standards de soin et des directives éthiques pour
les professionnels. W­P­A­T­H, ­« Standards de soins pour la santé des personnes
transsexuelles, transgenres et de genre non conforme », septième version,
2013, p. 13.

22
­Le nouveau mal du siècle 

quasi exclusivement de jeunes adolescentes. U ­ ne étude


américaine récente a par exemple révélé une augmentation
des cas de 4 000 % (soit 50 fois plus) depuis 20061, et des
augmentations similaires ont été observées entre autres
en Finlande, en ­Norvège, aux ­Pays­-­Bas, au ­Canada et en
­Australie.
­Intriguée, le docteur ­Lisa ­Littman, de ­­l’université amé-
ricaine de B ­ rown, a voulu enquêter pour savoir ce qui se
passait. ­En 2018, elle fait paraître un article dans la revue
scientifique ­Plos ­One, où elle crée la notion de « dysphorie
de genre à apparition rapide », ou ­rapid ­onset ­gender dyspho-
ria (­R­O­G­D), en se fondant sur le témoignage de centaines
de parents dont les enfants avaient entamé une transition2.
­­­L’article eut un retentissement considérable, liguant contre
son auteur tous les pourfendeurs de transphobie, qui lui
firent reproche de ­­s’appuyer sur un biais, les parents seuls
étant interrogés. L’article
­­­ dut être retiré, puis republié en
2019 dans sa version corrigée.
­En quoi est­-il si scandaleux ? ­Il affirme tout simple-
ment que les demandes de transition proviennent ­­d’une
contagion sociale, ­­d’une mode induite par les modèles
véhiculés par les réseaux sociaux. ­ Selon ses données,
­­l’inversion de ­­l’occurrence statistique de dysphorie de
genre date du milieu des années 2000. P ­ lus troublant,
contrairement à ­­l’étiologie ­­jusqu’ici admise ­­d’un

1.  ­Esther ­L. M ­ eerwijk et ­Jae M


­ . ­Sevelius, « ­Transgender ­Population S­ ize in the
­United ­States: a ­Meta­-­Regression of ­Population­-­Based ­Probability ­Samples»,
­American public health association, 2017.
2.  ­Lisa ­Littman, « ­Parent Reports of Adolescents and Young Adults Perceived
to Show Signs of a Rapid Onset of Gender Dysphoria », ­Plos ­One, 2018.

23
Enquête sur la dysphorie de genre

sentiment présent dès ­­l’enfance, cette nouvelle dysphorie


apparaît brutalement chez des filles à l’entrée ­­ de la
puberté, et ­­n’est précédée ­­d’aucun signe ; j­usqu’alors, ces
petites filles vivaient sans gêne leur féminité.
­On peut imaginer ­­qu’une visibilité accrue des per-
sonnes transgenres dans les médias, la disponibilité de
­­l’information en ligne et la réduction de la stigmatisation
de la transidentité expliquent ­­l’augmentation du nombre
de patients cherchant des soins ; peut­-être est­-ce le cas en
partie. ­Mais cette explication ne convainc pas e­ ntièrement.
« ­­­S’il y avait des changements culturels qui rendaient plus
acceptables pour les personnes nées femmes la recherche
d’une transition, cela n’expliquerait
­­ ­­ pas pourquoi
­­l’inversion du ratio par sexe signalée pour les adolescents
n’a pas été signalée pour les populations ­­
­­ d’adultes »,
objecte-t-elle dans son étude.
En s’appuyant sur les témoignages de parents dont
­­l’adolescent souffre ­­d’une dysphorie de genre ­­jusqu’alors
indétectable, ­Lisa ­Littman souligne que ces jeunes fré-
quentent de façon assidue les réseaux sociaux et les
chaînes vidéo de personnes trans, et reprennent très sou-
vent le langage ­­qu’ils trouvent en ligne. 22 % des adoles-
cents étudiés avaient été conseillés en ligne sur ce ­­qu’il
faut dire, devant un clinicien, pour obtenir des hor-
mones, et 20 % avaient reçu le conseil de manier la
menace du suicide. ­La chercheuse soutient l’idée ­­ que les
adolescents, et notamment les filles, dépasseraient les dif-
ficultés liées à ­­l’adolescence – anxiété, troubles alimen-
taires, difficultés relationnelles – en s’identifiant
­­ à une
figure valorisée, celle de la personne trans. L ­ a thèse de la

24
­Le nouveau mal du siècle 

contagion sociale ­­s’appuie sur le fait que, au sein des


groupes ­­d’amitié étudiés,

le nombre moyen de personnes qui se sont identifiées


comme transgenres était de 3,5 par groupe. ­Dans 36,8 %
des groupes ­­d’amis décrits, la majorité des individus du
groupe se sont identifiés comme transgenres. ­Les parents
ont décrit une dynamique de groupe intense où des groupes
­­d’amis félicitaient et soutenaient les personnes identifiées
comme transgenres et ridiculisaient et calomniaient les
personnes non transgenres1.

­ es parents décrivent aussi une logique de groupe fon-


L
dée sur la victimisation et sur la moquerie ­­d’autres catégo-
ries de personnes, notamment les hétérosexuels, les « cis2 »
et les personnes de leur propre famille. ­Se révéler trans-
genre offrirait ainsi à nombre d’adolescentes
­­ non seule-
ment la clé ­­d’interprétation de tous leurs problèmes, mais
également une nouvelle famille, acceptante et autrement
plus attractive que leur pâle environnement familial. C ­e
serait, en somme, une forme d’auto­
­­ -endoctrinement sec-
taire, une façon inadaptée de répondre à un trouble, bien
réel celui­-ci, et qui présente de fortes similitudes avec
­­l’anorexie. ­La comparaison est ­­d’autant moins absurde que
les adolescentes trans sont plus que ­­d’autres frappées par
ce trouble alimentaire :

1.  ­Ibid.
2.  « ­Cis », par opposition à « trans », désigne ceux pour qui le sexe « assigné à
la naissance » coïncide avec « ­­l’identité de genre ». ­La question du vocabulaire
sera développée plus bas.

25
Enquête sur la dysphorie de genre

­Il a été démontré que la contagion par les pairs est un


facteur dans plusieurs aspects des troubles de ­­l’alimentation.
­Il existe des exemples dans la littérature sur les troubles de
­­l’alimentation et l’anorexie
­­ mentale de la façon dont les
symptômes et les comportements d’intériorisation
­­ ont été
partagés et propagés via ­­l’influence des pairs1.

­La journaliste américaine ­Abigail ­Shrier a repris ­­l’analyse


de ­Lisa ­Littman dans un livre traduit en février 2022,
­Irreversible ­Damage  2. ­
Son enquête confirme ­­ l’existence
­­d’une contagion sociale à l’œuvre
­­ chez les adolescentes et
jeunes adultes :

­Cela a à voir avec les modes ­­d’amitié que les filles


partagent, leur tendance à assumer la souffrance de leurs
amis, à être en accord avec leurs croyances, au point même
de suspendre la réalité pour se mettre de leur côté. E ­t
ainsi, elles s’encouragent
­­ dans leur dysphorie, se poussant
mutuellement aux hormones et aux chirurgies3.

­ n ce cas, la prudence semble être de mise. ­Bien que


E
ces parutions aient été reçues sous les huées, elles sont
les seules à rendre compte du phénomène observé et
reçoivent de surcroît une confirmation glaçante de la

1.  ­Lisa L
­ ittman, op. cit.
2.  ­Abigail ­Shrier, ­Irreversible ­Damage: ­The ­Transgender ­Craze Seducing
our ­Daughters, ­Swift ­Press, 2021 ; trad. fraçaise : Dommages irréversibles.
Comment le phénomène transgenre séduit les adolescentes, Paris, Le
Cherche-Midi, 2022 (non utilisée pour le présent ouvrage).
3.  E­ ntretien mené par Eugénie ­Bastié, « Adolescents transgenres : “Il existe un
vrai phénomène de mode aux États­-­Unis” », ­Le ­FigaroVox, 15 décembre 2020.

26
­Le nouveau mal du siècle 

part de ceux qui ont fait ce voyage, et entament le retour.


­On les nomme les « détransitionneurs ».

­­­L’erreur de diagnostic est possible :


les détransitionneurs
­­­L’existence de plus en plus visible des détransitionneurs,
le plus souvent des femmes qui avaient connu une ­R­O­G­D,
atteste que le diagnostic de dysphorie de genre peut être
posé de façon hâtive et que sa prise en charge par le corps
médical peut provoquer des « dommages irréversibles »,
pour reprendre ­­l’expression ­­d’­Abigail ­Shrier. ­Selon les
chiffres avancés par les militants trans, cela ne concerne­
rait que 1 à 5 % des personnes « transitionnées ». ­Rares en
effet sont les personnes qui se signalent aux cliniciens
pour exprimer un regret après avoir bénéficié de soins.
­­Néanmoins, des controverses existent quant à la rareté du
phénomène, à cause de la difficulté à suivre la population
des personnes ayant subi une transition. ­Il se pourrait que
le chiffre soit bien plus important, comme en témoignent
les associations qui se sont créées récemment, ­Detrans au
­Canada, ­Post ­Trans en B ­ elgique, ou encore le groupe de
discussion dédié sur le site web communautaire américain
­Reddit, qui comprend désormais plus de 20 000 membres.​
­En ­Suède, le phénomène est tel que la ­Lundstrom ­Gender
­Clinic propose une thérapie traumatique aux personnes en
« détransition ».
­En ­Belgique, ­­l’association ­Post ­Trans, créée par deux
femmes qui ont « détransitionné », s’attache ­­ à rendre
visibles ces personnes et à faire entendre leur voix, en dépit

27
Enquête sur la dysphorie de genre

des accusations de transphobie qui les visent. ­Dans une


brochure ­­qu’elle édite, ­« La ­détransition de genre, un par-
cours de réconciliation avec soi­-même », ­­l’association a
mené une enquête auprès de 75 personnes en détransition,
dont 61 femmes, 2 intersexes et 12 hommes. ­La plupart
des femmes déplorent que le corps médical n’ait ­­ pas inter-
rogé leur désir de devenir un homme, voire qu’il les ait
incitées à vivre une transition présentée comme seul
remède à leurs maux, aux dépens d’une ­­ prise en charge
psychothérapeutique de leur souffrance. ­Elles parlent éga-
lement du rejet dont elles ont été l’objet
­­ de la part de la
communauté ­L­G­B­T. ­Ces femmes, qui parlent le plus sou-
vent à visage couvert, comme dans le documentaire
anglais ­Transgender ­Kids  : ­Who ­Knows ­Best1 ? ou dans le
documentaire suédois ­The Trans Train2, témoignent toutes
de la difficulté à « prendre le train à ­­l’envers », ­­d’abord
parce que leur corps est définitivement mutilé, coincé
entre un corps d’homme
­­ et un corps de femme, ensuite
parce qu’elles
­­ sont – disent­-elles – menacées et accusées
de transphobie si elles osent faire part publiquement de
leur parcours.
­Pas de quoi faire reculer le discours militant sur la
trans­identité. S­ elon les associations de défense des per-
sonnes trans, ce phénomène est très marginal et ne doit
pas remettre en cause la transition précoce des enfants

1.  ­Alex ­Berk, ­Transgender ­Kids: ­Who ­Knows Best  ?, 2017. ­Ce documentaire de
la B
­B ­ ­C a été déprogrammé par la C ­ ­B­C au Canada quelques heures avant sa
diffusion, sous la pression de militants de la cause ­L­GB ­ ­T qui l’accusaient de
transphobie.
2.  K­ arin Matisson et Carolina Jemsby, The Trans Train, 2019.

28
­Le nouveau mal du siècle 

dysphoriques, parce que cette dernière leur permettra


d’obtenir plus facilement un bon « passing » à ­­l’avenir,
­­
­­c’est­-à­-dire d’avoir une apparence plus conforme à celle de
­­l’autre sexe, sans recourir à des chirurgies esthétiques pour
corriger les effets de la puberté. ­Elles soulignent également
que, souvent, les personnes qui regrettent une transition
ne reviennent pas à leur sexe d’origine,
­­ mais continuent à
explorer leur genre autrement. ­La transidentité serait alors
vécue comme un parcours fluide de découverte de soi.
­Denise ­Medico, professeur au département de sexologie à
­­l’­université du Q­ uébec à M ­ ontréal, mène actuellement
une étude importante sur ces parcours. L ­a professeur
impute ces retours en arrière au poids de la médicalisation,
mais aussi au poids social et à la pression des « normes
binaires et patriarcales ». ­Elle souligne que beaucoup de
détransitionneurs ne reviennent pas purement et simple-
ment à leur sexe d’origine
­­ mais optent pour une identifica-
tion queer, qui recouvre ­­l’ensemble des identités « étranges »,
« bizarres », non majoritaires. E ­ lle y voit donc un argument
non pas pour rétablir une é­valuation avant la transition,
­­qu’elle apparente à « un durcissement des positions et à un
empêchement de penser », mais pour favoriser des transi-
tions plus « fluides ». « ­Il faut donner un espace de confiance
aux jeunes qui transitionnent ou détransitionnent dans
lequel iels puissent explorer leur rapport au genre et leurs
attentes. ­Les hormones et opérations ne constituent pas la
meilleure alternative pour tous·tes », déclare­-t­-elle1.​ ­De fait,

1.  ­Citée par Pauline ­Allione, « ­Genre : avec cell.eux qui sont revenu.es sur leur
transition », ­Urbania, 21 mai 2021.

29
Enquête sur la dysphorie de genre

ces personnes parlent souvent de leur transition comme


­­d’une étape dans leur vie qui leur a permis, à un moment
donné, de répondre à une souffrance.
Il ­­
­ n’en demeure pas moins que, contrairement à ce
­­qu’écrit ­Denise ­Medico, elles ne referaient pas ce chemin à
nouveau si ­­c’était à refaire. ­Balayer leur témoignage d’un
revers de la main revient à nier que la transition puisse par-
fois être facteur de souffrance. ­­­L’euphémisme des sciences
sociales, qui voient dans le « regret » une modalité possible
de ­­l’expérience toujours mouvante du genre et du sexe,
« ­­l’expression ­­d’un devenir de genre en débordement », « un
devenir qui ­­n’a ni forme pure ni dimension unique »1, est
une façon de transformer les ratés des cliniques de genre en
péripéties que chacun connaît dans la construction de son
identité, qui ne doit plus se penser comme binaire, soit
homme, soit femme. E ­ n aucun cas, une transition médi-
cale ne peut être un drame. ­Et tant pis pour celles qui
témoignent du contraire : elles doivent être transphobes.

­Une haine de la féminité ?


­La phobie dont souffrent ces jeunes femmes semble
bien davantage celle de leur propre féminité. I­­C­I ­Radio-
­Canada rapporte le témoignage ­­d’­Helena, 19 ans, qui a
pris de la testostérone pendant dix­ -huit mois, et qui
témoigne désormais sur ­You­Tube de son parcours, avec
deux autres détransitionneuses2. « ­Sur ­Instagram, avec les

1.  ­Arnaud A­ lessandrin, « ­La notion de regret dans la clinique du changement de


genre », ­Elsevier, 2019, www.sciencedirect.com, consulté le 22 novembre 2021.
2.  Émilie D ­ ubreuil, « ­Je pensais que ­­j’étais transgenre  », ­I­C­I ­Radio-­Canada,
13 mai 2019.

30
­Le nouveau mal du siècle 

images de filles super belles, féminines, sexy, tu te dis ­­qu’il


­­n’y a pas ­­d’autres voies. ­Je me disais : “­Je vais devoir deve-
nir une bombe sexuelle, me taire, être consommable.” Ça
a déclenché en moi une peur intense, une anxiété. » ­Son
témoignage suggère en outre un élément déclencheur
rarement rapporté, y compris par tous ceux qui sou-
lignent, à raison, le poids indu des stéréotypes sexuels sur
les jeunes femmes : la pornographie, et tous les clichés
­­qu’elle véhicule sur le plaisir et les désirs féminins. « À
­­l’école, j’entendais
­­ les gars parler de la porno[graphie]
­­qu’ils découvraient sur I­ nternet. ­Je trouvais ça dégueulasse,
la façon dont on y humiliait les femmes, la pornographie
basée sur les viols en particulier. Ça ne te donne vraiment
pas le goût du tout d’être ­­ une femme. »
­­­C’est encore l’opinion
­­ à laquelle est arrivée A ­ bigail
­Shrier, après avoir interrogé plus de cent médecins, psy-
chologues, détransitionneurs, parents, militants et per-
sonnes transgenres. L’une ­­­ de ces psychologues, S­asha
­Ayad, qui travaille auprès des enfants en transition, le
confirme : « ­Les enfants avec qui je travaille sont souvent
bien effrayés par le porno. ­Dans certains cas, le porno a
joué un grand rôle dans leur nouvelle identification de
genre1. » ­Abigail ­Shrier ajoute :

­De nombreuses adolescentes ­­s’identifiant comme


transgenres ne veulent pas réellement devenir des

1.  ­Abigail ­Shrier, « ­The ­Book ­Silicon ­Valley Tried to Kill: ­Abigail ­­­Shrier’s Investi-
gation into the Exploding Numbers of Girls Wanting to Change Sex Has Caused
an Outcry in A ­ merica – but her Story Must Be Heard », ­The ­Daily ­Mail, 2 janvier
2021.

31
Enquête sur la dysphorie de genre

hommes. E ­ lles veulent simplement fuir la féminité comme


une maison en feu, ­­l’esprit fixé sur la fuite et non sur
une destination particulière. ­Elles se sentent étrangères
à leur corps et aux changements apportés par la puberté :
acné, règles et développement des seins, et attention
inconfortable des hommes… ­­­C’est une histoire que les
­Américains doivent entendre1.

­ ans ce cas, la puberté féminine serait perçue comme


D
une maladie dont la testostérone serait le médicament,
dans un pays où il y a un traitement pour tout : la ­Ritaline
pour les troubles de ­­l’attention et le ­Xanax pour les troubles
anxieux.

­ ymptôme ou cause ? ­Dysphorie de genre


S
et troubles associés
­Les adolescentes qui veulent changer de sexe ne sont pas
seulement les garçons manqués ­­ d’hier, vivant mal la
puberté féminine, l’apparition
­­ des règles, les variations du
cycle hormonal et la transformation de leur corps. ­Elles
souffrent le plus souvent de troubles associés. S­ ont­-ils la
poule ou l’œuf,
­­ à la source ou simples conséquences de la
dysphorie de genre ? ­Quoi qu’il
­­ en soit, ces jeunes filles
souffrent parfois ­­d’une forme de dysmorphie corporelle
assez proche de ­­l’anorexie mentale, à savoir un trouble
consistant à être obsédé par un défaut physique imagi-
naire, ou encore une fausse perception de son corps
accompagnée ­­d’une souffrance intense. « ­­­J’ai lutté contre
de la dysmorphie corporelle et des troubles alimentaires

1.  ­Ibid.

32
­Le nouveau mal du siècle 

depuis l’âge­­ de 12 ans, et la prise d’hormones


­­ ­­m’est appa-
rue comme la solution miracle à tout cela », raconte E ­ llie,
détransitionneuse de 21 ans. ­« Une façon d’échapper
­­ à la
forte dissociation que je ressentais par rapport à mon
corps1. » ­Comme dans le cas de l’anorexie,
­­ cette dysmor-
phie corporelle procéderait de clichés et d’injonctions
­­
étouffantes adressés aux filles, et surtout à leur corps : sois
mince, sois belle. ­Ou encore : sois désirable.
­Comme dans le cas d’­ ­­ Ellie, la plupart de ces troubles
associés à la dysphorie de genre sont diagnostiqués avant
même l’apparition de la dysphorie de genre. U ­ n examen
des cas présentés dans les hôpitaux finlandais pour dyspho-
rie de genre de 2011 à 2021 montre que 75 % des enfants
concernés étaient ou avaient été suivis auparavant pour
des troubles autres, et avaient suivi un traitement. 64 %
­­d’entre eux souffraient de dépression, 55 % d’anxiété, ­­
53 % de pensées suicidaires et de conduites autodestruc-
trices, 13 % étaient psychotiques, 9 % souffraient de
troubles des conduites, 4 % de toxicomanie, 26 %
­­d’autisme et 11 % de troubles de ­­l’attention2.
­Bien des enfants concernés ont vécu des épisodes trau-
matisants : abus sexuel, mais aussi divorce des parents. C’est ­­­
le cas d’une
­­ jeune fille, nommée M ­ anon, qui souffre d’états
­­
anxieux et de crises de mutilation à la suite du divorce de
ses parents et des viols subis enfant de la part de son oncle :
« À 16 ans, ­Manon parvient à nommer son dégoût à ­­l’égard

1.  ­Lire le témoignage ­­d’­Ellie, « ­Ma transition était une échappatoire », sur le site
de ­­l’association ­P­ost ­T­rans, post­-trans.com.
2.  ­John ­Whitehall, « ­Experimenting on Gender Dysphoric Kids », ­Quadrant,
24 juillet 2018.

33
Enquête sur la dysphorie de genre

des hommes en tant qu’objet ­­ de leurs désirs sexuels. E ­ lle


pense qu’en ­­ changeant de sexe elle pourra réaliser pleine-
ment sa sexualité en évitant les hommes. A ­ insi, elle souhaite
se transformer et devenir elle­-même un homme afin, dit­-
elle, d’être
­­ en couple avec une femme1. » ­Enfin, la propor-
tion de troubles autistiques dans la population trans est
­significativement plus importante que dans la population
générale. « ­Entre 8 et 10 % des enfants et des a­ dolescents
qui se rendent dans des cliniques spécialisées dans
­­l’identité de genre dans le monde remplissent les critères de
diagnostic de l’autisme 
­­ », et « environ 20 % ont des traits
autistiques comme par exemple des capacités sociales et de
communication limitées » 2.
­La question de savoir si la dysphorie de genre provient
­­d’une profonde « incongruence de genre » ou si elle n’est ­­
que le symptôme d’un ­­ autre trouble, ou d’une
­­ autre souf-
france, est donc plus que justifiée. ­Cette dernière explica-
tion apparaît même plausible, au moins pour une part de
ces adolescents. ­Mais dans ce cas, entamer une transition
médicale aboutirait à traiter un problème d’ordre ­­ psychia-
trique ou p ­ sychologique par des médicaments inadaptés,
voire par une chirurgie inutile et mutilante. À soigner les
maux de l’âme ­­ non par la parole, mais en modifiant le
corps.

1.  ­Emmanuel de ­Becker, pédopsychiatre, « ­La destructivité liée à ­­l’abus sexuel


sur ­­l’enfant  », dans ­La ­Psychiatrie de ­­l’enfant, ­Paris, ­P­U­F, 2020, p. 3­-21.
2.  ­Deborah ­Rudacille, « ­Vivre entre les genres », ­The ­Spectrum News, 13 avril
2016.

34
­Le nouveau mal du siècle 

L­ a transition comme thérapie de conversion


pour les homosexuels ?
­Un autre élément contribue à mettre à mal le diagnostic
de dysphorie de genre : très souvent, les enfants qui
déclarent être nés dans le mauvais corps ne ­­s’identifient
plus comme transgenres à l’âge ­­ adulte, mais se révèlent
homosexuels. S­ i bien qu’une
­­ transition médicale précoce
des enfants pourrait apparaître comme une forme de
­thérapie de conversion à l’hétérosexualité.
­­ ­En 2019, cinq
cliniciens ont expliqué au ­Times pourquoi ils avaient
démissionné du ­Gender ­Identity ­Development S­ ervice de
­Londres (­G­I­D­S). ­Ils racontent ­­qu’ils recevaient beaucoup
de jeunes gays et surtout de lesbiennes victimes
d’intimidation ou ­­
­­ d’homophobie refoulée, qui souhai-
taient changer de sexe pour échapper à leur homosexua-
lité. ­Au point que le personnel de la clinique venait à plai-
santer en ces termes : « ­Il ­­n’y aura bientôt plus de gays. »
­I­C­I ­Radio-­Canada a recueilli le témoignage édifiant de
trois hommes qui se sont crus transgenres pour échapper à
leur homosexualité :

­Chez son psychologue, J­ ay se rend compte qu’il ­­ a pris


une mauvaise route. « ­­­J’étais gay et je ne l’acceptais
­­ pas.
­­­C’était aussi simple que ça. J­ e ­­n’ai jamais été une femme.
­­­J’ai voulu me faire croire et ­­j’ai fait croire à tout le monde
que ­­j’étais une femme parce que l’idée ­­ de changer de
peau quand on n’est­­ pas bien dans la sienne est tellement
séduisante ! ­­­Aujourd’hui, j’ai­­ des seins et un pénis, mon
visage est peut­-être celui d’une
­­ femme, ou d’un­­ homme »,
soupire J­ ay, qui dit en plus subir la haine ­­d’anciens amis
transgenres pour avoir exprimé ses regrets.­[...] « ­Changer

35
Enquête sur la dysphorie de genre

de sexe, cela devait me libérer, mais ça a fait l’inverse.


­­ ­­­J’ai
une dépendance aux hormones pour le reste de ma vie. J’ai ­­­
des chaleurs comme une femme ménopausée et je n’ai ­­ pas
de relations sexuelles. » 1

Les témoignages les plus nombreux concernent des


­
jeunes filles qui découvrent à l’adolescence
­­ ­­qu’elles sont
attirées par d’autres
­­ filles, et qui développent une forme
­­d’homophobie intériorisée. ­­­C’est le cas ­­d’Helena  :

­Je ne voulais pas être lesbienne. ­[…] Quand ma


mère me disait : « ­Tu peux être une fille sans tomber
dans ces clichés de filles. ­Tu peux être une fille comme
tu ­­l’entends »… ­Je criais : « ­Non, je ne veux pas être une
lesbienne poilue ! ­Non ! ­Pas lesbienne ! ­Je suis un homme,
je suis un homme ! »2

­Paradoxalement, il leur semble plus admissible, sociale-


ment, de devenir des hommes que ­­d’être lesbiennes. ­La tolé-
rance et la valorisation de la transidentité apparaissent alors
comme un piège et un leurre pour des adolescents qui attri-
buent leur orientation sexuelle à une hypothétique « iden-
tité de genre » non congruente avec leur sexe biologique.

1.  ­Émilie ­Dubreuil, op. cit.


2.  Ibid.
­CHAPITRE 2

­­­L’utopie de la transition
médicale

L­ es bloqueurs de puberté sont­-ils vraiment


réversibles ?
­Le modèle qui prévaut aujourd’hui
­­ dans le monde pour
accompagner les enfants transgenres, et qui ­­ s’impose en
­France, est calqué sur le protocole néerlandais qui, le premier,
dans les années 2000, a rendu possible une transition médicale
pour les enfants. I­ l s’agissait
­­ ­­d’anticiper les effets de la puberté
chez des enfants présentant des signes sévères de dysphorie de
genre, afin de rendre plus aisé le « passing » de la personne à
­­l’âge adulte. ­Suivant ce protocole, quand un enfant présente
des signes de dysphorie de genre, les médecins lui proposent
une transition sociale, à savoir de faire l’essai ­­ de vivre sous
­­l’identité ­­qu’il ressent être la sienne. À partir des premiers
signes de la puberté, dès le stade 2 de ­­l’échelle de ­Tanner1,

1.  ­La classification de T­ anner, créée en 1962, permet de définir les stades du
développement pubertaire.

37
Enquête sur la dysphorie de genre

soit 10 à 12 ans pour les filles, un peu plus tard pour les gar-
çons, ­­l’enfant se voit administrer des bloqueurs de puberté.
­Ces inhibiteurs d’hormones
­­ pris par injection intramuscu-
laire tous les mois empêchent le développement des caractères
sexuels secondaires, tels les seins chez les filles ou la barbe chez
les garçons, la modification de l’ossature,
­­ de la musculation
ou encore de la voix.
­­­D’après les cliniques de genre, ­­l’effet des bloqueurs de
puberté serait totalement réversible. N ­ otons que ces der-
niers sont normalement prescrits pour des raisons précises,
par exemple pour retarder pendant un an ou deux une
puberté trop précoce. ­Administrés à des enfants dyspho-
riques, les bloqueurs de puberté sont utilisés hors autorisa-
tion de mise sur le marché (­AM ­ ­M). L­ es études manquent
pour déterminer les effets ­­d’une utilisation prolongée qui
peut durer ­­jusqu’à six ans. ­Pourtant, toutes les institutions
de référence en recommandent ­­l’usage et affirment ­­qu’ils
sont absolument réversibles et sans effet secondaire majeur.
­­­C’est le cas de l’­A­PA (­American ­­Psycological ­Association1),
mais aussi de la ­W­P­A­T­H et de toutes les associations de
personnes transgenres.
­Il ­­s’agit, pour le moins, ­­d’un mensonge par omission.
­On connaît mal, voire pas du tout, les effets secondaires
des bloqueurs de puberté sur le corps de l’enfant, ­­ et leurs
effets à venir. L ­ es médecins concèdent que les bloqueurs
de puberté provoquent une diminution de la densité et
de la taille des os. E ­ n clair, la jeune fille devenue garçon

1.  ­Sa brochure de 2016, ­« Supporting and ­Caring for ­Trans ­Children », recom-
mande les bloqueurs de puberté pour les jeunes adolescents dysphoriques.

38
­­­L’utopie de la transition médic

sera de petite taille, même comparativement à la popula-


tion féminine, et elle risque de souffrir ­­d’ostéoporose.­
En outre, en bloquant la puberté, on freine le processus
de maturation du cerveau en intervenant sur la myélini-
sation des axones1, notamment au niveau des cellules du
système nerveux central, dans laquelle les hormones
sexuelles sont essentielles. ­Ce phénomène permet aux
adolescents de mieux développer leurs capacités de pen-
sée abstraite et donc de mieux comprendre les risques
associés au traitement.
­Le mensonge majeur concerne la promesse que ­­l’enfant
a le choix de changer de voie. ­En réalité, engager ­­l’enfant
dans une transition sociale précoce, et ensuite lui adminis-
trer des bloqueurs de puberté, ce ­­n’est pas « appuyer sur la
touche pause », selon ­­l’expression couramment utilisée par
les cliniques de genre, ni accorder un « répit » à l’enfant
­­
afin de lui donner le temps de choisir ce ­­qu’il veut devenir,
mais ­­c’est déjà ­­l’emmener dans une voie dont il ne sortira
pas le plus souvent. L ­ a docteur ­Marci ­Bower, femme trans-
genre (­M­T­F2), chirurgienne spécialiste de la reconstruc-
tion des vagins et membre du conseil ­­d’administration de
la ­W­P­A­T­H, a exprimé des doutes quant à ­­l’opportunité de
socialiser un enfant sous une autre identité : « ­Vous allez
aller socialement à ­­l’école en tant que fille, et vous avez pris

1.  L­ a myélinisation est la formation d’une


­­ gaine de myéline, ou substance
liquide blanchâtre, autour des fibres nerveuses. ­Elle joue un rôle capital dans
les apprentissages et accélèrent la conduction des messages nerveux.
2.  ­MTF : personne née homme vivant sous une identité féminine ; FTM : per-
sonne née femme vivant sous une identité masculine (en anglais, respective-
ment male to female et female to male).

39
Enquête sur la dysphorie de genre

cet engagement. ­ Comment faire marche arrière  ? 


»,
remarque­-t­-elle en réponse à ­Abigail ­Shrier .1

­Or, selon les différentes études existantes, 80 % environ


des enfants dysphoriques de genre se réconcilient avec leur
sexe de naissance après la puberté. D ­ onner des bloqueurs
de puberté à des enfants dont la majeure partie ne présen-
tera plus de trouble à l’adolescence
­­ est donc discutable,
­­d’autant ­­qu’il n’est
­­ pas possible de discerner quel enfant
verra sa dysphorie perdurer à ­­ l’adolescence. ­Dans le
­documentaire ­Transgender ­Kids  : ­Who ­Knows ­Best  ?, le psy-
chologue et sexologue canadien spécialiste de l’«  ­­ identité
de genre », ­Kenneth ­Zucker, témoigne ­­qu’il ­­n’est pas en
mesure de déceler lequel des enfants dysphoriques ­­qu’il
suit verra sa dysphorie disparaître à l’adolescence.
­­ ­Selon
lui, ni ­­l’ancienneté du sentiment ni sa force ne présument
­­qu’il perdurera après la puberté.
­Inversement, selon les chiffres fournis par les cliniques
de genre, le nombre ­­d’enfants qui renoncent à une transi-
tion après avoir pris des bloqueurs de puberté est très
faible. ­ Le ­GI­­
D­S lui­-même a réalisé une étude en
février 2021 selon laquelle « presque 100 % des enfants
prenant ces agents ont continué à prendre des hormones
sexuelles croisées », contredisant ses propres affirmations
selon lesquelles les bloqueurs de puberté fonctionnent
comme un bouton « pause » pour donner aux enfants plus
de temps pour réfléchir : « ­Plutôt, les résultats suggèrent

1.  ­Abigail S­ hrier, « ­Top ­Trans ­Doctors B


­ low the W
­ histle on “Sloppy” Care »,
article consultable sur le site de C ­ ommon Sense with B ­ ari ­Weiss, bariweiss.
substack.com, 4 octobre 2021.

40
­­­L’utopie de la transition médic

que les enfants étaient effectivement sur un chemin à sens


unique vers la transition médicale1. »

L­ es lourds effets secondaires


des hormones croisées
­Quand bien même les bloqueurs de puberté seraient
inoffensifs – ce qui reste à prouver –, l’hormonothérapie
­­
qui les suit quasi systématiquement est dangereuse. E ­ lle
peut provoquer des événements thromboemboliques, des
maladies cardiovasculaires et des tumeurs malignes.
­­­L’endocrinologue américain ­Michael ­K. ­Laidlaw, qui
­­s’oppose à la prise ­­d’hormones par des enfants, en fait un
tableau assez effrayant :

­Pour les mâles biologiques, la prise d’hormones


­­ féminines,
telles que les œstrogènes, ou pour les femelles biologiques, la
prise ­­d’une hormone mâle, telle que la testostérone, ­­n’est pas
sans risque considérable pour la santé, en particulier aux doses
suggérées. ­Les hommes prenant des hormones féminines
courent un risque élevé de formation de caillots sanguins, qui
peuvent être mortels s’ils
­­ se logent dans les poumons. E ­ lles
présentent également un risque accru de cancer du sein, de
maladie coronarienne, de maladie cérébrovasculaire, de calculs
biliaires et de taux élevés de prolactine, l’hormone
­­ de lactation.­
Les femmes prenant des hormones mâles présentent un risque
élevé d’érythrocytose
­­ (un nombre de globules rouges supérieur
à la normale). ­Elles présentent également un risque accru de
dysfonctionnement hépatique grave, de maladie coronarienne,
de maladie cérébrovasculaire, d’hypertension
­­ et de cancer du
sein ou de ­­l’utérus. ­

­ cCall et ­Lisa ­Nainggolan, ibid.


1.  ­Becky M

41
Enquête sur la dysphorie de genre

­ n outre, le traitement affecte la fonction sexuelle. L


E ­ es
filles qui prennent de la testostérone peuvent avoir de
grandes difficultés à éprouver du plaisir sexuel. ­De faibles
niveaux d’œstrogènes
­­ peuvent impliquer une atrophie
vaginale, une sécheresse vaginale provoquant démangeai-
sons, infections bactériennes, saignements pendant
­­l’activité sexuelle, ou encore incontinence urinaire. P ­ ire, la
prise ­­d’hormones consécutive aux bloqueurs de puberté
entraînera la stérilité. ­Les organes génitaux resteront blo-
qués au stade 2 de la classification de ­Tanner. ­­­L’œstrogène
qu’un garçon reçoit permettra le même développement
­­
mammaire que celui ­­d’une femme adulte. ­Cependant, ses
testicules seront incapables de produire des spermatozoïdes
aptes à féconder un ovule. E ­ n fait, il ­­n’est même pas pos-
sible de stocker du sperme pour une future ferti-
lité. ­­­L’endocrinologue pour enfants ­Tandy ­Aye, directrice
de la P ­ ediatric and A
­ dolescent G­ ender ­Clinic à Stanford
en ­Californie et membre de la ­W­P­A­TH ­ , y voit, lors d’une
­­
conférence à ­­l’­université du ­Nevada, en février 2019, une
raison pour opérer les enfants qui ont pris des hormones :

­ i on a pris des bloqueurs de puberté et qu’ensuite


S ­­ de
­­l’œstrogène a été ajouté au traitement, les testicules ne se
sont jamais développés. E ­ n fait, [le patient] ne fabrique
aucun sperme et la capacité à être un parent biologique
a été éliminée. E ­ n médecine, ne recommande­-t­-on pas
­­d’enlever des organes inutiles1 ?

­ ubreuil, op. cit.


1.  Citée par Émilie D

42
­­­L’utopie de la transition médic

­ es réticences que fait naître la perspective d’une


L ­­ stéri-
lité future suscitent les sarcasmes de certaines associations
militantes, qui y voient une assignation réactionnaire de la
femme à ­­l’enfantement. À titre ­­d’exemple, une militante
­L­G­B­T française qui se définit comme « gouine commu-
niste », ­Camille ­Lupo, écrit, pour balayer la crainte d’une
­­
stérilité future chez les hommes transgenres :

­Ce que menacent les personnes trans pour ces prétendues


féministes, ­­c’est la norme biologique ­­qu’elles définissent
pour les femmes autour de la notion de fertilité. U ­ ne
notion profondément réactionnaire qui, en essentialisant
les femmes, menace les acquis de toute la seconde vague
du féminisme en termes ­­d’émancipation et de droit à
­­l’autodétermination hors du carcan des rôles assignés aux
femmes par la société patriarcale1.

­ t tant pis si le droit à ne pas enfanter se transforme en


E
impossibilité ­­d’enfanter ! L­ a perte de fécondité ­­n’apparaît
pas comme un si grand dommage, y compris chez des thé-
rapeutes spécialisés auprès des enfants dysphoriques.­
Le 7 avril 2021, le ­Child and ­Adolescent ­Gender ­Center à
San Francisco a proposé une « formation » ­Zoom intitulée
« ­Problèmes de fertilité pour les jeunes transgenres et non
binaires ». ­La thérapeute spécialisée dans les questions de
genre, ­Diane ­Ehrensaft, y explique que les enfants dont la
puberté a été arrêtée et qui ont suivi une hormonothérapie
n’ont quasiment aucune chance ­­
­­ d’être fertiles à ­­
l’âge

1.  C
­ amille ­Lupo, « ­Royaume­-­Uni. ­Campagne réactionnaire contre les jeunes
trans », sur le site de R ­ évolution permanente, 17  décembre 2020, revolu-
tionpermanente.fr, consulté pour la dernière fois le 13 décembre 2021.

43
Enquête sur la dysphorie de genre

adulte. E ­lle estime cependant que «  les avantages


­­l’emportent sur les risques » parce que, selon elle, la stéri-
lité mène rarement au suicide, alors que la dysphorie de
genre entraîne une détresse qui met en jeu la vie de ­­l’enfant.
­Dans une conférence de 2016 en ­Californie, elle ­­s’était
attaquée aux parents qui craignent pour la fécondité de
leur enfant, les accusant ­­d’un « désir égoïste » de devenir
grands­-parents d’un
­­ enfant « génétiquement apparenté ».
Et de comparer le traitement à la chimiothérapie des
­
enfants, dont les effets secondaires peuvent comprendre la
stérilité. D
­ iane ­Ehrensaft assimile donc le traitement de la
dysphorie de genre à une question de vie ou de mort1.

­Une transition chirurgicale douloureuse et imparfaite


­La transition médicale est présentée comme une avan-
cée progressiste. ­Dans les faits, elle ressemble davantage à
une épreuve physique redoutable, pour un résultat très
discutable. L ­ oin des vidéos spectaculaires qui mettent en
scène la transformation de soi et la conquête ­­d’une appa-
rence, masculine ou féminine, désirable, voire sexy, la
transition met le corps à ­­l’épreuve sans jamais parvenir à
donner ce ­­qu’elle fait miroiter : le corps de l’autre
­­ sexe.
­­­Qu’un corps né femelle se développe avec une apparence
masculine grâce à la testostérone ne lui donnera jamais la
fonction sexuelle masculine.

1.  Ces deux propos sont rapportés, à partir des vidéos Z­ oom disponibles sur
­You­Tube, par le site 4thwavenow.com tenu par une communauté de per-
sonnes hostiles à la transition médicale des enfants. A ­ rticle et liens ­You­Tube
consultables en ligne « ­T­M­I: ­Genderqueer 11­-Year­-Olds ­­Can’t Handle Too Much
Info about Sterilizing Treatments–but Do Get On with Those Treatments »,
consulté pour la dernière fois le 23 novembre 2021.

44
­­­L’utopie de la transition médic

­ ette tautologie doit cependant être rappelée, tant le


C
récit et la mise en images de la transition rendent plausible
­­l’identification à ­­l’autre sexe au point ­­d’oblitérer ­­qu’il ­­n’est
pas possible de changer de corps. ­­­ L’endocrinologue
­Michael ­K. L ­ aidlaw, qui ne travaille pas auprès d’un
­­ public
transgenre et qui ­­s’oppose publiquement à toute interven-
tion médicale auprès des enfants – ce qui l’expose ­­ à
­­l’accusation de parler sans savoir, « depuis son fauteuil » –,
a notamment publié un texte glaçant. Il met en lumière
tous les mensonges sur la transition, surtout par omission,
présents dans la série ­I am ­Jazz, qui raconte la transition
médicale ­­d’une star de téléréalité américaine :

­ n règle générale, la chirurgie transformant un homme


E
en une femme trans consiste à disséquer le pénis, à
retourner la peau à ­­l’envers et à la placer dans une cavité
créée chirurgicalement pour créer un faux vagin. ­Après la
chirurgie, un dilatateur doit être placé dans ce vagin artificiel
pour ­­l’empêcher de ­­s’effondrer. ­Mais ­Jazz a un problème.
­Comme il a encore un petit pénis de la taille d’un ­­ enfant
(à cause des bloqueurs de puberté), il ­­n’a pas assez de peau
pour tapisser le faux vagin. ­Les remèdes potentiels incluent
la couture dans une section de l’intestin
­­ de la peau du pénis
pour faire le faux vagin. ­Dans un épisode, ­Jazz se voit en
fait proposer deux interventions chirurgicales différentes :
une intervention chirurgicale pour créer le faux vagin et une
seconde intervention chirurgicale deux mois plus tard pour
tenter de former les lèvres. ­La nécessité de deux chirurgies
dangereuses au lieu ­­d’une est directement liée aux effets des
bloqueurs de la puberté1.

1.  ­Michael ­K. ­Laidlaw, ibid.

45
Enquête sur la dysphorie de genre

­ oncrètement, la personne qui transitionne d’homme


C ­­ à
femme peut choisir deux types de chirurgies de « réassigna-
tion sexuelle » : la vaginoplastie avec ou sans cavité. L­ e des-
criptif de la clinique G­R­S de M­ ontréal, spécialisée dans la
« chirurgie d’affirmation
­­ de genre », est très clair ; la vagi-
noplastie avec cavité comporte des risques importants :

­La vaginoplastie avec cavité vaginale nécessite des soins


que vous devrez intégrer à vos activités quotidiennes pour
le restant de votre vie. C ­ es soins impliquent un protocole
de dilatations vaginales et ­­d’hygiène génitale. ­Le respect
de ce protocole aura un impact important sur les résultats
fonctionnels de votre intervention. S ­ i vous omettez de suivre
le protocole, vous pourriez entraîner la fermeture de la cavité
vaginale ainsi que plusieurs complications postopératoires
(infection, plaies et écoulement chronique, communication
anormale entre les cavités vaginale et rectale, etc.). S ­ i la
fermeture de la cavité vaginale est désirée en postopératoire,
vous devez savoir ­­qu’il ­­s’agit ­­d’un long processus qui exige
des dilatations fréquentes pour que la cavité vaginale se
referme sans complication. ­­­L’arrêt brusque des dilatations
peut également entraîner des complications importantes1.

­ es risques de l­­ ’opération comprennent caillots sanguins,


L
embolie pulmonaire, hématomes, réouverture des plaies,
rétrécissement de la cavité vaginale dans le cas où la greffe
ne prendrait pas, fistule recto­-vaginale (les matières fécales
­­s’écoulent par le vagin), troubles urologiques (difficultés à
retenir une envie d’urine,
­­ rétention urinaire) qui « devraient
se rétablir » dans les six mois, hypergranulation provoquant

1.  grsmontreal.com, consulté pour la dernière fois le 13 décembre 2021.

46
­­­L’utopie de la transition médic

perte de sang et douleurs, ou encore pousse de poils dans la


cavité vaginale, favorisant des infections.
­­­L’envers du décor montre toute la souffrance et tous les
risques auxquels ­­s’exposent les f­ emmes trans. ­Si la puberté
­­n’a pas été bloquée, il faudra souvent, pour obtenir un bon
« passing », opter pour de ­­l’orthophonie (les œstrogènes
­­n’ayant pas d’effet
­­ sur la voix), voire une opération des
cordes vocales (peu efficace), une opération de la pomme
­­d’­Adam, de la chirurgie pour féminiser le visage, une épi-
lation définitive du visage. M ­ ais le squelette restera mascu-
lin. ­Si la puberté a été bloquée, la vaginoplastie sera plus
complexe, mais le jeune adulte échappera aux opérations
douloureuses de féminisation faciale et aura une silhouette
plus féminine. ­Il pourra également se passer de séances
­­d’orthophonie pour donner à sa voix un timbre plus fémi-
nin. ­Mais, dans tous les cas, le maintien du plaisir sexuel
ne sera que « possible » ; il varie selon les opérations. « ­Nous
ne pouvons, de quelque manière que ce soit, garantir les
résultats esthétiques et fonctionnels » de la vaginoplastie,
précise la clinique de chirurgie ­G­R­S de ­Montréal :

I­l est possible que la région périnéale ne regagne


pas sa sensibilité ou, au contraire, que des zones restent
hypersensibles et douloureuses. ­Ceci peut affecter la
réponse sexuelle et modifier la capacité à éprouver du plaisir.
­Cette situation devrait revenir à la normale après quelques
mois. ­Il est toutefois possible que l’engourdissement
­­ de
certaines régions persiste et que la sensation ne revienne
pas complètement1.

1.  ­Ibid.

47
Enquête sur la dysphorie de genre

­ hez les filles, transitionner pour devenir un homme


C
est encore plus insatisfaisant, car il est encore plus difficile
de créer un pénis qu’un vagin. ­ Le protocole médical
implique la prise de testostérone qui provoque
­­l’accroissement du clitoris et arrête les règles. ­La prise de
testostérone est à vie, afin de préserver la solidité des os.
­Selon le témoignage des personnes concernées, elle pro-
cure un intense sentiment de bien­-être, d’assurance,
­­ aug-
mente ­­l’agressivité, la libido et ­­l’appétit et réduit les mani-
festations de l’émotivité,
­­ comme la capacité à pleurer.
­Chez certains patients, on observe irritabilité, frustration,
sautes ­­d’humeur. ­Progressivement, la voix devient plus
grave, la peau plus épaisse, la masse musculaire augmente,
les cheveux peuvent tomber. E ­nsuite, ces personnes
peuvent opter pour une chirurgie de «  réassignation
sexuelle » qui comprend la mammectomie et la greffe­
d’un nouveau mamelon, en espérant qu’il ­­ soit sensible. P
­ ar
double incision, la mammectomie « laisse toujours des
cicatrices qui s’atténueront
­­ avec le temps (et grâce à
­­l’application de crèmes spéciales) et seront éventuellement
recouvertes de poils. ­Ces cicatrices font partie de notre évo-
lution psychique et physique. ­ Elles appartiennent à
­­l’histoire de notre corps et en tant que telles, on peut les
considérer comme un rite de passage pour entrer dans la
communauté des hommes trans », écrit l’homme ­­ trans-
genre (­F­T­M) ­David ­Latour qui met en garde, avec beau-
coup ­­d’honnêteté, contre une possible déception de la per-
sonne au terme de son long parcours chirurgical. ­Il ajoute :

48
­­­L’utopie de la transition médic

­Les risques liés à ­­l’opération sont variables. ­Comme


pour toute opération chirurgicale, on ­­s’expose à des
risques ­­d’hémorragie, de fibrose et de dégénérescence
des cicatrices. ­Si votre téton est mal irrigué, vous risquez
une nécrose du téton (surtout si vous fumez) ; il pourra
être reconstruit chirurgicalement pour ­­qu’il recouvre son
apparence initiale mais pas sa sensibilité1.

­ our celles qui le souhaitent, l’étape


P ­­ suivante est la phal-
loplastie, opération encore plus compliquée que la vagino-
plastie. ­Tout ­­d’abord, ­­l’utérus est enlevé, puis la cavité vagi-
nale est refermée. ­Ensuite, on prélève un morceau de peau,
généralement sur l’avant­
­­ -bras du patient, auquel on enlève
les poils. ­Cette peau servira pour construire le phallus et le
gland. L­ e scrotum, lui, est créé à partir de la peau des grandes
lèvres. I­l faut ensuite créer un urètre, pour permettre à la
personne ­­d’uriner debout. ­Mais la technique est très sophis-
tiquée, et pas du tout au point, décrit ­David L ­ atour :

[­Le lambeau de peau est] rendu sensible par le


prélèvement et la greffe de nerfs et de veines (dont ­­l’artère
radiale présente dans ­­l’avant­-bras). ­Le pénis est alors
réimplanté et vascularisé. D ­ es implants testiculaires en
silicone peuvent être posés dans les grandes lèvres que
­­l’on recoud de manière à former le scrotum. ­On peut enfin
implanter une prothèse érectile sous la forme d’une ­­ tige
semi­-rigide ou ­­d’un tube que ­­l’on peut gonfler et dégonfler
grâce à une petite pompe à eau située dans le bas­-ventre ou
dans un des testicules. ­Le pénis pourra atteindre les 12 à

1.  ­David L­ atour, « ­Hormonothérapie et chirurgie », article publié sur le site de


­­
l’association de défense des personnes trans C ­ hrysalide, chrysalide­-asso.fr,
2007, consulté le 22 octobre 2021.

49
Enquête sur la dysphorie de genre

14 cm, et on fera tatouer le gland afin de donner une couleur


plus foncée à sa peau car le pénis reste relativement pâle
à cause de son manque ­­d’irrigation vasculaire, à ­­l’inverse
du pénis des hommes « bio ». ­­­L’opération étant lourde et
technique, les risques de complication sont très importants.
Parmi les complications, on compte la perte totale de
­
sensation, les nécroses, les infections urinaires à répétition,
le rejet de la greffe, ­­l’incontinence, la perforation de la
verge par la prothèse érectile lors de la pénétration… ­Les
résultats en F ­ rance sont réputés pour être particulièrement
médiocres, tant sur le plan esthétique que fonctionnel :
­­l’urètre est rarement reconstruit, la sensibilité sexuelle est
presque toujours endommagée et la pose d’une ­­ prothèse
érectile est très rarement une réussite. ­La pénétration
reste impossible dans la très grande majorité des cas. ­Les
­F­T­M peuvent aussi opter pour une autre chirurgie, moins
lourde, la métoïdioplastie, qui consiste à créer un pénis par
­­l’allongement du clitoris, qui restera donc assez court. […]
­Aussi réussi que soit le résultat, le pénis ne sera jamais
assez rigide pour permettre une pénétration anale et à
peine un début de pénétration vaginale1.

­ errière le papier glacé des corps trans, ce sont des corps


D
en souffrance, qui ne réalisent pas l’intimité
­­ de l’autre
­­ sexe,
seulement son apparence. E ­ t la prise en charge dès l’enfance
­­
du changement de sexe ­­n’améliore également que ­­le « pas-
sing », surtout des femmes trans. ­Si les personnes désirent se
donner le corps de ­­l’autre sexe, elles seront rattrapées par la
réalité. ­Ce désir est impossible. ­Elles construiront un simu-
lacre, plus ou moins réussi, de l’autre
­­ sexe, simulacre livré à la
volonté de toute-puissance des chirurgiens.

1.  ­Ibid.

50
­­­L’utopie de la transition médic

­ efuser une transition pousse­-t­-il les jeunes


R
au suicide ?
­Seul un enjeu vital peut justifier une transition si
imparfaite et si dangereuse. L ­ a crainte du suicide est
­­l’argument clé en faveur ­­d’une prise en charge médicale
précoce des jeunes présentant une dysphorie de genre.
­Cette population est de fait très à risque. ­Plus de 40 %
des personnes trans auraient déjà fait une tentative de
suicide. ­Inversement, les mineurs qui reçoivent un appui
fort de leurs proches pour encourager leur transition ont
peu de risques de se suicider, selon un rapport canadien
de 2012, qui établit une diminution de leur taux de
­suicide ­­jusqu’à 93  %1. ­En 2014, la psychiatre A ­ nnelou
de Vries et ses collègues ont publié une étude sur les effets
du protocole néerlandais sur la dysphorie de genre et
le fonctionnement psychologique de 55 jeunes ado­
lescents transgenres2. C ­ ette étude a servi ­­d’argument
majeur pour les recommandations de l’­ Endocrine
­Society3 en faveur ­­d’une intervention médicale précoce
chez les enfants. E­ lle conclut en effet que le blocage de la
puberté (à un âge moyen de 13,6 ans) suivi ­­d’hormones
sexuelles croisées (âge moyen  : 16,7 ans) et ­­ d’une

1.  ­Robb ­Travers et al., « ­Impacts of ­Strong P ­ arental ­Support for ­Trans ­Youth »,
rapport rédigé pour l­­’association ­T­rans ­PULSE, consulté pour la dernière fois le
2 octobre 2021 sur transpulseproject.ca.
2.  A ­ nnelou ­L. ­C. de ­Vries et al., « ­Puberty ­Suppression in ­Adolescents W ­ ith
­Gender ­Identity ­Disorder: ­a ­Prospective ­Follow­-­Up ­Study  »,  ­The ­Journal of
­Sexual ­Medicine, vol. 8, n° 8, août 2011, p. 2276­-2283.
3.  ­La S­ ociété ­­d’endocrinologie est une société savante et médicale interna-
tionale ­­d’endocrinologie regroupant 13 000 membres dans le monde.

51
Enquête sur la dysphorie de genre

chirurgie de changement de sexe (âge moyen : 20,7 ans)


a soulagé la souffrance psychologique de ces jeunes. ­Mais
le problème, ­­c’est que le suivi ne ­­ dure qu’un an après la
chirurgie.
­L’affirmation que la prise en charge médicale est le seul
remède à apporter aux enfants et adolescents dysphoriques
de genre ne résiste pas à ­­l’analyse. ­Le risque accru de sui-
cide chez les personnes qui ne peuvent transitionner se
présente davantage comme un chantage que comme une
donnée scientifique solide, pour peu que ­­l’on ­­s’interroge
sur le devenir des patients sur le temps long. ­Une étude a
été menée par C ­ ecilia ­Dhejne sur une cohorte de 324 per-
sonnes ayant subi un changement de sexe en S­uède
entre 1973 et 2003 pour estimer le taux de mortalité, de
morbidité et de criminalité des personnes trans après leur
opération1. ­Cette étude, menée par une femme peu sus-
pecte de transphobie – elle a été déclarée ­Trans hero de
­­l’année 2016 –, est une des rares à étudier la population
trans au­-delà d’un
­­ an après des opérations chirurgicales car
la ­Suède est le seul pays à établir un suivi des personnes
trans. ­Cette étude conclut :

­Les personnes transsexuelles, après un changement


de sexe, présentent des risques de mortalité, de
comportement suicidaire et de morbidité psychiatrique
considérablement plus élevés que la population générale.
­Nos résultats suggèrent que la réassignation sexuelle, bien

1.  ­Cecilia ­Dhejne et al., « ­Long­-­Term ­Follow­-­Up of ­Transsexual ­Persons


­Undergoing ­Sex ­Reassignment ­Surgery: ­Cohort ­Study in ­Sweden  », ­Plos ­One,
22 février 2011.

52
­­­L’utopie de la transition médic

que soulageant la dysphorie de genre, peut ne pas suffire


comme traitement du transsexualisme, et devrait inspirer
une amélioration des soins psychiatriques et somatiques
après la réassignation sexuelle pour ce groupe de patients.

­­­
L’étude conclut que les décès par suicide sont 20 fois
plus élevés chez les personnes trans que dans le reste de la
population. ­Une étude menée en 2011 aux P ­ ays­-B
­ as arrive
à la même conclusion :

­ ans le groupe ­M­T­F, la mortalité totale était 51 % plus


D
élevée que dans la population générale, principalement
en raison de l’augmentation
­­ des taux de mortalité due au
suicide, au syndrome ­­d’immunodéficience acquise, aux
maladies cardiovasculaires, à ­­l’abus de drogues et à une
cause inconnue. ­Aucune augmentation n’a ­­ été observée
dans la mortalité totale par cancer, mais les taux de
mortalité par cancer du poumon et hématologique étaient
élevés1.

­­­
L’étude, en revanche, ne trouve pas de surmortalité dans
le groupe ­F­TM ­ .E ­ n 2011 encore, le ­GI­­DS­ a mené une
étude sur 44 patients, qui montre que les enfants se
trouvent plus heureux et plus épanouis six mois après la
transition. ­­­C’est ce ­­qu’il appelle « ­­l’effet lune de miel » du
changement de sexe. ­Mais, après un an de traitement,
­­l’enquête constate une augmentation de l’insatisfaction
­­
corporelle, en particulier chez les enfants nés filles. ­Parmi

1.  ­Henk ­Asscheman et al., « ­A ­Long­-­Term F­ ollow­-Up S­ tudy of ­Mortality


in ­Transsexuals ­Receiving ­Treatment ­with ­Cross­-Sex ­Hormones  », ­Eur ­J
­Endocrinol, 25 janvier 2011.

53
Enquête sur la dysphorie de genre

eux, un nombre croissant présentaient des comportements


suicidaires et ­­s’automutilaient.
­Le succès pour le moins mitigé de la transition sur la
santé mentale des enfants ne suffit pourtant pas à faire
douter les thérapeutes qui optent pour la transition médi-
cale ni à balayer ­­l’argument sans cesse repris que la transi-
tion est une question de vie ou de mort. « ­Mieux vaut un
garçon vivant ­­qu’une fille morte » : tel est le chantage
auquel les parents continuent, sans base solide, ­­ d’être
confrontés. ­Si le traitement échoue à rendre ces enfants
plus heureux, il faudrait plutôt y voir, estiment les défen-
seurs d’une transition précoce, l’effet
­­ des stigmatisations et
des discriminations dont ils souffrent. Ils appellent de
leurs vœux la venue d’une époque plus tolérante qui leur
permettra enfin de voir leur mal­-être disparaître. ­Mais il
ne ­­s’agit, de fait, que ­­d’hypothèses fondées sur un vœu
pieux, un acte de foi dans lequel on fait sauter ces enfants
à pieds joints, les yeux fermés.

­ n protocole expérimental sur des enfants :


U
quid du consentement ?
­Dans ces conditions, de nombreux médecins refusent
­­d’appliquer un protocole ­­qu’ils jugent expérimental et
potentiellement dangereux. ­­­C’est le cas en ­Australie de
­John ­Whitehall, professeur de pédiatrie à l’université
­­ de
­Western ­Sydney. ­Il ­­s’insurge contre les « ­Standards de soins
et de traitements pour les enfants et les adolescents trans et
de genre non conforme » de la ­W­P­A­T­H, qui prônent une
transition systématique des enfants dysphoriques. I­ l estime
en effet que ces standards ­­n’obéissent pas aux normes qui

54
­­­L’utopie de la transition médic

régissent habituellement les thérapies médicales occiden-


tales, à savoir la plausibilité, la preuve que le traitement a
un effet bénéfique et qu’il n’apporte
­­ pas de complications.
­Au contraire, les standards appliqués, en ­Australie notam-
ment, se fondent seulement sur un consensus clinique,
élaboré par des études observationnelles peu solides. ­John
­Whitehall souligne ainsi que, ­­jusqu’en 2017, seules 13
études ont été publiées sur les effets des traitements hor-
monaux, et que ces dernières avaient de gros défauts : elles
ne portaient que sur des durées de suivi courtes, ­­n’étudiaient
à chaque fois que peu ­­d’enfants et ­­n’avaient pas de contrôle
extérieur. ­Pour ce qui est des effets cognitifs des traite-
ments hormonaux, il ­­n’existerait que deux études, ­­l’une
menée sur un échantillon trop petit pour être significa-
tive1.
­Le docteur américain William ­Malone, de son côté,
ainsi que la ­S­E­G­M2 ­­qu’il a fondée, soutient que le proto-
cole hormonal chez les enfants ne se fonde que sur une
seule étude, insuffisante à ses yeux du fait de la taille
modeste de ­­l’échantillon (40 enfants), de la typologie des
patients (tous souffrant de dysphorie dès l’enfance),
­­ sans
groupe témoin, sans suivi postopératoire au­-delà ­­d’un an
et demi. ­Il rappelle également ­­qu’un des jeunes est décédé
des suites d’une
­­ opération et que la dysphorie de genre est
restée inchangée, voire ­­s’est accentuée, avec la prise de blo-
queurs de puberté. ­Aussi, la ­S­E­G­M demande­-t­-elle «  aux

­ hitehall, op. cit.


1.  ­John W
2.  ­La ­Society for ­Evidence B
­ ased ­Gender M
­ edicine (­S­E­G­M) est un groupe
international de plus de cent cliniciens et chercheurs opposés à la transition
médicale des mineurs.

55
Enquête sur la dysphorie de genre

cliniciens et aux chercheurs ­­d’arrêter cette expérimenta-


tion incontrôlée sur les jeunes et de la remplacer par un
cadre de recherche favorable qui génère des preuves utiles
sur ­­l’étiologie de la dysphorie de genre et les avantages et
les inconvénients de diverses interventions1 ».
­Dans le camp opposé, au contraire, les cliniciens encou-
ragent des prises en charge de plus en plus précoces. ­En
­Californie, la directrice ­­d’une importante clinique de ­Los
­Angeles, le ­Center for ­Trans ­youth Health and Develop­
ment, ­Johanna ­Olson­-­Kennedy, a publié une étude qui
préconise d’abaisser
­­ ­­l’âge pour ­­l’ablation des seins, afin de
réduire la « dysphorie de poitrine ». « ­Les recommanda-
tions pour des interventions chirurgicales devraient se
baser sur les besoins de ­­l’individu plutôt que sur ­­l’âge2 »,
écrit cette scientifique qui a reçu une subvention de près
de 6 millions de dollars de ­­l’­Institut national de la santé
(­N­I­H) pour étudier l’impact ­­ de traitements beaucoup
plus précoces sur quelques centaines ­­d’enfants.
­Au cœur de la controverse se trouve la notion de consen-
tement. S­ i ­­l’on conçoit très bien qu’un­­ adulte puisse déci-
der ­­d’une transition médicale pour apaiser sa dysphorie, et
en toute connaissance de cause, en va­-t­-il de même pour
un enfant, et même pour un adolescent ? ­Est­-il en mesure
de consentir à des traitements lourds, voire irréversibles,
alors qu’il
­­ n’a
­­ pas encore acquis sa pleine maturité intellec-
tuelle, qu’il
­­ atteindra seulement à ­­l’aube de ses 25 ans, et

1.  segm.org. ­Consulté pour la dernière fois le 24 novembre 2021.


2.  ­Johanna O ­ lson­-­Kennedy, « ­Chest R
­ econstruction and C
­ hest D
­ ysphoria in
­Transmasculine ­Minors and ­Young ­Adults: ­Comparisons of ­Nonsurgical and
­Postsurgical ­Cohorts  », ­Jama pediatrics, 1er mai 2018.

56
­­­L’utopie de la transition médic

alors que le traitement ­­qu’il prend altère le développement


naturel de son cerveau ? ­Un enfant est­-il capable ­­d’évaluer
ce que pourra signifier pour lui, une fois adulte, l­­ ’altération
de sa fonction sexuelle, voire la disparition de sa fécondité ?
­Peut­-il comprendre ce qu’impliquera
­­ pour lui un traite-
ment hormonal à vie ? ­Comment même pourrait­-il don-
ner un consentement éclairé, alors que la médecine
manque de données à propos des effets secondaires pos-
sibles du traitement  ? ­ Dans une tribune publiée en
février 2020 au ­Figaro, O ­ livier ­Rey, chercheur au CNRS,
philosophe et mathématicien, et J­ ean­-­François B ­ raunstein,
professeur de philosophie à ­­l’université ­Paris­-­Sorbonne,
dénoncent ces progressistes qui se font les « promoteurs
zélés ou, à défaut, les accompagnateurs bienveillants de
violences inédites contre les enfants ». I­ ls estiment qu’il
­­ ne
saurait davantage y avoir de consentement, durant
­­l’enfance, à changer de sexe, ­­qu’il ­­n’y en a à consentir à une
relation sexuelle avec un adulte :

­Les « progressistes » de 2050 ­­s’effareront que, en 2020,


il ait pu paraître progressiste de proposer des « transitions »
­­d’un sexe à ­­l’autre à des êtres très jeunes – de la même
façon que les « progressistes » de 2020 ­­s’effarent de la
libre sexualité avec les très jeunes qu’il
­­ était « tendance »
de prôner quelques décennies plus tôt1.

­Dans son livre accusatoire, ­Le ­Consentement, ­Vanessa


Springora met en cause les adultes qui ­­
­ n’ont pas su

1.  ­Olivier ­Rey et ­Jean­-­François ­Braunstein, « ­Changement de sexe pour les mi-
neurs : ­­l’emballement de la logique des droits », ­Le ­FigaroVox, 12 février 2020.

57
Enquête sur la dysphorie de genre

interroger son désir qui lui semblait alors la pousser à vivre


sa sexualité avec un adulte. À 14 ans, elle se disait consen-
tante. ­Adulte, elle comprend que les adultes autour ­­d’elle
ont failli, soit en manipulant pour leur propre jouissance
son désir d’être
­­ aimée et regardée, soit en fermant les yeux
par crainte d’être
­­ vieux jeu, réacs, ou, pire, par souci de
bien faire. F ­ort heureusement, la pédophilie apparaît
aujourd’hui pour ce qu’elle
­­ est : sous le masque de l’amour
­­
et de ­­l’exaltation de la liberté, ­­l’abus, le mensonge et la
violence destructrice. M ­ ais ce n’est
­­ pas le moindre des
paradoxes que notre époque, qui refuse aux enfants la
maturité nécessaire pour user de leur sexe, leur en recon-
naisse une assez grande pour en changer.
Table des matières

­Introduction......................................................... 5
­­­L’explosion des cas ­­d’enfants trans.............................6
Être trans : une censure dans
le monde occidental ?...........................................11

­Première partie
L’épineuse question de la transidentité
chez les enfants................................................ 19

­ hapitre 1. L
C ­ e nouveau mal du siècle ?................ 21
­Une nouvelle typologie de cas..................................21
­­­L’erreur de diagnostic est possible :
les détransitionneurs............................................27
­Une haine de la féminité ?........................................30
­Symptôme ou cause ? D ­ ysphorie de genre
et troubles associés...............................................32
­La transition comme thérapie de conversion
pour les homosexuels ?.........................................35

205
Enquête sur la dysphorie de genre

­ hapitre 2. L’utopie
C ­­­ de la transition médicale..... 37
­Les bloqueurs de puberté sont­-ils
vraiment réversibles ?............................................37
­Les lourds effets secondaires
des hormones croisées..........................................41
­Une transition chirurgicale
douloureuse et imparfaite....................................44
­Refuser une transition pousse­-t­-il
les jeunes au suicide ?...........................................51
­Un protocole expérimental sur des enfants :
quid du consentement ?.......................................54

­Chapitre 3. ­­­L’approche affirmative


des cliniques de genre...................................... 59
« ­Démarche affirmative » contre
« attention vigilante »............................................59
­Les pays où domine la démarche affirmative............61
­Le revirement suédois..............................................65
­Le combat politique et judiciaire aux États­-­Unis......67
­La S­ uisse appelle au principe de précaution.............69
­Le ­Royaume­-­Uni et ­­l’affaire ­Keira ­Bell.....................70

­Chapitre 4. C ­ omment la transsexualité


est devenue la transidentité............................. 75
­­­L’invention de la transsexualité................................75
­La dépathologisation du transsexualisme.................80
­La débâcle de ­­l’approche psychothérapeutique.........84
­La résistance psychanalytique..................................88
­Les conséquences de la dépathologisation :
le cas français.......................................................92
­Le culte de ­­l’autodétermination.............................102

206
Table des matières

­­Chapitre 5. ­Les conquêtes


de ­­l’approche affirmative............................... 107
­La bataille juridique : la question de l’état ­­ civil.......107
­La lutte contre les thérapies de conversion.............111
­­­L’approche affirmative à ­­l’école..............................118

­Deuxième partie ­
Derrière le miroir.......................................... 125

­Chapitre 6. L ­ e mouvement transgenre.............. 127


­ a filiation butlérienne..........................................127
L
­­­L’intersexe : preuve vivante que le sexe
est une construction ?.........................................131
­Un rapport problématique avec la réalité...............136
­Le langage comme terrain d’affrontement
­­
idéologique........................................................142

­Chapitre 7. U ­ ne nouvelle source


de violence.................................................... 149
­Quand les homosexuels ­­s’opposent
à ­­l’idéologie trans...............................................150
­Féministes et lesbiennes cibles
des militants trans..............................................151
­Les « transsexuels » contre ­­l’idéologie transgenre.....157
­Les femmes dans le viseur......................................159

­Chapitre 8. L
­ es puissants alliés
du transgenrisme........................................... 167
­­­L’implication des institutions internationales
et européennes...................................................167
­Le lobbying des puissances d’argent.
­­ ......................171

207
Enquête sur la dysphorie de genre

L’enfant trans, produit marketing ? .......................176


Un horizon transhumaniste ..................................181

En guise de conclusion. Élevons les enfants


dans une vraie liberté ................................... 187
Éduquer au respect inconditionnel
de toute personne .............................................188
Encourager l’esprit critique
et la liberté de penser .......................................189
Il n’est pas vrai que cela ne nous retire rien ...........189
Croire l’enfant, mais ne pas le prendre au mot ......191
Protéger son enfant...............................................193
Lutter contre les stéréotypes..................................194
Valoriser un sain féminisme ..................................197
Proposer un autre héroïsme ..................................199

Note sur les choix lexicaux


et orthographiques ....................................... 203

Achevé d’imprimer en février 2022


par la SEPEC en France
Z.A. des Bruyères – 01960 Peronnas
Dépôt légal : mars 2022
N° d’édition : 22065

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