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Techniques

de l’expression
écrite et orale
Du même auteur aux éditions Sirey
Petit dictionnaire de culture générale

Le pictogramme qui figure ci-dessus mérite une explication. Son objet est d’alerter le lecteur sur la menace que
représente pour l’avenir de l’écrit, particulièrement dans le domaine de l’édition technique et universitaire, le dévelop-
pement massif du photocopillage.
Le Code de la propriété intellectuelle du 1er juillet 1992 interdit en effet expressément la photocopie à usage collectif
sans autorisation des ayants droit. Or, cette pratique s’est généralisée dans les établissements d’enseignement supérieur,
provoquant une baisse brutale d’achat de livres et de revues, au point que la possibilité même pour les auteurs de
créer des œuvres nouvelles et de les faire éditer correctement est aujourd’hui menacée.
Nous rappelons donc que toute reproduction, partielle ou totale, de la présente publication est interdite sans autorisa-
tion de l’auteur, de son éditeur ou du Centre français d’exploitation du droit de copie (CFC, 20 rue des Grands-
Augustins, 75006 Paris).

Éditions DALLOZ
31-35 rue Froidevaux, 75685 Paris Cedex 14

Le Code de la propriété intellectuelle n’autorisant, aux termes de l’article L. 122-5, 2o et 3o a), d’une part, que les
« copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective »
et, d’autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d’exemple et d’illustration, « toute représentation
ou reproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est
illicite » (art. L. 122-4).
Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée
par les articles L. 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

© Éditions DALLOZ — 2008


ISBN 978-2-247-07590-4
ISBN 178-2-247-07936-0
Denis BARIL
Agrégé de l’Université
Maître de Conférences à l’Université Stendhal
(Grenoble III)

Techniques
de l’expression
écrite et orale

11e édition
2008
actualisée
Sommaire
Introduction page 5
Chapitre I. S’informer page 7
I. Où trouver l’information ? page 9
II. Les moyens de l’informatique page 14
III. Critique de l’information page 15
Chapitre II Le Plan page 19
I . A la recherche du plan page 21
II . Principaux types : A. Addition page 29
B. Mouvement linéaire page 34
C. Opposition page 38
D. Raisonnement page 42
E. Structures combinées page 44
III. Avec le désir de persuader page 48
Corrigé des exercices page 79
Chapitre III. L’Argumentation page 85
I. Rôle de l’argumentation page 86
II. Petite panoplie d’arguments page 91
III. Mise en œuvre des arguments page 104
IV. Pour réfuter, quelles cibles viser ? page 106
V. Chercher les points faibles page 108
Corrigé des exercices page 131
Chapitre IV. Le Résumé page 137
I. A quoi sert un résumé ? page 138
II. La réduction d’un texte page 139
III. Une application page 142
Corrigé des exercices page 168
Chapitre V. La Synthèse – Le Dossier page 173
I. Une méthode page 174
II. Un exemple page 175
III. Le dossier page 182
Corrigé des exercices page 211

V
Chapitre VI. Conclusion – Introduction page 215
I. La conclusion page 216
II. L’introduction page 221
Corrigé des exercices page 235
Chapitre VII. Ecrits professionnels page 237
I. La note page 238
II. Le compte rendu page 239
III. Le procès-verbal page 243
IV. Le questionnaire page 248
V. Donner des ordres page 251
VI. La correspondance page 256
VII. La langue du e-mail page 262
VIII. La demande d’emploi – Le C.V. page 263
IX. Le communiqué de presse page 268
Corrigé des exercices page 275
Chapitre VIII.Le rapport page 285
I. Les rapports traditionnels page 287
II. Le rapport fonctionnel page 295
III. La présentation du rapport page 301
IV. Le mémoire ou rapport de stage page 306
Chapitre IX L’expression orale page 311
I. Les présentations page 312
II. La lecture à haute voix page 314
III. Adapter le langage au destinataire page 318
IV. L’intervention improvisée page 321
V. L’exposé préparé page 323
VI. La communication téléphonique page 327
VII. Discussions et travail en groupe page 330
VIII. Entretiens et négociations page 336
Corrigé des exercices page 340
Index page 343
Formes et techniques de l’expression page 343
Thèmes page 344
Auteurs cités page 344

VI
Les confidences
de Joseph Grand
auxiliaire municipal temporaire

C’est ici que se place l’originalité de Grand ou du moins l’un de ses signes. Il eût
pu, en effet, faire valoir, sinon des droits dont il n’était par sûr, du moins les
assurances qu’on lui avait données. Mais, d’abord, le chef de bureau qui l’avait
engagé était mort depuis longtemps et l’employé, au demeurant, ne se souvenait
pas des termes exacts de la promesse qui lui avait été faite. Enfin, et surtout,
Joseph Grand ne trouvait pas ses mots.
C’est cette particularité qui peignait le mieux notre citoyen, comme Rieux
put le remarquer. C’est elle en effet qui l’empêchait toujours d’écrire la lettre de
réclamation qu’il méditait, ou de faire la démarche que les circonstances exi-
geaient. À l’en croire, il se sentait particulièrement empêché d’employer le mot
« droit » sur lequel il n’était pas ferme, ni celui de « promesses » qui aurait
impliqué qu’il réclamait son dû et aurait par conséquent revêtu un caractère de
hardiesse, peu compatible avec la modestie des fonctions qu’il occupait. D’un
autre côté, il se refusait à utiliser les termes de « bienveillance », « solliciter »,
« gratitude », dont il estimait qu’ils ne se conciliaient pas avec sa dignité person-
nelle. C’est ainsi que, faute de trouver le mot juste, notre concitoyen continua
d’exercer ses obscures fonctions jusqu’à un âge assez avancé. Au reste, et tou-
jours selon ce qu’il disait au docteur Rieux, il s’aperçut à l’usage que sa vie
matérielle était assurée, de toutes façons, puisqu’il lui suffisait, après tout, d’adap-
ter ses besoins à ses ressources. Il reconnut ainsi la justesse d’un des mots favoris
du maire, gros industriel de notre ville, lequel affirmait avec force que finalement
(et il insistait sur ce mot qui portait tout le poids du raisonnement), finalement

techniques de l’expression écrite et orale 1


donc, on n’avait jamais vu personne mourir de faim. Dans tous les cas, la vie
quasi ascétique que menait Joseph Grand l’avait finalement, en effet, délivré de
tout souci de cet ordre. Il continuait de chercher ses mots.
Dans un certain sens, on peut bien dire que sa vie était exemplaire. Il était
de ces hommes, rares dans notre ville comme ailleurs, qui ont toujours le cou-
rage de leurs bons sentiments. Le peu qu’il confiait de lui témoignait en effet de
bontés et d’attachements qu’on n’ose pas avouer de nos jours. Il ne rougissait
pas de convenir qu’il aimait ses neveux et sa sœur, seule parente qu’il eût gardée
et qu’il allait, tous les deux ans, visiter en France. Il reconnaissait que le souvenir
de ses parents, morts alors qu’il était encore jeune, lui donnait du chagrin. Il ne
refusait pas d’admettre qu’il aimait par-dessus tout une certaine cloche de son
quartier qui résonnait doucement vers cinq heures du soir. Mais, pour évoquer
des émotions si simples, cependant, le moindre mot lui coûtait mille peines.
Finalement, cette difficulté avait fait son plus grand souci. « Ah ! Docteur, disait-
il, je voudrais bien apprendre à m’exprimer. »
..................................................................................................................................................................................
Le reste de l’histoire, selon Grand, était très simple. Il en est ainsi pour tout
le monde : on se marie, on aime encore un peu, on travaille. On travaille tant
qu’on en oublie d’aimer. Jeanne aussi travaillait, puisque les promesses du chef
de bureau n’avaient pas été tenues. Ici, il fallait un peu d’imagination pour
comprendre ce que voulait dire Grand. La fatigue aidant, il s’était laissé aller, il
s’était tu de plus en plus et il n’avait pas soutenu sa jeune femme dans l’idée
qu’elle était aimée. Un homme qui travaille, la pauvreté, l’avenir lentement fermé,
le silence des soirs autour de la table, il n’y a pas de place pour la passion dans
un tel univers. Probablement Jeanne avait souffert. Elle était restée cependant :
il arrive qu’on souffre longtemps sans le savoir. Les années avaient passé. Plus
tard, elle était partie. Bien entendu, elle n’était pas partie seule. « Je t’ai bien
aimé, mais maintenant je suis fatiguée... Je ne suis pas heureuse de partir, mais
on n’a pas besoin d’être heureux pour recommencer ». C’est, en gros, ce qu’elle
lui avait écrit.
Joseph Grand à son tour avait souffert. Il aurait pu recommencer, comme
le lui fit remarquer Rieux. Mais voilà, il n’avait pas la foi. Simplement, il pensait

2 techniques de l’expression écrite et orale


toujours à elle. Ce qu’il aurait voulu, c’est lui écrire une lettre pour se justifier.
« Mais c’est difficile, disait-il. Il y a longtemps que j’y pense. Tant que nous nous
sommes aimés, nous nous sommes compris sans paroles. Mais on ne s’aime pas
toujours. À un moment donné, j’aurais dû trouver les mots qui l’auraient retenue,
mais je n’ai pas pu. »
Albert Camus, La Peste, © Éditions Gallimard, 1947,
Bibliothèque de la Pléiade : Essais, Récits, Nouvelles, pp. 1252-1253 et 1284.

techniques de l’expression écrite et orale 3


Introduction
Voici la 11e édition d’un ouvrage qui a obtenu la confiance d’un large public.
Il est non seulement actualisé, mais aussi remanié pour mieux répondre aux
besoins des étudiants de nombreuses filières de l’enseignement supérieur (IUT,
licences...), des candidats aux concours des grandes écoles ou aux concours
administratifs, ainsi que de toutes celles et tous ceux qui désirent perfectionner
leur capacité d’expression. Car ce manuel est aussi un outil efficace pour la
formation continue, collective ou individuelle.
Quels que soient les progrès technologiques, le langage reste le vrai moyen
d’échange entre les hommes, dans le travail aussi bien que dans la vie sociale.
L’expression est révélatrice de l’individu et constitue un moyen d’action.
Pour tous, à tous les niveaux, l’amélioration est possible, liée à l’enrichisse-
ment de la culture, à la formation du jugement critique, à l’exercice du raisonne-
ment et de l’imagination. C’est pourquoi ce volume est centré sur l’organisation
de la pensée autant que sur les formes de la communication.
Il propose une méthode active, vivante, sans théorisation inutile, avec des
exemples concrets. Il offre de nombreux exercices, en partie renouvelés.
Il sera complété par un nouvel ouvrage adapté aux concours qui paraîtra
prochainement et où l’on trouvera des indications plus spécifiques.
Nous remercions les utilisateurs, les formateurs et les enseignants qui ont
bien voulu nous faire part de leurs critiques et de leurs suggestions, dont il a été
tenu le plus grand compte.
D. B.

NB. Les corrigés des exercices (Ex) se trouvent à la fin de chaque chapitre. Ils permettent
aux utilisateurs individuels de contrôler leur travail en le comparant à un essai de solution – car en
notre domaine il n’y a pas de modèle unique. Mais ces corrigés ne doivent être consultés qu’après
avoir pratiqué soi-même l’exercice, sous peine de réduire l’efficacité de l’étude personnelle.
Les travaux dirigés (Td) sont proposés sans corrigés car ils sont destinés à des activités ou
des contrôles effectués en groupes.

techniques de l’expression écrite et orale 5


Je passai le plus clair de la matinée à rédiger un rapport sur une affaire de détour-
nement de fonds passablement embrouillée. Des différents aspects de notre
métier, cette besogne d’écriture m’était la plus pénible. En deux ou trois feuillets,
il fallait résumer des enquêtes qui avaient parfois duré plusieurs mois, occupé
quatre ou cinq inspecteurs, nécessité l’audition de dizaines de témoins et de
suspects. En outre, ce résumé devait paraître assez clair et assez cohérent pour
que nos supérieurs puissent, en une dizaine de minutes, se former une opinion
et prendre, en connaissance de cause, la décision adéquate. Or, comment rendre
clair ce qui paraît le plus souvent confus, contradictoire, informe ? Je suais chaque
fois sang et eau pour réduire une réalité insaisissable à une suite de faits, de dates
présentant l’aspect de la cohérence. De plus, je devais m’efforcer de demeurer
le plus impartial et le plus neutre possible afin de conserver à l’ensemble une
apparence d’objectivité. Il s’agissait, bien entendu, d’une apparence, puisque le
simple récit des faits, selon l’ordre où on les rangeait, orientait l’ensemble de
l’affaire. Mais il n’existait aucun moyen d’agir autrement, et nous en étions tous
réduits à pondre de tels rapports, qui déformaient ou mutilaient la réalité. C’était
d’ailleurs un simple truc, une technique qui s’acquérait avec l’usage. Certains de
mes collègues étaient passés maîtres dans cet exercice et ils « torchaient », pour
employer leur expression, un rapport en moins d’un quart d’heure, tout en plai-
santant avec les secrétaires ou en commentant un match de football.
Michel del Castillo, La Nuit du Décret,
© Éditions du Seuil, 1981, p.18. Coll. Points 1996.

Le discours, en apparence, a beau être bien peu de chose, les interdits qui le frap-
pent révèlent très tôt, très vite, son lien avec le désir et avec le pouvoir. Et à cela
quoi d’étonnant : puisque le discours – la psychanalyse nous l’a montré –, ce n’est
pas simplement ce qui manifeste (ou cache) le désir ; c’est aussi ce qui est l’objet
du désir ; et puisque – cela, l’histoire ne cesse de nous l’enseigner – le discours n’est
pas simplement ce qui traduit les luttes ou les systèmes de domination, mais ce
pour quoi, ce par quoi on lutte, le pouvoir dont on cherche à s’emparer.
Michel Foucault, L’ordre du discours,
© Éditions Gallimard, 1971, p.12.

6 techniques de l’expression écrite et orale


Chapitre I
S’informer
Toute activité réclame la production et la circulation de l’information. On doit
recevoir ou donner des instructions, fournir des renseignements, rendre compte,
étayer ce que l’on propose. Cela est d’autant plus vrai et plus important lorsque
le niveau des responsabilités qu’on exerce augmente. L’information est réci-
proque et constante à tous les échelons des entreprises et des services comme
dans tous les rapports sociaux. Bien entendu, elle est à la base des études indivi-
duelles.
Si de nombreuses informations naissent, pour ainsi dire spontanément, de
l’expérience et ne demandent, pour être communiquées, qu’une mise en forme,
il arrive souvent que l’on doive d’abord définir le contenu de l’information,
ou même aller à sa recherche, la découvrir. Il paraît utile, pour commencer,
d’indiquer comment on peut, selon les méthodes traditionnelles, se procurer des
renseignements et les conserver en vue d’une utilisation à plus ou moins long
terme. Nous présentons ensuite un aperçu des possibilités qu’en matière de
documentation l’informatique met à notre disposition.
Il est évident que nous ne pouvons nous intéresser ici à un domaine théo-
rique ou professionnel précis. Pour obtenir une information sur la fabrication
d’une pièce de moteur, sur le montage d’un mécanisme, sur une formule chi-
mique, sur l’état d’un stock, sur l’utilisation d’un équipement, sur l’évolution d’un
marché, bref sur tout ce qui concerne l’activité ou les études propres à chacun,
vous ferez appel au professeur chargé de l’enseignement correspondant, au chef

leçon exercices travaux dirigés corrigés 7


de service compétent, au documentaliste, aux archives de l’entreprise, aux
ouvrages spécialisés, aux ressources d’Internet.
Nous n’envisageons que les problèmes de documentation qui échappent
à votre formation particulière. Ce cas, au reste, se présente souvent : la spécia-
lisation va de pair avec la nécessité de liaisons fréquentes d’une technique à
l’autre, d’une préoccupation à l’autre. Par exemple, un chimiste n’envisage pas
d’utiliser un produit pour une fabrication sans se soucier des possibilités de four-
niture de ce produit : il s’informe auprès du service des approvisionnements.
Cela va de soi. Mais dans le cadre et hors du cadre de votre travail, vous aurez
encore à rechercher des informations sur des questions d’actualité, de culture
générale, de loisirs : sur un pays où vous allez opérer pour la première fois
(économie, mœurs, transports), sur la législation relative à la copropriété, etc. La
vie professionnelle, familiale, sociale, l’activité associative, syndicale ou politique
imposent un effort perpétuel d’information. L’évolution des connaissances et du
mode de vie exige de vous tôt ou tard la recherche de la documentation. Il
est des ignorances qui ne se pardonnent pas et auxquelles on peut remédier
aisément.

8 techniques de l’expression écrite et orale S’informer



I - OU TROUVER L’INFORMATION

Votre souci est d’éviter des pertes de temps provoquées par une
recherche maladroite.
Voici quelques moyens simples pour faire face à l’imprévu ou
combler une lacune de votre information.

1 Les services de documentation


Dans les administrations, les entreprises et les établissements d’ensei-
gnement, se sont développés des services de documentation. Vous y
trouverez une information spécialisée, classée et mise à jour de façon
permanente.
Ayez recours aux compétences du documentaliste et profitez des
moyens techniques dont il dispose. N’hésitez pas à lui demander de
rechercher pour vous le renseignement précis que vous souhaitez.

2 La presse
La lecture des quotidiens et hebdomadaires est utile, surtout pour les
questions d’actualité. Pourquoi ne recommanderions-nous pas le jour-
nal Le Monde qui est généralement reconnu comme l’organe d’infor-
mation le plus sérieux de la presse française ? Conservez les articles
qui sont susceptibles de vous servir plus tard. Le Monde publie chaque
mois Dossiers et Documents, supplément vendu à part qui rassemble,
autour de 2 sujets distincts, des extraits d’articles parus les années
précédentes.
Pour retrouver des articles concernant des faits plus anciens,
feuilletez les collections de journaux soit au siège de chaque journal,
soit dans une bibliothèque. Et vous disposez sur Internet des sites de
la plupart des publications.
Consultez aussi les revues et publications spécialisées. Il en existe
pour satisfaire toutes les curiosités. Vous en trouvez la liste complète
au dépôt ou bureau local des messageries ou dans le catalogue des
périodiques d’une bibliothèque.
Vous pouvez aussi découvrir les titres des publications distribuées
par les Nouvelles Messageries de la Presse Parisienne ou par les Messa-
geries Lyonnaises de Presse sur leur site Internet respectif
(www.nmpp.fr et www.mlp.fr).

leçon exercices travaux dirigés corrigés 9


3 Les collections
Vous n’ignorez pas les collections d’ouvrages de vulgarisation. Men-
tionnons parmi les plus accessibles par la modicité de leur prix et leur
large diffusion :
• Que sais-je ? : publiés par les Presses Universitaires de France, ces
volumes réduits offrent des mises au point rédigées par d’excellents
spécialistes ; la collection couvre tous les domaines des connaissances
modernes (citons au hasard La mortalité chez les jeunes, Les origines du
cancer, L’anarchisme en Europe...). Cependant les sujets les plus tech-
niques exigent que le lecteur possède certaines notions de base.
• Mémo, aux éditions du Seuil : petits ouvrages de synthèse sur
l’économie et les sciences humaines ; par exemple, Les États-Unis depuis
1945 ou Lexique de philosophie.
• Le même éditeur publie également la collection Points qui
comporte diverses séries (par exemple, Points Économie ou Points
Sciences).
• La Petite Bibliothèque Payot (PBP) offre des volumes sérieux et
précis (Histoire du capitalisme, L’hystérie, La civilisation celtique, etc.).
• Domino, collection éditée par Flammarion : par exemple, La
vache folle, Le bouddhisme zen, La généalogie...
• Les essentiels Milan, offrant des repères précis ; par exemple, Pré-
venir les catastrophes naturelles, L’alimentation de demain, Le règne des
OGM...
• Découvertes Gallimard , qui se recommande par la modernité de
la mise en page et le nombre des illustrations (mentionnons, par
exemple, L’alimentation, La science fiction, La police judiciaire...).
• Repères aux éditions la Découverte (par exemple, L’économie
mondiale, La Bourse...).
• Idées reçues (Le cavalier bleu) : par exemple, Les Corses, Les ori-
gines de l’homme, Les fonctionnaires...
• Les autres collections de livres de poche comprennent des titres
concernant les divers intérêts ou activités du monde contemporain :
demandez à un libraire les catalogues.

4 Les dictionnaires et encyclopédies


On oublie souvent que ces ouvrages parfois gros sont une mine de
renseignements ; ils fourniront de nombreux éclaircissements, à
condition qu’il s’agisse d’une édition récente.

10 techniques de l’expression écrite et orale S’informer



Citons l’Encyclopaedia Universalis, l’Encyclopédie Bordas et l’Encyclo-
pédie Larousse, Théma.
Il en existe des versions sur CD à consulter sur son ordinateur.

5 Bibliothèques publiques et privées


Toutes les villes ont une bibliothèque municipale ; les entreprises de
taille importante, les établissements d’enseignement, les Maisons de la
Culture, etc., possèdent souvent une bibliothèque ; à côté des Univer-
sités, sont implantées des Bibliothèques Universitaires, réservées aux
étudiants et aux chercheurs : on accorde sur demande des autorisations
spéciales. Sachez tirer parti de leurs richesses ; ne vous laissez pas
impressionner par leur aspect qui peut être austère : ce sont des lieux
accueillants et ouverts à tous.
Si vous êtes embarrassé, demandez au Conservateur (c’est le titre
du directeur de bibliothèque) ou au personnel de vous indiquer les
conditions d’emprunt et de guider votre recherche. Les bibliothécaires
sont courtois par vocation et heureux, parce qu’ils aiment les livres,
d’aider les lecteurs.
Il faut savoir :
• que certaines bibliothèques prêtent des livres à domicile tandis
que d’autres ne permettent qu’une consultation des ouvrages sur
place ;
• que la plupart présentent deux variétés de catalogues :
a) un catalogue des auteurs,
b) un catalogue des matières (sujets traités), tous deux dans
l’ordre alphabétique ;
• que ces catalogues sont établis sur fiches et/ou informatisés ; en
ce cas, l’usager dispose de pupitres de consultation.
• que dans les salles de lecture un certain nombre d’ouvrages,
appelés usuels, sont à la disposition du public sans qu’il soit nécessaire
de les demander,... mais il est recommandé de les remettre en place
avant de partir. Ces usuels sont des dictionnaires, des ouvrages géné-
raux souvent consultés ;
• que, dans les grandes bibliothèques, il faut faire venir des
magasins (= salles où les livres sont conservés) les autres titres, au
moyen d’un bulletin de prêt à remplir soigneusement (auteur, titre,
cote, tous renseignements que l’on aura relevés dans le catalogue) ;
on remet ces formules au bureau de la salle de lecture ; la cote d’un
ouvrage est son numéro de classement ;

leçon exercices travaux dirigés corrigés 11


• que vous devez donc prévoir une attente de l’ordre de 10 à
30 minutes entre le dépôt du bulletin et la communication de l’ou-
vrage ;
• que pour un emprunt à domicile, vous aurez à remplir un bul-
letin d’un autre modèle ;
• que dans de nombreuses bibliothèques, il existe des salles spé-
cialisées, par exemple une salle des périodiques où l’on trouve le cata-
logue des revues et journaux.

6 Conseils pour la recherche


a) Si l’on ne dispose d’aucun point de départ, déterminer la sec-
tion générale dans laquelle est susceptible de se trouver le renseigne-
ment cherché : philosophie, religion, droit, sciences pures, sciences
appliquées, etc. Puis préciser la rubrique : sciences pures – physique
– physique nucléaire, etc.
b) Partir toujours des ouvrages ou articles plus généraux pour
passer ensuite aux plus précis.
c) Si, dans un catalogue par matières, vous ne trouvez rien sur le
sujet qui vous intéresse, voyez aux notions analogues ou voisines.
Par exemple, pour techniques d’expression, je chercherai à expression, à
techniques, ensuite à communication, à langue française, etc.
d) Si à la rubrique qui vous convient, vous hésitez devant plu-
sieurs titres, choisissez pour commencer les ouvrages et articles les
plus récents, qui en principe tiennent compte des travaux antérieurs.
e) La recherche se poursuit de proche en proche : une lecture en
indique d’autres par les citations, les notes, les références.
f) La date d’un événement ou d’une invention est utile pour guider
l’enquête. Supposons que je cherche des informations sur l’envoi du
premier satellite spatial, je sais que je trouverai des reportages et illustra-
tions dans les journaux d’octobre 1957, et des articles plus approfondis
dans les revues mensuelles scientifiques et aéronautiques de novembre,
décembre et janvier suivants. Les périodiques réagissent à un fait nou-
veau d’autant moins rapidement que leur parution est plus espacée.
g) Conseillons enfin de noter les titres et références au fur et à
mesure, ce qui évite de feuilleter à nouveau les catalogues et réper-
toires à la séance suivante.

12 techniques de l’expression écrite et orale S’informer



Toutes les informations que vous pouvez désirer existent, et
presque toujours à votre portée. Vous les trouverez en procé-
dant avec méthode.

7 L’inventaire rapide de l’essentiel


Comment s’y prendre pour dominer la masse des informations qui
nous submergent chaque jour ? Pour s’informer vite, il faut savoir lire
vite.
1 Journaux, revues
Les articles sont présentés dans un certain ordre, sous des rubriques qui
figurent au sommaire ou en haut des pages : actualité, politique inté-
rieure, extérieure, économie, spectacles, etc. On indique parfois non
seulement les titres des articles, mais aussi, brièvement, leur contenu.
L’habitude d’un périodique en facilite le dépouillement rapide.
Vous savez combien l’on est dérouté quand, ne trouvant pas son quoti-
dien habituel, on est obligé de s’en procurer un autre. Tout surprend :
l’emplacement des informations, la présentation matérielle (grosseur
des titres, mise en page, etc.).
2 Livres
Il est évidemment ridicule de se croire obligé de les lire du premier
mot au dernier. Allez tout droit à la Table des matières : vous aurez une
idée du contenu, vous pourrez repérer les parties, les chapitres qui
concernent votre recherche du moment ou sont susceptibles de vous
intéresser. Vous ferez bien ensuite de commencer par la Préface, mais
surtout par la Conclusion : dans les dernières pages, l’auteur s’efforce
ordinairement de condenser les résultats de son enquête, de sa
réflexion.

leçon exercices travaux dirigés corrigés 13


II - LES MOYENS DE L’INFORMATIQUE

L’ordinateur, qui met chacun en relation avec ses proches (réseau
interne ou local) comme avec des bases lointaines de données et de
documents, est devenu le procédé principal et indispensable pour
rechercher l’information. Une grande partie des ressources qu’offre
l’informatique est accessible sans connaissances approfondies. Pour le
reste, n’hésitez pas à avoir recours à l’aide d’un spécialiste. La docu-
mentation est un métier et une science. Mais vous pouvez et devez
vous transformer peu à peu en documenté averti.

1 Les CD-Rom :
Votre micro-ordinateur doit être équipé d’un lecteur et, généralement,
d’une carte-son (traitement et émission des sons numérisés). Ces
disques proposent des informations de toute nature, sous une forme
attrayante (textes, images fixes ou animées, son). Leur capacité de
stockage est importante : une encyclopédie volumineuse peut être
contenue sur un tel support.

2 Internet :
La « toile » incontestablement est la voie royale pour se documenter,
elle vous met en contact avec presque toutes les informations du
monde.
Bien sûr, il faut disposer d’une adresse électronique obtenue
auprès d’un opérateur ou fournisseur d’accès (Orange, Free, AOL,
etc.). Renseignez-vous sur les conditions ; il en existe de gratuits.
L’utilisateur paie soit un abonnement illimité, soit d’une durée fixée
au-delà de laquelle les heures supplémentaires sont facturées.
Les grands fournisseurs d’accès proposent leur portail (moteur de
recherche). Vous pouvez aussi contacter un autre moteur (par exemple
Yahoo ! ou Google). Les moteurs les plus nombreux sont anglo-
phones, mais offrent une version en français. Vous indiquez par
quelques mots l’objet de votre recherche. En réponse vous obtenez
une quantité souvent impressionnante de titres de documents ; par un
tri de plus en plus pointu, vous parviendrez à obtenir le renseignement
souhaité.

14 techniques de l’expression écrite et orale S’informer



La recherche s’effectue par mots-clés, par thèmes ou par catégo-
ries de sites.
C’est l’expérience qui vous apprendra à atteindre des résultats
efficaces. Au début, on est découragé par la sur-information, par le
nombre de références ou de sites dont le moteur de recherche vous
propose en une fraction de seconde les noms et adresses électroniques,
par les fausses routes sur lesquelles on est entraîné. Mais, bien vite, on
évite les erreurs ou égarements, on clique sur la voie utile, on s’aguer-
rit et devient plus rapide.
Une imprimante est nécessaire pour retenir l’information qu’on
obtient au bout de la navigation (ou surf). On peut aussi enregistrer,
sur un CD ou sur une clé USB, les documents que l’on tient à conser-
ver au moins quelque temps.

III - CRITIQUE ET EXPLOITATION


DE L’INFORMATION

Après la découverte, le rassemblement, le classement de la documenta-
tion, le travail est pour une grande part effectué, mais il n’est pas
achevé. Encore faut-il apprécier la qualité de l’information dont on dis-
pose. Car, de même que tout ce qui est imprimé sur support papier,
ce qui apparaît sur l’écran ne doit pas être tenu pour vérité ou même
réalité indubitables. Pour cela, on soumettra chaque document à un
certain nombre d’interrogations.

䊐 A IDENTIFICATION DES SOURCES D’INFORMATION


Qui est l’informateur ?
On se demandera quel est son statut, quels sont ses titres et ses
fonctions, s’il parle en son nom personnel ou au nom d’un organisme,
d’un collectif. On distinguera, par exemple, la communication
savante, qui vient directement du producteur de l’information, et l’ar-
ticle de vulgarisation, souvent de seconde main, écrit par un journa-
liste. Ce dernier, même consciencieux et compétent, aura peut-être
apporté des simplifications, des déformations, parfois involontaires.

leçon exercices travaux dirigés corrigés 15


D’où l’intérêt de toujours préciser, dans le domaine de la documenta-
tion, les références exactes de la source (voir encadré p.17).

Quelle est la forme de diffusion de l’information ?


On mesurera le degré de sérieux du périodique, de la collection,
de l’éditeur. Le support (mensuel technique, quotidien avide de sensa-
tions, nature de l’émission télévisuelle, etc.) fournit une indication sur
la valeur et l’ampleur de l’information distribuée.

Date de l’information ?
Elle a une importance évidente dans les secteurs où les évolutions
des connaissances sont rapides. Un document de 1980, outre son inté-
rêt historique, peut être valide s’il contient des idées générales, s’il
touche à un problème permanent. Par contre, il sera périmé en grande
partie s’il concerne des données économiques ou techniques. Il
convient donc de classer les documents dans l’ordre chronologique
inverse, en commençant par les plus récents qui ont plus de chance
d’apporter l’information la plus à jour. Sur Internet notamment, la
date doit être vérifiée.

䊐 B DÉCODAGE DES INTENTIONS


L’information pure, objective n’existe pratiquement pas dans l’absolu.
La formulation choisie, le mode de communication donnent forcé-
ment un aspect plus ou moins subjectif à l’énoncé d’un fait. Il faut
donc comprendre les conditions d’élaboration de l’information et
découvrir les intentions, même inconscientes, de son producteur. Cela
permet de mieux juger le document.
Une attitude de précaution et de doute est dans une certaine
mesure nécessaire, tant le souci d’approcher la vérité peut subir des
déviations de la part de l’ambition, l’amour-propre, la cupidité, la soli-
darité nationale ou politique ou professionnelle. Sans être désespéré
par une méfiance systématique, on peut essayer de rester perspicace...

䊐 C RECOUPEMENT
En cas de doute, c’est la méthode à utiliser. Ce procédé, illustré par
les enquêtes policières, a toujours son efficacité. Confirmer un fait
par deux ou plusieurs documents conforte les certitudes. En opposant
contradictoirement des sources, des essais, des données, on parvient à
mieux établir les faits.

16 techniques de l’expression écrite et orale S’informer



Présentation usuelle des références :
• pour un livre : auteur, titre, collection éventuelle, éditeur, lieu
et date d’édition (voir, à titre d’exemple, les références des textes
dans les exercices du chapitre II), pages ;
• pour un article : auteur, titre, « in » suivi du titre de la publi-
cation, numéro, date, pages ;
• pour un autre document (lettre, rapport, etc.) : auteur,
entreprise ou service, destination, date, etc.
• pour un site Internet : nom et adresse électronique.

leçon exercices travaux dirigés corrigés 17


Chapitre II
Le Plan
Bien comprendre ce qu’on écoute ou ce qu’on lit exige de percevoir le plan
du discours ou du texte. Pour être bien suivi lorsque l’on parle ou écrit, il faut
avoir organisé ses idées, avoir élaboré un plan.
Aujourd’hui, avec l’extraordinaire développement des médias, la production
de discours ou de textes est tellement abondante, tellement hâtive que l’on s’en
tient souvent à une disposition approximative des idées.
Voyez, par exemple, dans la presse, la prolifération des interviews. Ces
conversations enregistrées et publiées telles quelles ont le charme de la sponta-
néité et la force du témoignage ; mais, si l’interviewer n’a pas préparé avec soin
ses questions ou si l’interviewé est capricieux, confus, le lecteur éprouve quelque
difficulté à dégager les idées importantes.
Certaines techniques de production de textes aboutissent aussi à des déve-
loppements peu ordonnés, peu maîtrisés, faisant mal ressortir les idées essen-
tielles et surtout les rapports qu’elles ont entre elles. De nombreux articles et
livres sont dictés au magnétophone, c’est-à-dire parlés, enregistrés, et ensuite
transcrits, souvent sans qu’il y ait un effort de réorganisation suffisant. D’où des
articles, des chapitres, des livres très émiettés, décousus.
Il faudrait un grand entraînement intellectuel pour produire, de cette façon,
un texte précis, clairement enchaîné. Si l’on n’a pas cette maîtrise, on doit s’as-
treindre à un effort préalable d’organisation des idées, c’est-à-dire construire un
plan.

leçon exercices travaux dirigés corrigés 19


Qu’il s’agisse de déchiffrer un message ou de le produire, la tâche sera
facilitée si l’on connaît quelques types de plans usuels.
Nous partirons de plans simples qui conviennent à la présentation des
éléments d’un problème, des aspects d’une situation, d’un exposé d’informations,
etc. Nous montrerons ensuite que la volonté de présenter les choses sous un
jour favorable ou défavorable, de pousser quelqu’un à prendre une décision ou
à agir de telle ou telle façon influe sur l’organisation des idées.
Le désir de persuader domine un exposé long et structuré, un rapport,
aussi bien qu’un texte court, une lettre par exemple, ou les interventions au
cours d’une discussion.

20 techniques de l’expression écrite et orale Le Plan



I - À LA RECHERCHE DU PLAN

Voyons d’abord comment le destinataire et l’émetteur d’une commu-
nication peuvent procéder avec méthode, le premier pour comprendre
le message qui lui est destiné, le second pour construire ce message.

䊐 A VOUS ÊTES LE DESTINATAIRE

1 Écoute d’un discours


La mise en relief d’une idée et des rapports qu’elle entretient avec les
autres s’effectue, dans la communication orale, grâce à des moyens
spécifiques et le plus souvent de façon appuyée.
La mimique, le geste, la voix (vitesse du débit, intensité, intona-
tion, pauses variées), diverses formules (ouverture ou clôture d’un
développement, annonce des parties qui vont suivre, transitions, etc.)
sont utilisés, souvent presque spontanément, pour bien marquer les
articulations de la pensée (voir ci-dessous).
S’entraîner à bien repérer toutes ces indications conditionne, en
grande partie, la qualité de l’écoute. On s’y prépare aussi en cherchant
le plan d’un texte écrit.
On doit se poser ces deux questions :
– Qu’est-ce que le locuteur veut me dire ou me faire
comprendre, me faire admettre ?
– Comment s’y prend-il pour parvenir à ses fins ?

2 Déchiffrage d’un texte


a) Éliminer les difficultés dues au vocabulaire
et à la construction de la phrase
On ne peut avoir la prétention d’aborder, sans préparation, n’importe
quel texte : tel exposé technique, parfaitement clair pour un spécia-
liste, n’est qu’un grimoire pour un profane. Mais se persuader aussi
que, très souvent, un texte, jugé difficile à la première lecture, s’éclair-
cit peu à peu. Sachons nous arrêter aux mots qui « résistent », dont le
sens ne nous apparaît que confusément et sur les phrases de construc-
tion plus ample ou plus embrouillée.

leçon exercices travaux dirigés corrigés 21


b) Repérer l’idée essentielle
• Elle est souvent exprimée soit au début soit à la fin du texte.
Parfois, c’est le titre qui la condense, mais méfiez-vous des titres à
effet qui mettent l’accent sur un aspect partiel.
• Soulignez les expressions qui « ramassent » les idées secondai-
res ; ce sont fréquemment des noms ou des groupes constitués autour
du nom.
c) Étudier les articulations logiques
Leur fonction est d’indiquer rapports et enchaînements d’idées, soit à
l’intérieur d’un même paragraphe, soit d’un paragraphe à l’autre. Elles
explicitent les liens entre les éléments du message, les étapes du dérou-
lement de l’énoncé.
Voici les plus courantes d’entre elles :
• Articulations d’amorce :
elles annoncent ou soulignent que ce qui est dit n’est qu’un moment
de la pensée ;
– formules introductives : commençons par, d’abord, avant tout, le point de
départ doit être...
– premier terme d’une énumération : en premier lieu, d’une part, la pre-
mière remarque porte sur...
– préparation d’une opposition ou concession : certes, s’il est vrai que, il
se peut que...
– insertion d’une illustration : par exemple, examinons le cas de...
– annonces diverses : sait-on que, je précise que, reste le fait que...
• Articulations de liaisons :
elles marquent un lien entre ce qui précède et ce qui suit ;
– addition : et, puis, aussi, également, en outre, passons à présent à, venons
en à, après avoir considéré, en second lieu, ensuite, d’autre part...
– insistance : même, à plus forte raison, d’autant plus que, de plus, non
seulement... mais...
– cause (raisons) : car, en effet...
– conséquence : donc, ainsi, par conséquent, c’est pourquoi...
– opposition : mais, cependant, toutefois, pourtant, au contraire, néanmoins,
en revanche...
– confirmation avec changement de point de vue : d’ailleurs, du reste,
aussi bien...

22 techniques de l’expression écrite et orale Le Plan



• Articulations de rappel :
elles renvoient à ce qui a déjà été exprimé.
Ainsi, de même, de là, d’où, pour cela, n’en restons pas à ce stade, ce n’est
qu’un premier point...
• Articulations de terminaison :
elles signifient le terme d’un développement, la fin d’une énuméra-
tion, la conclusion.
Donc, enfin, en résumé, en définitive, pour conclure...
Attention !
Ne vous fiez pas à la seule formule d’articulation : replacez-la dans
son contexte. Et n’oubliez pas qu’elle peut ne pas être exprimée :
le français d’aujourd’hui a tendance à juxtaposer plus qu’à lier les
séquences.
Tenez évidemment compte des numérotations ou des indexations
indiquées par l’auteur.
d) Sous-titrer
Pour les textes assez longs, on a intérêt à porter dans la marge des
sous- titres brefs et provisoires qui marquent les parties principales.
On peut s’inspirer des usages de la presse. Quand un journal publie
un document d’une certaine ampleur, il introduit dans le texte des
divisions auxquelles le journaliste donne un titre pour faciliter la lec-
ture. Quelques publications font parfois courir dans la marge, en
caractères plus gros, une sorte de résumé.
Ce faisant, on disposera de points d’appui à partir desquels on
appréhendera l’ensemble du texte et on saisira son mouvement.
Mais, attention ! chaque alinéa ne marque pas obligatoirement le
début d’un nouveau paragraphe, c’est-à-dire d’une nouvelle idée ; il
convient parfois de se méfier, surtout dans les journaux et revues, de
la mise en page qui peut être trompeuse. Se laisser guider, mais non
abuser, par la présentation matérielle et typographique d’un texte.
Vous pourrez aussi numéroter provisoirement les idées successives
que vous distinguez.

䊐 B VOUS ÊTES L’ÉMETTEUR


C’est à vous de présenter une information et vous voici en quête d’un
plan.

leçon exercices travaux dirigés corrigés 23


1 Existe-t-il des plans préfabriqués ?
On sait combien la recherche et la mise en ordre des idées sont parfois
longues et difficiles : dans quelle direction chercher ? N’a-t-on rien
oublié ? Comment distribuer les idées ?... On aimerait disposer d’un
guide, d’un canevas.
a) Hélas ! aucun plan ne peut s’adapter automatiquement à n’importe
quelle réalité ou pensée. Certains schémas que vous aurez déjà utilisés
pour des cas semblables pourront parfois vous économiser un nouvel
effort, mais le plus souvent un aménagement s’imposera, faute duquel
vous feriez violence à votre sujet.
b) Ni artificiel, ni mystérieux, le plan n’est pas un cadre que l’on
plaque arbitrairement sur une réalité, mais il n’est pas davantage
fourni spontanément par celle-ci qui souvent peut être considérée sous
des angles différents. Donc plusieurs plans sont en général possibles. Rares
sont les sujets qui n’admettent qu’un plan unique, à moins qu’ils ne
soient très simples.
c) Le plan que vous adoptez répond à la nature de la matière que
vous cherchez à dominer. Ce qui suppose un effort d’analyse préalable
à la mise en ordre que constitue à proprement parler votre plan.
d) Des procédés mécaniques sont assez souvent recommandés. Ainsi,
pour faire le tour d’un problème, on peut se poser une série de ques-
tion dans un ordre convenu : de quoi s’agit-il ? (objet) Pour quelles
raisons ? Dans quel but ? (motifs, objectif) Comment ? Avec qui ou
avec quoi ? (moyens)... ou, pour une description : aspect général ?
qualités physiques (poids, dimensions, couleurs...) ? Utilisation ? Ser-
vitudes ?... Cette méthode est certes ancienne ; il faut pas la sous-esti-
mer, car elle aide au moins à « démarrer ».
e) Le plan n’est pas non plus une exigence d’ordre littéraire. Au
contraire, il règle la démarche scientifique : un théorème, une expérimen-
tation en laboratoire supposent toujours et partout un ordre strict, un
plan.

2 Le classement provisoire des idées


a) La confusion première, qui règne le plus fréquemment dans
notre esprit, ne devrait pas nous affoler. On se décourage, oubliant
que cet ordre parfait que l’on admire dans certains textes ou discours

24 techniques de l’expression écrite et orale Le Plan



est un résultat, un point d’aboutissement. L’esprit humain travaille
ordinairement dans le décousu, le désordre, livré à des associations
d’idées parfois étranges, souvent peu solides. Il faut s’y résigner. Sortir
de la confusion, c’est affaire de souplesse et de patience. Une première
ébauche du plan, quand on en aura le temps, gagnera à mûrir
quelques heures ou davantage.
b) Utilisez plusieurs feuilles à la fois,
« spécialisez » ces brouillons :
– une feuille pour les faits, les arguments... sans préoccupation
de l’ordre ;
– une autre, pour des amorces de plan, des idées sur l’ordre ;
– une autre, pour des développements qui « viennent » bien,
etc.
c) Exprimer les idées de la façon la plus précise, la plus concise,
tel doit être l’effort le plus important au cours de cette étape. Pas de
phrases complètes, aucun souci de « rédaction » proprement dit : lais-
sons ce travail pour une étape ultérieure.
d) Un tri provisoire des idées est le plus souvent possible dès ces
premiers tâtonnements. Ce classement permet de gagner du temps et
favorise la prospection : il joue le rôle de plan de recherche. Il arrive
que ce premier plan soit finalement adopté ; ce qui se produit pour
des cas simples, ou bien lorsqu’on est suffisamment entraîné. Pour ce
tri, contentez-vous de classifications sommaires, par exemple : aspects
économiques, financiers, moraux, etc. Vous consacrez une feuille à
chacun de ces aspects et vous reportez sur elle les matériaux de vos
premières ébauches.
e) Lorsque ce plan de recherche ne pourra pas devenir un plan
clair d’exposition, vous répartirez d’une autre façon les éléments
qu’aura dégagé votre analyse.

3 Caractères généraux du plan


Tout plan doit présenter des qualités bien connues.
a) La simplicité est une garantie de clarté au stade de l’élabora-
tion, et une garantie d’efficacité lors de la communication. Mais sim-
plicité n’est pas simplisme et plan simple ne veut pas dire plan
artificiel.

leçon exercices travaux dirigés corrigés 25


b) L’équilibre des parties peut passer pour vaine élégance ou
superstition. Il est évidemment ridicule de rechercher l’équilibre en
donnant une importance excessive à un développement secondaire et
en sombrant du même coup dans le bavardage : respecter la force,
l’importance réciproque des idées est un signe d’intelligence. Toute-
fois, la clarté, la richesse d’un exposé augmentent presque toujours
quand on s’applique à découvrir un ordre qui fasse disparaître toute
disproportion trop accentuée.
c) Plan en 2, 3 ou 4 parties ?
Nous avons évité d’attirer trop l’attention sur cette question : le
nombre des divisions d’un développement n’est pas à déterminer dans
l’absolu, par superstition ou formalisme. Certains types de plan impo-
sent une division, par exemple binaire : ainsi le plan construit sur une
opposition peut offrir 2 parties. Mais une grande souplesse demeure
indispensable.
• L’abondance des divisions et subdivisions nuit à l’impression
d’unité et à la clarté, donc ne favorise pas la compréhension et
décourage.
• Inversement la réduction excessive du nombre des parties
risque de fausser l’exposé (on force les rapprochements, les rapports
de dépendance des idées ou des faits), bien que cet effort pour regrou-
per et hiérarchiser soit en général légitime et fructueux.
On adoptera donc généralement de 2 à 4 divisions (et de même,
de 2 à 4 subdivisions).
d) Plan statique ou plan dynamique ?
Il est bon de choisir une idée directrice qui crée le mouvement de
l’exposé ; depuis l’introduction on conduit peu à peu son lecteur ou
son auditeur à une conclusion. Chaque partie joue alors son rôle dans
un organisme vivant, et les transitions, les conclusions partielles viennent
naturellement à l’esprit.

4 La présentation du plan
Elle doit être nette et rigoureuse grâce à l’ordre de la mise en page.
Car elle fait apparaître (si vous étudiez un document) ou elle préfigure
souvent (si vous préparez un travail de rédaction ou une intervention
orale) l’organisation d’un texte long, comme un mémoire, un rapport
ou un exposé.

26 techniques de l’expression écrite et orale Le Plan



Disposez sur la même verticale les titres qui se correspondent, les
débuts de paragraphes, les indexations de même valeur. Les idées ou
les faits qui se trouvent mentalement sur le même plan doivent l’être
aussi matériellement.
On choisit une verticale distincte pour chaque série de divisions
dont on a besoin. Les deux verticales les plus évidentes, donc à réserver
aux sous-titres les plus importants, sont celle qui se trouve à gauche
du texte dans la marge, et celle qui se trouve au milieu du texte.
Voici un schéma pouvant servir de guide :
䊐 I. Partie principale
A. DIVISION IMPORTANTE
1. Subdivision.
2. Subdivision.
a) subdivision secondaire ;
b) subdivision secondaire.
3. Subdivision.
B. DIVISION IMPORTANTE
1. Subdivision.
a) subdivision secondaire ;
b) subdivision secondaire.
c) subdivision secondaire.
2. Subdivision.
䊐 II. Partie principale
A. DIVISION IMPORTANTE
B. DIVISION IMPORTANTE
1. Subdivision.
2. Subdivision.
C. DIVISION IMPORTANTE
䊐 III.Partie principale
A. DIVISION IMPORTANTE
1. Subdivision.
2. Subdivision.
B. DIVISION IMPORTANTE
1. Subdivision.
2. Subdivision.
a) subdivision secondaire ;
b) subdivision secondaire.
L’essentiel, pour que l’indexation par alignements, chiffres et
lettres ne devienne pas une source de confusion, est de s’en tenir

leçon exercices travaux dirigés corrigés 27


toujours et partout à la même hiérarchie et à la même disposition. Par
exemple, garder constamment 1, 2, 3 pour signaler les parties princi-
pales dans la marge gauche, A, B, C, comme premières subdivisions
alignées sur la verticale du milieu, etc. Ces habitudes prises, l’ordre de
vos notes sera chez vous une seconde nature.
Signalons que l’on utilise aussi, pour marquer des subdivisions,
les caractères spéciaux des claviers, tels que <, >, *, §, /, etc.

Vous pouvez aussi, pour indexer les divers éléments d’un plan,
avoir recours à

La méthode de classification décimale


Elle jouit d’une grande faveur dans les services techniques, les secréta-
riats, etc., grâce à sa clarté, sa souplesse d’articulation et aux possibi-
lités d’extension progressive qu’elle permet. Nous n’en indiquons que
le principe général..
À chaque partie principale, on donne un chiffre de 1 à 9, le zéro
étant réservé aux généralités. Les subdivisions portent le chiffre de la
partie dont elles dépendent, à la droite duquel est inscrit leur numéro
d’ordre. Un troisième chiffre est ajouté s’il y a nouvelle division dans
la précédente. Et ainsi de suite.
Au cas où le nombre de subdivisions est supérieur à la dizaine,
on réserve un groupe de deux chiffres, si besoin de trois chiffres pour
numéroter toutes ces subdivisions.
Un exemple précédent fera comprendre le système :
DOSSIER ÉTUDES IUT
0. Généralités.
0.1. Programmes.
0.2. Horaires.
0.3. Renseignements divers.
1. Mathématiques appliquées.
1.1. Les ensembles.
1.2. Calcul linéaire.
1.3. Puissances, calcul exponentiel.
1.4. Dérivées.
1.9. Problèmes et corrigés.
2. Statistiques.
3. Anglais.

28 techniques de l’expression écrite et orale Le Plan



4. Techniques d’expression.
4.1. Cours.
4.2. Documents et textes.
4.2.1. Fournis par le professeur.
4.2.2. Rassemblés par moi.
4.9. Devoirs et exercices.

On constate que cette méthode assure un ordre visible et dégage


nettement le plan d’ensemble. Appliquée à un ensemble complexe,
qui comporte des éléments multiples et hétérogènes, elle se révèle très
efficace.
Cette classification est adoptée par l’Institut international de
bibliographie, qui répartit ainsi les disciplines :
0 : généralités (bibliographies, dictionnaires, périodiques, etc.),
1 : philosophie (morale, sciences occultes, etc.),
2 : religion, théologie,
3 : sciences sociales (droit, sciences militaires, etc.),
4 : linguistique, philosophie,
5 : mathématiques, sciences naturelles (physique, chimie, etc.),
6 : sciences appliquées (médecine, technologie, commerce, etc.),
7 : beaux-arts (urbanisme, jeux, sports, etc.),
8 : littérature,
9 : géographie, histoire.

II - PRINCIPAUX TYPES DE PLAN



䊐 A LE PLAN CONSTITUÉ PAR UNE ADDITION
1 L’addition d’éléments simples
C’est la structure la plus rudimentaire, la plus primitive pourrait-on
dire. L’enfant y recourt spontanément : « Il y a ceci, ceci et cela ». On
se borne à énumérer, à juxtaposer les faits, les remarques. Ce premier
effort de rangement des idées suffit souvent pour la présentation d’in-
formations assez brèves ; en s’allongeant, l’énumération engendre la
monotonie, lasse la mémoire. C’est pourquoi on emploie cette struc-

leçon exercices travaux dirigés corrigés 29


ture dans des parties de développement plutôt que pour charpenter
un ensemble.
Voici un extrait, construit sur une addition, d’une étude sur les rap-
ports des Français avec la culture. L’auteur rend compte d’une enquête
qui fut conduite en 1994 par Olivier Donnat.
La fréquentation des lieux de spectacles et d’expositions, l’écoute musicale,
la lecture constituent les trois domaines qui servent à Olivier Donnat pour
fonder une typologie des attitudes et comportements face à la culture. Il
dessine alors sept univers culturels dont il décrit ainsi les contours.
L’univers de l’exclusion est composé, pour l’essentiel, d’anciens agriculteurs
ou ouvriers non diplômés, âgés, ruraux, ne fréquentant aucun équipement
culturel et restant à l’écart des marchés et des politiques culturelles : les
« exclus » de la culture se caractérisent par une absence presque totale de
rapport avec le monde des arts et de la culture.
L’univers du dénuement où la connaissance du monde des arts et de la culture
reste faible, la fréquentation de lieux culturels exceptionnelle, mais la dis-
tance à l’égard de la vie culturelle moins radicale en raison d’une plus grande
insertion sociale et d’une sociabilité plus importante : le dénuement culturel
est, selon lui, typique des milieux populaires.
La culture juvénile renvoie à l’ensemble de la génération des 15-20 ans. Même
si les jeunes réagissent de manière différenciée à l’emprise des médias, selon
leur origine sociale, leur sexe, leur lieu de résidence, leur filière scolaire ou
le type d’études suivi, le contact quotidien avec les médias tend à structurer
leur temps extrascolaire. L’écoute musicale les caractérise également ainsi
qu’une certaine défiance à l’égard des formes les plus consacrées de la
culture.
L’univers du « Français moyen » s’organise assez largement autour de l’audiovi-
suel (télévision mais aussi musique et cinéma). Il connaît les aspects les plus
« spectacularisés » de la culture cultivée, mais ignore assez largement le
spectacle vivant (théâtre, concerts...). Dominant chez les personnes occu-
pant une position moyenne au regard des variables sociodémographiques
usuelles (âge, niveau de diplôme, lieu de résidence), le « Français moyen »
concerne aussi de larges fractions de jeunes générations d’ouvriers et
employés urbains ou de cadres nouvellement promus.
Trois autres univers, caractérisés par un « rapport cultivé » à la culture, tra-
duisent des liens plus étroits à la vie culturelle. Leur intérêt pour l’art et la
culture prend des formes différentes. Organisé autour de la lecture régulière
de livres, de la fréquentation du patrimoine en passant par celle des théâtres

30 techniques de l’expression écrite et orale Le Plan



et encore plus des concerts de musique classique, l’univers des « classiques »
s’avère dominant chez les diplômés de plus de quarante-cinq ans et dans une
large partie des classes moyennes nées avant-guerre dont la bonne volonté
culturelle peut s’exercer dans le domaine de la télévision (écoute de chaînes
ou d’émissions culturelles). Souvent restées à l’écart du « boom musical »
des trente dernières années, ces personnes ont gardé leurs distances à
l’égard des nouvelles formes d’expression artistique et manifestent le plus
souvent une méfiance à l’égard de l’audiovisuel, même quand elles s’avèrent
grandes consommatrices de télévision.
Construit autour de formes d’expression récentes où les barrières d’accès
symboliques sont moins fortes, l’univers cultivé moderne s’articule autour de
l’écoute musicale et de sorties nocturnes comme les concerts de jazz et de
rock, les spectacles de danse et le cinéma ; la lecture de livres y conserve
une place importante mais a perdu une grande partie de son pouvoir de
marqueur social. Dominant chez les jeunes diplômés urbains tournés vers
l’extérieur et sensibles aux phénomènes de modes, ceux-ci se nourrissent
plus de l’actualité et expriment une certaine réserve à l’égard des formes
d’expression jugées trop intellectuelles.
Enfin, l’univers des « branchés » désigne les boulimiques et éclectiques qui
possèdent une propension à cumuler les sources d’informations et à tirer le
meilleur profit de la plus efficace d’entre elles, à savoir le bouche à oreille :
d’où leur nom. Cette minorité sur laquelle repose une grande partie de la
vie culturelle réunit les usagers les plus assidus des équipements culturels.
Le principe organisateur de leurs goûts est l’éclectisme, entendu comme « la
propriété d’associer des activités ou des genres de livres, de musiques, de
spectacles... et se singularise par une familiarité aussi poussée avec la culture
classique qu’avec les formes modernes d’expression artistique ; dotés de
nombreux atouts (capital culturel, disponibilité, proximité de l’offre cultu-
relle), les branchés se retrouvent chez les diplômés de l’enseignement supé-
rieur d’âge intermédiaire, souvent célibataires et habitant des grandes villes,
à commencer bien sûr par Paris ».
Laurent Fleury,
Sociologie de la culture et des pratiques culturelles,
© Armand Colin, 2006, pp. 47 à 49.

Le modèle des « sept univers culturels » invite à l’énumération, à l’inven-


taire. On repère aisément les sept divisions. L’auteur consacre le pre-
mier paragraphe à une introduction, puis un § à chacune des
divisions. Remarquons une progression, puisque l’on passe peu à peu

leçon exercices travaux dirigés corrigés 31


de l’absence de pratiques culturelles dans la première jusqu’à la sura-
bondance chez les membres de la dernière.
L’avantage de ce type de plan est d’être simple et clair. Il est
souvent rendu plus apparent, soit par la répétition d’une formule
annonçant chaque élément de l’énumération (anaphore), soit par la
numérotation de ces éléments (1°, 2°, 3°, etc.), soit par l’emploi de
termes signalant la juxtaposition (d’abord..., ensuite..., enfin...). Dans
notre exemple, notez l’emploi des italiques.
Signalons un procédé qui est en vogue aujourd’hui, dans la
presse comme dans les discours des hommes politiques : on annonce
au départ les principaux termes de l’addition, soit deux ou trois noms,
soit deux ou trois verbes, soit deux ou trois adjectifs ; puis on reprend
chacun de ces termes – qui servent de têtes de chapitre, de repères –
en les développant. Ce procédé donne l’impression d’un discours maî-
trisé, voire élégant. Ainsi le critique Jacques Siclier, consacrant un
article au cinéaste François Truffaut qui venait de disparaître, a écrit
ceci :
François Truffaut fut à la fois le plus classique et le plus secret des cinéastes
français issus de la « Nouvelle Vague ».
Le plus classique parce que, tels Jean Renoir, Jacques Becker et Sacha Guitry,
il savait faire exister une histoire et des personnages, entre le réalisme de la
vie et la fiction du spectacle ; il connaissait la valeur des mots associés aux
images, usant parfois d’un commentaire parlé, d’une lecture prenant une
fonction narrative.
Le plus secret, parce que chacun de ses films a recélé, à travers des images
d’enfance, des conflits sentimentaux, passionnels, des émotions subtiles, des
pirouettes de comédie, son propre univers intérieur dont il prêtait à
d’autres, ses comédiens, ses personnages, les états successifs, que sa pudeur,
sa retenue, lui imposaient de ne pas étaler au grand jour.

2 L’addition d’éléments composés


(catégories, thèmes, aspects, points de vue, etc.)
Quand les éléments à ranger sont nombreux, on peut procéder à
des regroupements selon leurs affinités.
a) Les catégories usuelles
Dans certains domaines, il existe des schémas traditionnels, presque
obligatoires :

32 techniques de l’expression écrite et orale Le Plan



– en chimie, on présentera successivement les propriétés phy-
siques, les propriétés chimiques d’un corps,
– en géographie, on analysera le relief d’une région, puis son
climat, puis ses ressources agricoles et industrielles, enfin les transports
et le commerce,
– une situation sera étudiée selon ses aspects économiques,
sociaux et politiques.
Exemple :
Quelles sont les matières premières utilisées dans l’industrie des plastiques ?
– on signalera d’abord les matières minérales (calcaire, houille, pétrole brut,
gaz naturel), parce que ce sont les plus nombreuses et les plus importantes
pour cette industrie ;
– ensuite, les matières végétales qui donnent la cellulose, matière de base
des résines cellulosiques ;
– en dernier lieu, une matière animale, la caséine, qui est la base de la
galalithe (beaucoup moins employée maintenant).

b) Les catégories à créer


Ce type de plan peut être adopté fréquemment ; cependant on recher-
chera les cadres les plus adaptés à chaque exposé, en évitant de se
rabattre trop systématiquement sur les schémas connus. Le nombre
des catégories, aspects ou thèmes est d’ailleurs inépuisable : origine,
nature, matériaux, formes, couleurs, dimensions, utilisations, champ
d’application, durée, secteurs concernés, etc.

3 Faut-il ménager une progression ?


Le classement des éléments simples ou regroupés permettra de soute-
nir l’intérêt du lecteur ou de l’auditeur ; mais le principe d’ordre n’est
pas toujours évident.
a) Si les faits ou les idées à inventorier ne sont pas de même
nature, on ne peut établir de progression.
Exemple :
Quels sont les grands traits qui caractérisent le sous-continent nord- améri-
cain ?
– l’immensité des espaces ; une « échelle » différente de celle du continent
européen ;
– la « jeunesse » du « Nouveau monde » ; sa mise en valeur est relativement
récente (à peine plus d’un siècle) ;

leçon exercices travaux dirigés corrigés 33


– sa richesse ; les USA sont la première puissance économique mondiale.

Peut-on classer ces éléments descriptifs selon leur importance


relative ? Difficilement, car ils sont de nature différente (géogra-
phique, historique, économique), et a priori, l’un n’a pas ici plus de
valeur que l’autre.
b) Mais si les divers éléments sont de même nature, il est habituel
de les classer, selon leur importance, par ordre décroissant et plus
souvent croissant.

䊐 B LE MOUVEMENT LINÉAIRE
C’est un ordre que l’on adopte aisément, car il correspond aux grands
axes de l’univers humain : l’espace et le temps.

1 L’espace
Si j’ai à décrire un local, une installation, je peux énumérer les éléments
qui les composent en suivant le mouvement même du regard qui les
découvre successivement dans l’espace : de la gauche vers la droite,
ou du bas vers le haut, ou depuis l’entrée jusqu’au fond, etc.
Voici un exemple de ce type de plan :
Une usine hydraulique se compose en général des ouvrages suivants :
– un barrage de prise d’eau sur le cours d’eau dont on veut capter la puis-
sance ;
– un canal d’amenée dans lequel sont dérivées les eaux ;
– une conduite forcée ;
– l’usine elle-même, et un canal de fuite qui restitue les eaux dans le lit
naturel de la rivière.

L’auteur a énuméré, d’amont vers l’aval, les quatre ouvrages suc-


cessifs qui constituent l’installation.

2 Le temps
L’ordre chronologique est peut-être plus spontané encore, plus cou-
rant. C’est celui de tout récit historique évidemment.
Un bon exemple de cet ordre est constitué par le compte rendu
d’un accident de la circulation qui se doit d’être précis en ce qui
concerne la suite des faits dans le temps.
En voici un autre exemple. En 2003, le gouvernement avait
demandé à une commission, présidée par Bernard Stasi, de réfléchir

34 techniques de l’expression écrite et orale Le Plan



sur le principe de la laïcité et sur son application dans la République.
Dans la première partie de son rapport, la commission, s’appuyant sur
la chronologie, retrace l’évolution de cette notion républicaine :
La laïcité est constitutive de notre histoire collective.
Elle se réfère à la Grèce antique, la Renaissance et la Réforme, l’édit de
Nantes, les Lumières, chacune de ces étapes développant à sa manière l’au-
tonomie de la personne et la liberté de la pensée.
La monarchie prérévolutionnaire de droit divin reposait quant à elle sur des
fondements religieux : cérémonie du sacre à Reims, image du roi lieutenant
de Dieu sur Terre. Ce système social se caractérisait par le lien institutionnel
entre l’État et l’Église catholique et par la place de celle-ci dans la vie de
tous.
La Révolution marque l’acte de naissance de la laïcité dans son acception
contemporaine. L’autonomie de la conscience, y compris sur le plan spirituel
et religieux, est affirmée. Cette notion est si neuve qu’elle est formulée avec
prudence à l’article 10 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen
de 1789 : « Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses,
pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordre public établi par la loi. » Le
20 septembre 1792, l’Assemblée législative laïcise l’état-civil et le mariage.
La citoyenneté n’est plus liée à la religion. L’histoire de la laïcité n’est pas
sans crises ni affrontements. L’adoption de la constitution civile du clergé,
intervention politique dans le domaine religieux, ouvre de sanglantes frac-
tures.
Avec le Concordat de 1801 débute une période de stabilisation politique.
Le rôle social et moral de la religion justifie, dans l’esprit du Concordat,
que l’État conduise une politique volontariste en matière de cultes. La place
majoritaire de la religion catholique est consacrée, mais le pluralisme des
options religieuses est également pris en compte. Quatre cultes sont recon-
nus : catholique, luthérien réformé, israélite. Mais l’entrée en vigueur du
code civil laïcise définitivement les droits de la personne et de la société.
Ce régime se maintient tout au long du XIXe siècle. Progressivement, Église
et République s’affrontent de nouveau dans le conflit des « deux France ».
Les républicains entendent soustraire la société à la tutelle de l’Église catho-
lique et à son emprise sur les consciences. C’est dans cet esprit que sont
adoptées les grandes lois scolaires de la IIIe République. Deux modèles de
laïcité s’opposent. L’un, combatif, anticlérical, est défendu par Émile
Combes ; l’autre prône la séparation mutuelle de l’État et des religions dans
le respect de toutes les options spirituelles. Ce dernier modèle, plus libéral

leçon exercices travaux dirigés corrigés 35


et tolérant, porté notamment par Aristide Briand, Jules Ferry et Jean Jaurès,
l’emporte. La laïcité s’enracine alors dans nos institutions avec la grande loi
républicaine du 9 décembre 1905 qui sépare les Églises de l’État. Le style
en est remarquablement concis : article premier, « La République assure la
liberté de conscience. Elle garantit le libre exercice des cultes, sous les seules
restrictions édictées ci-après dans l’intérêt de l’ordre public », et, article 2, « La
République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte (...) ». La
dissociation de la citoyenneté et de l’appartenance religieuse est affirmée ;
la religion perd sa fonction d’instance de socialisation officielle ; enfin, la
France cesse de se définir comme nation catholique tout en renonçant au
projet d’une religion civile républicaine. Cette séparation est douloureuse-
ment ressentie par beaucoup de Français et suscite de nombreux conflits.
Après l’épreuve partagée de la première guerre mondiale, la paix religieuse
est rétablie avec l’accord de 1924 entre le Saint-Siège et le gouvernement
français.
Dans les colonies, où la laïcité française rencontre l’Islam, la politique de la
République est marquée par l’ambiguïté. En Algérie, partie intégrante de la
République jusqu’en 1962, la loi de 1905 prévoit la pleine application des
principes de la laïcité. Mais, par le biais de décrets d’application dérogatoires
pris par le gouvernorat d’Algérie, un régime d’exception est mis en œuvre
avec un code de l’indigénat qui maintient le statut personnel musulman ou
israélite. L’énonciation de principes républicains laïques et leur application
dérogatoire sur un territoire donné sont révélateurs d’une contradiction
propre à l’État colonial français. Ce processus interdit tout épanouissement
de la théologie musulmane dans un environnement laïque.
Malgré ses omissions, ses coups de force et ses violences symboliques, la
laïcité au XXe siècle réussit à transformer un étendard de combat en valeur
républicaine largement partagée. L’ensemble des composantes de la société
se rallie au pacte laïque. L’insertion en 1946 puis en 1958 de la laïcité parmi
les principes constitutionnels consacre cet apaisement.
La loi du 31 décembre 1959 fixe les règles de fonctionnement et de finance-
ment des établissements privés sous contrat, majoritairement catholiques,
dont le caractère propre est reconnu et protégé constitutionnellement.
En deux siècles, le contexte a changé. Construite au départ dans une société
où dominait l’Église catholique, la laïcité s’est adaptée aux métamorphoses
de notre pays. Marquée par des crises violentes, elle a oscillé entre deux
excès : la tentation passéiste de l’emprise des religions sur la société et la
confusion de la laïcité avec un athéisme militant. L’histoire de la laïcité n’est
pas le récit d’une marche inexorable vers le progrès. Celle-ci est sortie de

36 techniques de l’expression écrite et orale Le Plan



chacun de ces combats renouvelée. Les tensions actuelles s’inscrivent dans
cette perspective. Tout en restant une valeur partagée par tous, au cœur
du pacte républicain, elle n’a jamais été une construction dogmatique. Décli-
née de façon empirique, attentive aux sensibilités nouvelles et aux legs de
l’histoire, elle est capable aux moments cruciaux de trouver les équilibres et
d’incarner les espérances de notre société.
Rapport de La Commission de réflexion sur l’application
du principe de laïcité dans la République – Décembre 2003.

Plan du texte :

Introduction ( §§ 1 et 2) : – annonce de l’historique


– les sources antérieures du principe
Etapes de l’évolution : – § 3 : la situation sous la monarchie.
– § 4 : la naissance révolutionnaire de la laïcité
– § 5 : l’accord concordataire de 1801
– § 6 : la séparation des Eglises et de l’Etat
Un cas particulier : ( § 7) application partielle du principe
dans les colonies
(notamment à l’égard de l’Islam)
Conclusion (§§ 8 à 10) : aujourd’hui, une situation apaisée mais
non définitive.

On voit que cet historique se veut optimiste pour le règlement


des difficultés qui sont apparues en rapport avec les pratiques de la
religion musulmane.

Remarques :
• Très souvent un même plan associe la succession des faits dans
le temps et dans l’espace. Ainsi un compte rendu de voyage est en
même temps géographique et chronologique.
• Le plan linéaire ne manque pas d’efficacité, mais s’il est tentant
pour ceux qui répugnent à pousser plus loin leur effort d’analyse et
de composition, il faut se méfier de son apparente facilité.
• Il convient de renoncer très souvent à l’ordre linéaire et d’en
adopter un autre plus révélateur. Ainsi après une enquête, un stage,
une réunion, une inspection, etc, on ne se contentera pas simplement
de transcrire ou de lire les notes que l’on a prises ; ce serait souvent

leçon exercices travaux dirigés corrigés 37


une grave erreur de méthode. L’ordre linéaire, qui est celui de l’inves-
tigation et de la recherche, sera distingué de l’ordre selon lequel on
présentera les résultats.

䊐 C LE PLAN FONDÉ SUR UNE OPPOSITION


On rencontre partout cette structure : le jour et la nuit, le chaud et le
froid, l’avant et l’arrière, le haut et le bas, la gauche et la droite, le
masculin et le féminin, etc.
Il n’est donc pas étonnant de la retrouver fréquemment dans le
mouvement de la pensée et qu’on l’utilise pour ordonner ses idées,
qu’il s’agisse d’une véritable opposition ou bien d’une comparaison ou
d’une alternative . D’où un plan en 2 parties, un « diptyque » comme
on aime à dire aujourd’hui.
On considérera, par exemple, un seul objet et l’on opposera deux
de ses aspects (pour/contre, avec/sans, avantages/inconvénients,
etc.) : toute situation, tout projet peut ainsi être examiné de façon
contrastée.
Ou bien l’on comparera deux objets, cherchant quel est le meil-
leur, le plus beau, le plus utile : on se demandera ainsi quelle est la
meilleure de deux décisions, quelle est, de deux opportunités qui se
présentent, celle qui sera la plus intéressante.
Ainsi, dans sa conférence du 8 mai 2000 à l’Université de tous les
savoirs, Alain Renaut, professeur de philosophie à la Sorbonne (Univer-
sité Paris IV), évoque le débat qui s’est déroulé en France au sujet de
la « Charte des langues régionales ou minoritaires » adoptée en 1992
par le Comité des ministres du Conseil de l’Europe. La France n’a pas
ratifié cet engagement en faveur de la tolérance linguistique, à la suite
d’un avis négatif du Conseil constitutionnel en 1999. Partisan d’un
« multiculturalisme tempéré », A. Renaut présente ainsi les argumen-
tations en présence :
À l’analyse, l’argumentaire des adversaires de la ratification se révèle centré
principalement sur trois objections :
– Prendre en charge sous cette forme la revendication identitaire, ce serait
en fait remettre en cause la conception républicaine de la nation comme
reposant sur une volonté partagée d’édifier un avenir commun de progrès.
Parce que l’identité républicaine transcende les particularismes, il ne saurait
entrer dans sa logique d’organiser au sein de l’État-nation de quelconques
communautés linguistiques : bref, l’adhésion à une telle Charte procéderait

38 techniques de l’expression écrite et orale Le Plan



d’une philosophie antirépublicaine, où l’on a identifié volontiers le spectre
du communautarisme.
– Sous l’apparence d’une simple politique de défense de langues maltraitées
par la République, se dissimulerait en outre une vaste offensive politique
contre le principe même de l’État-nation : lorsque la Charte envisage que
les assemblées locales puissent délibérer dans la langue régionale concernée
et que des liens privilégiés puissent ainsi s’établir entre des régions qui,
appartenant à des États différents, parlent la même langue, il s’agirait en fait
de contribuer à un projet politique d’Europe des régions, alternatif à celui
de l’Europe des nations. Indépendamment des réserves susceptibles d’être
adressées à la teneur intrinsèque d’un tel projet, il se traduirait en tout cas
pour la France par un affaiblissement de l’État-nation et des valeurs qu’il
véhicule.
– En mentionnant dans sa partie II des « groupes » que l’État devra recon-
naître en tant que tels et dont il devra financer les besoins, la Charte tendrait
enfin à introduire, entre l’individu et l’État, de nouveaux corps intermédiaires
dont il y aurait tout lieu de craindre qu’ils puissent en venir à constituer dans
la vie politique des forces monnayant leur soutien. Surtout, la conception
même du sujet de droit démocratique se déplacerait de l’individu vers des
sujets collectifs s’apparentant aux corporations d’Ancien régime, avec leurs
droits spécifiques et leurs privilèges.
De l’autre côté, l’argumentaire des partisans de la ratification laisse appa-
raître lui aussi trois considérations primordiales :
– Sous l’emprise du jacobinisme, la République aurait tout fait pour étouffer,
voire pour interdire, la pratique des langues régionales : les hussards noirs
de Jules Ferry auraient ainsi imposé la pratique du français à des enfants dont
ce n’était pas la langue maternelle, en sorte qu’aussi bien au nom des libertés
ainsi bafouées que par égard à l’appauvrissement infligé au patrimoine cultu-
rel de la France, de l’Europe et de l’humanité, force serait de se réjouir de
la possible renaissance de certaines de ces langues : dans un monde en voie
de globalisation, comment ne pas encourager une aspiration à préserver
encore son identité et ses racines ?
– Refuser la Charte, ce serait en outre remettre en cause la place même de
la France dans la Communauté européenne. D’une part, la France, en
n’adoptant pas elle-même un texte dont l’acceptation est aujourd’hui impo-
sée à tout pays désireux de faire partie du Conseil de l’Europe comme une
des conditions à son intégration, risquerait à terme de se mettre en marge
de cette Communauté. D’autre part, la France a certes raison de rappeler
au respect de la pluralité des cultures, que ce soit contre le déferlement des

leçon exercices travaux dirigés corrigés 39


produits standardisés de l’industrie culturelle ou face à l’hégémonie de l’an-
glais comme langue de communication : pour autant, comment le respect
de la pluralité culturelle pourrait-il se limiter au plurilinguisme des langues
officielles des États ? Si d’aventure une véritable forme d’intégration politique
devait faire apparaître la communauté européenne comme un nouvel espace
de citoyenneté, la question se poserait alors de savoir quel statut juridique
y conférer à la diversité des appartenances culturelles que se reconnaîtraient
les individus, y compris dans leurs actuelles composantes nationales. Dans
une telle hypothèse, resterions-nous tous aussi convaincus qu’au niveau
européen également l’attribution de droits égaux aux citoyens serait rigou-
reusement incompatible avec la reconnaissance de leurs droits à voir respec-
ter leur identité culturelle distincte dans la diversité de ses modes
d’expression ? Bref, si l’on souhaite que la construction européenne n’inter-
dise pas demain aux formes de vie culturelles, ethniques et religieuses que
la Communauté regroupe de coexister et n’empêche pas les individus de les
développer librement, pourquoi la même conviction ne s’appliquerait-elle
pas dès aujourd’hui à l’intérieur des États-nations eux-mêmes, ne serait-ce
que pour préparer cette transition autrement exaltante que le passage à
une monnaie commune ? L’importance d’une reconnaissance accordée à la
diversité linguistique interne ne se mesure donc pas au nombre des individus
concernés : que moins de 3 % des élèves suivent les enseignements pro-
posés en vue de les initier à une langue régionale, c’est là une donnée signifi-
cative de l’état dans lequel se trouvent les parlers locaux après des siècles
de centralisation linguistique ; au demeurant elle ne saurait hypothéquer la
portée symbolique qu’il pourrait y avoir à renforcer les garanties apportées
au pluralisme linguistique par un programme d’éducation à un respect de la
diversité des langues et des cultures qui sera de plus en plus nécessaire à
mesure que l’Europe politique deviendra une réalité.
– La décision du Conseil constitutionnel est certes dans une relation de
pleine cohérence avec la révision de 1992, qui a fait du français « la langue
de la République » : loin de se trouver réglé par une prise en compte de
cette logique, le problème soulevé par la ratification ne doit-il pas cependant
être considéré plutôt comme l’indice que la révision témoignait d’une inquié-
tante dérive dans la conception même de l’identité républicaine ? Le législa-
teur a en effet pris ainsi la responsabilité de placer une marque d’identité
culturelle sur un pied d’égalité avec ces principes majeurs de la République
que sont le gouvernement du peuple par le peuple ou la devise « Liberté,
Égalité, Fraternité ». Obtenu à l’occasion d’un sursaut nationaliste contre

40 techniques de l’expression écrite et orale Le Plan



l’extension de l’anglais, cet ajout effaçait en réalité une conception de la
nation datant de deux siècles : à la nation civique, fondée sur la citoyenneté
et sur la volonté de vivre ensemble, tendait à se substituer ainsi une nation
ethnique, fondée sur le partage d’un héritage culturel sédimenté dans une
unité de langue. Pour la première fois aussi solennellement, les valeurs de
l’appartenance l’auraient donc, en France, emporté sur celles des droits de
l’homme. Sous prétexte de sauvegarder l’identité, voire l’exception culturelle
de la France, le choix accompli en 1992 aboutirait en fait à remettre en cause
et à sacrifier les caractéristiques potentiellement universalistes du modèle
républicain français : aux antipodes de la « communauté de citoyens » qu’elle
constitue aux yeux de ses meilleurs défenseurs, la nation des républicanistes
aurait donc choisi le risque d’une dérive ethniciste faisant de la France le
seul pays de l’Union européenne dont la constitution consacrerait la position
exclusive d’une langue officielle sans se référer au statut des autres langues
historiquement implantées sur son territoire. En ce sens, le danger commu-
nautarien résiderait moins dans la fragmentation redoutée de la société fran-
çaise que dans l’option prise par les souverainistes français de tout bord : au
service d’un repli nationaliste, cette option aboutirait à une fragmentation
communautarienne de l’Europe, cloisonnant les populations dans des
communautés nationales dont chacune se regrouperait autour d’une identité
culturelle et linguistique distincte et publiquement homogène.
« Multiculturalisme, pluralisme, communautarisme »,
in Qu’est-ce que la société ? UTLS vol. 3, © Éditions Odile Jacob, 2000, pp. 458 à 460.

Cet exposé est construit sur un emboîtement d’oppositions :


– entre la première partie (arguments des adversaires de la ratifi-
cation) et la seconde (arguments des partisans). Notez la symétrie
observée : 3 points pour chaque position ;
– à l’intérieur de chaque argument, réfutation du bien-fondé et
des conséquences de l’opinion adverse.
Remarquez que l’ordre n’est pas neutre : exprimer en dernier la
position en faveur de la Charte, c’est lui donner le dernier mot, donc
plus de force.
Ce type de plan permet de classer rapidement ses idées, mais il
expose à la raideur mécanique, à la fausse symétrie, aux reprises. Ainsi
l’opposition entre le contre et le pour, tout à fait acceptable ici, ne
saurait être répétée indéfiniment.

leçon exercices travaux dirigés corrigés 41


Si l’on a à opposer 2 aspects d’un même objet ou à comparer
2 objets :
a) au stade de la recherche des idées et du premier classement,
adopter le plan le plus simple en 2 parties, articulé sur l’opposi-
tion ;
b) au stade de l’exposé oral ou écrit, plutôt que de consacrer
un long développement à chacun des deux aspects du même objet
ou à chacun des deux objets, regrouper les idées autour des
2, 3 ou 4 points essentiels ou catégories : l’opposition, le
parallèle s’établissent à l’intérieur de chaque partie.

䊐 D LE PLAN CONSTRUIT SUR UN RAISONNEMENT


1 La relation de cause
Rendre compte d’un ensemble de faits n’est pas se limiter forcément
à un inventaire descriptif (catégoriel, linéaire ou antithétique). Pour
informer, on adoptera aussi parfois un plan articulé sur une réflexion
dynamique.
a) Après avoir décrit les faits constatés, on cherche à les expliquer.
C’est une démarche régressive. D’où le schéma :
• la situation,
• ses causes.
b) En sens inverse, une démarche progressive donnera l’articula-
tion suivante :
• la situation,
• ses conséquences.
c) Un même exposé assurera fréquemment les deux mouvements
(ce qui est souvent le cas dans une étude ou un rapport) :
• la situation,
• ses causes,
• ses conséquences.
d) Les causes peuvent être certaines ou probables, les consé-
quences sont effectives ou envisagées. La situation elle-même peut être
hypothétique. D’où, si l’on veut, le plan suivant :
• description de l’hypothèse,
• ses conséquences éventuelles.

42 techniques de l’expression écrite et orale Le Plan



Voici un exemple d’exposé construit principalement sur la rela-
tion de cause . Il s’agit de la première partie d’une étude, faite par
une association, sur la situation actuelle dans laquelle se trouvent les
régimes de retraite.
La démographie dans les pays développés présente aujourd’hui les caracté-
ristiques suivantes.
Le nombre des naissances a baissé dans la plupart de ces états, notamment
en Allemagne et en Italie. S’il reste assez élevé aux Etats-Unis, il s’est amé-
lioré en France sans atteindre toutefois le taux qui assurerait le maintien de
la population (ce sont les arrivées d’immigrants qui assurent la progression
démographique enregistrée).
En sens inverse, on note une progression constante de l’espérance de vie,
donc de la présence de personnes âgées. Ce qui s’explique par les progrès
dans l’alimentation, l’hygiène et les soins médicaux. De sorte que le nombre
d’actifs par rapport aux retraités va en diminuant. Alors qu’il est actuellement
d’environ deux actifs pour un retraité, on prévoit qu’au milieu du 21è siècle,
il sera de plus ou moins un pour un.
Il est évident que cette évolution démographique défavorable va peser, et
pèse déjà, sur l’équilibre des systèmes de retraite. La participation de chaque
actif à la pension des seniors sera nécessairement plus importante, avec en
plus la perspective d’une probabilité, si l’évolution continue dans le même
sens, de voir pour chacun le montant de sa propre retraite moins assuré.
D’autre part l’épargne qui doit gager les pensions dans l’avenir risque d’être
moins rentable puisque le nombre des travailleurs, participant à la produc-
tion, tendra à se restreindre.
On voit donc que le problème des retraites réclamera dès demain vigilance,
innovation, courage, et surtout un sens aigu de la solidarité et de la justice
sociale.

Ce développement est nettement construit sur un raisonnement.


1è partie : la situation démographique
§2. la fécondité baisse.
§3. l’espérance de vie croît.
2è partie : les conséquences
§4. augmentation des cotisations probable et incertitude sur
le niveau des pensions.
§5. doute sur la stabilité de la valeur des fonds de retraite.
§6. conclusion partielle

leçon exercices travaux dirigés corrigés 43


2 Autres formes de raisonnement
Des rapports logiques variés servent à articuler les divisions principales
ou secondaires d’une communication d’information ; par exemple, le
passage du général au particulier (ou l’inverse), ou du théorique au
concret, ou encore le fameux mouvement dialectique (thèse/antithè-
se/synthèse). (Voir aussi le syllogisme au chapitre III, p. 88).

䊐 E STRUCTURES COMBINÉES
Si les structures que nous venons de passer en revue suffisent à mettre
en ordre un texte bref, c’est souvent leur combinaison qui permet
d’ordonner un texte plus long et plus complexe. Ainsi une de ces
structures commandera l’ensemble et, à l’intérieur de chacune des par-
ties, d’autres viendront organiser les développements secondaires.
Vous constaterez vite que tout le monde utilise peu ou prou ces
enchaînements d’idées et que la clarté d’exposition et le talent ne sont
souvent que la maîtrise de ces structures étagées. Et vous vous convain-
crez aussi que cela est à votre portée, soit pour pratiquer une lecture
approfondie, soit pour construire à votre tour le plan de vos interven-
tions écrites et orales.
Prenons comme exemple cet article :
§ 1. Aujourd’hui l’horizon familial de nos sociétés développées se situe quelque part
entre la famille matricentrée de type afro-américain (la femme, chef de ménage,
vivant seule avec ses enfants et parfois sa mère, auxquels s’ajoutent, comme des
pièces rapportées, des mâles de passage qui restent le temps de faire un enfant
supplémentaire)... et la solitude pure et simple.

§ 2. Cette solitude voulue, heureuse (?), est-elle fille de l’esprit du temps qui encou-
rage les tendances les plus narcissiques de l’individu ? Il y a quelques années, une
superbe créature qui s’affichait sur les murs de Paris annonçait avec un sourire
espiègle : « Ce soir, j’ai rendez-vous avec moi. » Le phénomène n’est pas propre à
la France. Comme les autres indicateurs des nouvelles façons de vivre – baisse
de la natalité, déclin du mariage, augmentation des divorces, légalisation de
l’avortement, etc. –, il touche presque tous les pays occidentaux, avec une diffu-
sion progressive du Nord au Sud : les pays scandinaves ont été les pionniers du
changement ; les pays méditerranéens (Italie, Espagne, Grèce, etc.) rattrapent le
peloton à marche forcée.

§ 3. Mais la tendance au célibat s’appuie aussi sur une assez longue tradition par
laquelle l’histoire de nos pays occidentaux se distingue non seulement de l’est
de l’Europe mais de presque toutes les autres civilisations. Le démographe bri-
tannique John Hajnal, qui a été le premier à théoriser la particularité du « modèle
de mariage occidental », le définit par deux traits qui l’opposent nettement à ce

44 techniques de l’expression écrite et orale Le Plan



qui se pratique à l’est de l’Europe, au-delà d’une ligne « Leningrad-Trieste » : 1)
le mariage tardif autour de 25 ans (à peu près au même âge pour les hommes
et pour les femmes), alors qu’à l’Est les filles sont mariées dès l’âge nubile ; 2)
un pourcentage de célibataires « définitifs » (ceux qui ont plus de 50 ans), qui est
encore à la fin du XIXe siècle de trois à quatre fois supérieur à ce qu’on trouve à
l’Est.

§ 4. L’importance du célibat ne peut s’expliquer directement par l’influence de


l’Église, qui faisait de la chasteté un état supérieur au mariage, considéré par
saint Paul comme un simple « remède à la concupiscence » ; encore moins par
l’impact du célibat ecclésiastique. Car l’Europe orientale, en majorité orthodoxe,
était de ce point de vue à même enseigne. Ce nouveau modèle de comporte-
ment, en outre, s’est mis en place au cours des XVIe et XVIIe siècles, au moment
où une partie de l’Europe occidentale, devenue protestante, supprimait le célibat
ecclésiastique.

§ 5. Le nouveau célibat, qui répondait en général à des contraintes professionnelles


(pour les domestiques) ou à des stratégies de préservation des patrimoines (chez
les paysans comme dans la haute aristocratie), touchait aussi bien les sommets
que les couches inférieures de la société. Dans la pairie anglaise, on trouve à la
fin du XVIIe siècle plus de 20 % de célibataires définitifs chez les hommes comme
chez les femmes ; une proportion qui est identique chez les ducs et pairs de
France et encore plus forte dans l’aristocratie vénitienne. En 1746, Deparcieux
dénombre 20 % de célibat définitif chez les hommes et 15 % chez les femmes,
à Paris dans la très huppée paroisse Saint-Sulpice, peuplée d’une abondante
domesticité.

§ 6. Ajouté au retard des mariages – contrariant comme lui le rythme naturel de


la reproduction biologique –, le célibat a été un puissant facteur de régulation
démographique qui a permis à l’Europe occidentale d’épargner ses ressources,
d’accueillir le capitalisme et de s’engager précocement dans la révolution indus-
trielle. Mais, curieusement, les avantages de ce dispositif malthusien ont été tota-
lement méconnus par l’opinion et par ceux qui étaient censés l’éclairer. L’Église
devenue marieuse acharnée incite les veufs à se remarier sans tarder et encou-
rage même les gens trop âgés pour procréer à convoler en juste noces pour ne
pas se retrouver seuls face aux maux de la vieillesse. Les philosophes des
Lumières dénoncent le célibat des clercs pour son parasitisme teinté d’immora-
lité et celui des laïcs pour son inutilité.

§ 7. Sous la Révolution, le célibataire est l’ennemi que l’on matraque d’impôts supplé-
mentaires. Au XIXe siècle, l’homme célibataire, souvent rentier, artiste ou homme
de lettres, est un monstre, facilement suspecté d’égoïsme ou de turpitude. Quant
à la vieille fille, quand on ne la soupçonne pas de dissimuler une cupidité d’acca-
pareuse (voir Balzac), on l’appelle « mademoiselle » avec un mélange de compas-
sion et de mépris.

leçon exercices travaux dirigés corrigés 45


§ 8. En réalité, le célibat a pu exister dès le XVIIe siècle dans l’Europe occidentale
parce que nos sociétés avaient déjà atteint un niveau d’organisation et de prise
en charge publique qui donnait à l’individu les moyens de ne pas dépendre inté-
gralement de la protection familiale. Vivre seul n’était pas encore un statut admis
ou désirable, mais ce n’était plus un naufrage. La solitude est un luxe de pays
développé. Nos célibataires du passé, comme tous les pionniers du changement,
ont préparé dans la honte et la marginalité l’accouchement d’un monde nouveau.
André Burguière,
Les sans-famille de l’histoire, © Le Nouvel Observateur,
18-24 avril 1991, p. 13.

Plan analytique du texte


Introduction (§ 1) :
La famille aujourd’hui, en Europe occidentale, est située entre
deux extrêmes : la famille matricentrée et le célibat.
1. Pourquoi ? (§§ 2-4)
a. le narcissisme contemporain,
b. une longue tradition,
c. l’influence de l’Église ?
2. Apparition, à partir du XVIe siècle, d’un nouveau célibat
(§§ 5-7)
a. son développement (§ 5)
– contraintes professionnelles et préservation des patrimoines,
– couches de la société (aristocratie/couches inférieures),
– répartition hommes/femmes ;
b. conséquences en chaîne (§ 6)
– régulation démographique,
– progrès économique ;
c. son intérêt méconnu par (§§ 6-7) :
– l’Église,
– les philosophes du XVIIIe siècle,
– les révolutionnaires,
– le XIXe siècle.
Conclusion (§ 8) :
Le célibat utile et luxe des pays développés.

Remarques
Dans cet article, plusieurs structures se retrouvent, à divers
niveaux.

46 techniques de l’expression écrite et orale Le Plan



• La charpente maîtresse est chronologique : panorama d’une his-
toire du célibat, en Europe occidentale, du XVIe siècle à nos jours.
• L’introduction (la situation familiale actuelle) est suivie de trois
paragraphes d’explication , c’est-à-dire d’une addition de causes, dont
une d’ailleurs est rejetée (influence de l’Église).
• Le paragraphe 4 (apparition d’un nouveau célibat à partir du
XVIe siècle) est repris et développé :
– historique et descriptif (§ 5),
– ses conséquences heureuses... (§ 6),
– mais (opposition)... qui ont été méconnues jusqu’au XXe siècle
(§§ 6-7).
• La conclusion corrige l’erreur d’appréciation des siècles précé-
dents (« en réalité »), donc mouvement d’opposition, et réaffirme le
rapport entre célibat et société développée.

Le plan n’exerce pas une contrainte absolue, il reste un projet ;


on sera très souvent amené à le nuancer et à l’adapter au cours de la
mise en forme.
Cependant, pour un exposé simple et court, on n’aura pas intérêt
à utiliser un plan trop subtil qui échapperait à l’auditeur ou au lecteur.
En définitive, on s’assurera avant tout que le plan adopté n’entraîne
pas à des redites.
Le peintre a rarement conçu son tableau dans tous ses détails,
lorsqu’il s’installe devant son chevalet ; c’est en maniant ses brosses et
ses couleurs qu’il découvre les exigences internes de son œuvre.

Structures et plan analytique


L’étude des structures permet de mieux comprendre la pensée
de l’auteur et sa stratégie, mais elle ne fournit qu’un schéma
abstrait.
Le plan analytique rend compte du mouvement de la pensée
et aussi du contenu du texte. Il doit faire apparaître non seule-
ment la structure, mais encore les idées principales formulées de
façon précise et concrète.

leçon exercices travaux dirigés corrigés 47


III - AVEC LE DÉSIR DE PERSUADER

䊐 A INFORMATION ET PERSUASION
On croit trop volontiers que seuls les discours électoraux, les sermons,
la littérature, la publicité ont besoin de recourir à la technique de la
persuasion, mais que celle-ci est inutile, voire dangereuse, dans les
communications de caractère technique ou scientifique. Or, il est
indispensable de convaincre aussi, car il ne suffit pas de s’en remettre
à l’évidence des faits et des calculs dès qu’on dispose d’un pouvoir de
discussion ou de suggestion, à plus forte raison si l’on exerce des
responsabilités. Tout choix politique ou technologique, dans la
recherche, la fabrication, la gestion ou la distribution, suppose, en
dernière analyse, une confrontation et une mise en œuvre d’argu-
ments. Cela est vrai encore dans les relations humaines de la vie profes-
sionnelle et sociale.
Le meilleur ingénieur du monde, s’il a établi le meilleur projet
possible, ne le verra pas pour autant accepté automatiquement. Il aura
encore à le faire prendre en considération, à convaincre la Direction,
le Client ou les Pouvoirs publics. Combien d’inventeurs ont dû livrer
bataille, et bataille d’arguments ! pour faire admettre la valeur de leurs
travaux !
Un exemple nous permettra de distinguer ces deux postures psy-
chologiques que sont l’intention d’informer et le désir de persuader.
La notice descriptive d’un véhicule automobile, qui accompagne le certificat
de conformité, remise à l’acquéreur au moment de la livraison, est un écrit
d’information : elle énumère dans un ordre fixe les caractéristiques tech-
niques de la voiture, fournit des indications précises, chiffrées, complètes :
I. Constitution générale du véhicule
.............................................................................................
II. Dimensions et poids
.............................................................................................
III. Moteur
.............................................................................................
Distribution électrique : 12 volts, batterie de 30 Ah.
Graissage sous pression par pompe.
Refroidissement par liquide en circuit scellé.
.............................................................................................

48 techniques de l’expression écrite et orale Le Plan



IV.Transmission du mouvement
.............................................................................................

Combinaison des vitesses Rapports de la boîte


re
1 0,150
e
2 0,330
3e 0,650
4e 0,900
Marche AR 0,150

.............................................................................................
V.Suspension
.............................................................................................
VI.Direction
.............................................................................................
.............................................................................................
.............................................................................................
etc.

La lecture de cette notice suffirait-elle à décider un acheteur ?


Très probablement non.
Écoutons le vendeur qui cherche à persuader un client de commander cette
même voiture. Il insiste sur les performances du modèle, sur l’élégance de
la ligne. Il fait voir l’équipement du tableau de bord, démontre l’efficacité du
freinage. Si l’acheteur a des enfants, c’est le confort de la banquette arrière,
les dimensions du coffre, la sûreté des serrures qu’on met en valeur. Les
possibilités de crédit ? le prix pour une 7 CV est étonnant, de plus le moteur
est d’une rare sobriété, et le règlement se fera par des mensualités légères.
Madame conduit ? elle appréciera la maniabilité, la tenue dans les virages,
elle se garera en plein centre ville dans un mouchoir de poche !

On a peine à croire que la notice descriptive et ce discours pres-


sant concernent le même objet ! C’est que le second est animé par le
désir de persuader. Le vendeur a cherché à deviner les goûts et les
besoins du client, et à lui prouver que ce modèle les satisfaisait. Il a
choisi les avantages les plus attrayants, revenant au besoin sur ceux

leçon exercices travaux dirigés corrigés 49


qui lui ont paru ébranler le visiteur. Certaines données techniques ont
été traduites en qualités concrètes et sensibles : la puissance réelle de
65 chevaux est devenue une vitesse sur autoroute de 145 km/heure.
À la mention rapide du prix a succédé l’agréable évocation de Madame
au volant. Il n’a évidemment pas été question de reprendre, dans son
ordre et dans son intégralité, le plan de la notice descriptive.

• Si l’on veut informer,


on effectue un classement
qui observe la nature des faits
et les présente avec netteté.
• Si l’on désire persuader,
on cherchera une disposition des idées,
plus souple et plus libre,
qui dépendra surtout de l’objectif visé.

Il existe des cas où l’on a pour seule préoccupation de bien trans-


mettre une information : description technique, spécification, compte
rendu ; dans d’autres cas, on n’a pour but que de persuader : action
commerciale, propagande, publicité. Souvent ces deux intentions ne
sont pas distinctes, mais plus ou moins étroitement associées et
mêlées : ainsi un rapport se compose d’informations sur lesquelles
s’appuie une argumentation.
L’économie générale du plan sera conçue en fonction d’un objec-
tif dont on ne perdra jamais de vue qu’il est double : persuader quelqu’un
de quelque chose = faire en sorte que tel individu, tel groupe adopte
telle opinion ou prenne telle décision.

䊐 B MISE EN VALEUR DES ARGUMENTS PAR LE PLAN


Si vous reléguez les raisons les plus pertinentes à n’importe quel pas-
sage de votre discours, elle perdent en partie leur pouvoir ; inverse-
ment une idée plus faible, adroitement située, gagnera en vigueur, ou
tout au moins ne révélera pas sa fragilité. Et il est rare que l’on dispose,
quand on veut persuader, d’un jeu d’arguments de valeur égale. Cer-
tains d’entre eux ont une importance particulière : il conviendra donc
de leur donner l’ampleur et la place qu’ils méritent.

50 techniques de l’expression écrite et orale Le Plan



1 Proportionner les développements
à la force des arguments
Pour cela, on ne recherche pas à tout prix l’équilibre des parties ou
des subdivisions, on sacrifie une fausse élégance à l’efficacité : on
passe rapidement sur les arguments les plus faibles, on étoffe les plus
marquants à l’aide d’exemples, de comparaisons, etc. Voir le cha-
pitre III : L’argumentation . Ici estomper, ou même supprimer, là ampli-
fier, ailleurs accumuler les preuves ou les conséquences, telle sera une
de vos préoccupations principales lorsque vous organiserez une argu-
mentation.

2 Réserver la meilleure place au meilleur argument


a) C’est en général la fin, le développement qui précède immé-
diatement la conclusion. On retient mieux et on retient surtout ce qui
a été placé en dernier et qui est le plus récent donc dans la mémoire.
Laisser le lecteur ou l’auditeur sur des idées fortes, voilà un moyen
bien connu d’arracher une décision, d’emporter l’adhésion. Ainsi est
produite l’impression qu’on atteint un sommet, qu’on découvre la clé
de voûte de l’ensemble. Cela ne veut pas dire que l’ordre des idées
dans une argumentation sera obligatoirement progressif.
b) Car il serait maladroit de commencer par les arguments les
plus faibles. Le début du discours (précédé éventuellement d’une intro-
duction) est aussi une place de choix. On juge, parfois définitivement,
la valeur d’une thèse sur les premières idées avancées. Évitez à cet
endroit de présenter une démonstration trop compliquée, trop tech-
nique ou trop contestable, choisissez plutôt un raisonnement suscep-
tible d’être compris, et si possible admis.
c) Il s’ensuit que les arguments les moins décisifs ou les plus
ardus trouvent place normalement dans la partie centrale. Celle-ci n’est
pas pour autant un « fourre-tout » dénué d’intérêt, mais, dans un
discours ou un texte long, le début ne doit pas rebuter et la fin ne
doit pas lasser.

3 Organiser la succession des arguments


On le voit, la force d’un argument n’est pas absolue. Mise en vedette
à la fin, une idée solide s’impose ; noyée au milieu, elle devient quel-
conque. De la même façon dans le détail de l’argumentation, la
vigueur d’une idée dépend du voisinage immédiat. La juxtaposition

leçon exercices travaux dirigés corrigés 51


de deux arguments influe sur la valeur de chacun d’eux. Ils peuvent
se gêner, se contrarier, s’affaiblir mutuellement, ou se renforcer, se
faire valoir l’un l’autre. Vous veillerez, dans les enchaînements, aux
effets de préparation, de variété, de contraste, de progression, de
convergence, etc. que vous voulez obtenir grâce à l’ordre et aux
dimensions relatives de vos développements.

4 Mettre en lumière la thèse soutenue


Elle doit, à un moment ou l’autre, être formulée clairement. Beaucoup
d’argumentations restent confuses parce que l’auditeur, égaré au
milieu des faits et des idées, se demande à quoi tend le discours. Mais
où convient-il d’énoncer la thèse ?
• Dès le début ? Exprimer avec force, au départ, la thèse que l’on
défendra produit parfois un effet remarquable sur le destinataire. Il
tient ainsi en main le fil directeur et sera préparé à suivre les détours
de l’argumentation. L’annonce du plan que vous allez suivre aura le
même effet ; l’auditeur est enfermé dans le cadre que vous avez
imposé, et n’est pas tenté de le quitter, car il s’applique (vous l’espé-
rez !) à vérifier que vous-même n’en sortez pas.
Si votre plan commence par un exposé de la situation ou la réfu-
tation d’autres thèses, ce n’est en général que dans la partie où vous
développerez votre propre thèse que vous indiquerez le sens de votre
intervention.
• Plutôt que d’émousser dès le début la curiosité des lecteurs,
vous préférerez parfois dérouler vos arguments, laisser deviner peu à
peu votre position, et ne la préciser qu’au terme du discours, créant
ainsi un effet d’attente ou même de surprise. Cette méthode convient
mieux lorsque vous jouez sur les sentiments que lorsque vous restez
dans un domaine purement logique et intellectuel.

5 Orienter le plan vers le destinataire


Quand on s’adresse à un destinataire indéterminé (une administration,
une direction anonyme, un public non défini), l’argumentation tend
à devenir plus abstraite et plus neutre, à satisfaire des normes géné-
rales, le plan respecte les principes qui viennent d’être énoncés, tout
en conservant une certaine universalité. C’est le cas, par exemple, de
la dissertation scolaire, de rapports envoyés à une hiérarchie lointaine.
Au contraire, si le destinataire est connu, si l’on a déterminé plus
ou moins ses compétences, sa personnalité, ses intérêts, l’argumenta-

52 techniques de l’expression écrite et orale Le Plan



tion est orientée concrètement, le plan devient un mouvement dont
les phases et le terme sont précisés et adaptés.
Dans le premier cas, le plan correspond à la fabrication d’un
modèle de confection susceptible de convenir à de multiples indivi-
dus ; dans le second cas, il est taillé sur mesure.
Ajuster l’argumentation, ce n’est pas seulement découvrir et
composer des raisonnements rigoureux, capables de convaincre une
intelligence, c’est aussi faire appel à des idées et à des modes de pré-
sentation appropriés à la forme d’esprit de l’interlocuteur (systéma-
tique ou aimant le brillant ou préférant l’allusion ou répugnant à
l’abstraction, etc.) ; c’est encore tenter de toucher sa sensibilité et de
mettre en branle son imagination. La persuasion vise l’homme tout entier.
Il faut donc choisir les arguments, leur place et leur développe-
ment d’après ce qu’on sait du destinataire. Telle idée n’aura pas de
valeur à ses yeux, tel fait sera sans doute déterminant.
Ainsi le discours prend un relief particulier, de la vie, de la perti-
nence. Ainsi, on s’en rend compte, à la limite tout peut devenir argu-
ment : un raisonnement, mais aussi un fait, un exemple, une image,
un sentiment, lorsqu’ils viennent étayer une thèse, lorsqu’ils sont
choisis et utilisés au bon moment pour agir sur le destinataire.
Il est évident que la persuasion peut être mise au service d’une
mauvaise cause, le mot lui-même suggère aujourd’hui l’emploi de
moyens suspects, de coups bas ; mais l’usage de la science elle-même
ne pose-t-il pas un problème moral aussi grave ?

䊐 C QUELQUES SCHÉMAS DE PLAN PERSUASIF


Encore moins que dans le domaine de l’information, on ne saurait
recourir à un plan préfabriqué et « passe-partout » quand on a le désir
de persuader. La double et nécessaire adaptation du plan à la thèse
soutenue et au destinataire ne permet que très rarement de se conten-
ter des types simples qui ont été présentés dans la partie II ci-dessus.
Tout au plus ceux-ci fourniront-ils un schéma d’ensemble, que l’on
assouplit ou modifie, ou plus souvent la structure d’une partie.
D’autre part, l’ordre lui-même de l’argumentation, s’il est compris
par l’auditeur, et s’il reçoit son adhésion, devient un élément important
de la persuasion.

leçon exercices travaux dirigés corrigés 53


1 ACCUMULATION ET ASSOCIATION
Le procédé le plus simple, mais toujours efficace, consiste à énumérer
les arguments les uns après les autres. L’addition, surtout si elle est
renforcée par une progression et si chaque argument est introduit au
moyen d’une formule qui se répète, produit un effet de masse et de
martèlement qui a un grand pouvoir de persuasion.
L’accumulation est la présentation successive d’arguments de
même nature en faveur de la thèse soutenue.
Voici un exemple. Le responsable du service d’entretien d’une
usine voudrait faire acheter une machine destinée au lavage des sols.
Dans son rapport, après avoir fait état des besoins, il justifie ainsi par
une série d’arguments techniques le choix du modèle dont il recom-
mande l’acquisition (nous en donnons un condensé) :
Cette machine est d’une robustesse à toute épreuve et n’exige qu’un entre-
tien minimum : un seul graissage par an. Son emploi est aisé : très maniable,
très mobile, elle peut être manœuvrée par les femmes de service que nous
employons. De plus, elle est autonome : une batterie chargée la nuit par
accumulation lui fournit son énergie ; on évite les servitudes et les dangers
des branchements sur le secteur et des fils qui traînent dans l’humidité. Enfin
elle est très efficace, lave et sèche les sols en une seule opération quelle que
soit leur nature : planchers, dalles de ciment, revêtements synthétiques. Elle
vire sans laisser de traces, ce qui supprime les finitions à la main.
Ce modèle répond donc, par toutes ses caractéristiques, à nos exigences.

L’association est une forme un peu plus complexe de l’addition.


Elle fait appel à des arguments de nature différente, ce qui donne à la
thèse une apparence encore plus frappante de solidité : à tous les
points de vue, elle est satisfaisante.
C’est ainsi que, pour reprendre l’exemple précédent, le respon-
sable aurait pu compléter le plan de son rapport :
I. Arguments d’ordre technique (voir ci-dessus).
II. Arguments d’ordre économique :
– prix d’achat raisonnable,
– faible coût d’entretien et d’utilisation,
– réduction de la main-d’œuvre : un opérateur remplace cinq femmes de
ménage.
III. Arguments d’ordre psychologique :
– propreté des surfaces,

54 techniques de l’expression écrite et orale Le Plan



– esthétique de la carrosserie
(cf. la photo jointe),
– d’où un élément supplémentaire du standing de l’entreprise.

NB. a) L’ordre des parties varie avec le destinataire. On peut imaginer


qu’un chef d’entreprise, sensible à la présentation de son établisse-
ment, sera entraîné par les arguments psychologiques donnés à la fin.
Mais c’est à cette place qu’on mettra sans doute les arguments écono-
miques si le rapport est adressé au responsable soucieux de veiller sur
les dépenses.
b) Le classement d’un argument dans telle ou telle catégorie n’est
pas toujours impératif. Il dépend parfois de l’effet qu’on veut qu’il
produise. Dans notre exemple, la propreté des locaux peut être aussi
bien exploitée comme un argument technique que comme un argu-
ment psychologique.
c) Le mérite du plan qui associe des éléments de natures diverses
consiste à produire un effet de convergence :

2 OPPOSITION
La contradiction n’est parfois que négative : on veut prouver que la
thèse avancée par un autre n’est pas acceptable, ou que l’action propo-
sée serait inutile ou dangereuse. Le plan aura aussi la forme d’une
accumulation ou de l’association d’arguments. Mais le plus souvent,
on oppose, à la thèse que l’on repousse, une autre thèse que l’on
défend. Le plan est alors articulé sur un double mouvement, le premier

leçon exercices travaux dirigés corrigés 55


consacré à la solution rejetée, le second à la proposition que l’on veut
faire triompher.
Le premier mouvement, en général le plus réduit, contient d’or-
dinaire le rappel de la thèse opposée, les reproches formulés contre
elle, et même quelque concession à cette thèse.
Le second mouvement, plus ample, apporte les arguments
étayant votre proposition.
Cette disproportion et cet ordre, nous l’avons vu, sont favorables
à la persuasion.
Il arrive encore, surtout si un adversaire doit avoir la parole après
vous, que le plan précédent soit inversé : d’abord un long mouvement
pour présenter et soutenir votre thèse, ensuite une réfutation par anti-
cipation de la thèse adverse.
Cet aperçu nous permet de tracer les schémas suivants :
Premier plan
I. Rappel de la thèse adverse
II. Argumentation en faveur de votre thèse

I II

Deuxième plan
I. Réfutation de la thèse opposée
II. Argumentation en faveur de votre thèse

I II

Troisième plan
I. Critique de la thèse adverse
A. concession
B. réfutation
II. Argumentation en faveur de votre thèse

I II

56 techniques de l’expression écrite et orale Le Plan



Quatrième plan
I. Argumentation en faveur de votre thèse
II. Réfutation anticipée

I II

Nous nous limiterons à un exemple. Les exercices proposent


d’autres échantillons qui montrent comment, dans la pratique, ces
schémas sont nuancés.
Comment un biologiste conçoit l’homme

§1 L’une des choses que je crois avec le plus de force – l’une des rares dont je sois
à peu près sûr – c’est qu’il n’existe, de nous à l’animal, qu’une différence du plus
au moins, une différence de quantité et non point de qualité ; c’est que nous
sommes de même étoffe, de même substance que la bête (...).

§2 Sur ce point, vraiment fondamental, de l’unité essentielle de la vie, je me trouve


donc en plein désaccord avec un biologiste penseur comme Rémy Collin qui, lui,
n’hésite pas à faire entre l’humain et l’animal une différence radicale, puisqu’il
voit en l’homme non pas seulement l’être le plus intelligent et le plus puissant
de la nature, mais encore un être d’une nature spéciale, doué d’attributs incom-
mensurables à ceux de l’animalité, un être qui, par la possession d’une conscience
réfléchie, d’une âme libre et immortelle, transcende les purs mécanismes aux-
quels se réduisent tous les autres vivants.

§3 Une telle conception, je l’avoue, me surprend et me déconcerte, surtout de la


part d’un homme rompu à l’étude positive des phénomènes de vitalité. Sans
mésestimer pour autant, ni rétrécir tendancieusement le fossé qui sépare le psy-
chisme humain du psychisme animal, je ne puis oublier que ce fossé n’a été
creusé que par l’extinction d’êtres intermédiaires qui, à coup sûr, vécurent jadis
sur notre globe, et dont on eût été bien embarrassé pour décider s’ils possé-
daient ou non la conscience réfléchie et la liberté.

§4 Je ne sais pas ce que c’est que la vie, ni la conscience ni la pensée ; j’ignore


l’origine et la nature de ce qui, prenant racine dans la boue cellulaire, s’est épa-
nouie en notre cerveau ; mais, si j’étais aussi sûr que l’est un Rémy Collin que
toute la sensibilité, toute la conscience des bêtes se ramenât à de la mécanique,
je ne ferais point de difficulté pour étendre cette certitude jusqu’à l’homme lui-
même.

§5 La parenté de l’homme avec les animaux ne peut s’expliquer rationnellement


que dans le cadre de la théorie de l’évolution, ou théorie transformiste, d’après
laquelle tous les êtres vivants, y compris l’homme, dérivent d’êtres un peu moins

leçon exercices travaux dirigés corrigés 57


complexes, et ceux-ci d’êtres qui l’étaient un peu moins, et ainsi de suite jusqu’à
ce qu’on arrive à des formes extrêmement simples, rudimentaires, qui seraient
les ancêtres de toute vie.

§6 Certes, nous conviendrons, en toute objectivité, qu’on n’a pas le droit de tenir
l’évolution organique pour une certitude dès lors qu’il s’agit d’événements révo-
lus sans témoins et dont il est permis de douter que la nature actuelle nous
fournisse encore l’exemple ; mais si l’on ne peut que croire 1 en l’évolution, il est
quasiment impossible, pour le biologiste, de ne pas y croire, et il serait fâcheux
qu’un excès de scrupule positiviste jouât au bénéfice d’hypothèses somme toute
beaucoup moins plausibles que celle de l’évolution.

§7 Innombrables, en effet, et tirés de toutes disciplines (zoologie, botanique, anato-


mie comparée, paléontologie, embryologie, sérologie, génétique, etc.), sont les
faits qui lui donnent crédit en ce qu’ils se laissent expliquer par elle, alors que,
sans elle, ils demeurent strictement inexplicables.

§8 Pour ce qui touche plus spécialement à l’homme, comment douterions-nous qu’il


dérivât d’un animal – et d’un animal qui, plus ou moins, ressemblait aux singes
actuels, d’un animal que nous n’hésiterions pas à ranger parmi les singes – quand
nous voyons, à partir d’une époque qui n’est pas tellement lointaine, apparaître
dans les couches terrestres des vestiges de bêtes qui n’étaient plus tout à fait des
bêtes, des vestiges d’hommes qui n’étaient pas encore tout à fait des hommes ?

§9 Pour ma part, je crois donc fermement à l’évolution des êtres organisés.


Jean Rostand, Ce que je crois,
© Éditions Grasset, 1953, p. 19 et pp. 21 à 24
Plan du texte :
Introduction (§ 1)
Annonce de la thèse soutenue : croyance en l’unité de la vie ;
notre nature est animale.
1 Réfutation de la thèse adverse (§§ 2-4)
a) Présentation de la thèse combattue : il y aurait une différence
entre l’humain et l’animal, c’est-à-dire une conscience et une âme
immortelle.
b) La différence entre l’homme et l’animal ? C’est que des mail-
lons intermédiaires ont disparu.
c) Si tout le psychisme animal était pure mécanique, il pourrait
en être de même chez l’homme.

1. L’on ne peut qu’y croire, c’est-à-dire qu’on ne peut pas l’affirmer, l’établir avec une certitude
absolue.

58 techniques de l’expression écrite et orale Le Plan



2 Argumentation en faveur de la thèse soutenue (§§ 5-8)
a) Seule, la théorie évolutionniste ou transformiste rend compte
des rapports de l’homme avec les animaux : chaque être dérive d’un
être plus simple.
b) Concession : il n’y a pas de preuves, mais l’évolution est l’hy-
pothèse la plus plausible et la plus nécessaire. Les faits, que seule elle
explique, sont nombreux.
c) Nous avons trouvé des vestiges des chaînons manquants entre
les bêtes et les hommes.
Conclusion (§ 9)
Réaffirmation de la croyance de l’auteur.

Le plan de ce texte est celui du schéma no 2 présenté ci-dessus :


réfutation, puis argumentation. On notera :
– la disproportion, en nombre, des arguments des 2 parties,
– la dernière place donnée à l’argument le plus fort.

3 RAISONNEMENT
Les plans étudiés ci-dessus ne méconnaissent pas, bien sûr, la logique.
Mais il nous reste à indiquer sommairement deux schémas d’organisa-
tions complexes.
• Schéma discursif :
I. La situation : les besoins constatés ou l’objectif à atteindre.
II. La proposition : solution préconisée – sa description.
III. Réfutation des objections possibles.
IV. Avantages de la solution proposée.

Cet ordre est susceptible d’aménagements selon le sujet et les


circonstances. Il constitue fréquemment l’architecture des rapports
(voir le chapitre VIII) ou il structure une réflexion critique.
• Schéma dialectique :
I. Thèse : un projet.
II. Antithèse : un contre-projet.
III. Synthèse : un nouveau projet conciliant les diverses exigences.

Ce fameux modèle philosophique est adapté dans la pratique avec


plus ou moins de rigueur.

leçon exercices travaux dirigés corrigés 59


En voici, sous une forme succincte, une application à un sujet
d’actualité ; nous empruntons l’argumentation à un défenseur du
financement privé des autoroutes.
Comment améliorer le réseau routier français.
I. Thèse : construction d’autoroutes par l’État, service public financé par tous
(impôts et taxes), et indispensable pour une nation moderne.
II. Antithèse : à la place des autoroutes, trop coûteuses pour le budget public
et trop longues à construire, modernisation des routes normales, aménage-
ment de nouvelles voies parallèles de façon à établir des sens uniques de
circulation.
III. Solution de synthèse : construction d’autoroutes à l’aide de fonds privés
qui soulageraient l’effort public et permettraient d’accélérer les réalisations.
CONCLUSION
1. Les structures schématiques qui ont été dégagées sont utili-
sables aussi bien pour l’ensemble d’une argumentation que pour une
de ses parties. De ce fait, elles sont souvent combinées. Encore une
fois, il n’y a pas de plan réservé à tel sujet ou à tel genre. C’est en
fonction de la situation concrète dans laquelle vous vous trouvez que
vous choisirez l’ordre de votre argumentation.
2. Toutefois, défiez-vous des constructions trop subtiles ou trop
morcelées. Il faut qu’à chaque instant l’auditeur ou le lecteur perçoive
le rapport qui existe entre ce qu’il entend ou lit et le sens de votre
thèse. Le secret d’un discours qui persuade réside avant tout dans son
unité et la convergence de ses éléments.

60 techniques de l’expression écrite et orale Le Plan



exercices

䊊 Ex 1 Dégager l’idée maîtresse et la structure du paragraphe suivant :
Tant que les hommes se contentèrent de leurs cabanes rustiques, tant qu’ils se bornèrent
à coudre leurs habits de peaux avec des épines ou des arêtes, à se parer de plumes et de
coquillages, à se peindre le corps de diverses couleurs, à perfectionner ou embellir leurs
arcs et leurs flèches, à tailler avec des pierres tranchantes quelques canots de pêcheurs,
ou quelques grossiers instruments de musique, en un mot, tant qu’ils ne s’appliquèrent
qu’à des ouvrages qu’un seul pouvait faire et qu’à des arts qui n’avaient pas besoin du
concours de plusieurs mains, ils vécurent libres, sains, bons et heureux autant qu’ils pou-
vaient l’être par leur nature et continuèrent à jouir entre eux des douceurs d’un
commerce indépendant, mais dès l’instant qu’un homme eut besoin du secours d’un
autre, dès qu’on s’aperçut qu’il était utile à un seul d’avoir des provisions pour deux, l’éga-
lité disparut, la propriété s’introduisit, le travail devint nécessaire et les vastes forêts se
changèrent en des campagnes riantes qu’il fallut arroser de la sueur des hommes et dans
lesquelles on vit bientôt l’esclavage et la misère germer et croître avec les moissons.
J.J. Rousseau, Discours sur l’origine de l’inégalité.

䊊 Ex 2 Cherchez sous quelles grandes rubriques sont classées les informa-


tions dans un quotidien comme Le Monde ou Le Figaro.

䊊 Ex 3 Vous êtes journaliste. Voici des informations qui « tombent » sur


le fax. Sous quelles rubriques du journal les classez-vous ?
1. La commission médicale de la Fédération Française d’Athlétisme a fixé les moda-
lités des contrôles « antidopage ». 2. L’Homme et la société a consacré un important
numéro spécial à la situation des femmes. 3. Deux émissaires de Washington à
Damas et à Jérusalem. 4. En 2013 sera commémoré le centenaire de la naissance
du poète français de la Martinique, Aimé Césaire. 5. L’indice des prix a connu une
progression de 0,5 % le mois dernier. 6. L’opposition critique la réduction des
dépenses militaires. 7. La voiture se retourne dans un virage : trois morts. 8. L’Alle-
magne célèbre en 2009 les vingt ans de la chute du mur de Berlin. 9. Le Président
de la Commission des Lois à l’Assemblée Nationale demande à être reçu par le
Garde des Sceaux. 10. Le prix de journée de tous les hôpitaux publics et privés va
être majoré de 2 %. 11. Les prochains Jeux Olympiques d’été auront lieu à Londres
en 2012. 12. Une rétrospective des vêtements féminins créés par Yves Saint-Lau-
rent, disparu en 2008, va être présentée au Carrousel du Louvre. 13. Pour la pre-
mière fois une femme est susceptible d’accéder au pouvoir dans une des
républiques d’Asie issues de l’effondrement de l’ex-URSS. 14. Une série de repor-
tages en Afrique du Sud paraît dans le Figaro cette semaine. 15. L’AFP annonce la
démission du gouvernement italien formé à la suite des élections de l’an dernier.

leçon exercices travaux dirigés corrigés 61


䊊 Ex 4 Voici, dans l’ordre où les énumère le Code de la route, 14 cas
principaux d’interdiction de dépasser. Essayez de les regrouper
selon les raisons qui justifient l’interdiction.
Le dépassement est interdit : 1. Entre les panneaux de signalisation « Défense de
dépasser » et « fin d’interdiction de dépasser ». 2. Lorsqu’il amènerait le chevauche-
ment ou le franchissement d’une ligne blanche continue. 3. Lorsqu’il obligerait à
emprunter la voie la plus à gauche sur une chaussée à double sens de circulation,
comportant plus de 2 voies matérialisées. 4. À droite, sauf lorsque l’usager qui précède
a signalé qu’il tournait à gauche ou s’il s’agit d’un tramway. 5. Au sommet d’une côte,
ou dans un virage (sauf cas de sens unique ou de voie matérialisée). Il est toutefois
possible de dépasser cycles et cyclomoteurs en sommet de côte ou virage si l’on n’est
pas obligé de dépasser l’axe médian. 6. Par temps de brouillard et de pluie. 7. Lorsque
la chaussée est rétrécie, glissante, bombée. 8. Lorsqu’un usager vient en sens inverse.
9. À une intersection de routes ou de rues, sauf si on se trouve sur une route à priorité
ou un passage protégé. 10. Au franchissement d’une voie ferrée sur un passage à
niveau non gardé. 11. Sur un passage pour piétons. 12. Lorsqu’on est soi-même sur
le point d’être dépassé. 13. Lorsque l’usager qui précède n’a pas compris le signal de
dépassement ou refuse d’en tenir compte. 14. Au panneau « Danger ».

䊊 Ex 5 Présenter le graphique suivant

(L’évolution en pourcentage de la population par âge, en France) :

* prévisions D’après l’INED

62 techniques de l’expression écrite et orale Le Plan



䊊 Ex 6 Les sources d’énergie dans le monde. Quel plan proposez- vous
pour traiter ce sujet ?

䊊 Ex 7 L’engouement actuel pour « l’ancien » (mobilier, bibelots...), ou


pour les animaux de compagnie (chien, chat, hamster...). Propo-
sez un plan pour ce sujet.

䊊 Ex 8 Etudiez la structure du paragraphe suivant :

Pourquoi un tel succès du football à travers le monde (à l’exception de l’Amérique


du Nord) ? « Le football symbolise, dans son organisation actuelle, les caractéristiques
saillantes de la société industrielle : division des tâches et travail d’équipe, égalité des
chances, compétition, performance, promotion, relégation, statut incertain des indivi-
dus » (qui peuvent se retrouver remplaçants). Il faut prendre en compte la dimension
du terrain, qui permet des réunions de masse ; le stade comme espace social stratifié ;
le fait que, dans le football, plusieurs styles sportifs sont combinés, et qu’une telle pra-
tique « ouverte » permet l’expression de plusieurs types d’habitus et de morphologies
physiques, où chacun peut trouver matière à s’exprimer ; la simplicité de l’organisation
matérielle (alors qu’en rugby la vigueur du jeu et sa mobilité exigent un terrain gazon-
né) ; l’aménagement d’un terrain réglementaire moins cher que pour la natation, le
hockey sur glace, le cyclisme sur piste ; le fait que le jeu requiert un minimum d’instru-
ments ; la simplicité des règles, leur stabilité (sauf la règle du hors-jeu, difficile à inter-
préter et qui donne lieu à une dramaturgie pimentée). Le football a beaucoup d’atouts
comme spectacle, avec les règles du théâtre classique et l’incertitude du résultat.
Enfin, il faut noter l’extrême influence du choix du pied comme instrument, ce qui
augmente l’incertitude, car le footballeur doit combiner puissance et adresse.
Jacques Defrance, Sociologie du sport,
© La Découverte, 2006.

䊊 Ex 9 (oral) Vous venez de voir un film ou une émission dramatique à la


Télévision, vous venez de lire un roman policier... Dégagez les
grandes phases de l’intrigue à l’intention de vos camarades.

䊊 Ex 10 Décrivez, depuis l’arrivée des matières premières jusqu’au stade


de l’expédition, la fabrication d’un produit dans l’entreprise où
vous travaillez, ou une usine que vous avez visitée. Vous combine-
rez la chronologie des opérations avec la description des lieux et
vous grouperez vos observations en distinguant les phases impor-
tantes.

leçon exercices travaux dirigés corrigés 63


䊊 Ex 11 Décrivez un système de collecte et d’incinération des ordures,
ou bien, si vous en avez visité une, une station d’épuration.

䊊 Ex 12 Étudiez une difficulté économique locale (par exemple l’effondre-


ment des prix de tel produit, la disparition d’une industrie
ancienne, etc.). Présentez un plan.

䊊 Ex 13 Faire le plan du texte suivant :

Les difficultés du système de protection sociale en France


§ 1 – Il y a deux façons d’envisager la crise du système de protection sociale. Ou
c’est un simple problème comptable ou c’est une détérioration fondamentale de
notre système qui peut-être s’éloigne des principes de base sur lesquels il s’est
fondé au lendemain de la Seconde Guerre mondiale.
§ 2 – Deux attitudes dès lors : ou bien attendre des jours meilleurs en se contentant
de faire quelques réformes à la marge ou bien envisager des réformes de structure
beaucoup plus profondes.
§ 3 – Depuis trente ans, les dépenses de protection sociale ont plus que doublé.
Depuis vingt ans, ce sont les prélèvements sociaux qui sont responsables de l’aug-
mentation des prélèvements obligatoires. N’est-ce qu’une conséquence directe du
ralentissement de l’économie ?
§ 4 – Les recettes dépendent directement de l’activité économique, de l’emploi, du
niveau des salaires, alors que les dépenses dépendent de facteurs tout à fait autres :
une épidémie, le développement du sida, l’évolution de l’espérance de vie, la nata-
lité, etc.
§ 5 – Le problème sera-t-il résolu lorsque les recettes seront revenues à un niveau
plus compatible avec l’évolution des dépenses ou bien sommes-nous arrivés à un
niveau et à un type de protection sociale tels que trop de protection nuirait à la
protection ? C’est la théorie du risque moral : quand le niveau de protection collec-
tive me garantit le remboursement de mes soins, une retraite élevée, je prends
moins soin de ma santé, des économies préventives... Les dépenses collectives ont-
elles pris en charge trop de dépenses qui relèveraient plutôt de l’attention de cha-
cun, de la responsabilité de chacun ?
§ 6 – En matière de retraite, notre système assure l’un des niveaux de remplace-
ment les plus élevés (proche de 80 %), mais on n’a pas provisionné pour prendre
en compte les bouleversements démographiques auxquels nous allons faire face.
Nous avons souscrit, vis-à-vis de la génération qui vient, des engagements que nous
aurons beaucoup de mal à tenir.

64 techniques de l’expression écrite et orale Le Plan



§ 7 – En matière de politique familiale, on a beaucoup souligné le montant des
dépenses, la complexité des prestations, mais il faut constater que nous sommes
maintenant avec un taux de natalité proche de celui des autres pays.
§ 8 – En matière de santé, nous sommes entre le dixième et le quinzième rang
pour les performances avec un niveau de couverture à peine supérieur à 70 %.
§ 9 – Il y a des pays qui arrivent à couvrir mieux leur population, qui arrivent à
donner une meilleure qualité de soins, tout en dépensant moins. Ceci conduit à
s’interroger sur l’efficacité du système de santé français.
§ 10 – Si maîtriser les dépenses de santé se traduit par un rationnement des soins,
ce n’est pas légitime, Si cela se traduit par une rationalisation de l’utilisation des
ressources que l’on consacre aux soins, cela devient non seulement nécessaire, mais
un devoir. On ne pourra pas indéfiniment vivre sur un rythme de doublement tous
les neuf ans des dépenses de santé. On pourrait ne pas trouver l’argent pour prodi-
guer les soins les plus utiles, cela peut conduire au drame.
§ 11 – Qu’a-t-on tenté ces vingt dernières années ? On a essayé de maîtriser la
demande de soins en diminuant le taux de remboursement. C’est la politique du
ticket modérateur. Elle ne marche pas. Faisant cela on ne distingue pas soins utiles
ou soins inutiles.
§ 12 – Deuxième type d’action : la modération des prix, le blocage des honoraires,
des prix de journée... Quand on modère les prix, les volumes augmentent, les actes
se multiplient.
§ 13 – Troisième voie : la maîtrise de l’offre. C’est l’instauration d’un numerus
clausus, la régulation du nombre de médecins, la réduction du nombre de lits...
Cette politique, difficile, se heurte aux oppositions les plus vives.
§ 14 – Quelles sont les pistes suggérées aujourd’hui ? La séparation du « petit ris-
que » et du « grand risque ». La pathologie grave, l’hospitalisation relevant de la
collectivité, le rhume, le bouton à faire disparaître... devant être assumés par la
personne seule pour l’équivalent d’une somme qu’elle n’hésite pas à dépenser pour
une sortie au cinéma, au restaurant. Outre que séparer le petit risque du grand
risque est en réalité très difficile (personnes âgées, grippe pouvant déboucher sur
une bronchite grave...), cela aboutirait à accroître la pression sur les populations les
plus défavorisées. D’où un double effet : augmenter les disparités dans l’accès aux
soins et entraîner un transfert vers les dépenses beaucoup plus chères.
§ 15 – Deuxième piste : la franchise fixe ou proportionnelle aux revenus, c’est-à-
dire une part laissée aux patients. Les plus aisés, pour s’en affranchir, pourraient
recourir aux assurances privées, les plus pauvres n’auraient très vite droit qu’à un
système moribond d’assurance collective.
§ 16 – Troisième piste : remettre en cause le monopole de la Sécurité sociale et
confier l’assurance-maladie à des assurances privées. Les assureurs assurent en fonc-

leçon exercices travaux dirigés corrigés 65


tion des risques. Les assurances devraient-elles sélectionner en fonction de l’âge,
proposer des cotisations faibles pour les bien-portants, élevées pour les autres ? Il
est impossible de vouloir à la fois les avantages d’une gestion privée et les
contraintes, les devoirs de la solidarité. Du reste, les frais de gestion des assureurs
privés sont beaucoup plus élevés que ceux d’un système collectif.
§ 17 – En conclusion, je reviens à ce mot magique qui est celui de responsabilité.
Mais, comment responsabiliser les acteurs ? Comment faire qu’un comportement
rationnel au niveau de l’individu (patient ou praticien) le soit aussi au niveau de la
collectivité ? L’une des hypothèses, c’est de lier effectivement les prestations à un
comportement qui soit satisfaisant. Ceci dans le cas de consultations multiples d’un
patient, d’un recours à une batterie de spécialistes sans avis préalable du généraliste,
mais aussi pour la rémunération des praticiens en fonction de leur souci de l’intérêt
général.
§ 18 – Cette voie n’est pas facile mais c’est celle qui est la plus porteuse d’avenir.
Martin Hirsch, in Valeurs mutualistes,
no de mars 1994.

䊊 Ex 14 Dégagez le plan analytique de l’article suivant à propos de l’ap-


prentissage des langues étrangères. L’auteur préconise la
méthode de l’immersion grâce à la télévision.

« Urgences » en anglais !
Enseigner les langues étrangères aux enfants, c’est bien. Faire en sorte qu’ils les
parlent et les comprennent, c’est mieux.
Le non-dit honteux de tous les débats menés en France sur l’enseignement des
langues porte précisément sur les résultats. Les élèves français apprennent des
langues, ça oui. Ils commencent plus tôt que la plupart des autres élèves européens
– ne parlons même pas des Américains –, ils en font plus d’heures, pendant plus
d’années, et ont le choix entre plus d’idiomes. Deux langues mortes, cinq ou six
langues régionales, une dizaine de langues étrangères principales et une foule de
langues plus rares sont accessibles, non pas à tous les élèves, mais à un très grand
nombre d’entre eux. C’est une offre éducative d’un luxe sans équivalent. Et le
ministère de l’éducation nationale va encore pousser dans ce sens en proposant des
langues vivantes variées aux enfants de maternelle.
Avec un tel investissement, on pourrait, on serait même en droit de s’attendre que
les Français soient de fins polyglottes. Ceux qui ont moins de cinquante ans
devraient parler au moins l’anglais, puisque sur une scolarité de douze ans ils l’ont
étudié sept ans ; l’allemand vient derrière, comme première ou deuxième langue
obligatoire (cinq ans d’études), ensuite l’espagnol... Or l’expérience personnelle et

66 techniques de l’expression écrite et orale Le Plan



les témoignages d’étrangers – qu’il faut bien en l’occurrence prendre en compte –
indiquent plutôt que les Français parlent peu et mal l’anglais, comme d’ailleurs les
autres langues.
Pour contrer cette affirmation, difficilement quantifiable, on citera de très nombreux
cas de Français multilingues. La plupart du temps, il s’agit de personnes qui soit ont
eu un ou deux parents de langue maternelle autre que le français, soit ont vécu à
proximité d’une frontière, soit ont passé du temps à l’étranger. Avoir eu une gou-
vernante anglaise est réservé aux « happy few », mais la variante la plus démocra-
tique que représentent les séjours linguistiques peut aussi se révéler payante.
La maîtrise de l’anglais est devenue une nécessité professionnelle dans un nombre
croissant de métiers. Symétriquement, la non-maîtrise de l’anglais est devenue un
handicap professionnel majeur. La face cachée du problème est qu’il existe aujour-
d’hui une véritable fracture linguistique.
Cette fracture recouvre en partie la fracture sociale et est de nature à la perpétuer.
Quiconque n’a pas assez d’argent pour envoyer ses enfants en séjour linguistique
non pas une fois, mais plusieurs, ou bien ne dispose pas d’un logement assez grand
ou des relations nécessaires pour organiser un échange avec des correspondants
étrangers, ne peut que se résigner : leur anglais restera au mieux scolaire, c’est-à-
dire insuffisant.
Il est loisible de répondre à cela que l’apprentissage plus précoce de l’anglais doit
justement permettre de réduire cette fracture linguistique. Il est loisible de
répondre à cette réponse que la manière dont on s’y prend laisse mal augurer du
résultat. On fera certes du chiffre, à la manière du Gosplan, en montrant que,
chaque année, davantage d’élèves en France ont reçu un enseignement de langues,
que tant de milliers d’heures y ont été consacrées, que tant de centaines de postes
ont été créés. Mais la pratique de l’anglais n’y trouvera guère son compte.
Les expériences sont suffisamment nombreuses de par le monde pour que la chose
soit avérée : la seule façon d’apprendre vraiment une langue étrangère à l’école est
non pas d’étudier cette langue, mais d’étudier dans cette langue. Les jeunes Libanais,
Russes, Bulgares, Sénégalais ou autres Mauriciens qui parlent parfaitement une
langue autre que la leur sans être jamais sortis de leur pays le font parce qu’ils
étudient en français, ou en anglais, l’histoire, la géographie, les sciences, etc. Les
pays de l’Est européen ont beaucoup développé, depuis trente ans, ce type d’ensei-
gnement, en le réservant à de très bons élèves sélectionnés sur examen.
Les adolescents qui fréquentent les lycées français ou anglais à l’étranger bénéficient
de cette pédagogie. On relèvera qu’ils sont en général issus de classes favorisées.
Même si un séisme culturel en France permettait d’imaginer l’implantation un peu
partout de filières bilingues complètes, elles s’adresseraient principalement aux
enfants des classes moyennes. C’est d’ailleurs le cas dans les rares écoles bilingues

leçon exercices travaux dirigés corrigés 67


qui existent en France, que ce soit dans une langue étrangère ou dans une langue
régionale. Il existe donc une forte probabilité pour que les enfants des milieux
défavorisés restent dans l’enseignement classique, et continuent à étudier l’anglais
(ou l’allemand, ou l’espagnol) sans jamais vraiment le parler ni le comprendre.
Et si une partie de la solution se trouvait en dehors de l’école ? Les Scandinaves
parlent en général très bien l’anglais, et avec très peu d’accent, et souvent d’autres
langues de surcroît. L’effort scolaire en matière de langues n’est pourtant pas plus
développé chez eux qu’en France.
Mais, à la télévision, rien de ce qui vient de l’étranger n’est doublé, sauf les dessins
animés destinés aux petits. Au cinéma, de même. Les innombrables séries télévisées
et autres films hollywoodiens, comme d’ailleurs les films italiens ou français, sont
en version originale sous-titrée. Du coup, même les Suédois de condition modeste,
n’ayant comme loisir que la télévision, entendent parler anglais avec l’accent améri-
cain souvent, mais aussi anglais, irlandais ou australien. Ils comprennent et parlent
donc la langue de Shakespeare, l’école intervenant pour consolider la grammaire et
l’écrit. Et rien n’indique qu’ils renoncent à parler suédois le reste du temps.
En demandant d’avance pardon aux spécialistes du doublage, on pourrait suggérer
à la télévision française d’aller dans cette direction. Arte s’y risque parfois. Les
feuilletons américains deviendraient ainsi un exercice linguistique et un exercice de
lecture par-dessus le marché. Étant donné que les enfants et les catégories
modestes sont les plus gros consommateurs de télévision, et particulièrement des
séries américaines, les leur donner à voir en anglais deviendrait une opération ciblée
« antifracture ».
Regarder la série « Urgences » en anglais pourrait même être un vrai plaisir. Ceux
qui seraient rebutés par l’effort regarderaient des émissions bien de chez nous –
qui bénéficieraient enfin d’un avantage concurrentiel. Tout ce beau raisonnement
vaut évidemment si l’on suppose que les jeunes Français ont vraiment envie de
parler les langues étrangères.
Sophie Gherardi, in © Le Monde
du 15 septembre 2001.

68 techniques de l’expression écrite et orale Le Plan



travaux dirigés

䉯 Td 1 Quel type de plan organise cet extrait d’une conférence intitulée
« L’économie comme science et comme politique » ?

Pendant longtemps, économie a signifié gestion domestique, comme le nom l’in-


dique. Les physiocrates du XVIIIe siècle ont cependant eu une notion claire des inter-
dépendances entre secteurs et des flux correspondants. Mais le fait révélateur est
la question cruciale de l’explication des prix et des quantités échangées sur les
marchés. Le prix d’un bien était « expliqué » par le rapport entre une quantité
« offerte » et la somme d’argent qui la « demande », ce qui est une tautologie et
non une explication (sauf au niveau global, pour expliquer le niveau général des prix
par la « théorie quantitative de la monnaie », qui était ainsi en place dès le XVIe siècle).
Bien que tout vendeur ait su qu’il avait en général plus de clients quand il baissait
ses prix, il a fallu attendre 1838 pour que soit précisément décrite une courbe de
demande montrant la quantité demandée en fonction du prix – par Augustin Cour-
not en construisant la théorie du monopole pour déterminer le prix de vente de
l’eau de la source Perrier. La théorie de l’offre et de la demande, de la concurrence
et de l’interdépendance des marchés a dû attendre une génération de plus, avec
Léon Walras (dont le père avait été condisciple de Cournot) dans les années 1870.
L’un des acteurs intéressés par l’économie était le pouvoir politique – le produit
des impôts en dépendait. Cependant, avec la révolution industrielle, à partir de la
fin du XVIIIe siècle en Angleterre, au cours du XIXe siècle dans le reste de l’Europe,
les conseils des économistes tendaient plutôt à diminuer les recettes des États, en
prônant la suppression des droits de douane et octrois dans le « laissez faire, laissez
passer ». Au tournant des XIXe et XXe siècles, avons-nous noté, la part des recettes
et dépenses de l’État dans le revenu national tournait autour de 10 % dans les pays
européens, bien moins en excluant les armées et en Angleterre. Elle dépasse la
moitié en France un siècle plus tard, sécurité sociale incluse.
Serge-Christophe Kolm, in Qu’est-ce que la société ? UTLS vol. 3,
© Éditions Odile Jacob, 2000, p. 56.

䉯 Td 2 Faites le plan de cet extrait d’une conférence intitulée « Trans-


port, énergie, vitesse » ? Quels sont les 2 principes d’organisation
sur lesquels il est bâti ?

L’histoire des transports peut être vue comme une succession de réponses à des
enjeux politiques, militaires ou stratégiques : souci de marquer l’unité d’un territoire

leçon exercices travaux dirigés corrigés 69


et de le contrôler, quand, deux siècles avant notre ère, Ts’in Che Houang Ti rend
uniforme la dimension des essieux des chars afin que, les ornières étant partout de
même distance, un char puisse circuler dans tout le pays ou encore quand les saint-
simoniens voient dans le chemin de fer le moyen d’unifier « les différents peuples de
la France ». Réponse à un problème stratégique : les grandes découvertes doivent
beaucoup à la chute de l’empire mongol qui coupe les routes terrestres avec l’Ex-
trême-Orient, à la volonté de s’affranchir des « coûts d’intermédiation » des
commerçants moyen-orientaux et vénitiens dans les échanges... Mélange de consi-
dérations économiques et politiques, lorsque Colbert cherche à améliorer les routes
pour stimuler l’agriculture en augmentant ses débouchés et pour éviter les disettes
à Paris.
L’histoire des systèmes de transport peut aussi être lue comme celle de révolutions
touchant des traits fondamentaux de ces systèmes comme la fiabilité, la couverture
spatiale, la capacité, la vitesse et l’autonomie et conditionnant de ce fait leur crois-
sance, leur apogée et leur déclin relatif.
La première révolution commence avec l’accélération du développement des
canaux. Ils ouvrent des aires de marché aux produits pondéreux, mais leur couver-
ture territoriale reste limitée, si bien qu’à son apogée, la voie navigable n’assure
qu’un tiers des trafics de marchandises.
La deuxième révolution est celle des transports collectifs urbains et du chemin de
fer. Les premiers résolvent un problème de capacité (par rapport à l’usage de la
voiture à cheval), de vitesse et de portée de déplacements (par rapport à la
marche). Leur capacité concurrentielle fait une part de leur succès, mais leur crois-
sance est surtout portée par les demandes nouvelles, les trafics induits. Nous pas-
sons d’environ vingt millions de déplacements en voiture à cheval en 1830 à 1,4
milliard de déplacements en transport public au début de notre siècle. Les chemins
de fer apportent une couverture spatiale plus étendue que la voie navigable, une
vitesse et un confort plus élevés que les transports routiers et apprennent au
voyageur à s’abstraire du territoire qu’il traverse. À leur apogée pour les marchan-
dises (les trois quarts du marché en 1930), ils assurent un trafic dix fois plus élevé
que la route et les voies navigables un siècle plus tôt.
Avec l’apparition du moteur à explosion, le rail sera concurrencé par la route. Le
degré de couverture spatiale change encore d’un ordre de grandeur et l’autonomie
est la valeur phare : avec l’automobile, c’est quand on veut et où on veut. Pendant
la première moitié du siècle, la diffusion sera limitée en Europe par la conception
élitiste du produit (à l’inverse des États-Unis qui en font un produit pour tous).
Néanmoins, les trafics routiers de voyageurs dépassent ceux du rail dans les années
1930 et le niveau de mobilité actuel en automobile des Français est dix fois supé-
rieur au niveau de mobilité qu’ils connaissaient à l’apogée mondiale du rail.

70 techniques de l’expression écrite et orale Le Plan



La quatrième révolution, celle de l’aviation, ne prend un tour commercial significatif
qu’à la fin des années 1950 avec l’apparition des gros porteurs à réaction. Elle est
en rupture par rapport aux grandes révolutions passées et en harmonie avec les
tendances d’évolution des modes d’exploitation des moyens antérieurs : la couver-
ture territoriale n’est plus le point clé, mais la vitesse et la capacité sur les arcs reliant
les aéroports. Le trafic aérien de passagers est multiplié par trente-cinq en quarante
ans. La logique de massification du transport aérien s’affine à la fin des années 1970
avec le modèle hub and spokes (moyeux et rayons). Elle est en phase avec les grandes
tendances de l’époque : les autoroutes, les trains à grande vitesse, la logistique, le
transport maritime, privilégient capacité et vitesse sur la finesse de desserte.
Jean-Pierre Orfeuil, in Qu’est-ce que la société ? UTLS vol. 3,
© Éditions Odile Jacob, 2000, pp. 203 à 205.

䉯 Td 3 Quel principe d’organisation reconnaissez-vous dans ce court


extrait d’une conférence intitulée « Les espaces de la mondiali-
sation » ?

Les images que nous avons tous en tête du Monde sont des planisphères. Cette
figure nous semble neutre. Certes, les effets pervers des choix de projections carto-
graphiques sont bien connus, particulièrement ceux qui ont tendance à sous- esti-
mer la zone intertropicale (dont on se souvient alors qu’elle abrite les pays en voie
de développement...). On prend souvent moins garde au fait qu’elle est orientée et
qu’elle a des bords.
Or le choix de placer au nord l’« orientation » (terme qui littéralement signifie
tourné vers l’est) et non vers le sud, comme les cartes chinoises anciennes, est une
conséquence de la position assez septentrionale de l’Europe et de son écriture à
partir du haut. Plus lourdement, la position centrale généralement accordée au
fuseau Europe-Afrique découle d’un placement au centre du lieu initiateur de la
mondialité. Comme disent naïvement de jeunes enfants : le méridien de Londres a
été choisi comme origine parce qu’il est au milieu. Et, au fond, ce ne fut pas si faux,
en tout cas quand l’Europe du XIXe siècle avait effectivement ordonné le Monde
autour d’elle. À ce moment, le choix de la ligne de changement de date au milieu du
Pacifique s’imposait logiquement. Et les deux bords gauche et droit du planisphère
correspondaient alors à des bouts du Monde.
Cette projection de la subjectivité européenne sur le globe va beaucoup plus loin
dans des cadres de pensées qui pourraient sembler neutres. C’est, pour l’essentiel,
l’Europe qui a nommé les parties du Monde, ce qui suppose qu’elle les a préalable-
ment découpées. Sans doute les continents paraissent des réalités plutôt paisibles,
des sortes de grandes îles qu’on apprend très tôt à l’école à identifier et à nommer.

leçon exercices travaux dirigés corrigés 71


En fait, ce découpage aurait certainement été tout autre si c’était une autre civilisa-
tion, la Chine par exemple, qui l’avait effectué.
Christian Grataloup, in Qu’est-ce que la société ? UTLS vol. 3,
© Éditions Odile Jacob, 2000, p. 138.

䉯 Td 4 Faites le plan analytique du texte suivant :

Face à l’héritage progressiste


Ce qui est mort, dans l’héritage du progressisme, c’est d’abord la croyance au
progrès automatique, c’est la foi dans l’enchaînement nécessaire et harmonieux de
tous les ordres de progrès (du scientifique et du technique au moral et au politique),
cette conviction naïve que toutes les « bonnes choses » vont de pair et avancent de
concert. C’est là donner raison à Rousseau qui, contre les tenants de l’optimisme
historique, s’était appliqué à démontrer que le progrès des sciences et des arts ne
produit pas le progrès de la moralité, ne s’accompagne pas d’un perfectionnement
du sens moral 1. Ce qui est mort, c’est ensuite l’idéal de la table rase, cette expres-
sion du ressentiment à l’égard du passé, ce désir frénétique d’en finir avec tous les
héritages, de faire magiquement disparaître toutes les figures du donné culturel,
toutes les créations historiques dotées d’une certaine permanence. La disqualifica-
tion du révolutionnarisme a entraîné celle de l’optimisme progressiste, qui lui four-
nissait sa vision de l’histoire. Plus fondamentalement, dans la perspective du
progressisme éradicateur, il s’agissait de nier théoriquement et pratiquement la
nature humaine pour gagner l’illusoire liberté de façonner une post-humanité de
rêve, une humanité améliorée, une sur-humanité ou une espèce nouvelle mieux
adaptée à l’âge post-historique. L’utopie terroriste de « l’Homme nouveau » suppo-
sait l’accomplissement de la table rase : l’espèce humaine devait devenir matière
première pour pouvoir être refaçonnée, refondue, sur le mode de la production
ou de la fabrication d’objets. Pour pouvoir réaliser l’utopie révolutionnaire, il fallait
faire de l’homme une cire molle ou de la société une page blanche : tout réduire,
tout abolir, pour tout refaire et tout reconstruire. Stade suprême de l’artificialisme,
dénué de toute mesure. En outre, l’acte de destruction des traces du passé et du
« vieil homme » avait valeur rédemptrice pour qui l’accomplissait. L’acte de rupture
avec le passé « archaïque » devait être total, sans réserve et sans reste. Le passé
devait devenir quelque chose comme une terre étrangère, face à laquelle l’ignorance
devait être de rigueur. Ce désir d’annihilation relève de la volonté de vengeance,
telle que Nietzsche l’a identifiée : « Ceci, oui, ceci seul est la vengeance même : le

1. Jean-Jacques Rousseau, Discours sur les sciences et les arts [1750], éd. Jacques Roger, Paris, GF-
Flammarion, 1992.

72 techniques de l’expression écrite et orale Le Plan



ressentiment de la volonté envers le temps et son “ce fut” 1 ». La destruction rédem-
ptrice s’est historiquement manifestée dans un certain nombre de domaines, elle
s’est illustrée au XXe siècle par des processus idéologico-politiques de type totali-
taire, parmi lesquels on retiendra pour leur fonction répulsive maximale la révolu-
tion communiste et la révolution nationale-socialiste, celle-ci entrecroisant le projet
utopique d’une refonte eugéniste de l’espèce humaine et la variante aryaniste ou
« nordique » du mythe de la race. S’interrogeant sur la puissance d’illusion de l’idéo-
logie révolutionnaire, Claude Lefort notait en 1975 : « La racine de l’illusion, c’était
la croyance en un point de rupture radicale entre passé et avenir, en un moment
absolu [...] dans lequel se livre le sens de l’histoire 2 ». L’illusion s’est dissipée.
Par ailleurs, et plus récemment, à la faveur de la mondialisation – à la fois comme fait
de la globalisation économico-financière et comme idéologie donatrice de normes –,
une nouvelle variante de la religion du Progrès s’est constituée en utopie messia-
nique faible, que j’ai baptisée « bougisme » ou « mouvementisme », soit le culte du
mouvement pour le mouvement, l’exaltation de la fuite en avant dans ce qu’il est
convenu d’appeler la « modernisation », l’impératif catégorique de « bouger avec ce
qui bouge » 3. Dans cette récente figure du néo-progressisme, ce qui est conservé
de l’idée de progrès, c’est la simple valorisation exclusive du mouvement comme
tel, de la successivité : on peut y voir le stade final de la décomposition du progres-
sisme. Ce qui est valorisé dans cette forme ultra-simplifiée du néo- progressisme,
c’est le changement perpétuel, sans horizon de sens, sans fins dernières (disparais-
sent ainsi la visée d’une émancipation, celles de la réalisation de la justice, du bon-
heur, etc.), le changement couplé avec la vitesse. Degré zéro de l’idéologie du
progrès, absence de projet érigée en pseudo-projet, à droite comme à gauche. Car
le chant de sirène de la « mondialisation heureuse » ne rencontre pas de résistance
dans la classe politique, pas plus que dans la classe médiatique. Les fronts de résis-
tance apparaissent ailleurs, à partir d’expériences collectives – et douloureuses –
de la rebarbarisation du monde 4, que l’utopie mondialisatrice voile et transfigure à
la fois. L’individu idéal qu’elle projette sur tous les écrans, c’est l’individu de nulle
part, sans mémoire ni inscription historique, réduit à sa faculté d’adaptation, et de
plus en plus à son aptitude à la sur-consommation. Capable de se conformer à
toutes les normes, de s’adapter de plus en plus vite à tous les contextes, de varier
avec toutes les variations conjoncturelles. L’être planétaire ultra-mobile et jubila-

1. Friedrich Nietzsche, Ainsi parlait Zarathoustra, IIe partie [1883], « de la délivrance », tr. fr.
G. Bianquis [modifiée], Paris, Gallimard, 1947, p. 138. Voir le commentaire de Martin Heideg-
ger, Essais et conférences, tr. fr. A. Préau, Paris, Gallimard, 1958, puis coll. « Tel », 1980, p. 133 sq.
2. Claude Lefort, in « Entretien avec C. Lefort » (19 avril 1975), l’Anti-mythes, no 14, novembre
1975, p. 10.
3. Voir mon livre L’Effacement de l’avenir, op. cit., passim.
4. Ibid., p. 217 sq., 459-467.

leçon exercices travaux dirigés corrigés 73


toire, heureux dans l’instabilité et l’insécurité perpétuelles. L’accélération du mouve-
ment est la loi et la norme uniques de l’existence globalisée. Comme si la
mondialisation communicationnelle, technologique et économico-financière repré-
sentait la voie du salut, à la portée de tous. Après l’utopie de « l’Homme nouveau »
surgit donc celle de « l’Homme mobile », l’utopie de l’individu sans héritages ni
appartenances, sans mémoire et sans histoire, mais ultra-mobile, hyper-malléable
et indéfiniment adaptable. Il est sans famille, sans ascendance ni descendance, il
n’est responsable que de lui-même, de sa vitesse et de sa flexibilité. Il n’a d’identité
que provisoire, éphémère ; il rêve même d’en changer comme de chemise. Il s’éi-
déalise, dans le discours publicitaire contemporain, en « nomade » et en « métissé »,
il se célèbre comme un « hybride » toujours « en mouvement ». Le ciel de la publi-
cité propagandiste (j’entends par là « engagée » en faveur du globalisme) est étoilé
de trois termes incitatifs : change, échanges, mélanges. Voilà ce qui serait l’avenir
de l’humanité, ce qui déterminerait la voie unique du futur.
Comme la conception classique du progrès, l’idéologie « mouvementiste » de la « mon-
dialisation heureuse » opère une fatalisation de l’histoire. Elle transforme à son tour le
devenir en destin, à travers son discours unique et répétitif sur les « contraintes inévita-
bles » et les « évolutions irréversibles », que résume la formule favorite du nouveau ter-
rorisme intellectuel globaliste : « Il n’y a pas d’alternative. » La nécessité qu’elle met en
avant se réduit à un ensemble de contraintes naturalisées. C’est la marche automatique
du progrès sans les fins du progrès. Le « mouvementisme », c’est le progressisme totale-
ment déshumanisé, définalisé, désublimé. Georges Sorel écrivait en 1908 : « Le sublime
est mort dans la bourgeoisie et celle-ci est donc condamnée à ne plus avoir de morale 1 ».
Je dirais volontiers, près d’un siècle plus tard, que le sublime meurt une seconde fois
dans l’hyper-bourgeoisie, la nouvelle classe élitaire délocalisée et délocalisante. L’exper-
tocratie trans-nationale n’a ni politique ni morale. Elle « bouge », consomme, commu-
nique et s’enrichit. Il est clair que le « mouvementisme » ou le « bougisme » constitue la
dernière en date des métamorphoses du progressisme éradicateur, après la mort du
Progrès. Décomposition d’un cadavre. Cette métamorphose idéologique n’est peut-
être pas la dernière, mais elle est certainement l’instrument d’une nouvelle mystification.
Après sa mort quasi naturelle, le Progrès fait encore des ravages.
Pierre-André Taguieff, Du progrès, Librio, 2001, pp. 179 à 183.

䉯 Td 5 Faites le plan analytique du texte suivant :


L’humanitaire
L’action humanitaire occupe aujourd’hui une place enviable dans l’opinion publique
des pays occidentaux. Dans un monde où l’on ne croit plus aux utopies politiques

1. Georges Sorel, Réflexions sur la violence [1908], Paris, Marcel Rivière, 1972, p. 301.

74 techniques de l’expression écrite et orale Le Plan



promettant l’avenir radieux, mais où l’on ne veut pas non plus se contenter de son
confort individuel et de ses loisirs, elle semble offrir une issue : il est encore possible
d’agir par solidarité avec le genre humain. Soulager la souffrance ou la misère des
autres est un engagement qui donne sens à une vie. L’action humanitaire semble
échapper à deux écueils symétriques, celui de l’activisme politique amoral et celui
de la morale impuissante ; elle paraît offrir l’exemple d’un équilibre raisonnable
entre idéalisme et réalisme. Rien d’étonnant à ce que sa réputation soit si élevée,
notamment auprès de ceux, jeunes ou non, qui se sentent jeunes de cœur.
Les humanitaires interviennent le plus souvent sur la scène internationale au
moment des guerres, conflits et crises dans lesquels s’affrontent des forces poli-
tiques opposées. L’humanitaire doit nécessairement se situer par rapport au poli-
tique. À l’origine, cette relation pouvait être décrite comme une ignorance voulue :
l’acteur de l’humanitaire aidait les blessés ou les affamés sans leur demander à quel
camp politique ils appartiennent. L’aide humanitaire ne voulait pas être une politique
parmi d’autres. On s’est vite aperçu, cependant, que l’exigence d’ignorance, ou
d’indifférence, à l’égard de la couleur politique ne suffisait pas.
Intervenant dans une confrontation politique, les humanitaires se trouvent, qu’ils le
veuillent ou non, pourvus d’un rôle politique. Par exemple, tel dictateur décide de
déplacer une population à l’intérieur de son pays, voire de l’expulser hors des fron-
tières pour s’emparer de ses terres. Si les organisations humanitaires interviennent
pour soulager la souffrance des réfugiés, elles deviennent des alliées involontaires
de ce dictateur, elles lui permettent de consolider ses positions en supprimant une
raison d’indignation. Mais si elles décident de ne pas intervenir sur le plan humani-
taire, et même de dénoncer publiquement l’agression, les réfugiés meurent de faim
ou de maladies. Dans les deux cas, les généreux humanitaires ont du mal à se sentir
fiers de leur action. Il y a là comme un pacte faustien : une certaine compromission
avec le « diable » (le méchant dictateur) est le prix de leur efficacité. Le refus de
tout compromis les paralyse, la soumission aux ordres des puissants leur fait perdre
leur âme et laisse entendre un message désolant : pour avoir à manger, les victimes
sont amenées à renoncer à la justice.
De tels dilemmes cruels sont fréquents et ils ne connaissent pas de solution globale.
Pour cette raison, certaines organisations, comme Médecins sans frontières, ont
décidé de ne plus feindre l’ignorance mais, au contraire, de fonder leur action sur
une analyse politique aussi poussée que possible de chaque situation. Le choix de
l’une ou l’autre attitude, du compromis ou de l’indignation, ne sera pas alors une
question de principe mais d’opportunité : dans un cas il est essentiel de dénoncer,
même si cela veut dire aussi renoncer à toute intervention ; dans un autre, on aidera
d’abord les souffrants, tout en sachant qu’on joue le jeu de celui qui a causé leur
souffrance. Mais il y a toujours une limite à ne pas dépasser : l’acte humanitaire

leçon exercices travaux dirigés corrigés 75


cherche à rétablir une situation de droit (humanitaire), il ne doit jamais se mettre
simplement au service de la force (politique).
L’utilisation des humanitaires par les politiques peut prendre aussi des formes plus
discrètes. Dans les pays occidentaux mêmes, les gouvernements font appel aux
ONG, organisations non gouvernementales, pour se décharger sur elles de tâches
ingrates ou trop lourdes à traiter dans le cadre bureaucratique habituel, ainsi de
l’extrême pauvreté ou de la toxicomanie. Prendre des mesures politiques peut être
onéreux, matériellement et stratégiquement ; confier le travail aux ONG permet
de ne pas s’attaquer aux racines du mal. Encore une fois, les humanitaires n’ont pas
à renoncer par principe à se substituer aux politiques ou à les aider, mais ils ont
intérêt à rester lucides sur l’instrumentalisation dont ils sont l’objet ; autrement, ils
risquent de se voir un jour rejetés par ceux-là mêmes qu’ils cherchent à aider, sous
prétexte qu’ils sont les auxiliaires d’une politique inacceptable – comme cela s’est
produit aux temps des colonies.
Tzvetan Todorov, Mémoire du mal, Tentation du bien,
© Robert Laffont, 2000, pp. 284 à 286.

䉯 Td 6 Faites le plan du texte suivant :

La prévention : priorité du XXIe siècle


Avant de parler de la prévention, il n’est sans doute pas inutile de rappeler ce que
recouvre cette notion. On distingue, en effet, la prévention primaire et la prévention
secondaire. La prévention primaire désigne toutes les actions qui visent à empêcher
l’apparition de la maladie. La vaccination en est l’exemple le plus évident, mais
l’hygiène de vie, la lutte contre la sédentarité ou encore certaines actions en matière
de nutrition en font également partie. La prévention secondaire, quant à elle, est
destinée à empêcher l’aggravation d’une maladie, alors que les premiers symptômes
sont déjà apparus. Ces deux types de prévention reposent sur le dépistage, un
dépistage qui, avec le développement de la biologie prédictive, devient de plus en
plus précoce. Comment pratiquer à bon escient ce dépistage ?
Il s’agit bien sûr de dépister des maladies traitables et d’éviter de se lancer à corps
perdu dans des actions systématiques. Le dépistage de masse se fera sans doute de
moins en moins (sauf dans des cas très particuliers, comme celui du diabète, où le
test est simple et sans risque), tandis que se développeront des campagnes ciblées,
touchant certaines catégories de populations selon des critères d’âge, de sexe, de
prédisposition génétique.
Pour éclairer les pouvoirs publics et les responsables sur ce que serait un bon
dépistage précoce, la commission de biologie de l’Académie de médecine a proposé
trois critères. Premier critère : le dépistage doit démontrer son utilité. Il faut que

76 techniques de l’expression écrite et orale Le Plan



la prévalence 1 et la gravité de la maladie soient suffisantes dans la population concer-
née pour justifier une campagne de dépistage. Les cancers les plus fréquents, par
exemple les cancers féminins du col de l’utérus ou du sein et l’ostéoporose répon-
dent parfaitement à ce critère. Mais il faut également que l’efficacité du dépistage
soit supérieure à celle d’une approche curative. Deuxième critère : la sécurité. Il
est primordial, en effet, que les méthodes dé dépistage présentent non seulement
la plus grande innocuité mais également la plus grande fiabilité possible.
Enfin, troisième critère, la taille de la population dépistée doit- être suffisante pour
que l’on puisse procéder à une évaluation du dépistage, en mesurant l’adhésion du
public à la campagne. Ainsi, à Dijon, la campagne de dépistage du cancer colorectal
a permis de tester 45 000 personnes âgées de 50 ans à 69 ans, soit 53 % de la
population concernée et a entraîné une baisse de la mortalité de 14 %. Ces chiffres
sont à comparer aux résultats d’une campagne analogue menée au Danemark :
67 % de la population a subi le test et la mortalité a baissé de 18 %.
Face à ces orientations de principe, quelle est la réalité de la prévention en France ?
Depuis plusieurs années déjà, les pouvoirs publics ont mis l’accent sur le renforce-
ment des actions et des moyens de prévention et d’éducation. Bernard Kouchner,
ministre délégué à la Santé, a réaffirmé cette orientation en insistant sur l’impor-
tance de la lutte contre les pathologies chroniques et sur l’accélération des cam-
pagnes de prévention. Ainsi, le dépistage du cancer du sein, déjà en place dans 32
départements, devrait être étendu à l’ensemble des départements cette année.
Mais, pour le cancer colorectal, seuls quatre départements sont en mesure de pro-
poser un dépistage aujourd’hui et, en 2001, quatre nouveaux départements seule-
ment devraient s’ajouter à cette liste. Dans certains domaines, les efforts sont
encore très insuffisants. Ainsi, alors que l’OMS recommande de consacrer 1 % des
revenus liés aux taxes sur le tabac à la lutte contre le tabagisme, la France ne
consacre que 20 millions d’euros à cette lutte alors que les taxes sur le tabac
rapportent à l’État 10 milliards d’euros. Dans le domaine de l’alcoolisme, très peu
d’actions sont entreprises ; dans l’ostéoporose post-ménopausique, rien n’est fait.
Il est vrai que beaucoup d’acteurs de la santé, médecins scolaires, médecins du
travail mais aussi médecins de ville ou pharmaciens sont mal formés à la prévention,
même s’ils se disent souvent ouverts à ce type d’action. Enfin, certaines occasions
de dépistage, comme le service militaire, vont disparaître. La Journée d’appel de
préparation à la Défense (JAPD) offrirait une excellente occasion, en touchant une
population mixte, de procéder à quelques dépistages de base ; malheureusement,
cela n’est actuellement pas envisagé.

1. Prévalence : rapport du nombre de cas d’une maladie à l’effectif d’une population donnée,
sans distinction entre les cas nouveaux et les cas anciens.

leçon exercices travaux dirigés corrigés 77


Le dépistage des grandes maladies traitables dans notre pays ne progressera donc
réellement que s’il existe une incitation forte du ministère de la Santé à développer
ces campagnes avec l’aide des instances régionales. Plus largement, les Français, au
travers des associations de consommateurs ou de malades, ont également un rôle
essentiel à jouer. À eux de faire pression pour que la prévention soit désormais
aussi bien traitée dans notre pays que l’approche curative de la maladie. Un groupe
de travail de l’Académie de médecine prépare pour la fin 2001, à la demande du
président de la République, un rapport sur le thème « Comment développer les
actions de prévention dans notre système de santé ? ». Souhaitons que des mesures
concrètes en découlent !
Professeur Claude Dreux, in Recherche et santé,
no 88, octobre 2001, pp. 26-27.

78 techniques de l’expression écrite et orale Le Plan



corrigé des exercices

䉲 Ex 1 Ce paragraphe est constitué d’une seule longue phrase appelée période.
Idée maîtresse : la division du travail est responsable de l’inégalité, elle-
même source de tous nos maux.
Jean-Jacques Rousseau montre de façon concrète et vivante comment, selon
lui, l’inégalité et son cortège de malheurs sont apparus parmi les hommes.
Cette évolution se fait dans le temps ; l’auteur distingue deux époques. Le
mouvement du paragraphe est créé par cette évolution chronologique assortie d’une
opposition.
Le mot de liaison, clef de voûte de la phrase, est mais (dès l’instant qu’un
homme...).
1. Tant que les hommes... d’un commerce indépendant (première époque :
Égalité et bonheur), mais
2. dès l’instant que... avec les moissons (deuxième époque : Inégalité et
malheur).

䉲 Ex 2 Pas de corrigé.

䉲 Ex 3 Si nous laissons de côté des rubriques trop précises (ou des sous-titres) et
le fait que n’importe quelle information peut passer en première ou dernière page,
si elle est importante, nous pourrons classer de la façon suivante :
1. Actualité politique :
a) intérieure : 6,9 ;
b) internationale : 3,8,13,15.
2. Actualité sociale et économique : 5, 10.
3. Actualité sportive : 1,11.
4. Faits divers : 7.
5. Culture : 4,12.
6. Revue de la presse : 2,14.

䉲 Ex 4 – À cause de la route : 3, 5, 6, 7.
– À cause des autres usagers : 4, 8, 12, 13.
– Pour obéir à la signalisation : 1, 2, 14.
– En raison d’intersections diverses : 9, 10, 11.

leçon exercices travaux dirigés corrigés 79


䉲 Ex 5 Ce graphique illustre très clairement le vieillissement de la population fran-
çaise pendant la période 1985-2020. Le commentaire évitera de l’obscurcir.
Une mauvaise méthode consisterait à décrire cette évolution année par
année : « En 1985, la population française était composée de 29,1 % de jeunes, de
52,8 % d’adultes et de 18,1 % de personnes âgées de plus de 60 ans, etc. ».
Plutôt que de suivre l’ordre chronologique, mieux vaut partir des 3 catégo-
ries : « De 1985 à 2020 :
a. le pourcentage des jeunes de moins de 19 ans baisse de 29,1 % à 23,4 %,
soit de 5,7 % ;
b. celui des adultes, après avoir progressé jusqu’en 1995, baissera de 52,8 %
à 48,3 % soit de 4,5 % ;
c. enfin celui des personnes âgées de plus de soixante ans passera de 18,1 %
à 28,3 %, augmentant de 10,2 %.
Ces chiffres révèlent le vieillissement de notre population, très marqué
même sur la seule décennie pour laquelle nous disposons de statistiques certaines. »

䉲 Ex 6 Deux classements des différentes sources d’énergie (charbon, pétrole, gaz


naturel, eau (énergie hydraulique), énergie atomique, marées, énergie solaire) peu-
vent être envisagés :
a) L’étude de ces sources d’énergie dans l’ordre chronologique où elles ont
été découvertes et utilisées :
– le bois est resté pendant des millénaires la source presque unique d’éner-
gie thermique (encore largement utilisée dans les pays sous-développés) ;
– la houille est utilisée comme source d’énergie thermique et mécanique
(machine à vapeur) depuis le XVIIIe siècle ; elle est encore la source d’une grande
partie de l’énergie électrique consommée dans le monde (centrales thermiques) ;
– l’hydro-électricité, le pétrole et le nucléaire sont les trois nouvelles
sources d’énergie du XXe siècle et ont connu un développement considérable ;
– les deux dernières sources d’énergie citées dans la liste sont encore inéga-
lement exploitées.
b) L’étude de ces sources d’énergie dans l’ordre de leur importance quant à
la puissance qu’elles fournissent respectivement. Mais ici le plan sera compliqué du
fait que :
– cette importance a beaucoup varié selon les années ;
– cette répartition globale est sujette à de très grandes variations selon les
pays.

䉲 Ex 7 La mode de l’antiquaille
I. Manifestations de cet engouement :

80 techniques de l’expression écrite et orale Le Plan



A. sujet de nombreuses conversations (dames surtout ?) ;
B. appartements parfois envahis par les bibelots ;
C. activité commerciale : nombreux antiquaires ; succès des ventes aux
enchères, des marchés aux puces ; publicité dans des hebdomadaires ou des revues
spécialisées.
II. Causes
A. Vanité (étaler ses connaissances, montrer son goût, preuve d’un certain
standing...).
B. Amour réel de l’antique et répulsion devant le moderne (froid, fabrication
trop rapide...).
C. Évasion hors d’un monde fatigant ; création d’une « profondeur » tempo-
relle...
III. Conséquences
Des effets paradoxaux liés à l’excès, au caractère superficiel.
A. La tricherie (faux ; prolifération de copies médiocres ou de vagues imita-
tions). À nuancer : des commerçants sérieux, des artisans et artistes remarquables.
La montée des prix.
B. « L’antiquité » risque de devenir banale, donc « inefficace ».
C. Le snobisme n’aboutit pas toujours à une formation du goût.

䉲 Ex 8 Les atouts du football


A. propriétés et risques à l’image de la vie sociale et professionnelle.
B. facilité d’installation et de pratique.
C. spectacle offert.
D. qualités sportives spécifiques.

䊊 䊊 䊊 Remarque :
Ce plan est une addition des avantages de ce sport.

䉲 Ex 9 à 12 Pas de corrigés.

䉲 Ex 13 Les difficultés du système de protection sociale en France


Introduction (§ 1-2)
Deux interprétations de la crise, d’où deux attitudes : des mesures conjonc-
turelles ou une action sur la structure.
I. La crise du système (§ 3 à 10)
A. Le déséquilibre des comptes (§ 3 à 5)

leçon exercices travaux dirigés corrigés 81


Dépenses et prélèvements ont augmenté ; à cause de la crise économique ?
Les recettes dépendent de l’économie, mais les dépenses correspondent aux mala-
dies, à la durée de vie, à la démographie...
Donc, soit on espère que les recettes seront au niveau des dépenses, soit
on estime la protection excessive et déresponsabilisante.
B. L’efficacité remise en cause (§ 6 à 9)
a. Pour les retraites, une situation démographique non prévue.
b. Pour la famille, la natalité comparable à celle des autres pays.
c. Pour la santé, rang moyen de notre système ; d’autres pays font mieux
pour moins cher.
Transition (§ 10) : non pas rationner les soins, mais rationaliser le système ;
sinon risque de catastrophe.
II. Des remèdes insuffisants (§ 11 à 16)
A. Ceux déjà cités (§ 11 à 13)
a. La diminution des remboursements.
b. La modération du prix des soins, mais non celle de leur volume.
c. La réduction de l’offre de soins, qui entraîne des protestations.
B. Critique de ceux qui sont proposés (§ 14 à 16) :
a. La distinction entre gros risque, couvert collectivement, et petit risque,
couvert personnellement ; mais elle débouche sur l’inégalité sociale.
b. L’augmentation de la franchise, mais les riches pourraient s’assurer contre
elle ; inégalité encore.
c. La généralisation de l’assurance privée ; mais risque de cotisation propor-
tionnelle selon l’âge ou la gravité de l’état de santé, et la gestion est plus coûteuse.
Conclusion (§ 17-18)
Chercher à responsabiliser et les malades et les praticiens.

䊊 䊊 䊊 Remarques :
Le mouvement du texte est très clair. L’auteur fait d’abord un constat, assez
pessimiste, de la situation du système français de protection sociale. Il critique
ensuite et les mesures déjà essayées pour remédier à cette situation et les
mesures que l’on envisage ici ou là. De sorte que la vraie solution, qui est
proposée dans la conclusion, apparaît comme la seule raisonnable. Notons que
son principe seul est indiqué et que l’auteur ne la formule pas en détail.
La structure du texte est donc celle du raisonnement : on part de faits, on
recherche ensuite comment les modifier, en rejetant les remèdes vains ou
dangereux, en proposant enfin le bon remède.
À l’intérieur des deux parties de ce mouvement logique, on peut reconnaître
des structures secondaires d’addition en I B, en II A et en II B.

82 techniques de l’expression écrite et orale Le Plan



N.B. Malgré sa date de parution, ce texte n’a encore rien perdu de sa perti-
nence !

䉲 Ex 14 « Urgences » en anglais !
Introduction (§ 1) : Il ne suffit pas d’enseigner une langue, il faut la faire
parler.
I. L’état de l’enseignement des langues en France (§§ 2 à 6) :
a. Constat (§§ 2 et 3) : on enseigne beaucoup de nombreuses langues étran-
gères mais avec des résultats décevants.
b. Réfutation d’une objection possible (§ 4) : Les Français polyglottes le
doivent à un ascendant étranger, ou à un séjour prolongé. Ce sont des privilégiés.
c. La fracture linguistique (§§ 5 et 6) : L’anglais étant indispensable, ne pas
le pratiquer par manque de moyens est une nouvelle source d’inégalité.
II. Les solutions insuffisantes (§§ 7 à 9) :
a. Un enseignement précoce et abondant se révèle inopérant (§ 7).
b. Une méthode efficace mais inégalitaire (§§ 8-9) : étudier dans la langue
étrangère, comme dans certains pays africains ou de l’Est ; comme dans les lycées
internationaux ou les filières bilingues. Ce sont surtout des enfants favorisés sociale-
ment qui en bénéficient.
III. Une bonne solution hors de l’école : la télévision (§§ 10 à 12) :
a. L’exemple des Scandinaves (§§ 10 et 11) : ils pratiquent l’anglais parce
que ni à la télé ni au cinéma les films ou émissions étrangers ne sont doublés.
b. Imitons-les : les séries américaines pourraient devenir des exercices lin-
guistiques et, comme les enfants les moins favorisés les regardent aussi, cela rédui-
rait cette inégalité linguistique.
Conclusion (§ 13) : Ainsi apprendre une langue étrangère pourrait être un
plaisir.

䊊 䊊 䊊 Remarques :
Ce plan est basé sur un raisonnement, de nature argumentative ; observez la
concession faite au § 4, la critique préalable des solutions non satisfaisantes,
le plaidoyer pour la solution préconisée qui s’appuie sur des exemples.

leçon exercices travaux dirigés corrigés 83


Chapitre III
L’argumentation
Vous avez réparti les grandes masses, choisi les axes principaux de votre inter-
vention (chapitre II). Maintenant cherchons à mieux comprendre en quoi
consiste un argument.
Vous serez ainsi capable de découvrir plus facilement des idées pour soute-
nir votre point de vue, et vous distinguerez mieux les faiblesses dans les raisonne-
ments adverses.
Ce qui nous conduit à l’examen des moyens de réfuter. N’oublions cepen-
dant pas que, dans toute discussion, les deux attitudes – développer sa thèse et
contre-attaquer – se trouvent mêlées.

leçon exercices travaux dirigés corrigés 85


I - RÔLE DE L’ARGUMENTATION

䊐 A ELLE N’EST NI UN ARTIFICE, NI UNE DÉMONSTRATION
On se fait couramment une idée assez fausse de ce qu’est une argu-
mentation et de son emploi.
Tantôt on se souvient d’avoir été séduit trop facilement par un
beau parleur et cette technique paraît une arme dangereuse dont il
convient de se méfier. Sans doute le langage peut-il, comme d’autres
moyens de persuasion, être mis au service d’une mauvaise cause et
l’habileté à soutenir successivement le pour et le contre, sur n’importe
quel sujet, pourra- t-elle faire soupçonner de la mauvaise foi, ou une
certaine indifférence à l’égard du vrai, du juste, etc. Il n’est pas ques-
tion de réhabiliter les sophistes et les rhéteurs 1, mais de reconnaître
que, si l’on est soi-même convaincu d’avoir raison, il faut encore,
pour faire partager sa conviction, recourir à un langage persuasif.
Tantôt, au contraire, on confond naïvement argumentation et
démonstration. Or, même si une argumentation est conduite avec la
plus grande rigueur, elle ne possède pas la force contraignante d’un
raisonnement mathématique. En effet, la démonstration d’un théo-
rème de géométrie, par exemple, est opérée à partir de vérités intan-
gibles, les axiomes, et, si elle est menée correctement, elle ne peut
être contestée et donne une réelle satisfaction car on parvient à une
certitude absolue. Mais cela n’est vrai que de systèmes fermés ; dès
que nous raisonnons sur une question politique, sociale, économique,
juridique etc., nous nous trouvons dans des systèmes ouverts et nous
quittons le domaine de la démonstration pure pour entrer dans celui,
beaucoup plus vaste, de l’argumentation.

䊐 B ELLE EST NÉCESSAIRE MÊME DANS DES DISCUSSIONS


TECHNIQUES ET SCIENTIFIQUES
On ne se rend pas toujours compte qu’il faut faire un effort pour
convaincre les autres. On accorde trop de confiance à ce que l’on
appelle des données techniques : description d’un appareil et de son
fonctionnement, statistiques, schémas, photographies, etc. Dans des
argumentations simples, il suffira parfois de présenter ces données.

1. Dans l’antiquité, ces professionnels du discours et de la discussion enseignaient à soutenir,


sur chaque question, indifféremment le pour ou le contre.

86 techniques de l’expression écrite et orale L’argumentation



Mais on aurait tort d’imaginer qu’on pourra toujours se retrancher
simplement derrière ce que l’on considère comme des faits.
D’abord, à un fait on peut souvent en opposer un autre, tout
aussi solide.
Ensuite, même si on accepte les données présentées, les conclu-
sions qui en sont tirées sont parfois contestées.
Enfin, une conception naïve de ce qu’est un fait peut vous jouer
des tours. On est trop enclin à ranger parmi les faits des opinions
personnelles, des observations partielles ou faussées. Nous avons tous
de nombreux exemples à citer d’erreurs commises. Dans l’argumenta-
tion, un fait ne conserve son statut que dans la mesure où il n’est
discuté, contesté par personne.
Les connaissances précises, les informations sûres, les observa-
tions vérifiées, tout ce que l’on admet trop vite comme absolument
vrai et que l’on juge capable « d’emporter le morceau », tout cela est
nécessaire, mais non suffisant, lorsqu’il convient d’argumenter et de
convaincre. Songez aux difficultés de Pasteur à faire admettre ses
découvertes.

䊐 C FAUT-IL DONC TOUT « PROUVER » ?


S’il fallait tout prouver, à chaque instant, aucune discussion, aucune
argumentation ne pourrait se développer.
Supposez deux interlocuteurs dont les points de vue sont aussi
éloignés que vous le voudrez. S’ils engagent réellement une discussion
pour essayer d’arriver à un accord, il est certain qu’ils laisseront bien
des points dans l’ombre dont l’examen leur semblerait tout à fait inu-
tile. Toute argumentation prend appui sur des accords implicites, qui
seront valables tant qu’ils ne seront pas remis en question. De nom-
breuses vérités, d’ordre scientifique, philosophique, etc., admises par
tous, n’ont pas à être établies à nouveau, chaque fois qu’elles sont
utilisées.
Il existe aussi dans d’autres domaines des éléments sur lesquels
sont d’accord des groupes plus ou moins larges. Ainsi une négociation
sera menée plus rapidement à son terme, si les interlocuteurs attachent
la même valeur à la notion d’efficacité ou s’ils classent, selon la même
hiérarchie, le rendement d’une machine, puis son prix de revient, etc.
On le voit : de nombreux jugements sont acceptés par tous et
assurent, à chaque instant, des points de départ à l’argumentation.
Mais, à la différence, par exemple, des axiomes, bases de départ du

leçon exercices travaux dirigés corrigés 87


raisonnement mathématique, ces jugements et appréciations n’ont pas
une solidité inébranlable.
Malgré ces accords implicites assez larges, il reste bien des points
sur lesquels il faudra s’attarder pour convaincre. Précisément, ne pas
insister sur ce qui paraît évident, prévoir au contraire de fortes argu-
mentations pour ce qui sera vraisemblablement contesté, c’est avoir
compris combien le choix des arguments est variable en fonction de
la situation.
Mais ces arguments, où les trouver et que sont-ils ?

䊐 D QU’EST-CE QU’UN ARGUMENT ?


On entend souvent, de façon réductrice, par argument un raisonne-
ment complet et présenté en forme, dont le modèle par excellence
serait le fameux syllogisme.
Par exemple :
Les métaux sont bons conducteurs de l’électricité (majeure).
Or le mercure est un métal (mineure).
Donc le mercure est bon conducteur de l’électricité (conclusion).
Ce modèle est si prestigieux que l’on trouve des développements
entiers, même dans des domaines très techniques, construits de cette
façon.
Cependant le syllogisme n’est pas à proprement parler un type
d’argument particulier ; il n’est qu’une présentation possible de cer-
tains arguments.
Les arguments ont rarement cette présentation formelle. Et,
depuis notre enfance, nous les utilisons chaque fois que nous voulons
obtenir quelque chose. En somme, nous faisons de l’argumentation
sans le savoir, tout comme M. Jourdain faisait de la prose...
Pour saisir en quoi consiste un argument, examinons comment
on peut en construire un à partir d’un fait d’observation.
Je remarque : « Il pleut ». Ce n’est pas un argument, c’est une
constatation, l’expression d’une réalité perçue et vérifiable. Cette
observation constitue une réflexion pour moi-même ou une informa-
tion adressée à quelqu’un. Mais si je dis à un camarade : « Ne sors
pas maintenant, il pleut », le même fait entre dans un raisonnement,
sert à construire un argument. Si l’on veut une comparaison : une
donnée brute, une information est l’équivalent d’un segment de
droite : , alors que la même donnée, insérée dans un argument,

88 techniques de l’expression écrite et orale L’argumentation



devient un vecteur orienté : , qui, en plus de sa mesure en valeur
absolue, possède un sens.
D’autre part, un argument n’existe que relativement, par rapport
à ce que l’on veut prouver et à celui à qui on s’adresse. Un deuxième
exemple nous montrera qu’un même fait peut être exploité dans des
argumentations d’orientations différentes. Souvent un même événe-
ment est, dans la presse, soit relaté à titre d’information brute, soit
inséré dans une interprétation politique et devient un argument. Par
exemple, un quotidien annoncera simplement une augmentation de
4 % du prix du lait ; un autre journal présentera ce fait comme la
preuve que la situation économique des salariés se détériore ; un troi-
sième y verra une décision qui atteste le souci du gouvernement
d’améliorer le niveau de vie de l’agriculteur français.
Un argument est donc un raisonnement plus ou moins explicité, par
lequel nous nous efforçons de persuader quelqu’un, c’est-à-dire de lui faire
acquérir ou modifier une opinion, de lui faire entreprendre ou infléchir une
action.
Nous avons employé, à dessein, tantôt le mot convaincre, tantôt
le mot persuader. On les différencie d’ordinaire en se fondant soit sur
les moyens utilisés, soit sur les « facultés » auxquelles on s’adresse
(raison, passions), soit sur le résultat cherché (changement d’opinion,
action). Mais ces distinctions sont fragiles : en particulier, l’homme
ne doit pas être conçu comme coupé en deux (intelligence, affectivité)
et tout discours, qu’il ait une dominante intellectuelle ou affective,
s’adresse à l’homme tout entier. Nous nous intéresserons surtout à
l’aspect logique et rationnel du langage persuasif.

䊐 E DU CONTENU AU TYPE
Faisons à présent un petit effort d’abstraction.
Si je dis : « Votre argument du coût de l’opération (ou de la
qualité de ce matériel, ou du standing de la maison, etc.) m’a convain-
cu ; je suis décidé à acheter cet appareil », j’ai désigné par le mot
« argument » un contenu.
L’analyse d’une argumentation s’arrête le plus souvent à ce
niveau. Tout au plus, et nous avons procédé ainsi globalement dans le
chapitre II, classe-t-on les arguments d’après leur provenance, leur
appartenance à des catégories qui n’ont pas été établies en fonction de
leur structure logique : on parlera, par exemple, d’arguments tech-
niques, économiques, psychologiques, etc. Ce classement permet de

leçon exercices travaux dirigés corrigés 89


voir plus clair et d’ordonner ses idées, mais il ne suffit pas si l’on veut
entrer plus avant dans le détail de l’argumentation.
Supposons le petit discours suivant :
« Tu devrais acheter une vieille maison de campagne. Tu pourrais
y aller à chaque week-end ; tu aurais toujours quelque chose à brico-
ler. D’ailleurs tous les cadres de l’usine le font et M. Durand, chef de
service, dit que c’est une bonne idée. J’ai lu aussi tel hebdo... : on ne
parle que de ça. » Trois des arguments utilisés méritent d’être regardés
de plus près : celui des cadres, de M. Durand et de l’hebdo. En appa-
rence différents, ils appartiennent au même type logique : tous les
trois relèvent de l’argument d’autorité . Ce dernier consiste à invoquer,
à l’appui de sa thèse, ce qu’ont dit ou fait des gens qui jouissent d’un
certain prestige.
Est-il indispensable de savoir ainsi reconnaître sous des vêtements
différents le même type abstrait d’argument ?
Si l’on n’est pas du tout convaincu de l’intérêt présenté par
l’achat d’une vieille maison de campagne, on répondra certes, de façon
intuitive et sans avoir appris une logique de l’argumentation. Par exem-
ple, on trouvera l’achat coûteux, on ne voudra pas se charger d’un
souci supplémentaire, etc.
Mais si l’on a reconnu le même type d’argument, celui d’autorité,
on en a saisi immédiatement la faiblesse : les opinions d’une personne,
même si elle jouit d’un certain prestige, ont-elles, pour cela, une
valeur absolue ? « Vous avez cité une autorité, je vous en oppose une
autre : Le Directeur, M. Dupont, n’a pas de maison de campagne. »
Le premier avantage que vous retirez de la connaissance des types
d’arguments est donc de pouvoir analyser plus vite l’argumentation
d’un adversaire et de trouver plus facilement une parade.
Le deuxième avantage est bien connu depuis longtemps. Si l’on
a appris que l’on peut expliquer les causes d’un événement, donner
des exemples de réalisations, décrire un local pour montrer qu’il
conviendrait à l’usage prévu, etc., on ne reste jamais « sec » : on
connaît les points d’eau, les sources des arguments. À partir de types
possibles, on découvrira, on inventera plus facilement des idées pour
soutenir son point de vue.
C’est pourquoi on trouvera ci-dessous une sélection, forcément
arbitraire, opérée parmi les types d’arguments. Cette initiation, même
modeste, semble indispensable.

90 techniques de l’expression écrite et orale L’argumentation



Attention : à partir de maintenant, quand nous parlerons d’argument,
comprenez qu’il s’agit d’un type d’argument.

II - PETITE PANOPLIE D’ARGUMENTS



Notre classement est présenté dans l’ordre alphabétique. Tout autre
groupement, artificiel, restreindrait la liberté et la variété des applica-
tions de chaque type d’argument.
Cette étude est complétée dans la partie V : Chercher les points
faibles.

䊐 A L’ANALOGIE (COMPARAISON, IMAGE, MÉTAPHORE)


1 Qu’est-ce qu’une analogie ?
Très couramment pour décrire à quelqu’un un objet ou pour lui expli-
quer comment fonctionne tel mécanisme, on les compare à un autre
objet ou à un autre mécanisme qu’il connaît bien. Voici comment le
Professeur Lwoff cherche à faire comprendre à un public de non-
spécialistes ce qui se passe à l’intérieur d’une cellule :
Une cellule est le plus petit corps capable de se reproduire. Certaines cel-
lules n’ont qu’un demi-millième de millimètre de diamètre. Et pourtant ces
infiniment petites cellules contiennent chacune 2 000 espèces d’enzymes qui
leur permettent de synthétiser certaines substances. Chaque cellule est donc
une étonnante usine, qui fabrique tel ou tel produit suivant un ordre donné
par un gène contenu dans son noyau. Le gène est en quelque sorte le pro-
gramme de la cellule. Un contremaître-robot qui sait établir un message
codé. L’envoyer à la chaîne d’enzymes qui travaillent. Et se faire comprendre
et obéir d’elle 1.

La physiologie cellulaire complexe se trouve éclairée par un rap-


prochement avec le fonctionnement d’une usine, lequel nous est plus
familier.
La comparaison générale entre une cellule et une usine est préci-
sée sur certains points : le gène devient un contremaître, les enzymes
1. Interview du Professeur Lwoff, par Françoise Tournier, dans Elle, 6 avril 1970, p. 139.

leçon exercices travaux dirigés corrigés 91


constituent une chaîne. Plus exactement le rôle du gène dans une cel-
lule est comparable à celui d’un contremaître dans une usine.
Cet exemple fait apparaître les deux caractéristiques d’une véri-
table analogie :
a)Elle rapproche deux éléments appartenant à des domaines dis-
tincts : celui de la biologie et celui de l’industrie.
b)Elle n’établit pas une vague ressemblance entre deux objets,
deux situations, etc., mais une similitude de rapports : en effet, le gène
est par rapport à la cellule ce qu’est un contremaître par rapport à une
usine.

2 Présentations diverses de l’analogie


• L’analogie précédente peut être schématisée :
gène = contremaître Type : A = C
cellule usine B D
On voit mieux ainsi que l’analogie exprime une similitude non
de termes, mais de rapports. En voici un autre exemple très clair : « La
grâce de la nouveauté est à l’amour ce que la fleur est sur les fruits »
(La Rochefoucauld). Cependant l’analogie est le plus souvent exprimée
de façon moins explicite.
• Ce que nous rangeons sous les appellations un peu vagues de
comparaisons, métaphores, peut être souvent compris comme une analo-
gie résumée et plus frappante. Ainsi l’expression métaphorique « la
chaîne d’enzymes » est-elle réductible, grâce au contexte, à la
formule :
enzymes = chaîne
cellule usine
• L’image filée
Les analogies les plus riches se prêtent à des développements
dans lesquels les points de comparaison entre les deux domaines se
multiplient. Nous avons vu ci-dessus qu’une cellule étant comparée à
une usine, on rapproche ensuite le gène d’un contremaître et les
enzymes d’une chaîne de montage.
De même si l’on veut présenter la lutte de l’organisme contre
l’infection comme un combat entre deux armées ennemies, on pourra
utiliser plusieurs mots qui, suggérant des rapprochements de détail,
imposeront peu à peu l’image générale. La peau est une barrière infran-

92 techniques de l’expression écrite et orale L’argumentation



chissable aux microbes, barrière dans laquelle la moindre blessure va
ouvrir une porte. Les bactéries introduites dans l’organisme sont atta-
quées par des cellules chargées de la défense : les phagocytes, etc.

3 Effets de l’analogie dans l’argumentation


a) L’analogie sert à expliquer, à vulgariser
Prenant des éléments dans un domaine connu pour faire comprendre
des réalités d’un domaine inconnu ou peu familier, l’analogie trouve
sa place dans les communications de caractère technique et scienti-
fique, surtout lorsqu’on s’adresse à des profanes. Cet effort de vulgari-
sation est légitime et très fréquent ; il est nécessaire bien souvent
même entre spécialistes.
b) Elle sert aussi à prouver
L’analogie est précieuse pour rendre une information plus claire. Mais
constitue-t-elle un argument ? La réponse est simple. Reprenons la
comparaison de l’organisme en lutte contre les microbes avec une
citadelle assiégée. Supposons à présent qu’une maman veuille persua-
der son enfant qu’il doit soigner une écorchure. Elle lui fera
comprendre que la peau est une barrière, etc. L’analogie joue bien
alors le rôle d’un argument.
La métaphore, analogie condensée, cristallisée, est souvent très
efficace.
c) Elle valorise ou dévalorise
L’analogie a souvent pour effet de donner de l’importance à une per-
sonne, à un événement, etc., ou inversement de les minimiser, voire
de les ridiculiser. Par exemple, une situation est jugée sérieuse ou
dérisoire parce qu’elle est rapprochée d’une situation antérieure ; un
moyen d’action est recommandé ou condamné parce que, dans des
circonstances analogues, il s’est révélé efficace ou inopérant.
• Dévalorisation :
« Un an de recherches pour ce résultat, c’est la montagne qui
accouche d’une souris ! »
• Valorisation :
« Sans l’action anticoagulante de la publicité, la société de
consommation risquerait l’arythmie, voire l’infarctus » (G. Elgozy).

leçon exercices travaux dirigés corrigés 93


4 Quelques précautions à prendre dans l’emploi
de l’analogie
Lorsque l’on crée une argumentation, en général on découvre assez
facilement des analogies ; mais il faut se préoccuper de la valeur de
ces rapprochements. Voici quelques conseils :
• Ne pas multiplier à l’excès les comparaisons, les images. Leur foison-
nement nuit à la clarté.
• L’analogie est voyante, attire l’attention. Ne pas en utiliser trop dans
le détail de l’argumentation ; mieux vaut une seule analogie riche, à
la bonne place.
• Se méfier des rapprochements « tirés par les cheveux » ; ils exposent
à des réfutations aisées (voir partie V ci-après).

䊐 B AUTORITÉ
Si, pour faire adopter vos idées ou votre solution, vous signalez que Mon-
sieur Un Tel, jouissant d’un certain prestige, est du même avis, vous utili-
sez l’argument d’autorité. Le prestige viendra de l’âge, de l’expérience,
de la compétence, des fonctions exercées, de la valeur morale, etc.
D’autres « autorités » seront invoquées : une opinion répandue,
un livre réputé (La Bible, le Littré, etc.), une science en général, un
corps professionnel (La Faculté dit que...), un journal, etc.
Pour recommander certaines techniques de gestion, d’éducation,
etc., on se contente souvent aujourd’hui de faire appel au prestigieux
modèle américain.

䊐 C CAUSE
On a souvent l’impression de n’avoir compris une situation que lors-
qu’on a découvert ce qui l’a provoquée. C’est dire l’importance que
l’on attache au rapport causal et l’utilisation fréquente qui en est faite.
L’argumentation s’attachera :

1 À rechercher et à prouver la cause


Soit un fait B . Je remonte, dans un passé plus ou moins proche, à la
recherche d’un fait A qui puisse être accepté comme la cause de B ; je
m’efforce de faire admettre ce rapport.

94 techniques de l’expression écrite et orale L’argumentation



Les deux faits A et B sont parfois connus ; mais on sait seulement
que A est antérieur à B. On devra alors prouver qu’il n’y a pas entre
eux un simple rapport de succession chronologique, mais un rapport
de cause à effet.
Vous avez, par exemple, confié votre voiture à un garagiste pour
révision. Le lendemain, vos freins vous « lâchent ». Vous êtes immé-
diatement tenté de croire que la révision, mal faite, est la cause de cet
incident grave. Si vous êtes un impulsif, vous vous précipitez chez le
garagiste pour lui faire des reproches. Si vous êtes prudent et quelque
peu initié à la technique automobile, vous réfléchirez et ferez des
vérifications avant d’affirmer la responsabilité du mécanicien. Car il
n’est pas toujours aisé d’identifier une cause précise et unique.

2 Ou à prouver que tel effet se produira


Vous savez par expérience qu’un fait A entraîne ordinairement un effet
B , ou conséquence. À partir de l’existence de A , vous argumentez pour
prouver que B est prévisible, qu’il faut donc (si B est inquiétant) tout
faire pour l’éviter.

Dans ce deuxième cas, on cherche non seulement à établir un


rapport de cause, mais à le faire admettre pour recommander ensuite
une solution.

䊐 D DÉFINITION ET DESCRIPTION
Dire ce qu’implique une notion, en quoi consiste tel phénomène, ce
qu’est tel objet, c’est définir.
La définition est souvent regardée comme un simple élément
d’information : de même que l’on décrit une machine à quelqu’un
qui doit s’en servir, de même l’on s’efforce, pour éclairer un débat, de
préciser par exemple ce que l’on entend par « autonomie », « légitime
défense », etc. Mais l’on se rend moins compte que la définition est
un des instruments les plus fréquemment utilisés et les plus efficaces
lorsqu’il s’agit de persuader ; ce pouvoir tient à la nature même de la
définition.
En effet, définir, c’est habituellement choisir parmi un ensemble
de caractéristiques, car l’on ne peut toutes les énumérer. Ce choix ne
dépend pas seulement de l’importance du caractère considéré, mais
aussi et surtout de ce que l’on veut prouver.

leçon exercices travaux dirigés corrigés 95


C’est ainsi que des notions complexes, susceptibles de définitions
très diverses, comme celles de liberté, de morale, d’économie libérale,
etc., seront analysées et définies en fonction d’une situation particu-
lière d’argumentation.
L’un dira : « La liberté, c’est ne pas travailler », alors qu’un autre
répliquera : « Je ne me sens libre que si je suis assuré d’avoir du travail. »
Vous voulez persuader un ami de vous accompagner en Sicile
pour les vacances de Pâques. Sans doute allez-vous caractériser de telles
vacances. À ce moment de l’année et sous ce climat, vous garantissez
le soleil, la chaleur, les bains de mer, etc. Il y a gros à parier que vous
escamoterez quelque peu les frais occasionnés par le voyage ! Cette
définition que vous aurez donnée est ainsi partielle, et partiale, orien-
tée par une intention de persuasion. Ainsi procèdent les brochures et
dépliants touristiques.
Dans un domaine technique, la définition sera également pré-
cieuse. Vous désirez, par exemple, prouver à un responsable que la
gestion des stocks laisse beaucoup à désirer dans l’entreprise et qu’il
conviendrait de l’améliorer. Vous appuierez certainement votre argu-
mentation, sinon sur une définition complète d’une gestion idéale des
stocks, du moins sur les caractéristiques les plus frappantes d’une telle
gestion.

䊐 E DILEMME
Enfermer quelqu’un dans un dilemme, c’est lui prouver que les deux
solutions qu’il peut imaginer pour se tirer d’affaire sont également
dangereuses et inacceptables.
Une fois que vous aurez bloqué ainsi votre adversaire, vous profi-
terez de son désarroi pour lui présenter une troisième solution, la
vôtre, seule issue à la situation.
Ainsi le plus souvent le dilemme n’est établi que pour être
dépassé au bénéfice de votre thèse.
Un Directeur de société cherche à recruter un cadre de la Fonc-
tion Publique : « Votre situation de fonctionnaire restera toujours
médiocre. Ou bien vous vous contentez de votre traitement. Ou bien
vous faites des heures supplémentaires et l’État vous en reprend, par
l’impôt, une grande partie. Pour mener une existence plus large, venez
chez nous : vous aurez des avantages plus substantiels. »

96 techniques de l’expression écrite et orale L’argumentation



䊐 F EFFICACITÉ
L’argument consiste à recommander ou à déconseiller une mesure,
une décision, etc., en s’appuyant sur les conséquences, favorables ou
défavorables, qu’elles entraînent (ou entraîneront).
L’effet est alors juge de la cause. C’est l’argument de prédilection
des utilitaristes, préoccupés avant tout du résultat.
Tel aménagement de l’horaire de travail, telle modification de
l’installation, etc. seront recommandés par des gens avides de rende-
ment, soucieux de la productivité.

䊐 G ÉTAPES, GASPILLAGE
Pour encourager quelqu’un à aller jusqu’au bout de son effort, du
travail qu’il a entrepris, on usera parfois de l’argument qui consiste à
jalonner le chemin qui reste à parcourir. Faire miroiter un but trop
éloigné n’est pas toujours efficace ; on montrera donc qu’il est pos-
sible d’atteindre un premier résultat partiel, puis que le résultat suivant
n’est pas très éloigné, etc. Cet argument que nous appellerons « des
étapes » peut être figuré par une escalade pénible marquée d’arrêts,
de paliers (voir partie V : Engrenage).
On fera inversement mention des étapes déjà parcourues, des
sacrifices déjà consentis. Tous ces efforts seraient perdus, gaspillés, si
l’on ne persévérait pas : heures de travail, démarches, discussions, frais
engagés, etc.
Appliqué à l’avenir, le même argument du gaspillage invitera à
ne pas négliger une occasion qui se présente.

䊐 H ÉVALUATIONS
Plusieurs arguments ont une grande force logique parce qu’ils s’ap-
puient, de façon plus ou moins nette, sur une notion de mesure . Assu-
rément hors du domaine des sciences exactes, il serait impossible
d’effectuer une mesure véritable. Si je demande à un voisin de me
prêter son échelle pour que je puisse atteindre les hautes branches de
mon cerisier, parce qu’elle est plus longue que la mienne, il ne pourra
justifier un refus en rejetant mon argument : cette comparaison est
quelque chose de vérifiable, de rigoureux. Il n’en ira pas de même
pour de nombreux arguments fondés sur des évaluations parfois très
subjectives et qui sont sujettes à discussion.

leçon exercices travaux dirigés corrigés 97


1 Comparaisons vraies ou mesurables
À un client qui hésite devant plusieurs modèles de machines à laver,
le vendeur dira peut-être :
« Prenez celle-ci ; elle est plus résistante et peut laver une plus grande
quantité de linge. »
Ces deux précisions techniques mettent en jeu une comparaison
et l’argumentation semble irréfutable. Si toutefois la capacité de cette
machine est une grandeur aisément et immédiatement vérifiable, en
ce qui regarde la résistance de l’appareil, vous êtes obligé de faire
confiance au vendeur et au fabricant.
De très nombreuses comparaisons du même genre font appel à
des mesures qu’il est très difficile, sinon impossible, d’effectuer en
toute rigueur.
Par exemple : « Je vous recommande M. Durand pour ce poste de chef
de service : il est plus compétent que M. Dupont. ».
Ou encore : « Nous avons bien fait de nous lancer dans cette campagne
publicitaire ; sans elle, voici les marchés que nous aurions perdus... »
La compétence d’un technicien, d’un administrateur, et, à plus
forte raison, les pertes que l’on aurait pu subir, voilà des grandeurs
difficilement estimables. Mais la notion de mesure sous-jacente, même
si elle est très vague, donne à la comparaison toute sa force : elle
s’impose presque comme un fait mathématique ou scientifique (pour
des comparaisons d’une autre nature, voir : Analogie).

2 Le sacrifice, mesure de résultat


Cet argument consiste à faire valoir le sacrifice que l’on a accepté ou
que l’on est prêt à consentir pour obtenir le résultat souhaité. La gran-
deur du sacrifice est alors mesure du résultat ; réciproquement l’im-
portance du résultat justifie le sacrifice.
Cette argumentation est très courante dans le domaine écono-
mique ou politique. Elle contribue souvent à faire aboutir les transac-
tions. Des syndicalistes, par exemple, estimeront qu’une augmentation
de salaire ou une amélioration des conditions de travail justifie plu-
sieurs jours de grève. Réciproquement un journaliste jugera que les
exigences formulées par les ouvriers sont fondamentales puisqu’ils ont
accepté un manque à gagner important. Cette évaluation réciproque
de la grève et des modifications désirées soutient, on le voit, des argu-
mentations variées qui semblent solides du fait que l’on établit une
sorte de proportion mathématique entre le sacrifice et le résultat.

98 techniques de l’expression écrite et orale L’argumentation



D’autres évaluations comparatives du même genre sont usuelles.
On jugera ainsi :
– la gravité d’une faute d’après la sanction,
– la peine que l’on aura faite à quelqu’un par le chagrin qu’il
manifeste,
– le mérite d’un homme d’après l’estime dans lequel on le tient,
d’après les honneurs qu’on lui a accordés, etc.

3 Probabilités
On accorde aujourd’hui une certaine confiance à des probabilités esti-
mées à partir de calculs, de statistiques, etc. Mais les erreurs commises
par des Instituts de sondage des opinions prouvent qu’il reste une
marge d’appréciation subjective.
D’ailleurs nous étayons notre argumentation sur des probabilités
bien plus douteuses, parce que nous ne sommes pas capables d’utiliser
des techniques fort savantes, ou parce que nous appliquons ce raison-
nement à des réalités peu mesurables. Il n’empêche que l’argument,
sous- tendu par une idée de mesure assez vague, a une certaine effi-
cacité.

䊐 I EXEMPLE (MODÈLE, ILLUSTRATION GÉNÉRALISATION,


INDUCTION)

1 Est-ce un argument ?
« Je vous le donne en exemple » signifie que l’on recommande de prendre
une personne, un acte pour modèles à imiter (voir : Autorité).
Mais quand on dit : « Prenons un exemple », ou : « Donnez-moi
un exemple », c’est parce que l’on éprouve le besoin de sortir d’un
développement trop abstrait, d’examiner à propos d’un fait précis et
concret ce qui vient d’être affirmé d’une façon générale. L’exemple
est alors souvent une simple illustration. On serait par suite tenté de le
ranger parmi les moyens d’animer le style.
Prenons-y garde : bien loin de n’être qu’un ornement dont on
pourrait se passer, l’exemple joue très souvent le rôle important de
preuve. Il fonde un principe, une règle, sur un ou plusieurs cas particu-
liers ; c’est dire qu’à partir de l’exemple on généralise, on raisonne
par induction.

leçon exercices travaux dirigés corrigés 99


Ces deux fonctions de l’exemple sont, la plupart du temps,
confondues et il est difficile de juger dans quelle mesure tel exemple
n’est qu’une illustration ou bien est déjà une preuve. Cela dépend
surtout de la manière dont lecteurs ou auditeurs accueillent votre affir-
mation ; s’ils ne la mettent pas en doute, l’exemple est plutôt éclai-
rant ; s’ils sont réticents, le même exemple peut-être servira à
emporter leur conviction.

2 Comment l’utiliser ?
a)Le choix de l’exemple exige une juste appréciation de la situa-
tion. En particulier, le fait évoqué doit, pour être convaincant, apparte-
nir à un domaine familier au destinataire ou proche de son expérience.
On se méfiera de l’exemple que l’on a voulu trop significatif et
qui perd sa valeur parce qu’il est exceptionnel.
b)L’exemple conserve parfois un certain degré de généralité :
« La jeunesse, disent les vieux, ne respecte plus rien. Ainsi les jeunes cadres
veulent tout bouleverser dans notre entreprise. » Ce premier exemple, jugé
trop général, pourra être précisé : « Dans mon bureau d’études, M. X...
trouve peu pratique notre système de références pour les pièces ; il en propose
un autre qui nous obligerait à modifier tous les numéros. »
c)On alignera quelquefois une série d’exemples. Bien des déve-
loppements sont constitués uniquement d’illustrations diverses d’une
même affirmation, ou accumulent des cas particuliers d’où l’on
conclura à la validité d’une affirmation.
d)Lecteur ou auditeur, on sera attentif à ce passage du général au
particulier (ou inversement) que constitue l’exemple.
Sans doute il n’est pas toujours facile de distinguer un exemple
d’une comparaison ou d’une analogie (voir : Analogie). L’exemple,
fait précis et concret le plus souvent, doit être compris comme appar-
tenant à l’ensemble défini par l’affirmation à laquelle il est rattaché.
Qu’il fonde la « règle » ou l’éclaire, l’exemple est rarement absent

100 techniques de l’expression écrite et orale L’argumentation



d’une argumentation. Savoir le choisir et l’exploiter, ce n’est pas peine
perdue à la recherche d’un effet de style.

䊐 J FINS ET MOYENS
La succession causale peut être envisagée sous deux aspects :
• Fait Conséquence (voir : Cause ).
• Moyen Fin.
Conçue comme le rapport d’un moyen à une fin, elle prêtera à
des argumentations variées. On prouvera que :
1. Tel moyen est le meilleur pour atteindre tel objectif.
2. Tel moyen qu’on a permet d’envisager et d’atteindre une fin.
On fera état des possibilités techniques, par exemple, dont on
dispose pour la fabrication d’un nouveau matériel, pour le contrôle
d’un produit, d’un procédé.
3. Telle fin permet tel moyen.
Pour des raisons diverses, techniques ou morales, on montrera
qu’un moyen, jugé d’abord inacceptable ou discutable (le coût, la
durée, etc.), doit être employé, parce que l’objectif qu’il permet d’at-
teindre en vaut la peine.

䊐 K LA PERSONNE ET SES ACTES


Les arguments de ce type se fondent sur des rapports que l’on établit
entre l’image que l’on se fait d’une personne et ses actes, c’est-à-dire
très largement ses actions, sa façon de s’exprimer, ses gestes, ses jeux
de physionomie, etc. C’est à partir de là que nous concevons ce qu’est
cette personne. La relation est réciproque : à partir de cette conception,
plus ou moins précise, sujette à modifications,
• nous jugeons ses actes, nous découvrons ses intentions : « Je
connais bien M. X... ; s’il vous a reproché d’être en retard, c’est parce qu’il
aime l’exactitude, mais il n’est pas capable d’en vouloir à quelqu’un »,
• nous prévoyons quel sera son comportement dans telle
situation :
« Je le connais, il est bien capable de » (ou « il ne se dérobera certaine-
ment pas à ses obligations »).
Cette argumentation est très utilisée dans les débats. Par exemple,
faute de preuves formelles, l’avocat général justifiera son accusation
par le passé douteux de l’individu.

leçon exercices travaux dirigés corrigés 101


Des liens du même genre seront établis ou niés :
• entre un individu et le groupe auquel il appartient (« il est de
tel parti politique, de tel syndicat, etc., donc il aura sur cette affaire tel point
de vue »),
• plus généralement encore entre une conception et un compor-
tement.
Par exemple, on s’appliquera à montrer qu’une réponse, une atti-
tude sont bien d’un administratif ou d’un commercial. Si l’on estime
au contraire qu’une personne ne s’est pas comportée, dans telle occa-
sion, en vrai patriote, n’a pas eu l’impartialité que l’on attendait d’un
juge, on recourt à une variante du même type d’argument.

䊐 L SYMBOLE
Le symbole établit une relation particulière entre deux termes, renvoie
de l’un à l’autre sans les distinguer nettement.
La valeur symbolique est parfois difficile à déterminer, car un
même objet, par exemple, peut être à la fois signe et symbole. Ainsi
le drapeau français à la fois désigne une nation et la symbolise. Un tel
objet prend alors une valeur exceptionnelle et si, par exemple, on
déchire ou brûle ce simple morceau de tissu, on exprime une certaine
opinion à l’égard de la France ou du principe de nationalité. Cet acte
est d’ailleurs répréhensible. Il y a peu de temps, un jeune Américain
a été condamné à un an de prison parce qu’il avait ravaudé son panta-
lon avec un drapeau de son pays.
Une valeur symbolique sera souvent attachée à un objet, un acte,
un événement, qui en sont ordinairement dépourvus ; ils auront alors
une portée toute différente. L’augmentation du prix du pain naguère,
du bifteck hier, du litre d’essence aujourd’hui n’est pas seulement celle
d’un aliment, mais est significative de toute l’évolution économique.
Ainsi la présentation d’un fait comme symbolique fournit parfois un
argument frappant.

䊐 M LE TOUT ET LES PARTIES


Divers arguments s’appuient sur la notion d’un ensemble constitué d’un
certain nombre d’éléments qui le composent.
On montrera ainsi que :

102 techniques de l’expression écrite et orale L’argumentation



1 Ce qui vaut pour le tout vaut pour la partie
Par exemple, une disposition incluse dans un projet global que l’on
rejette comme irréaliste ne semblera pas mériter un examen particulier
et sera frappée de la même condamnation. Ou bien un individu faisant
partie d’un groupe jouissant d’un certain prestige (organismes de soli-
darité internationale comme la Croix-Rouge ; grandes écoles, etc.) sera
crédité, pour cette seule raison, de notre estime, de notre confiance.

2 Le tout est plus important que la partie


puisqu’il représente en quantité quelque chose de plus grand.
D’autre part, si l’on considère un tout comme la somme de ses
parties, on construira une argumentation à partir d’une énumération
des éléments qui le constituent :
a)Je désire prouver que l’organisation d’un service concurrent est
efficace, qu’elle est entièrement à imiter. Je décompose cet ensemble
et je montre que chacun des éléments est bien conçu : installations
matérielles, équipement, encadrement, etc.
b)Je veux prouver que tel fait précis est responsable d’une situa-
tion donnée. Les causes possibles constituent les parties d’un ensemble,
que je définis comme limité à 3 ou 4 éléments. Je procède par élimina-
tion successive : « ceci n’a pas pu jouer parce que... », pour insister enfin
sur la seule cause jugée certaine.

䊐 N TRANSITIVITÉ (DÉDUCTION, SYLLOGISME)


Si je raisonne de la façon suivante : La baleine (a) allaite ses petits (b) ;
ce sont les mammifères (c) qui allaitent leurs petits (b), donc la baleine (a)
est un mammifère (c). J’ai construit une chaîne transitive entre les trois
éléments a , b, c.
Présentons ce raisonnement sous la forme d’un schéma :
– Entre a et b, il existe une relation R : a R b ;
– Entre b et c, il existe la même relation : b R c ;
– Donc entre a et c, il existe la même relation : a R c.

Des relations transitives variées (égalité, inclusion, etc.) servent


à conduire des démonstrations rigoureuses en mathématiques, en
logique. Mais, comme nous l’avons déjà signalé au début de ce cha-
pitre, bien que, dans une argumentation, elles paraissent aussi rigou-
reuses, elles seront en fait beaucoup plus fragiles.

leçon exercices travaux dirigés corrigés 103


Une de ces relations est très utilisée : celle d’implication. Le terme
signifie, d’une façon générale, que si telle proposition est admise, elle
entraîne (ou implique) telle conséquence logique : de la première on
déduit la seconde.
Le fameux syllogisme fait partie de ce type de raisonnement. Par-
fois il peut structurer tout un développement.
S’il est rarement utilisé sous sa forme complète et « scolaire » :
majeure → mineure → conclusion, il est souvent condensé dans deux
propositions, une autre étant sous-entendue.
Par exemple : « Pierre roule trop vite en voiture ; il se tuera un jour » peut
être expliqué comme un syllogisme dont on n’aurait pas exprimé la majeure :
« Tous ceux qui roulent trop vite en voiture se tuent un jour. »

N.B. Dans ce chapitre III, nous présentons des notions simples


de logique et de rhétorique et les appliquons dans les domaines de la
vie quotidienne et professionnelle. Nous nous sommes inspirés, en
particulier, du Traité de l’argumentation de Ch. Perelman et L. Obrechts-
Tyteca. (Presses de l’Université Libre de Bruxelles, 1976, 3e édition).

III - MISE EN ŒUVRE DES ARGUMENTS



Vous voilà en possession d’un certain nombre d’arguments. Il ne suffit
pas d’avoir un magasin d’armes, il faut encore savoir laquelle choisir
en telle circonstance et en tirer le meilleur parti.

䊐 A COMMENT CHOISIR PARMI LES TYPES D’ARGUMENTS


1 Tel type convient-il plus particulièrement à un sujet technique,
à un discours politique, etc. ? Tel autre touchera-t-il davantage un
auditoire de gens sérieux ou bien de gens aimant à rire, d’hommes
réalistes, épris du concret ou au contraire préférant les discussions
abstraites et générales ?
Multiplier les exemples, insister sur les causes, ou sur l’efficacité
d’une méthode, etc., c’est assurément se concilier des esprits « posi-
tifs ». Mais tout type d’argument, étant donné sa généralité, pourra
convenir à n’importe quelle argumentation. Par exemple, on donnera

104 techniques de l’expression écrite et orale L’argumentation



à un rapport très technique la structure du syllogisme classique, lequel
paraît cependant plutôt réservé aux discussions philosophiques.
2 La question que l’on se posera surtout, c’est : « Parmi tous ces
arguments, lequel est le plus fort, le plus convaincant ? » La réponse est
aisée : « Ils sont tous forts, ou bien tous faibles. » Cette force persuasive
ne peut se déterminer dans l’absolu ; elle dépend de ce que l’on cherche
à obtenir, de l’ensemble de l’argumentation, de l’auditoire auquel on
s’adresse, de son état d’esprit, de ce qui a été dit par le précédent
intervenant, etc. Par exemple, l’argument le plus fort sera parfois non
pas celui que vous jugez avoir la plus grande valeur logique, mais le
plus inattendu, qui va surprendre l’auditoire, l’obliger à vous écouter.
Il n’est pas possible de séparer logique et psychologie de l’argumen-
tation.

䊐 B COMMENT DÉVELOPPER UN ARGUMENT ?


Beaucoup découvrent d’excellents arguments, mais se contentent de
les assener sèchement. Ils s’étonnent de ne pas convaincre, de n’être
pas écoutés ou même d’être jugés impolis.
Développer un argument, ce n’est pas « faire du baratin, du bla-
bla- bla », c’est lui donner l’importance qu’il mérite dans une situation
précise.
Je n’ai pas réussi à persuader mon camarade en lui disant : « Ne
sors pas ; il pleut ». Je vais insister en développant mon argument. « Re-
garde par la fenêtre, la pluie est vraiment très violente, les rues sont inondées,
les voitures roulent au pas. Tu vas te « tremper », et, avec tes bronches
fragiles, tu peux t’attendre à un rhume. D’ailleurs tu as des chaussures légères,
etc. »
De quoi est fait ce développement ?
• d’une description de la pluie, de ses effets,
• d’une évocation des conséquences prévisibles (rhume),
• d’une incompatibilité (chaussures).
On observera que, si un argument (la description) a été étiré, en
fait j’ai surtout ajouté des arguments de types variés.
Ainsi, développer un argument, c’est le plus souvent, le pro-
mouvoir aux fonctions d’argument principal et lui adjoindre des
arguments subordonnés.
Pour terminer, voici un schéma d’élaboration d’une argumen-
tation :

leçon exercices travaux dirigés corrigés 105


1 Définir l’objectif avec netteté : ce que l’on veut prouver,
obtenir.
2 Réfléchir au destinataire : groupe ou individu, a priori favorable
ou hostile ; les circonstances qui l’influencent à ce moment précis, etc.
3 Songer aux conditions matérielles de l’argumentation : temps
dont vous disposerez, lieu, etc.
4 Choisir une tonalité générale : je serai concret, précis : je dois
veiller à la rigueur logique ; j’essaierai de détendre, d’amuser, etc.
5 Le matériau brut dont je dispose : faits, données techniques,
statistiques, expérimentations, etc.
6 Choix des arguments les mieux adaptés à cette situation parti-
culière ; l’importance relative de chacun d’eux, par suite l’ampleur à
donner, la place à assigner (au premier plan, en renfort).
Ces phases sont théoriques ; en réalité, tout se passe souvent très
vite, surtout dans les discussions. Mais, pour exécuter avec sûreté des
mouvements rapides, il est excellent de s’entraîner d’abord au ralenti.

IV - POUR RÉFUTER,
QUELLES CIBLES VISER ?

L’objectif, c’est l’argumentation adverse. Mais on dirigera le tir de son
artillerie tantôt sur un secteur, tantôt sur l’autre.

1 L’ensemble de la thèse
Parfois la critique ne s’applique pas à démontrer, à analyser ; c’est un
refus global, justifié par des affirmations générales : la solution est
inefficace, ce projet n’est pas acceptable pour un homme honnête, etc.
Cette façon de faire, souvent très légitime, est condamnable lorsqu’elle
correspond à une réaction affective, lorsqu’elle sert à masquer un refus
de discussion. Elle intéresse plus la psychologie et la tactique que la
logique de l’argumentation.

106 techniques de l’expression écrite et orale L’argumentation



2 La tactique
Donnons ici au mot son sens péjoratif de manœuvre. Si l’adversaire a
tenté de triompher à l’aide de procédés et non d’arguments sérieux,
vous devrez avant tout dénoncer son astuce ou sa perfidie. Par exem-
ple, il a fait ressortir des détails, mais estompé ou même escamoté des
choses importantes, faussant les proportions, opérant une manœuvre
de diversion. Renversez cette hiérarchie abusive ; rétablissez une juste
perspective.

3 Les données
Entendons par ce mot à la fois :
a) Les faits
Vous prouverez s’il y a lieu que la situation ou le problème n’a pas été
étudié à fond, que l’exposé est incomplet ou partial ; vous opposerez à
ces faits des données complètes et sûres. Cela vous sera possible si
vous avez vous-même procédé à une enquête préalable et si vous avez
un dossier solide. Mais vous irez parfois plus loin dans cette analyse
critique, prouvant que tel fait admis implicitement mérite d’être
réexaminé. De nombreuses réfutations se placent à ce niveau.
b) Les vérités
Toute discussion s’appuie nécessairement sur des vérités plus générales
qu’on ne remet pas systématiquement en cause. Dans certains cas vous
estimerez qu’il y a lieu de les réviser. Par exemple, pour vous opposer
au projet d’une nouvelle fabrication, vous inviterez à revoir le prin-
cipe, admis jusqu’alors dans l’entreprise, suivant lequel « plus on met
de produits divers sur le marché, plus les bénéfices augmentent ».
Qu’il s’agisse de faits circonstanciels ou de vérités, veillez à ne
pas être dupe d’une pétition de principe , qui consiste à présenter comme
vrai et admis ce qu’il faut peut-être prouver et établir.
Ainsi pouvez-vous discuter un fait ou une notion en pratiquant
une dissociation : vous distinguez entre la réalité et l’apparence, le sub-
jectif et l’objectif, la théorie et la pratique, etc.

4 Les arguments
Nous entrons à présent dans l’analyse des raisonnements proprement
dits.
Distinguons deux modes de critique :

leçon exercices travaux dirigés corrigés 107


a) On oppose à un argument un autre argument appartenant :
• au même type. Par exemple, à une cause on oppose une autre
cause ; on combat un dilemme par un autre dilemme, etc. ;
• à un type différent. Ainsi, à l’idée de résultats plus importants
en quantité , vous objectez celle d’un résultat qui prime par sa qualité ;
à un moyen recommandé pour son efficacité vous substituez un moyen
préférable au point de vue du droit.
b) On s’efforce de détruire l’argument lui- même : votre adversaire
a estimé qu’un fait B avait pour cause un fait A. Vous rompez ce
rapport de cause, en prouvant que A n’a jamais pu produire B.
Ce dernier mode constitue la réfutation au sens étroit du terme ;
elle est facilitée par la connaissance de la structure de chaque type
d’argument. L’exemple ci-dessus découvre un mécanisme fondamen-
tal de la réfutation : la rupture de la liaison entre deux faits, deux événe-
ments, deux idées, liaison qui caractérise la plupart des arguments.

V - CHERCHER LES POINTS FAIBLES



Cette deuxième liste alphabétique correspond à celle de la partie II ci-
dessus, mais elle ne lui est pas exactement symétrique parce que le
point de vue auquel on se place est différent. Des renvois feront au
besoin apparaître une corrélation.

䊐 A ANALOGIE
1 Vous contestez la valeur de toute analogie : « Comparaison
n’est pas raison. »
2 L’analogie est quelque chose de fragile ; vous n’admettez pas
la similitude de rapports ; A/B n’a rien à voir avec C/D ; tout au plus
A ressemble vaguement à C .

䊐 B AUTORITÉ
1 Vous contestez « l’autorité » invoquée
– cette personne n’a pas le prestige qu’on lui prête,

108 techniques de l’expression écrite et orale L’argumentation



– cette opinion n’est pas aussi universelle qu’on le dit,
– même les grands génies ont commis des erreurs grossières.
2 Vous limitez le domaine de validité
– ce savant est très « fort » en biologie, mais, en matière économique, il
n’est pas compétent,
– cette conception de la justice ne peut s’appliquer ici.
3 Vous en appelez à une autre autorité

䊐 C CAUSE
Pour réfuter une argumentation qui tente d’établir un rapport de cause
à effet entre deux événements, selon les cas on objectera, que :

1 ll n’y a pas de rapport de cause


• C’est une simple succession chronologique :
Les deux phénomènes se sont succédé sans que le premier puisse
être considéré comme la cause du second. Cette erreur est fréquente ;
elle consiste à affirmer : l’événement B s’est produit après l’événement
A, donc à cause de lui (post hoc, ergo propter hoc) .
• C’est un prétexte :
En particulier, on a présenté comme une cause ce qui n’est
qu’une circonstance, et vous rétablissez la vérité. Exemple : Cette pièce
de mécanique est manquée, non pas parce que la machine-outil est
d’un type ancien, mais parce que l’ouvrier a été négligent.
• C’est une coïncidence :
Parfois aussi on a été dupe des apparences. Je passe à côté d’un
vélo calé contre le trottoir ; à ce moment-là, un coup de vent le fait
tomber. Le propriétaire prétend que je suis responsable des dégâts. Je
lui démontre qu’il a été trompé par une simple coïncidence.

2 La cause signalée n’est pas la seule


L’explication par les causes oblige à une certaine simplification, à un
choix : il arrive que ce dernier soit arbitraire.
Ainsi la révision « effectuée » par le garagiste (voir ci-dessus par-
tie II, Cause , 1) n’est qu’indirectement responsable de l’incident. La vraie
cause, vous répondra-t-il, c’est que le maître-cylindre était défectueux
(une coupelle en mauvais état) : le réglage des freins a augmenté la
pression à l’intérieur du circuit et la coupelle a cédé.

leçon exercices travaux dirigés corrigés 109


3 La « cause » est, en réalité, un moyen
et l’effet est une fin voulue.
Exemple : le mégot n’est pas tombé par hasard sur ma voiture ; il a été jeté
exprès.

4 L’effet annoncé n’est guère probable


Les circonstances seront différentes, le phénomène considéré va perdre
sa force.
Exemple : À quelqu’un qui redoute un conflit parce que tel Président a
mauvais caractère, vous faites remarquer que les inimitiés personnelles des
chefs d’état ont pu jadis engager des nations dans la guerre ; aujourd’hui la
peur atomique, le niveau de conscience des peuples, etc., diminuent les
répercussions des réactions individuelles.

䊐 D CONTRADICTION (INCOMPATIBILITÉ)
On m’a reproché une contradiction.
1 Je prouve que les deux points qui paraissent s’exclure mutuel-
lement sont en réalité conciliables et peuvent coexister.
Par exemple, j’ai souhaité que le gouvernement construise plus de logements
et favorise l’expansion de l’industrie. On m’affirme que ces deux actions sont
incompatibles, qu’il faut choisir l’une ou l’autre. Je réponds que justement
ce sont les pays, comme les États-Unis, où l’investissement en logements a
progressé, qui ont connu la plus forte croissance industrielle.

2 Je prouve que l’incompatibilité actuelle n’est pas définitive. Un


des deux points va se modifier dans un certain délai.
Ainsi Rodrigue ne saurait épouser Chimène aussitôt après avoir tué son père.
Mais qu’il laisse faire le temps...

䊐 E DÉDUCTION
(Voir partie II : Transitivité, syllogisme )
Dans une argumentation, le raisonnement aura parfois une allure
déductive ; en fait, dans des systèmes ouverts, cette déduction n’est
jamais rigoureuse.
Ainsi le point de départ du raisonnement (ou prémisse) est-il
souvent fragile.

110 techniques de l’expression écrite et orale L’argumentation



Exemple : « Vous êtes un homme élégant : changez de cravate tous les jours. »
Ce « raisonnement » publicitaire repose sur une prémisse non explicitée, qui
serait :

« Tous les hommes élégants changent de cravate tous les jours. » (→


vous en êtes → donc). Cette assertion est-elle indiscutable ? Par suite,
que penser de la conclusion ?

䊐 F DÉFINITION (DESCRIPTION)
Point n’est besoin d’insister ici. Nous avons vu que, pour définir un
objet, un phénomène, etc., dans une argumentation, on pratiquait un
choix parmi des caractéristiques nombreuses. Il sera relativement aisé
de montrer que ce choix est discutable, que d’autres caractéristiques
seraient à retenir.

䊐 G DILEMME
Si l’on prétend vous enfermer dans un dilemme, vous essaierez :
1 De prouver que ce n’est pas un vrai dilemme. Les deux solu-
tions envisagées, par exemple, ne sont pas les seules ; on peut fort
bien en imaginer une autre pour sortir de l’impasse.
2 D’argumenter en faveur de la moins mauvaise des deux solu-
tions. Ainsi notre fonctionnaire (voir partie II, Dilemme) rétorquera au
Directeur de société : « S’il est vrai que mes impôts augmentent avec
mes revenus, je gagne quand même à faire des heures supplémentai-
res. »
3 D’établir que le dilemme disparaîtra avec le temps.

䊐 H EFFICACITÉ
L’argumentation basée sur le seul critère de l’efficacité sera combattue
par l’appel à des valeurs jugées plus nobles.
Ainsi on discutera une amélioration de la productivité parce
qu’elle léserait les travailleurs (fatigue accrue, horaires incompatibles
avec une vie de famille normale, etc.). On opposera ainsi à une valeur
d’ordre économique une valeur humaine jugée supérieure.

䊐 I ENGRENAGE
(Voir partie II : Étapes)

leçon exercices travaux dirigés corrigés 111


Si l’on vous engage à persister dans telle voie en vous montrant
que l’objectif peut être atteint progressivement, et si cet objectif vous
semble condamnable, vous répondrez que l’on vous incite à mettre le
doigt dans l’engrenage. Par exemple, de concession en concession, on
tentera parfois de vous amener à une capitulation complète.
Inversement, montrez à celui qui redoute ce processus que :
1 Cette direction n’est pas la seule possible.

2 La machine mise en route peut être arrêtée. Et vous indiquez


à quel moment on s’arrêtera.

䊐 J FINS ET MOYENS

I Discussion sur la nature exacte de la fin


a) Le sentiment d’être « manœuvré » est désagréable : vous
montrez que la fin avouée n’est pas la fin véritable. Elle sert à masquer
cette dernière ; elle n’est, en fait, qu’un moyen d’y parvenir.
b) La distinction entre deux fins, l’une prochaine, l’autre éloi-
gnée, n’aboutit pas forcément à un désaccord complet sur le moyen.
Tel révolutionnaire, contestant la finalité d’une grève corporatiste,
acceptera toutefois de s’y associer, estimant que cette manifestation
constitue dans l’immédiat un premier objectif satisfaisant.

2 Discussion sur la valeur du moyen proposé


a) La discussion sur la valeur technique du moyen relève d’argu-
ments très variés : discussion des données, des interprétations, des
modèles, etc.
b) Valeur « morale » : si la fin donne de la valeur à certains
moyens, d’ordinaire écartés, il est généralement admis que, contraire-
ment à la formule célèbre, elle ne les justifie pas tous.

䊐 K GÉNÉRALISATION ABUSIVE
(Voir partie II : Exemple, induction )
Elle consiste à établir une vérité générale sur un cas particulier
ou un trop petit nombre d’observations.
Elle sera réfutée aisément à l’aide d’autres exemples qui prouvent
le contraire.

112 techniques de l’expression écrite et orale L’argumentation



Très banale, surtout dans des réactions passionnées, elle sera
dénoncée avec vigueur.
Si un commerçant vous a trompé sur la qualité de la marchandise,
vous a demandé un prix trop élevé, etc., avez-vous le droit de procla-
mer « Tous les commerçants sont des voleurs » ?
Inversement, vous avez généralisé après avoir procédé à des véri-
fications sérieuses, ne vous laissez pas démonter ! Est-il possible
d’épuiser tous les cas ? Votre adversaire peut-il prouver, lui, que cela
ne se passera pas comme vous l’annoncez ?

䊐 L PERSONNE ET ACTES
La solidarité établie entre une personne et ses actes sera parfois
détruite, souvent diminuée sans grande difficulté.
1 On veut vous persuader que telle personne, responsable de tel
acte, n’est pas estimable, doit être écartée de telle fonction etc.
Vous objectez que :
– ou bien elle n’a pas commis cet acte,
– ou bien l’acte doit être interprété autrement ou expliqué par
des circonstances exceptionnelles,
– ou bien l’acte n’a pas de rapport avec la question à résoudre.
Évidemment si le délit est flagrant, il n’y aura pas de réfutation
possible.
2 De même, ne vous laissez pas abuser par l’idée qu’un homme
est totalement solidaire de tel groupe auquel il appartient. Son apparte-
nance au groupe sera parfois incertaine, et, même si elle est patente,
ne peut-il avoir des opinions, un comportement individuels ?

䊐 M SACRIFICE
Voir partie II : Évaluations, 2)
La balance entre ce qui est sacrifié et le résultat pour lequel le
sacrifice a été consenti est parfois déséquilibrée. L’argument offre alors
une prise à la réfutation.

1 Mise en cause du sacrifice


Est-il réel, important ? Celui qui a sacrifié ce à quoi il ne tenait pas
vraiment ne peut s’en prévaloir.

leçon exercices travaux dirigés corrigés 113


2 L’objet du sacrifice en vaut-il la peine ?
Exemple : Quelqu’un sacrifie tout le bonheur familial à une tâche sans
grand intérêt. Peut-il arguer de cette tâche pour faire admettre son
comportement ?

䊐 N SYMBOLE
La force du symbole et même son existence sont variables d’un groupe
à l’autre. Vous en diminuerez parfois l’éclat, en limitant son domaine
d’action.
Vous nierez même la valeur symbolique d’un geste, d’un évé-
nement.

䊐 O TOUT ET PARTIES
1 Une partie peut valoir plus, en qualité , que le tout. Vous refuse-
rez donc le tout pour privilégier la partie intéressante.
2 Si quelqu’un a procédé par division d’un tout en ses parties,
puis par élimination de toutes les parties, à l’exception d’une seule,
vous vérifierez si l’énumération est complète. Vous découvrirez peut-
être un autre élément qui n’a pas été envisagé.

114 techniques de l’expression écrite et orale L’argumentation



exercices

䊊 䊊 䊊 Remarques :
Il ne s’agit ici que d’une initiation au repérage et à l’emploi de quelques types
d’arguments. Ne pas oublier qu’il est difficile, sinon impossible, de faire une
analyse exhaustive et que, souvent, plusieurs solutions sont acceptables.

䊊 Ex 1 Identifiez le type de l’argument principal employé dans le texte


suivant :
Le droit à la vie est l’un des droits fondamentaux reconnus à tout homme par la
Déclaration universelle de 1948 (art. III). Le croyant ajoute, avec Ambroise Paré :
« Dieu seul est maître de vie et de mort. »
(Argument employé par un prêtre dans un article contre la peine de mort.)

䊊 Ex 2 Même travail
Faux tranquillisant de l’opinion, la peine de mort risque d’être, pour les pouvoirs
publics, un alibi qui les dispense des réformes profondes, seuls moyens capables de
faire reculer le crime. Ce qu’il faut condamner à mort, c’est l’argent-roi, l’alcoolisme
(90 % des cas de bourreaux d’enfants), le proxénétisme, la dissociation familiale,
l’étalage de la violence, la prison-pourrissoir...
(même source que le texte précédent).

䊊 Ex 3 Même travail
Mettez votre café moulu à côté de notre café moulu. Votre mouture est beaucoup
plus grosse, n’est-ce pas ? C’est pour cela qu’elle ne fera jamais un café vraiment
bon, vraiment parfumé : un café moulu plus fin est un café qui libère beaucoup plus
d’arôme dans l’eau. Et donc, qui donne le meilleur de lui-même dans votre tasse.
Et bien, direz-vous, il n’y a qu’à laisser tourner son moulin plus longtemps ! Erreur :
les moulins chauffent, et l’arôme du café s’évapore dans l’air...
Alors ? Alors, chez Melitta, nous broyons notre café d’une manière toute particu-
lière : lentement et à froid. Pour garder tout l’arôme intact.
(extrait d’une publicité)

䊊 Ex 4 Même travail
Sans vouloir me prononcer sur le fond, il me paraît intéressant de comparer l’enjeu
et le coût d’une grève, celle des agents de la RATP.

leçon exercices travaux dirigés corrigés 115


L’enjeu : chaque gréviste peut raisonnablement espérer un bénéfice de l’ordre de
150 euros de son action. Pour quelques milliers d’agents concernés, cela représente
un enjeu de quelques millions d’euros. Essayons d’évaluer le coût : un million de
banlieusards perdant chacun une heure par jour, au tarif d’une femme de ménage
(10 €/heure) cela fait 10 millions d’euros par jour. Sur un mois nous obtenons
300 millions : sans même prendre en compte les manques à gagner des entreprises
dont l’activité est perturbée par cette grève, nous trouvons un facteur supérieur à
cent entre l’enjeu et le coût.
Est-il raisonnable d’acheter sa baguette de pain avec un billet de 100 euros sans
réclamer la monnaie ?
Courrier des lecteurs, Le Monde.

䊊 Ex 5 Voici, empruntées à un texte publicitaire, quatre raisons d’aller


en Sardaigne. Dans quel type d’argument les rangez-vous ?

I. En Sardaigne, la nature est magnifique : la main de l’homme ne l’a pas encore


altérée.
2. La mer est si limpide que du haut d’une falaise vous y verrez les poissons.
3. Les hôtels sont luxueux et confortables.
4. L’artisanat a gardé son originalité traditionnelle.

䊊 Ex 6 Quels types d’arguments pouvez-vous repérer dans le texte


suivant :

L’éducation mondialisée
Avant tout, il faut répondre à la question : qu’est-ce qu’un être humain ? Une
réponse raisonnable, conforme à ce que nous apprend la science et qui ne devrait
choquer aucune religion pourrait être la suivante : un homme est un individu réalisé
par la nature, semblable à tous les êtres vivants, mais qui a le pouvoir de se méta-
morphoser en une personne consciente, à condition d’être tiré hors de lui-même,
d’être éduqué.
Cette fonction d’éducation peut être considérée comme l’impératif premier de
toute organisation sociale. Elle doit par conséquent avoir la priorité dans la réalisa-
tion d’une organisation de l’ensemble de l’humanité. La tâche de cette dernière est
donc de mettre en place un système éducatif prenant en charge tous les petits
d’hommes. Bien sûr, la diversité des cultures doit être préservée, mais le coût du
système éducatif de chaque nation doit être supporté par toutes. Pourquoi ne pas,
pour commencer, faire rémunérer tous les instituteurs par un organisme unique,
l’Unesco par exemple, dont c’est explicitement la fonction ?

116 techniques de l’expression écrite et orale L’argumentation



Utopique, penserez-vous. Mais si, il y a cinquante ans, on avait proposé de faire
bénéficier de primes tous les éleveurs européens au frais d’un organisme central
alimenté par toutes les nations du continent, personne n’aurait cru ce mécanisme
communautaire réalisable. Aujourd’hui, il fonctionne. Ce qui a pu être fait à propos
de l’élevage des vaches laitières, pourquoi serait-ce impossible lorsque l’objectif est
autrement plus exaltant, l’éducation des petits d’hommes ?
Ce que les banquiers ont déjà réalisé avec l’interconnexion des marchés financiers,
ce que les commerçants sont en train de mettre en place avec l’Organisation mon-
diale du commerce, pourquoi ne pas le tenter le plus vite possible au service de la
seule finalité qui vaille : inventer l’homme ?
Albert Jacquard, Tentatives de lucidité,
© Éditions Stock 2004.

䊊 Ex 7 Pour apprendre à vous méfier des « vérités » intangibles, amusez-


vous à trouver un proverbe qui affirme le contraire des « prover-
bes » suivants :
a) La fortune sourit aux audacieux.
b) Les voyages forment la jeunesse.

䊊 Ex 8 Voici, emprunté à un quotidien, un court entrefilet publié sous le


titre « Pour vivre vieux marchez beaucoup ».
Chaque jour, M. Larry Lewis se rend à pied à l’hôtel Saint-Francis, où il est serveur.
Le soir, il refait, toujours à pied, les huit kilomètres qui séparent l’hôtel de son
domicile.
Les jours où il fait beau, il se détend en allant se promener autour du parc de
Golden Gate et il célèbre traditionnellement son anniversaire en disputant un
100 mètres, qu’il couvre régulièrement en un peu plus de 17 secondes.
« C’est un jeu d’enfant », explique-t-il.
M. Larry Lewis a 102 ans.

Discutez le bien-fondé du titre de cet article.

䊊 Ex 9 À quel type d’argument recourt l’auteur du texte suivant pour


réfuter la doctrine des pacifistes ?

L’écueil le plus évident qui se dresse sur la route du pacifisme, c’est que les pacifistes
sont obligés de se dire que si leur action était efficace, son premier effet serait de
mettre les États dans lesquels le pacifisme serait une force politique appréciable à
la merci de ceux dans lesquels il serait impuissant, ce qui reviendrait à permettre

leçon exercices travaux dirigés corrigés 117


aux gouvernements les moins scrupuleux des puissances militaires les plus aveugles
de se rendre d’emblée maîtres du monde.
Arnold J. Toynbee, Guerre et civilisation,
Collection Idées, © Éditions Gallimard, 1953, p. 17.

䊊 Ex 10 Étudiez l’annonce publicitaire suivante : « Au Loto, 100 % des


gagnants ont tenté leur chance ».

Sur quelle confusion repose-t-elle ?

䊊 Ex 11 Montrez que le texte ci-dessous repose sur une argumentation


spécieuse :

17 % de tous les accidents automobiles sont provoqués par des automobilistes


ivres.
Ceci veut dire que 83 % de tous les accidents sont provoqués par des automobi-
listes sobres.
Ceci est affolant !
Pourquoi ces enfoirés de sobres ne peuvent-ils pas se retirer de la circulation afin
que notre sécurité augmente de plus de 400 % ?
(Texte affiché dans un bar.)

䊊 Ex 12 Quel type d’argument constitue l’armature du paragraphe sui-


vant ?

L’un des facteurs de l’uniformisation du monde contemporain, c’est l’identité du


processus d’évolution des sociétés modernes. Les sociétés évoluent presque toutes
dans le même sens et à partir des mêmes causes : le progrès technique. Or, le
progrès technique est uniforme : ce sont les mêmes inventions, les mêmes procédés
d’utilisation de l’énergie, de domination ou de transformation de la matière. Ce dont
l’Europe a, la première, offert le spectacle, avec la révolution industrielle en Angle-
terre au XVIIIe siècle, en Europe occidentale dans la première moitié du XIXe siècle,
s’est ensuite reproduit trait pour trait dans tous les pays qui se sont à leur tour
industrialisés, au Japon ou aux Indes, dans la même succession d’industries. Partout,
cette révolution technique a engendré les mêmes conséquences, les mêmes boule-
versements sociaux, le passage d’une société presque exclusivement agraire et
repliée sur elle-même, compartimentée en milliers ou dizaines de milliers de petites
cellules villageoises, à une société qui s’industrialise, s’urbanise, se modernise.
René Rémond, Le XXe siècle, © Éditions du Seuil,
Collection Points, 1974, pp. 276-277.

118 techniques de l’expression écrite et orale L’argumentation



䊊 Ex 13 Voici, extraits d’un passage célèbre de l’ouvrage De l’Esprit des
Lois (milieu du XVIIIe siècle), deux arguments à étudier de près :
Si j’avais à soutenir le droit que nous avons eu de rendre les nègres esclaves, voici
ce que je dirais :
1. Les peuples d’Europe ayant exterminé ceux de l’Amérique, ils ont dû mettre en
esclavage ceux de l’Afrique, pour s’en servir à défricher tant de terres.
2. Le sucre serait trop cher, si l’on ne faisait travailler la plante qui le produit par
des esclaves.
Montesquieu, De l’esprit des Lois, XV, V (De l’esclavage des nègres)
Questions
1. Le premier argument présente l’esclavage des Africains
comme la conséquence inéluctable d’un enchaînement de 2 faits
également inévitables.
a) Quels sont ces deux faits ?
b) En quoi consiste la faiblesse de ce raisonnement fondé sur des
rapports de cause à effet et rigoureux en apparence ?
2. Le 2nd argument est présenté au conditionnel comme une
hypothèse contraire à la réalité.
a) Transformez la phrase (passage à l’indicatif ; suppression de la
négation) de façon à exprimer la même idée « au positif ».
b) Laquelle de ces deux présentations jugez-vous la meilleure ?
Justifiez votre réponse.
c) Le rapport établi entre les deux faits (utilisation d’esclaves,
prix du sucre) est-il de cause à effet ou de moyen à fin ? Quelle
différence voyez-vous entre les deux interprétations ?
3. Essayez de caractériser ce mode de réfutation, ainsi que la
tonalité.

䊊 Ex 14 Nous empruntons quelques répliques à la pièce d’Eugène


Ionesco, Rhinocéros (© Éditions Gallimard, 1969).

Pourquoi les deux syllogismes présentés par le Logicien font-ils


rire ? Efforcez-vous de trouver où est l’erreur (cf. Transitivité).
LE LOGICIEN, au Vieux Monsieur.
Voici donc un syllogisme exemplaire. Le chat a quatre pattes. Isidore et Fricot ont
chacun quatre pattes. Donc Isidore et Fricot sont chats.
LE VIEUX MONSIEUR, au Logicien.
Mon chien aussi a quatre pattes.

leçon exercices travaux dirigés corrigés 119


LE LOGICIEN, au Vieux Monsieur.
Alors, c’est un chat.
LE VIEUX MONSIEUR, au Logicien après avoir longuement réfléchi.
Donc, logiquement, mon chien serait un chat.
LE LOGICIEN, au Vieux Monsieur.
Logiquement, oui. Mais le contraire est aussi vrai.
LE VIEUX MONSIEUR, au Logicien.
C’est très beau, la logique.
LE LOGICIEN, au Vieux Monsieur.
À condition de ne pas en abuser.
LE LOGICIEN, au Vieux Monsieur.
Autre syllogisme : tous les chats sont mortels. Socrate est mortel. Donc Socrate
est un chat.
LE VIEUX MONSIEUR
Et il a quatre pattes. C’est vrai, j’ai un chat qui s’appelle Socrate.
LE LOGICIEN
Vous voyez...
LE VIEUX MONSIEUR, au Logicien.
Socrate était donc un chat !
LE LOGICIEN, au Vieux Monsieur.
La logique vient de nous le révéler.

䊊 Ex 15 Découvrez les types d’arguments utilisés dans ce texte publici-


taire en faveur d’un dictionnaire de la langue française :

Avec le Petit Robert, on trouve toujours ses mots.

Il ne faut pas maltraiter les mots car on risque de se faire mal comprendre et aussi
mal juger.
C’est pourquoi le Petit Robert vous signale toutes les difficultés grammaticales qu’il
illustre par des exemples.
Et quand on sait ce qu’on veut dire, on peut demander appui aux grands auteurs
pour le dire encore mieux. « La forme est la chair même de la pensée ». C’est une
citation de Flaubert. Dans le Petit Robert il y a des milliers d’autres citations, d’au-
teurs classiques ou contemporains.
Cela évite de rester sans mot dire.
Le Petit Robert vous aide à trouver vos mots et à vous exprimer clairement. N’est-
ce pas le meilleur moyen pour se faire comprendre ?

120 techniques de l’expression écrite et orale L’argumentation



䊊 Ex 16 Sur quel type d’argument est construit le texte suivant ?

M. Jack Gheringer, directeur du département américain des Pêches, est ennuyé. Le


vice-président d’un Fonds pour la défense des animaux, M. Lewis Regenstein, vient
de l’accuser de laisser massacrer les dernières baleines franches.
Découvertes au début du XVIIe siècle, impitoyablement chassées au XIXe siècle pour
leurs fanons, qui servaient d’armature aux corsets et aux parapluies, les baleines
franches du Groenland avaient pratiquement disparu. Une convention internatio-
nale, signée en 1946 par tous les pays baleiniers, complétée en 1958, en a sévère-
ment réglementé la pêche. Elle est interdite dans les eaux de l’Alaska.
Or, M. Regenstein soutient que l’on continue de tuer des baleines franches en
Alaska. On en tue même de plus en plus, une trentaine par an depuis quelques
années. M. Gheringer ne le nie pas. Mais il proteste que ces massacres ne sont pas
perpétrés pour un but lucratif. La chasse à la baleine est une activité traditionnelle
des tribus d’Indiens et d’Esquimaux de la région, dont elle constitue la principale
source de graisse, de viande et de vitamines A, B et D. S’ils tuent plus de baleines,
c’est simplement parce qu’ils sont un peu moins pauvres, qu’ils commencent à
pouvoir se payer des canots à moteur et des harpons explosifs.
Faut-il, pour sauver les baleines, sacrifier les Esquimaux, pratiquer ce que d’autres
défenseurs de la nature appellent un « génocide culturel » ?

䊊 Ex 17 Le 14 février 1887, il y a plus d’un siècle, Le Temps publiait un


manifeste signé par un grand nombre d’artistes indignés par le
projet de Gustave Eiffel : une tour métallique de 300 mètres en
plein Champ-de-Mars ! Vous trouverez ci-dessous le texte de
cette pétition et la réponse de G. Eiffel.

1. Repérez les arguments principaux employés par les protesta-


taires ; à quels types appartiennent-ils ?
2. Montrez comment la réfutation de G. Eiffel détruit ces argu-
ments, un à un.

1. La protestation des artistes


Nous venons, écrivains, peintres, sculpteurs, architectes, amateurs passionnés de la
beauté jusqu’ici intacte de Paris, protester de toutes nos forces, de toute notre
indignation, au nom du goût français méconnu, au nom de l’art et de l’histoire
français menacés, contre l’érection, en plein cœur de notre capitale, de l’inutile et
monstrueuse tour Eiffel, que la malignité publique, souvent empreinte de bon sens
et d’esprit de justice, a déjà baptisée du nom de « Tour de Babel ».

leçon exercices travaux dirigés corrigés 121


Sans tomber dans l’exaltation du chauvinisme, nous avons le droit de proclamer
bien haut que Paris est la ville sans rivale dans le monde. Au-dessus de ses rues, de
ses boulevards élargis, le long de ses quais admirables, du milieu de ses magnifiques
promenades, surgissent les plus nobles monuments que le génie humain ait enfantés.
L’âme de la France, créatrice de chefs-d’œuvre, resplendit parmi cette floraison
auguste de pierres. L’Italie, l’Allemagne, les Flandres, si fières à juste titre de leur
héritage artistique, ne possèdent rien qui soit comparable au nôtre, et de tous les
coins de l’univers Paris attire les curiosités et les admirations. Allons-nous donc
laisser profaner tout cela ? La ville de Paris va-t-elle donc s’associer plus longtemps
aux baroques, aux mercantiles imaginations d’un constructeur de machines, pour
s’enlaidir irréparablement et se déshonorer ? Car la tour Eiffel, dont la commerciale
Amérique elle-même ne voudrait pas, c’est, n’en doutez pas, le déshonneur de
Paris. Chacun le sent, chacun le dit, chacun s’en afflige profondément, et nous ne
sommes qu’un faible écho de l’opinion universelle, si légitimement alarmée. Enfin
lorsque les étrangers viendront visiter notre Exposition, ils s’écrieront, étonnés :
« Quoi ? C’est cette horreur que les Français ont trouvée pour nous donner une
idée de leur goût si fort vanté ? » Ils auront raison de se moquer de nous, parce
que le Paris des gothiques sublimes, le Paris de Jean Goujon, de Germain Pilon, de
Puget, de Rude, de Barye, etc., sera devenu le Paris de M. Eiffel.
Il suffit d’ailleurs, pour se rendre compte de ce que nous avançons, de se figurer
un instant une tour vertigineusement ridicule, dominant Paris, ainsi qu’une noire et
gigantesque cheminée d’usine, écrasant de sa masse barbare Notre-Dame, la Sainte-
Chapelle, la tour Saint-Jacques, le Louvre, le dôme des Invalides, l’Arc de Triomphe,
tous nos monuments humiliés, toutes nos architectures rapetissées, qui disparaî-
tront dans ce rêve stupéfiant. Et pendant vingt ans, nous verrons s’allonger sur la
ville entière, frémissante encore du génie de tant de siècles, nous verrons s’allonger
comme une tache d’encre l’ombre odieuse de l’odieuse colonne de tôle boulonnée.
(Dans une longue liste de signataires qui n’ont généralement pas passé le cap de la
postérité, on relève les noms des peintres Léon Bonnat, Ernest Meissonnier, William
Bouguereau, du musicien Charles Gounod, de l’architecte de l’Opéra Charles Gar-
nier, des écrivains François Coppée, Alexandre Dumas fils, Leconte de Lisle, Guy
de Maupassant, Sully-Prudhomme, Victorien Sardou, de l’archéologue Alexandre
Lenoir, etc.).
2. La réponse de Gustave Eiffel
Quels sont les motifs que donnent les artistes pour protester contre l’érection de
la tour ? Qu’elle est inutile et monstrueuse ! Nous parlerons de l’inutilité tout à
l’heure. Ne nous occupons pour le moment que du mérite esthétique sur lequel
les artistes sont plus particulièrement compétents.

122 techniques de l’expression écrite et orale L’argumentation



Je voudrais bien savoir sur quoi ils fondent leur jugement. Car, remarquez-le, mon-
sieur, cette tour, personne ne l’a vue et personne, avant qu’elle ne soit construite,
ne pourrait dire ce qu’elle sera. On ne la connaît jusqu’à présent que par un simple
dessin géométral ; mais, quoiqu’il ait été tiré à des centaines de mille exemplaires,
est-il permis d’apprécier avec compétence l’effet général artistique d’un monument
d’après un simple dessin, quand ce monument sort tellement des dimensions déjà
pratiquées et des formes déjà connues ?
Et, si la tour, quand elle sera construite, était regardée comme une chose belle et
intéressante, les artistes ne regretteraient-ils pas d’être partis si vite et si légèrement
en campagne ? Qu’ils attendent donc de l’avoir vue pour s’en faire une juste idée
et pouvoir la juger.
Je vous dirai toute ma pensée et toutes mes espérances. Je crois, pour ma part,
que la tour aura sa beauté propre. Parce que nous sommes des ingénieurs, croit-
on donc que la beauté ne nous préoccupe pas dans nos constructions et qu’en
même temps que nous faisons solide et durable nous ne nous efforçons pas de faire
élégant ? Est-ce que les véritables conditions de la force ne sont pas toujours
conformes aux conditions secrètes de l’harmonie ? Le premier principe de l’esthé-
tique architecturale est que les lignes essentielles d’un monument soient détermi-
nées par la parfaite appropriation à sa destination. Or, de quelle condition ai-je eu,
avant tout, à tenir compte dans la tour ? De la résistance au vent. Eh bien ! je
prétends que les courbes des quatre arêtes du monument telles que le calcul les a
fournies, qui, partant d’un énorme et inusité empattement à la base, vont en s’effi-
lant jusqu’au sommet, donneront une grande impression de force et de beauté ; car
elles traduiront aux yeux la hardiesse de la conception dans son ensemble, de même
que les nombreux vides ménagés dans les éléments mêmes de la construction accu-
seront fortement le constant souci de ne pas livrer inutilement aux violences des
ouragans des surfaces dangereuses pour la stabilité de l’édifice.
La tour sera le plus haut édifice qu’aient jamais élevé les hommes. Ne sera-t-elle
donc pas grandiose aussi à sa façon ? Et pourquoi ce qui est admirable en Égypte
deviendrait-il hideux et ridicule à Paris ? Je cherche et j’avoue que je ne trouve pas.
La protestation dit que la tour va écraser de sa grosse masse barbare Notre-Dame,
la Sainte-Chapelle, la tour Saint-Jacques, le Louvre, le dôme des Invalides, l’Arc de
triomphe, tous nos monuments. Que de choses à la fois ! Cela fait sourire, vraiment.
Quand on veut admirer Notre-Dame, on va la voir du parvis. En quoi du Champ-
de-Mars la tour gênera-t-elle le curieux placé sur le parvis Notre-Dame, qui ne la
verra pas ? C’est d’ailleurs une des idées les plus fausses, quoique des plus répan-
dues, même parmi les artistes, que celle qui consiste à croire qu’un édifice élevé
écrase les constructions environnantes. Regardez si l’Opéra ne paraît pas plus écrasé
par les maisons du voisinage qu’il ne les écrase lui-même. Allez au rond-point de

leçon exercices travaux dirigés corrigés 123


l’Étoile, et, parce que l’Arc de Triomphe est grand, les maisons de la place ne vous
en paraîtront pas plus petites. Au contraire, les maisons ont bien l’air d’avoir la
hauteur qu’elles ont réellement, c’est-à-dire à peu près quinze mètres, et il faut un
effort de l’esprit pour se persuader que l’Arc de Triomphe en mesure quarante-
cinq, c’est-à-dire trois fois plus.
Reste la question d’utilité. Ici, puisque nous quittons le domaine artistique, il me
sera bien permis d’opposer à l’opinion des artistes celle du public.
Je ne crois point faire preuve de vanité en disant que jamais projet n’a été plus
populaire ; j’ai tous les jours la preuve qu’il n’y a pas dans Paris de gens, si humbles
qu’ils soient, qui ne le connaissent et ne s’y intéressent. À l’étranger même, quand
il m’arrive de voyager, je suis étonné du retentissement qu’il a eu.
Quant aux savants, les vrais juges de la question d’utilité, je puis dire qu’ils sont
unanimes.
Non seulement la tour promet d’intéressantes observations pour l’astronomie, la
météorologie et la physique, non seulement elle permettra en temps de guerre de
tenir Paris constamment relié au reste de la France, mais elle sera en même temps
la preuve éclatante des progrès réalisés en ce siècle par l’art des ingénieurs.
C’est seulement à notre époque, en ces dernières années, que l’on pouvait dresser
des calculs assez sûrs et travailler le fer avec assez de précision pour songer à une
aussi gigantesque entreprise.
N’est-ce rien pour la gloire de Paris que ce résumé de la science contemporaine
soit érigé dans ses murs ?
La protestation gratifie la tour d’« odieuse colonne de tôle boulonnée ». Je n’ai point
vu ce ton de dédain sans une certaine impression irritante. Il y a parmi les signataires
des hommes qui ont toute mon admiration ; mais il y en a beaucoup d’autres qui
ne sont connus que par des productions de l’art le plus inférieur ou par celles d’une
littérature qui ne profite pas beaucoup au bon renom de notre pays.
Il me semble que n’eût-elle pas d’autre raison d’être que de montrer que nous ne
sommes pas simplement le pays des amuseurs, mais aussi celui des ingénieurs et
des constructeurs qu’on appelle de toutes les régions du monde pour édifier les
ponts, les viaducs, les gares et les grands monuments de l’industrie moderne, la
tour Eiffel mériterait d’être traitée avec considération.

124 techniques de l’expression écrite et orale L’argumentation



travaux dirigés

䉯 Td 1 Dans le texte suivant :

1. Quelle est la thèse soutenue par l’auteur ?


2. Quel est le type d’argument employé presque exclusivement ?

Une langue n’est conquérante qu’autant que le peuple qui la parle est conquérant
et pèse de toute sa suprématie sur les peuples environnants, par la force des armes,
par le monopole du commerce ou de l’industrie... Et la culture, hé ? La culture,
c’est comme le reste, elle est du côté des gros bataillons et des gros comptes en
banque. La nécessité impose l’hégémonie. Le prestige suit.
Nous ne parlerions pas une langue issue du latin si les Romains n’avaient pas vaincu
et soumis la Gaule. L’Europe entière, du moins l’Europe aristocratique, parla fran-
çais aussi longtemps que, de Richelieu à Bonaparte, les armées françaises mirent
l’Europe à feu et à sang. Les classicismes s’épanouissent au pied des trônes vain-
queurs. Corneille, Racine ni Molière ne sont nés au Luxembourg. Voltaire, Diderot
ni Balzac ne sont nés à Monaco. Et si Rousseau vit le jour en Suisse, il s’en est bien
vite échappé.
La victoire amène la puissance. La puissance amène la richesse. La richesse amène
les loisirs. les loisirs des rois sont des loisirs chic. Donc, la victoire amène la culture,
qui est le plus chic des loisirs. Et qui ajoute à la puissance le rayonnement intellectuel
et artistique, chose particulièrement prisée des tyrans illettrés.
Enfin, bon, le français n’est plus la langue du plus riche, du plus fort, du plus vain-
queur, du plus grande gueule. Il ne comprend pas ce qui lui arrive, le français, car
il se croit toujours la langue du plus intelligent, du plus fin, du plus artiste. Il trouve
que ce n’est pas juste et il traite, en son for intérieur, les étrangers de grossiers qui
ne savent pas apprécier ce qui est bon.
Aux siècles où le français rayonnait, il fit aux autres langues nationales exactement
ce que l’anglo-américain est à son tour en train de leur faire : il les subjugua, il les
snoba, il les infiltra, il les imprégna.
Le vocabulaire allemand est truffé de mots français. Le russe aussi, concurremment
avec des mots allemands, la Russie ayant plus souvent senti le poids de la botte
prussienne que celui de l’escarpin français et ayant de ce fait conçu une haute idée
du prestige teuton, mais comme les expressions qu’elle empruntait à l’allemand
provenaient elles-mêmes bien souvent du fonds français, un certain nombre de
mots russes ne sont autres que des mots français prononcés à l’allemande (« guéné-
ral » : général, « batalione » : bataillon... Petite curiosité : les expressions universelles

leçon exercices travaux dirigés corrigés 125


du langage militaire viennent très souvent du français, ce qui vous montre bien...).
Les Italiens, qui nous sont pourtant si proches, ont assez peu subi dans leur langue
l’influence française. En revanche, aux quinzième, seizième et dix-septième siècles,
quand la culture et la mode arrivaient d’Italie dans les bagages des riches héritières
Médicis, il était du dernier chic de parler italien. Les vocables italiens se faufilèrent
dans le langage courant, le français actuel en porte mainte trace.
Cavanna, Mignonne, allons voir si la rose...,
© Éditions Albin Michel, 2001.

䉯 Td 2 En utilisant l’argument des étapes ou celui du gaspillage, vous


improviserez de courtes interventions orales pour encourager :

a. un camarade à achever ses études,


b. un sportif à ne pas abandonner l’entraînement.

䉯 Td 3 L’arche de Noé

Une nouvelle court sur les téléscripteurs et terrorise tous les habitants du globe :
par suite d’une grave avarie survenue dans une énorme usine nucléaire en Amérique
du Sud, la surface de la terre va être dévastée dans un délai inférieur à 2 heures.
Rien ne peut arrêter le processus de désintégration en cours.
Le Haut Conseil des Nations décide d’envoyer dans l’espace le seul engin de vol
cosmique disponible et fiable, car il est préprogrammé totalement et n’a pas besoin
de recourir à des bases logistiques au sol. Seules six personnes peuvent prendre
place à bord. Le Haut Conseil espère qu’après un vol de 200 jours en orbite, ces
6 représentants de l’humanité parviendront à revenir sur terre et à s’adapter aux
conditions qui régneront sur le globe ruiné et désert. La mission qui va être confiée
aux rescapés est, en somme, de perpétuer l’espèce humaine qui sera détruite par
la catastrophe.
Le navire spatial contient, entre autres équipements destinés à assurer la survie,
des réserves d’oxygène, d’eau, de vivres, des médicaments de première nécessité,
des outils, des semences, un couple de chiens, un de chats, un coq et trois poules,
une encyclopédie britannique, etc.
La candidature de dix personnes disponibles immédiatement est présentée par le
Haut Conseil à un Comité spécial qui doit procéder à l’ultime sélection.

Imaginez que votre groupe d’étudiants constitue ce Comité spé-


cial. Dans la discussion, quels arguments faites-vous valoir pour
choisir 6 des 10 candidats dont voici les fiches ?

126 techniques de l’expression écrite et orale L’argumentation


leçon exercices travaux dirigés corrigés 127


䉯 Td 4 Quel type d’argument est utilisé, de façon originale, dans ce texte ?

Sauvez nos forêts !

(Attention au feu)
Ce sont vos enfants qui vous le demandent. Pour leur santé.
Pour « leur avenir ». Car les forêts, c’est leur domaine.
Et ils savent.
Ils savent que chaque hectare de forêts en moins représente des millions de mètres
cubes d’oxygène perdus dans un monde qui en manque tragiquement.
Ils savent que quand les arbres brûlent, c’est une partie de l’âme de notre pays,
presque ses monuments historiques, qui part en fumée.

128 techniques de l’expression écrite et orale L’argumentation



Une partie de leur âme à eux aussi, leur jardin secret, celui où ils apprennent à
rêver.
Vous le savez. La vérité sort de la bouche de vos enfants.
Pour vous dire de prendre vos responsabilités.
Et celle du moindre de vos gestes en forêts.

䉯 Td 5 Dans le © Figaro Magazine du 7 avril 2001, Véronique Grousset


rend compte d’un ouvrage de Jehanne Collard et Jean- François
Lacan : Le scandale de l’insécurité routière. Voici le début de son
article. Quels types d’arguments sont-ils utilisés pour attirer l’at-
tention du lecteur ?

Ils l’annoncent dès la première ligne et c’est vrai : l’ouvrage qu’ils ont rédigé à
quatre mains est « un livre de colère ». Un livre accusateur, qui ne mâche ni ses
mots, ni ses arguments, ni sa dédicace : « À la mémoire de Roger Nimier, Albert
Camus, Louis Nucera, Fernand Raynaud, Françoise Dorléac, Coluche, Lady Diana et de
quelque cinq cent mille autres victimes anonymes. » Autant d’images et de souvenirs
qui arrachent aussitôt le lecteur à la torpeur des discours et des statistiques, en le
mettant d’emblée dans l’état d’esprit souhaité par les auteurs : attentif et concerné.
Cinq cent mille victimes, c’est le nombre de tués sur la route en France depuis
1950. Ramené de nos jours à environ 8 000 décès par an, 700 par mois, 22 par
jour. Soit l’équivalent de deux Airbus qui s’écraseraient chaque mois, ou d’un télé-
phérique bondé chaque jour. Le tout dans une indifférence générale, alimentée par
la conviction qu’il n’y a rien à faire contre une telle fatalité, rien qui n’ait déjà été
tenté par les pouvoirs publics.

䉯 Td 6 Soit dans une discussion collective, soit par une réflexion indivi-
duelle, essayez de résoudre le problème suivant :

En des temps anciens, lorsque l’enseignement était payant et très coûteux, un pro-
fesseur de droit avait accepté dans son cours un jeune homme doué mais démuni
de toute ressource financière, en lui accordant des conditions spéciales de crédit :
l’étudiant paierait le prix des leçons lorsqu’il aurait gagné sa première cause devant
un tribunal. Mais quand l’étudiant eut achevé ses études, il ne se fit pas avocat, ne
gagna donc ni ne perdit aucune affaire en justice, et ne versa rien au professeur !
S’estimant lésé, celui-ci engagea une action devant un tribunal afin de se faire régler.
Voici les conclusions des deux parties.
Le professeur demande au juge d’être payé :
a) si l’étudiant perd le procès, car celui-ci a lieu pour décider justement du paie-
ment ;

leçon exercices travaux dirigés corrigés 129


b) si l’étudiant gagne le procès, conformément à la convention acceptée par les
deux parties à l’origine des faits.
Contradictoirement l’étudiant fait valoir qu’il ne devra rien au professeur :
a) s’il perd le procès, puisque la convention prévoyait qu’il n’aurait à payer que
lorsqu’il gagnerait sa première affaire ;
b) s’il gagne le procès, car celui-ci a précisément pour fin de décider ou non du
paiement.

Il vous est demandé :


1. de définir cette situation argumentative ;
2. en vous mettant à la place du juge, de justifier la sentence que
vous rendriez ;
3. d’indiquer au professeur comment faire pour être payé en tout
état de cause.

130 techniques de l’expression écrite et orale L’argumentation



corrigé des exercices

䉲 Ex 1 Argument d’autorité.

䉲 Ex 2 Discussion sur les moyens et la fin.

䉲 Ex 3 Efficacité.

䉲 Ex 4 Évaluations.

䉲 Ex 5 Ces quatre raisons appartiennent au type de la définition-description. Bien


entendu, les aspects de la Sardaigne que l’on signale sont ceux qui peuvent plaire
à un touriste aimant la nature, le confort et le folklore.

䉲 Ex 6 Dans les deux premiers §, la définition de l’homme est orientée vers la thèse
de l’auteur, l’obligation d’une éducation mondialisée.
Dans le troisième, pour soutenir ce point de vue, utilisation d’une analogie
entre éducation et élevage, encore plus frappante entre vaches et enfants.
Dans le quatrième, généralisation de cette analogie avec d’autres domaines
((banques, commerce).

䉲 Ex 7 a) Prudence est mère de sûreté.


b) Pierre qui roule n’amasse pas mousse.

䉲 Ex 8 L’argument « Pour vivre vieux marchez beaucoup » auquel l’anecdote


apporte la caution d’un cas particulier (généralisation abusive) tend à faire croire
que le seul moyen pour vivre longtemps est de marcher beaucoup, ou si l’on veut
que la seule cause d’une mort prématurée est la vie sédentaire. Il y a sûrement
bien d’autres raisons à la longévité de M. Lewis.

䉲 Ex 9 L’auteur souligne la contradiction entre la fin recherchée par les pacifistes


(paix universelle dans l’égalité des droits entre les nations) et la conséquence qui
résulterait inévitablement de l’application limitée de leur doctrine.

䉲 Ex 10 Les distraits comprennent sans doute que 100 % de ceux qui ont tenté leur
chance ont gagné !

leçon exercices travaux dirigés corrigés 131


Cette publicité semble, d’autre part, formuler une évidence : on ne peut
être gagnant si l’on n’a pas tenté sa chance, c’est-à-dire si l’on n’a pas joué. À quoi
l’on pourrait objecter que 100 % des perdants aussi ont tenté leur chance. Ainsi,
jouer est la condition nécessaire pour gagner, mais non suffisante.
L’annonce, amusante, confond l’ensemble des gagnants avec celui des
parieurs ; autrement dit, l’extension (= ensemble des objets que désigne un concept)
du concept « gagnant » est confondue avec celle du concept « parieur ». Un simple
dessin révèle la « supercherie » :

La publicité est d’autant plus séduisante qu’elle paraît s’appuyer sur une
statistique, c’est-à-dire sur une donnée quantitative, mesurable (cf. Évaluations).

䉲 Ex 11 Le « raisonnement » prend appui sur des données statistiques (cf. Évalua-


tions) ; si les pourcentages indiqués sont exacts, il paraît irréfutable. Ce n’est qu’un
trompe-l’œil, car les chiffres masquent une réalité plus complexe :
Les accidents provoqués par des conducteurs ivres sont dus à l’ivresse ; les
accidents provoqués par des conducteurs sobres devraient, en réalité, être répartis
dans diverses catégories parce qu’ils sont dus à des causes multiples (défaillance
mécanique, mauvais temps, etc.). La proportion des accidents dus à l’ivresse seule
est donc plus importante qu’il n’y paraît.
Surtout, l’ivresse est considérée, ici, comme une cause d’accident tout à fait
banale, comparable aux autres, alors que – dépendant de la volonté du conducteur
– elle engage pleinement sa responsabilité. Il y a donc nivellement, confusion au
plan des valeurs.
Quant à la solution facétieuse proposée, elle ne vaut que par son caractère
humoristique ! Si ne restaient sur la route que les conducteurs ivres, on aurait – au
lieu d’une sécurité 4 fois plus grande – des accidents nombreux et provoqués à
100 % par l’ivresse. Et, pour avoir une sécurité parfaite, pourquoi ne pas interdire
toute circulation ?

䉲 Ex 12 L’idée principale du paragraphe est énoncée dès la première phrase. Cette


affirmation est d’abord justifiée à un niveau théorique par un raisonnement en forme
de syllogisme dont elle est, en fait, la conclusion. On pourrait donner au raisonne-
ment la présentation suivante :
I) Le progrès technique conditionne l’évolution des sociétés (Majeure).
2) Or ce progrès est uniforme (Mineure).

132 techniques de l’expression écrite et orale L’argumentation



3) Donc l’évolution est uniforme (Conclusion).
Ensuite, l’affirmation est prouvée par des faits historiques.

䉲 Ex 13 I) a) Ces deux faits sont : l’extermination des peuples d’Amérique et, par
suite, la disparition de la main-d’œuvre dans ce pays.
b) La faiblesse du raisonnement :
– la cause principale évoquée (l’extermination des Américains) n’est pas un
phénomène naturel contre lequel l’homme ne peut rien (inondations, tremble-
ments de terre, etc.) ;
– l’effet ne s’imposait pas non plus : ne pouvait-on trouver de la main-
d’œuvre autrement qu’en faisant des esclaves ?
2) a) On fait travailler la canne à sucre par des esclaves pour que le sucre
soit moins cher (ou bien : le sucre est moins cher parce qu’on fait travailler la plante
qui le produit par des esclaves).
b) Le tour choisi par Montesquieu est plus piquant : il oblige à saisir le réel
par l’intermédiaire de l’irréel.
c) Les deux transpositions ci-dessus accentuent l’une, le rapport de moyen
à fin (pour que), l’autre, le rapport de cause à effet (parce que). En fait, toute la
fausse naïveté de l’argument résulte du flottement entre ces deux rapports. Celui
qui parle fait semblant de ne voir là qu’un rapport (objectif) de cause à effet ; nous
y découvrons une fin d’ordre économique (on veut laisser le sucre à un bas prix)
pour laquelle est employé un moyen odieux, qu’elle ne justifie pas : la réduction
d’hommes en esclavage.
3) La réfutation est opérée sur un mode ironique : elle prend l’apparence
d’un plaidoyer en faveur de l’esclavage. Mais les arguments se détruisent d’eux-
mêmes, si bien que l’on ne peut s’y tromper : Montesquieu plaide la cause des
nègres réduits en esclavage. L’ironie est grinçante ; le mot « exterminer » trahit une
indignation, qui était bien rare à cette époque-là.

䉲 Ex 14 Ces deux « syllogismes » font rire parce qu’ils aboutissent à des conclusions
fausses, à des absurdités, bien que la majeure et la mineure soient recevables. Il y
a donc erreur formelle, sophisme.
On peut analyser, de diverses manières, ces pseudo-raisonnements ; le plus
frappant, c’est qu’ils intervertissent des termes. En effet, ils sont construits en appa-
rence sur le modèle scolaire bien connu : « Tous les hommes sont mortels/Or
Socrate est un homme/Donc Socrate est mortel ». Mais, pour être conforme à ce
modèle et correct, le premier syllogisme devrait se présenter de la façon suivante :
Le chat a quatre pattes/Isidore et Fricot sont des chats/Donc Isidore et Fricot ont
quatre pattes. Correct cette fois, ce lourd raisonnement aboutirait cependant à une

leçon exercices travaux dirigés corrigés 133


évidence comique ! De même, le second syllogisme du Logicien devrait être :
« Tous les chats sont mortels/Or Socrate est un chat/Donc Socrate est mortel ».
Dans ce second cas, la cocasserie est renforcée par le fait que le nom du philosophe
Socrate a été donné à un chat...
Cette déformation absurde du syllogisme est plaisante. Elle invite aussi à la
prudence à l’égard des raisonnements rigoureux en apparence.

䉲 Ex 15 1) L’argumentation s’appuie essentiellement sur une description (inventaire


de ce qu’on trouve dans le Petit Robert : difficultés grammaticales et citations
d’auteurs).
Le titre repose sur un jeu de mots. On dit en effet couramment : « je
trouve ou je ne trouve pas mes mots » (sous-entendu : « dans ma tête »). Le texte
publicitaire tout entier reprend et exploite le jeu de mots, développant, au moyen
de cette description, l’idée que le dictionnaire permet dans chaque cas de « trouver
ses mots ».
2) Le texte justifie l’intérêt de l’ouvrage en rappelant non seulement le rôle
primordial du langage dans la communication, mais surtout sa fonction sociale
(« mal comprendre... mal juger... cela évite de rester sans mot dire »). C’est
démontrer que le Petit Robert est le meilleur moyen de la reconnaissance par le
groupe.
3) La citation de Flaubert est un exemple de ce que contient ce dictionnaire.
4) Une évaluation : « des milliers d’autres citations... ».
5) Enfin, si la citation permet, à l’occasion, de mieux dire ce que l’on voulait
exprimer, elle atteste aussi la culture ou le savoir et apporte à ce que l’on dit
l’autorité d’un grand auteur.

䉲 Ex 16 C’est un dilemme. Le texte impose en effet un choix entre deux propositions


contradictoires (si l’on sauve les baleines, les Esquimaux meurent de faim ; si l’on
préserve les Esquimaux, on fait disparaître les baleines), et qui aboutissent à la
même conclusion : c’est un génocide (au figuré pour les baleines, car un génocide
est l’extermination d’un groupe humain).
En fait, on peut très bien dépasser le dilemme, c’est-à-dire envisager
d’autres solutions au problème (réglementer la chasse, fournir aux Esquimaux
d’autres types de ressources...).

䉲 Ex 17 La Tour Eiffel
Dans ce débat, les idées principales sont aisées à repérer et à comprendre.
Cependant l’argumentation est, dans le détail, d’une grande richesse. Nous retien-

134 techniques de l’expression écrite et orale L’argumentation



drons ici seulement les arguments qui jouent un rôle plus apparent dans la discus-
sion ou ceux dont le type est facilement identifiable.
I. Conflit entre des valeurs (cf. Efficacité, pp. 97 et 111)
Les artistes critiquent l’utilité de la tour de deux façons. D’abord ils la nient
tout simplement, ce qui ne constitue pas une argumentation ; surtout ils opposent,
implicitement, le concept d’utilité à celui de beauté, cette dernière valeur étant
jugée supérieure à la première.
G. Eiffel affirme, d’une part, que sa tour sera belle et qu’elle ne détruira pas
la beauté de Paris ; d’autre part, il n’accepte pas de dissocier beauté et utilité. Et,
dans sa réponse, il esquisse une discussion intéressante sur une question de fond :
l’utile est-il forcément laid ? Un ouvrage moderne, métallique ne peut-il être aussi
beau qu’un vieux bâtiment de pierre ? C’est là toute une conception moderne du
beau qui apparaît. À l’époque du Design, nous nous rangerons du côté de G. Eiffel.
Ajoutons qu’en ce qui concerne l’utilité, Eiffel avait vu juste : le général
Ferrié a réussi, dès 1903, les premières émissions de TSF à partir de la tour et
celle-ci a joué un rôle important déjà au cours du premier conflit mondial.
II. Autorité (cf. pp. 94 et 108-109)
La force d’une pétition tient aux arguments qu’elle formule, mais aussi au
prestige des signataires, surtout s’il s’agit d’hommes jugés compétents dans le
domaine où surgit la contestation. Il n’est pas indifférent ici que, parmi les signa-
tures, figurent des peintres, des écrivains, etc.
Mais Eiffel s’efforce d’affaiblir cette coalition en la détruisant, en distinguant,
dans cette liste, les hommes de grande valeur et d’autres d’un mérite incertain.
L’argument d’autorité se retrouve à d’autres endroits de ce dossier. En
particulier, les protestataires prétendent parler au nom du goût, de l’histoire et de
l’art français ; ils opposent au Paris de G. Eiffel celui de l’époque gothique, de Jean
Goujon, etc. On trouvera, dans la réponse, ici et là, divers éléments de réfutation
sur ce point. Notamment G. Eiffel oppose, à la beauté historique et traditionnelle,
une esthétique moderne.
On relèvera enfin un emploi « a contrario » de l’argument d’autorité. Lors-
que les artistes déclarent que la « commerciale Amérique elle-même » ne voudrait
pas d’une telle construction, l’Amérique est, ici, présentée comme un modèle
refusé, une autorité rejetée : « commerciale », donc préoccupée de valeurs écono-
miques, elle est jugée incapable d’apprécier ce qui est beau. Or, – et c’est dire à
quel point le projet d’Eiffel est affreux – même ce pays du mauvais goût ne voudrait
pas de la tour.
III. Définition (cf. pp. 95-96 et 111)
Appeler G. Eiffel un « constructeur de machines » et décrire la tour comme
une « colonne de tôle boulonnée » ne constituent pas seulement des dénominations

leçon exercices travaux dirigés corrigés 135


méprisantes. C’est proposer une définition péjorative qui argumente contre le
projet.
Défendant les ingénieurs, parlant au nom du progrès et de la France
moderne, Eiffel rejette ces définitions. Et, à son tour, il usera du même type d’argu-
ment, un peu facile, en qualifiant certains au moins de ses adversaires d’« amu-
seurs ».

136 techniques de l’expression écrite et orale L’argumentation


Chapitre IV
Le résumé
Que l’on poursuive des études ou que l’on exerce une activité professionnelle,
aujourd’hui les documents écrits que l’on doit dépouiller sont si nombreux et
parfois de si médiocre qualité qu’il faut être bien entraîné à discerner l’essentiel.
C’est précisément l’aptitude que développe la pratique de la contraction.
Nous viserons, dans le présent chapitre, surtout le résumé d’un écrit, mais
certaines indications sont applicables au résumé d’un exposé oral. Nous nous
en tiendrons au résumé d’un texte unique.

leçon exercices travaux dirigés corrigés 137


I - À QUOI SERT UN RÉSUMÉ

䊐 A POURQUOI RÉSUMER
Résumer exige un effort d’attention et de rédaction ; sans doute il n’y
a pas d’idées à concevoir, encore faut-il bien repérer et bien formuler
celles que l’on va reprendre au texte. Exercice d’écriture contrainte, le
résumé est une activité indispensable et formatrice. Il fait gagner du
temps au destinataire et l’aide à mieux comprendre. Et celui à qui cette
technique est familière augmente son efficacité dans l’action, comme
au stade de l’information et de la réflexion.

䊐 B POUR QUI RÉSUMER


1 On résume souvent pour soi
Un livre, une conférence, un article de revue, diverses instructions,
etc. C’est ainsi que l’on constitue une documentation personnelle.
Dans ce cas, évidemment, pas de règle précise. Chacun filtre sa docu-
mentation en fonction de ses connaissances et de ses intérêts du
moment. Une mise en garde seulement : ne faites pas un condensé
trop succinct qui, rapidement, deviendrait obscur et donc inutilisable.

2 On résume surtout pour les autres


Souvent, dans la vie sociale ou professionnelle, on aura à transmettre
une information résumée. Les destinataires seront variés ; ce sera peut-
être un chef de service qui n’a pas le temps de parcourir la totalité
d’un dossier. Fournir le résumé d’un document, c’est dégager ce qui
importe au destinataire, lui frayer un passage rapide vers l’essentiel. Ainsi
la complexité peut être dominée, condition nécessaire à la prise de
décision. Ne croyez pas qu’un haut responsable, par exemple, travaille
habituellement sur autre chose que sur les résumés fournis par ses
collaborateurs.
D’autre part, le résumé, en tant qu’épreuve d’examens et de
concours, constitue un test révélateur de certaines qualités intellec-
tuelles (compréhension, aptitude à l’analyse et à la synthèse, etc.) et
de la capacité à écrire avec fermeté. Même si les jurys expriment par-
fois des demandes particulières, tout résumé doit répondre à des exi-
gences fondamentales que nous allons exposer.

138 techniques de l’expression écrite et orale Le résumé



䊐 C COMMENT RÉSUMER
Pour être utile, un résumé sera aussi bref, aussi clair et aussi fidèle
que possible. La concision sera limitée par le souci de l’autonomie, de
« l’autosuffisance » du résumé : le destinataire (fût-ce un examina-
teur) doit comprendre sans avoir besoin de recourir au texte de
départ : il convient donc d’essayer de se mettre à la place de ce lecteur
pour juger de la netteté du résumé.
Quant à la fidélité, elle ne pourra être, quoi qu’on fasse, que
relative. Linguistiquement parlant, aucun énoncé n’a exactement le
même sens qu’un autre ; la plus petite modification change le sens. Il
faut s’y résigner : le résumé est un art de la valeur approchée, pour
reprendre une expression utilisée en physique ou en chimie par exem-
ple. Et même si l’écart est aussi faible que possible, il y aura un écart.
D’ailleurs, on ne peut pas aboutir, lorsqu’on résume un texte, à une
solution unique et parfaite.
Pour sérier les difficultés, distinguons à présent, même si c’est
un peu arbitraire, deux phases du travail : le filtrage des idées, le
travail sur l’expression.

II - LA RÉDUCTION D’UN TEXTE



䊐 A COMPRENDRE LA PENSÉE DE L’AUTEUR
Rappelons d’abord que l’on ne peut résumer correctement ce que l’on
a mal compris. Cependant, pour bien comprendre, il n’est pas forcé-
ment besoin de beaucoup de temps.

1 La première lecture
Elle évitera deux erreurs opposées : le survol trop rapide et la lenteur
tatillonne. La deuxième est peut-être plus fréquente que la première :
on veut travailler avec le plus de soin possible, on lit très lentement
et l’ensemble n’est plus perçu, l’arbre cache la forêt. Il convient donc,
en mobilisant toute son attention, d’accélérer le mouvement, de ne
pas s’attarder pour l’instant à un mot inconnu, à une construction
inhabituelle. L’essentiel est de bien voir de quoi il est question, quelle
est l’idée principale : celle-ci est souvent exprimée nettement une ou

leçon exercices travaux dirigés corrigés 139


même plusieurs fois. En particulier, lisez avec soin l’introduction et la
conclusion, s’il s’agit d’un texte complet : c’est vraisemblablement là
que se trouve cette idée centrale. Sinon, à vous de vous la formuler
nettement. Cette première lecture vous a sans doute permis aussi
d’apercevoir quelques idées secondaires et des éléments de la
structure.

2 La lecture approfondie
Si vous avez repéré les sommets, vous pouvez à présent entreprendre
une promenade plus lente sans crainte de vous égarer.
C’est le moment de souligner les termes porteurs des idées impor-
tantes, de cocher les passages significatifs, de numéroter dans la marge
les faits ou les arguments qui se succèdent, d’entourer les mots et les
formules de liaison, d’éclairer, à l’aide d’un dictionnaire, le sens de
mots plus difficiles. Mais, attention ! pas de surcharge de signes : cer-
tains, usant de crayons ou feutres de couleur, transforment le docu-
ment en peinture abstraite et...indéchiffrable.
Pour des textes plus longs, efforcez-vous de trouvez des sous-
titres, des inter-titres, comme on le fait couramment dans de nom-
breuses revues. Cet effort d’analyse et de formulation vous permet de
repérer le plan du texte, d’en saisir le mouvement (comme on l’a vu
au chapitre II). Ainsi vous assurez les fondements de votre résumé.

䊐 B LES IDÉES QUE L’ON PEUT SUPPRIMER


Bien voir ce qui peut être abandonné, c’est bien distinguer les diverses
idées, les rapports et les hiérarchies qui existent entre elles, bien
comprendre comment se développe une idée.
Le plus souvent on essaie d’établir un fait, de décrire une situa-
tion, de présenter et justifier une solution. Pour cela, on apporte des
preuves, des exemples, des citations, des indications chiffrées, etc.
D’où un premier principe de sélection : dès qu’il y a succession, énu-
mération d’éléments de même nature , on choisit le plus caractéristique,
le plus net ou le plus probant.
Certains textes ont un grain serré, le style est dense, concis. La
contraction sera donc moins forte. D’autres, au contraire, sont bavards,
répètent les mêmes idées, vous éliminerez les redites, les insistances
inutiles, les passages « creux ».
Enfin vous omettez les références, les allusions qui ne sont pas
indispensables.

140 techniques de l’expression écrite et orale Le résumé



䊐 C LE TAUX DE CONTRACTION
1 Un taux idéal est impossible à déterminer : tout dépend de la
densité du texte, du destinataire du résumé. On peut imaginer et réali-
ser divers degrés de contraction d’un même document : du titre au
résumé assez détaillé, en passant par le sommaire tel qu’on le trouve
dans les premières ou dernières pages de certains périodiques.
2 Libre à vous de contracter à l’extrême ou de conserver des
idées plus nombreuses. La règle est celle de l’efficacité : les éléments
d’information que vous jugez essentiels, votre destinataire doit pou-
voir les comprendre et les exploiter. Si vous condensez trop, si vous
supprimez des rapports d’idées importants, votre résumé sera peut-
être inutilisable, deviendra un texte mort.
3 Certains passages plus riches d’idées se contracteront peu ;
d’autres, même longs, seront suffisamment rendus par quelques
mots ; d’autres enfin, n’exprimant que des idées tout à fait secon-
daires, ne seront pas représentés dans le résumé. Le document et sa
version réduite ne sont pas des figures homologiques. Vous adopterez
donc une vitesse variable, un taux de contraction modulé.

䊐 D LE PLAN DU RÉSUMÉ
Il faut prendre garde au fait qu’une idée extraite de son contexte
immédiat et déplacée peut se modifier, s’altérer, parfois gravement.
Résumer, ce n’est pas prélever au hasard des idées importantes, mais
c’est faire ressortir les rapports qui existent entre elles.
Si le texte original présente un plan simple, clair, solide, il n’y a
aucune raison de le détruire ; on veillera particulièrement à conserver
le plan lorsque le raisonnement est serré.
Mais si le plan du texte est maladroit, confus, si l’on a affaire à
un texte écrit à la diable, où les idées s’enchevêtrent et se répètent, il
est préférable de construire un plan. Cette solution ne sera adoptée
qu’avec prudence, après une analyse attentive du document : il
comporte peut- être, en effet, une organisation mais que l’on n’a pas
aperçue tout de suite.
Votre résumé ne comptera pas nécessairement le même nombre
de paragraphes que le texte. Le plus souvent vous opérerez des regrou-
pements d’idées. Analyser un texte et le résumer paragraphe après
paragraphe, mécaniquement, est d’ailleurs une mauvaise méthode : la

leçon exercices travaux dirigés corrigés 141


composition sera mal vue et mal rendue. Chaque grande partie du
résumé constituera, en principe, un paragraphe ; ainsi le mouvement
du texte sera visualisé.

䊐 E CONSEILS PRATIQUES
1 Plus on a étudié le texte, plus on a souligné de mots, d’expres-
sions jugées importantes, plus on va être tenté de fabriquer son résumé
en ajoutant bout à bout, et tant bien que mal, des fragments prélevés
ici et là. Le résumé ressemble ainsi à un habit rapiécé ou au costume
d’Arlequin.
Cette manière de faire n’est pas acceptable : le résumé devient
peu cohérent, peu fidèle. Résumer, c’est, une fois qu’on a bien
compris, exprimer les idées importantes dans son style personnel, en
évitant de reprendre paresseusement des lambeaux du texte. Il ne faut
pas confondre le résumé avec la citation .
2 Le résumé doit être clair et « autosuffisant ». C’est pourquoi
certains « trucs » faciles, comme le style télégraphique et les paren-
thèses, sont à éviter ; ces procédés, surtout répétés, ne facilitent pas la
lecture, ou même rendent le résumé obscur.
De même on évitera l’abstraction excessive, en conservant les
exemples indispensables, et on ne rendra pas la suite des idées difficile
à saisir en supprimant tous les mots de liaison, toutes les formules
d’annonce ou de rappel, sous prétexte de concision et d’économie.
Un bon test consiste à lire son résumé en oubliant le document
de départ ; cette lecture attirera votre attention sur ce qui ne va pas
3 Pour permettre l’exploitation ultérieure du résumé, n’oubliez pas
de mentionner la référence précise du document original et la date du
résumé. Reportez également le titre ou, si le texte n’en comportait pas,
créez-en un qui donne l’idée la plus précise du contenu.

III - UNE APPLICATION



Un exemple commenté fera mieux comprendre en quoi consiste ce
travail de concentration de texte.

142 techniques de l’expression écrite et orale Le résumé



Supposons que j’aie à résumer en 250 mots (± 10 %) le passage
ci-dessous du livre d’Albert Jacquard, Voici le temps du monde fini,
© Éditions du Seuil, 1991, pp. 119 à 123 1.
(L’auteur vient de montrer, à l’aide de tableaux chiffrés que
« nous sommes aujourd’hui proches de la saturation de la planète ».)
§1 Face à ces chiffres, le réflexe est d’admettre que des facteurs non pris en compte
dans les calculs interviendront, aboutissant à une régulation « naturelle ». Mais
que peuvent être ces facteurs sinon une diminution de la fécondité, un accroisse-
ment de la mortalité, ou la mise en place de flux migratoires. Ce sont les seuls
« paramètres » en jeu.

§2 Une baisse progressive de la fécondité a été prise en compte dans les calculs.
On a admis qu’elle aboutirait au niveau assurant exactement le renouvellement
des générations au début du prochain siècle pour la Chine, au milieu pour l’Asie
du Sud-Est, et à la fin pour l’Afrique et l’Amérique latine. Certes, une accélération
de cette baisse peut intervenir, mais elle est peu probable compte tenu de l’in-
fluence puissante de l’ensemble des contraintes culturelles sur le comportement
procréateur. On sait à quelles extrémités les autorités chinoises ont dû se rési-
gner pour infléchir la progression de l’effectif de ce pays. Il est peu probable que
d’autres États recourront à de telles méthodes.

§3 Les prévisions présentées ont été calculées en admettant des progrès dans la
lutte contre les maladies tels que l’espérance de vie à la naissance soit partout
de 75 ans à la fin du XXIe siècle. Cette égalité devant la mort ne sera sans doute
pas encore réalisée, mais on peut espérer que tous les efforts seront faits pour
s’en approcher. Imaginer que les déséquilibres mis en évidence par les projec-
tions démographiques pourront être résorbés par un accroissement de la morta-
lité dans les régions menacées de surpeuplement revient à admettre qu’une
« bonne guerre » ou une « bonne épidémie », par exemple de sida, emportera
une partie importante de la population. Certes, ce n’est pas impossible ; mais ce
n’est pas par millions que les victimes devront se compter, ce serait insuffisant ;
il en faudra plusieurs centaines de millions pour que les conséquences soient
démographiquement significatives. Même localisés dans des régions éloignées, de
tels cataclysmes ne seraient pas sans conséquences pour les peuples restés à
l’abri du fléau.

§4 La sagesse impose d’admettre que les variations de la mortalité, pas plus que
celles de la fécondité, ne modifieront pas fondamentalement les données du
problème.

§5 Restent les migrations.

1. Pour faciliter l’étude de cet exemple, nous numérotons les paragraphes.

leçon exercices travaux dirigés corrigés 143


§6 Il s’agit là du domaine où les démographes sont les plus démunis ; le phénomène
ne peut être étudié qu’en faisant intervenir une multitude de caractéristiques
concernant le territoire de départ et celui d’accueil ; ces caractéristiques sont
difficiles à définir, encore plus à mesurer. Ainsi, les entrées de citoyens mexicains
aux États-Unis sont si mal connues que le nombre des immigrés varie, selon les
estimations, de 2 à 12 millions. Même en Europe, les flux entre pays de la CEE,
théoriquement mesurés grâce aux registres de population, sont fort différents
selon qu’ils sont annoncés par le pays de départ ou par le pays d’accueil, et
l’écart peut atteindre 100 %. Toute prévision en ce domaine est donc d’une
telle imprécision qu’elle n’a aucune valeur opératoire.

§7 En fait, les écarts de densité de population entre pays sursaturés et pays où


l’espace sera encore disponible seront tels que la « différence de potentiel » ainsi
créée provoquera des étincelles qu’aucune protection ne pourra éviter. Tel sera
par exemple le cas de la Méditerranée qui connaîtra en guère plus d’une généra-
tion une inversion du poids démographique des nations riveraines. Aujourd’hui,
les nations européennes qui la bordent, de l’Espagne à la Grèce, comptent
186 millions d’habitants ; en 2025, cet effectif aura légèrement augmenté :
194 millions. Quant aux nations méditerranéennes africaines, du Maroc à
l’Égypte, leur population aura, durant la même période, presque doublé, passant
de 119 à 215 millions. Comment imaginer qu’un tel déplacement du centre de
gravité humain ne s’accompagnera pas d’un bouleversement des rapports entre
États, entre peuples ? Laquelle des cultures qui y ont puisé une part de leur
inspiration pourra prétendre que cette Méditerranée chargée d’histoire est Mare
Nostrum ?

§8 De telles inversions, qui se produiront un peu partout sur la Terre, entraîneront


nécessairement soit des migrations d’une ampleur rarement connue, soit des
mesures d’isolement aboutissant à enfermer chaque peuple dans un ghetto
volontaire pour les uns, subi pour les autres.

§9 L’ampleur des tensions à prévoir est plus importante encore si l’on tient compte
du raccourcissement (parfois même la suppression) des distances provoqué par
le développement des moyens de transport. Les échanges d’hommes ne concer-
neront pas que les pays voisins ; les « différences de potentiel » se manifesteront
aussi bien entre peuples éloignés. Prenons un seul exemple : le Nigeria, grand
comme presque deux fois la France, a aujourd’hui une population double de la
nôtre, les densités moyennes sont donc proches ; mais, en 2025, sa population
sera cinq fois la nôtre ; la pression de ces hommes en surnombre attirés par des
contrées riches et moins encombrées ne pourra être longtemps contenue.

§ 10 Paradoxalement, il s’agit là de la conséquence douloureuse de la plus merveil-


leuse de nos victoires. Durant des dizaines de milliers d’années, les mères n’ont
pu opposer que leurs caresses et leurs larmes aux maladies qui emportaient leurs
enfants. En l’espace de deux siècles, nous avons été capables de si bien faire
reculer la mort, dans les pays développés, que la presque totalité des bébés

144 techniques de l’expression écrite et orale Le résumé



deviennent des enfants. Dans les pays pauvres, des progrès considérables ont
été obtenus, grâce surtout à une meilleure hygiène. L’« explosion démographi-
que » est le résultat de ces réussites.

§ 11 Tel est le monde vers lequel nous allons, le monde qui sera celui des Terriens
lorsque nos enfants atteindront l’âge que nous avons aujourd’hui. Sur la planète
saturée d’hommes qui sera la leur, le bonheur d’empêcher un enfant de mourir
se paiera nécessairement de l’obligation d’empêcher un enfant de naître, ou,
mieux, d’être conçu. Procréer, qui, depuis notre origine, s’est imposé comme
un devoir absolu, devient un droit aux limites chichement définies.

Voici quelles sont les différentes phases de mon travail.

1 Je dégage l’idée maîtresse


Elle ressort de l’ensemble du texte et plus particulièrement du § 11,
conclusion de l’extrait (Sur la planète saturée d’hommes).
J’essaie de la formuler en une phrase : nous n’avons aucun moyen
d’empêcher l’explosion démographique qui menace notre planète.

2 Le vocabulaire et la syntaxe sont simples. Pas de diffi-


culté de compréhension.
Un dictionnaire encyclopédique, à l’article Méditerranée (mer) , nous
aidera cependant à comprendre l’expression latine bien connue, Mare
Nostrum. Au 2e siècle avant Jésus-Christ, les Romains occupaient le
pourtour de la mer Méditerranée, devenue une sorte de lac intérieur,
et qu’ils considéraient donc comme leur appartenant.

3 J’établis le plan du texte


Introduction (§ 1) : les trois facteurs de régulation ?
A. La diminution de la fécondité (§ 2).
B. L’accroissement de la mortalité (§ 3).
C. Les flux migratoires (§§ 6-9) :
– un phénomène complexe et mal chiffré ;
– des écarts énormes de densité, d’où des renversements d’influence ;
– les moyens de transport modernes accentuent les migrations.
Une remarque incidente (§ 10) : phénomène lié aux progrès de la
médecine.
Conclusion (§ 11) : la planète arrive à saturation.
• Remarque sur ce plan :
Le troisième développement, consacré à la question plus
complexe des migrations, est plus long que les deux premiers.

leçon exercices travaux dirigés corrigés 145


4 Quel plan choisir pour le résumé ?
Celui du texte étant clair (addition), il n’y a pas de raison d’en établir
un autre pour le résumé. Je regrouperai les §§ 6 à 9 concernant les
migrations ; je maintiendrai le § 10 (remarque incidente, mais de
portée générale, à ne pas intégrer au développement consacré aux
seules migrations).

5 Exemples et données chiffrées


Le taux de contraction imposé pour cet exercice ne permet guère de
conserver des exemples et des données chiffrées. S’il n’y avait pas
cette contrainte, il serait préférable de garder au moins l’exemple des
populations riveraines de la Méditerranée.

6 Voici enfin le résumé que je proposerais


La population de la planète augmente très rapidement. Cette expansion peut-
elle être freinée par la diminution des naissances, l’augmentation de la morta-
lité ou la régulation des migrations ?
Sans doute une certaine baisse de la fécondité est-elle prévue, mais elle
ne pourrait devenir significative que par le recours à des méthodes coercitives
difficilement acceptables.
À la fin du XXIe siècle, grâce au progrès médical, la longévité moyenne
sera de 75 ans. L’accroissement de la population qui en résulte ne peut être
compensé par des guerres ou des épidémies frappant les régions surpeuplées. Il
faudrait, pour cela, que disparaissent des centaines de millions d’hommes, ce
qui ne serait pas sans conséquences même pour les régions épargnées.
À défaut de stopper ce développement pourra-t-on au moins le contrôler
en réglant les migrations ? C’est bien improbable. D’abord ces déplacements
sont quantitativement très mal connus. Ensuite les densités de population
seront tellement inégales qu’il en résultera forcément des conflits et des renver-
sements d’influence. Ainsi la Méditerranée passera sous la domination des
peuples plus féconds d’Afrique du Nord. Un tel phénomène se reproduira
ailleurs, il sera impossible à maîtriser sinon par des politiques isolationnistes
rigoureuses. Les progrès réalisés dans les moyens de transport ne feront qu’ac-
centuer les mouvements migratoires, même entre pays éloignés.
Cette situation inquiétante est due, en partie, aux progrès de l’hygiène
et de la médecine, surtout infantile.
Nos enfants vivront demain sur cette planète saturée : le droit de procréer
devra y être étroitement limité.
(Texte : 994 mots. Résumé : 255 mots. Taux environ 1/4)

146 techniques de l’expression écrite et orale Le résumé



• Remarque : les corrigés des exercices fourniront d’autres exem-
ples ; les textes sont de longueur et de difficulté croissantes.
Commencez par quelques essais sur des textes courts, où l’effort
portera sur le détail de l’expression. Vous passerez ensuite au résumé
de textes plus développés : vous aurez à éliminer, en plus, des idées
et des raisonnements.

LE RÉSUMÉ
• n’est ni un plan à la présentation schématique, ni une prise
de notes en style télégraphique, ni une mosaïque d’expressions
empruntées au texte.
• se compose de phrases claires et complètes.

leçon exercices travaux dirigés corrigés 147


exercices

䊊 N.B. Comme dans les examens ou concours, dans les exercices
et les T.D., une variation du nombre de mots imposé de plus
ou moins 10 % est tolérée.

䊊 Ex 1 Résumez en 80 mots le texte suivant :

Qu’est-ce qu’une vertu ? C’est une force qui agit, ou qui peut agir. Ainsi la vertu
d’une plante ou d’un médicament, qui est de soigner, d’un couteau, qui est de
couper, ou d’un homme, qui est de vouloir et d’agir humainement. Ces exemples,
qui viennent des Grecs, disent assez l’essentiel : vertu c’est puissance, mais puis-
sance spécifique, la vertu de l’ellébore n’est pas celle de la ciguë, la vertu du couteau
n’est pas celle de la houe, la vertu de l’homme n’est pas celle du tigre ou du serpent.
La vertu d’un être, c’est ce qui fait sa valeur, autrement dit son excellence propre :
le bon couteau c’est celui qui excelle à couper, le bon remède celui qui excelle à
soigner, le bon poison celui qui excelle à tuer...
On remarquera qu’en ce premier sens, qui est le plus général, les vertus sont
indépendantes de l’usage qui en est fait, comme de la fin qu’elles visent ou servent.
Le couteau n’a pas moins de vertu dans la main de l’assassin que dans celle du
cuisinier, ni la plante qui sauve davantage de vertu que celle qui empoisonne. Non,
certes, que ce sens soit dépourvu de toute visée normative : dans quelque main
que ce soit, et pour la plupart des usages, le meilleur couteau sera celui qui coupe
le mieux. Sa puissance spécifique commande aussi son excellence propre. Mais cette
normativité reste objective ou moralement indifférente. Il suffit au couteau d’accom-
plir sa fonction, sans la juger, et c’est en quoi bien sur sa vertu n’est pas la nôtre.
Un excellent couteau, dans la main d’un méchant homme, n’est pas moins excellent
pour cela. Vertu c’est puissance, et la puissance suffit à la vertu.
Mais à l’homme, non. Mais à la morale, non. Si tout être a sa puissance spécifique,
dans quoi il excelle ou peut exceller (ainsi un excellent couteau, un excellent médi-
cament...), demandons-nous quelle est l’excellence propre de l’homme. Aristote
répondait que c’est ce qui le distingue des animaux, autrement dit la vie raison-
nable1. Mais la raison n’y suffit pas : il y faut aussi le désir, l’éducation, l’habitude,
la mémoire... Le désir d’un homme n’est pas celui d’un cheval, ni les désirs d’un
homme éduqué ceux d’un sauvage ou d’un ignorant. Toute vertu est donc histo-
rique, comme toute humanité, et les deux, en l’homme vertueux, ne cessent de se
rejoindre : la vertu d’un homme, c’est ce qui le fait humain, ou plutôt c’est la
puissance spécifique qu’il a d’affirmer son excellence propre, c’est-à-dire (au sens

148 techniques de l’expression écrite et orale Le résumé



normatif du terme) son humanité. Humain, jamais trop humain... La vertu est une
manière d’être, expliquait Aristote, mais acquise et durable : c’est ce que nous
sommes (donc ce que nous pouvons faire), parce que nous le sommes devenus. Et
comment, sans les autres hommes ? La vertu advient ainsi à la croisée de l’hominisa-
tion (comme fait biologique) et de l’humanisation (comme exigence culturelle) :
c’est notre manière d’être et d’agir humainement, c’est-à-dire (puisque l’humanité,
en ce sens, est une valeur) notre capacité à bien agir. « Il n’est rien si beau et
légitime, disait Montaigne, que de faire bien l’homme et dûment. » C’est la vertu
même.
A. Comte-Sponville, Petit traité des grandes vertus,
© PUF, 1995, pp. 7 à 9.

䊊 Ex 2 Résumez en 150 mots le texte suivant :

L’humanité en proie aux inégalités


La discontinuité de l’évolution, individuelle et sociale, engendre nécessairement de
puissantes inégalités, et donc de fortes tensions, non seulement entre ethnies et
cultures d’âges différents dont les plus anciennes, les plus faibles, sont littéralement
écrasées – ainsi des Indiens, des Esquimaux, des Bochimans –, mais aussi à l’intérieur
de chaque ethnie, de chaque culture, de chaque société, entre les individus qui, pour
se ménager une place au soleil, comme aurait dit Darwin, se livrent une permanente
compétition.
Les dons étant divers et multiples, seuls ceux que la société affecte d’une connota-
tion positive ou d’une valeur marchande sont les premiers pris en compte : aujour-
d’hui, les compétences en ingénierie financière plutôt que les dispositions
artistiques, la biologie moléculaire plutôt que les sciences naturelles, et, bien
entendu, les aptitudes aux domaines du « virtuel » plutôt que les talents manuels.
Bref, on n’entre pas dans la compétition à armes égales et la société se révèle
dramatiquement incapable de faire éclore en chaque enfant, en déployant ses qua-
lités, le petit chef d’œuvre qu’il porte en lui à l’état d’ébauche. Hélas ! que d’êtres
humains resteront ainsi leur vie entière des chefs d’œuvre inconnus ou en péril !
On perçoit d’autre part dans l’évolution sociale un double mouvement : l’un, d’ex-
pansion, d’universalisation, largement relayé et amplifié par les grands médias inter-
nationaux, tendant à la planétarisation, à l’édification de ce « village global » dont
parlait McLuhan ; l’autre, de rétraction, illustré par la montée générale des nationa-
lismes, des intégrismes, des conservatismes de tous ordres, frileusement repliés sur
un respect strict et souvent restrictif des traditions.
Tandis que les jeunes, solidaires des mêmes valeurs, tributaires des mêmes stéréo-
types diffusés mondialement par les médias, voient déjà la planète comme un grand

leçon exercices travaux dirigés corrigés 149


village solidaire – même si ce village reste à construire –, on assiste dans le même
temps à une montée des égoïsmes nationaux ou tribaux, des intérêts catégoriels,
des nationalismes et des corporatismes les plus étriqués. Alors que s’affirme partout
le principe de solidarité, nourri de concepts nouveaux – telles la lutte contre l’exclu-
sion, l’ingérence humanitaire, sans doute demain l’ingérence écologique –, le mythe
terriblement efficace de la compétition économique, judicieusement rebaptisée
« guerre économique », ne cesse de croître et d’embellir, soumettant la planète
entière à une implacable partie de bras de fer, d’où les plus faibles, voire, comme
l’Afrique, un continent entier, sont cruellement éliminés. Cependant que le monde
futur se cherche en invoquant les grands idéaux des droits de l’homme – tout en
oubliant volontiers de parler des devoirs – et la solidarité manifestée par d’innom-
brables instances d’assistance et de coopération – ONU, ONG, associations, etc. –,
une lutte sans précédent fait rage, comme si la guerre, désormais étendue à tous
les domaines, avait rendu superflu son strict aspect militaire. Il en résulte un paysage
planétaire paradoxal et contradictoire dont les facettes ont pour noms « lutte politi-
que », « guerre économique », « conflits sociaux », etc.
Compétition/coopération, symbiose et affrontement : on retrouve à nouveau ce
couple de concepts alliant dialectiquement forces centrifuges et forces centripètes,
déjà à l’œuvre dans la matière et dans la vie préhumaine. Car l’humanité est elle-
même soumise aux lois qui sont celles de la vie dès l’origine, et même de la non-
vie. Les tensions perceptibles à tous les niveaux, au cœur de l’individu et entre les
individus, au cœur des cultures ou des ethnies et entre elles, sont désormais percep-
tibles au niveau de la planète entière. Qu’en adviendra-t-il ?
Jean-Marie Pelt, De l’univers à l’être,
© Librairie Arthème Fayard, 1996, pp. 110 à 112.

䊊 Ex 3 Résumez en 175 mots le texte suivant :

La commercialisation du spectacle sportif


Avec l’avènement du sport moderne, le spectacle sportif a pris un essor considé-
rable. Les grandes manifestations sportives se sont considérablement multipliées
avec l’accroissement des compétitions nationales, internationales et olympiques.
Avec leur multiplication, les manifestations sportives ont pris des proportions de
plus en plus gigantesques, à tel point que les grands spectacles sportifs touchent des
foules considérables. Le spectacle sportif mobilise aujourd’hui les grandes masses.
D’énormes stades ont été construits qui peuvent accueillir plusieurs dizaines de
milliers de personnes. En Amérique latine, en Espagne, en Russie, en Europe occi-
dentale ou centrale, des centaines de milliers de personnes assistent aux matchs de
football. Le stade de Rio de Janeiro au Brésil, par exemple, qui est un des plus

150 techniques de l’expression écrite et orale Le résumé



grands au monde, peut contenir jusqu’à 200 000 personnes. Les Jeux olympiques
réunissent également des centaines de milliers de personnes, tandis que les grandes
épreuves cyclistes (tour de France, d’Italie, d’Espagne, etc.) rassemblent les plus
larges foules. Ce phénomène de masse, un des plus remarquables de notre société,
a été accentué par l’introduction des grands moyens de communications, notam-
ment de la télévision, qui a transformé le spectacle sportif en un fait universel à
l’échelle de la planète. Aujourd’hui, grâce à la mondiovision, plusieurs centaines de
millions de téléspectateurs peuvent suivre en même temps les exploits des sportifs.
Ce sont, bien entendu, le caractère de masse et la popularité du spectacle sportif
qui ont tout de suite attiré les organisateurs des manifestations sportives. Ces orga-
nisateurs ont immédiatement compris que le sport pouvait être considéré comme
une affaire lucrative de grande envergure. « C’est là, note Meynaud, le point de vue
habituel des managers et imprésarios dont l’internationalisation des échanges spor-
tifs tend à augmenter le rôle. Cette optique est aussi celle des organisateurs des
grandes compétitions. »
C’est en tant qu’affaires commerciales, mettant en jeu des intérêts souvent impor-
tants, que sont de plus en plus organisées les grandes compétitions, non seulement
professionnelles, mais aussi amateurs.
Les tours de France, d’Italie, de Belgique ou d’Espagne, par exemple, sont de véri-
tables troupes publicitaires ambulantes qui mettent en jeu des sommes d’argent
très importantes. Il en va de même de la plupart des autres courses cyclistes, profes-
sionnelles ou amateurs : « classiques » diverses, critériums couplés avec des foires
commerciales locales ou des fêtes régionales, épreuves de longue durée (six jours),
etc. Les courses automobiles ou les challenges de moto mobilisent également des
sommes importantes et font marcher le commerce local. Les 24 heures du Mans,
par exemple, mettent en jeu non seulement les intérêts industriels des différents
constructeurs d’automobiles, mais drainent encore des sommes d’argent impor-
tantes (fête locale, organisation commerciale et touristique, etc.).
Le football, en tant que sport de masse populaire, est lui aussi l’objet de nombreuses
opérations lucratives et spéculations. Les organisateurs « monnayent », en particu-
lier, la valeur marchande des spectacles en faisant payer aux chaînes de télévision
des droits importants de retransmission. Par ailleurs, les pays ou les villes qui dési-
rent organiser telle ou telle grande compétition internationale (par exemple la
Coupe d’Europe des clubs) doivent payer des droits d’organisation. Une grande
compétition internationale de football est en effet une affaire commerciale qui peut
devenir rentable. C’est pourquoi les organisateurs s’efforcent de mettre sur pied
des compétitions « avantageuses » sur le plan financier, même si l’intérêt propre-
ment sportif doit en pâtir et si les règles sportives élémentaires sont transgressées.
« Comme on cherche à faire la plus grosse recette, explique H. Lucot, le stade sur

leçon exercices travaux dirigés corrigés 151


lequel un match important doit avoir lieu est presque toujours celui qui peut rece-
voir le plus de spectateurs. La règle de neutralité est ainsi violée, car le lieu qui fait
recette est presque toujours beaucoup plus favorable à une partie qu’à une autre. »
Les revenus ainsi encaissés profitent directement aux organisateurs des spectacles
sportifs. C’est cette recherche du « profit commercial sportif » qui détermine bon
nombre de managers et imprésarios sportifs à monter une grande quantité de spectacles
« payants » et lucratifs, dans le domaine du sport tant professionnel qu’amateur. D’où
l’inflation du nombre des épreuves sportives dont l’objectif est de rapporter de
l’argent dans les meilleures conditions. D’où aussi la confusion entre les valeurs
monétaires et les valeurs sportives. J. Marquet constate par exemple que très peu
de compétitions de football, qui sont pourtant très nombreuses sur le plan euro-
péen, ont un intérêt sportif et une réelle portée. « Les autres, dit-il, n’ont pour but
que de remplir un peu plus les calendriers des clubs professionnels pour améliorer
les trésoreries. L’astuce, pour ceux qui ont vocation ou métier de « vendre du
football », sous une forme ou une autre, consiste à entretenir une certaine confusion
dans l’ordre des valeurs... ».
On rencontre les mêmes phénomènes dans les autres sports. En tennis, il y a proli-
fération des tournois qui opposent les noms les plus prestigieux d’une troupe de
joueurs professionnels en tournée à travers le monde. La plupart des grands joueurs
de tennis se retrouvent ainsi dans ces équipes qui fonctionnent réellement sur le
mode d’une entreprise capitaliste du spectacle sportif avec partage des bénéfices
entre les actionnaires-joueurs, avec prospection publicitaire des marchés, etc. Le
même phénomène existe avec les tournées de la « cohorte » des coureurs automo-
biles professionnels qui se déplacent d’une compétition à l’autre, presque en famille.
Aux USA enfin on est en train de mettre sur pied une troupe de skieurs et d’athlètes
professionnels qui cherchent à monnayer leurs prestations sportives. Et l’on pourrait
allonger la liste des exemples concrets dans tous les sports.
Le seul objectif des organisateurs est de monter à grands renforts de publicité des
spectacles et des manifestations financièrement bénéficiaires et commercialement
profitables. Le but est là aussi, comme dans le reste du processus capitaliste, la
recherche du profit, la réalisation des bénéfices, qui passent bien avant l’objectif
proprement sportif. Le spectacle sportif est monté de toute pièce pour faire de
l’argent. Dès lors, le spectacle sportif n’obéit plus qu’aux intérêts de la rentabilité
financière.
Jean-Marie Brohm, Sociologie politique du sport,
Presses universitaires de Nancy, 1992, pp. 208 à 210.

152 techniques de l’expression écrite et orale Le résumé



䊊 Ex 4 Résumez en 100 mots le texte suivant :

Érotisme et publicité
L’érotisme de la marchandise est avant tout publicitaire, et par là il concerne directe-
ment la culture de masse, qui englobe les plus importants moyens de publicité modernes
(journaux, radio, télévision). Effectivement la virulence érotique se manifeste beaucoup
plus dans les publicités que dans les marchandises elles-mêmes, c’est-à-dire beaucoup
plus dans l’incitation à consommer que dans la consommation (la pin-up qui montre ses
jambes pour Schweppes ne se retrouve évidemment pas dans cette boisson gazeuse).
L’injection d’érotisme dans la représentation d’une marchandise anérotique (les
publicités qui accolent une attirante image féminine à un frigidaire, une machine à
laver ou un soda) a pour rôle, non seulement (ou tant) d’exciter directement la
consommation masculine, mais d’esthétiser aux yeux des femmes la marchandise
qu’elles s’approprieront ; elle met en jeu chez l’éventuelle cliente la magie d’identifi-
cation séductrice ; la marchandise joue à la femme désirable, pour être désirée par
les femmes en faisant appel à leur désir d’être désirées par les hommes. En même
temps la pin-up devient symbole esthétique de la qualité, elle indique que dans son
domaine, le produit dispose des vertus charmantes de la belle. Cette pin-upisation
s’ajoute à la nouvelle esthétique de l’offre marchande, par carénages aérodyna-
miques, emballages en cellophane, couleurs vives.
D’autre part, la publicité opère, pour certains produits, un dévoilement quasi psy-
chanalytique des latences érotiques que peut éveiller leur consommation, et surtout
elle survolte les objets déjà dotés de charge érotique. Ainsi la poussée érotique se
fait virulente à l’extrême sur les produits pour l’épiderme et les parties sexuelles
secondaires du corps, chevelure, poitrine, cuisses et aussi les produits pour l’âme :
journaux, magazines, films. Certes, il y eut de tout temps des produits de séduction.
Mais c’est le nouveau cours publicitaire qui devait transformer les produits d’hygiène
en produits de beauté et de séduction. La publicité de masse a dévoilé l’érotisme
jusqu’alors latent (et même refoulé) du produit d’hygiène type, le savon, et l’a
imprégné d’érotisme jusqu’à le transformer en produit de séduction : « 9 stars sur
10 utilisent le savon Lux ». La publicité a rapidement franchi le chemin qui va de la
propreté à la beauté et de la beauté au sex-appeal. Shampooings, crèmes, pâtes
dentifrices ont vu leur finalité première submergée par la finalité érotique. Colgate,
Gibbs ne luttent pas contre la carie ; ils procurent dent blanche, haleine fraîche,
sourire charmeur – mille baisers. Les produits de régime à leur tour sont devenus
des produits de séduction, ajoutant la valence beauté à la valence santé, puisqu’ils
apportent désormais, outre la santé à l’hépatique, la sveltesse au bedonnant.
E. Morin, L’esprit du temps,
© Éditions Bernard Grasset, 1962, pp. 161-162.

leçon exercices travaux dirigés corrigés 153


䊊 Ex 5 Résumez en 170 mots le texte suivant :

Le pouvoir sur scènes


Le pouvoir établi sur la seule force, ou sur la violence non domestiquée, aurait une
existence constamment menacée ; le pouvoir exposé sous le seul éclairage de la
raison aurait peu de crédibilité. Il ne parvient à se maintenir ni par la domination
brutale, ni par la seule justification rationnelle. Il ne se fait et ne se conserve que
par la transposition, par la production d’images, par la manipulation de symboles et
leur organisation dans un cadre cérémoniel. Ces opérations s’effectuent selon des
modes variables, combinables, de présentation de la société et de légitimation des
positions gouvernantes. Tantôt la dramaturgie politique traduit la formulation reli-
gieuse, elle fait de la scène du pouvoir une réplique ou une manifestation de l’autre
monde. La hiérarchie est sacrée – comme le dit l’étymologie 1 – et le souverain
relève de l’ordre divin, y appartenant ou en tenant son mandat. Tantôt le passé
collectif, élaboré en une tradition, en une coutume, devient la source de la légitima-
tion. Il est une réserve d’images, de symboles, de modèles d’action ; il permet
d’employer une histoire idéalisée, construite et reconstruite selon les nécessités, au
service du pouvoir présent. Ce dernier gère, et assure ses privilèges, par la mise
en scène d’un héritage.
C’est cependant par le mythe du héros que la théâtralité politique se trouve le plus
souvent accentuée ; il engendre une autorité plus spectaculaire que celle dite de
routine parce que sans surprises. Le héros n’est pas d’abord estimé tel parce qu’il
serait « le plus capable » – et notamment d’assumer la charge souveraine, comme
l’affirme Carlyle 2. Il est reconnu en raison de sa force dramatique. Il tient sa qualité
de celle-ci, non de la naissance ou de la formation reçue. Il apparaît, agit, provoque
l’adhésion, reçoit le pouvoir. La surprise, l’action, le succès sont les trois lois du
drame qui lui donne l’existence. Il doit encore les respecter dans la conduite du
gouvernement, se maintenir dans son propre rôle, montrer que la chance reste sa
partenaire à l’avantage de tous. Dans les formes contemporaines, le héros change
de figure ; il est moins l’heureux époux de la Fortune qu’il n’est le maître de la
« science » des forces historiques. Il les connaît, il peut les maîtriser, il rendra leurs
effets positifs : toutes les manifestations extérieures du pouvoir sont produites afin
de donner cette impression. Le recours à l’imaginaire devient la convocation d’un
avenir par lequel l’inévitable se transformera en avantage pour le plus grand nombre
des sujets. Les lumières de la scène du futur éclairent celle du présent.

1. Hiérarchie est composée du grec hiéros (sacré) et arkhein (commander), donc pouvoir
d’origine religieuse.
2. Carlyle : historien et philosophe écossais du XIXe siècle.

154 techniques de l’expression écrite et orale Le résumé



Tous ces procédés, isolément ou le plus souvent en association, définissent des
fonctionnements politiques reconnus. L’un de ceux-ci se situe à part, parce que ses
potentialités dramatiques sont plus faibles. C’est le mode démocratique établi sur
la base de la représentation, pour lequel le pouvoir résulte de la règle majoritaire.
Il ne dépend ordinairement ni de la connivence des dieux ou du respect de la
tradition, ni de l’irruption du héros ou du contrôle des courants de l’histoire. Il
requiert l’art de la persuasion, du débat, la capacité de créer les effets favorisant
l’identification du représenté au représentant. Il dramatise par l’élection, à l’occasion
de quoi une « partie » nouvelle paraît pouvoir être jouée. L’intensité de l’action
résulte de l’incertitude relative à la majorité, à son maintien ou à son changement ;
le moment spectaculaire est celui des crises de gouvernement. Occasionnellement,
l’effet de surprise – ce que le langage du jour nomme « un coup » – brise la routine,
étonne et donne l’avantage. Les nouvelles techniques ont livré des moyens plus
puissants à la dramaturgie démocratique : ceux des médias, de la propagande, des
sondages politiques. Ils renforcent la production des apparences, ils lient le destin
des gens de pouvoir à la qualité de leur image publique autant qu’à leurs œuvres.
On dénonce alors la transformation de l’État en « État spectacle », en théâtre d’illu-
sion. Ce qui se trouve ainsi soumis à la critique, parce que considéré comme perver-
sion, n’est que le grossissement d’une propriété indissociable des relations de
pouvoir.
Georges Balandier, Le pouvoir sur scènes,
© Éditions Balland, 1992, pp. 16 à 18.
Sujet des Concours Polytechniques en 1995.

䊊 Ex 6 Résumez en 200 mots le texte suivant :

Une mondialisation accélérée et mal régulée


Il y a cinquante ans, au sortir de la guerre, l’espace économique était morcelé :
absence de convertibilité des monnaies entre elles, taux de change multiples selon
les opérations, droits de douane et contingents tarifaires partout. Aujourd’hui, c’est
la situation inverse qui prévaut : les capitaux circulent librement, les biens et la
plupart des services aussi, les droits de douane sont faibles et les contingents tari-
faires rares. Le marché du travail lui-même commence à s’unifier.
Pourtant ce sont, à peu de choses près, les mêmes institutions que celles qui ont
été mises en place dans l’après-guerre qui pilotent l’économie mondiale. À l’époque,
elles avaient une forte vertu anticipatrice. Aujourd’hui, elles ne sont plus à l’échelle
des problèmes à résoudre. Elles se sont assez peu modernisées, et certaines ont
même vu leur efficacité se dégrader : on évoquait plus haut l’abandon du système
de parités fixes et l’institution des taux de change flottants qui, s’il n’a pas produit

leçon exercices travaux dirigés corrigés 155


les catastrophes annoncées par certains, reste un facteur important d’instabilité et
d’obstacle à la prise de risque. On prend partout conscience du caractère multidi-
mensionnel des problèmes, alors que, au niveau mondial, ceux-ci restent traités par
des institutions différentes qui ont du mal à coordonner leur action, qu’il s’agisse
de politiques économiques et monétaires (FMI), d’aide au développement (la Banque
mondiale), de commerce (GATT, puis OMC) ou d’environnement (les suites de la
conférence de Rio).
En un mot, il n’y a pas de pilotage d’ensemble, et pas de projet pour qu’il en soit
véritablement ainsi. Les États-Unis ne jouent pas ce rôle, et gèrent à leur seul profit
les avantages qu’ils peuvent tirer de leur situation d’économie dominante. Le Japon
paraît encore concentré sur son désir d’accumulation et de puissance. Et l’Europe
n’est pas en mesure de peser de façon efficace sur la régulation mondiale, tant
qu’elle n’est pas dotée d’une monnaie unique et d’une structure politique suffisam-
ment forte.
Cette insuffisante régulation de l’économie mondiale pèse sur la situation de l’em-
ploi. Car à l’absence de règles communes, on réagit par l’offensive solitaire ou la
défense frileuse. Les avantages compétitifs obtenus par les uns paraissent gagnés
aux dépens des autres. L’économie mondiale se met à fonctionner comme un jeu
à somme nulle, et au moment où le marché du travail s’unifie, cette insuffisance est
grave. On redoute ainsi, en permanence, que le travailleur des pays pauvres ne
prive de son métier celui des pays riches. On a peur des bas salaires des pays
émergents, sinon de leur émergence elle-même, après l’avoir pourtant longtemps
souhaitée. Et l’on voudrait se protéger de leurs exportations par des impôts ou des
taxes, quitte à leur en restituer le produit à des fins de développement social, ce
qui est pour le moins paradoxal.
Ce qu’on oublie, dans ce débat, c’est que ces très bas salaires des pays « émer-
gents » sont dus au fait que la productivité du travail est, là-bas, beaucoup moins
élevée que chez nous, en raison notamment du long processus d’accumulation que
nous avons connu 1. On oublie que la plupart de ces pays sont en déficit de balance
des paiements, car ils importent des biens d’équipement. On ne sait pas que le
cercle vertueux pour l’économie mondiale serait d’ouvrir nos marchés à leurs pro-
ductions pour qu’ils puissent s’endetter et investir chez eux, et provoquer ainsi un
jeu d’échanges positif, où notre épargne irait s’investir et préparer nos retraites de
demain.
Certes, ceci obligerait notre emploi à se « déverser » encore plus rapidement, au
sein de l’économie nationale, vers des emplois nouveaux, puisque le contenu en

1. Concrètement, du fait d’une moins bonne formation, du fait surtout d’un capital installé
(machines, infrastructures) bien plus faible, un ouvrier thaïlandais – par exemple – ne produit
pas autant, en une heure de travail, que l’ouvrier similaire en France.

156 techniques de l’expression écrite et orale Le résumé



emplois de nos exportations vers les pays émergents est plus faible que le contenu
en emploi de nos importations. Mais ce sont les difficultés normales d’un processus
d’évolution économique.
En somme, plutôt que de mettre vigoureusement en chantier le cadre de règles et
d’institutions qui assurerait davantage de coopération entre États, on stigmatise les
effets néfastes des échanges. On s’interroge sur la nécessité de brider les échanges
au niveau des quelques régulations existantes (le « premier cercle » des pays euro-
péens, le « deuxième cercle » des pays liés par un accord économique...), au lieu
de s’atteler à hisser les mécanismes régulateurs au niveau des échanges tels qu’ils
sont.
Dans l’économie mondiale actuelle, il y a trop de concurrence et pas assez de
coopération entre les entreprises comme entre les États. Trop de dérégulation et
pas assez de règle du jeu en matière de taux de change ou de commerce. Trop de
confiance dans les mécanismes de marché et pas assez d’élaboration d’institutions
nouvelles. Il faudrait réaliser au niveau mondial les progrès pionniers qui furent
accomplis en Europe dans les années cinquante.
Ceux qui paient cette sous-optimalité du développement mondial sont tout autant
les travailleurs fragiles des pays riches, que les travailleurs pauvres des pays qui ne
parviennent pas à amorcer leur essor. L’exclusion n’est pas seulement une donnée
nationale, elle a aussi une composante mondiale. C’est donc à ce niveau qu’il faut
agir, plutôt que dans la recherche de fausses solutions ; mais l’imagination est peu
active sur ce terrain essentiel.
Jean-Baptiste de Foucauld et Denis Piveteau,
Une société en quête de sens,
© Éditions Odile Jacob, 1995, pp. 42 à 44.

leçon exercices travaux dirigés corrigés 157


travaux dirigés

䉯 Td 1 Résumez en 220 mots le texte suivant :

Galanteries animales
Pour tout un chacun, séduire, c’est obtenir du partenaire que l’on a choisi un bien-
fait, qu’il s’agisse d’un avantage social (supérieur hiérarchique) ou sentimental – « et
plus si affinités » (partenaire de cœur). Dans bien des cas, les deux aspects sont
mêlés : il se peut que l’avantage social corresponde à l’accès à un plus grand nombre
de partenaires sentimentaux et que l’avantage sentimental constitue un tremplin
pour grimper l’échelle sociale. Autant de caractéristiques que nous défendons
comme spécifiques de l’espèce humaine, bipède au cerveau surgonflé, et de sa
différence avec les autres animaux, uniquement capables de parades nuptiales très
ritualisées et répétitives, où il n’y a ni volonté ni stratégie consciente. Pourtant, en
y regardant de près, ces animaux-là nous interrogent de façon troublante.
En matière de séduction, le canari fait l’objet d’études scientifiques très poussées
aux résultats surprenants. Au printemps, le mâle se pose sur une branche bien en
évidence de plusieurs femelles installées dans leur nid. Il se lance alors dans des
trilles virevoltants, mais impossible de déterminer quelle femelle de son auditoire
en est la cible. Le choix est fait par les oiselles, qui adoptent une posture d’accouple-
ment équivalant à une invite. Mais attention ! Si le chant du mâle en question
contient une phrase sonore particulière, la « sexy phrase », toutes les femelles arbo-
rent, dans un bel ensemble, la posture d’invite. Une seule réussira à attirer le séduc-
teur dans son nid, tandis que les autres se contenteront de mâles au ramage moins
enchanteur.
Cet exemple montre bien que le séducteur actif n’est pas maître de la situation,
qui se concrétise ici par un accouplement dans le nid de la décideuse. En outre,
tous les mâles ne sont pas égaux en termes de séduction – vérité douloureuse, mais
relative, rassurons-nous. Seuls certains sont capables de produire la sexy-phrase et
de ravir un auditoire entier. Les autres – la majorité – trouvent pourtant une parte-
naire avec qui assurer leur descendance. Ce trille qui fait craquer les femelles canaris
possède des caractéristiques remarquables : il s’agit d’une envolée lyrique rendue
particulièrement stridente – même pour un canari – par l’utilisation simultanée des
deux syrinx (chacun des conduits qui relient les poumons à la zone de production
des sons, l’équivalent de notre larynx), sorte de prouesse irrésistible pour les
femelles. Mais pourquoi ?
Il semble que seuls les mâles en parfaite condition physique – dont l’état des
réserves de graisse, entre autres, est bon – soient capables de produire ces sons.

158 techniques de l’expression écrite et orale Le résumé



La « sexy-phrase » constituerait donc pour les femelles canaris une indication du
pouvoir reproducteur des mâles. Cette interprétation des chercheurs est confortée
par le fait que le plupart des malchanceuses réussissent à tromper la vigilance de
leur partenaire pour s’accoupler au moins une fois avec l’un des « sexy-chanteurs »
du voisinage. Et l’année suivante, ce ne sont pas forcément les mêmes mâles qui
lancent la sexy phrase – ce qui est rassurant en soi.
Pris comme indicateurs de robustesse et de vigueur reproductrice, les comporte-
ments de séduction apparaissent comme des solutions adaptatives efficaces qui aug-
mentent les chances de survie de la descendance issue de ces séducteurs. Chez
beaucoup d’oiseaux, le rituel complexe de parade permet à chacun des deux parte-
naires d’apprécier les qualités de l’autre ; ainsi des longues séquences de nage en
miroir du cygne, pendant lesquelles le mâle reproduit très exactement le moindre
des mouvements de sa compagne potentielle. Dans certains cas, il s’agit même
d’évaluer la capacité à participer aux soins des jeunes et à leur protection. Le rituel
d’offrande de nourriture est très répandu tant chez les oiseaux – les faucons le
font en plein vol – que chez les mammifères. On observe également des offrandes
d’éléments de construction du nid ou d’habillage du terrier, voire, comme chez les
épinoches, la présentation d’un nid entièrement construit. Les cadeaux et les dîners
au restaurant ne sont pas l’apanage des hommes...
Si, en ce qui concerne les canaris, nous ne sommes pas en mesure d’identifier la
femelle – ou le groupe de femelles – qui pousse le mâle à chanter, nous savons
tous d’expérience que nos efforts de séduction s’adressent à une personne précise
qui nous attire. Mais d’où vient cette attirance ? Chez les animaux, du moins, elle
passe par une famille de molécules très spécifiques : les phéromones, qui intervien-
nent dans nombre de comportements comme des agents de communication per-
mettant aux individus de s’identifier et de marquer leur territoire. Ce sont
précisément ces molécules que les chats déposent en se frottant contre nos jambes,
nous marquant ainsi de leur signature d’identité moléculaire, ce qui, lorsqu’ils la
reconnaîtront, les rassurera. Mais l’origine de ces phéromones, bien plus lointaine,
est indissociable de la fonction de reproduction.
Les expériences de Jean Henri Fabre, grand entomologiste français du début du
XXe siècle, démontrent que les femelles du papillon de nuit prêtes à être fécondées
émettent des phéromones capables d’attirer à elles des mâles de leur espèce dis-
tants de plusieurs centaines de mètres. Ce sont également des phéromones qui
permettent aux oursins de se reproduire. Mâles et femelles libèrent leurs cellules
reproductrices (gamètes) directement dans l’eau de mer, si bien que la rencontre
des gamètes – qui aboutit à la fécondation – se fait au gré des courants. Bien sûr,
aucune possibilité de séduction pour ces échinodermes, qui ne se font jamais la
cour ! Mais est-ce si certain ? Les courants, les vagues et les marées sont autant de

leçon exercices travaux dirigés corrigés 159


facteurs qui risquent de disperser les gamètes et d’interdire la reproduction des
oursins. Heureusement, la laitance des femelles contient aussi des phéromones qui
déclenchent la libération des spermatozoïdes lorsqu’elles sont dans le voisinage d’un
mâle, ce qui assure le succès de la reproduction.
Nous n’irons pas jusqu’à dire que les phéromones sont les déterminants de nos
élans de séduction, parce que la plupart des animaux mobiles ont développé des
rituels amoureux où interviennent de multiples vecteurs de communication. Des
expériences menées par l’équipe d’éthologie humaine de Boris Cyrulnik laissent
toutefois à penser que, même si nous n’en avons aucune conscience, l’espèce
humaine utilise les phéromones dans ses comportements, notamment dans l’identi-
fication du sexe des congénères. Imaginez une salle d’attente, avec vingt chaises qui
en font le tour. On dépose sur l’une d’elles une solution de phéromones féminines,
puis on fait entrer une série d’hommes et de femmes, l’un après l’autre. Les
hommes choisissent systématiquement soit la chaise imprégnées de phéromones,
soit celle d’à côté. Toutes les femmes s’assoient sur l’une des chaises les plus éloi-
gnées...
Il est bien entendu que nombre de déterminants visuels, auditifs ou odorants entrent
en ligne de compte. La plupart sont fortement modelés par nos acquis culturels.
Les publicistes le savent bien et les utilisent largement en vue de stimuler nos
besoins de consommateurs. D’autres sont plus fondamentaux et répondent à des
critères d’évaluation de vigueur reproductrice caractéristiques de l’espèce humaine,
et les publicistes s’en servent également. Dans ces deux cas, nous sommes générale-
ment capables de définir plus ou moins bien ce qui nous attire. Et le coup de
foudre alors ? Les cas où l’on ne comprend pas soi-même les raisons d’une attirance
irrépressible ?
Stéphane Hergueta, in La Séduction,
hors-série du © Nouvel Observateur, juillet 2001, pp. 32-33.

䉯 Td 2 Résumez en 250 mots le texte suivant :

La langue française et le féminin


L’Académie française a tenté de résister un moment à la féminisation des titres et
des fonctions en s’abritant derrière la logique grammaticale, comme si celle-ci tom-
bait du ciel, sans comprendre que la prétendue neutralité du masculin, que nos
Académiciens tiennent à appeler le genre non marqué, était en fait la trace linguis-
tique d’un ordre social ancien et la survivance symbolique de l’androcentrisme dans
notre culture et notre langue.
Il est trop évident que l’absence traditionnelle des femmes dans l’espace public
(sphère des activités économiques non domestiques, milieu politique et culturel,

160 techniques de l’expression écrite et orale Le résumé



etc.) s’est accompagné d’une absence de formes féminines dans le vocabulaire fran-
çais. Le masculin était nécessairement dominant dans la langue, d’autant qu’il était
censé valoir aussi pour les deux sexes (par exemple au pluriel : les habitants), pour
désigner une catégorie volontairement non marquée (l’usager, le lecteur) ou encore
dans le cas des noms dit épicènes, qui n’ont qu’un seul genre, quel que soit le sexe
des personnes désignées : on dit un assassin, un témoin, un faux-monnayeur ou un
monstre, mais aussi un auteur ou un imprimeur. Quelques épicènes sont féminins,
comme une bête, une victime, ou encore la fameuse sentinelle, immanquablement
citée par ceux qui entendent prouver que les épicènes ne sont pas sexistes. Mais il
n’est pas sorcier de remarquer que la plupart des prétendus épicènes masculins
sont en fait des noms de métier jadis exercés exclusivement par des hommes.
Grevisse 1 ne manque pas de le souligner au moment de donner une liste d’épicènes
masculins qui comprend par exemple architecte, auteur, ministre, peintre, plombier,
pilote, et grand couturier. Ce dernier nom est particulièrement symptomatique de
cette hiérarchie des genres qui reflète la hiérarchie sexuelle sociale : la couturière
est forcément petite, le couturier forcément grand. Certains grammairiens conser-
vateurs font aujourd’hui semblant de confondre les noms de métier avec des épi-
cènes ou encore avec une prétendue neutralité du masculin, comme si le français
n’accordait pas normalement le genre avec le sexe des personnes. L’usage le plus
ancien dément évidemment cette thèse dès lors que des activités sont effectivement
exercées par des femmes. Dans les années trente, moins frileux qu’aujourd’hui, les
Immortels n’ont pas hésité à créer aviatrice, avocate, électrice et candidate (bien que
la France de l’époque raillât encore les suffragettes). De fait, le français accorde le
plus souvent le genre grammatical au sexe : un paysan, une paysanne, un danseur,
une danseuse. L’usage impose donc très logiquement la féminisation progressive des
noms de fonctions, titres et métiers lorsqu’ils nomment des femmes et, lorsque la
structure de la langue n’en souffre pas, on dit tout naturellement une dentiste ou
une ministre.
Cette tendance légitime se heurte cependant à l’absence de féminin, qu’il faut alors
construire, ou encore à l’existence d’un féminin anachronique. Le français, en effet,
a largement usé d’un féminin que j’appellerai matrimonial, puisqu’il servait à nommer
les femmes uniquement à partir de leurs places d’épouses. Comme tant d’autres
noms féminins, la pharmacienne a longtemps désigné la femme du pharmacien,
comme l’ambassadrice était l’épouse de l’ambassadeur, la mairesse la femme du
maire, pour ne rien dire de l’étudiante qui signifia un moment la maîtresse de l’étu-
diant 2 ! Ces exemples parlent d’eux-mêmes et donnent une raison suffisante pour
rompre avec un usage selon lequel les femmes n’avaient d’autre statut – ni d’autre

1. Maurice Grevisse, Le Bon Usage, douzième édition, Paris, Duculot, 2001, p. 795.
2. Le Bon Usage, op. cit., p. 791.

leçon exercices travaux dirigés corrigés 161


nom – que celui de leur époux ou de leur amant. La survivance déplacée du féminin
matrimonial laisse aux femmes les titres qu’elles doivent à leur mari alors qu’il
convient de les attribuer à celles qui les méritent elles-mêmes. En défendant cette
survivance, Maurice Druon montre qu’il ne comprend pas le nouvel usage du fémi-
nin dénoncé comme « contresens grammatical » 1. Mais l’ancien Secrétaire perpétuel
ne devrait-il pas réfléchir au contresens historique et à l’anachronisme dans lesquels
il tombe lui-même ?
Le français n’a jamais été économe du féminin pour les travaux domestiques ou les
professions manuelles, et l’Académie reconnaît volontiers que « l’usage s’est établi
depuis longtemps de formes féminines dans les noms du négoce : boulangère, char-
cutière, épicière ». Ce genre lui semble pourtant mal approprié aux métiers nobles
ou aux fonctions élevées. Un esprit raffiné a même osé écrire que la « sexualisation »
des titres de la vie publique priverait les femmes de leur véritable conquête : « l’au-
torité, les responsabilités, le pouvoir » puisque « Cela se dit grammaticalement au
masculin » 2 Bigre ! je ne suis pas sûre que la grammaire mérite d’être embrigadée
dans une cause aussi douteuse. Il semble vain de s’enliser ainsi dans des arguties
sexistes finalement contraires à l’esprit d’une langue capable de jouer avec toutes
les possibilités : concordance du genre et du sexe, écart occasionnel, mais aussi
mélange troublant du masculin et du féminin, comme lorsque Flaubert écrit joliment
à Georges Sand : « chère bon maître ».
Nul ne souhaite violenter les structures linguistiques ni ajouter systématiquement
le féminin au masculin là où le pluriel, par exemple, signifie avantageusement les
deux genres. Il est plus économique de s’adresser au lecteur que de le faire « au
lecteur et à la lectrice », ou encore de parler des « habitants d’une ville » que « des
habitants et des habitantes » – quoique ce principe d’économie, que les grammaires
énoncent en disant que « le masculin l’emporte sur le féminin », reste l’expression
d’une sorte de lutte grammaticale des genres que le masculin continue de « rempor-
ter » ! Quoi qu’il en soit, une telle économie ne joue pas lorsqu’il s’agit de nommer
la pharmacienne ou la députée, la secrétaire (fût-elle d’État), la policière ou l’avo-
cate, l’historienne ou la philosophe. Dans le champ linguistique et symbolique,
comme dans d’autres, l’usage des deux genres ou de formes mixtes (lorsqu’il suffit
de changer le déterminant) accompagnera dorénavant, n’en doutons pas, la pré-
sence et la visibilité des femmes dans la vie sociale. Et tant mieux si subsiste tel ou

1. « Adresse à Monsieur le Président de la République, protecteur de l’Académie française. »


Le Figaro du 9 janvier 1998.
2. Marc Fumaroli, « La querelle du neutre », Le Monde, 31 juillet 1990. C’est nous qui souli-
gnons.

162 techniques de l’expression écrite et orale Le résumé



tel mot témoignant de la discordance toujours possible du sexe et du genre, comme
mannequin, modèle, vedette, ou mauviette, avec leur effet équivoque.
Sylviane Agacinski, Politique des sexes,
© Éditions du Seuil, coll. Points-Seuil, 1998, pp. 26 à 29.

䉯 Td 3 Résumez en 175 mots le texte suivant :

Comment instaurer de nouveaux droits et de nouvelles institutions qui réduisent la


précarité et l’insécurité sociale ? L’idée d’une sécurité sociale professionnelle s’im-
pose de plus en plus dans le débat public sur ces questions, et c’est heureux. Actuel-
lement le droit du travail et la protection sociale ne protègent guère contre les
mobilités subies, le licenciement, le chômage de longue durée... Il faut réinventer
des institutions à la hauteur des défis actuels : la seule défense de la « Sécu » et du
Code du travail apparaît dramatiquement insuffisante.
De la même manière que la Sécurité sociale répare et tente de prévenir aujourd’hui
les accidents du travail, la sécurité sociale professionnelle devra demain réparer et
prévenir les accidents de l’emploi. Cela aurait dû être la vocation de l’assurance-
chômage. Mais l’Unedic s’est transformée sous la tutelle du patronat en un instru-
ment de déresponsabilisation des entreprises et de pression sur les chômeurs –
dont moins de la moitié sont indemnisés. Aujourd’hui, les entreprises ont toute
liberté de prendre et de jeter leur main-d’œuvre, à condition de respecter des
procédures formelles. Le paiement des cotisations d’assurance-chômage les exo-
nère de toute responsabilité dans le sort des travailleurs qu’elles mobilisent et
démobilisent à leur gré.
Il faut en finir avec cette logique. Au contraire, une véritable sécurité sociale profes-
sionnelle devra responsabiliser les entreprises quant aux conséquences de leurs
décisions d’emploi et soumettre celles-ci à un contrôle social. Toute personne qui
aura perdu son emploi ou qui décidera d’en rechercher devrait se voir proposer à
un emploi (ou une formation) et un revenu correspondant à ses qualifications. Cha-
cun, employé ou non, devrait bénéficier d’un statut et de droits non bornés par
l’horizon de l’entreprise qui l’emploie (ou l’a employé). Quant aux licenciements ou
suppressions d’emplois, ils devraient être soumis à un impératif de justification
devant les parties prenantes à la vie de l’entreprise : les comités d’entreprise en y
incluant aussi les collectivités territoriales, les associations d’usagers, etc., bref, les
organes de la société civile directement concernés par les décisions des entreprises.
Ainsi le « droit au travail » et le « droit au revenu » affirmés dans le préambule de
la Constitution de 1947 pourraient trouver enfin leur concrétisation.
Trois grands principes pourraient fonder un authentique projet de sécurité sociale
professionnelle : continuité du salaire et des droits sociaux au-delà de la position

leçon exercices travaux dirigés corrigés 163


productive du moment ; droit à la mobilité individuelle négociée au sein de filières
et de réseaux, à adhésion obligatoire pour les entreprises ; financement mutualisé,
par les entreprises et subsidiairement l’État, des coûts afférents à ces droits. Une
modulation des cotisations sociales en fonction de la précarité des contrats pénalise-
rait les entreprises qui en abusent. Surtout, le fonctionnement d’ensemble serait
soumis à une contrainte de justification sociale et de débat démocratique, source
d’un profond renouvellement de la démocratie sociale.
Ainsi les suppressions d’emploi seraient conditionnées à l’accord du comité d’entre-
prise, élargi aux parties prenantes de l’entreprise. Les directions devraient démon-
trer que des suppressions d’emploi sont nécessaires pour sauvegarder l’entreprise.
Les mobilités désirées seraient favorisées, les mobilités imposées plus rares, et sou-
mises à des contraintes de justification et de transparence.
Le principal intérêt de cette sécurité sociale professionnelle serait au fond de favori-
ser une triple alliance entre les pouvoirs publics (qui devront créer par la loi les
institutions nécessaires), les représentants des salariés, et la société civile qui aurait
ainsi son mot à dire sur les choix économiques, écologiques et sociaux des entre-
prises. Elle représenterait une avancée substantielle de la démocratie dans l’entre-
prise et sur le marché du travail.
Thomas Coutrot, « Une « flexicurité » à la française », in Michel Husson,
Travail flexible, salariés jetables, © La Découverte, 2006, pp. 120 à 122.

䉯 Td 4 Résumez en 180 mots le texte suivant :

Depuis la fin des années 1970 les activités à risque connaissent un étonnant succès,
de même les entreprises des « nouveaux aventuriers », des sportifs de l’« extrême ».
Sur un autre plan, les conduites à risque des jeunes générations se développent et
suscitent l’inquiétude.
Une apparente contradiction oppose en effet une société globale préoccupée par
la traque du risque, les programmes de prévention, de prise en charge, les opéra-
tions de contrôle, les mesures de précautions, etc., et les pratiques individuelles
souvent vouées à l’exposition volontaire de soi, sous des formes variées, notamment
les activités physiques et sportives, ou à une certaine indifférence comme dans le
domaine de l’éducation pour la santé où les campagnes d’information atteignent
rarement leurs objectifs initiaux. Cet écart entre le souci politique de réduction des
risques d’accidents, de maladie, de catastrophes technologiques ou naturelles, de
protection optimale des populations, et la recherche individuelle de sensations
fortes, de stress, de loisirs qui ne sont pas de tout repos, marque en profondeur
l’ambivalence de nos sociétés occidentales.

164 techniques de l’expression écrite et orale Le résumé



La notion de conduite à risque est ici entendue comme un jeu symbolique ou réel
avec la mort, une mise en jeu de soi, non pour mourir, bien au contraire, mais qui
soulève la possibilité non négligeable de perdre la vie ou de connaître l’altération
des capacités physiques ou symboliques de l’individu. Elle témoigne d’un affronte-
ment avec le monde dont l’enjeu n’est pas de mourir mais de vivre plus. Les moda-
lités d’entrée dans le risque diffèrent selon les populations concernées. Pour les
jeunes générations, les conduites à risque (toxicomanie, fugues, vitesse sur la route,
etc.), s’appuient sur une souffrance personnelle aiguë ou diffuse elles sont l’indice
d’un manque d’intégration, faute d’un goût de vivre suffisant. Elles sont un dernier
sursaut pour se mettre au monde, accoucher de soi dans la souffrance pour accéder
enfin à une signification de soi permettant de reprendre sa vie en mains.
À l’inverse, pour les sportifs de l’extrême, il s’agit plutôt d’une quête d’intensité
d’être pour retrouver une plénitude d’existence menacée par une vie trop réglée.
Le jeu symbolique avec la mort est alors plutôt motivé par un excès d’intégration,
il est une manière radicale de fuir la routine. Pour les sportifs de l’extrême, il est
d’ailleurs plus juste de parler d’activités physiques ou sportives à risque que de
conduites à risque. Dans les deux cas, il s’agit d’interroger symboliquement la mort
pour savoir si vivre vaut la peine. L’affrontement au monde a pour objet de fabri-
quer du sens pour accéder enfin au goût de vivre ou le maintenir. L’épreuve person-
nelle est un chemin détourné pour retrouver le jeu de vivre. Certes, le jeu avec la
mort peut paraître lointain, symbolique, ainsi de la fugue, des troubles alimentaires,
de l’alcoolisation..., pour les conduites à risque des jeunes générations ; glisse, esca-
lade... pour les activités physiques et sportives à risque, mais il s’agit de s’arracher
à ses repères coutumiers et de se plonger, pour le meilleur ou pour le pire, dans
un inconnu qui peut se révéler redoutable.
Ces passions modernes du risque naissent du désarroi moral qui ébranle les sociétés
occidentales, du brouillage du présent face à un avenir mal déductible. Dans l’affron-
tement physique au monde, l’individu cherche ses marques, s’efforce de tenir entre
les mains un réel qui lui échappe. Les limites de fait prennent alors la place des
limites de sens qui ne parviennent plus à s’instaurer. Le défi que l’on s’inflige teste
la valeur de son existence. Paradoxalement, nos sociétés connaissent un climat de
sécurité rarement atteint au fil de l’histoire. Mais quand les amers du sens font
défaut, l’existence peine à s’établir. Avant de vivre, même en toute quiétude, s’im-
pose la nécessité anthropologique de comprendre pourquoi l’on vit, d’attacher une
valeur à sa présence au monde. L’intégration sociale réussie n’aboutit pas toujours
à une douce jouissance de ses privilèges. Insatisfait, éprouvant l’inachèvement de
son état, l’individu s’oriente vers des loisirs dont il n’ignore pas les périls, et dont il
paie parfois dans sa chair la surestimation de ses capacités à les surmonter. L’étude
du jeu symbolique avec la mort implique une anthropologie des limites, à la fois au

leçon exercices travaux dirigés corrigés 165


plan de celles données par la loi, et au plan de celles données par le réel, puisque
la mort est l’ultime limite.
David Le Breton, Conduites à risque,
© PUF, 2004, pp. 10 à 12.

䉯 Td 5 Résumez en 250 mots le texte suivant :

L’homme est-il un loup pour l’animal ?


Disons le franchement : avec des « amis » tels que nous, les bêtes pourraient aisé-
ment se passer d’ennemis. Quand on voit ces malheureuses vaches pendues à des
filins d’acier, ces moutons qui brûlent, ces cochons saisis par les pattes arrière avant
qu’on ne leur explose la tête sur un billot, on se prend à douter : s’agit-il bien des
mêmes personnages qui peuplaient les livres de notre enfance, de ces animaux
familiers sans lesquels nos campagnes perdraient à jamais une part de leur charme,
de ces êtres sensibles envers lesquels nous invitons nos enfants à prohiber toute
cruauté ?
Pas de sensiblerie, nous dit-on justement, encore moins d’hypocrisie. Veaux, vaches,
cochons, moutons sont élevés pour être mangés par les hommes, et il en va ainsi
de toute éternité, dans toutes les civilisations. L’épidémie qui sévit et les abattages
massifs qu’elle entraîne ne changent rien au sort d’animaux de boucherie destinés
à finir sur les étals, et non à mourir de vieillesse. Il paraît même que leur mort,
administrée en plein air, sans stress ni attente préalables, est moins pénible qu’à
l’ordinaire. De fait, d’un point de vue rationnel, « global », la destruction d’animaux
sains mais « à risques » représente la « part du feu », le sacrifice qu’il faut consentir
pour protéger le reste des troupeaux et retrouver bientôt le droit d’exporter.
Tout cela est vrai, mais il n’empêche : les circonstances actuelles, sans doute parce
qu’elles rendent visible ce qui en temps habituel ne l’est pas, ont choqué bien au-
delà des cercles étroits des défenseurs de la cause animale. Tuer des animaux pour
les manger, soit, mais ces charniers gigantesques où se consument des bêtes qu’on
pourrait guérir, dont la maladie n’est pas dangereuse pour l’homme, c’est une autre
affaire. On le voit à la détresse des paysans, qui n’est nullement réductible à des
motivations platement économiques.
Ces scrupules témoignent, dans la sphère intime et individuelle, d’une nouvelle
forme de schizophrénie propre à la société tout entière. D’un côté, nous sommes
devenus plus cartésiens que Descartes lui-même : en tant que bêtes de boucherie
« produites » par l’agriculture industrialisée, les animaux les plus familiers n’ont qu’à
peine la dignité de « machines-automates ». On les voit désormais comme des
choses, du « matériel », des marchandises que l’on peut manipuler, consommer ou

166 techniques de l’expression écrite et orale Le résumé



« détruire » comme bon nous semble, selon les indications de la médecine et des
marchés. De cette sphère dominée par la raison instrumentale les considérations
morales doivent être pourchassées.
D’un autre côté, nos sociétés ont développé, lentement mais sûrement, une sensibi-
lité nouvelle face à la souffrance des êtres vivants. Selon une argumentation toute
« tocquevillienne », l’idée s’est même imposée dans certains milieux que la logique
des sociétés démocratiques consistait à inclure peu à peu dans la sphère du droit
et de la morale des êtres qui en étaient jadis exclus. Et, de fait, nous sommes sidérés
aujourd’hui qu’on ait pu si longtemps considérer les Noirs comme des esclaves par
naissance, ou pu exclure les femmes du droit de vote jusqu’à une date si récente.
Le même raisonnement vaut, mutatis mutandis, pour ceux qui naguère encore
étaient « hors droit », et qui ont progressivement rejoint le lot commun des « êtres
moraux » : les sauvages, les fous, les « monstres », les enfants, et aussi les animaux.
Les législations européennes ont commencé d’inclure, au moins partiellement, les
bêtes, et notamment les animaux domestiques, dans la sphère du droit et de
l’éthique, témoignant ainsi « officiellement » du fait qu’on ne pouvait ni les tenir
absolument et sans reste pour de simples « objets », ni par conséquent nous
comporter n’importe comment avec elles.
Tout se passe donc comme si nos sociétés modernes se divisaient en deux ordres
aux finalités opposées : celle de la « technique », de la raison instrumentale, de
l’économie mondialisée d’un côté, celle du droit, de l’éthique et de la sensibilité de
l’autre. De là, la contradiction qui affecte aussi la plupart des individus et la gêne
qui, parfois, s’empare même des moins sensibles à la cause animale. Comment la
lever ? C’est toute la question. Il est sans doute, dans l’état actuel du monde, impos-
sible d’y répondre.
Luc Ferry, in © Le Point no 1490 du 6 avril 2001, p. 136.

leçon exercices travaux dirigés corrigés 167


corrigé des exercices

䉲 Ex 1 Qu’est-ce que la vertu ?
La vertu d’un objet ou d’un être est une force. C’est son efficacité qui fait
sa qualité : un couteau est bon parce qu’il coupe bien. Mais cela est insuffisant pour
définir la vertu chez l’homme, faite de raison, d’histoire, de sentiment... La vertu
humaine est le produit de la culture, de la morale, du partage avec les autres, elle
impose le respect de la nature et de l’humanité.
(texte : environ 640 mots, résumé : 80 mots, taux 1/8)

䉲 Ex 2 L’humanité en proie aux inégalités


Inégalités et conflits résultent des disparités dans le développement des civi-
lisations ou des personnes, chacune luttant pour son existence.
Tous les êtres n’ont pas les mêmes chances, car la société, selon les circons-
tances, privilégie telle ou telle capacité. Aujourd’hui, le financier ou l’informaticien
créateur sont avantagés par rapport au poète ou à l’ouvrier habile.
Deux phénomènes sociaux antagonistes apparaissent : une tendance à l’ou-
verture et à la mondialisation et une tendance au repli sur le nationalisme et le
traditionalisme. La jeunesse croit vivre dans un univers solidaire, aux normes
communes, mais les particularismes des nations et des intérêts s’opposent partout,
cruels pour les plus démunis. Les rivalités économiques font obstacle sur toute la
planète au respect des droits de l’homme.
Ces contradictions entre union et désagrégation, entraide et guerre, qui
sont celles de toute vie sur terre, sont à l’œuvre de tous côtés.
(Texte : 510 mots environ ; résumé : 149 mots.)

䊊 䊊 䊊 Remarque
Les idées sont claires, mais abstraites. D’où un taux de contraction peu élevé.

䉲 Ex 3 La commercialisation du spectacle sportif

䊊 䊊 䊊 Remarques
Le texte proposé traite d’un sujet souvent dans l’actualité et qui peut intéresser
la plupart d’entre vous. Il est très clair et ne présente pas de difficulté de
compréhension. Le taux demandé (1/5) n’est pas une contrainte excessive.
L’auteur cite quelques livres ou articles (Meynaud, Lucot, Marquet). Dans un
résumé, sauf s’il s’agit d’une citation très marquante ou d’une formule frap-

168 techniques de l’expression écrite et orale Le résumé



pante et irremplaçable, les idées empruntées doivent être incorporées à celles
de l’auteur, sans indication de leur origine.
Plan du texte
I. Multiplication des spectacles sportifs (§ 1)
II. Développement de l’affairisme (§ 2-5)
– affaires financières (§ 2-3)
– tours cyclistes (§ 4)
– football (§ 5) : droits de retransmission, d’organisation (d’où les grands
stades sont privilégiés).
III. Modification de l’organisation (§ 6-7)
– nombre des épreuves
– confusion des valeurs
Conclusion (§ 8) : L’organisateur ne s’intéresse plus au sport, mais à
l’argent.
Résumé
Le sport devient un grand spectacle. Dans des enceintes gigantesques, tel
le stade de Rio qui accueille 200 000 personnes, le public vient en masse assister à
des manifestations de plus en plus fréquentes, que la télévision retransmet dans le
monde entier.
Les organisateurs y ont trouvé une activité extrêmement profitable. Les
courses cyclistes sont de vastes entreprises publicitaires et, comme aux 24 heures
du Mans, les sports mécaniques rapportent aux fabricants et au commerce local.
Le succès du football apporte de multiples recettes : droits versés par les réseaux
de télévision, par les villes organisatrices des grandes compétitions, ces dernières
n’étant accordées qu’aux villes les mieux équipées, d’où une inégalité entre les
concurrents.
La rentabilité s’avère ainsi le seul but des gestionnaires. Ils multiplient les
championnats et concours, sources de revenus importants. La qualité sportive s’ef-
face devant le bénéfice financier. Non seulement le football, mais aussi le tennis,
les courses automobiles, le ski et même l’athlétisme se professionnalisent progressi-
vement.
La seule règle du spectacle sportif est celle du profit.
(Texte : environ 900 mots ; résumé : 173 mots)

䉲 Ex 4 Érotisme et publicité
Pour favoriser la consommation, la publicité recourt à l’érotisme, une straté-
gie appliquée à toutes les marchandises. C’est un aspect de la culture de masse.
La publicité utilise la féminité séduisante pour ajouter de l’érotisme à des
marchandises qui en sont dépourvues, à un réfrigérateur par exemple. L’intérêt,

leçon exercices travaux dirigés corrigés 169


vis-à-vis de la clientèle masculine, est évident ; la consommatrice, elle, voudra
s’identifier à l’image publicitaire, qui assimile qualité et beauté.
Parallèlement, la publicité dévoile et accentue l’émotion érotique déjà
contenue dans certains produits. Ainsi la savonnette, hygiénique à l’origine, devient
surtout un élément de charme.
(100 mots ; texte : environ 500 mots ; taux : 1/5.)

䊊 䊊 䊊 Remarques
Exemple de résumé qui n’a pas à respecter les proportions du texte : le 3e
paragraphe, le plus long, est réduit à 3 lignes.

䉲 Ex5 Le pouvoir sur scènes


Ni la contrainte ni la sagesse ne suffisent à assurer un pouvoir ; celui-ci
n’existe que grâce à une mise en scène symbolique procédant soit d’une conception
religieuse du monde, soit de la célébration de moments choisis arbitrairement dans
l’histoire communautaire.
La forme extrême de cette dramaturgie était traditionnellement la magnifi-
cation d’un héros qui détenait son autorité davantage de son « aura » théâtrale que
de sa compétence. Il gouvernait imprévisiblement mais avec réussite. Aujourd’hui,
plus que protégé des dieux, il doit apparaître capable de gérer les situations histo-
riques et de prévoir l’avenir au profit de la collectivité.
Mais le régime démocratique se prête plus difficilement à la théâtralité ;
c’est la majorité, et non le divin, le passé ou un personnage providentiel, qui fonde
le pouvoir. Il faut convaincre, et l’élection est le moment de crise dramatique. Les
décisions inattendues, les débats médiatiques, les enquêtes d’opinion constituent
les rebondissements du drame.
La recherche du spectaculaire n’est donc pas une déviation, mais une néces-
sité pour tout pouvoir.
(Texte : environ 750 mots ; résumé : 172 mots.)

䊊 䊊 䊊 Remarques
Le texte à résumer est relativement court et le taux de contraction demandé
est d’un quart seulement. C’est que la pensée est dense. La difficulté, outre la
reformulation personnelle, consiste à dégager les idées essentielles :
– théâtralité de tout pouvoir, d’ordre religieux ou historique ;
– particulièrement exaltation d’un héros autrefois béni des dieux, aujourd’hui
pourvu d’une vision de l’avenir ;

170 techniques de l’expression écrite et orale Le résumé



– la démocratie change les éléments dramatiques : l’élection est la grande
scène, les choix qui surprennent, les médias, les sondages sont les autres ingré-
dients ;
– il y a toujours mise en scène politique.

䉲 Ex 6 Une mondialisation accélérée et mal régulée


Après la guerre, barrières monétaires et douanières se dressaient entre les
pays.
Maintenant, finances et marchandises s’échangent facilement, même le tra-
vail se mondialise.
Les institutions internationales (FMI, OMC, etc.) sont restées, mais se sont
périmées et ne collaborent guère entre elles ; on manque d’une vision économique
globale. Chaque grande puissance (États-Unis ou Japon) ne voit que son intérêt
particulier, l’Europe n’est pas encore assez unie pour jouer un rôle décisif. C’est
surtout l’emploi qui est victime de la non-réglementation. Les pays riches veulent
à la fois aider les pays émergents et se défendre contre eux qui profitent de leurs
bas salaires.
Or ceux-ci correspondent à des économies à faible productivité et aux
échanges déficitaires. Il faudrait que nous importions davantage leurs produits pour
permettre un cycle d’échanges au lieu de parer seulement à des effets néfastes.
Comme l’Europe naguère, le monde a besoin de coopération et de règles
économiques, commerciales et monétaires. Il ne faut pas se fier qu’aux lois du
marché. Sinon les travailleurs en sont les victimes : précarisés ici, toujours démunis
là- bas. L’inégalité est mondiale. Pour la réduire, il est nécessaire d’inventer des
mesures nouvelles.
(Texte : 950 mots ; résumé : 199 mots.)

䊊 䊊 䊊 Remarques
Plan du texte :
Introduction (§ 1) : mondialisation récente des échanges.
I. Déréglementation et craintes (§§ 2 à 4).
II. Avoir une autre attitude (§§ 5 à 7).
Conclusion (§§ 8-9) : imaginer une organisation de l’économie mondiale.
Les idées sont assez denses, abstraites et générales. Le résumé, assez difficile,
doit surtout retenir le mouvement de la réflexion.

leçon exercices travaux dirigés corrigés 171


Chapitre V
La synthèse – Le dossier
La synthèse de plusieurs textes portant sur le même sujet ou concernant la
même affaire est une activité plus complexe que le résumé d’un seul document
(voir le chapitre IV). Il s’agit de confronter et de fondre ensemble des éléments
de provenances multiples, ce qui met en jeu plusieurs opérations intellec-
tuelles : analyse, comparaison, jugement, construction de la synthèse, rédaction.
La synthèse exige de la rigueur et de la rapidité d’esprit, révélant les
qualités de pensée et d’expression de son rédacteur. C’est pourquoi elle figure
dans les épreuves de plusieurs examens (BTS, etc.) et concours (grandes
écoles, administration, etc.).
Mais on la pratique aussi dans la vie de tous les jours, professionnelle ou
non, chaque fois que l’on a à mettre en rapport des documents ou des idées
de diverses origines. C’est le cas en particulier de l’élaboration et du traitement
d’un dossier.
Qu’elle mette en œuvre simplement de la documentation ou qu’elle for-
mule un jugement sur des points de vue différents, la synthèse est toujours une
mise au point, donc une production originale par rapport aux textes traités.
Ce chapitre porte sur la synthèse de deux ou plusieurs textes. L’entraîne-
ment qu’il propose rendra plus apte à la confrontation d’informations, d’opinions,
de solutions.

leçon exercices travaux dirigés corrigés 173


I - UNE MÉTHODE

1 La lecture et l’analyse des éléments du dossier
On pratique comme pour le résumé d’un seul texte, mais il est néces-
saire de parcourir plus rapidement les documents. On cherche à :
- déterminer le sujet traité par l’ensemble ;
- apprécier la position et les idées essentielles de chacun ;
- dégager l’intention et le plan de chaque texte (voir le cha-
pitre II).

2 La confrontation
- relever et regrouper les idées identiques ou voisines, les points
d’accord éventuels ;
- relever les divergences, les oppositions ;
- enfin noter les idées qui ne se trouvent que dans un seul texte.

3 Établir le plan de la synthèse


qui est forcément original par rapport aux divers documents. On choi-
sit un des mouvements étudiés au chapitre II, celui qui convient le
mieux à l’ensemble du contenu et permet de rassembler toutes les
idées de provenances diverses que l’on veut reprendre.
Il est toujours malencontreux et « anti-synthétique » (si l’on ose
dire ainsi) de se contenter de coudre l’un après l’autre les résumés
successifs de chacun des textes. C’est ainsi que la structure d’addition,
qui est plutôt analytique, ne peut convenir à l’ensemble d’une syn-
thèse, sans pour autant la proscrire absolument car elle pourrait servir
à bâtir un paragraphe de la synthèse.
Vous prévoyez une introduction qui indique le sujet discuté et la
démarche qui va être suivie ; puis une conclusion qui reprend les
termes principaux du débat et porte une appréciation sur son
ensemble.

4 La rédaction de la note de synthèse


- vous n’imitez pas le style de chacun des auteurs, mais vous
vous exprimez dans votre propre langage. Votre note est une création
nouvelle.

174 techniques de l’expression écrite et orale La synthèse – Le dossier



- comme indiqué au chapitre IV, vous ne pouvez citer qu’une
expression caractéristique et irremplaçable prise dans les textes.
- contrairement au résumé d’un seul texte où il va de soi que
vous écrivez à la place de l’auteur, dans la synthèse, vous indiquez le
document d’où provient l’idée que vous êtes en train de reprendre.

La note de synthèse démontre donc vos capacités de compréhen-


sion et de mise en forme d’un sujet complexe.

La confrontation de textes a des applications pratiques : compa-


raison de deux solutions techniques, mise au point à partir d’informa-
tions multiples, concurrence entre deux ou plusieurs offres ou
contrats, dépouillement des dispositions réglementaires concernant un
même objet, etc.
Elle constitue aussi un entraînement à des situations de commu-
nication orale, variées et fréquentes, qui exigent rapidité et sûreté dans
l’analyse et la synthèse : réunion de responsables, conversation avec
un client ou un fournisseur, appréciation des arguments échangés dans
un débat.

II - UN EXEMPLE

Nous avons à rédiger en 300 mots (+ ou – 10 %) la synthèse du
dossier suivant concernant l’astrologie, composé de deux documents.
Premier texte
Pour un esprit rationnel qui la juge de l’extérieur, les affirmations de l’astro-
logie classique sont devenues impossibles à intégrer dans notre pensée scien-
tifique. Sans doute reconnaît-on les actions de gravitation et de rayonnement
du Soleil (les saisons) et de la Lune (les marées), et même conçoit-on une
certaine influence de l’activité solaire, l’apparition des taches sur notre astre
diurne s’accompagnant de perturbations terrestres. Mais il ne saurait être
question de mettre sur le même plan que ces influences générales, universel-
lement admises, les influences « spéciales » – parce que individualisées – de
ces luminaires, et à plus forte raison de planètes comme Mars et Saturne.
Et pourtant, l’astrologie, c’est cela, c’est-à-dire tout ce qui est en marge des

leçon exercices travaux dirigés corrigés 175


influences générales reconnues. C’est, dit un critique, « le reste », et pour
tout dire, ce qui est à proprement parler absurde !
Voilà l’évidence, le crédo actuel. J’ose affirmer, quant à moi, qu’il s’agit d’une
fausse évidence, comme il en existe bien d’autres dans maints domaines, et
ce n’est pas la surprise la moins « sensationnelle » qu’est en train de nous
révéler le développement actuel des recherches scientifiques.
Ainsi que le déclarait, à propos de l’astrologie, le critique cité précédem-
ment, M. Jean PORTE, Administrateur à l’Institut national des statistiques et
attaché au CNRS : ...Absurdes ou non, les faits sont des faits et, même si la
science d’une époque ne sait pas les intégrer, tout esprit scientifique doit recon-
naître leur existence en attendant de pouvoir les expliquer.
Or, le problème majeur est précisément de savoir si les « faits » astrolo-
giques – à savoir les rapports que l’astrologie prétend déceler et établir
entre des indices célestes et des phénomènes humains et terrestres – sont
réellement des faits. Précisément, cette « fausse évidence » qui veut faire de
l’astrologie une chimère vient de ce que ce problème essentiel n’a pratique-
ment jamais été posé par la science officielle qui se contente d’un jugement
a priori. Il faut savoir, en effet, que jamais l’astrologie n’a été soumise à un
véritable contrôle scientifique par le corps officiel (...).
Après les premières vérifications, imparfaites et de toute façon entachées
ou soupçonnées de partialité, venant des astrologues eux-mêmes, depuis le
rénovateur Paul CHOISNARD – vérifications fondées sur les statistiques et
le calcul des probabilités – un adversaire de l’astrologie se donna enfin la
peine d’affronter sérieusement ces fameux « faits ». C’est ainsi qu’un statisti-
cien 1 put, à sa propre stupéfaction, apporter une preuve dorénavant irréfu-
table de l’existence d’une « influence astrale » du type astrologique. Depuis
ce jour, une brèche est largement ouverte dans les remparts de l’a priori
d’un rationalisme trop systématiquement hostile à l’astrologie. Encore qu’elle
ne soit qu’en partie « prouvée », celle-ci a donc aujourd’hui pour elle le
secours d’un statut statistique reposant sur un ensemble global de vingt-cinq
mille données de naissances. On pourra donc continuer de se moquer de
l’astrologie : la vérité n’en fera pas moins son chemin. Après tout, celle-ci
ne sera pas la première ni la dernière à bousculer des idées préconçues ;
l’histoire des sciences est pleine de ces révolutions qui détruisent une logique
conservatrice ou un esprit routinier. (...)
C’est le lieu de prévenir le lecteur contre deux réactions malsaines :

1. Michel Gauquelin, Influence des Astres ; Étude critique et expérimentale, édition du Dauphin, 1955.

176 techniques de l’expression écrite et orale La synthèse – Le dossier



Ce livre est dangereux comme peut l’être un traité de médecine dans les
mains d’une nature inquiète, encline à se reconnaître toutes les maladies à
la lecture de leurs descriptions. À la constatation d’une constellation tant
soit peu problématique dans son ciel natal, ce même esprit inquiet ne peut,
assurément, qu’envisager le pire et se faire beaucoup de mal. (...)
Il ne faut pas non plus courir le danger de demander trop à l’astrologie,
d’attendre d’elle plus qu’elle ne peut donner. Puisqu’elle touche à l’être
intime, à sa nature et son destin, l’homme a, en général, vis-à-vis d’elle une
attitude qui relève de la mentalité magique : avec l’astrologie, on n’a pas le
droit de se tromper et l’on a le devoir de tout savoir... Même ses adversaires
ont cette attitude irrationnelle. Or, si elle est actuellement une connaissance
qui se constitue, qui se perfectionne, qui obtient des résultats appréciables,
elle est encore une connaissance qui se cherche, qui se pose mille pro-
blèmes, qui comporte mille obscurités : une connaissance très imparfaite,
en un mot, et qui ne peut en aucune façon avoir la prétention de satisfaire
l’avidité du savoir humain sur le terrain même où elle s’exerce. Elle est
comme les autres connaissances humaines : psychologie, médecine... – et
moins avancée qu’elles – qui ont encore beaucoup à découvrir. Il faut en
prendre son parti.
Mais, dans son état actuel, elle nous donne des résultats certains : il suffit de
mettre l’enseignement de ce traité à l’épreuve et de la juger « sur le métier ».
En ayant pris pleinement conscience de la condition terrestre de l’homme,
l’esprit contemporain oublie singulièrement que l’homme est aussi céleste,
parcelle infime de cette planète qu’est la Terre, lié à elle dans sa destinée
cosmique. Il est temps d’ouvrir les yeux sur une connaissance comme l’astro-
logie si l’on veut que se fasse la synthèse de toutes les disciplines qui enten-
dent redonner à l’homme une place, non seulement sur la Terre mais dans
la totalité de l’Univers.
André Barbault, Traité pratique d’astrologie, © Éditions du Seuil, 1961.
Introduction, pp. 11, 12, 15 et 16 (Extraits).
Second texte
L’astrologie, l’Ars Regia, n’a pas de crédibilité en soi. Si certains astrologues
sont assez habiles pour dire ce que l’on aime entendre, si certains de ces
champions de l’obscurantisme savent fort bien occulter leurs échecs passés,
cela est une autre affaire... Témoin cet astrologue, célèbre disciple de Nos-
tra- damus qui, en 1939, intitule son almanach « 1940, année de grandeur
pour la France », et conclut « à la victoire polonaise sans risque d’erreur ».
À l’heure où l’almanach sort en librairie, la Pologne est déjà partagée entre
le Reich et l’URSS, et la France signera l’armistice en juin 1940. En 1946,

leçon exercices travaux dirigés corrigés 177


Maurice PRIVAT, ce célèbre disciple de Nostradamus, recommence à
publier ses prédictions annuelles (...)
La mode est à l’obscurantisme. Loin porte la voix des apologistes du passé,
ces champions du nombrilisme, ces flatteurs de l’ego. La science est « réduc-
trice », elle « écrase » l’individu, il faut donc jouer de la démagogie. Ne peut-
on que s’incliner devant ceux qui savent si bien lire la complexité de l’être
avec leurs trente-neuf symboles, dix planètes, douze signes, douze maisons,
cinq aspects ? Certains médias ont une lourde responsabilité dans la diffusion
de cette science fausse et dépassée. La concurrence aidant, chacun y va de
son article, de son émission, où les astrologues exposent d’un ton docte
leurs théories fumeuses. On invoque la crise, la soif d’âme, le besoin de
refuge... Doit-on servir ces billevesées comme seule réponse à la détresse
des êtres ? (...)
Scandaleux est l’égarement qui fait de l’horoscope une aide au recrutement
professionnel. Une lectrice de la revue d’astronomie Ciel et Espace rapporte
un cas qui n’est hélas pas isolé : « Vous n’êtes pas Verseau ? » ; ou encore :
« Vous êtes Bélier, vous ne faites pas l’affaire. » Plus loin encore : « Votre
thème laisse entrevoir des difficultés relationnelles d’ici trois mois », serait
en mesure de dire un soi-disant ingénieur-conseil. Enfin, comble du racisme :
« Ici, nous ne faisons aucune discrimination d’après l’âge, la nationalité, la
couleur ou le sexe. Simplement, nous n’engageons pas de natifs du Scor-
pion. » Quitte à choisir la place « optimale » de chacun dans la société, afin
« qu’il se sente bien à sa place » (nous n’inventons rien), autant choisir dès
la naissance le rôle et la place hiérarchique d’un nouveau-né !
Certains ont une solution des plus radicales : provoquer l’accouchement en
un lieu ou à un moment programmé, ce qui est d’un plus bel effet sur
l’horoscope du chérubin. Mieux, pourquoi ne pas éduquer l’enfant dans le
sens même de son destin tel qu’il est tracé sur son thème astral ? Il y aurait
sans doute là, de la conception d’un être jusqu’à son parcours professionnel
en passant par son éducation, matière à dire : « Voyez, détracteurs et statisti-
ciens, l’astrologie, ça marche ! ». Là est le danger : l’astrologie, bien plus que
tout autre fausse science, impose un déterminisme supplémentaire à l’être
humain. Qu’on le veuille ou non, que l’on pratique une astrologie humaniste
ou positive, le problème reste le même : le consommateur d’astrologie
répond à l’attente de son horoscope. Le regard qui est porté sur l’individu
est de nature à influencer son comportement, le jugement qu’il porte sur
lui-même. Peut-on parler de libre arbitre ?
L’astrologie cautionne une vision erronée de l’Univers et de la place de l’être
humain dans celui-ci. Nous sommes le produit de la synthèse atomique des

178 techniques de l’expression écrite et orale La synthèse – Le dossier



étoiles, formées dans les spirales des galaxies. Nous ne sommes pas
enfermés dans des lois circulaires. Si l’esprit critique abdique devant l’impos-
ture de l’obscurantisme et de la finitude, on peut prédire « sans risque d’er-
reur » que la véritable ère du Verseau sera celle du faux.
Frédéric Lequèvre, Astrologie, science, art ou imposture ?,
L’Horizon chimérique, Bordeaux, 1991, pp. 183 à 186
(Extraits des dernières pages de la Conclusion).

䊐 A VUE D’ENSEMBLE
Nous parcourons rapidement les documents afin de les situer l’un par
rapport à l’autre. Les opinions sont globalement contradictoires. Le
premier texte soutient l’astrologie ; le second en fait une critique
sévère. Il y a donc un débat sur la validité, la crédibilité de cette
« science ».

䊐 B ANALYSE
• Premier texte (A. Barbault)
1 On admet que certains astres (soleil, lune) exercent une
influence générale, mais on refuse l’idée d’influences individualisées,
idée jugée absurde par beaucoup.
2 Mais cette absurdité n’a rien d’une évidence : le rapport entre
indices célestes et phénomènes terrestres est un fait. Or, ce fait n’a
jamais été étudié par la science officielle.
3 Pourtant un statisticien, lui-même d’abord incrédule, a prouvé
l’existence de l’influence astrale (25 000 données de naissances). L’as-
trologie, comme d’autres sciences, s’imposera peu à peu.
4 Cependant deux erreurs à éviter :
– placer un traité d’astrologie entre les mains d’un anxieux ;
– trop demander à l’astrologie ; comme les autres connaissances,
elle doit encore se développer.
5 Un conseil : mettre l’astrologie à l’épreuve en utilisant ce
Traité.
6 L’astrologie concourt à redonner à l’homme sa place dans
l’univers.

leçon exercices travaux dirigés corrigés 179


• Second texte (F. Lequèvre)
a) L’astrologie n’a pas de crédibilité. Exemple d’une prédiction
ridicule en 1939.
b) La mode est à l’obscurantisme. Une certaine détresse morale
fait qu’on est prêt à croire charlatans et médias.
c) Utilisation scandaleuse de l’horoscope pour l’embauche.
d) L’astrologie impose un déterminisme complémentaire :
– accouchement provoqué pour bénéficier d’une meilleure
influence astrale ;
– éducation d’un enfant en fonction de son thème astral ;
– se comporter de façon à confirmer son horoscope.
e) La place de l’homme dans l’univers n’est pas celle que définit
l’astrologie.

䊐 C JUGER
Nous avons affaire à deux prises de position antithétiques. Barbault
fait un plaidoyer en faveur de sa croyance... et de son livre ! Il use de
l’argument d’autorité, joue sur le statut fragile d’un fait, appelle à la
rescousse un argument quantitatif. Lequèvre se sert des armes de la
réfutation : à une quantité, il en oppose une autre, il utilise un exem-
ple comme preuve, il souligne l’inadéquation du moyen à la fin. Il
invoque aussi la psychologie et la morale.

䊐 D PLAN DE LA SYNTHÈSE
Un résumé successif de ces deux textes ne ferait pas apparaître claire-
ment les points de désaccord. L’analyse comparative permet d’en déga-
ger quatre principaux que la synthèse va exposer. Dans le plan ci-
dessous, pour éviter toute confusion sur l’origine des idées, le premier
texte est désigné par (I) et le second, par (II).
INTRODUCTION
L’astrologie, sujet du dossier.
Positions respectives.
1. Le statut de l’astrologie :
une manifestation d’obscurantisme (II)/une science qui se cherche (I)
2. Les preuves :
sa validité est prouvée (I)/un exemple d’erreur grossière (II)

180 techniques de l’expression écrite et orale La synthèse – Le dossier



3. Dangers de l’astrologie :
un déterminisme complémentaire (II)/influence possible sur un esprit faible (I)
4. L’éclairage sur l’homme et l’Univers :
une vision juste (I)/une vision erronée (II).
CONCLUSION
Un débat non technique, mais suggestif.

䊐 E RÉDACTION
Faut-il accorder foi à l’astrologie, particulièrement aux horoscopes ? Un pra-
ticien, A. Barbault, soutient que l’étude des influences astrales aboutit à des
« résultats certains », tandis que F. Lequèvre lui refuse toute crédibilité. Le
débat porte sur quatre points principaux.
Lequèvre reproche à l’astrologie de profiter d’une vague d’obscurantisme
qu’elle contribue à développer, alors que le premier auteur fait grief à la
Science de refuser de prendre l’astrologie en considération ; il défend cette
dernière en rappelant que toute discipline scientifique nouvelle – or l’astrolo-
gie est en cours d’élaboration – a mis du temps à se faire reconnaître.
La validité de l’astrologie est prouvée, selon Barbault, par les statistiques, le
calcul des probabilités et une vérification qui a porté sur 25 000 données de
naissances. Mais, pour montrer la fragilité de cette pseudo-science, le second
auteur se contente de rappeler l’erreur grossière, d’un astrologue prédisant,
en 1939, que 1940 serait une « année de grandeur pour la France. »
Selon Lequèvre, l’astrologie abuse les esprits faibles et les conditionne. Il
proteste, avec vigueur, contre l’utilisation qui en est faite parfois dans les
procédures d’embauche ou jusque dans le choix prémédité du lieu et du
moment de la naissance. Barbault reconnaît – et c’est bien le seul point
d’accord partiel entre ces deux auteurs – qu’un profane peut tirer de son
Traité des interprétations angoissantes.
Enfin, pour lui, l’astrologie prend en compte les relations que l’homme
entretient avec le cosmos ; ce que conteste Lequèvre, affirmant qu’elle
donne une idée fausse de l’Univers.
Bien que ce dossier n’offre pas à la réflexion d’éléments proprement tech-
niques, la confrontation est suggestive ; mais le débat ne semble pas prêt
d’être clos tant il s’y mêle de passion !
(300 mots)

leçon exercices travaux dirigés corrigés 181


III - LE DOSSIER

C’est un ensemble de documents (textes divers, images, graphiques,
lettres, factures, plans, etc.) concernant un sujet ou une affaire.
Deux activités se rapportent au dossier :
– l’une, la constitution d’un dossier, en vue d’informer ou de
soutenir un projet, demande la recherche et la présentation de docu-
ments ;
– l’autre, le traitement d’un dossier, requiert le jugement de
l’opérateur.

䊐 A CONSTITUER UN DOSSIER
Vous avez à en confectionner un lorsque vous voulez procéder, pour
vous-même ou pour quelqu’un d’autre, à une collecte d’informations
sur une question, permettant une mise au point. Nous n’entrerons pas
dans la technique précise du documentaliste. Vous trouverez des
conseils pour réunir des informations dans le chapitre I.
Ajoutons simplement qu’il faut :
• Choisir un ordre de classement des documents (chronologique ? théma-
tique ? selon les diverses opinions ou solutions ?).
• Unifier le format des différentes pièces pour éviter les risques de
confusion ou de perte. Il est efficace de s’astreindre à coller sur des
feuilles de même dimension (A4) les photos plus petites ou un extrait
réduit découpé dans un article de presse, par exemple. Cette discipline
facilitera la photocopie du dossier en plusieurs exemplaires, si l’on en
a besoin.
• Indiquer soigneusement les références de chaque document.
• Présenter sous reliure ou dans une chemise convenable l’ensemble du
dossier.
• Scander son organisation à l’aide de sous-titres apparents.
• Placer en tête du dossier un inventaire exhaustif des pièces du dossier.
Ce récapitulatif ordonné assurera une consultation aisée.

䊐 B TRAITER UN DOSSIER
On étudie un dossier en confrontant ses éléments, en dégageant une
synthèse, en formulant à partir de cet examen une suggestion ou un
jugement. L’étude d’un dossier tient donc à la fois de la confrontation,

182 techniques de l’expression écrite et orale La synthèse – Le dossier



du résumé et du rapport. Le but de ce travail est de préparer le règle-
ment de l’affaire sans qu’à chaque reprise en main du dossier il soit
nécessaire de le parcourir à nouveau complètement.
Le traitement d’un dossier complexe comprend les phases sui-
vantes :
a) Établissement d’une fiche analytique :
On dresse la liste de toutes les pièces du dossier, selon l’ordre chrono-
logique si elles sont datées, ou par catégories (articles, notices, corres-
pondances, rapports, etc, concernant l’affaire).
On précise leur nature, leur provenance, la qualité de leurs
auteurs, etc. Au besoin, et très brièvement, on indique d’un mot leur
contenu ou leur intérêt (par exemple : spécification d’un engrenage
émanant de telle firme, ou 3 lettres de la maison X en novembre 2003
décrivant les défaillances dans nos livraisons, ou rapport de tel expert
rejetant l’emploi de tel matériau pour nos fabrications, etc.).
Cette fiche aide à mettre en ordre les éléments du dossier, permet
de se reporter rapidement à chacun d’eux, donne un aperçu global du
contenu du dossier.
b) Rédaction d’une note de synthèse :
C’est une sorte de résumé du dossier dont on dégage les grandes lignes
et les implications les plus importantes. Souvent ce résumé oblige à
confronter des éléments complémentaires ou contradictoires. L’idéal
consiste à ne rien négliger d’essentiel, mais à ne pas dépasser une page
ou deux dactylographiées. Ainsi en quelques minutes celui qui reprend
le dossier est informé.
c) Expression d’un jugement ou d’une suggestion
Ce travail n’est pas nécessaire quand on n’assure que la préparation
du dossier. Mais un rapport final peut être requis : puisque l’affaire
aura été retracée dans la note de synthèse, il sera composé simplement
du point de vue du rédacteur sur l’affaire, soutenu par une argumenta-
tion succincte.
La synthèse d’un dossier est un travail utile, mais délicat, qui
engage parfois la responsabilité de celui qui en est chargé. Elle exige
une connaissance sérieuse de l’affaire, et une vue d’ensemble équili-
brée. Elle révèle nettement les qualités techniques et intellectuelles de
son rédacteur.

leçon exercices travaux dirigés corrigés 183


exercices

䊊 Ex 1 Faites en 300 mots (+ ou – 10 %) la synthèse du dossier présenté
dans l’Ex 17 du chapitre III (La Tour Eiffel).

(On aura tout intérêt à faire d’abord cet Ex 21 avant de rédiger


la synthèse).

䊊 Ex 2 Les extraterrestres hantent l’imagination des Terriens. Voici trois


textes portant sur cette question : vous en ferez la synthèse en
350 mots environ.

Premier texte
Au-delà du système solaire, parmi les milliards d’étoiles qui composent notre
Galaxie, parmi les milliards de galaxies qui composent notre univers, y a-t-il des
êtres vivants ? Les étoiles sont loin. L’exploration sur les lieux est un projet pour
les millénaires à venir.
À défaut d’aller voir sur place, on peut observer et chercher des preuves, dans un
sens ou dans l’autre. On peut se demander, par exemple, si, comme notre Soleil,
d’autres étoiles possèdent un cortège planétaire. La planète présente une solution
idéale aux multiples problèmes de la matière qui s’organise. Nous savons, en tout
cas, que les étoiles célibataires sont une minorité. Plus de la moitié des étoiles
vivent en ménage avec un ou plusieurs partenaires. Que certains de ces corps
célestes aient une constitution semblable à la Terre, que, parmi ceux-ci, quelques-
uns reçoivent, grâce à la position de leur orbite, une chaleur appropriée au dévelop-
pement de la vie, cela semble bien vraisemblable... Le nombre de planètes habitées
pourrait être très élevé. Certains auteurs parlent d’un million dans notre seule
Galaxie. Cette estimation, bien sûr, c’est la prise de conscience de l’acharnement
avec lequel la vie se développe partout où les conditions le permettent. Et de son
aptitude à altérer ces conditions pour améliorer ses chances de progrès.
Le Soleil est né assez tard dans la vie de notre Galaxie. Des milliards d’étoiles sont
nées avant lui. Quelles bêtes foisonnent à la surface de leurs hypothétiques planè-
tes ? Méduses, dinosaures, hominiens, ou tout autre chose ? Des planètes, par mil-
liers, peuvent déjà avoir atteint une technologie bien supérieure à la nôtre, et
communiquer entre elles par des messages radiophoniques ou des voyages inter-
stellaires. Ces messages, nous devrions pouvoir les capter. Nos radiotélescopes sont
assez puissants pour recevoir l’équivalent de France-Inter ou de la BBC émis à
quelques années-lumière. Des tentatives d’écoute ont été faites à plusieurs reprises.

184 techniques de l’expression écrite et orale La synthèse – Le dossier



Les meilleures antennes de la planète ont consacré plusieurs heures à cette
recherche. Sans succès. Chacun de nous a, un jour, cherché à capter les émissions
de pays lointains sur un poste récepteur à ondes courtes. En tournant le bouton
approprié, on balaie le domaine des fréquences. Le plus souvent, on reçoit de la
« friture » : une succession incohérente de sifflements, de grondements, de notes
aiguës ou graves. Puis, tout d’un coup, faiblement, une voix ou une musique. Même
si la langue nous est totalement inconnue, même si les distorsions sont importantes,
il nous est possible de distinguer les émissions des bruits sans signification. Jusqu’à
ce jour, du ciel, nous n’avons reçu que de la friture. Nul signal n’a été capté qui laisse
deviner la présence d’un émetteur intelligent, nul « programme » qui manifeste une
intention de communication. À vrai dire, on est loin d’avoir couvert toutes les possi-
bilités. L’exploration systématique dans toutes les directions, sur toutes les fré-
quences, avec toutes les bandes passantes, est à peine entamée. Ne perdons pas
espoir.
Et le tourisme interstellaire ? Ici, ce ne sont pas les renseignements qui manquent !
Les rapports consignés (souvent accompagnés de procès-verbaux) d’observations
d’objets volants non identifiés (OVNI) rempliraient des bibliothèques entières. Ils
sont vus, photographiés, quelquefois sondés au radar. Des spectateurs sont enlevés,
amenés à bord. Certains disparaissent à jamais. D’autres, comme Marco Polo,
reviennent raconter des choses inouïes. Pourtant, la situation baigne dans la plus
grande confusion. À l’analyse critique, la majorité des témoignages se dissout. On y
retrouve de la fraude, de l’hallucination ou, plus banalement, le désir d’être intéres-
sant. Les documents photographiques sont flous, les échos radars indécis. Aucun
renseignement valable quant à l’aéronautique ou au mode de propulsion n’a pu en
être extrait. Pas plus que d’informations crédibles quant à leur origine extrater-
restre. Certains cas, bien sûr, restent inexpliqués, mystérieux et troublants, et il
convient d’y prêter la plus grande attention.
Tâchons, quand même, de donner à notre discussion une dimension supplémen-
taire. Mettons-nous, un moment, dans la peau d’un homme préhistorique. Par
exemple, un habitant de la grotte de Lascaux. Son cerveau est tout aussi développé
que le nôtre ; les fresques polychromes dont il a décoré les murs de ses cavernes
en font foi. Pourtant, il ignore tout des ondes radio et de la communication à
distance. Il lui manque les millénaires de développements technologiques qui ont
transformé notre perception de la réalité. Dans la nature, des forces existent qui
échappent à nos sens. Aujourd’hui, on sait construire des téléviseurs qui rendent
manifeste la présence des ondes électromagnétiques. Qui serait assez téméraire
pour affirmer que nous connaissons et percevons toutes les forces, toutes les ondes
et tous les moyens de communication ?

leçon exercices travaux dirigés corrigés 185


Les civilisations extraterrestres ne nous inondent pas de leurs messages radio. Leurs
visites à notre planète restent plus que douteuses. Mais cela n’épuise pas le débat.
Reste entière la possibilité d’autres types de voyages, d’autres types de télécommu-
nication...
Hubert Reeves, Patience dans l’azur, L’Évolution cosmique,
© Éditions du Seuil, 1981, pp. 132-134. Coll. Points Essais.

Deuxième texte
(L’auteur critique Léon Mercadet qui s’inspire d’un romancier de science-fiction).
Là-dessus, Mercadet enchaîne des considérations non moins sidérantes sur les
OVNI. Il s’inspire des spéculations de Jacques Vallée, l’auteur d’un roman de
science-fiction intitulé Alintel. Après des dizaines d’enquêtes, d’interviews, d’interro-
gatoires sous hypnose, Vallée est parvenu à une certitude : une fois éliminés tous
les témoignages bidons, il reste 2 % de phénomènes non seulement inexpliqués,
mais inexplicables.
Le gouvernement américain serait au courant de tout, mais garderait le secret par
peur de l’impact sur les populations. Mais aucun doute possible, la Terre reçoit des
visiteurs venus d’une autre dimension. Une Mexicaine interrogée par Vallée prétend
avoir visité un engin dont l’intérieur était plus grand que l’extérieur. Pour Mercadet,
c’est clair : « Les OVNI se déplacent dans un type d’espace fort différent du nôtre,
un de ces espaces à n dimensions que décrivent par exemple les mathématiques
topologiques. Et ils ne voyageraient pas dans des vaisseaux spatiaux, avec du fuel,
mais en utilisant des couloirs d’énergie de même nature que l’énergie psychique –
puisque, précisément, le psychisme humain peut capter leurs apparitions. »
Le bon sens imbécile en conclurait que les OVNI sont des fantasmes. Pour Merca-
det, cela signifie surtout qu’il faut sacrément faire gaffe : si on ne perce pas le
mystère des 2 % irréductibles, les satellites de l’initiative de défense stratégique
risquent de déclencher la guerre des étoiles contre les petits hommes verts.
Michel de Pracontal, L’imposture scientifique en dix leçons,
2001, pp.95-96.

Troisième texte
(À propos d’un symposium de bio-astronomes réunis en juin 1990, l’auteur fait le
point sur les recherches en bio-astronomie).
D’autres systèmes solaires ? La première branche de la bio-astronomie se
consacre à la recherche de planètes orbitant autour d’étoiles, et à la définition des
conditions pour que certaines soient propices à l’apparition et au développement
de la vie. Dans ce domaine, c’est l’amélioration des techniques de mesure des
vitesses radiales qui est la plus prometteuse. Rappelons que la vitesse radiale est la

186 techniques de l’expression écrite et orale La synthèse – Le dossier



composante de la vitesse de déplacement d’un astre par rapport à la ligne de visée
de l’observateur. Ces dernières années, la précision a été accrue d’un facteur 100 ;
c’est dire qu’il est désormais possible de mesurer des micro-variations de cette
vitesse, traduisant la présence d’un corps perturbateur en orbite autour de l’étoile
en question. Ainsi l’étoile Epsilon eridani a-t-elle un compagnon représentant quatre
fois la masse de Jupiter.
Au total, une dizaine d’étoiles ont été cataloguées comme candidates hautement
probables à un système planétaire. L’avenir consistera à mettre au point des tests
pour différencier, parmi ces compagnons, ceux qui sont des planètes et ceux qui
ne sont que des naines « brunes », corps célestes entre étoile et planète. En fait,
selon une étude d’Antoine Duquennoy et de Michel Mayor, de l’observatoire de
Genève, 65 % des étoiles de type solaire pourraient abriter un système planétaire.
La détection d’un de ceux-ci n’est donc plus qu’une question de sensibilité des
moyens utilisés. Autre méthode pour découvrir des planètes dans l’espace : l’étude
des éclipses que celles-ci doivent provoquer en passant devant leur étoile. Ce phé-
nomène se traduirait par une variation de brillance de l’étoile, variation de faible
amplitude et de courte durée. Ce sont les astronomes de l’observatoire de l’univer-
sité catholique du Chili qui se sont attaqués au problème. Les variations à enregis-
trer sont inférieures à vingt-quatre heures et à 1/100e de magnitude (il est
pratiquement impossible de photographier un phénomène impliquant une si faible
différence sur une durée si courte). Bien entendu, cela dépend aussi de la distance
entre la planète et l’étoile ainsi que de l’inclinaison du plan de son orbite par rapport
à nous. La méthode utilisée est au point ; elle a été testée sur une centaine d’étoiles
et ses résultats sont concluants. Aussi, le démarrage du programme définitif, portant
sur environ 2 000 étoiles, est annoncé pour l’année prochaine. Enfin, pour clore ce
domaine, Daniel Benest, de l’observatoire de Nice, a révélé qu’il avait trouvé par
le calcul que des orbites planétaires stables pouvaient exister autour des systèmes
d’étoiles doubles, alors que, jusque-là, on ne croyait pas cela possible. La nouvelle
est d’importance lorsqu’on sait que 70 % des étoiles seraient doubles ou multiples.
Comme on peut le constater, même si la première planète extrasolaire n’a pas
encore été observée de visu, la probabilité d’existence de tels systèmes frise mainte-
nant la quasi-certitude.

À l’écoute des extraterrestres. Dernier domaine de la bioastronomie : la détec-


tion de signaux intelligents provenant d’une civilisation avancée. L’ensemble des bio-
astronomes sont confiants : tôt ou tard nous en recevrons. Les participants ont fait
état de progrès dans deux axes de cette branche.
En premier, l’accroissement des moyens de détection. Le programme d’écoute
Mega SETI est bien avancé. Par rapport aux moyens actuels, Mega SETI représente

leçon exercices travaux dirigés corrigés 187


une sensibilité accrue d’un facteur 100 et un nombre de canaux « écoutés » multiplié
par 10 000 ! Autrement dit, dès les trois premières minutes de sa mise en service,
on recueille autant d’informations que tout au long des trente dernières années !
Le récepteur à 10 millions de canaux est en construction ; déjà les maquettes de
laboratoire fonctionnent. Le premier récepteur sera mis en place sur le grand téle-
scope d’Arecibo à Porto Rico, et on étudie une collaboration franco-américaine
pour en installer un second au grand radiotélescope de Nançay. Les études en cours
visent maintenant, d’une part, à déterminer quelles fréquences choisir pour avoir
un maximum de chances, d’autre part à peaufiner les programmes informatiques
des ordinateurs qui auront la charge de trier les signaux reçus pour en extraire celui
qui ne serait pas d’origine naturelle. Notons que l’un des grands soucis des bio-
radioastronomes reste les parasites d’origine terrestre, qui s’accroissent exponen-
tiellement, dus aussi bien aux émissions des fours à micro-ondes qu’aux multiples
satellites de télécommunication.
Second axe de progrès : l’extension du nombre de programmes de recherche SETI
(Search for Extra Terrestrial Intelligence, recherche d’une vie extraterrestre intelli-
gente). Plus de 60 ont été recensés dans le monde, confirmant ainsi que la bio-
astronomie est sortie du ghetto où elle se trouvait dans le passé et qu’elle fait figure
désormais de science à part entière.
Yves Delaye, Extraterrestres, faites-nous un signe ! in Science et Vie, no 875,
août 1990, pp. 20 à 23 et p.150 (extraits).

䊊 Ex 3 Faites la synthèse en 300 mots (+ ou – 10 %) du dossier ci- après


relatif à l’expérimentation sur l’animal (Extraits du © Monde du
4 février 1981) :

1. Une expérimentation légale


L’expérimentation sur l’animal de laboratoire est actuellement réglementée par un
ensemble de textes du code pénal, du code rural et du code de la santé publique.
Pour le professeur B. Cristau (faculté de pharmacie de Marseille), ces textes « repré-
sentent un compromis entre deux séries d’objectifs qui, à l’évidence, sont antinomi-
ques ». On oublie souvent que non seulement cette expérimentation n’est pas
interdite (en dehors des actes de cruauté inutiles qui constituent des délits), mais
encore qu’elle est fréquemment imposée par l’autorité publique : pour l’évaluation
de l’efficacité et de l’innocuité des produits utilisés par l’homme (médicaments en
tout premier lieu, mais aussi cosmétiques, produits vétérinaires, insecticides, sub-
stances destinées à l’entretien ou à l’application des verres de contact ou produits
d’hygiène corporelle par exemple).

188 techniques de l’expression écrite et orale La synthèse – Le dossier



Cette expérimentation est indispensable, d’autre part, en vue de la mise sur le
marché de toute nouvelle molécule. Plus que la recherche fondamentale, c’est ce
secteur d’activité qui utilise la plus grande part des animaux de laboratoire. Pour
Jean-Jacques Barloy, « 4,7 millions de spécimens sont utilisés chaque année en France,
dont 1,7 million dans le domaine public et 3 millions dans le domaine privé. Pour le
monde entier, le chiffre annuel est de 300 à 400 millions ». Tout projet tendant à
diminuer le nombre des expérimentations sur l’animal doit, à l’évidence, tenir
compte de ces éléments.
Pourtant, et alors que tout le monde s’accorde pour souligner que cette expérimen-
tation ne doit être entreprise qu’à des fins très précises, il reste qu’une place minime
est faite aux recherches in vitro et aux méthodes substitutives qui, à terme, et
dans certains cas, pourraient dispenser les scientifiques d’un recours systématique
à l’animal de laboratoire (...).
Nombre d’expériences – celles concernant le système nerveux central, le comporte-
ment ou la douleur par exemple – ne pourront vraisemblablement pas être menées
sans expérience sur l’animal. Les réglementations ne pourront d’autre part être utile-
ment modifiées sans concertation internationale. Les bénéfices liés à l’élevage et à la
commercialisation des animaux de laboratoire devront eux aussi être pris en considé-
ration, tout comme l’absurdité d’un système qui veut que l’on mesure les qualités –
et les espoirs de promotion – des chercheurs universitaires à la quantité de leurs
publications scientifiques, ce qui, bien souvent, incite nombre d’entre eux à multiplier
des expériences qui ne sont pas toujours pleinement justifiées.
Ces initiatives ouvrent cependant la voie à un terrain d’entente entre des parties
qui, jusqu’à présent, au mieux, s’ignoraient. D’une manière plus générale, elles
témoignent de l’évolution des mentalités quant à la place de l’animal dans les
sociétés industrialisées. La prise en considération de sa souffrance, qu’il soit animal
de compagnie, source de nourriture ou sujet d’expériences, remet fondamentale-
ment en cause une grande partie de nos attitudes. Le dialogue commence à s’établir
entre les hommes. Se poursuivra-t-il ? S’établira-t-il avec l’animal ?
Jean-Yves Nau.

2. Faut-il renoncer aux vaccins antiviraux ?


par le docteur Robert Netter 1
Contrairement aux vaccins bactériens, qui peuvent être produits sur des milieux
inertes synthétiques ou à base de bouillon de viande, les vaccins antiviraux requiè-
rent des cellules vivantes intactes de mammifères ou d’oiseaux pour la multiplication
des virus.

1. Directeur général du Laboratoire national de la santé.

leçon exercices travaux dirigés corrigés 189


Le contrôle de ces vaccins pose aussi de nombreux problèmes et nécessite, dans
un certain nombre de cas, le recours à l’animal. Il s’agit notamment de vérifier
l’innocuité de ces substances (tests de tératogenèse, de cancérogenèse et recherche
de virus étrangers) et leur efficacité en cours de fabrication (appréciation du pouvoir
protecteur) et une fois le produit fini.
L’utilisation de mammifères pour la confection d’extraits endocriniens ou de vaccins
n’est pas plus contestable que pour l’alimentation ; il n’en reste pas moins que les
techniques modernes de génie génétique permettront de plus en plus de s’en pas-
ser, comme c’est le cas dans un avenir très proche pour l’insuline.
D’autres progrès technologiques, telle l’extension de l’emploi de lignée cellulaire
connue à vie limitée ou non, permettront non seulement d’éviter d’avoir recours à
chaque fois à l’animal, mais encore de fabriquer des quantités massives de vaccin,
à meilleur compte. Cela est un élément déterminant dans le cas de programmes
ambitieux élargis de vaccination de l’OMS, d’autant que, pour ne citer que le vaccin
poliomyélitique, il devenait de plus en plus difficile de se procurer des singes.
Un arrêt brutal aujourd’hui de toute utilisation de cellules animales ou humaines
signifierait donc la cessation de toute fabrication de vaccins antiviraux, ce qui aurait
des conséquences désastreuses sur la santé publique.

3. Contre la vivisection ni sentimentalisme ni obscurantisme


par le docteur Jacques M. Kalmar 1
Le poids des arguments des partisans de l’expérimentation sur l’animal doit être de
l’ordre du nanogramme : intellectuellement, les « anti » ne comprennent rien à la
sublimité de la recherche expérimentale sur l’animal ; affectivement, ils naviguent
dans les eaux territoriales d’un sentimentalisme sirupeux ; mentalement, ils sont
l’objet d’une fixation à un obscurantisme médiéval. Et, tout en haut de cette pano-
plie, plane la mise en garde prométhéenne qui foudroie les foules atterrées : sans
l’expérimentation animale, c’est la fin de tout progrès, c’est le déclin de la médecine.
Nous répondrons simplement que des méthodes plus sûres, plus rapides, existent
pour remplacer les animaux (...).
Des commissions, des comités, des lois, des décrets, des propositions, des direc-
tives, des conventions, des chartes, ont pour objet de réglementer les expérimenta-
tions pratiquées sur des animaux, pour assurer « la protection des animaux de
laboratoire ». Quel crédit peut-on accorder à ces réglementations ?
Il est prévu, par exemple, que « personne ne doit, de façon injustifiée, imposer aux
animaux des douleurs, des maux ou des dommages ou les mettre en état d’anxiété »
(loi fédérale helvétique). « Les souffrances doivent être limitées à l’inévitable » (loi

1. Vice-président de la Ligue française et de la Coalition mondiale contre la vivisection. Prési-


dent de l’Association pour une biologie sans cruauté.

190 techniques de l’expression écrite et orale La synthèse – Le dossier



suédoise). « Les expériences ne doivent pas être poursuivies au-delà du strict nécessai-
re » (loi autrichienne).
Où commence l’injustifiable et qui situera l’inévitable, le strict nécessaire ?
Comment ne pas provoquer des dommages au cours de ces expérimentations qui
durent des semaines ou des mois ? Comment l’animal dit de laboratoire ne serait-
il pas en état d’anxiété, si le seul fait d’être incarcéré dans le laboratoire, manipulé
de toutes les manières comme un objet, est anxiogène ?
« Toute procédure expérimentale sur des animaux doit entraîner le minimum de souf-
france, de douleur et de lésion » (docteur vétérinaire G. Vallier, du ministère de
l’agriculture). Qui pourra nous définir l’unité de mesure de la souffrance, de la
douleur et de la lésion ?
Toute restriction émanant d’une réglementation est assortie d’une dérogation. Si bien
qu’en ajoutant ce qui est admis d’office à ce qui est autorisé tout devient permis.
La Fédération mondiale de la protection des animaux demande que « le traitement
approprié des animaux de laboratoire soit conforme aux exigences de leur bien-être ».
Tous les animaux que nous avons vus dans les laboratoires étaient en état de détresse.
« Les animaux doivent disposer d’un logement et de la liberté de mouvements appropriés
aux besoins physiologiques et éthologiques des différentes espèces » (direction des
affaires juridiques de la commission de l’agriculture de l’Assemblée parlementaire
européenne). Or la cage d’un chien de 25 kg doit avoir 1,50 m2, selon les normes
françaises et allemandes ; 1,10 m2 selon les normes américaines. La surface de
l’unité d’entretien d’un chat de 4 kg sera de 0,30 m2. Le biotope d’un singe rhésus
ou cercopithèque pesant de 7 à 10 kg aura 1 m sur 0,90 m, avec une hauteur de
0,85 m. On ne l’extrait de ce territoire que pour l’immobiliser dans un appareil de
contention où il pourra rester des semaines ou des mois. C’est assez dire le bien-
être qui est effectivement assuré à ces animaux de laboratoire !
En fait, en associant des principes de protection des animaux dits de laboratoire,
pour réglementer les expérimentations pratiquées sur eux, on atteint les sommets
d’une hypocrisie vertigineuse. Autrement dit, la crédibilité des réglementations est
quasi nulle, car les souhaits et vœux proposés ne s’accordent en aucun point avec
la démarche des expérimentations.

4. La souffrance n’est pas inéluctable


par H. Saint-Girons 1
Au stade actuel de notre civilisation, l’expérimentation sur l’animal reste une néces-
sité et réclamer sa suppression relève de l’utopie. Les membres des ligues qui
s’opposent à ce qu’ils appellent improprement la vivisection utilisent d’ailleurs,

1. Directeur de recherche au CNRS.

leçon exercices travaux dirigés corrigés 191


comme tout le monde, les ressources de la pharmacopée moderne et ne sont sans
doute pas tous végétariens. Cela dit, il reste légitime de s’interroger sur la manière
dont est pratiquée cette expérimentation, de la collecte des animaux à leur mort.
Il est exact que les opérations sanglantes sont maintenant presque toujours prati-
quées sous anesthésie. Je connais cependant quelques exceptions qui ne sont pas
toutes scientifiquement justifiées. En outre, surtout en pharmacologie, les injections
de produits à tester sont faites sans précautions, quelle que soit leur nature. De
toute manière, il est rare que l’animal soit ensuite maintenu sous anesthésie, ou
tout au moins sous analgésiques, même lorsque les suites de l’intervention sont
extrêmement pénibles. Or ce serait non seulement possible, mais techniquement
souhaitable dans la plupart des cas. Quelques services le font déjà, pour des raisons
d’éthique, ou simplement par souci de perfection méthodologique. Cette pratique
pourrait facilement être étendue à tous les laboratoires de recherche fondamentale.
Elle se heurterait, évidemment, à plus de difficultés lors des tests pharmacologiques,
tout au moins lors de la première phase, qui se pratique sur des lots importants de
rats et de souris. Mais c’est uniquement une question de temps et d’argent. Enfin,
nombre d’animaux doivent être tués (survivants expérimentaux, témoins à autopsier
à titre de comparaison, etc). Je regrette d’avoir à dire que l’opération n’est pas
toujours réalisée d’une manière convenable.
Un autre problème est celui de la vie des animaux avant l’expérimentation, ou
après, si celle-ci a été bénigne et peut se répéter. Ces conditions sont généralement
convenables pour les petits rongeurs, élevés dans des cages standard peu coûteuses.
Il n’en est pas de même pour les animaux plus grands, chats et surtout chiens et
singes. Certaines « animaleries » sont parfaitement scandaleuses et laissent d’ailleurs
perplexe quant à la qualité scientifique des résultats obtenus sur les sujets qui y
vivent. D’autres sont plus modernes et mieux tenues, mais trop souvent il n’y est
fait aucun effort pour un minimum de confort psychologique et, par exemple, des
espèces fondamentalement sociales sont maintenues dans l’isolement (...).
Indépendamment des traitements subis par les animaux d’expérience, le nombre
de ceux qui sont utilisés mérite aussi d’être examiné. Ce nombre est manifestement
excessif, pour des raisons multiples parmi lesquelles on peut citer le manque d’ho-
mogénéité des lots, de mauvais protocoles expérimentaux, une utilisation routinière
de la statistique, de fréquents doubles emplois et, enfin, des expériences inutiles. Il
va de soi qu’en recherche fondamentale des tâtonnements sont inévitables, avec
une proportion d’échecs élevée. Mais, lorsque deux équipes concurrentes travaillent
sur le même sujet, avec les mêmes méthodes, leur seul souci est d’arriver la pre-
mière et le gaspillage des animaux leur importe peu.
Défendre le principe de l’expérimentation animale, en tant que nécessité regrettable
mais impérieuse, est une chose. Prétendre que cette expérimentation se fait dans

192 techniques de l’expression écrite et orale La synthèse – Le dossier



des conditions satisfaisantes dans notre pays en est une autre, qui relève de l’aveu-
glement ou du mensonge. Beaucoup de chercheurs font de leur mieux pour éviter
toute souffrance à leurs animaux ; ils y ont quelque mérite, car il n’est pas facile de
résister, pendant toute une vie, aux tentations de la facilité et aux impératifs du
rendement, voire aux réactions agacées de collaborateurs ou patrons.

䊊 Ex 4 Faites en 250 mots (± 10 %) la synthèse du dossier ci-après


composé de 3 textes concernant la graphologie.

Texte no 1, Les voyageurs de l’écriture , in © Le Monde du 5 septembre 1982.


« Écris-moi, dis-moi ce que tu veux, mais j’ai besoin de voir ton écriture », disait
Jean Giono à son ami Lucien Jacques. S’il pressentait dans le geste scriptural la possi-
bilité d’une connaissance, Jean Giono n’en était pas pour autant graphologue. Signe
distinctif d’une personnalité au même titre qu’une empreinte digitale, une écriture
peut inspirer attirance ou défiance ; pourtant il est dangereux de s’improviser gra-
phologue, fût-on un amateur éclairé. Pour obtenir ce titre, dont certains « charla-
tans » n’hésitent pas à se parer, il faut en effet tout un acquis de connaissances et
plusieurs années d’expériences. « De la maturité, beaucoup de maturité », précise
Jacqueline Peugeot, présidente de la Société française de graphologie (SFG). [...]
Pour mieux remplir leur délicate mission, les graphologues ont besoin d’un mini-
mum d’éléments et de renseignements ; notamment un texte manuscrit original,
plusieurs si possible (une écriture peut varier suivant l’émotion du moment) et de
préférence un document « spontané » tel que notes, lettres personnelles, etc. En
cas d’étude sur un tiers, la missive doit toujours être accompagnée de l’enveloppe,
non seulement pour sa disposition graphique, mais comme preuve d’appartenance
au demandeur. Pas question par exemple pour une mère de découvrir la personna-
lité d’un probable gendre en subtilisant un billet doux ! Les graphologues conscien-
cieux n’apprécient pas davantage les documents non signés. Ils n’aiment pas les
crayons à papier et déplorent l’usage généralisé du feutre, qui uniformise le relief.
Sur le « scripteur », ils doivent nécessairement disposer des renseignements sui-
vants : âge et sexe, particularités telles que gaucher, troubles de la vue, apprentis-
sage de l’écriture en langue étrangère non latine. Le niveau d’études est aussi une
indication précieuse et les cabinets de recrutement se réfèrent souvent à la photo,
qui permet de tenir compte des caractéristiques morphologiques.
Dans le cas des lettres de candidature, toutes ces informations ne sont pas dispo-
nibles, mais il s’agit alors d’analyses relativement superficielles qui se contentent de
comparer certaines caractéristiques de la personnalité à celles du profil-type : forme
d’intelligence, aptitude à travailler en équipe, à supporter le poids d’une hiérarchie...
Pas question ici de qualités ou de défauts, simplement de concordances. Les écri-

leçon exercices travaux dirigés corrigés 193


tures des caissiers et des comptables sont examinées du point de vue de l’honnê-
teté. La plupart des lettres analysées émanent de cadres, mais aussi de techniciens
ou de secrétaires. Des recoupements sont ensuite effectués avec d’autres éléments
d’appréciation (entretien, tests psychotechniques...), avec, en cas de divergence,
concertation entre le graphologue et le recruteur.
On a vu ainsi des candidats « sauvés par la graphologie » (compétents, mais malha-
biles à « se vendre ») et d’autres évincés par elle (les « baratineurs »). Interrogés sur
leur responsabilité, les graphologues affirment s’inscrire dans un processus logique
qui évite l’aggravation de la déception, comme par exemple un départ en période
d’essai. Dans la majorité des cas cependant, le graphologue ne saura jamais combien
auront pesé ses commentaires, ni quel critère aura été déterminant en dernière
instance.
Avec la crise économique, c’est tout un nouveau type de clientèle qui défile dans
les cabinets : les demandeurs d’emploi. Leur interrogation est simple :
« J’ai reçu tant de lettres négatives, y aurait-il quelque chose de défavorable dans mon
écriture ? ». Il n’est pas rare alors qu’un graphologue, non content de redonner
confiance à son client, de valoriser son meilleur côté, le conseille dans la présenta-
tion d’un curriculum vitæ ou même remette son orientation en cause. Ce fut le cas
pour des individus timides et introvertis briguant des postes de vendeurs !
On remarque que si le chômage fait travailler les graphologues, il a aussi comme
conséquence indirecte de masculiniser leur clientèle privée, auparavant constituée
de femmes. Contrairement aux hommes qui consultent généralement le psychogra-
phologue pour des problèmes professionnels ou relationnels dans l’entreprise, les
femmes sont motivées – outre la curiosité – par des difficultés personnelles telles
que mésentente conjugale, problème entre frères et sœurs, orientation des enfants,
dysorthographie...
Jean Buffenoir
Marie-Pascale Nobecourt
et Marie-Jeanne Vigezzi

Texte no 2, Extraits de La graphologie, © PUF, coll. « Que sais-je » no 256, 19e édi-
tion, 1995. Ouvrage du graphologue Herbert Hertz.
L’écriture est un aspect essentiel de notre activité cérébrale. Si la formation et
l’application exacte de l’acte d’écrire sont du ressort de la calligraphie, et si l’enquête
et l’expertise des données matérielles d’un graphisme ressortissent à la graphomé-
trie, la graphologie, elle, s’occupe plus spécialement du rapport qui existe entre une
écriture et son auteur, en tant que reflet de la personnalité intime de celui-ci.
Il n’est point surprenant que l’entreprise de vouloir déceler et juger le caractère
d’une personne d’après quelques pages écrites rencontre de prime abord une cer-

194 techniques de l’expression écrite et orale La synthèse – Le dossier



taine méfiance, due au fait qu’on est incrédule devant l’évocation de l’existence
possible d’un rapport entre le scripteur et son script. Il suffit, cependant, d’énumé-
rer quelques petits faits connus de tous pour porter l’interlocuteur à la réflexion.
Ainsi, il ne viendrait à l’idée de personne, à la vue d’une signature, de douter ou de
contester qu’il s’agit là de l’émanation d’une personne bien déterminée. Tout au
plus peut-on parler d’un faux. Et le fait même de l’association d’idée de « signature »
et de « faux » implique déjà la reconnaissance qu’une signature est quelque chose
de personnel et de bien défini dont la contrefaçon peut être découverte. La justice,
toujours si prudente dans ses conclusions, a admis ce principe depuis des temps
immémoriaux. Qui dit « signé » dit « écrit personnellement ».
La recherche du faux en écriture est affaire des experts en écriture. Ceux-ci compa-
rent les éléments qui composent un graphisme ; ils mesurent et dissèquent les diffé-
rents aspects des graphismes, ce qui leur permet de conclure à l’authenticité ou à
un « faux ».
La personnalité du scripteur, par définition de leur travail, n’est pas analysée.
La graphologie, par contre, cherche à connaître la personnalité de celui qui a
« écrit », quel qu’il soit.
Nous reconnaissons aisément parmi une multitude de pages écrites celle que nous
avons tracée et, mieux que cela, il suffit que nous ayons reçu deux ou trois fois une
lettre d’une personne pour que nous disions à la simple vue d’une enveloppe, et
bien que la manière de disposer l’adresse sur une enveloppe soit presque toujours
conforme à un modèle général, « tiens, une lettre d’un tel ». (...)
Écrire, matériellement parlant, est une occupation fort complexe et délicate, étant
donné le nombre de connexions nerveuses et de muscles devant intervenir, et il
apparaît clairement que le caractère individuel a ici un vaste champ pour se manifes-
ter. Il n’est pas douteux qu’une personne vive, qui sent le besoin de gesticuler
beaucoup et inutilement, montre la même vivacité lorsqu’elle communique ses
idées, soit par écrit, soit en paroles. Il sera donc peu probable qu’elle trace ses
lettres d’une manière très sobre.
Nous devons bien nous pénétrer de l’idée que nous n’écrivons pas simplement avec
la main ; celle-ci n’est qu’un instrument, un outil, animé par un moteur. Ce moteur,
combinaison harmonieuse des muscles et des nerfs, est lui-même alimenté par une
force motrice, et la génératrice de cette force est notre cerveau. Ceci admis, nous
pouvons entrevoir les possibilités et les limites de la graphologie. Celle-ci est, en
effet, à même de déceler toutes les réactions d’un individu en observant l’activité
mentale transmise par l’influx nerveux et sa matérialisation dans le geste graphique.
Les impulsions, la rapidité de réactions, la spontanéité d’un individu peuvent se
mesurer dans son graphisme. On peut supputer les capacités de celui qui écrit,
puisque le cerveau est le créateur et régulateur des impressions de toute sorte (...)

leçon exercices travaux dirigés corrigés 195


Comme pour la réussite de toute entreprise, une analyse graphologique doit être
menée dans les conditions optima. Une même personne n’écrit pas de la même
manière lorsqu’il fait très chaud ou lorsqu’il fait très froid. Une même personne,
quelle que soit son égalité d’humeur en général, n’écrit pas comme à l’ordinaire
sous l’influence de la colère ou d’une émotion vive. Aussi, la première condition
d’une bonne analyse est-elle d’avoir plusieurs documents de la même personne ;
tout au moins le graphologue doit-il être informé d’un état anormal au moment de
la confection d’un écrit.
Tous les écrits ne sont pas pareillement favorables à l’analyse. Ainsi, une pétition
ou un acte écrit devant un homme de loi est un écrit moins spontané à cause du
souci qu’éprouve alors le scripteur d’être lisible, qu’un brouillon ou qu’une lettre
intime adressée à une personne ayant l’habitude de cette écriture. On doit donc
procéder à un choix réfléchi des écrits et tenir compte de leur genre.

Texte no 3, La dictature de la graphologie in © Le Nouvel Observateur, 24 juin 1993,


pages 8 à 15.
« Envoyer CV plus lettre manuscrite ». C’est ce qu’on lit de plus en plus dans les
offres d’emplois. Attention, ça veut dire que l’entreprise où vous souhaitez être
embauché croit à la graphologie, et que votre CV va être transmis à un graphologue
consultant. Vous n’allez pas être jugé sur vos diplômes ou sur votre expérience
professionnelle, mais sur votre écriture. Que ça vous plaise ou non. Dites-vous bien
que la graphologie est une croyance, comme la métempsycose, le spiritisme ou les
OVNI. Elle a d’ailleurs été inventée par un prêtre, l’abbé Jean-Hippolyte Michon,
qui prêchait le carême à Notre-Dame sous le second Empire.
La graphologie est une religion révélée. Son dogme, c’est que l’écriture, qui est
un tracé personnalisé dû à des contractions musculaires, est une projection de la
personnalité. « L’écriture reflète l’homme », dit la graphologue freudienne Anna Teil-
lard, et elle en donne pour toute preuve que c’est un fait depuis longtemps reconnu.
« Je suis fascinée par la puissance évocatrice des écritures », dit Marie-France Szyma-
neck, professeur au GGCF (Groupement des Graphologues-Conseils de France).
« C’est comme une révélation globale des gens, même si on n’y voit pas tout. On y
décèle les problèmes humains. La graphologie se livre à une espèce d’observation in vivo.
Elle voit les gestes enregistrés sur le papier, le déroulement graphique ».
Autour de ce dogme, les graphologues,– qui seraient en France près de cinq cents,
toutes écoles confondues – ont construit un système de correspondance entre
l’écriture et la psychologie. Ils ont fait de ce système une science qu’ils ont réussi à
imposer sur le marché du travail. Mais aucune de leurs affirmations ne résiste à
l’expérimentation, ce qui est gênant pour une science. Les tests graphologiques
n’ont jamais réussi à fournir des informations indépendantes du testeur, ni

196 techniques de l’expression écrite et orale La synthèse – Le dossier



constantes si on l’utilise plusieurs fois. De l’aveu même des graphologues, leurs tests
sont incapables de prédire, même avec une marge d’erreur, la carrière et l’avenir
de la personne testée. Une croyance, on l’accepte ou on la rejette, mais celle-là,
vous êtes bien obligé de l’accepter sans discussion, puisque vous cherchez du bou-
lot, et qu’elle est de plus en plus partagée par les employeurs. Les entreprises sont
déboussolées par la crise. Elles ont besoin de mages-graphologues. La récession a
entraîné une régression. Ne vous plaignez pas. Encore heureux qu’on ne nous
demande pas l’heure de votre naissance et qu’on ne remette pas votre sort entre
les mains d’un astrologue. Hélas, ça se fait aussi. [...]
Dès l’origine, les graphologues se sont mis spontanément au service du système
économique et de la morale qu’il impose. Ils continuent aujourd’hui sur cette lancée.
Ils sont devenus les partenaires obligés des entreprises qui n’ont plus confiance dans
leur flair ou dans leurs méthodes traditionnelles pour embaucher. La graphologie,
qui a été longtemps une distraction de salon, commande aujourd’hui l’accès à l’em-
ploi. « 90 % des cabinets de recrutement et 30 % des entreprises utilisent la grapholo-
gie », dit Jean-Paul Gauthier, président de la Fédération nationale des Professionnels
de la Graphologie, et expert en écritures auprès de tribunaux. Les patrons ne
croient plus aux diplômes, ce qui se peut se comprendre, mais ils ne se fient même
plus à l’expérience des candidats. Le CV, on l’a vu, ne sert plus qu’à deviner si le
candidat ne dissimulerait pas un handicap ou une tare. Peut-être parce qu’il sont
trop nombreux, les postulants sont devenus des suspects. Ils sont traqués dans leurs
automatismes et dans leur inconscient. L’entretien ne suffit plus. « On se méfie des
beaux voleurs », dit un industriel. C’est le règne du soupçon.
Les patrons sont méfiants. D’abord parce que le cadre français est redoutable quand
il cherche une place. « Il sait bien vendre, c’est un grand séducteur », dit Mme Moyet-
Laffon, PDG de HRM, une boîte de chasseurs de têtes. « On a établi une échelle de
mensonge pour l’ensemble de la population française. La moyenne se situe au niveau 4.
Le cadre supérieur, lui, grimpe facilement jusqu’aux niveaux 5, 6 et 7 ». Mais les patrons
doutent surtout d’eux-mêmes. Ce qui fait les affaires de la grapho. Tout est devenu
trop compliqué, trop sophistiqué, depuis qu’on ne parle plus du personnel d’une
entreprise, mais de ses ressources humaines. Même les mots font peur. L’engoue-
ment pour la graphologie ne touche pas seulement les petites boîtes, mais les
grosses et les très grosses. Même les entreprises publiques. « J’ai fait des analyses
pour un office de gestion de HLM », dit Marie-France Szymaneck. La graphologie s’est
installée au sommet de l’économie française. [...]
Quand on cuisine un peu les recruteurs accros à la grapho, ils finissent par avouer
qu’il faut bien une méthode d’élimination quand on a à faire face à un afflux massif
de postulants présentant tous le même profil. Le hic, c’est que le problème de la
sélection se pose partout, et que nous sommes les seuls au monde à vivre sous

leçon exercices travaux dirigés corrigés 197


l’empire de la graphologie. Aux États-Unis, celle-ci n’est jamais employée dans le
recrutement. D’abord, il ne viendrait jamais à l’esprit d’un Américain d’exiger ou
d’envoyer un CV manuscrit. Il passerait pour un plouc. « Et puis, les Américains sont
pragmatiques », dit Mme Moyet-Laffon, qui a toujours refusé d’utiliser la grapho.
« Leurs CV sont moins littéraires que les nôtres, qui sont des dissertations. Chez eux,
les CV sont chiffrés. Le candidat écrira que dans l’entreprise qu’il vient de quitter il a
diminué les frais fixes de tant, qu’il a augmenté les ventes de tant, qu’il a vendu la
statue de la Liberté en kit aux Chinois. L’employer ou le recruteur fait vérifier, et ça se
borne là. Il n’y a pas de flou artistique. Ce qui compte aux États-Unis, ce sont les
résultats chiffrés et la présentation lors de l’entretien. »
La vérité est peut-être là. Nous sommes tous complices de la graphologie, même
si nous en sommes les victimes. La graphologie prospère chez nous parce qu’elle
convient à notre nature. Nous sommes des littéraires, des rhétoriciens. Nous
aimons la graphologie parce que c’est un art qui ne vaut que par l’artiste qui le
pratique. Et il y a des virtuoses, comme Marie-France Szymaneck : « J’ai tendance
à m’identifier à mon client, à écrire comme lui. On est comme un acteur, on mime la
douleur, la liberté, la crispation. De toute écriture un climat se dégage ».
Voilà ce que nous aimons. Les Américains s’en tiennent aux chiffres, nous préférons
le climat. Nous aimons la grâce, l’émotion, l’aquarelle, l’à-peu-près. Le pifomètre
compliqué. Nous ne sommes peut-être pas faits pour le monde qui s’annonce.
François Caviglioli

198 techniques de l’expression écrite et orale La synthèse – Le dossier



travaux dirigés

䉯 Td 1 Rédigez une synthèse de 300 mots (plus ou moins 10 %) des deux
textes suivants sur la vitesse.

1er texte : Pourquoi si vite ?


Les chiffres de la Sécurité routière sont implacables : la vitesse intervient comme
facteur principal ou aggravant dans près d’un accident mortel sur deux.
L’automobiliste n’échappe pas en effet aux lois de la physique. Tout corps en mouve-
ment accumule de l’énergie. En cas de choc, l’énergie cinétique dégagée croît en fonc-
tion de la masse du véhicule et de la vitesse initiale. Ainsi, la force d’impact d’un véhicule
lancé à 90 km/h est 9 fois supérieure à celle d’un véhicule lancé à 30 km/h. car lorsque
la vitesse est multipliée par 3, l’énergie cinétique est, elle, multipliée par son carré (9).
La gravité des traumatismes occasionnés sur le corps humain s’accroît en conséquence.
Une seconde, c’est le temps minimum qu’il faut au conducteur vigilant pour réagir
face à l’obstacle. De la vitesse du véhicule dépend ensuite sa distance de freinage et
d’arrêt. Dans des conditions normales de circulation, il lui faudra 165 mètres pour
s’arrêter s’il roule à 130 km/h et 250 mètres à 180 km/h... Mais comme toute image,
celle d’un compteur bloqué à 200 km/h est forcément réductrice lorsque l’on parle
de vitesse excessive. Car l’excès, ce peut être aussi de rouler à 70 km/h dans une
« zone 30 » ou à 130 km/h par temps de pluie ou de brouillard sur une autoroute.
De la même manière, une vitesse inadaptée – aux conditions climatiques, à l’état de
fatigue du conducteur ou aux règles en vigueur (80 km/h sur autoroute, par exemple)
– est tout autant génératrice de risques. Au final, ce sont les distances de sécurité,
l’état de vigilance du conducteur et l’adaptation de la conduite aux conditions de la
route qui déterminent la prise de risque de l’automobiliste. Mais la vitesse, elle,
intervient toujours – de manière directe ou indirecte – dans la gravité de l’accident.
Les améliorations apportées en matière de sécurité ont fait leurs preuves : ceinture
de sécurité, airbags, système de retenue pour les enfants, système de freinage Anti-
lock Braking System... Mais la performance de ces équipements peut avoir des effets
pervers : le sentiment de sécurité, voire d’invulnérabilité ressenti à l’intérieur de
l’habitacle inciterait les conducteurs à prendre davantage de risques. C’est pourtant
un leurre : les dispositifs de protection ne peuvent annihiler les lois physiques de la
vitesse. Sans oublier que le tracé et la visibilité des routes, des autoroutes en parti-
culier, ont été conçus selon des normes correspondant à une vitesse de référence.
La dépasser modifie d’autant la bonne maîtrise du conducteur.
Les enquêtes nous montrent que la propension à la vitesse est étroitement liée à
plusieurs critères : le sexe, l’âge, la profession, le comportement général du conduc-

leçon exercices travaux dirigés corrigés 199


teur. Ce sont les hommes, surtout avant 40 ans et issus de couche sociale favorisée,
qui se montrent les plus nombreux à prendre des risques sur la route. « L’attitude
au volant prolonge les tendances fondamentales de chacun à respecter ou à dévier des
normes. De plus, le rapport de l’homme à la vitesse relève d’un rapport plus général au
monde et à la technologie, lié à une bonne gestion du temps et à une recherche de la
compétitivité », explique Jean-Pierre Cauzard, sociologue à l’INRETS. Sur 30 millions
de conducteurs français, un tiers apparaît respectueux des limites de vitesse. Un
autre tiers révèle un profil particulier : actifs de type profession indépendante, plutôt
jeunes, ils sont réticents face à la réglementation, aux limitations de vitesse et à
la contrainte en général. Plus inquiétant, un dixième de la population affiche un
comportement systématiquement réfractaire vis-à-vis des règles établies.
Chez les jeunes, le risque routier est doublé par rapport au reste de la population.
Deux mille jeunes entre 15 et 24 ans se tuent chaque année sur les routes et plus
de 10 000 sont gravement blessés. Les conséquences de la vitesse entrent pour une
part importante dans ce triste bilan : 7 % seulement déclarent ne jamais faire
d’excès de vitesse ; 29 % considèrent comme « très grave » le fait de ne pas respec-
ter les limitations. Par défi parfois, plus que par inconscience, ils minimisent, voire
recherchent le risque. Jean-Pascal Assailly 1 l’a bien souligné : « les jeunes, comme les
adultes d’ailleurs, ont souvent des accidents, non parce qu’ils sont incapables de
conduire prudemment, mais parce qu’ils choisissent de ne pas le faire. »
Le TGV, l’avion, Internet... Tout ce qui va vite bénéficie d’une image très valorisée.
Comment accepter l’idée que sur la route la vitesse n’est plus une valeur ? Les
normes collectives et la publicité exaltent la conduite source de puissance, d’ivresse,
et minorent ainsi la perception du risque automobile. « La valeur d’usage de l’automo-
bile se double de l’effet de distinction que produisent la diversité des marques, la multi-
plicité des gammes et des modèles, explique Pierre — Emmanuel Barjonet 2. La
réglementation de la vitesse diminue cette valeur en restreignant la capacité d’usage de
l’auto : son usage instrumental d’abord en augmentant la durée du transport, son usage
symbolique ensuite en écrêtant les possibilités de se distinguer par le risque et la témé-
rité, en entravant les manifestations de pouvoir qu’autorise la mise en œuvre des poten-
tialités d’un véhicule puissant et rapide ».
Une enquête de MAIF infos, no 121, mars 2001, pp. 6 à 8

2e texte : Le complot meurtrier


Impossible de réfléchir sérieusement à la civilisation automobile sans rappeler la
tragédie des morts sur la route. La prouesse technique tient trop peu compte des
contraintes de la réalité. Lorsque deux véhicules se percutent de plein fouet, le

1. Jean-Pascal Assailly : Les jeunes et le risque, Éditions Vigot, 1992.


2. Pierre-Emmanuel Barjonet, Vitesse, risque et accident : psychosociologie de la sécurité, Paradigme, 1988.

200 techniques de l’expression écrite et orale La synthèse – Le dossier



corps humain est incapable d’absorber le choc ; il ne peut supporter une intensité
de la pesanteur supérieure à une vingtaine de g pendant la durée de décélération
d’un accident grave ; le crâne et le cerveau ne tolèrent pas plus de 150 g pendant
deux millièmes de seconde... Des milliers de morts, des handicaps à vie, des trauma-
tismes psychologiques, de la souffrance : voilà le tribut payé chaque année à la
vitesse. La compétence au volant est une denrée rare et inégalement partagée : la
conduite sans risque n’existe pas. Et il est avéré que la puissance allouée aux véhi-
cules par les constructeurs constitue un facteur aggravant.
Les usages de la vitesse sur la route correspondent à des exigences si opposées que
sa gestion devient un sujet privilégié pour comprendre comment les acteurs d’une
société définissent leurs références et gèrent leurs contradictions. Un équilibre ins-
table, perpétuellement remis en question, est déterminé par les forces et les fai-
blesses des uns et des autres. Il permet d’évaluer le rôle de l’État organisateur dans
une société industrielle et de comprendre l’étendue de sa perte de pouvoir face
aux enjeux économiques.
À première vue, puisque le temps se réduit quand la vitesse s’accroît, celle-ci est
une bonne réponse à la contrainte du temps. Si la société exige plus de productivité,
d’efficacité, une voiture rapide permet de visiter beaucoup de clients ou de livrer
plus de marchandises en une journée. Hélas, le développement des villes, l’accrois-
sement de la circulation, l’adaptation du rayon d’action aux possibilités de l’instru-
ment annulent tous les bénéfices escomptés. Venir travailler à Paris par l’autoroute
le matin exige un temps qui n’est plus en relation avec une vitesse choisie (elle
s’approche parfois de zéro). Pour les loisirs, le rayon d’action est déterminé par le
temps, et secondairement par la vitesse et l’espace. Au lieu d’aller à Nogent, on ira
à Deauville, puis à Brest, et le gain de temps sera nul, au profit d’un espace dont
on peut discuter l’intérêt. Même constatation au sujet des trajets domicile-travail :
on achète une maison agréable mais éloignée et l’on paie la note en temps, faute
d’avoir su évaluer la vitesse nécessaire pour la rejoindre. Aller vite devient la réponse
coûteuse, polluante et destructrice à une mauvaise organisation de la géographie
du travail, des loisirs et du logement.
La deuxième face négative de l’ardoise est la destruction de l’image de l’État, de la
loi et des décideurs défenseurs de la santé publique. Malgré toutes les tentatives
visant à rendre les conducteurs responsables de la vitesse excessive et inadaptée,
la notion de système conçu pour dysfonctionner s’impose. Quand l’État accepte la
mise en circulation d’un véhicule qui peut rouler à 200 à l’heure dans un pays où
l’on ne doit pas dépasser 130, il organise la transgression des règles, alors qu’il a su
limiter à la construction la vitesse des cyclomoteurs, des tracteurs et des poids
lourds. Quand il refuse de mettre en œuvre des boîtes noires ou des limiteurs de
vitesse sur les instruments de transport les plus meurtriers alors qu’il a su les rendre

leçon exercices travaux dirigés corrigés 201


obligatoires sur les avions, les trains ou les camions, il indique son acceptation du
sacrifice de la sécurité à la vitesse. Quand il dépose auprès des Nations unies à
Genève un projet de norme pour ces enregistreurs-limiteurs de vitesse, ; puis l’édul-
core au point de le rendre totalement inopérant trois mois plus tard, l’Allemagne
ayant levé le petit doigt pour défendre son impérialisme de la voiture rapide, lourde,
tueuse mais rentable, il indique sa soumission à une Europe étriquée, limitant ses
références à l’argent et au court terme.
Le troisième tableau du drame, c’est la promotion de l’incohérence. Au lieu de
coordonner la gestion des risques dans une démarche qui assure sa lisibilité et
une adhésion de la collectivité, les décideurs choisissent de multiplier les recettes
clientélistes destinées à satisfaire ceux qui ont le pouvoir réel. Quand l’encéphalopa-
thie spongiforme bovine met en danger l’économie agricole, la réaction est immé-
diate et les milliards sont mobilisés. La santé publique est alors le prétexte
intouchable utilisé pour limiter les dégâts économiques. La route tue plus en un
jour que la vache folle en dix ans, mais on ne veut pas identifier les voitures folles
pour ne pas avoir à les abattre.
Dans une commission constituée par le Premier ministre Michel Rocard en 1988,
nous avons publié les chiffres des assureurs sur le risque lié à la puissance des
voitures. Ils étaient accablants. Quand les petites voitures lentes provoquaient 100
francs de dommages corporels chez des tiers, celles des groupes les plus dangereux
en provoquaient plus de 1 800 ! Depuis, on a supprimé progressivement les petites
voitures légères et lentes et pratiquement tous les véhicules dits de tourisme sont
en mesure de dépasser les 150 kilomètres à l’heure. Dans le même temps, le
développement de l’assurance pour les personnes transportées fait que les assu-
reurs ne documentent plus séparément les dommages provoqués chez les usagers
extérieurs à un véhicule ayant des caractéristiques de poids et de puissance
connues. Ni l’Observatoire interministériel de la Sécurité routière, ni la Commission
de Sécurité des Consommateurs, ni le ministère de l’Industrie ne veulent publier
ces chiffres. Ils savent qu’ils mettraient en cause directement leur responsabilité
pénale.
On atteint ici la forme extrême de l’hypocrisie décisionnelle : ne pas produire les
évaluations qui contraindraient à agir. Alors que les médias sont capables de
commenter des semaines durant une épidémie de listériose ou un bénin mal de
ventre chez des écoliers faussement attribué au Coca-Cola, le ministre des Trans-
ports peut présenter le bilan annuel de l’insécurité routière sans dire un mot sur le
risque différentiel en fonction du poids, de la puissance et de la vitesse des véhicules,
et cela ne fait ni rire ni pleurer personne.
Une grande partie des risques sur les routes sont évitables. Ce ne sont pas les
moyens qui manquent ; c’est la volonté de faire apparaître ces risques pour ne pas

202 techniques de l’expression écrite et orale La synthèse – Le dossier



avoir à agir. Ayant une activité de recherche dans le domaine de l’accidentologie
depuis trente ans, j’affirme qu’il existe des véhicules dont les caractéristiques font
qu’ils tuent et blessent dix fois plus que d’autres les usagers extérieurs, seule réfé-
rence importante, car si l’on peut accepter qu’un automobiliste se tue par amour
de la vitesse, il est inacceptable qu’il mette en danger la vie des autres.
Comment conclure ? Le bilan est effrayant. C’est celui de l’incapacité de gouverner,
de la perte de la notion de hiérarchie des valeurs, de la négation du respect humain
dans ce qu’il a de plus essentiel – le droit de conserver l’usage de son corps et la
vie –, de l’acceptation de la dégradation du milieu. Alors que la prise de conscience
de l’inutilité et du risque de la vitesse émerge enfin, les décideurs continuent d’ar-
mer le bras des assassins et refusent toujours de publier les niveaux de risque. En
laissant se développer un outil sortant des limites des règles à l’intérieur desquelles
on voulait le maintenir, on a contribué à dévaloriser la notion de respect de la loi,
on a isolé dans ses tôles un individu qui a tous les moyens entre les mains et sous
les pieds pour détruire les relations sociales et les autres. Et pourtant, on pouvait
lui fournir simplement la capacité de se déplacer librement. Quel échec !
Professeur Claude Got, in Génération vitesse,
hors-série du © Nouvel Observateur, mars-avril 2001, pp. 54-55.

䉯 Td 2 Voici, dans l’ordre chronologique de leur parution, quatre textes


sur les rapports que nos contemporains entretiennent avec le
travail.

Vous en ferez la synthèse en une note de 400 mots (plus ou moins


10 %).

Document no 1
L’entreprise, antichambre de la dépression nerveuse
Selon l’OIT (Organisation internationale du travail), le stress est en progression dans
les entreprises et touche particulièrement le personnel subalterne, précisément
celui dont toute la formation et l’itinéraire professionnel sont en contradiction avec
l’injonction de s’exprimer sur son travail et de prendre des responsabilités. Aux
Etats-Unis, « les poursuites... pour stress atteignent aujourd’hui 14 % des plaintes
en dédommagement pour maladies professionnelles ». Un rapport fait par des
médecins du travail de la région parisienne montre un accroissement des dépres-
sions nerveuses, des troubles psychosomatiques et un développement de l’anxiété.
Selon le Dr Perissol, un tiers des salariés des entreprises qu’il suit font une déprime.
Quand les difficultés d’une entreprise commencent à être visibles par les salariés,
note le Dr Darnaud, « inconsciemment chacun comprend qu’il ne doit plus être le
plus faible et encore moins s’avouer son état. Celui qui le ferait se condamnerait.

leçon exercices travaux dirigés corrigés 203


Résultat, tout le monde se fabrique une carapace ». Un médecin du travail déclarait,
il y a quelques mois, que, si auparavant les gens prenaient des congés maladie,
aujourd’hui, ils prennent des tranquillisants. Un reportage effectué l’été dernier à
Clichy-sous-Bois auprès de médecins généralistes montre des transformations
notables dans les pathologies auxquelles ils sont confrontés : la déprime a remplacé
les angines. Du côté des cadres, le stress devient une litanie. Médecins du travail et
généralistes constatent une nette augmentation du problème depuis 1986. Jean-
Baptiste Stora, professeur de stratégie à HEC et psychosomaticien, dresse des diri-
geants et cadres d’entreprise un portrait psychopathologique qui fait frémir, où les
accidents cardio-vasculaires le disputent aux troubles du sommeil, à l’asthénie et
autres palpitations cardiaques. Le Dr Bensabat a d’ailleurs créé le premier centre
médical antistress pour les dirigeants et cadres français. Pour Dominique Chiffre,
consultant à la CEGOS, « les entreprises demandent de plus en plus d’efforts de
productivité et de qualité aux cadres ». Dès lors, le développement d’un dopage
aux médicaments psychotropes permet à des individus en situation concurrentielle
permanente de tenir le choc en se « chargeant ».
À Silicon Valley, pointe avancée de l’Occident en termes de haute technologie,
d’emprise du travail et de réussite sociale, bref de performance, 60 % des gens ont
un conseiller psychologique (contre 30 % pour la moyenne américaine), selon la
DEA (Drug Enforcement Administration) cette région est la plus grosse consomma-
trice de cocaïne de tous les Etats-Unis et une enquête de 1984 du San lose Mercury
News indique que 35 % des gens interrogés travaillent sous l’influence de drogues.
La consommation de cocaïne est très fréquente chez les enfants des high technology
families. Une société de services informatiques paie à ses salariés jusqu’à dix- huit
visites chez le psychothérapeute pour résoudre des problèmes d’alcoolisme, de
drogue ou de couple, dans un région où le taux de divorce est le plus important
des États-Unis. Pour un thérapeute de Palo-Alto, « le phénomène le plus important
est ce sentiment de pouvoir faire aussi bien que les autres. Les gens ne peuvent
s’arrêter de bosser de peur que quelqu’un ne les dépasse ou même prenne leur
place ». Le rapport au travail et à l’entreprise fonctionne de la même manière que
pour un sportif de haut niveau dont la carrière est exclusivement réglée par les
compétitions. Une enquête de l’université d’Arizona a d’ailleurs observé que le
profil psychosociologique des coureurs hommes compulsifs est similaire en termes
de symptômes à celui des femmes anorexiques : sentiment de solitude, retrait émo-
tionnel, difficulté à exprimer l’angoisse, par exemple.
Chez les ouvriers, les nouvelles technologies et les transformations de l’organisation
de travail accroissent la pression psychologique. Ceux qui travaillent sur la XM chez
Citroën se plaignent beaucoup plus des migraines que de la pénibilité physique des
postes qu’ils occupent. Une étude récente sur ceux qui subissent les mutations

204 techniques de l’expression écrite et orale La synthèse – Le dossier



technologiques dans le groupe automobile PSA montre que les nouveaux procès de
travail s’adressent plus au psychisme des ouvriers qu’à leur habilité physique à suivre
la cadence. L’automatisation accroît les exigences de vigilance (il faut prévenir les
pannes et non plus se reposer quand elle arrive en attendant que le régleur inter-
vienne), la polyvalence rend les ouvriers responsables de la fiabilité du système
technique et pas seulement du rendement (tant de pièces à la minute) : chacun est
à la fois un ouvrier de fabrication, un régleur de machines, un dépanneur, etc.
Comme le dit un ouvrier, « la contrainte est dans la tête, chacun doit être un super-
man et pourtant on ne peut avoir le nez partout ». Ces formes d’organisation de la
production qui font plus appel à « l’art de l’homme » qu’à la cadence ne s’accompa-
gnent pas d’une reconnaissance sociale ni dans les salaires ni dans les qualifications.
Selon les auteurs du rapport, « la contrainte qui s’étend alors, c’est celle d’avoir à
faire ses preuves en permanence. Le rôle de chacun se définit, non plus comme le
devoir d’accomplir telle gamme d’opérations, mais comme le droit, simultanément
donné et repris, de faire valoir l’ensemble de ses capacités pour atteindre les buts
prescrits ». La production à flux tendus (zéro stock), imposant aux ouvriers une
disponibilité permanente que le taylorisme et le travail à la chaîne n’avaient jamais
cherché à obtenir, est le paradigme du poids de la responsabilité pour les ouvriers de
base. De plus, les stratégies informelles classiques, comme le coulage des cadences,
l’absentéisme ou les fausses maladies, qui étaient tout à la fois des moyens de
prendre ses distances à l’égard des exigences de l’OST, de faire un pied de nez à la
discipline et à la hiérarchie, de faire fonctionner des solidarités collectives et de
reconstituer une identité contre les directions d’entreprise, ne sont plus possibles.
Désormais, l’entreprise est l’antichambre du psychothérapeute ou du médecin
généraliste.
Alain Ehrenberg, Le Culte de la performance,
© Éditions Calmann-Lévy, 1991, pp. 271-273.

Notes pour le document 1


1.CEGOS : un des plus importants et des plus anciens organismes de formation
patronale.
2.PALO-ALTO : Siège de l’Université américaine à l’origine du développement des
industries de haute technologie dans la Silicon Valley.
3.OST : Organisation Scientifique du Travail (Taylor).

Document no 2
Le soft et le hard : le désir et la mort
En langage informatique, le soft, c’est le doux, l’immatériel, par analogie avec le
software ou logiciel, tandis que le hard, c’est le dur, le matériel, par analogie avec

leçon exercices travaux dirigés corrigés 205


le hardware, c’est-à-dire la machine. Par extension, dans les entreprises que nous
décrivons, le terme soft est utilisé pour décrire tout cet immatériel qu’est la qualité
de la vie et des relations dans l’entreprise, le bonheur d’y travailler. L’ambiance
générale faite de tutoiement, de convivialité, de succès et de prospérité.

Le paradis du soft
Le soft, c’est tout le versant séducteur de l’entreprise, c’est tout ce par quoi elle
suscite et comble le désir, c’est l’image de jeunesse et de prospérité qu’elle donne
d’elle-même et, ce faisant, qu’elle renvoie à chacun. On en trouve une assez bonne
description chez Hewlett Packard, par exemple, avec le fameux concept du HP
way, qui désigne une façon d’être et de vivre dans l’entreprise, pleine de charme
et de promesses et qu’on ne pourrait, semble-t-il, trouver nulle part ailleurs. « HP
est une boîte où on respire cet esprit de communication, cet esprit relationnel fort,
où on communique, où on va vers l’autre. C’est une relation affective... le président,
quand on le voit, on le tutoie... Cette ambiance, ça vient du tutoiement, de beau-
coup de choses qui nous obligent à avoir ce type de relations très consensuelles.
C’est une relation sociale. Quelque chose aussi qui suscite le désir chez nous, c’est
qu’il y a, je crois, beaucoup de jeunes. Il y a beaucoup de types qui sont jeunes, il
y a un sens de la communication qui est partout, il y a l’autonomie dans le travail,
une autonomie très forte. Il y a des choses qu’on peut faire et pas ailleurs. C’est
une manière d’être... quand vous avez la communication, l’autonomie dans le travail,
l’urban space, le tutoiement, les pauses café telles qu’elles se passent ici, quand
vous avez la manière dont on vous donne les informations, tous les mois on vous
donne les informations concernant le groupe et on se réunit, tout le personnel,
pour un petit déjeuner... tout ça, ça ne peut pas laisser indifférent, c’est une manière
de concevoir l’entreprise... Quand vous avez la possibilité de voir votre président
et de lui dire : « Salut, j’ai besoin de te voir... », c’est une manière d’être... ça n’a
pas de prix... parce que je peux toucher mon président du directoire, je peux lui
dire : « J’ai envie de te voir », il me dit : « On va prendre un café ». J’ai jamais connu
ça avant. Ça c’est un plus. C’est une manière de vivre en convivialité et ça c’est
important, ça a son coût, ça. Ce type de vie permet une créativité parce qu’on est
dans une ambiance pour le faire. En plus, c’est une boîte qui est dans le top, qui a
une bonne image avec son chiffre d’affaires, et sa croissance, et puis il y a la possibi-
lité d’acheter des actions, on a des informations sur le plan du dollar... Il y a mille
choses qui font qu’on se sent informé en permanence, on gagne du fric et on le
sait. Il y a aussi les autres principes, la qualité, la satisfaction du client... Tout ça, ça
donne un état d’esprit que, moi, j’apprécie profondément. Un truc comme ça, moi,
j’adhère complètement... Très honnêtement, je suis malheureux quand je vais dans
une autre boîte maintenant et que je vois des trucs fermés, des bureaux fermés ».

206 techniques de l’expression écrite et orale La synthèse – Le dossier



Communication, jeunesse, profit, convivialité, prospérité... Un président que l’on
tutoie, qu’on peut « toucher », qui propose un café quand on a besoin de ses
conseils, comment ne pas voir en lui presque un ami et récupérer par cette proxi-
mité un peu de son prestige et de sa puissance ? Comment n’être pas séduit par
une telle approche ? Tout est fait dans l’entreprise pour donner à chacun le senti-
ment que la richesse, le pouvoir, l’amour, la jeunesse éternelle sont là à portée de
main, qu’ils sont partie constitutive de l’entreprise et qu’en être membre, c’est s’en
assurer à jamais la jouissance. Le modèle est si fort, si séduisant, si prometteur qu’il
s’étend d’ailleurs, pour beaucoup, hors de l’entreprise : « Certains parlent de famille
en parlant d’HP. Je crois que c’est vrai. Il y en a qui s’identifient tellement au mythe
du HP way ou du challenge permanent qu’ils mettent ça dans leur vie familiale,
qu’ils se fixent des objectifs. Il y en a aussi qui passent leurs week-ends dans des
centres de loisirs dans lesquels il y a des gens HP, ils partent en voyage organisé
HP, ils font du sport avec des gens d’HP ».
Nicole Aubert et Vincent de Gaulejac, Le coût de l’excellence,
© Éditions du Seuil, 1991, pp. 147 à 149, 2007.

Document no 3
Le travail, entre souffrance et plaisir
... On cherche à nous faire croire, ou l’on a tendance à croire spontanément, que
la souffrance dans le travail a été très atténuée, voire complètement effacée, par la
mécanisation et la robotisation : ces dernières feraient disparaître les contraintes
mécaniques, les tâches de manutention, le rapport direct avec la matière qui carac-
térisent les tâches industrielles. Elles transformeraient les manœuvres « pue-la-
sueur » en opérateurs aux mains propres, elles tendraient à transmuter les ouvriers
en employés et à débarrasser Peau d’Âne de sa malodorante vêture pour lui ouvrir
un destin de princesse en robe de couleur de lune. Qui donc, parmi les gens ordi-
naires, ne serait capable d’évoquer les images d’un reportage de télévision ou le
souvenir d’une visite guidée dans une usine propre, « new look » ? Malheureuse-
ment, tout cela relève du cliché, car on ne nous montre que les devantures ou les
vitrines offertes par les entreprises, généreusement il est vrai, au regard du badaud
ou du visiteur.
Derrière la vitrine, il y a la souffrance de ceux qui travaillent. De ceux, d’abord,
dont on prétend qu’ils n’existent plus, mais qui sont en réalité légion et qui assument
les innombrables tâches dangereuses pour la santé, dans des conditions peu diffé-
rentes de celles d’antan, et parfois même aggravées par les infractions redevenues
si fréquentes au Code du travail : ouvriers du bâtiment, des entreprises sous-trai-
tantes de la maintenance nucléaire, des entreprises de nettoiement (aussi bien dans
les industries que dans les immeubles de bureaux, les hôpitaux, les trains ou les

leçon exercices travaux dirigés corrigés 207


avions...), des chaînes de montage automobile, des abattoirs industriels, des élevages
de poulets, des entreprises de déménagement ou de confection textile, etc.
Il y a aussi la souffrance de ceux qui affrontent des risques comme les radiations
ionisantes, les virus, les levures, l’amiante, qui sont soumis aux horaires alternants,
etc. Ces nuisances, qui sont relativement récentes dans l’histoire du travail, vont
s’aggravant et se multipliant, occasionnant non seulement la souffrance des corps,
mais aussi l’appréhension, voire l’angoisse, de ceux qui travaillent.
Enfin, derrière les vitrines, il y a la souffrance de ceux qui ont peur de ne pas donner
satisfaction, de n’être pas à la hauteur des contraintes de l’organisation du travail :
contraintes de temps, de cadence, de formation, d’information, d’apprentissage,
de niveau de connaissances et de diplôme, d’expérience, de rapidité d’acquisition
intellectuelle et pratique (Dessors et Torrente, rapport d’enquête, 1996) et d’adap-
tation à la « culture » ou à l’idéologie de l’entreprise, aux contraintes du marché,
aux rapports avec les clients, les particuliers ou le public, etc.
Les investigations cliniques et les enquêtes auxquelles nous avons procédé ces der-
nières années, tant en France qu’à l’étranger, révèlent derrière les vitrines du pro-
grès un monde de souffrance qui laisse parfois incrédule. Quand on dispose
d’informations, c’est individuellement, par sa propre expérience du travail, ou indi-
rectement par un proche qui souffre et qui passe aux aveux. Mais comment imagi-
ner que des informations aussi discordantes par rapport au discours ambiant,
personnelles de surcroît, ne soient pas le fait d’exceptions ou d’anomalies sans
grande signification dans un monde qui s’affranchit, grâce aux progrès de la tech-
nique, des misères de la condition ouvrière ? Les journalistes, depuis deux décen-
nies, ont cessé de faire des enquêtes sociales ou des investigations dans le monde
du travail ordinaire pour se consacrer à des « reportages » sur les lumières des
vitrines du progrès. Peu d’intérêt pour la souffrance ordinaire... et si proche de
nous ! Seul le martyre des victimes de la violence et des atrocités guerrières, au loin,
est offert à la curiosité de nos concitoyens. Les demi-teintes ne font pas recette. Du
monde du travail, on n’entend plus que des échos assourdis dans la presse ou
l’espace public, ce qui conduit à croire que les informations dont on dispose parfois
sur la souffrance au travail ont un caractère exceptionnel, extraordinaire et, de ce
fait, n’ont pas de signification ni de valeur heuristique au regard de la situation
générale de ceux qui travaillent dans l’Europe d’aujourd’hui. Ainsi, malgré leur
propre expérience pourtant discordante, nombreux sont ceux qui mettent leur voix
au diapason des refrains à la mode sur la fin du travail et la liberté recouvrée.
Christophe Dejours, Souffrance en France, la banalisation de l’injustice sociale,
© Éditions du Seuil, coll. Points-Seuil, 1996. Coll. Points Essais 2006.

208 techniques de l’expression écrite et orale La synthèse – Le dossier



Document no 4
Le stress
Il avait 55 ans. Commercial dans une entreprise de l’Indre, il a vu débarquer une
nouvelle direction. Son chef, un jeune cadre, lui a fait comprendre qu’il n’était plus
dans le coup. Plus à la hauteur, malgré vingt ans de maison et d’excellents chiffres
de ventes. Bon pour la casse. D’ulcère en insomnie, il a souffert pendant six mois.
Jusqu’au jour de janvier 2000 où il s’est renseigné sur les horaires des trains. Et il
s’est jeté sous les roues d’une locomotive. « Pourtant, cet homme n’était pas
dépressif et ne présentait pas de difficultés particulières », raconte Jean-Paul Antzen-
berger, médecin du travail à Châteauroux. Peut-être. Il se sentait dépassé par les
événements, voilà tout, privé peu à peu de contrôle sur son quotidien. Bref, il était
stressé, comme on dit.
Mot fourre-tout pour un malaise qui peut prendre mille formes. « Le stress est
l’effet produit sur un individu par l’adaptation à son environnement, explique le
psychiatre Eric Albert, qui dirige l’Institut français de l’anxiété et du stress. Or ce
stress a un coût : relationnel (irritabilité, colère), physique (maladies occasionnées
par la dégradation des défenses immunitaires), psychique (inquiétude, décourage-
ment, tristesse), diminution des capacités intellectuelles et troubles du sommeil ».
Le progrès est passé par là. Nos pauvres organismes, conçus pour résister au froid,
au bruit et à la fatigue physique, sont un peu déboussolés par les facteurs de stress
des temps modernes. Qui sont nombreux : charge de travail encore accrue par les
35 heures ; dictature du zéro stock, zéro défaut, zéro délai ; mouvement brownien
des fusions, acquisitions, restructurations et autres réorganisations ; irruption de
nouveaux outils informatiques et de nouvelles techniques de communication ; soli-
tude des salariés qui, un œil rivé sur leurs objectifs voient dans leurs collègues
autant de concurrents potentiels. Culte de la performance, aussi. « Nous sommes
tous des sportifs de haut niveau sur un stade, ou des étudiants face à un jury, analyse
le psychiatre Patrick Légeron, patron du cabinet Stimulus, à Paris, spécialisé dans la
gestion du stress. Ouvrez un magazine de management : face à tous ces cadres
dynamiques, on se sent un peu comme la ménagère devant une photo de top
model ! ».
Non seulement il faut faire mieux et plus, mais, en prime, il faut aller plus vite.
« Nous vivons dans une culture d’urgence qui est une des réponses à l’hypercompé-
titivité économique à laquelle nous sommes confrontés, observe Nicole Aubert,
professeur de sciences humaines à l’École supérieure de commerce de Paris et
auteur de plusieurs livres sur le stress. Face à cette idée qu’il faut toujours accélérer
pour ne pas se laisser distancer, les gens se sentent fragilisés et s’interrogent sur
leur capacité de suivre ».

leçon exercices travaux dirigés corrigés 209


Pour corser le tout, nombre d’entreprises jouent le consommateur contre le salarié.
À force de promettre la Lune à leurs clients, elles placent leurs propres employés
dans une situation impossible. Pas facile de refuser un découvert quand on travaille
pour la banque qui a « le pouvoir de dire oui ». Pas facile de livrer avec dix minutes
de retard la pizza « 30 minutes chrono ». « Certains entreprises et organismes vont
encore plus loin en utilisant le public pour faire pression sur leurs employés, estime
Anne Flottes. Notamment dans le secteur médico-social, où l’on compte sur la
bonne conscience et la compassion du personnel pour faire face ».
Pas dupes, de plus en plus de salariés montrent le stress du doigt. Selon la Fondation
européenne pour l’amélioration des conditions de travail, installée à Dublin, 28 %
des travailleurs européens attribuent leurs problèmes de santé au stress. L’addition
est salée pour les entreprises et la collectivité : 600 millions de journées de travail
seraient perdues chaque année dans l’Union européenne pour cause de stress. La
France ne fait pas exception. 11 % des salariés ont déjà eu un ou plusieurs arrêts
de maladie liés à ce fléau-polymorphe. À quand des procès contre les employeurs,
comme aux Etats-Unis ?
Vincent Olivier et Anne Vidalie, extrait de « Les nouveaux risques du travail »,
in © L’Express du 15 mars 2001, pp. 128 à 134.

210 techniques de l’expression écrite et orale La synthèse – Le dossier



corrigé des exercices

䉲 Ex 1 La tour Eiffel
À la fin du XIXe siècle, au moment où Eiffel se préparait à construire sa
fameuse tour à Paris, un certain nombre d’artistes, d’écrivains, etc. ont élevé une
protestation indignée à laquelle l’ingénieur a répondu avec fermeté. On reprochait
à la tour d’être « inutile et monstrueuse ».
« Colonne de tôle boulonnée », la tour serait d’abord laide en elle-même.
Mais, répond Eiffel, doit-on juger à partir d’un simple dessin ? Et est-il impossible
de se préoccuper à la fois de la solidité et de la beauté ? Calculée pour résister au
vent, la tour, très large à la base, ira en s’effilant, ses quatre arêtes dessinant des
courbes gracieuses ; elle sera allégée par de nombreux vides. Elle aura donc sa
beauté propre.
Mais, disent les détracteurs, cette tour va écraser Paris, ville incomparable,
et ses monuments anciens et prestigieux ! Après une allusion aux colossales Pyra-
mides, Eiffel soutient que, du parvis de Notre-Dame, la tour ne sera même pas
visible.
L’inutilité de cette construction est simplement évoquée dans la protesta-
tion. Eiffel, lui, argumente sur ce point avec précision. Le public, même étranger,
est favorable au projet et les savants sont unanimes. La tour permettra de faire
des observations scientifiques (météorologie, astronomie, physique) et d’établir des
communications en temps de guerre. Enfin n’apportera-t-elle pas la preuve des
progrès réalisés par nos ingénieurs ?
Est-il raisonnable d’opposer l’art et la technique ? À la fin, Eiffel donne son
avis sur cette question de fond. Le dédain des artistes est inacceptable : l’ingénieur
aussi a sa place et son rôle dans un pays moderne.
Si l’indignation des protestataires est grandiloquente, la réfutation d’Eiffel,
nette et mesurée, n’est pas exempte d’ironie : les « constructeurs de machines »
ne valent-ils pas les « amuseurs » ? (300 mots ; textes : environ 1 500 mots).
Plan de la synthèse
La protestation des artistes condamne, au passage, l’inutilité de la tour ; mais
elle développe quasi exclusivement l’argument de la laideur (laideur de la tour, enlaidis-
sement de Paris). Ce discours lyrique n’est pas construit avec la netteté d’une démons-
tration ; consacré surtout à célébrer la gloire de Paris, il noie quelque peu les arguments.
Par contre, la réponse de G. Eiffel est nettement articulée :
I. Le mérite esthétique
1. La tour elle-même

leçon exercices travaux dirigés corrigés 211


2. La tour et son environnement
II. L’utilité
Dans un premier temps, Eiffel se place donc sur le terrain, plus difficile pour
lui, de la beauté ; ensuite, donnant ainsi une force croissante à son argumentation, il
en vient à la question de l’utilité, laquelle relève davantage de sa compétence.
La solution la plus simple pour la synthèse est de reprendre le plan de cette
réponse.
L’introduction présente brièvement le sujet du dossier et les points de vue diffé-
rents. La conclusion ne formule pas un avis personnel sur le fond (règle de l’objectivité),
mais donne une appréciation de caractère général.
Le plan qui consiste à résumer successivement les deux textes est acceptable
si l’analyse est claire. Mais, l’article de Eiffel étant une réfutation systématique du
Manifeste, il est préférable de mettre en évidence, dans la synthèse, les deux points
essentiels sur lesquels porte la discussion.

䉲 Ex 2 Les extraterrestres
Ce dossier sur les extraterrestres porte sur trois questions : l’existence
d’autres planètes où la vie aurait pu se développer, la détection de signaux radio
ou autres venus de l’espace, enfin « le tourisme interstellaire », c’est-à-dire les
OVNI dont on a tant parlé.
H. Reeves évoque rapidement les dimensions gigantesques de l’univers
constitué de milliards de galaxies. Nous sommes loin de l’avoir exploré, mais on
peut supposer qu’il y a – autour d’autres étoiles que notre soleil – des planètes où
les conditions sont favorables à l’apparition de la vie. Les bioastronomes, dont
Y. Delaye résume les travaux, se sont consacrés à cette recherche. Leur conclusion
est formelle : l’existence de telles planètes est fort probable.
Ces deux auteurs décrivent aussi les efforts qui ont été faits pour capter
d’éventuels messages venus de l’espace. En dépit d’appareils puissants et de nom-
breuses heures d’écoute, nous n’avons reçu, dit H. Reeves, que de la « friture ».
Mais précisément les bioastronomes ont fait, ces dernières années, des progrès,
souligne Y. Delaye. Un nouveau programme d’écoute débute, plus performant : la
sensibilité est augmentée d’un facteur 100 et le nombre de canaux « écoutés »,
multiplié par 10 000. En trois minutes on recueillera autant d’informations que
pendant les trente dernières années. Et les recherches vont s’intensifier et se préci-
ser : choix des fréquences, détection sélective des signaux, élimination des para-
sites.
Quant aux visiteurs venus d’ailleurs, H. Reeves n’en rejette pas absolument
l’idée, bien que, dans la plupart des cas, les informations se soient révélées truquées
ou non fondées. Michel de Pracontal stigmatise les billevesées d’esprits faibles :

212 techniques de l’expression écrite et orale La synthèse – Le dossier



secret imposé par le gouvernement américain, OVNI se déplaçant dans un espace
différent du nôtre et utilisant une sorte d’énergie psychique.
Nous n’avons donc, jusqu’à aujourd’hui, aucune preuve d’une vie sur une
autre planète, ni de la présence dans le cosmos d’êtres intelligents capables de
communiquer avec nous ou de nous rendre visite. Nous n’avons pas non plus
prouvé le contraire, et l’espoir est grand qu’avec le développement de la science
et des techniques, nous arrivions un jour à un résultat indéniable.
(Dossier : environ 1 800 mots ; synthèse : 364 mots.)

䉲 Ex 3 L’expérimentation sur l’animal


L’expérimentation sur l’animal vivant suscite un débat permanent. Parmi les
quatre textes qui composent ce dossier, seul le troisième expose, de façon polé-
mique, un point de vue abolitionniste. Les autres rappellent la nécessité de l’expéri-
mentation, tout en critiquant sa pratique parfois cruelle.
C’est d’abord la loi qui fait obligation d’utiliser des animaux pour la fabrica-
tion des médicaments et le contrôle de leurs effets. Il semble, dans certains cas,
impossible de procéder autrement, en particulier pour l’élaboration des vaccins
contre les virus, laquelle exige des cellules vivantes.
Toutefois, si l’expérimentation reste justifiée, elle devrait être moins doulou-
reuse. Les interventions (opérations, injections) provoquent des souffrances qui
pourraient le plus souvent être diminuées ou évitées (anesthésiques, analgésiques).
Malgré les textes légaux, la vie ou la survie de l’animal dans le laboratoire est
souvent pénible et pleine d’angoisse.
Il est possible aussi de réduire le nombre de ces expérimentations (300
millions d’animaux sont concernés chaque année dans le monde) en exploitant
d’autres techniques modernes comme les cultures de cellules in vitro, en planifiant
et coordonnant les recherches.
La situation actuelle est donc inquiétante : trop d’animaux souffrent et sont
tués ; les règlements sont impuissants, ou même hypocrites. En fait, une très grande
liberté semble laissée à chacun.
S’il est peu réaliste d’exiger l’arrêt de cette expérimentation, il est possible
d’en améliorer immédiatement les conditions et de la réduire progressivement
jusqu’à un strict minimum. La conscience moderne se révolte contre la souffrance
infligée à l’animal même si c’est pour le bien de notre espèce.
Par son caractère concret, le dernier document, évoquant ces pénibles
expériences, est peut-être, plus qu’une simple protestation formelle, capable de
conduire à une attitude plus humaine.
(Dossier : environ 1 800 mots ; synthèse : 300 mots.)

leçon exercices travaux dirigés corrigés 213


䉲 Ex 4 La graphologie
Les journalistes notent que la graphologie est en vogue grâce à la montée
du chômage. Assaillis de candidatures nombreuses, les recruteurs font appel à elle
comme moyen de sélection, alors que les candidats lui demandent une aide pour
la présentation de leur dossier. Ainsi, la clientèle des graphologues, surtout féminine
auparavant, s’étend-elle aux hommes. Privilégier la personnalité est une attitude
typiquement française ; aux États-Unis, le demandeur d’emploi doit s’appuyer sur
des résultats réels.
H. Herz, graphologue, établit le bien-fondé de son art sur la corrélation qui
existe entre l’écriture et la personne du scripteur. Ne reconnaît-on pas une écriture
familière ? Le graphisme de chacun fait apparaître ses réactions puisque tout son
être intervient dans l’effort d’écriture, nerfs, muscles, caractère, etc. Cet auteur,
tout en affirmant la valeur de l’analyse graphologique, concède que plusieurs docu-
ments, rédigés spontanément, doivent être étudiés en vue d’un résultat sérieux.
Ce qui fait peser un doute sur le simple examen d’une lettre de candidature trop
léchée, examen estimé trop léger par l’article du Monde qui souligne qu’il faut
beaucoup d’expérience pour devenir graphologue averti.
F. Caviglioli conteste toute valeur scientifique à la graphologie et surtout à
son utilisation dans les procédures d’embauche. Il ne s’agit que d’une croyance.
L’écriture ne permet pas de prévoir le comportement du rédacteur. On doit s’indi-
gner que l’accès à l’emploi dépende d’études aléatoires et que les graphologues
profitent ainsi de la crise.
(250 mots.)

䊊 䊊 䊊 Remarques
Les trois textes ne s’accordent pas sur la valeur que l’on peut reconnaître à la
graphologie.
Celle-ci est, bien sûr, présentée comme une discipline fiable, dont l’étude et
l’application doivent être sérieuses, par le deuxième texte dû à un graphologue
de profession. Le premier texte, l’article du Monde , s’efforce à un exposé neutre
à son propos. Le troisième, extrait du Nouvel observateur, sur un ton très caus-
tique met en question cette pratique, notamment quand il s’agit d’examiner
les demandes d’emploi.
Le plan de la synthèse partira d’un constat, suivi d’une explication, qui sera
enfin réfutée :
1. L’usage en France de l’examen graphologique dans les procédures d’em-
bauche (textes 1 et 3).
2. Sur quoi se fondent les tenants de la graphologie (textes 2 et 1).
3. Les critiques (texte 3).

214 techniques de l’expression écrite et orale La synthèse – Le dossier


Chapitre VI
Conclusion –
introduction
Ce qui nous embarrasse, lorsque nous avons à prendre la parole ou à écrire un
texte d’une certaine longueur, c’est surtout le début et la fin de notre interven-
tion. Savoir partir, savoir terminer. Nous sentons bien qu’il s’agit de moments
importants et, par là, redoutables. C’est la difficulté de composer une bonne
introduction et une bonne conclusion, et le désir de ne pas perdre de temps et
de ne pas en faire perdre au lecteur, qui expliquent que certains articles, voire
même des livres, démarrent ou s’achèvent brutalement, ce qui est souvent
regrettable.
Vous aurez sans doute trouvé étrange le titre de ce chapitre qui mentionne
l’introduction après la conclusion. Mais le départ ne peut être convenablement
orienté que si nous savons où nous allons. Voilà pourquoi, sauf le cas d’improvi-
sation, l’ouverture d’un discours ne peut être composée sérieusement
qu’après la mise au point de l’ensemble. C’est, du moins, le conseil que nous
vous donnons quand vous avez le temps de préparer votre intervention.

leçon exercices travaux dirigés corrigés 215


I - LA CONCLUSION

« Eh bien, voilà, j’ai fini » : formule gênée que prononce assez sou-
vent l’apprenti-orateur devant un auditoire qui n’avait précisément pas
compris... que c’était fini ! Il faut croire que la conclusion n’était pas
apparente – ou qu’il n’y en avait pas.
Tout a une fin, pourtant ; épilogue, annonçaient les romans de
notre enfance, à la grande satisfaction des jeunes lecteurs ; on attend
le dénouement d’une pièce, la conclusion d’une démonstration ; l’appel
passionné lancé par l’orateur à la fin de son discours, la péroraison, a
toujours été considéré comme capital.
La conclusion va entraîner l’approbation – ou la critique –,
déclencher ou infléchir la décision, achever tout le travail préalable de
démonstration ou de persuasion, en laissant au lecteur ou à l’auditeur
une vue claire de la question et une dernière impression favorable.
Donc, une première nécessité :

䊐 A MARQUER NETTEMENT LA CONCLUSION


Les accords finaux des symphonies de Beethoven, plaqués avec force
pendant plusieurs mesures, ont l’avantage pour le public non mélo-
mane de l’avertir de la fin très proche du morceau : l’« accord final »
d’un exposé doit lui aussi être marqué par l’intonation, celui d’un
écrit par l’allure du style.

1 Oralement
• marquez une pause avant la conclusion afin de la détacher net-
tement ;
• jetez un regard panoramique sur vos auditeurs pour les « re-
prendre » et les avertir ;
• votre diction doit souligner le changement : ralentissez le débit,
modifiez le ton de votre voix (le plus souvent vous la rendrez plus
grave) ;
• annoncez que vous arrivez à la fin, par une transition originale
et astucieuse si vous le pouvez ; sinon par une déclaration franche,
que l’oral tolère mieux que l’écrit : Concluons ; Une conclusion s’impose ;
Je terminerai... ; Enfin, et ce sera ma conclusion ; etc.
• votre style change, voyez ci-dessous pour l’écrit.

216 techniques de l’expression écrite et orale Conclusion – introduction



2 Dans un texte écrit
• détachez par un espace blanc votre conclusion de ce qui la pré-
cède : le lecteur verra immédiatement votre intention ;
• donnez plus de fermeté et, si possible, d’élégance à votre style :
le vocabulaire peut être plus recherché, la phrase plus ample, le rythme
plus pressant ou plus calme. Voici, entre mille autres, un exemple : le
dernier paragraphe d’un livre dans lequel Jacques Attali donne sa
vision de l’avenir du monde qui verra l’invention d’une nouvelle éco-
nomie et d’une nouvelle géopolitique (Lignes d’horizon, © Librairie
Arthème Fayard, 1990, pp. 214-215).
Seul l’avenir donne un sens au passé. Ce que nous laisserons à nos enfants
détermine la valeur de la vie que nous aurons vécue. La Terre est comme
une bibliothèque à laisser intacte après s’être enrichi à sa lecture et l’avoir
enrichie. La Vie en est le livre le plus précieux. Il convient de la protéger
amoureusement avant de la transmettre – accompagnée de nouveaux
commentaires – à d’autres qui oseront plus tard la porter plus loin, plus haut.

Remarquez « l’accord final » : le rythme de la dernière phrase


est en effet un élément non négligeable de la conclusion.
Si votre style ne parvient pas toujours au seuil de la poésie, effor-
cez-vous de condenser votre pensée finale dans une formule frappan-
te ; la conclusion en est tout particulièrement le lieu, puisqu’une
formule sait résumer avec force et originalité l’essentiel du sujet. Pour
sourire un peu, rappelons cet ingénieur en organisation qui bouclait
chacun de ses rapports par un slogan du type : « Avec notre solution,
c’est la fortune pour votre entreprise ; si vous la rejetez, vous n’avez
d’autre choix que la décadence ». Le procédé est un peu gros, mais il
fut efficace les premières fois, paraît-il.

䊐 B SA DOUBLE FONCTION
À vrai dire, il n’y a pas de méthode universelle pour bien conclure.
Votre goût, votre matière, votre public vous guident. Mais deux atti-
tudes sont possibles à la fin d’un discours : soit reprendre brièvement
ce qu’on a dit, soit en indiquer les perspectives futures.

1 La conclusion récapitulative
Elle rappelle avec netteté les points principaux de la question traitée ;
la mémoire ainsi « rafraîchie », le lecteur ou l’auditeur conserve une
vue à la fois nette et globale.

leçon exercices travaux dirigés corrigés 217


Attention : elle ne doit pas répéter longuement ce qui a déjà été
dit, mais ne revenir que sur l’essentiel, sur les principales étapes.
Cette conclusion convient aux comptes rendus, aux exposés de
caractère technique, aux historiques, aux mises au point. C’est ainsi
que Claude Fohlen (Les Indiens d’Amérique du Nord, Coll. Que sais-je ?
no 2227, © PUF, 4e éd. 1999), après avoir décrit la situation des
Indiens aujourd’hui et retracé leur histoire, termine son ouvrage par
les lignes suivantes :
L’histoire des Indiens d’Amérique du Nord relève d’un processus unique
dans l’histoire, celui de peuples noyés dans la marée des immigrants qui ont
submergé leur propre contrée et destinés à disparaître face à l’expansion
d’une civilisation matérielle à la puissance irrésistible. Point n’est besoin de
parler d’un génocide : les plus faibles ont été vaincus par les plus forts. Dans
d’autres pays, en Afrique notamment, les colonisés ont fini par rejeter la
tutelle de leurs maîtres pour recouvrer leurs terres et leur souveraineté.
Ailleurs, en Amérique latine, le métissage entre colonisés et colonisateurs a
créé une civilisation originale qui s’épanouit, non sans heurts ni violences
dans les républiques andines. Aux États-Unis et au Canada, les Indiens ont
réussi à surmonter leurs défaites, leurs humiliations, leurs massacres et leurs
déportations pour resurgir en plein XXe siècle et faire reconnaître leur droit
à la différence. Les procès qu’ils ont menés soit contre l’État fédéral, soit
contre les divers États ont souvent tourné à leur avantage. Les communautés
les plus nombreuses et les mieux organisées ont réussi à s’autodéterminer
dans le cadre d’une législation plus favorable. Les revendications indiennes
sont parvenues à se faire entendre, en adoptant des techniques et des
méthodes inspirées des autres minorités, et en revendiquant le red power.
Sans doute, les résultats peuvent- ils paraître minces, mais un point essentiel
est acquis, l’avenir des Indiens est désormais assuré en Amérique du Nord.
Ils ont connu, au cours des dernières décennies, une renaissance que rien
ne pouvait laisser prévoir, et leur identité culturelle est reconnue. Minorité
parmi les autres minorités, sur un sol qui fut jadis le leur, ils contribuent à
l’étonnante diversité ethnique, politique, religieuse et culturelle du Nouveau
Monde hier encore anglo-saxon.

Sans revenir sur le détail et en procédant par des comparaisons,


l’auteur fait ressortir le trait spécifique de cette histoire : les Indiens
d’Amérique du Nord ont réussi, au XXe siècle, à conquérir leur autono-
mie et à faire respecter leur minorité.

218 techniques de l’expression écrite et orale Conclusion – introduction



2 La conclusion prospective
Elle envisage l’avenir du problème soulevé, suggère des solutions, pose
des questions en s’appuyant sur l’étude qui vient d’être faite.
En voici un exemple emprunté à un article consacré au noyau
central de la terre (Jacques Hinderer, Hilaire Legros et Annie Souriau-
Thévenard, Le noyau terrestre, in La Recherche, no 233, juin 1991, p.
769) :
Au terme de cet article, nous pouvons constater que, bien qu’inaccessible,
le plus grand océan de la Terre commence à révéler certaines de ses carac-
téristiques dynamiques physiques. Ces dernières pourront être précisées
dans le futur grâce à l’amélioration des techniques de mesure : couverture
satellitaire pour le champ magnétique, réalisation en laboratoire d’expé-
riences à des conditions de température et de pression toujours plus éle-
vées, détermination des paramètres de rotation de la Terre par géodésie
spatiale, développement d’un réseau de gravimètres supra-conducteurs.
Mentionnons enfin que le problème de l’existence d’un noyau et celui de sa
nature se posent également pour les autres planètes telluriques du système
solaire et que les connaissances acquises sur le noyau terrestre permettront
une meilleure investigation des intérieurs planétaires lors des futures mis-
sions spatiales.

Au bilan rapide des travaux exposés dans leur article, les auteurs
ajoutent des indications sur les progrès envisagés. Élargissant le pro-
pos, ils soulignent qu’une meilleure connaissance du noyau terrestre
permettra, à l’avenir, de mieux comprendre celui des autres planètes
du système solaire.
Ces dernières réflexions montrent la voie de futures recherches.
On a, en effet, le souci de donner une impulsion à l’action que l’on
souhaite.
3 En réalité, la conclusion combine très souvent ces deux pro-
cédés et, tout en rappelant globalement les grandes lignes du sujet,
s’ouvre vers l’avenir. Ainsi celle d’une étude sociologique sur les élec-
tions présidentielles de 2007 en France et sur les premiers mois de la
présidence de Nicolas Sarkozy :
La campagne présidentielle de 2007 a marqué une accélération dans la muta-
tion de notre vie politique, passée du texte à l’image, du discours au sym-
bole, de la conviction à la croyance. La politique, pour être acceptée, a
besoin d’être mise en récits, au travers de grands mythes, qui visent à struc-

leçon exercices travaux dirigés corrigés 219


turer une réalité complexe et multiforme, et à en livrer une version consom-
mable répondant au format et aux critères du spectacle médiatique. La geste
présidentielle ouvre une suite de récits. Ce faisant, elle contribue à « mytho-
logiser » la politique et donc à la faire accepter, voire à la faire désirer,
comme le montre le puissant mouvement de « peopolisation » qui est en
cours. Elle pourrait tout aussi bien contribuer, un jour, à la faire rejeter.
Denis Muzet, « La geste présidentielle « ,
in F. Jost et D. Muzet, Le Téléprésident,, Ed. de l’Aube, 2008, pp. 60-61.

L’article venait de démontrer que le pouvoir désormais prend la


forme d’un récit spectaculaire. Cette brève conclusion est à la fois
récapitulative et prospective : elle rappelle que la politique se donne
une nouvelle présentation, mais elle s’inquiète à la fin d’un éventuel
effet inverse de ce changement dans le futur.

Principaux types de conclusions :

䊐 C POUR EN FINIR
• Une faute à ne pas commettre : conclure sur un point de détail. Il est
évident d’après ce qui précède que c’est sur l’ensemble du sujet traité
que doit porter la conclusion, ou en tout cas sur le point essentiel
dégagé.
• Une manie inefficace : celle de la citation en guise de conclusion. À
moins d’être parfaitement adaptée au sujet que vous avez traité, elle
provoque une sorte de rupture avec votre style personnel et relâche
plutôt l’attention du lecteur (ou de l’auditeur) qui vous avait jusqu’ici
suivi dans votre raisonnement.
• Un cas particulier : la conclusion de chaque partie importante du
texte. Elle fixe les idées sur ce qui vient d’être traité et, les « arrières »
ainsi assurés, permet de passer au point suivant, qu’elle annonce par-

220 techniques de l’expression écrite et orale Conclusion – introduction



fois : on pourrait donc appeler ces conclusions partielles des « conclu-
sions-transitions ».
• Quelle doit être la longueur d’une conclusion ? Cela dépend évidemment
de la longueur du texte. Pour un court article d’une à deux pages, la
conclusion ne devra pas excéder une dizaine de lignes. Mais un rapport
de 30 pages peut présenter une conclusion de deux pages. Proportion-
nez votre conclusion au « calibre » de votre œuvre.
À l’oral, méfiez-vous des conclusions qui traînent. Si vous avez
annoncé « Et maintenant je voudrais conclure ce trop long exposé... »,
n’ouvrez pas de nouveaux développements devant un auditoire qui se lasse.
• Enfin, et surtout, que la conclusion, même si elle est récapitula-
tive, ne donne jamais l’impression que vous piétinez, que vous vous
répétez. Cherchez des formules de synthèse denses et originales.

II - L’INTRODUCTION

Vous faire écouter ou vous faire lire, tel est votre objectif. La réussite
dépend en grande partie de votre départ. Voilà pourquoi la première
qualité d’une introduction est d’intéresser au sujet les auditeurs ou le
lecteur. Au besoin en les forçant, parfois avec vigueur, le plus souvent
par le charme, l’inattendu, la pertinence de vos paroles initiales.
Après avoir saisi l’attention, vous cherchez à donner l’envie de
connaître la suite. Pour cela, facilitez la compréhension de tout ce que
vous allez dire en préparant les destinataires à cheminer avec vous. Que
la question soit claire dès le début afin qu’on éprouve le besoin de
connaître la réponse. Et pour guider mieux, indiquez d’avance la route
qui sera la vôtre et sur laquelle vous souhaitez qu’on vous accompagne.
Aujourd’hui, dans la presse notamment, l’introduction est sou-
vent remplacée par ce que l’on appelle le « chapeau » de l’article. C’est
un texte court qui, non seulement attire l’attention sur le sujet, mais
aussi résume plus ou moins le contenu. Parfois l’introduction tradi-
tionnelle subsiste après le chapeau.

L’introduction
• capte l’attention
• annonce le plan

leçon exercices travaux dirigés corrigés 221


䊐 A QUE DIRE AU DÉBUT ?
1 Ne comptez pas sur le titre éventuel de votre exposé ou de votre
écrit pour préciser le sujet que vous traitez. Un titre est rarement assez
explicite, souvent il n’est pas lu, et s’il l’est, parfois mal compris ou
pas retenu. Dites-vous au départ que vos auditeurs ne sont pas au
courant.
2 Vous n’entrerez donc pas directement dans le vif du sujet, mais
vous éviterez tout autant de démarrer sur :
• un lieu commun passe-partout,
• un « hors-d’œuvre » qui n’a rien à voir avec votre sujet,
• une généralité vague, qui vous fait partir inutilement de trop
loin. Si vous étudiez par exemple le rendement d’une machine, ne
vous croyez pas obligé de remonter au modèle d’il y a deux siècles
ou d’évoquer l’ensemble de l’évolution économique de la production
contemporaine !
Commencez par étudier entièrement votre sujet, composez
complètement le plan : alors seulement, vous songerez au choix d’une
introduction. Pascal avait tout à fait raison : « La dernière chose qu’on
trouve en faisant un ouvrage est de savoir celle qu’il faut mettre la première. »
Souvenez-vous donc des efforts stériles et déprimants que vous avez
faits pour commencer à rédiger une introduction, lorsque le reste
n’était pas encore sur pied !
3 N’affirmez pas dès l’introduction ; le problème n’est pas résolu,
il s’agit de le poser. Respectez la loi du « suspense ». Un exemple :
les auteurs ouvrent ainsi leur article consacré au noyau terrestre (pério-
dique cité plus haut dans ce chapitre, 1B2, aux pp. 760-761).
Il est paradoxal que le plus grand océan de la planète, en l’occurrence le
noyau terrestre, soit aussi le plus énigmatique. Son inaccessibilité en est la
cause. Il est situé à 2 900 kilomètres sous nos pieds, alors que les forages
les plus profonds ne dépassent pas la douzaine de kilomètres ! Pourtant, en
dépit de son éloignement, cette énorme masse liquide, qui représente 16 %
du volume de la Terre, constitue un élément essentiel de la dynamique du
Globe. Le noyau joue aussi un rôle important sur la biosphère. C’est en effet
à l’intérieur du noyau qu’est créé le champ magnétique de la Terre. Or
l’existence de ce champ est primordiale pour les êtres vivants puisqu’il les
protège du rayonnement électromagnétique émis par le Soleil. Par ailleurs,
on sait que les changements dans les mouvements du noyau sont capables

222 techniques de l’expression écrite et orale Conclusion – introduction



d’altérer la rotation terrestre et, par conséquent, de modifier l’évolution du
climat. Enfin, il semble qu’un regain d’activité de la tectonique des plaques
ait lieu aux époques géologiques où la fréquence des inversions du champ
magnétique se modifie. Mieux connaître les propriétés du noyau terrestre
paraît donc essentiel. En l’absence de témoins, les informations les plus
directes dont nous disposons proviennent des études sur le champ magné-
tique terrestre. Malheureusement, nous sommes encore loin de bien
connaître ce dernier : comment est- il engendré ? Quand et comment est-il
apparu ? Comment a-t-il évolué ? Néanmoins, ainsi que nous le verrons dans
la suite de cet article, les progrès techniques réalisés au cours des dix der-
nières années en sismologie et en mécanique permettent aujourd’hui de
mieux comprendre comment le noyau a pu se former et évoluer, et
comment son histoire a pu affecter l’évolution géologique de la Terre.

L’introduction pique la curiosité en soulignant un paradoxe : le


noyau terrestre, d’une importance capitale, est mal connu ; il reste
mystérieux.
Son rôle est ensuite brièvement rappelé : il influe sur la dyna-
mique du globe, sur le magnétisme et la rotation de la terre, etc.
Il est donc essentiel de mieux le connaître et, pour cela, de
s’adresser désormais, non plus seulement au magnétisme terrestre,
mais à la sismologie et à la mécanique : la dernière phrase annonce le
contenu et le plan de l’article.
4 Dire l’essentiel dès le début, c’est déflorer l’intérêt de votre
intervention.
5 Trois questions constituent la matière de l’introduction :
• Pourquoi ce problème ? Vous montrez l’intérêt du sujet traité,
vous le rattachez à son contexte, vous le situez, mais avec précision.
• De quoi s’agit-il ? Vous cernez exactement le sujet, vous le limi-
tez, vous le définissez.
• Quels seront les points traités ? Vous annoncez le plus adroitement
possible les divisions de votre plan, vous justifiez rapidement les
phases successives de votre exposé. Attention aux « gros sabots » :
« Nous allons étudier d’abord... puis nous passerons à... enfin nous
essaierons de... » ; mais ce procédé un peu lourdaud vaudrait toutefois
mieux qu’une absence complète d’indications. Le destinataire a besoin
d’être averti par avance des étapes principales, de disposer de repères

leçon exercices travaux dirigés corrigés 223


afin de ne pas s’égarer en cours de route. À titre d’exemple, voici
l’introduction d’un petit ouvrage consacré à l’astrologie :
L’astrologie est avant tout une donnée de civilisation liée à la prise de
conscience par l’Homme du temps qui s’écoule et des rythmes de la nature.
Son histoire s’étend sur une période de plus de 5 000 ans et son évolution
se poursuit d’une façon discontinue à la fois sur les plans temporel et géogra-
phique.
L’observation du ciel, la connaissance de mouvements du Soleil ou de la
Lune, des planètes et des étoiles, la succession des jours et des nuits, celle
des saisons, ont très tôt marqué l’esprit de l’Homme. C’est pourquoi divers
systèmes spatio-temporels de nature astrologique ont vu le jour au cours
du développement de nombreuses civilisations, qu’elles soient égyptienne,
hindoue, hellénistique, chinoise ou maya.
Issue des traditions égyptienne, mésopotamienne et grecque, seule l’astrolo-
gie occidentale est étudiée ici. Ce petit ouvrage voudrait, en la situant histori-
quement sur des bases descriptives, en rassembler les éléments objectifs
dont nous disposons.
Cependant, il ne nous a pas paru possible de donner un aperçu sérieux de
l’astrologie sans, au préalable, en connaître les lignes essentielles et la sub-
stance principale. C’est pourquoi nous nous sommes efforcé d’exposer dans
un premier chapitre les composantes de la technique astrologique générale-
ment admises aujourd’hui. Cette démarche nous a paru indispensable en
raison de l’étendue de l’emploi du mot astrologie et de sa grande impréci-
sion, presque paradoxale, dans l’esprit du public.
Ainsi pourrons-nous mieux comprendre l’origine et mieux suivre les déve-
loppements et avatars de ses éléments depuis Babylone jusqu’à nos jours au
cours de trois chapitres historiques.
Bien définie et située historiquement, il devient alors possible, dans un cin-
quième chapitre, de confronter l’astrologie et la science moderne : problème
épineux et difficile s’il en est. Nous en ouvrirons le dossier avec ses faits les
plus marquants, le plus objectivement possible, avant de tenter une conclu-
sion provisoire que pourra poursuivre le lecteur.
Suzel Fuzeau-Braesch, L’astrologie, © PUF,
Coll. Que sais-je ?, no 2481, 3e éd. 1995.

L’auteur commence par rappeler que l’astrologie est un fait de


civilisation fort ancien, dont elle évoque l’extension géographique.
Elle précise que, seule, l’astrologie occidentale sera étudiée dans ce

224 techniques de l’expression écrite et orale Conclusion – introduction



livre. Enfin, elle annonce très nettement sa démarche, donc le plan de
l’ouvrage.

䊐 B L’INTRODUCTION SERT DE RECOMMANDATION


Non seulement elle donne une idée du reste du discours, mais il lui
faut charmer et gagner les auditeurs. Pour cela vous cherchez à :

1 L’adapter au sujet et aux circonstances


• Aux destinataires qui peuvent être bienveillants, indifférents ou hos-
tiles. En particulier à l’oral, méfiez-vous de ces « décalages » malen-
contreux qui vous feraient aborder sur le mode hilare une assemblée
glacée, ou heurter brutalement de front des récalcitrants qui ne
demandent qu’à manifester leur désaccord : tout est ici affaire de tact.
Cela est d’ailleurs vrai aussi à l’écrit – mais vous courez moins de
risques immédiats !
En préparant votre intervention, demandez-vous quelles sont les
dispositions de votre public, ce qu’il attend, quel procédé pourra l’at-
teindre, quelle réaction vous voulez provoquer.
• Au moment : on ne se concilie pas des clients éventuels à la fin
d’un bon déjeuner de la même manière qu’un auditoire de spécialistes
à 8 h du matin.
• Au lieu : on n’« attaque » pas de la même façon un compte
rendu d’expérience dans un rapport technique et dans une vulgarisa-
tion destinée à des profanes ; dans un bureau et dans une salle de
conférences.
• À la nature du sujet : ne « volez » ni trop haut ni trop bas. Vos
démêlés personnels avec le téléphone pourront être amusants s’il s’agit
d’introduire un court article pour la revue de l’entreprise, mais ils
seront tout à fait déplacés dans une étude technique sur les télécom-
munications.
• Au temps ou à l’espace dont vous disposez : un exposé de dix minutes
et un rapport de 40 pages, bien évidemment, n’auront pas une intro-
duction de même longueur. C’est une question de proportion comme
pour la conclusion. De l’ordre de 1/6 du total pour une intervention
courte, de 1/10 ou moins encore pour un exposé ou un texte long.

2 Lui donner de la vie


• Attention : en tenant compte de ce qui précède, évitez l’impertinence,
l’inopportunité, l’incongruité.

leçon exercices travaux dirigés corrigés 225


• N’épuisez pas vos ressources dès le début : un acteur qui a cinq actes
à jouer ne commence pas « à plein volume ».
• Simplicité, modestie, enjouement, familiarité de bon aloi sans aucun
appel à la complicité ni à la vulgarité, telle est l’allure qui convient.
Ne vous « forcez » pas malgré votre désir de séduire, les destinataires
sont sensibles à l’excès d’artifices.
• Donc vous tâcherez de donner de l’animation, voire du piquant à
votre début :
– par des interrogations,
– par des chiffres éloquents,
– par un historique,
– par une citation bien choisie, une formule célèbre,
– par un dialogue,
– par une définition,
– par une anecdote amusante ou étonnante, etc.
• Vous vous rappellerez que l’humour, l’imprévu, le paradoxe, l’actua-
lité brûlante vous ouvrent l’attention des destinataires, qu’un sourire
est toujours apprécié dans les rapports humains comme dans un texte
ou un discours.

Ni l’introduction ni la conclusion ne sont plaquées artificielle-


ment sur le corps du développement. Elles en sont l’origine et l’achè-
vement. C’est pourquoi nous devons nous persuader qu’elles sont
naturelles et que nous les découvrirons en étant attentifs à la logique
interne de la matière que nous traitons.
Bien entendu, une fois que vous avez défini le rôle dynamique
de votre introduction et de votre conclusion, il vous reste à leur don-
ner un tour agréable et donc efficace. Vous mettrez en œuvre les
procédés d’animation de la parole dont vous disposez.
Pour cela vous ferez preuve aussi d’invention. L’habitude vous
en rendra capable. L’observation vous fera découvrir des pistes, vous
remarquerez les idées ingénieuses des bons conférenciers que vous
avez l’occasion d’entendre, des auteurs d’articles ou de rapports que
vous serez amené à lire. Vous vous convaincrez que vous pourrez,
vous aussi, trouver d’heureux moyens d’intéresser les autres à ce que
vous voulez leur communiquer.
Les exercices qui suivent ont principalement pour but de stimuler
votre esprit d’observation. Votre travail ou vos études vous fournissent
constamment des occasions de rédiger.

226 techniques de l’expression écrite et orale Conclusion – introduction



exercices

䊊 Ex 1 Voici la dernière page d’un livre consacré à une critique en règle
de l’école qui ne donne pas à l’enfant le goût de se cultiver ni le
désir de construire sa vie.

Quels sont les procédés utilisés dans cette conclusion ?

Il existe à Hauterives, petit village de la Drôme, un monument historique, le plus


insolite de tous : le « Palais idéal » du facteur Cheval. C’est l’œuvre d’un seul
homme, Joseph Ferdinand Cheval, né en 1836, facteur de son état, qui entreprit
de réaliser un projet insensé : se construire un palais. Non pas une maison compa-
rable à celle de ses voisins, mais un monument qui ne ressemblerait qu’à lui. Il
n’avait rien, ne possédait aucune fortune, ne connaissait pas la maçonnerie, il n’était
riche que de ce rêve obstiné. Il apprit seul à tracer des plans, à manier la truelle et
le marteau, à dresser des murs, à saisir le ciment, à sculpter la pierre. Il trouva dans
les environs, au hasard de ses tournées, les matériaux qu’il ne pouvait acheter. Il
travailla plus de trente années pour édifier un monument comme il n’y en aurait
jamais d’autre, incroyable enchevêtrement de fioritures architecturales, délirante
accumulation de naïves décorations, invraisemblable foisonnement de personnages,
d’animaux, de symboles qui, pour lui seul, avait un sens et une beauté. À la même
époque, l’architecte Antonio Gaudi construisait à Barcelone l’église de la Sagrada
Familia qui stupéfia le monde entier par son exubérance. Pourtant, le sanctuaire de
Gaudi, salué comme le chef-d’œuvre de l’architecture onirique, paraît bien sage,
presque classique, comparé aux imprévisibles jaillissements du « Palais idéal ».
Le facteur n’était ni fou ni sage, il bâtissait sa vie à travers un monument dont
il entendait faire son tombeau. Son palais, c’était sa propre image qu’il façonnait
longuement, au fil des ans, au hasard de ses pensées, au prix de son travail. Je
connais peu l’histoire de ce bâtisseur du soir et du dimanche, mais je trouve la
parabole superbe. Et j’éprouve ce même mélange de respect, de tendresse et d’ad-
miration chaque fois que je croise par chance un de ces personnages qui, sortant
du rail scolaire et professionnel, est parti à l’aventure, apprenant ce qu’il ignorait,
pour aller au bout de lui-même.
Que l’école donne à tout élève une place, ce serait déjà très bien, mais qu’elle lui
ouvre un chemin, ce serait tellement mieux. Non pas l’une de ces routes connues
et balisées qu’il faut aussi emprunter, mais un chemin bien à soi, que l’on trace pas
à pas, une étoile en tête pour unique boussole : l’itinéraire d’une seule vie construite

leçon exercices travaux dirigés corrigés 227


jour après jour avec l’obstination de ce facteur Cheval qui toujours allait à pied et
chaque soir ajoutait un caillou du chemin au palais de ses rêves.
François de Closets, Le bonheur d’apprendre et comment on l’assassine,
© Éditions du Seuil, 1996. Coll. Points 1997.

䊊 Ex 2 Voici la conclusion d’un article consacré à la création et à l’utilisa-


tion d’outils par les chimpanzés. Pouvez-vous la rattacher à un
type connu ?

Plus les chercheurs observant les chimpanzés dans leur milieu naturel sont nom-
breux, plus de nouveaux comportements sont mis en évidence. De tout temps,
l’humanité, souvent à travers ses philosophes et ses scientifiques, s’est interrogée
sur ce qui la différencie des autres animaux. Mais cela ne fait que quelques décennies
que des humains font l’effort d’aller étudier les animaux dans leur milieu originel
pour constater de visu ce que ces espèces sont réellement capables de faire. Un
effort pour ne pas détruire le monde qui nous entoure s’impose afin que nous
puissions mieux le connaître et par conséquent mieux nous connaître nous-mêmes.
Christophe Boesch et Hedwige Boesch-Achermann, Les chimpanzés et l’outil,
in La Recherche, no 233, juin 1991, p. 731.

䊊 Ex 3 Voici la conclusion d’un ouvrage, surtout historique et descriptif,


consacré aux sectes.

1. Analysez-là.
2. Qu’a-t-elle de particulier ? Peut-on la rattacher à l’un des trois
types principaux ?

Aujourd’hui, on comprend la quête errante de spirituel et de chaleur humaine qui


en met en route beaucoup à la recherche d’un « Ailleurs », et d’un groupe chaud
qui en offre déjà les prémices.
On est alors impressionné, au terme de ce voyage au pays des sectes, par l’immense
capital de sincérité, de bonne volonté, de désir de rencontrer Dieu qui s’y révèle.
On est d’autant plus navré de le voir parfois récupéré par des marchands de spirituel
sans scrupule. On se sent alors poussé à agir. Ce serait d’ailleurs rendre un bien
mauvais service à certains de ces mouvements que d’avaliser inconditionnellement
leurs déviations au bénéfice de la seule bonne foi de leurs membres. La tolérance
implique la vérité. Le dialogue vrai suppose l’expression claire de la différence, seul
moyen pour chacun de progresser dans sa voie.
On se sent pressé aussi d’agir sur les racines du mal : un certain dysfonctionnement
de nos sociétés occidentales. Bergson appelait déjà notre civilisation à un « supplé-

228 techniques de l’expression écrite et orale Conclusion – introduction



ment d’âme ». Saint-Exupéry confiait : « Je hais mon époque de toutes mes forces,
l’homme y meurt de soif. ». Car l’homme ne peut vivre uniquement de moyens de
vivre. Il a besoin de raisons de vivre. Si notre époque s’avérait incapable de les lui
fournir, les sectes auraient un bel avenir. Car nous en fabriquerions alors la clientèle
potentielle.
Jean Vernette, Les sectes,
© PUF, Coll. Que sais-je ?, no 2519, 1990, p. 125.

䊊 Ex 4 Voici les dernières lignes d’un livre de l’éthologue et neuropsy-


chiatre Boris Cyrulnik : Les Nourritures affectives (Poches © Édi-
tions Odile Jacob, 2001, pp. 248-249), dans lequel l’auteur
montre que l’affectivité est à la base de l’évolution humaine avec
ses grandeurs et ses misères, en la comparant aux comporte-
ment animaux.

Analysez cette conclusion.

Le monde humain s’est modelé lentement à partir de la glaise des émotions : il a fallu
des corps pour se désirer, des sens pour coexister, et des paroles pour conquérir le
temps.
Mais dès que l’homme est devenu capable d’histoire, il s’est rendu coupable d’his-
toires. Le passé ne meurt jamais, pour un homme qui en fait des récits, alors que
chez le lion il ne laisse que quelques traces.
À force de la raconter, on finit par donner corps au mythe qui crée en nous un
sentiment de vérité aussi authentique que la perception d’un objet. Nos cultures
hallucinées confondent le réel avec l’idée qu’elles se font du réel. Nous habitons un
monde que nos paroles inventent, sans soupçonner le pouvoir de nos mots. Un
jour, le premier homme a dit à la première femme : « Tu es belle, et je t’aime... » ;
trois millions d’années plus tard, cette phrase a donné quelques milliards de descen-
dants !
Les hommes parlent trop peut-être ?
En débarquant sur Terre, toute espèce vivante possède une espérance de vie de
sept millions d’années. Nous venons donc de naître puisqu’il n’y a que trois millions
d’années que nous nous arrachons à l’animalité, que nous marchons sur nos pattes
postérieures, que nos mains libérées fabriquent des outils ; il n’y a que trente mille
ans que nous sommes devenus « savants », que nous nommons nos pères, que nos
récits racontent les mythes qui nous façonnent et que nos techniques utilisent les
lois de la nature pour échapper à la nature. Nous avons encore droit à quatre
millions d’années !

leçon exercices travaux dirigés corrigés 229


䊊 Ex 5 L’auteur va parler de l’origine de l’homo sapiens.

Comment est présentée son introduction ?

Parmi les nombreux problèmes qui se posent au paléontologiste, celui de l’origine


de l’homme moderne est, sans conteste, un des plus délicats. De quelles formes
fossiles est issu l’homme actuel ? Où et quand il est apparu ? C’est là un problème
qui complète celui de l’origine de la lignée humaine. Comment l’homme est apparu,
comment il a atteint le stade d’achèvement que nous lui connaissons aujourd’hui,
voilà deux questions essentielles qui se posent à la Paléontologie humaine.
B. Vandermeersch, in Revue des questions scientifiques,
no 3, tome 140, 5e série, tome 30, p. 333.

䊊 Ex 6 Consacré à un phénomène fréquent, le rire, et fort peu connu au


demeurant, un article commence de la façon suivante que vous
essaierez de caractériser.

On rit de tout, jamais de rien. Sous cape ou à gorge déployée, gras ou jaune,
l’éclat de rire est toujours comme une rupture, un comportement soudain, à peine
contrôlable, jamais gratuit. Paradoxe : on rit aux larmes. Le fou rire renvoie au rire
fou, et si l’on en vient à s’écrouler de rire, voire à se « pisser dessus », ce peut être
au risque d’en mourir. Au sens propre. Cela s’est déjà vu au Kenya, où une mysté-
rieuse « épidémie » de rire incoercible affecta un millier d’écolières et leurs familles.
Plusieurs personnes durent être hospitalisées d’urgence. L’une d’entre elles en per-
dit la vie.
Le rire, pourtant si familier, garde encore une bonne partie de son mystère. Pour-
quoi rit-on ? De quoi ? Comment ? Quelle est la signification profonde de cette
déformation grotesque du visage accompagnée de vocalisations incohérentes et de
spasmes violents ? Une chose apparaît cependant certaine : le rire est le propre de
l’homme, on l’a suffisamment dit, à la suite de ce grand rieur de Rabelais. Encore
faudrait-il savoir à quel moment de l’évolution l’hilarité a fait son entrée dans la
lignée des Homo.
Philippe Chambon, Le rire, Sciences et Avenir,
no 530, avril 1991, p. 28.

䊊 Ex 7 Quelle figure de style structure cette introduction à un article


sur la douleur ?

Le réseau de la douleur est une sorte de garnison dont les colonnes se déploieraient
depuis une tour de contrôle, le cerveau, jusqu’à des millions de sentinelles postées

230 techniques de l’expression écrite et orale Conclusion – introduction



à la périphérie de notre corps, sous la peau, les viscères, les muscles à l’affût d’un
agresseur – une lame, un marteau, une maladie. Qu’on vienne à les rencontrer et,
ouille ! toute la garnison est alertée. L’information douloureuse est embarquée à
bord d’une fibre nerveuse, elle-même passagère d’un nerf, et transmise à travers
un circuit complexe, avec des feux rouges, des feux verts, des sens uniques, des
voies sans issue et un grand carrefour, la moelle épinière, d’où part un ascenseur.
Destination : les étages supérieurs du cerveau. Les grandes lignes du plan commen-
cent à être cernées par les chercheurs. Mais des zones d’ombre subsistent.
Comment le circuit est-il précisément contrôlé ? Pourquoi ne parvient-il pas à
s’éteindre parfois ? Et pourquoi lui arrive-t-il de s’allumer sans raison apparente ?
D’incertitudes en espérances, de controverses en frustrations, les chercheurs par-
viendront-ils un jour à vaincre la douleur ?
AS., Pourquoi souffrons-nous ?, in Sciences et Avenir,
no 528, fév. 1991, p. 50.

䊊 Ex 8 Dans son article « La vie dans la neige », le journaliste Gérard


Morice rend compte de la découverte récente d’étranges êtres
vivants qui prospèrent dans les névés à plus de 3 000 mètres
d’altitude (Science et Vie, no 1009, octobre 2001, p. 108).
Analysez son introduction.
D’où viennent les pigments qui teintent de jaune, de pourpre ou de vert la neige
sale des névés alpins ? Certes, les grains de sable apportés du lointain Sahara par le
sirocco peuvent donner des teintes ocre et jaune, mais cela n’explique pas tout.
Armés de loupes et de microscopes de fortune, des naturalistes amateurs savoyards
se sont penchés sur ces étranges colorations et en ont découvert la cause : la neige
héberge une flore et une faune minuscules composées de milliers d’espèces.

leçon exercices travaux dirigés corrigés 231


travaux dirigés

䉯 Td 1 Après un exposé, assez inquiétant, consacré à l’activité volca-
nique, voici quelle conclusion choisissent les auteurs. Comment
pouvez-vous la caractériser ?
Ne terminons pas sur une note pessimiste : les volcans ont aussi de bons côtés. Il
semble que le gaz carbonique émis par les volcans ait eu une grande importance
pour les débuts de la photosynthèse sur la Terre. Après une éruption, il faut bien
sûr du temps pour que la végétation reprenne sur les coulées (encore qu’en climat
tropical cela se fasse vite), mais le sol qui finira par se recomposer sera alors un sol
riche et fertile. À proximité de volcans (anciens ou actifs) on trouve aussi des gise-
ments de minerais (du soufre, des métaux)...
Il ne faut pas non plus oublier la chaleur des volcans, anciens ou actifs, qui peut
parfois être exploitée : c’est une des formes de l’énergie géothermique. En Islande
par exemple, une bonne partie du chauffage est assurée de cette manière. En Gua-
deloupe, un forage géothermique près du geyser de Bouillante produit une part
non négligeable de l’électricité de l’île.
Et puis, n’est-ce pas un beau spectacle ?
Andrée Bergeron et Sylvie Gruszon, Histoires de volcans...,
Revue du Palais de la découverte, vol. 19, no 189, juin 1991, p. 36.

䉯 Td 2 Dans un long article de © L’Express du 5 au 11 avril 2001, intitulé


« Dents, le mal français », la journaliste Marie Huret décrit
l’aberration du système de remboursement des soins dentaires
en France : soins courants insuffisamment rémunérés, prothèses
coûteuses pas ou peu remboursées aux patients, dont les plus
démunis ne peuvent se faire soigner correctement.

Étudiez la structure de sa conclusion que voici :

Des prix prohibitifs, des patients soignés à deux vitesses, des dentistes qui se disent
mal honorés : la situation des soins dentaires en France est à la croisée des chemins.
« L’enjeu est historique », souligne Michel Yahiel, le chargé de mission du gouverne-
ment sur le sujet. De plus en plus fort, d’une seule voix, les dentistes réclament
une revalorisation des soins conservateurs en échange d’une baisse du prix des
prothèses. En février, la Cnam a fait le premier pas en annonçant le remboursement
de trois nouveaux soins, dont le scellement des sillons, qui permet de lutter efficace-
ment contre les caries. De son côté, l’Union des jeunes chirurgiens-dentistes a déjà

232 techniques de l’expression écrite et orale Conclusion – introduction



émis des propositions concrètes : une extraction passerait de 137 à 300 francs, et
les dentistes plafonneraient le prix d’une céramique à 2 500 francs. Mutuelles, assu-
rance-maladie, syndicats – l’UJCD, mais aussi la Confédération nationale des syndi-
cats dentaires, premier de la profession – devraient se retrouver autour d’une table
dès que Michel Yahiel aura remis son rapport. « On dépense des milliards pour
rembourser des médicaments alors que les soins dentaires sont en friche depuis
vingt ans, précise Jean-Pierre Davant, président de la Mutualité française. Il est
temps d’en finir avec cette dentisterie à deux vitesses. Il est grand temps de mettre
un terme à cette scandaleuse exception française. »

䉯 Td 3 Voici le premier § du livre de Robert Rochefort Vive le Papy-


Boom, (© Éditions Odile Jacob, 2000, p. 9). L’auteur démontre
dans son ouvrage qu’il n’y a pas à s’inquiéter du nombre crois-
sant de seniors dans notre société ; au contraire, l’expérience
des anciens, leur action familiale, sociale et culturelle apportent
beaucoup aux générations suivantes.

Montrez comment ces quelques lignes introduisent la thèse qui


va être soutenue au long des 280 pages de l’essai.

La vieillesse ne progressera pas, contrairement à ce que l’on nous affirme à coups


d’effectifs des « plus de 60 ans », elle va continuer à reculer du fait des progrès
médicaux, de l’amélioration des conditions de vie, ainsi que du changement des
mentalités. Tel est en tout cas le défi à relever ! Le papy-boom ne devrait pas être
une société de vieux. C’est à notre portée. Il faut une sacrée dose de masochisme
pour prendre comme une mauvaise nouvelle une évolution qui tend à l’allongement
de la durée de la vie dans de bonnes conditions ; c’est la conséquence de la dictature
du jeunisme doublée de la peur que nous avons tous devant notre propre vieillisse-
ment. Mais si l’on sait s’y prendre, le papy-boom sera au contraire une grande
source de bonheur et d’équilibre pour la société.

䉯 Td 4 Étudiez l’introduction suivante d’un article qui annonce un pro-


grès technologique réussissant à diminuer les nuisances sonores
des appareils domestiques ou industriels.

Ah ! le bruit des aspirateurs ! Et ces réfrigérateurs qui se mettent en route au


milieu de la nuit, juste quand on allait s’endormir ! Et ces tondeuses à gazon dont
le vrombissement transforme en cauchemar les séances de chaise longue du week-
end... Ces multiples agressions de la vie quotidienne sont âprement combattues par
les chercheurs du Cetim (le Centre technique des industries mécaniques), qui se

leçon exercices travaux dirigés corrigés 233


sont aperçus que les systèmes d’assemblage des structures mécaniques jouaient un
rôle déterminant dans le comportement vibro-acoustique de nos appareils
modernes. Si les sources du bruit sont le moteur et le mouvement de la lame des
tondeuses à gazon, les éléments sur lesquels ils sont assemblés jouent le rôle d’un
amplificateur. En conséquence, il suffit de modifier les assemblages, ou d’en imagi-
ner de nouveaux, pour que les machines vibrent moins et soient mieux isolées
acoustiquement.
Gérard Morice, « Le bruit enfin domestiqué », in Science et Vie,
no 1009, octobre 2001, p. 137.

䉯 Td 5 Quels procédés relevez-vous dans cette introduction à un article


sur l’amitié ?
Prenons le mot « amitié » au sens fort en considérant qu’un ami est une personne
liée à une autre par une intimité et une bienveillance mutuelles, qui ne se fondent
ni sur la parenté, ni sur l’attrait sexuel, ni sur l’intérêt ou les convenances sociales
– quitte à reconnaître une incidence possible de ces facteurs et à considérer que
certains liens plus fluides (entre camarades, entre copains) possèdent certains traits
de l’amicalité. En toute occurrence, celle-ci échappe à toute forme d’institutionnali-
sation, même si elle est parfois l’objet de serments ou de rituels particuliers. Le
champ amical relève exclusivement de la préférence et de la privacité.
Aujourd’hui, certains parlent volontiers de « valeur refuge ». La formule paraît juste
eu égard à l’érosion des liens familiaux et communautaires ; elle reste pourtant fort
incomplète. D’abord dans la mesure où l’amitié ne se réduit pas à partager, loin
des foules, des distractions ou des confidences, mais suscite souvent des projets et
des entreprises attestant sa composante dynamique. En outre, la plupart des liens
amicaux se détachent sur un fond de relations locales, fréquentes ou occasionnelles,
de tonalité plus ou moins positive : voisins, camarades de travail ou de loisirs, bandes
de copains – ou de copines – parmi lesquels se détachent des rapports privilégiés.
C’est ce que révèlent de multiples études psychosociologiques poursuivies en
Europe et aux Etats-Unis depuis une trentaine d’années.
Jean Maisonneuve, « Dites-nous qui vous aimez »,
in L’amitié, une nouvelle aventure, hors-série du © Nouvel Observateur,
décembre 2000, p. 16.

234 techniques de l’expression écrite et orale Conclusion – introduction



corrigé des exercices

䉲 Ex 1 a. F. de Closets fait appel à une comparaison qui sert d’exemple. Elle a
valeur symbolique (l’auteur emploie lui-même le terme de parabole), donc dotée
d’une force démonstrative.
b. Cette analogie, entre le facteur Cheval et l’individu capable, hors du
conformisme scolaire, de réaliser ses ambitions personnelles, évoque un person-
nage connu et jouissant d’une réputation artistique et pittoresque. Elle donne de
l’autorité (voir chapitre III) à l’affirmation, ainsi qu’une connotation culturelle.
c. Remarquons aussi le rythme ample et presque lyrique de la phrase ultime,
qui « ramasse » bien la thèse soutenue tout au long de l’ouvrage.

䉲 Ex 2 Ici, pas de récapitulation globale de l’article, mais l’accent mis sur une ques-
tion de méthode : c’est dans leur milieu naturel qu’il faut observer ces animaux si
l’on veut obtenir des résultats intéressants.
Il faudra donc – et la conclusion ouvre sur l’avenir – protéger la nature si
l’on désire mieux connaître le monde et l’homme.

䉲 Ex 3 L’auteur juge d’abord, de façon nuancée, les motivations de ceux qui s’adres-
sent aux sectes ; il dénonce l’exploitation de ces besoins par des charlatans. Il
indique quelle est la cause du développement des sectes à notre époque : un mau-
vais fonctionnement de la société. Enfin, il nous met en garde : cet engouement
persistera si notre civilisation se montre incapable d’apporter à l’homme les idéaux
indispensables.
Cette conclusion n’est donc pas simplement récapitulative : elle propose un
approfondissement de la réflexion et une ouverture.

䉲 Ex 4 Les 3 premiers § reprennent le contenu essentiel de l’ouvrage :


– importance des émotions
– qui sont conservées par le langage
– et ont des conséquences déterminantes.
Les deux derniers § ouvrent une perspective encourageante.
Exemple d’une conclusion à double mouvement, récapitulatif et prospectif.

䉲 Ex 5 Cette introduction, très rapide, et d’un type banal, est présentée sous forme
de questions, directes pour les premières, indirectes pour les dernières qui annon-
cent le plan. Remarquez qu’elles ne sont pas posées en termes techniques, mais

leçon exercices travaux dirigés corrigés 235


qu’elles sont formulées de manière à intéresser un vaste public toujours curieux de
connaître l’origine de son espèce.

䉲 Ex 6 Cette introduction est, à la fois, amusante et fonctionnelle. Partant d’expres-


sions stéréotypées et familières, l’auteur évoque ensuite un cas étrange, enfin
annonce le contenu de l’article au moyen d’une série de questions.
Il sait éveiller l’intérêt du lecteur.

䉲 Ex 7 Pour faire comprendre comment la douleur se répand à travers tout un


réseau, l’auteur emploie une métaphore prolongée de caractère militaire, qui se
transforme en une autre métaphore, celle de la circulation routière. Les deux méta-
phores sont liées par l’idée de transport.
Puis l’introduction se poursuit, de façon plus banale, par une série de ques-
tions annonçant le contenu de l’article.

䉲 Ex 8 – Un phénomène à élucider : la coloration des névés ;


– une première explication insuffisante ;
– la découverte de plantes et animaux microscopiques.
Ce dernier point est une annonce du plan de l’article.

236 techniques de l’expression écrite et orale Conclusion – introduction


Chapitre VII
Écrits professionnels
Les écrits que l’on rédige dans une entreprise ou une administration doivent
être soignés selon leur importance.
S’ils se contentent de transmettre simplement de l’information (comme la
note, le compte rendu, le procès-verbal, etc.), l’exactitude, la clarté, la précision
sont à rechercher en priorité. Les mêmes qualités de rédaction sont requises
lorsqu’on formule des ordres ou qu’on rédige son curriculum vitæ.
Pour les textes plus élaborés (lettre, communiqué, etc.), une réflexion est
nécessaire car l’ordre des idées, l’habileté des arguments, la variété de l’expres-
sion jouent alors leur rôle. (Voir en particulier le chapitre suivant : Le rapport).
Même l’acheminement par Internet (Intranet sur le réseau interne) exige
de l’attention. L’improvisation non maîtrisée fait commettre des oublis ou des
erreurs.
Dans tous les cas, les écrits professionnels doivent respecter les règles tradi-
tionnelles de leur genre, notamment la correspondance, et aussi les habitudes
de l’entreprise. Ces modalités sont, du reste, en évolution constante. Les notes,
les courriers sont soumis à des changements, obéissent à des modes.
C’est pourquoi ce chapitre, loin de formaliser définitivement des types, pré-
sente des pistes plus que des modèles, rappelle des constantes susceptibles
d’adaptation suivant la nature du travail et le cadre d’activité.

leçon exercices travaux dirigés corrigés 237


I - LA NOTE

C’est un écrit très court, sans forme fixe. Il en circule beaucoup dans
l’entreprise, pour communiquer des renseignements ou des avis entre
services ou entre échelons de la hiérarchie.
On peut en imaginer cent et un types. Quelques exemples en
donneront une idée. La note est d’un usage commode parce qu’elle
n’exige pas de mise en forme épistolaire. Les formules de politesse,
qui alourdissent la correspondance, en sont exclues.
L’en-tête comporte les mentions suivantes :
– origine : nom du rédacteur et du service ;
– destinataire ;
– objet : désignation simple de l’affaire concernée (dans le cas où
cette indication est nécessaire) ;
– date.
Cette souplesse dans l’emploi de la note ne doit pas conduire à
des abus : vous paraîtrez désinvolte si vous en « bombardez » à tout
propos votre Directeur Général.
Dans certains bureaux et administrations, des formules sont pré-
vues pour ce procédé d’information. Nous en présentons un modèle
d’abord.

Le ......................................
Compagnie XXX
Département des Recherches techniques
Le Directeur
informe M. .....................................
demande à Fonction ............................
rappelle à Département ....................

1er exemple de note :


Compagnie XXX Le .........................................
J. Dupont
Inspecteur des ventes
Zone Sud-Ouest

238 techniques de l’expression écrite et orale Écrits professionnels



signale au service des Facturations que les devis pour la firme YYY, à Bor-
deaux, doivent sans faute lui être expédiés le 20 juillet pour acceptation
avant la fermeture annuelle.

2e exemple de note :
Société PPP Le .........................................

M. Simon, atelier de montage no 2, prie les « approvisionnements » de lui


faire apporter 10 x 1 000 ressorts 8/40.
Et les remercie de ne pas le faire attendre...

3e exemple de note :
Société PPP Le .........................................
Comptabilité

à l’intention du Service Reproduction-Impression.


Nous aurons besoin le 5 avril d’un tirage de 5 000 circulaires de 3 pages.

Aujourd’hui, nombre de ces notes sont rédigées sur ordinateur et


transmises par Intranet (réseau interne de courrier électronique d’une
entreprise ou d’une administration).
La demande d’un accusé de réception du message – proposée ou
non par le logiciel de communication – permet à l’expéditeur de s’assurer
de la réception et de l’enregistrement par le destinataire. Cette précaution
est indispensable tant le flux de la messagerie électronique s’accroît dans
les services, afin d’éviter négligence et contestation ultérieure.

II - LE COMPTE RENDU (CR)



Type même de l’écrit d’information, il donne une image exacte mais
succincte d’un événement, d’une situation, d’une négociation, d’un
document. Il laisse un témoignage durable d’une phase de discussion
ou d’opération en cours.
Il se contente d’être descriptif, mais il cherche à l’être complète-
ment en n’omettant aucune circonstance notable (quoi ? ou qui ?,

leçon exercices travaux dirigés corrigés 239


où ?, quand ?, comment ?, avec qui ?, de sorte que). L’en-tête
comprend les mêmes indications que celui d’une note. On introduit
parfois le CR par une phrase du genre : « J’ai l’honneur de porter à
votre connaissance les faits suivants... ».
Dans la pratique, les CR recouvrent des réalités diverses. Sauf
dans les sociétés très centralisées et d’une organisation bureaucratique
rigoureuse, comme l’armée ou certains services administratifs, il ne
faut pas être esclave d’un formalisme qui souvent paralyse. Cependant,
surtout par commodité d’exposition, nous distinguons quatre types de
CR.

䊐 A LE CR D’UN ÉVÉNEMENT
Il est d’un usage courant : témoignage écrit sur un accident, avis qu’un
fournisseur ne respecte pas une date de livraison, relation d’un diffé-
rend avec un client, description d’un incident de fonctionnement
d’une machine-outil, etc.
En voici un spécimen amusant.
Monsieur,
Je soussigné...., maçon...chargé des réparations dans la toiture du bâtiment
à..., j’ai l’honneur de vous informer de l’accident suivant :
Le 21 novembre, quand je suis arrivé au bâtiment j’ai découvert que l’oura-
gan avait fait tomber du toit quelques briques. J’ai donc installé sur le toit
du bâtiment une poutre et j’ai hissé un couple de caisses de briques. Quand
j’ai eu réparé le toit, il restait une quantité de briques. J’ai hissé de nouveau
la caisse et j’ai fixé la corde en bas et je suis descendu et j’ai détaché la
corde. Malheureusement la caisse était plus lourde que moi et avant que j’ai
su ce qui m’arrivait la caisse a commencé à descendre, me soulevant de
terre d’un seul coup.
J’ai décidé de m’aggriper et à mi-montée j’ai rencontré la caisse qui descen-
dait et j’ai reçu un sérieux coup à l’épaule. Alors j’ai continué jusqu’en haut
me cognant la tête contre la poutre et m’écrasant les doigts dans la poulie.
Quand la caisse a frappé le sol le fond a lâché et toutes les briques se sont
répandues. Alors j’étais plus lourd que la caisse et je suis reparti vers le bas
à toute vitesse. À mi-chemin j’ai rencontré à nouveau la caisse qui montait
et j’en ai reçu de nombreuses blessures au tibia. Alors j’ai heurté le sol, j’ai
atterri sur les briques dont les arêtes tranchantes m’ont infligé plusieurs
coupures douloureuses.

240 techniques de l’expression écrite et orale Écrits professionnels



À ce moment j’ai dû perdre ma présence d’esprit car j’ai lâché la corde.
Alors la caisse est redescendue me donnant un autre coup violent sur la
tête.
Je demande respectueusement un congé de maladie.
Je vous prie de croire, Monsieur, à ma haute bienveillance.

䊐 B LE CR DE MISSION
Il a pour but de rendre compte d’une action accomplie par son auteur,
seul ou en groupe. Si la mission est de longue durée, des CR partiels
renseignent, à intervalles réguliers, sur le déroulement des opérations.
Ce type de CR s’en tient aux faits marquants. C’est souvent le premier
document fourni, dès la fin de la mission ; il est suivi, s’il s’agit d’une
affaire importante, d’un rapport de synthèse qui reprendra l’ensemble
des données déjà livrées dans le ou les CR, mais qui en tirera les
conséquences.
De tels CR sont demandés aux inspecteurs, représentants, déléga-
tions, etc. Ils peuvent prendre la forme d’une lettre : phrase d’intro-
duction + le CR lui-même + une formule de salutations. Le plus
souvent le CR est transmis quotidiennement par internet.
Exemple d’un CR de voyage d’inspection :
Durand Le .........................................
Inspecteur des
Messageries TT
à Monsieur le Directeur
Commercial de la Compagnie ZZZ Paris

Monsieur le Directeur,
À la suite de la réclamation que vous avez présentée aux Messageries TT
le 9 courant, nous avons effectué les constatations suivantes concernant la
distribution de vos produits sur le marché italien.
Aucun retard n’est imputable à nos services de transport.
Mais les emballages cartonnés dans lesquels vous livrez la marchandise ne
semblent pas d’une résistance suffisante. Notre agent général a dénombré
45 % de colis endommagés au cours des trois derniers acheminements.
Les vérifications entraînées par ces avaries, qui ralentissent la distribution, et
la mise au rebut d’une partie des envois expliquent les ruptures d’approvi-
sionnement qui se sont produites à Bologne, Rome et Naples.
Le conditionnement de vos marchandises est à étudier de nouveau.

leçon exercices travaux dirigés corrigés 241


Nous vous soumettrons un rapport complet à la fin du mois, mais nous
tenions à vous informer aussitôt de ces faits.
Veuillez agréer, Monsieur le Directeur Commercial, l’expression de nos sen-
timents empressés.

䊐 C LE CR D’UN ENTRETIEN
Nous groupons dans cette catégorie les relevés qui rendent compte
d’une démarche, d’une audience, d’une conversation. Parfois ils
constituent des CR partiels pendant une mission, et ils entrent donc
alors dans la catégorie précédente (B). Ils laissent une trace d’une
intervention orale, ils font le point d’une négociation en cours ; on en
devine l’utilité.
À la suite d’une communication téléphonique, un tel CR servira
de base à la lettre de confirmation qu’on enverra à l’interlocuteur pour
fixer par écrit les conclusions de l’entretien. Une lettre pourra aussi
rappeler les termes importants de tout autre type de conversation.
Exemple de CR d’une audience :
Compagnie XXX Le 6 novembre 2010
Service Général
Objet : construction prévue à J...

Monsieur Durand, Attaché au Service Général, a été reçu ce jour, à notre


demande, par M. le Directeur Régional de la Construction.
Il a exposé les modalités de construction des bâtiments qui seront implantés
dans la zone industrielle de J... Il a remis le dossier d’études techniques,
comprenant notamment le plan de masse, le rapport de l’architecte, et les
demandes d’autorisation relatives à la voirie.
M. le Directeur Régional de la Construction estime à deux mois environ la
durée de l’instruction du dossier et, à premier examen, ne semble pas envi-
sager de difficultés pour l’obtention du permis.

Exemple de CR d’un entretien téléphonique :


Compagnie XXX Le 11 octobre 2010
Transports

La SNCF avertit ce jour par téléphone de l’entrée au dépôt d’E... de cinq


citernes de... en provenance de Sarrebruck.

242 techniques de l’expression écrite et orale Écrits professionnels



La SNCF demande de prendre toutes dispositions pour un déchargement
rapide.

Notez que des CR comme ce dernier exemple sont immédiate-


ment utilisés pour informer et déclencher des ordres et des actions.

䊐 D LE CR D’UN DOCUMENT
Il consiste en un résumé très réduit d’un ou de plusieurs textes. Sous
une forme ou sous une autre, il est assez répandu dans les entreprises ;
citons :
– le CR d’une publication technique, intéressant l’activité d’un
département ou d’un atelier (utilisation fréquente dans les services de
documentation et dans les bureaux d’études) ;
– le CR d’un ensemble de correspondances (utilisation dans les
directions, les services comptables, administratifs ou de contentieux) ;
– le CR d’articles de journaux et périodiques concernant un pro-
duit de l’entreprise (ce qu’on appelle « revue de presse », dans les
services commerciaux et dans les services de publicité).
Ne pas confondre ce type de CR avec la note critique sur un
ouvrage, note qui analyse, mais aussi apprécie la portée et la valeur
de l’ouvrage. Pour le CR, on s’en tient à la simple indication du
contenu du texte dont on rend compte.
Exemple de CR d’un ouvrage technique :
Louis SUSSFELD : Le Factoring, © PUF, 130 p.
La société de factoring achète aux entreprises productrices les créances
qu’elles détiennent sur leurs clients. Elle facilite ainsi le financement
commercial.
L’auteur expose l’origine américaine de cette activité qui se développe en
France, son statut, la technique de ses opérations, son importance écono-
mique.

III - LE PROCÈS-VERBAL (PV)



Bien entendu, nous ne considérons pas ici l’acte officiel établi par
des agents de l’autorité administrative ou judiciaire, mais une forme

leçon exercices travaux dirigés corrigés 243


particulière de compte rendu, relatant les débats d’une assemblée ou
d’une réunion.
Il est bon qu’un texte établisse, pour les participants et afin de préve-
nir toute contestation, ce qui a été discuté et décidé en commun. L’exten-
sion du travail, des recherches et de la confrontation en équipe, conseil,
comité ou commission, – extension qui caractérise la gestion moderne et
qui est en même temps une condition de la démocratie – impose de plus
en plus la rédaction de procès-verbaux. On prend ainsi conscience de leur
importance et de l’exactitude souhaitable de leur libellé. C’est le texte qui
fait foi de la délibération et de la décision collectives.
Les documents rendant compte des réunions d’un organisme
peuvent être présentés sous deux formes que nous allons définir.
Auparavant un mot sur l’en-tête qui, dans les deux cas, exige de la
précision.

䊐 A L’EN-TÊTE
comprend les renseignements suivants :
– nom de la collectivité dont les débats sont rapportés,
– lieu, date et heure de la réunion,
– objet du débat (ou ordre du jour décidé),
– nom et qualité du président de séance, du ou des secrétaires,
et, s’il y a lieu, des membres du bureau de l’assemblée,
– énumération des participants, des excusés, des absents, ou
bien, si l’assemblée est nombreuse, indication du nombre de membres
présents ou représentés,
– mention des personnalités assistant aux travaux.
Exemples d’en-tête de PV de séance :
1.Procès-verbal de la réunion de la Commission sociale de la Mutuelle Sani-
taire, du 18 décembre 2009 à 17 h au siège de la société.
Président : M. Agénor, secrétaire de la Commission.
Secrétaire de séance : Mme Plume.
Présents : Mlle Cassis, Mme Poire, MM. Boule, Minix, Régime, Termite.
Excusé : M. Loir.
Absents : Mme Silence, M. Paresse.

2.Procès-verbal de l’Assemblée générale ordinaire des Pêcheurs Amicalistes


Méchigonnais, tenue le 7 janvier 2011, à la Mairie,
sous la Présidence de M. Beaucuir, Conseiller général.

244 techniques de l’expression écrite et orale Écrits professionnels



Bureau : M. Tireligne, président de la PAM.
M. Fil, vice-président,
M. Plomb, trésorier.
Secrétaires : MM. Apa et Bouchont.
91 présents (quorum = 67).
Ordre du jour :
– adoption du PV de l’AG de 2010,
– allocution de M. le Conseiller général,
– rapport d’activité du Président,
– rapport financier,
– modification du domaine de la société,
– vœux divers.

䊐 B LE COMPTE RENDU DE SÉANCE


Rédigé par le ou les secrétaires de séance, il contient le résumé des
interventions individuelles dans la suite chronologique rigoureuse de
la discussion, même si parfois celle-ci est confuse ou s’égare.
1 Le secrétaire de séance est en général un des participants les
moins notables et les moins dynamiques de l’assemblée. Au début de
votre carrière, ne vous vexez pas si vous êtes chargé de ce « pensum »
et ainsi contraint à suivre avec attention tous les méandres de la délibé-
ration. Pensez qu’on rend un hommage indirect à votre jeunesse... et
profitez-en pour vous familiariser avec les affaires discutées, recon-
naître les personnalités présentes, et prouver que vous êtes capable de
comprendre vite et de rendre compte avec méthode. Il n’est guère de
meilleure initiation que celle-là.
2 Le CR est remis en fin de séance, ou dans les délais les plus
brefs si une mise au net est indispensable, au Président ou au respon-
sable de la réunion. Par courtoisie, ce dernier en envoie au plus tôt
une copie aux personnes ayant participé aux travaux : elles peuvent
demander une rectification si le CR leur paraît ne pas traduire fidèle-
ment les propos qu’elles ont tenus.
3 Dans la présentation du CR, les décisions prises et les textes
approuvés seront nettement distingués des interventions. Parfois ces
textes seront tirés à part et expédiés dès que possible aux participants,
en même temps qu’aux diverses instances intéressées (administratives,
hiérarchiques, politiques...).

leçon exercices travaux dirigés corrigés 245


4 Pour des assises qui ont des conséquences générales (sessions
d’un Comité officiel, tenue d’un Congrès National, confrontation pari-
taire entre Patronat et Syndicats ouvriers), les notes prises par le secré-
tariat de séance seraient insuffisantes. En ce cas, on assure la
reproduction intégrale de toutes les interventions par enregistrement
au magnétophone ou par sténotypie. Vous trouverez un exemple de
ces comptes rendus exhaustifs dans un numéro du Journal Officiel
publiant les débats d’une séance de l’Assemblée Nationale.
5 Si la réunion est simplement importante, le secrétaire de séance
rapporte d’une manière succincte mais cursive la discussion.
Il précise les résultats des votes. C’est ce type de CR que vous
aurez peut-être à établir et que l’on appelle aussi procès-verbal analy-
tique des débats.
Voici un extrait de CR d’une assemblée départementale annuelle
d’une société mutualiste (les noms propres sont modifiés) :
L’Assemblée aborde le point 3 de l’ordre du jour : aménagement des barèmes
d’intervention mutualiste à la suite des nouveaux décrets réformant le taux
des prestations de la Sécurité Sociale.
M. Saint, rapporteur : notre société, pour les assujettis à la SS, assurait un
remboursement complémentaire, 80 % du ticket modérateur laissé à la
charge de l’assuré, soit 16 % des frais réels. Pour 100 € de débours, le
mutualiste recevait 80 € de la SS et 16 € de la Mutuelle ; restait à son
compte une charge de 4 €.
Les récentes dispositions réglementaires abaissent à 70 % la participation de
la SS et obligent les mutuelles à laisser au moins à l’assuré une charge de
5 %.
Compte tenu de l’ignorance où nous sommes de l’évolution du budget de
notre société pour l’année qui vient, votre commission financière propose
de limiter à 20 % la participation mutualiste, ce qui fixerait la part des frais
revenant à l’assuré à 10 %. Pour 100 € de dépenses, 70 € de la SS et 20 €
de la Mutuelle. Cette mesure, qui permettra de nous adapter avec prudence
à la nouvelle situation, entraînera cependant une augmentation des dépenses
mutualistes, puisque leur part passerait de 16 à 20 %.
Le Président remercie le rapporteur de son exposé technique et ouvre la
discussion.
M. Arau : est indigné par le fait qu’une part assumée auparavant par la SS
soit transférée à la charge des mutuelles. Il ne votera pas la proposition de

246 techniques de l’expression écrite et orale Écrits professionnels



la commission, car il estime qu’une protestation doit être élevée contre les
nouveaux décrets avant d’en aménager l’application.
M. Martin : trouve que la commission a été sage et il votera la proposition.
M. Debon : s’inquiète des conséquences financières pour la société. En effet,
portée de 16 à 20 %, la contribution mutualiste est de ce fait augmentée de
25 %. L’équilibre du budget ne sera-t-il pas menacé ?
Mme Serret : est d’accord avec la commission, à la condition que le nouveau
régime des remboursements n’entraîne pas une augmentation des cotisa-
tions.
Le rapporteur répond à M. Debon qu’il est urgent que la Mutuelle fixe ses
barèmes de remboursement, ce qui n’interdit pas une action énergique pour
modifier les décrets. Il assure que la société ne connaîtra pas de déficit
pour l’exercice en cours et qu’aucune majoration des cotisations ne paraît
nécessaire dans l’immédiat.
Le Président met aux voix le texte de la commission qui est adopté par
134 voix contre 12 et 7 abstentions.

䊐 C LE PROCÈS-VERBAL RÉGLEMENTAIRE
Plus résumé que le CR de séance, il est en général rédigé, d’après celui-
ci, par le secrétaire ou le responsable de l’organisme qui a délibéré.
Après l’en-tête, ne sont mentionnés que les principaux points exa-
minés et les décisions arrêtées. Ce PV est la pièce qui fait autorité, il
est conservé dans les archives de la société ou de la commission, ou
bien transcrit sur le registre légal prévu à cet effet. Il est signé par le
Président de séance et doit être adopté au début de la réunion suivante.
Nous vous donnons maintenant l’extrait de PV correspondant au
CR de séance présenté ci-dessus :
Sur rapport de la commission financière et après discussion, l’Assemblée
décide de porter de 16 à 20 % la part de remboursement mutualiste en
raison des nouveaux décrets relatifs à la SS (134 pour, 12 contre, 7 absten-
tions).

Les dimensions des deux extraits font mesurer la différence de


nature entre le CR et le PV.
Quelques suggestions pour vous « faire la main » :
– Écrivez une note pour signaler à un camarade un changement
d’horaire dans l’emploi du temps de la semaine.

leçon exercices travaux dirigés corrigés 247


– Rédigez le CR d’une séance de commission ou de groupe de
travail à laquelle vous participez, même si elle est peu importante et
si le nombre de participants est réduit.
– Rédigez le CR de l’assemblée d’étudiants où vous désignez vos
représentants aux organismes de gestion.
– Signalez par un compte rendu un livre ou un article de revue
susceptible d’intéresser un de vos camarades qui doit faire un exposé,
ou un collègue qui recherche une documentation.
– Composez un bref compte rendu de vos prochaines conversa-
tions téléphoniques. (C’est un bon moyen d’apprécier l’usage que
vous faites du téléphone : bavardage ? communication utile ? clarté de
l’expression ?).

IV - LE QUESTIONNAIRE

Vous pouvez avoir besoin de recueillir des informations auprès du
personnel, de la clientèle, des utilisateurs, etc. Souvent, pour ce faire,
vous demandez que l’on remplisse un questionnaire ou une formule.
Ce cadre présente l’avantage d’harmoniser les réponses que vous rece-
vrez et ainsi d’en rendre l’exploitation plus facile.
Mais la mise au point d’un questionnaire requiert du soin et de
la réflexion. Trop souvent on n’obtient pas ce que l’on désirait parce
que les questions ont été mal posées : inutiles, incomplètes, trop
floues. Il n’y a pas de questions « passe-partout », chaque cas doit
entraîner la rédaction minutieuse des formules interrogatives. Vous
avez sûrement, comme nous, dû perdre votre temps à compléter les
longs questionnaires que votre employeur ou votre administration
vous soumettait, parfois en exemplaires multiples, et vous vous êtes
demandé à quoi pouvait bien servir tous les détails qu’on exigeait de
vous. Ce souvenir ne doit pas vous quitter lorsque vous préparez à
votre tour un questionnaire.
1 Définissez d’abord soigneusement les renseignements que
vous désirez recueillir.

248 techniques de l’expression écrite et orale Écrits professionnels



2 Éliminez ainsi toutes les demandes superflues. L’économie
ici est la condition de l’efficacité : vous ne lasserez pas la patience de
ceux qui doivent répondre et vous consulterez plus rapidement les
fiches à leur retour.
3 Groupez vos questions en rubriques afin d’éviter la disper-
sion, les doubles emplois, et le désordre.
4 Rédigez les formules avec précision. Les questions trop géné-
rales embarrassent et entraînent des réponses trop vagues, confuses,
indirectes. Rejetez tout ce qui peut être ambigu pour l’intéressé.
Décomposez une question globale en une série de questions de détail.
N’invitez qu’à des réponses simples, brèves (un nom, une date, un
nombre, une phrase courte). S’il le faut, donnez un exemple de
réponse, ou expliquez rapidement la question.
5 Adaptez les demandes au niveau de ceux auxquels vous vous
adressez. Ils doivent tout comprendre, facilement et clairement. Veillez
surtout au vocabulaire utilisé.
6 Guidez par des suggestions, proposez s’il y a lieu, un choix
entre deux ou trois réponses et indiquez qu’il convient d’encadrer
celle qui est retenue ou de rayer les autres, ou de noircir la case corres-
pondant au choix
7 Vérifiez que vous n’avez rien oublié.
8 Une explication rapide des motifs de votre enquête disposera
l’intéressé à répondre correctement et l’aidera à mieux orienter ses
réponses. Un mot de remerciement à la fin n’est pas inutile non plus.
9 Enfin ne faites pas imprimer votre questionnaire avant de
l’avoir essayé sur deux ou trois personnes autour de vous. Vous serez
immédiatement fixé sur la valeur de vos questions et pourrez les corri-
ger à temps.

leçon exercices travaux dirigés corrigés 249


exercices

䊊 Ex 1 Voici un questionnaire diffusé dans une entreprise. Étudiez-le à
la lumière des conseils ci-dessus. Relevez ses défauts. Proposez
des corrections en vue de l’améliorer.

XXX et Cie Paris, le 15 décembre 2010


Direction des Ressources Humaines.
Mise à l’approbation d’un élargissement d’horaire.
I. Informations :
Un supplément de travail nous étant demandé, nous sommes, dans votre intérêt
comme dans le nôtre, obligés d’accroître la production pour parer à toute éven-
tuelle concurrence de la part de nos confrères. Ce but devant être rapidement
atteint, nous pensons que la meilleure solution réside dans un élargissement des
horaires de travail.
Il est entendu que ce nouvel horaire entraînerait une rémunération supplémentaire
qui serait le résultat de votre bonne volonté.
Nous avons jugé opportun de vous demander votre accord sur cette question et
pour cela nous vous prions de répondre à ce questionnaire.
II. Questionnaire :
NOM : PRÉNOM :
POSTE OCCUPÉ :
Cet accroissement de production suppose 5 heures supplémentaires aux 35 heures
déjà effectuées normalement.
Les acceptez-vous ?
OUI NON
Si oui, quel est l’horaire que vous préférez ?
– commencer plus tôt le matin,
– terminer plus tard l’après-midi,
– travailler le samedi de 7 h à 12 h.
Nous vous remercions par avance pour vos réponses.
Toute autre suggestion nous serait fort utile ; veuillez les noter ci-après :
Le Directeur des Ressources Humaines
F. DURAND.

250 techniques de l’expression écrite et orale Écrits professionnels



䊊 Ex 2 Vous êtes chargé de l’organisation matérielle de deux journées
d’information les 12 et 13 mars auxquelles participeront des col-
lègues de toutes les régions. Rédigez la fiche, jointe à l’invitation,
que les participants devront vous retourner pour réserver
chambres d’hôtel et repas au restaurant.

䊊 Ex 3 Supposez que vous avez la responsabilité de louer les logements


pour les étudiants de votre école ou les travailleurs de votre
entreprise. Composez le questionnaire que les nouveaux inscrits
ou employés auront à remplir.

V - DONNER DES ORDRES



Nous ne nous adressons certainement pas à des lecteurs qui sont ou
seront tous des dirigeants ayant à délivrer des ordres au sens strict du
terme, c’est-à-dire des prescriptions impératives. Cependant, à tous les
postes de travail dans la production, la gestion ou la distribution, cha-
cun est amené à formuler des instructions : l’un exerce une responsa-
bilité, l’autre transmet des indications sur la tâche collective, celui-ci
prépare un ordre qu’un supérieur mettra au point et endossera, celui-
là demande à un service voisin de lui fournir les données nécessaires
à sa propre action. Les ordres ne cheminent pas toujours du haut vers
le bas d’une hiérarchie, mais aussi fréquemment d’un échelon à l’autre
sans qu’il y ait dépendance. Voilà pourquoi vous trouvez ici quelques
remarques sur cette question qui met en jeu le langage.
L’ordre est à un double titre un écrit d’information : il fait
connaître et comprendre la décision, il fournit des renseignements sur
son exécution. Il comporte donc deux éléments : consignes définissant
de quelle manière le destinataire doit agir pour accomplir la tâche
attendue de lui, et éclaircissements sur le but que l’auteur de la direc-
tive veut atteindre.
Toutes les instructions, de la plus simple à la plus ambitieuse,
demandent des qualités qui seront rappelées en premier lieu.

leçon exercices travaux dirigés corrigés 251


䊐 A UN ORDRE DOIT ÊTRE COMPRIS

1 L’ordre est clair et précis


Rien d’aussi nuisible et coûteux qu’un ordre confus, équivoque, mala-
droit ; il sera mal interprété, impossible à exécuter, il engendrera des
actions inutiles ou insuffisantes. C’est là surtout qu’il faut éviter l’im-
précision, le mot vague. Ne diffusez jamais un ordre sans avoir réfléchi
auparavant, et sans l’avoir relu s’il est écrit.

2 L’ordre est adapté à l’exécutant


a) Tous les termes en seront compréhensibles pour lui. Ce qui est
requis de sa part est à la mesure de ses compétences et de ses moyens en
matériel, en personnel, en horaire. On n’exige l’impossible que dans
une situation exceptionnelle. Mais en temps normal, une demande
exorbitante est source de découragement et d’inefficacité. La formula-
tion même suffit parfois à rendre pénible une exigence tout à fait
naturelle.

b) Un ordre établit une relation particulière d’homme à homme ;


même dans l’anonymat d’un imprimé, conservez à travers votre lan-
gage le sens de l’humain. Personne n’aime à entendre une injonction
brutale, car on a l’impression d’être considéré comme une machine
insensible. Dans vos demandes, instructions et, s’il y a lieu, manifesta-
tions d’autorité, n’oubliez jamais que la manière d’ordonner influence
déjà l’exécution.

c) Celui qui émet une directive doit tenir compte de la personnalité


du destinataire (âge, sexe, fonctions, caractère) et des circonstances
(urgence, lieu, présence de témoins, ordre personnel ou collectif, rap-
ports entre les deux intéressés, etc.). La compétence, la volonté de
s’exprimer nettement interviennent, mais le doigté également. Sans
gêner la concision, un mot d’amitié, de déférence ou d’encourage-
ment transforme parfois un ordre désagréable en une directive bien
acceptée. La fermeté n’exclut pas la courtoisie.

d) On mentionnera en tête d’instructions écrites le nom et la


qualité du destinataire.

252 techniques de l’expression écrite et orale Écrits professionnels



3 L’ordre est complet
L’oubli d’un renseignement indispensable affaiblit trop de directives
et a pour conséquences une exécution lente et imparfaite, ou des cor-
respondances, communications téléphoniques, demandes orales qui
entraînent des pertes de temps. On s’assure que la directive qu’on
donne est complète en se mettant à la place du destinataire et en
supputant les informations dont il a besoin pour agir.
Nous proposons un canevas d’ensemble qui aidera à effectuer
une révision systématique. Nous verrons dans la partie B que toutes
les rubriques n’ont pas à figurer dans tous les types d’ordre.
1.Situation analysée dans ses grandes lignes.
Par exemple :
– le bilan,
– les anciennes conditions de travail,
– les nouvelles conditions de travail,
– les facteurs défavorables,
– les facteurs propices,
– les possibilités, etc.
Cette analyse doit justifier l’objectif que l’on se fixe.
2.Objectif : indication claire et intégrale du but choisi, de la mission confiée,
du projet proposé.
3.Plan d’ensemble : exposé des intentions faisant apparaître l’économie
générale du travail qu’on entreprend.
4.Actions prévues : énumération schématique des tâches respectives
incombant aux divers ateliers, services et personnels concernés par l’exé-
cution.
5.Rythme : délais impartis et coordination des différentes tâches.
6.Moyens :
– machines,
– matières premières,
– transport,
– transmissions,
– personnel, etc.
et éventuellement lieux :
– locaux,
– site,
– régions,
– pays, etc.

leçon exercices travaux dirigés corrigés 253


7.Information :
– répartition des responsabilités,
– quand, où et à qui rendre compte,
– les contacts à établir, etc.
(Formule mnémotechnique : SOPARMI).

Cette formule générale reste indicative. Elle sera adaptée ou rem-


placée par des schémas mieux appropriés aux cas particuliers. Mais
elle attire l’attention sur les éléments constitutifs d’un ordre.

䊐 B LES DIFFÉRENTES CATÉGORIES D’ORDRES


Selon la portée de l’ordre, la durée de sa validité et la nature des
renseignements qu’il doit contenir, nous distinguerons :

1 Les ordres de simple exécution


Ce sont les plus fréquents, les plus brefs. Ils concernent des personnes
précises et des actions limitées. Ils sont composés tout au plus des
rubriques 4, 5, 6 et 7.
• L’ordre verbal : désigne une action ponctuelle, avec des renseigne-
ments concis sur l’exécution, du type « Faites ceci, avec cela, pour
telle date ou telle heure ». Il peut être transmis par téléphone.
• La note : version écrite du précédent. Pour la forme, elle ne diffère
pas de la note d’information étudiée à la partie I ci-dessus.
• La note de service : elle contient un ordre simple diffusé à tous les
membres d’un service ou d’un atelier.
• Les consignes ou règlement : prescriptions de caractère permanent ;
par exemple, un horaire, ou les règles impératives de sécurité.

2 Les ordres généraux


• La circulaire : texte d’une certaine ampleur, destiné à informer autant
qu’à diriger. Elle remplit une double fonction. Communiquée pour
information , elle fait connaître une décision à des échelons supérieurs,
à des services parallèles ou éloignés. Communiquée pour action, elle en
impose l’exécution aux destinataires directs. La circulaire a parfois une
portée à moyen terme.
Parce qu’elle concerne des utilisateurs divers, elle réclame une
rédaction minutieuse. Le style est sobre ; il évite l’uniformité respon-
sable de textes ennuyeux et insipides. Les rubriques 3, 4, 5 et 7 y

254 techniques de l’expression écrite et orale Écrits professionnels



figurent presque obligatoirement. On trouvera des circulaires dans les
Bulletins Officiels des Ministères.
• Les directives verbales : exposé général, fait devant des responsables,
et qui comporte tous les points énumérés ci-dessus (A, 3). Il est l’occa-
sion de susciter les remarques sur l’ordre donné.
• La directive : document qui contient un ordre général. Elle est sou-
vent la confirmation des directives transmises oralement. La directive
laisse aussi place à l’initiative des responsables ; elle n’indique que les
grandes lignes d’une opération, trace un cadre à l’intérieur duquel
chaque échelon agira comme il l’entendra pour atteindre le but fixé.
Ce type d’ordre écrit, à la différence des circulaires, n’est diffusé
qu’auprès des responsables. Les points 1 à 3 sont les plus développés,
les points 4 à 7 y sont traités plus sommairement, car ils relèvent des
décisions à prendre dans chaque secteur par les différents responsables.
Réception des ordres
Si l’on désire avoir la certitude qu’un ordre a bien été reçu, on
peut demander que le destinataire en accuse réception . Pour une note
de service, une circulaire, ou un règlement, une fiche d’émargement
jointe au texte sera retournée après lecture et signature, au bureau
d’origine ; le signataire reconnaît par là que l’ordre lui a été commu-
niqué et engage ainsi sa responsabilité.

1. Si un ordre n’est pas suivi de l’effet attendu, cela provient plus


souvent d’une expression défectueuse que de la mauvaise
volonté de celui qui l’a reçu.
2. Plus un ordre est important et largement diffusé, moins
il supporte l’improvisation.
3. Diriger n’est pas soumettre, mais faire comprendre.

Voici quelques suggestions pour vous entraîner à donner des ins-


tructions claires et efficaces :
– Fixez oralement un rendez-vous pour une sortie que vous
devez faire avec des camarades. Notez, expérience faite, les points que
vous auriez dû préciser.
– Vous voulez faire installer un rayonnage supplémentaire dans
votre chambre ou votre salle de travail. Rédigez les instructions que
vous donnerez au menuisier.

leçon exercices travaux dirigés corrigés 255


– Expliquez à vos amis en quoi consiste un jeu de société que
vous proposez pour animer une soirée.
– Composez la circulaire organisant des élections universitaires,
un voyage en groupe, le bal d’une société ou de votre école, etc.
Faites-en la critique après usage : ce qui était inutile, ce qui était
imprécis, ce qui avait été oublié.
– Rédigez une recette de cuisine ou une consigne de jardinage.

VI - LA CORRESPONDANCE

䊐 A ÉCRIRE UNE LETTRE
1 Une lettre privée est comme une conversation : votre personna-
lité, votre cœur s’y expriment librement, avec correction, bon sens et
bon goût, avec familiarité, avec passion, selon les cas et les destina-
taires.
2 Une lettre commerciale est un acte qui engage, un document qui
fait foi. Il faut donc respecter les règles et les usages de ce genre
déterminé de correspondance. Nous vous conseillons de recourir à un
manuel de correspondance commerciale.
3 Une lettre technique ne comporte pas de bavardages inutiles, de
considérations sur la pluie et le beau temps. C’est un écrit de travail,
sobre et net, encadré entre l’appellation initiale et la formule de saluta-
tion finale.
4 À gauche, sous l’en-tête, vous inscrivez la référence de la lettre
à laquelle vous répondez, la référence et, si besoin, l’objet de votre
envoi. Par exemple :
V/Réf. : 1207 FG/EM
N/Réf. : 32 C. production
OBJET : Configuration de commande de tel matériel.
5 Un seul sujet doit être traité dans chaque lettre relative au travail.
Cela en facilite, et pour vous et pour le destinataire, l’exploitation et
le classement.

256 techniques de l’expression écrite et orale Écrits professionnels



6 L’essentiel de votre message (conclusion, ou rappel des
mesures à prendre, ou question posée, etc.) se trouve exprimé ou
résumé dans le dernier paragraphe.
7 Vous conserverez un double de chaque lettre de travail que vous
faites partir. Le classement sera chronologique, et réparti par affaire,
par dossier ou par correspondant.

䊐 B PRÉSENTATION D’UNE LETTRE PRIVÉE


Les paroles, directes ou par téléphone, se perdent. La correspondance
reste et témoigne. Elle nous représente et réclame donc un peu de
soin.
1 Sauf dans l’usage professionnel, on ne fait rien imprimer sur
son papier à lettre. Toutefois, si l’on y tient, on fera mentionner son
adresse et son numéro de téléphone en petits caractères, en haut et
à gauche de la feuille. On préférera souvent inscrire ces indications à
la main quand on a besoin de rappeler son adresse, qu’on peut aussi
noter sous la signature.
2 La date, indispensable, est toujours inscrite en haut et à
droite. Elle est précédée, en l’absence d’adresse, de la mention du lieu
d’où l’on écrit : Paris, le 15 janvier 2010. On ne met pas de majuscule
au nom des mois. Les formules abrégées ne sont admises que pour les
familiers : Le 15/1/10 .
3 Pour une lettre plus importante (démarche administrative,
par exemple), on inscrit dans l’angle supérieur gauche, son nom, sa
qualité, son adresse, si nécessaire son numéro de téléphone (fixe, por-
table), son adresse électronique, et à droite, au-dessous de la date, la
fonction ou le nom, et l’adresse du destinataire :

Pierre Caillou Le 15 janvier 2010


5, rue du Rocher
96300 FALAISE-SUR-MER
à Monsieur le Secrétaire général
du Syndicat d’initiative
Place du Tertre
75018 PARIS

leçon exercices travaux dirigés corrigés 257


4 On commence la lettre vers le milieu de la page, après la
formule d’appellation. On laisse une marge à gauche ; il est peu res-
pectueux d’y ajouter ensuite des surcharges, mieux vaut ajouter un PS
(post scriptum) en fin de lettre. On n’écrit pas jusqu’au bord inférieur
des pages.
Plus on aère la présentation d’une lettre à l’aide d’espaces blancs,
plus elle est claire et agréable à lire.
5 Si besoin, on numérote les pages.

6 La signature est détachée du texte par un espace blanc. On


n’inscrit pas la formule de salutation en haut d’une page, mais après
quelques lignes du corps de la lettre.
7 Par égard pour le destinataire, on s’efforce d’être lisible, on
se relit.
On n’attend pas plus de huit jours pour écrire une lettre de
réponse.

䊐 C L’ENVELOPPE
Elle exerce déjà une influence sur votre destinataire. Tachée, froissée,
gribouillée, elle donne une fâcheuse idée de votre goût et de votre
soin.

1 L’adresse
Elle est inscrite dans la moitié inférieure de l’enveloppe et elle est
lisible.

Monsieur A. JARRY
29, Impasse des Canulars
54000 NANCY

Ne jamais écrire d’abréviation comme M., Mme ou Mlle. S’il y a lieu,


vous indiquez le titre de votre correspondant avant son nom : Monsieur
le Docteur Knock , et sa qualité ou sa profession au-dessous :

258 techniques de l’expression écrite et orale Écrits professionnels



Monsieur Nimbus
Professeur de Cosmographie.
Pour un couple, le mari est toujours mentionné d’abord :
Monsieur et Madame A. Jarry.
Monsieur le Docteur et Madame Knock.
Si vous envoyez la lettre chez quelqu’un d’autre que le destina-
taire, ajoutez une des mentions : aux bons soins de, chez, c/.
2 L’expéditeur n’inscrit son nom et son adresse au dos de l’enve-
loppe que s’il craint que la lettre n’arrive pas au destinataire. On ne
fait rien imprimer sur les enveloppes utilisées pour la correspondance
privée.
3 L’envoi d’une carte postale est un geste d’amitié, mais aussi
de familiarité. La mettre sous enveloppe est déjà plus discret et plus
déférent.
4 Si vous confiez une lettre à un tiers pour qu’il la transmette
ou la porte à la boîte il est d’usage de ne pas fermer l’enveloppe : il
pourrait croire que vous marquez de la défiance à son égard. Récipro-
quement il doit, en gage de discrétion, coller l’enveloppe devant vous,
ou vous prier de la fermer.
5 Quand vous recevez une lettre en présence d’un visiteur et
qu’il est urgent d’en prendre connaissance, vous demandez la permis-
sion d’ouvrir l’enveloppe devant lui.

䊐 D LES APPELLATIONS AU DÉBUT D’UNE LETTRE


La coutume veut qu’on interpelle, au début d’une lettre, la personne
à qui l’on s’adresse. La formule est détachée avant que ne commence
le texte proprement dit.
Cette appellation liminaire embarrasse parfois, bien à tort ; il faut
être simple et employer les mots qu’on utiliserait de vive voix.
• Dans le cas le plus général, on se contente d’écrire :
Monsieur ou Madame ou Mademoiselle.
• Pour marquer un peu plus d’amitié :
Cher Monsieur...
Cher ami,
• Jamais de possessif avant les termes cités ci-dessus.
• Jamais le patronyme après.

leçon exercices travaux dirigés corrigés 259


• Plus familiers :
Mon cher collègue, Mon cher Président,
Chère Agathe,
Mon cher Dupont.
• Si le destinataire porte un titre ou si l’on s’adresse à lui en tant qu’il
exerce une fonction, on le mentionne :
Madame la Directrice,
Monsieur le Maire,
Maître (pour un avocat, un notaire)
Docteur (pour un médecin).
• Dans le doute :
– avec un égal, vous pouvez prendre l’initiative d’une appellation
plus amicale ;
– envers une femme, une personne âgée ou éminente, mieux
vaut une marque de déférence en trop qu’une familiarité déplacée ;
personne ne se fâche à se sentir respecté.

䊐 E SALUTATIONS DISTINGUÉES
Une phrase, qui indique la nature des sentiments qu’on éprouve pour
le destinataire, précède la signature. Nous n’en sommes pas encore à
la sobriété et à l’efficacité des Anglo-Saxons à qui Sincerely yours ou
tout simplement yours suffit démocratiquement du haut en bas de
l’échelle sociale, et vice-versa. En France mille formules fleurissent et
l’on reste attentif aux nuances.
• Les lettres privées et familières peuvent se contenter de :
Amicalement, cordialement à vous, Affectueusement vôtre, tout à vous...

Ou bien se terminer par une expression spontanée et plus person-


nelle.
• Dans les autres cas, et surtout dans la correspondance officielle ou
d’affaires, une phrase de salutations est exigée. Elle reprend obligatoi-
rement l’appellation qui ouvre la lettre :
Veuillez agréer, Monsieur, l’expression...
• Cette formule de politesse est introduite, en allant du plus respec-
tueux au plus simple, pas des tours comme :
Daignez agréer ; Veuillez agréer,...
Veuillez croire à ; Veuillez accepter,...
Je vous prie d’agréer, de trouver ici,...
Agréez ; Je vous présente...

260 techniques de l’expression écrite et orale Écrits professionnels



Attention : si vous utilisez un participe présent, il doit se rappor-
ter au sujet de la phrase :
Espérant que vous..., je vous présente...

• On fait agréer ou l’on présente ses salutations, mais on ne dit pas


« Croyez à mes salutations... ».
• On présente ses sentiments directement, ou souvent leur expression. Ce
n’est qu’un supérieur qui donne l’assurance de ses sentiments dévoués . En
sens contraire, du bas vers le haut de la hiérarchie, le dévouement
étant dû, il serait inutile d’en donner la confirmation.
• Un homme adresse
– à une femme mariée :
ses hommages, sentiments respectueux ou déférents,...

– à une célibataire :
ses compliments ou ses sentiments respectueux...

– à un homme âgé, à un supérieur :


ses respects, ses sentiments respectueux...

– à un homme peu connu :


ses salutations distinguées, meilleurs sentiments...

– à une haute personnalité :


l’expression de son profond respect...

• Une femme « n’envoie » jamais de sentiments à un homme, mais


elle lui présente :
ses salutations distinguées, son meilleur souvenir.

Elle marque peu de respect, sauf à un homme éminent, pour qui


elle peut avoir encore de la
considération distinguée ou la plus distinguée.

Une femme adresse à une autre femme


des sentiments distingués, les meilleurs, affectueux...

leçon exercices travaux dirigés corrigés 261


On n’a que l’embarras du choix et c’est un art que de trouver
une formule originale. Tout est permis à condition d’éviter les deux
ou trois impairs que nous venons de signaler.
Ajoutons, pour finir, que certaines formulations de la correspon-
dance traditionnelle rapportées ci-dessus peuvent paraître guindées ou
désuètes. Mais il faut savoir qu’elles sont toujours en usage et que,
dans certains milieux sociaux et professionnels et vers certains destina-
taires, elles sont encore respectées et attendues. Vous avez le droit d’en
sourire, mais aussi le devoir, dans votre intérêt, de ne pas les ignorer.

VII - LA LANGUE DU E-MAIL



À nouveau mode de communication, nouvelles formes d’expression
et nouveau vocabulaire.
Pour écrire un e-mail, on n’use pas d’une langue à part, mais des
termes spécifiques sont apparus, et surtout des habitudes et des modes
plutôt fugaces. Aussi ne cherchons pas à décrire des usages sans codifi-
cation, mais indiquons quelques tendances, tout en sachant qu’elles
ont souvent un caractère éphémère.
1 Pour commencer, le e-mail anglais (courrier électronique) ou
simplement mail (message) est le vocable le plus usité avec lequel les
équivalents français mel (pour message électronique) ou courriel luttent
difficilement.
2 Théoriquement, les grands principes de la correspondance
s’appliquent au courrier électronique. Mais la rapidité et la spontanéité
de ce récent moyen de communication entraînent des « sacrifices » et
des raccourcis. Par exemple, l’en-tête n’est plus nécessaire puisque les
informations qu’elle contient (adresses de l’émetteur et du destina-
taire, date et heure) sont mentionnées dans les stipulations techniques
du message électronique. D’autre part, les formules de politesse et de
salutations sont réduites au minimum, puisqu’il faut aller vite. Ce qui
ne supprime pas la correction et éventuellement les marques de res-
pect, quand on s’adresse, par exemple, à une personne éminente.

262 techniques de l’expression écrite et orale Écrits professionnels



3 Cependant, à l’imitation des « start-up », la tendance est à un
comportement épistolaire et électronique détendu (plus ou moins sin-
cèrement). Ainsi le tutoiement est assez répandu. Il laisse croire à
une complicité et à une familiarité que partageraient les tenants de la
modernité et de la nouvelle économie, et qui les distingueraient de
ceux qui œuvrent encore dans un environnement traditionnel. Ce qui
ne va pas sans une certaine puérilité.
4 Parmi les traits de cette nouvelle écriture qui volontairement
garde beaucoup du style de l’oralité et se justifie aussi par l’exiguïté
du SMS, citons l’usage de nombreuses abréviations, voire d’une ortho-
graphe phonétique (« LN » pour Hélène, « JtM » pour je t’aime, etc.),
la multiplication d’emprunts à l’américain ou d’anglicismes, l’usure
rapide des vocables ou néologismes en vogue et donc leur remplace-
ment, le jeu plus ou moins expressif qui consiste à utiliser des signes
du clavier pour marquer des émotions (smileys en anglais). Voici
quelques exemples de ces derniers (pour les apprécier, faites pivoter
la page d’un quart de cercle vers la droite) :
:-D rire :-) sourire :–( tristesse
:-@ cris :-II colère :-O étonnement
:-/ indécision :-[ ironie :/ énervement
5 Le cybertexte est donc un procédé de communication qui se
caractérise par son immédiateté et sa fraîcheur. Il facilite les contacts,
l’échange d’informations, la conversation écrite à distance (groupe de
discussions : chat ). Toutefois, malgré des procédures de cryptage et
de certification qui s’installent peu à peu, le courriel ne se substitue
pas (ou pas encore) à la correspondance classique, qui conserve son
domaine et son sérieux. Les deux formes de courrier sont plus complé-
mentaires que concurrentes.

VIII - LA DEMANDE D’EMPLOI – LE CV



䊐 A LA LETTRE
Quand on est à la recherche d’un emploi, on tente souvent sa chance,
pour poser sa candidature ou répondre à une annonce, à l’aide d’une

leçon exercices travaux dirigés corrigés 263


lettre. Celle-ci devient très importante puisqu’elle établit le contact avec
le futur employeur. sa rédaction doit être soignée, même si l’envoi est
effectué par e-mail .
1 Il va donc de soi que votre lettre sera présentée selon les règles , de
même que l’enveloppe (Revoir les indications données ci-dessus, par-
tie VI). Un Directeur du personnel avouait – confidence surprenante,
mais à méditer – que si un grand nombre de réponses à une offre
d’emploi lui parvenait, le premier tri s’effectuait au coup d’œil : il
jetait au panier tous les envois tachés, à l’écriture maladroite, au papier
froissé, etc. et n’examinait sérieusement que les réponses de présenta-
tion décente. D’autre part certains services du personnel, surtout pour
les cadres, font subir un déchiffrement graphologique aux lettres de
candidature. C’est pourquoi certaines annonces exigent que les
demandes soient manuscrites.
2 Indiquez nettement dans l’en-tête le poste auquel vous êtes
candidat : un service du personnel offre souvent des emplois variés ;
qu’il n’y ait pas de confusion possible.
3 Vous joignez à votre lettre un curriculum vitæ, par conséquent
il est inutile de reprendre les renseignements sur vous-même qu’il
contient. Vous insistez simplement sur l’aspect de votre candidature
qui vous paraît le plus décisif ; par exemple, vous soulignez telle quali-
fication possédée qui correspond à l’offre faite (connaissance d’une
langue, stage effectué ou expérience acquise, etc.), vous montrez les
motivations personnelles qui vous incitent à vous proposez pour ce
travail. Vous expliquez brièvement en quoi consiste votre formation
si elle n’est pas connue (cas des diplômes universitaires et écoles dont
la création est récente), vous montrez que votre situation vous permet
d’accepter les sujétions de l’emploi offert (possibilité de déplacements
fréquents, de logement dans telle région, etc.).
4 Vous n’oubliez pas des précisions indispensables :
– nom et adresse très lisibles,
– date précise à laquelle vous pourriez prendre vos nouvelles
fonctions.
5 Parmi ces précisions, des références éventuelles : entreprises
ou personnes qui fourniraient des renseignements à votre sujet. Le fait
de les proposer inspire déjà confiance. Ne jamais bluffer : tout finit

264 techniques de l’expression écrite et orale Écrits professionnels



par se savoir. Mais ne pas fournir non plus des verges pour se faire
battre : il est inutile de mentionner votre passage pendant quelques
semaines dans une société qui ne vous aurait pas apprécié, ou de
souligner que vous changez d’employeur parce que vous avez eu des
mots avec votre précédent chef de service !
6 Sur la délicate question des appointements, soyez prudent. Ne
demandez pas le Pérou, fixez le salaire approximatif que vous espérez, en
prenant appui au besoin sur des cas similaires ou votre salaire précédent. Ne
soyez pas non plus trop peu exigeant : si vous sollicitez trop modestement,
on estimera peut-être que vous ne valez pas davantage. Il est préférable, sauf
si on vous prie nettement d’indiquer vos prétentions, de remettre la discus-
sion de ce sujet à un entretien ultérieur que vous souhaitez.
7 Quelques erreurs fréquentes :
– l’expression « suite à » est incorrecte : « en réponse à votre annon-
ce.. . » ;
– comme toujours, évitez l’abus du je ;
– inutile d’espérer que « cette demande sera prise en considéra-
tion ». Cela va de soi, sinon vous n’auriez pas écrit !
– adressez votre lettre au Directeur ou au Directeur des Res-
sources Humaines de l’entreprise ;
– attention à l’orthographe : emploi, intéressé, etc. ;
– on sollicite un poste, on présente ou propose sa candidature à un
emploi ;
– dans le doute, demandez à un ami, à un professeur de relire
votre lettre.
Voici un exemple, non un modèle, de lettre de réponse à une
offre d’emploi. Adaptez-le à votre cas ; le recopier serait utiliser une
formule stéréotypée ; au contraire faites preuve de personnalité.
Le 27 juin 2009
Jacques DUPONT
28, Avenue de la Rivière
69006 LYON
à Monsieur le Directeur des Ressources Humaines
de la SMAP
69-Villeurbanne
Réf. :V/offre d’emploi
de technicien en
micro-mécanique

leçon exercices travaux dirigés corrigés 265


Monsieur le Directeur,
J’ai l’honneur de vous présenter ma candidature au poste de... que vous
proposez dans votre annonce parue dans le Figaro du...
Veuillez trouver ci-joint mon curriculum vitae.
Puis-je attirer votre attention sur le diplôme universitaire de technologie que
je viens d’obtenir ? Il sanctionne deux années d’études supérieures à l’IUT
de Lyon, c’est-à-dire une formation technique qui a porté notamment sur...

Vous obtiendrez aisément des renseignements sur mes études en vous


adressant à M. le Directeur du département de mécanique de l’IUT de Lyon
(adresse) ainsi qu’auprès de la société XYZ (adresse) qui m’a accueilli pour
un stage de cinq semaines en avril-mai 2008.
Mais je serais heureux de vous apporter toute précision directement au
cours d’un entretien que je vous prie de bien vouloir m’accorder.
Je vous prie d’agréer, Monsieur le Directeur, mes salutations distinguées.

䊐 B LE CURRICULUM VITAE
Le curriculum vitæ (CV), littéralement la « carrière de la vie », est une
sorte d’autobiographie résumée.
• Présentation
Ne confondez pas le CV, sorte de fiche technique, avec la lettre
qui doit l’accompagner. Cette dernière est courte et complètement rédi-
gée ; le CV, destiné à prendre place dans votre dossier, regroupe, par
rubriques, des indications brèves et précises.
L’usage se répand d’apposer une photo d’identité récente... et de
bonne qualité.
• Contenu
Le CV sera complet, mais limité aux renseignements strictement
nécessaires : pas de bavardage sans intérêt, par d’exhibitionnisme, ni
de confession larmoyante.
Vous pourrez utiliser le cadre suivant :

1 État civil
NOM (en lettres capitales)
Prénom usuel :
Date de naissance :
Situation de famille :
Adresse :
Ce n’est pas l’occasion de vous plaindre de votre épouse ou de
gémir sur « le prix de revient » des enfants.

266 techniques de l’expression écrite et orale Écrits professionnels



2 Études et compétences
Diplômes :
Ne citez, en général, que le dernier titre obtenu, le plus impor-
tant ; ne remontez à vos études antérieures que si les circonstances
l’exigent ; évitez l’historique interminable de toute votre scolarité.
Langue(s) étrangère(s) pratiquée(s) :
Renseignement souvent essentiel ; mais ne vous vantez pas de
parler une langue, si vous écorchez quelques mots privés de leur
accent tonique. Mieux vaut signaler une connaissance rudimentaire et
accepter, par la suite, un « recyclage ».

3 Expérience professionnelle
Entreprise(s) ou Administration(s) :
Années de présence :
Titre exact :
Fonctions exercées ou Emploi(s) tenu(s) :
Ces derniers renseignements doivent être détaillés. Et présentés à
rebours, c’est-à-dire en commençant par les activités les plus récentes,
en remontant en quelque sorte le fil de votre carrière.
Cette rubrique ne concerne évidemment pas un débutant ; un
« ancien » pourra y ajouter quelques indications, s’il a amélioré sa
qualification par des études complémentaires et des stages, ou s’il a
exercé des responsabilités para- ou extra-professionnelles.

4 Références
Elles concernent aussi bien vos études ou stages que vos activités pro-
fessionnelles. Elles sont précises : nom des personnes, adresse exacte,
numéro de téléphone.

5 Divers
Signalez ici ce qui est relatif à des circonstances particulières.
Exemple : vous disposez d’une voiture, vous pouvez parcourir
telle région que vous connaissez bien, vous avez telle compétence en
informatique (langages, types de systèmes...), etc.
Certains renseignements, jugés confidentiels, prendront naturel-
lement place, non dans le CV, mais dans la lettre d’accompagnement.
• Remarque
Le plan du CV proposé ci-dessus n’est pas le seul possible.

leçon exercices travaux dirigés corrigés 267


A chacun de choisir ce qu’il veut mettre en évidence en fonction
de la situation précise.
Ainsi, il est de plus en plus courant aujourd’hui d’indiquer, dès
le début, l’expérience professionnelle. On pourra ensuite décrire rapi-
dement ses études, sa formation, pour terminer par l’état civil et les
renseignements divers. Il n’y a pas de signature à la fin du CV.

IX - LE COMMUNIQUÉ DE PRESSE

De plus en plus, les entreprises et les collectivités institutionnelles ou
associatives entretiennent des rapports avec les médias (presse, radios,
chaînes de télévision, voire Internet), par l’intermédiaire desquels elles
font passer de l’information. Cela fait partie de la politique de commu-
nication. Presque à tous les postes de travail, chacun peut avoir un
jour à s’adresser aux journalistes, spécialisés ou locaux, pour atteindre
grâce à eux le public le plus large.
Or, il ne suffit pas de parler à un journaliste pour être certain que
le message désiré soit correctement repris et publié. Il est bon de
connaître les techniques et les usages qui permettent de s’assurer d’un
minimum d’écoute. Il faut savoir aussi comment un texte ou une
déclaration doit être présenté afin d’avoir une chance que les médias
s’en fassent l’écho.
Dans les relations avec la presse, l’improvisation peut s’avérer ineffi-
cace ou redoutable, et nuire à l’image de la firme ou de l’administra-
tion que l’on représente.

䊐 A LES RAPPORTS AVEC LA PRESSE


1 Connaître les journalistes
Avant tout, ce sont des gens pressés et toujours débordés par leurs
activités. Ils comprennent vite, (ou croient comprendre) ; très solli-
cités, ils oublient aussi très vite. Ils écoutent rarement jusqu’au bout,
car ils sont soumis aux exigences de l’horaire de fabrication de leur
journal ou périodique. Ils font montre de fébrilité, d’agitation, ce que
l’on prend souvent pour de la désinvolture. En fait, même si leur

268 techniques de l’expression écrite et orale Écrits professionnels



métier les entraîne à manifester parfois le sentiment qu’ils ont de leur
pouvoir, les journalistes à tous les niveaux s’intéressent réellement à
la véritable information.
De tout cela, s’ensuivent quelques incompréhensions spora-
diques : on est déçu parce que leur « papier » n’a pas retenu l’essentiel
de ce que l’on a dit et voulu transmettre par leur truchement.
Tenez compte de leurs habitudes et de leurs conditions de travail.
La règle est donc la brièveté puisque votre interlocuteur manque de
temps, et vous devez désirer l’aider en facilitant sa tâche.
Vous avez d’abord à l’accueillir avec courtoisie. Il sera sensible
aux marques d’attention, à votre ponctualité (lui est fréquemment en
retard), à l’offre d’un café ou d’un rafraîchissement si les circonstances
s’y prêtent.
Répondez à toutes les questions, même si elles ne portent pas sur
le sujet qui vous préoccupe. Proposez éventuellement une visite des
lieux et installations. Présentez les responsables à votre visiteur qui
sera flatté de rencontrer les gens importants.
Surtout, rendez plus aisé et plus sûr pour vous le travail du jour-
naliste. Pensez qu’il a beaucoup à rédiger et qu’il a en tête plusieurs
sujets d’articles qui dispersent son attention.
Vous n’êtes pas à l’abri d’un oubli, d’une déformation involon-
taire de vos propos. Pour mettre toutes les chances de votre côté,
retenez ce principe fondamental : pas d’entretien avec la presse sans
remise d’un texte . Ce document a pour but de remettre dans la mémoire
du destinataire l’affaire dont vous lui avez parlé, de fixer les faits ou
points de vue que vous voulez faire connaître, d’alléger l’effort de
rédaction que votre interlocuteur devra fournir.

2 Établir un document
Attention ! Vous ne dictez pas l’article que vous espérez, vous donnez
un complément d’information.
Ce texte d’appui, il faut le concevoir d’avance et à tête reposée. Il
doit être complet et précis.
Rappelez-vous cette technique habituelle des rédacteurs journa-
listiques : comme un article risque toujours d’être raccourci pour les
nécessités de la mise en page ou de l’actualité, il est composé par
vagues successives. Les premiers paragraphes fournissent l’essentiel de l’in-
formation, un résumé en quelque sorte. Ensuite, les circonstances, les
détails sont peu à peu développés. Mais s’ils sont supprimés, si le

leçon exercices travaux dirigés corrigés 269


rédacteur en chef pratique une coupe, le début de l’article qui seul
subsiste forme un texte suffisant qui, par lui-même, maintient ce qui
est le plus substantiel de l’information. Vous pourrez repérer cette
façon de procéder notamment dans les faits divers d’un journal.
Dans votre texte, adoptez la même composition. Si le journaliste
ne retient que votre première partie, il aura malgré tout conservé l’in-
formation principale. Nous verrons ci-dessous qu’il en va de même
en cas d’interview radiophonique ou télévisuelle.
Sans verser dans la formulation auto-laudative ou publicitaire,
votre texte gagnera à ne pas être trop terne ; avec mesure, cherchez à
l’animer, à suggérer quelques expressions frappantes ou vivantes. Le
journaliste les reprendra volontiers si elles lui plaisent.
Souvent il sera opportun d’accompagner votre texte d’un petit
dossier, formé de documents précis et bien présentés, de statistiques et
de graphiques, de photos nettes et pourvues d’une légende éclairante.
Vous indiquerez si ces documents peuvent être reproduits et sont
libres de droits.

3 Préparer une entrevue


Avant l’entretien, réfléchissez à la formulation de ce qui vous paraît
important. Si on ne vous pose pas la question que vous souhaitez,
débrouillez-vous pour exprimer quand même votre message. Rien
n’est plus frustrant que de s’apercevoir qu’on n’a pas dit l’essentiel,
après le départ de l’interviewer.
Au début de l’entretien, définissez nettement au nom de qui ou
de quelle entreprise ou collectivité vous parlez et l’objet de votre prise
de parole. Au cours de la conversation, utilisez des formules qui
condensent vos idées. Ne négligez pas la reprise des points-clés que
vous avez exposés et efforcez-vous de laisser une impression de maî-
trise et de dynamisme.
Plus encore qu’avec la presse écrite, souvenez-vous que vos
déclarations ne seront pas toutes retenues par la radio ou la télévision.
Par exemple, un enregistrement de dix minutes auquel vous vous êtes
prêté ne donnera, au montage, que trente secondes souvent, deux
minutes au mieux, de présence sur les ondes ou sur l’écran. Voilà
pourquoi il faut avoir prévu des expressions porteuses d’idées ou
informations condensées, tout au long de l’entretien.
À la radio, essayez d’avoir une voix claire, vivante, variée dans
ses intonations. Évitez, bien sûr, de bredouiller et de marquer des

270 techniques de l’expression écrite et orale Écrits professionnels



silences pesants. Vous pourrez vous entraîner à l’aide d’un magnéto-
phone.
Pour la télévision, pensez à votre image. Votre tenue doit corres-
pondre à l’effet que vous désirez produire : décontraction, ou rigueur
avec veste et cravate... C’est surtout votre visage qui sera pris et diffusé.
Songez à votre coiffure. Si le contexte s’y prête, souriez (soit dit sans
machisme, surtout si vous êtes une femme). Évitez les gestes nerveux
des mains et des bras, ne balancez pas votre corps.
Votre regard est primordial. Vous vous adressez à votre interlocu-
teur, mais, pour que le téléspectateur ait le sentiment que vous lui
parlez à lui aussi, il vous faut regarder la caméra pendant des
séquences suffisamment longues (8 secondes au minimum) et non par
clins d’œil furtifs qui donnent une impression de gêne et de timidité.
En ce domaine aussi, on peut se préparer en utilisant une caméra-
vidéo et un magnétoscope, comme le font nos dirigeants politiques.

Dans vos rapports avec la presse :


– ne vous livrez pas à l’improvisation,
– vos déclarations seront lues et écoutées ou vues par le public
(communication externe), mais aussi par vos collaborateurs,
patrons, clients, administrés (communication interne).

䊐 B LE COMMUNIQUÉ DE PRESSE

1 Définition
C’est un texte bref qui apporte une information réelle, c’est-à-dire nou-
velle, et qui est envoyé aux médias. Il doit avoir un contenu objectif,
et non publicitaire. L’émetteur espère que son message est suffisam-
ment digne d’intérêt pour que les journalistes le reprennent en tout
ou en partie, également pour qu’il suscite des questions appelant des
développements et des articles plus conséquents.
Cette forme de communication convient particulièrement pour
signaler une innovation, un événement, une manifestation, et en cas
de situation difficile ou inattendue, pour diffuser auprès du public
concerné une mise au point autorisée.

leçon exercices travaux dirigés corrigés 271


2 À qui l’envoyer ?
Déterminez une cible précise. Tous les médias ne sont pas concernés
par une information trop localisée ou trop spécialisée. Distinguez bien
presse locale, régionale, nationale, internationale, presse générale et
presse spécialisée (professionnelle, sportive, technique, scientifique,
littéraire, etc.), quotidiens, hebdomadaires, mensuels. Préparez donc
des listes de titres que vous choisissez selon leur public.
N’adressez pas votre communiqué aux directeurs des grandes
publications. Il rejoindrait difficilement le rédacteur qu’il pourrait
intéresser. Faute de destinataires précis, une bonne part des commu-
niqués n’aboutissent que dans une corbeille à papiers. Essayez de
connaître le nom et le numéro de téléphone du journaliste chargé de
la rubrique où vous désirez que votre information trouve une place.
Au besoin, consultez l’« ours » du périodique : c’est l’organigramme
de la rédaction, comportant le nom et le poste des responsables de
rubriques ou de secteurs. À défaut, indiquez sur votre enveloppe le
service de la rédaction que vous visez comme destinataire (localier,
service économique, pages culturelles, etc.).
Enfin, postez votre envoi en même temps à tous les destinataires.
Sinon ceux qui le recevront tardivement estimeront avec raison que votre
information, déjà parue ailleurs, est périmée. Donc vous tiendrez compte
des délais nécessaires, deux ou trois jours pour les quotidiens, deux
semaines souvent pour les hebdos, plus d’un mois pour les mensuels. Et
ne vous montrez pas impatient : ne harcelez pas de coups de fil les jour-
nalistes si 48 heures après votre envoi le communiqué n’est pas sorti.
Résignez-vous aux délais, acceptez certaines déceptions : les journalistes
revendiquent farouchement leur liberté de choisir les informations.

3 Comment le rédiger ?
Commencez par lui donner un titre bref et évocateur de son contenu,
en proscrivant toute formule trop racoleuse. Par exemple « Commé-
moration du trentième anniversaire de telle institution » ou « Ouver-
ture de tel service technique pendant le mois d’août ».
Suivant le principe de composition indiqué ci-dessus (A 2), les
premières phrases, servant d’introduction, doivent fournir l’informa-
tion globale et essentielle. Parfois ce sont elles seules qui seront rete-
nues par le journal.
Puis, en trois ou quatre paragraphes concis, formés de phrases
courtes et claires, vous développez les précisions indispensables. Évitez

272 techniques de l’expression écrite et orale Écrits professionnels



les détails peu utiles, les rappels historiques fastidieux. Gardez-vous
des adjectifs insistants ou ornementaux. Variez le vocabulaire qui doit
rester compréhensible pour tous, donc le jargon de l’entreprise ou de
la spécialité est écarté. Vous vous contentez des circonstances princi-
pales et des perspectives intéressantes.
Ces dernières vous dicteront souvent la phrase de conclusion.
Répétons-le, un communiqué valable aux yeux du journaliste
livre une information authentique et ne présente aucun caractère publici-
taire.

4 Comment le présenter ?
La présentation tout comme le contenu ont à offrir une image digne
de la firme ou de l’organisme qui émet le communiqué. Pensez-y
lorsque vous mettez au point la rédaction définitive.
Si possible, imprimez-le sur papier à en-tête de la collectivité expé-
ditrice, avec le logo habituel. Sinon identifiez nettement au nom de
qui l’envoi est effectué.
Intitulez visiblement votre texte avec la mention : COMMU-
NIQUÉ DE PRESSE.
Le lieu et la date d’émission sont nécessaires à la validation de
votre information.
Vous portez le titre choisi.
Le texte suit, dont la correction et l’orthographe sont attentive-
ment vérifiés, ainsi que la netteté du tirage.
À la fin, n’oubliez pas de donner les renseignements permettant
de prendre contact avec l’émetteur, en vue d’une confirmation ou d’un
supplément d’information :
– nom du responsable,
– no de téléphone, d’e-mail , de fax,
– service ou fonction exercée,
– adresse.
Notez que certaines entreprises ou administrations enregistrent
leurs communiqués sur répondeur téléphonique ou sur Internet, de
sorte que les personnes intéressées, alertées par une indication partielle
parue dans la presse, puissent obtenir le message complet.

Le communiqué de presse réussi est celui qui est repris dans les
médias ou qui suscite une interview, une enquête ou un reportage.

leçon exercices travaux dirigés corrigés 273


exercices

䊊 Ex 4 Vous travaillez dans une entreprise produisant une boisson
gazeuse en bouteilles. Dans un lot de celles-ci, on a signalé une
défectuosité pouvant être dangereuse pour les consommateurs.
La Direction décide de procéder au rappel des produits déjà ven-
dus dans le public. Vous êtes chargé de rédiger le communiqué
pour la presse.

䊊 Ex 5 Mettez au point le communiqué rendant compte de l’activité et


de la tenue de la récente assemblée générale d’une association
dont vous êtes membre du bureau.

䊊 Ex 6 Votre entreprise vient de créer un produit performant (par


exemple, un pneu de bicyclette increvable). Rédigez le commu-
niqué qui doit annoncer cette innovation.

䊊 Ex 7 Les réservoirs d’eau de votre commune sont accidentellement


pollués. Cadre dans le service gestionnaire (régie municipale ou
entreprise de distribution), vous avez à rédiger pour tous les
médias le communiqué qui va avertir la population que l’eau est
impropre à la consommation.

274 techniques de l’expression écrite et orale Écrits professionnels



corrigé des exercices

䉲 Ex 1 Relevons d’abord les qualités de cette note de service : c’est une bonne
idée que de consulter les ouvriers sur les modalités d’extension de l’horaire, au
lieu de les leur imposer ; le texte est poli et cherche à expliquer ; aucun renseigne-
ment inutile n’est sollicité ; les deux questions sont distinguées nettement et posées
dans leur ordre logique.
Reproches :
– le titre est mal formulé ;
– l’explication de la situation manque de clarté : pourquoi les ouvriers ont-
ils intérêt à ne pas refuser le travail ?
– les conditions de rémunération restent confuses ;
– la durée des mesures à décider n’est pas fixée ;
– la décision à prendre est-elle individuelle ou bien le choix de la majorité
s’imposera-t-il à tous ?
– la date avant laquelle il faut répondre, la personne ou le bureau qui doit
recueillir les questionnaires ne sont pas indiqués ;
– les précisions sont insuffisantes à propos des horaires qui peuvent être
envisagés ;
– aucun espace n’est réservé pour une suggestion éventuelle (défaut que
l’on remarque dans de nombreux formulaires).
Version améliorée :
XXX et Cie Le 15 décembre 2010
Direction des Ressources Humaines

Consultation en vue d’une augmentation provisoire des horaires.


Des commandes urgentes vont nous obliger à fournir un effort de produc-
tion. Notre intérêt commun est de ne pas perdre, au profit de nos concurrents,
des clients importants dont la fidélité garantit l’avenir de l’entreprise et de tous ses
collaborateurs. Comme la livraison doit être rapidement exécutée et que cette
demande est exceptionnelle, la seule solution consiste à accroître les horaires heb-
domadaires.
C’est pourquoi nous vous demandons votre accord et vous prions de
répondre au questionnaire ci-joint.
Ceux d’entre vous qui ne pourraient accepter un accroissement de l’horaire
resteront soumis à l’horaire actuel. La majorité des autres déterminera par ses

leçon exercices travaux dirigés corrigés 275


réponses le nouvel horaire provisoire. Celui-ci sera affiché dans les ateliers le
23 décembre, il entrera en application le 5 janvier prochain.
Ces heures supplémentaires seront rémunérées au taux de 125 % de
l’heure normale. En plus, une prime exceptionnelle sera versée en fin de période,
pour la bonne exécution de ces commandes dans les délais exigés. Elle aura au
moins la valeur de 10 heures supplémentaires.
Nous vous remercions de votre effort éventuel.
Le Directeur des Ressources Humaines
F. DURAND

Questionnaire à remettre le 20 décembre au plus tard à votre chef d’atelier


NOM :
POSTE OCCUPÉ :
Rayez les mentions inutiles.

1) Il vous est proposé, en plus des 35 heures actuelles, d’accomplir 5 heures


supplémentaires. Les acceptez-vous ?
OUI NON
2) Si oui, quel horaire ci-dessous préférez-vous ?
– 7 h à 12 h et 14 h à 19 h,
– 6 h 30 à 12 h et 13 h 30 à 18 h,
– travailler le samedi de 7 h à 12 h.
3) Veuillez indiquer ci-après toutes les suggestions qui vous paraîtraient
nécessaires.
..........................................................................................................................
..........................................................................................................................

䉲 Ex 2 Journée d’information des 12 et 13 mars.

NOM :
FONCTION :
ADRESSE :
TÉLÉPHONE :

– assistera
– n’assistera pas }
aux journées ;
– demande que lui soit retenue – 1 personne (prix : 42 €),
– ne demande pas }
une chambre { – 2 personnes (prix : 50 €),

276 techniques de l’expression écrite et orale Écrits professionnels



pour la nuit du 11 au 12 mars,
la nuit du 12 au 13 mars,
la nuit du 13 au 14 mars ;
– prendra les déjeuners – le 12 mars,
}
– ne prendra pas en commun (prix : 18 €) { – le 13 mars.
Fiche d’inscription et de réservation à envoyer au plus tard le 5 mars à :
Association pour l’information permanente, Gilbert Tolier, 190, rue de la Fidélité,
75010 PARIS.

䉲 Ex 3 Nous prenons l’exemple de logements pour les employés célibataires d’une


entreprise urbaine.
Imprimé à retourner au service du personnel si vous désirez qu’un logement
vous soit procuré par l’entreprise.
NOM
PRÉNOM
DATE DE NAISSANCE
ADRESSE ACTUELLE
CATÉGORIE PROFESSIONNELLE
POSTE DE TRAVAIL
(Vous cocherez les cases qui vous conviennent)
Je désire louer une chambre meublée
1. – à moins d’un kilomètre de l’usine (a) 䊐
– entre un et trois kilomètres de l’usine (b) 䊐
2. – pour une personne (a) 䊐
– en commun avec un collègue (b) 䊐
3. – avec salle d’eau (a) 䊐
– sans salle d’eau (b) 䊐
4. – avec possibilité de cuisine (a) 䊐
– sans possibilité de cuisine (b) 䊐
5. – avec chauffage central (a) 䊐
– avec un appareil de chauffage (b) 䊐
Je souhaite que le loyer mensuel soit compris.
1. Entre 220 et 280 euros 䊐
2. Entre 280 et 360 euros 䊐
3. Entre 360 et 420 euros 䊐
Obligatoirement une de ces 2 dernières options si vous avez retenu plus de
2 éléments de confort signalés par un (a) dans les choix ci-dessus.
– Je demande à visiter le logement avant de le retenir.

leçon exercices travaux dirigés corrigés 277


– Je m’engage à accepter le logement retenu pour moi à l’avance par l’entre-
prise.
La location devra partir du 1er ............... (mois) 200...
À ............, le ............
Signature :

䉲 Ex 4 Remarque
Le but de ce communiqué est d’empêcher tout accident grave qui entraîne-
rait un dommage durable pour l’image de la marque. Mais en même temps le
communiqué ne doit pas effrayer les consommateurs. C’est pourquoi le vocabulaire
utilisé devra être modéré. On ne parlera ni d’erreur de conception, ni de malfaçon,
ni de dysfonctionnement certain. On tentera de considérer le défaut signalé comme
exceptionnel. On évoquera plutôt une mesure de prévention. On essaiera de mon-
trer le sérieux de la marque et de conserver la confiance de la clientèle.
Tout avertissement trop comminatoire aurait pour conséquence de faire
naître la crainte. On évitera donc les termes forts comme « Attention ! », « risque »,
« danger », etc.
En guise de corrigé, nous reproduisons une insertion réelle qu’une marque
bien connue a fait paraître dans les quotidiens il y a plusieurs années, à la suite d’un
incident rare de fabrication

278 techniques de l’expression écrite et orale Écrits professionnels


leçon exercices travaux dirigés corrigés 279


䉲 Ex 5 Communiqué d’association
Il ne peut être donné de corrigé général, puisque la matière va dépendre
de la nature de l’association et de ses problèmes propres.
Néanmoins certains caractères sont à respecter dans la rédaction d’un tel
communiqué :
– l’objectif premier est d’informer les membres de l’association. Donc don-
ner l’essentiel des décisions, sans perdre trop de lignes à énoncer ce qui va de soi
(vote du rapport d’activité, du compte financier, etc.) ;
– il faut aussi que le communiqué puisse intéresser un public plus large.
Donc ne pas être trop ésotérique, ne pas faire d’allusions comprises seulement par
les adhérents actifs. Le compte rendu d’une Assemblée Générale, s’il est publié,
est une bonne occasion de faire une efficace publicité en faveur d’une association
et d’attirer peut-être de nouvelles adhésions ;
– il ne faut pas ennuyer ni être long, sinon la rédaction du journal pratiquera
des coupes, ou reformulera, et cela pas toujours à bon escient.
Le communiqué doit donc mettre l’accent sur le plus important :
– le renouvellement des responsables de l’association ;
– les activités réalisées ;
– les projets et perspectives.
Ne pas oublier de choisir un titre parlant :
« Les Amis du Musée des Beaux-Arts ont accueilli leur millième adhérent »,
ce qui indique le succès de cette association,
ou bien « L’Union bouliste prépare son cinquantième tournoi annuel », ce
qui établit la pérennité de l’association et attire l’attention de tous les joueurs,
ou bien « Alice Martin, présidente des Joyeux Retraités », ce qui montre que
les femmes ont aussi leur place dans cette association.
Enfin si l’on dispose d’une photographie convenable, aux contrastes nets,
représentant le Bureau de l’assemblée ou une vue de l’assistance, la proposer avec
le communiqué : parfois le journal la reproduira avec votre article dans l’espoir que
tous les adhérents voudront se procurer le numéro.

䉲 Ex 6 Enfin ! Un pneu de vélo increvable


Un ingénieux procédé de rebouchage automatique de la gomme d’un pneu
de bicyclette vient d’être mis au point par le laboratoire de recherche de la firme
« Solidroue » de Port-en-Lorraine.
Ainsi est enfin réalisé le rêve de toujours des amateurs de la petite reine :
ne plus être arrêté par une crevaison toujours inopportune, ne plus être obligé de
changer de roue ou de chambre à air, ne plus avoir à regonfler.

280 techniques de l’expression écrite et orale Écrits professionnels



Il ne s’agit pas de pneus pleins comme aux débuts du bicycle, mais de la
présence d’une pâte fluide – dont la composition est gardée secrète par ses inven-
teurs – à l’intérieur du pneu, qui comble toute ouverture dans l’enveloppe, empê-
chant ainsi l’air de sortir, même en infime quantité. Non seulement la crevaison n’a
aucune conséquence (à moins d’une déchirure de dimension supérieure à 10 mm),
mais encore la porosité naturelle est considérablement freinée.
Un pneu restera gonflé à bloc pendant plus de trois mois, qu’on se serve
du vélo ou qu’on le laisse au repos.
Tous les types de pneu sont réalisables : boyaux de course, ville, randonnée,
VTT, etc.
Le brevet a été déposé au début de 2009, les essais ont duré plus d’un an,
la fabrication en série commence et la commercialisation des pneus increvables
s’effectuera à partir de l’automne prochain. Le prix de vente ne sera pas supérieur
de plus de 30 % à celui d’un pneu classique. Dès l’annonce de la découverte,
plusieurs pays ont manifesté leur intérêt et des discussions sur l’exploitation du
brevet par des firmes étrangères avec participation sans doute de Solidroue sont
en bonne voie, notamment en Italie, Hongrie, Chine, au Vietnam et aux États-Unis.
Le succès prévisible de ce produit innovant induira plusieurs centaines d’emploi sur
le site lorrain.
Voilà qui rendra service aux coureurs désormais à l’abri de coups du sort
brutaux, aux randonneurs qui ne seront plus surpris loin de tout secours, aux usa-
gers en ville qui n’auront plus à se salir les mains ni à souiller leur tenue.
Les ingénieurs français ont réussi une trouvaille pratique et promise à un
grand avenir.

䊊 䊊 䊊 Remarque
Il faut surtout éviter de composer un texte publicitaire qui ne « passerait » pas,
mais rechercher un contenu informatif susceptible d’intéresser la rédaction du
journal, puis le grand public.
On choisit un titre explicite, on donne des renseignements sur le principe, les
performances, le calendrier envisagé, sans toutefois livrer des données trop
précises sur la fabrication et la commercialisation.
On peut aussi accompagner un tel texte d’une invitation faite aux journalistes
spécialisés de venir essayer le produit.

䉲 Ex 7 Remarques
C’est un des communiqués les plus délicats à rédiger (un peu comme celui
de l’Ex 4 ci-dessus) car il est écartelé entre deux exigences :

leçon exercices travaux dirigés corrigés 281


– interdire absolument la consommation de l’eau, et pour cela réitérer la diffusion
du communiqué ;
– éviter à tout prix la panique des populations que les appels répétés et le risque
lié à un produit vital (l’eau) peuvent affoler.
Il faut donc réfléchir attentivement aux termes du texte, tout comme il faut prépa-
rer avec soin toute déclaration orale devant la presse, à la radio ou la télé.
La gageure est de parvenir à la fois à avertir avec fermeté et à rassurer.
En effet, il est rare qu’on ne trouve pas des exemples des deux excès à éviter :
– la présentation d’un communiqué terrorisant parce que trop comminatoire, du
genre : « Alerte à la pollution ! L’eau de la ville menace la santé des habitants.
N’ouvrez plus vos robinets. Etc. » Prévenir un public n’autorise pas les outrances
d’une dramatisation ;
– un message trop lénifiant qui pourrait laisser croire que le risque est bénin : « Des
infiltrations de substances non réglementaires portent atteinte à la qualité de l’eau
communale. La population est invitée à éviter d’en boire. Les équipes techniques
sont au travail pour mettre fin à cet inconvénient momentané. » Un texte de cette
sorte donne l’impression que rien n’est grave, que la consommation est à peine
dangereuse et que dès demain il ne faudra plus se méfier.
La sécurité sera garantie par l’interdiction absolue de la consommation, en appelant
la population à rechercher constamment l’information. En même temps un climat
de confiance sera créé par l’annonce de mesures rapides et efficaces, par la limita-
tion des conséquences de la pollution et par l’espoir d’un retour prochain à la
normale.

COMMUNIQUÉ DE LA MAIRIE
Ne pas boire provisoirement l’eau distribuée par la commune
La détérioration accidentelle d’une des canalisations qui alimentent les réservoirs
de la ville a entraîné la pollution de l’eau distribuée aux robinets. Elle ne satisfait
plus momentanément aux normes d’hygiène.
Il faut immédiatement cesser de boire cette eau et de l’utiliser pour laver des
aliments qui ne seront pas bouillis. L’usage pour la toilette et pour le lavage du
linge ne présente aucun danger.
Dès qu’ils ont eu connaissance des conséquences de ce malheureux accident, les
services municipaux ont pris les dispositions réclamées par la situation :
– réparation au plus vite des canalisations endommagées ;
– désinfection de l’ensemble du réseau d’alimentation en eau potable ;
– distribution dans chaque quartier, avec l’aide des sapeurs-pompiers, d’eau propre
à la boisson et à la cuisine ;
– approvisionnement des cantines scolaires et de l’hôpital en eau minérale.

282 techniques de l’expression écrite et orale Écrits professionnels



Un vaste effort d’information de tous les habitants est entrepris. Chacun pourra
être tenu au courant de l’évolution de la situation et devra respecter les consignes
qui seront diffusées.
Le retour à la normale est prévu pour les prochains jours.

leçon exercices travaux dirigés corrigés 283


Chapitre VIII
Le rapport
Le mot rapport désigne des écrits très variés selon les entreprises, les sujets
traités, les objectifs visés et la personnalité du rédacteur. Un rapport est un
texte rédigé, d’une certaine étendue, par lequel on ne se contente pas de
transmettre une information ; mais, après avoir analysé des faits ou une situa-
tion, on en déduit des conséquences, on exprime un jugement, on suggère
une décision à prendre ou une opération à accomplir. Cet écrit est donc
orienté vers l’avenir, vers l’action dont il constitue souvent le premier et indispen-
sable élément.
Un bon rapport est un moyen d’intervention efficace ; dans l’organisation
actuelle du travail industriel, commercial et administratif, malgré l’emploi d’autres
moyens de communication, il est la principale forme d’expression et d’activité
des chercheurs et des cadres. Il joue un rôle dans l’élaboration des solutions
techniques et dans les choix politiques de l’entreprise.
L’obligation de rédiger un rapport, et l’importance de ce dernier, tour-
mentent souvent les techniciens, qui répugnent à « écrire ». En outre, ils s’ima-
ginent parfois qu’un résultat chiffré ou une conclusion brève suffit à rendre
compte d’une étude faite et à imposer l’adoption des mesures conséquentes.
Qu’ils comprennent que, dans une société humaine, les décisions ne découlent
pas automatiquement de facteurs simples et évidents, mais de tout un ensemble
complexe dont le technicien ne connaît qu’une partie ; des alternatives, des solu-
tions diverses se présentent à ceux qui doivent décider ; c’est pourquoi le rap-
port doit être circonstancié et argumenté. Que ces mêmes techniciens se

leçon exercices travaux dirigés corrigés 285


persuadent aussi qu’avec un minimum d’entraînement, ils parviendront à compo-
ser des rapports utiles où leurs qualités seront mises en valeur. Et c’est une
récompense que d’être compris, apprécié, grâce à un rapport net et complet,
et de constater que son étude et sa réflexion ont orienté les décisions de la
collectivité au sein de laquelle on travaille.
Il existe une sorte de tradition du rapport, de sa présentation. On va la
rappeler. Cependant, les impératifs de rapidité caractérisant le travail moderne
conduiront à proposer ensuite une forme rénovée de rapport, qui en simplifie la
rédaction et en facilite l’exploitation ultérieure, mais son utilisation est limitée.
On terminera par le cas particulier du rapport de stage.

286 techniques de l’expression écrite et orale Le rapport



I - LES RAPPORTS TRADITIONNELS

䊐 A DIFFÉRENTS TYPES DE RAPPORT
Plutôt que d’énumérer la longue liste des catégories possibles selon la
nature des domaines (industriel, économique, juridique, etc) et de
publier in extenso des modèles plus ou moins artificiels que vous n’au-
rez pas la patience de lire, nous préférons distinguer des types d’après
la structure du rapport et fournir seulement des schémas.

1 Le rapport général
1 Nous appelons ainsi les rapports de synthèse retraçant le dévelop-
pement d’une activité au cours d’une période limitée (annuelle, par
exemple) et appelant un jugement sur cette activité. C’est en général
l’organisme, l’exécutif responsable qui est l’auteur d’un tel rapport.
Citons parmi les rapports de ce type :
– le rapport du Conseil d’Administration d’une Société industrielle
ou commerciale ;
– le rapport d’activité du Président, du Secrétaire Général ou du
Bureau d’une Association, d’une Coopérative, d’une Mutuelle ou d’un
Syndicat.
2 Bien entendu, comme un tel rapport est soumis à l’approbation
d’une Assemblée Générale ou d’un congrès de délégués, ses auteurs
font en sorte que l’activité décrite soit jugée favorablement. Pour cela,
ils mettent l’accent :
• sur la conformité de leur action aux décisions prises antérieurement
et qu’ils avaient mission d’exécuter ;
• sur les résultats obtenus, sur les progrès ;
• sur l’efficacité des mesures de création, d’organisation, etc, qu’ils
ont été amenés à prendre ;
• sur les difficultés qu’ils ont eu à surmonter, et qui tiennent à la
conjoncture, à des incidents locaux, à des évolutions, etc.
Ce type de rapport relève à la fois du plaidoyer et du commu-
niqué de victoire, mais toujours sous le couvert de l’exposé historique
et de la présentation objective des faits.
3 Ce rapport comprend donc forcément entre autres développe-
ments :

leçon exercices travaux dirigés corrigés 287


• un aperçu de la situation générale (contexte économique ou poli-
tique, nouvelles stipulations légales ou fiscales, évolutions du marché,
des besoins, etc.) ;
• une description et une appréciation de la situation particulière de la
Société (ce qui la favorise ou ce qui lui a nui) ;
• un exposé détaillé des décisions et actions dans les divers domaines
d’intervention de la Société (par exemple, en France, à l’étranger, dans
les filiales ; ou bien dans les secteurs sociaux, culturels, etc.) ;
• un résumé du bilan financier, des succès acquis ;
• une évocation des activités en cours de réalisation et des perspectives
à court et à moyen terme.
On cherche à produire un effet rassurant et encourageant.
4 Chacun n’a pas l’occasion de rédiger un tel rapport. Mais peut-
être serez-vous un jour appelé à participer à la mise au point de tel
ou tel passage (technique, financier, etc.). Et puis il n’est pas mauvais
de connaître un peu, en tant que lecteur ou modeste associé, les lois
du genre.

2 Le rapport d’enquête
1 Comme le précédent, il sanctionne surtout une activité passée,
tout en ouvrant des perspectives. Relèvent de cette catégorie les rap-
ports de stage, de voyage, de visite, etc. Ils diffèrent d’un simple
compte rendu dans la mesure où ils préparent dans toutes leurs parties
la conclusion qui sera un jugement porté sur l’opération étudiée,
accompagné des enseignements à retenir ; l’attitude de l’auteur n’est
pas celle d’un observateur, mais celle d’un critique, qui est amené
parfois à proposer des modifications.
2 La partie évidemment la plus importante d’un tel rapport est
la description de ce qui a été constaté ; elle n’est pas toujours chrono-
logique ou linéaire, mais elle regroupe les informations de façon à ce
que le point de vue que l’on défend soit renforcé. On développe avec
soin, les raison pour lesquelles on émet une appréciation favorable ou
défavorable à propos des faits ou procédés que l’on a remarqués.

3 Le rapport technique
1 C’est le type de rapport que vous aurez le plus fréquemment
à rédiger. Le sujet vous est imposé par le destinataire, généralement
l’échelon hiérarchique supérieur. Par exemple, on vous a demandé

288 techniques de l’expression écrite et orale Le rapport



l’étude d’une situation économique, d’un marché, la mise au point
d’un procédé de fabrication, l’essai d’un produit ou d’une opération,
la solution d’un incident de production ou de commercialisation, etc.
2 Vous devez dans votre rapport réunir les résultats de vos inves-
tigations, retracer les étapes de vos essais, confronter les possibilités
ou les divers points de vue, les critiquer au besoin, formuler les hypo-
thèses qui peuvent se présenter. Votre conclusion consiste en une prise
de position ferme si elle est possible : le marché de tel produit dans
telle région est saturé et il serait imprudent d’engager une action ;
l’usage de tel équipement donne satisfaction et il convient de le géné-
raliser ; les résultats de l’essai technique prouvent que tel procédé peut
être adopté à telles conditions de rentabilité ; le différend qui nous
oppose à tel client a telle origine et je suggère que nous acceptions ou
refusions de réviser à nos frais l’installation incriminée ou de
reprendre la marchandise.

4 Les formes fixes de rapport


Un certain nombre de rapports ont un plan et un langage fixés par la
tradition ou par des règlements. Ainsi les rapports juridiques, les rap-
ports d’experts, les rapports financiers qui présentent le bilan d’un
exercice, les rapports de vérification des comptes, etc. Vous vous ini-
tierez à la rédaction de ces textes en observant ceux des années précé-
dentes. Cependant ne craignez pas, si vous le jugez utile, de modifier
ou d’ajouter un élément.
De même, dans certaines entreprises, pour un genre de travail
précis et qui se présente souvent, il existe des formulaires sur lesquels
les rapports sont rédigés. Des cadres, des rubriques guident le rédac-
teur et lui évitent d’oublier des données importantes ou de s’égarer
dans des considérations superflues. Cette standardisation est notam-
ment utile pour les rapports d’expériences et d’essais techniques. Il est
toujours possible de leur joindre une note si le modèle imposé n’a pas
prévu telle ou telle remarque.

5 Le rapport de suggestion ou de proposition


Tous les types de rapports énumérés ci-dessus seront lus pour ainsi
dire obligatoirement, même si c’est avec plus ou moins de plaisir ! Ils
constituent des pièces réglementaires (rapports annuels) ou correspon-
dent à un travail imposé à l’auteur et dont le destinataire a besoin.

leçon exercices travaux dirigés corrigés 289


Il reste à citer une catégorie particulière, celle qui réclame le plus
de soin. Il arrive que, sans sollicitation du destinataire, vous ayez à lui
faire part d’une suggestion ou à lui soumettre une proposition. C’est
vous qui prenez l’initiative du sujet et de l’envoi du rapport.
Vous rédigez ainsi un rapport lorsque vous voulez suggérer une
réforme de l’organisation d’un service ou d’une méthode de travail ;
lorsque vous demandez le changement d’une machine, l’octroi d’un
crédit supplémentaire, la création d’un poste de travail, lorsque vous
tenez à faire connaître votre avis sur une question alors qu’il n’a pas
été sollicité, etc. Là, encore plus que dans les rapports passés en revue
ci- dessus, la rigueur de votre argumentation et l’habileté de votre
exposé joueront un rôle déterminant pour la prise en considération de
vos idées. Car vous cherchez à forcer l’attention de celui qui vous lira.
En ce cas, l’importance de l’introduction ne vous échappe pas.

6 Le rapport collectif
Mentionnons enfin, assez délicat à rédiger, le rapport collectif, c’est-à- dire
le texte qui présente et justifie les décisions prises par un groupe ou une
commission, mais qui est écrit par un rédacteur au nom de tout le
groupe. Ce rapporteur a la charge de faire la synthèse du travail collectif,
de mettre en place les arguments, de leur donner leur forme définitive.
C’est une lourde responsabilité. Il faut rester fidèle à l’esprit du groupe
et ne pas déformer les idées sur lesquelles un accord a pu être réalisé.

䊐 B CARACTÉRISTIQUES DU RAPPORT
Un rapport est un outil de travail, il approfondit la question qu’il traite,
il fait accomplir un progrès à la réflexion. Par là, il se différencie
d’autres catégories d’écrits et sa forme exige un contrôle sérieux.

1 Un écrit engagé dans l’action


1 Le rapport est différent de la dissertation scolaire : il est « en
situation », concerne un cas précis, s’adresse à un lecteur qui l’exploitera
pratiquement, est destiné à avoir des suites concrètes, alors que la disser-
tation envisage une discussion plus générale, « sub specie aeternitatis »,
c’est-à-dire d’un point de vue abstrait. Le rapport comporte une part de
création, d’engagement personnel, plus importante. Mais ceux d’entre
vous qui ont été astreints à la composition de dissertations littéraires,
morales ou philosophiques, sont du moins entraînés à exposer des
faits, à confronter des idées, à organiser leur pensée selon un plan.

290 techniques de l’expression écrite et orale Le rapport



2 On ne perdra donc jamais de vue qu’un rapport n’est pas un
texte d’apparat, qui contiendrait des développements et des parties obli-
gatoires, imposés par les règles du genre. C’est un document qui, de la
première à la dernière ligne, doit être utile ; ce qui élimine toute phrase
gratuite ou décorative. Cette soumission constante de chaque détail à
l’objectif visé – fournir des éléments de jugement et engager à adopter
telle position ou décision – donnera au texte son unité et son efficacité.
3 Le but est d’éclairer le destinataire, de lui faire gagner temps
et effort dans sa réflexion, de le convaincre et de le mettre à même
de décider sérieusement et rapidement. Pour adapter le rapport au
destinataire, on tient compte du fait qu’il est adressé à une personne
unique, en général l’instance supérieure dont dépend le rédacteur, ou
à des personnes multiples, auquel cas il faut songer à la diversité pos-
sible des points de vue. N’oubliez pas que souvent un rapport circule
ou est adressé pour information à d’autres responsables.
4 Le rapport, selon sa nature, intervient à différents moments de l’éla-
boration d’une décision. Il peut être un premier élément d’information
technique, un moyen de recoupement ou de vérification ; il peut se trouver
en concurrence avec d’autres études explorant d’autres voies, ou simple-
ment les compléter ; il peut servir de base à une discussion collective (il
aide alors à cerner les questions à débattre et il oriente déjà la recherche
commune) ; il peut encore se situer au terme du travail et dessiner la déci-
sion finale. Vous vous demanderez à quel stade intervient votre rapport et
vous infléchirez en conséquence vos arguments et vos développements.

2 Ton et style du rapport


Dans tous les cas, un souci anime l’auteur : la nécessité de se faire lire
et de se faire comprendre, et si possible d’obtenir l’assentiment du
lecteur. Cela suppose une expression correcte, et agréable, et l’applica-
tion des conseils donnés tout au long de cet ouvrage. La rédaction
d’un bon rapport représente, dans le cadre professionnel, l’aboutisse-
ment des techniques de l’expression écrite étudiées dans ce manuel.
Toutefois un certain nombre d’exigences propres au rapport sont
à noter :
1 Même s’il exprime un point de vue passionné ou sentimental,
s’il a pour origine un intérêt personnel, le rapport doit toujours être
présenté comme une réflexion rationnelle , avec un effort d’objectivité.

leçon exercices travaux dirigés corrigés 291


2 Le ton en est donc le plus impersonnel possible. On évitera l’abus
des pronoms personnels de la 1re ou de la 2e personne ; on s’adressera
à un personnage indéterminé, à l’entreprise, à tel service ou telle fonc-
tion plutôt qu’à un vous dont on n’est pas toujours très sûr qu’il sera
le lecteur réel du rapport ; on remplacera le nous représentant un col-
lectif par la désignation de celui-ci : La Commission estime que... ; bien
entendu jamais ce nous ne désignera le seul auteur ; on supprimera les
je au profit de formules neutres : non pas j’ai trouvé que la poulie est
défectueuse , mais la poulie présente telle défectuosité.
3 L’action personnelle de l’auteur sera suffisamment suggérée
par la description des opérations auxquelles il a procédé, par la valeur
des faits qu’il aura rassemblés. S’il doit y avoir intervention directe de sa
part, elle doit se cantonner dans la conclusion du rapport au moment
où il exprime son jugement. À cet endroit un je très ferme sera appré-
cié : il montrera qu’une fois tout bien examiné, le rédacteur n’hésite
pas à prendre ses responsabilités.
Et encore faut-il éviter les je pense, je crois donc... et dire nette-
ment : je propose .
4 Quelle que soit la présentation qu’on aura choisie, il faut en
tout cas la maintenir d’un bout à l’autre. Rien de plus agaçant qu’un
texte dont l’auteur est tour à tour un je, un nous , un notre service , un
l’entreprise, etc. ; et dont le destinataire est successivement le PDG , la
Direction technique , l’Ingénieur en chef, etc. L’impersonnalité même du
rapport rend inutiles les formules de politesse.
5 Mais le style, lui, ne doit pas sombrer dans une terne neutralité.
Il doit être mesuré, retenu. Rien ne lui interdit cependant d’être vivant,
varié. Le pire, pour un rapport, c’est d’être ennuyeux. La meilleure
proposition du monde risquerait alors de n’être même pas examinée.

Un bon rapport, c’est :


• de la solidité technique,
• de la rigueur dans le raisonnement,
• de la concision,
• mais aussi une affaire de goût.

292 techniques de l’expression écrite et orale Le rapport



䊐 C LE PLAN DU RAPPORT
Les distinctions que nous avons établies montrent qu’il ne saurait exis-
ter un moule dont tous les rapports devraient prendre la forme. La
variété des structures de rapport est souhaitable pour rompre le
conformisme et pour assurer l’adaptation étroite à chaque question
examinée. Cependant certaines parties communes à la plupart des rap-
ports peuvent être dégagées. Les unes seront réduites ou même dispa-
raîtront au besoin, d’autres au contraire s’accroîtront si le sujet l’exige.
En gros, l’organisation du rapport est la suivante :
INTRODUCTION : (voir le chapitre VI)
• Il faut définir avec précision le problème qui va être traité, en rappelant
pourquoi ou à la demande de qui il est étudié.
• Montrer l’intérêt de l’étude ou de l’examen auquel on va procéder.
SITUATION :
• Description du contexte, en allant du plus général au particulier. Orienter
cette analyse vers la solution qui sera proposée.
• Pour un rapport technique, cette partie relatera le déroulement de l’expé-
rience avec ses conditions précises.
• Analyses des causes et des responsabilités.
ARGUMENTATION :
• Si besoin, commencer par la critique des autres solutions envisagées et
auxquelles on s’oppose.
• Présenter les avantages de la solution qu’on propose ou les raisons de la
position qu’on adopte (voir les chapitres II, partie III, et III).
• Prévoir les objections qui peuvent être faites à votre thèse et les réfuter
d’avance, en prouvant ainsi que vous avez réfléchi à tous les aspects de la
question.
RÉSULTATS :
• Préciser les moyens, les conditions et les implications. Programmer le
déroulement éventuel des opérations.
• Enoncer les résultats obtenus (s’il s’agit d’essais ou d’enquêtes) ou
attendus.
• Présenter les variantes possibles.
CONCLUSION :
• Reprendre le résultat d’ensemble ou l’argument essentiel.
• Montrer que votre solution répond complètement au problème posé (voir
le chapitre VI).

leçon exercices travaux dirigés corrigés 293


Composer un rapport utile demande, on le voit, du travail et du
soin. Mais c’est le principal moyen à votre disposition pour fixer les
résultats de votre action, pour les faire connaître, pour que vos idées
atteignent les responsables et passent dans les faits.

LE RAPPORT
• traduit votre activité et votre esprit d’initiative,
• communique vos résultats,
• engage votre responsabilité vis-à-vis de la collectivité.
On VOUS juge d’après vos RAPPORTS.

• Remarque
L’expérience nous ayant prouvé la vanité des longs modèles qui ne
n’appliquent jamais pertinemment aux cas rencontrés par les débu-
tants, nous nous sommes abstenus d’insérer des exemples dans l’ex-
posé qui précède. Nous croyons que l’étudiant ou le professionnel ne
progressera dans la rédaction des rapports qui lui sont demandés que
s’il est attentif à l’objet de son travail et s’il réfléchit, avec un esprit
critique, à ses difficultés, à ses insuccès éventuels, et aux rapports qu’il
trouvera dans les dossiers de son entreprise.
Quelques questions le mettront sur la voie, afin que son effort
porte tous ses fruits :
– Pourquoi tel rapport trouvé dans les dossiers semble-t-il insuffi-
sant ? que lui manque-t-il ? quelle partie est bavarde ou inutile ?
– Quelle faiblesse, quelle omission, quelle maladresse dans mon
précédent rapport ?
– Que m’a-t-on demandé ?
– Qui me l’a demandé ? Qui va le lire ?
– En vue de quel objectif ? Donc, qu’attend-on de mon travail ?
– Quel reflet de mon activité et de ma personnalité va donner ce
rapport en cours ?
Voilà qui va orienter le travail de recherche et la mise au point
rédactionnelle.
Vous aurez à composer des rapports dans le domaine technique
qui est le vôtre, sur une matière dont vous possédez les éléments.
Imaginer ici un rapport « gratuit » serait vous inviter à l’artifice, aux
généralités rebutantes et inefficaces ; la méthode que nous pratiquons
dans cet ouvrage s’oppose à de tels « devoirs » irréels.

294 techniques de l’expression écrite et orale Le rapport



II - LE RAPPORT FONCTIONNEL

Le rapport, tel qu’on le conçoit d’habitude dans les entreprises fran-
çaises et tel que nous l’avons étudié ci-dessus, a ses vertus indéniables :
il offre un texte cohérent et complet. Dans un certain nombre de cas,
on ne pourrait envisager de modifier sa formule ou d’en supprimer
une partie : ainsi pour le rapport général ; ainsi lorsque le texte est
diffusé auprès de diverses personnes qui ont besoin d’un exposé
exhaustif pour être à même de comprendre. Songez qu’un même rap-
port doit parfois être lu par des responsables techniques, administra-
tifs, voir même étrangers à l’entreprise et que tous ne disposent pas
des informations préalables pour être tout de suite au fait ; il convient
qu’un développement suivi alors les guide et leur permette de se faire
une opinion sur la conclusion proposée.
Cependant la formule traditionnelle impose de rédiger le texte
de façon continue et d’enchaîner avec soin les idées ; elle paraît coû-
teuse en temps pour la rédaction comme pour la lecture. Une formule
plus nerveuse et plus économique peut être recommandée. Nous pro-
posons la dénomination de rapport fonctionnel pour la désigner, car elle
est plus adaptée au rôle précis des rapports dans le travail des entre-
prises. Elle est particulièrement appropriée aux rapports techniques.
Avant de la présenter et de la justifier, nous demandons aux lecteurs
de cet ouvrage de procéder avec prudence et de n’utiliser cette présen-
tation qu’après s’être assurés qu’elle sera admise par tous les destina-
taires. Il arrive en effet que, par habitude ou en raison des activités
de l’entreprise, il soit exigé que les rapports conservent la formule
traditionnelle.
Le rapport fonctionnel n’est pas une innovation que nous lançons
pour le plaisir du changement. Il est le résultat d’une réflexion s’ap-
puyant sur les remarques de cadres et de techniciens, sur des expé-
riences déjà concluantes répétées dans certaines entreprises ou
administrations françaises, sur les recherches de spécialistes étrangers,
américains notamment, qui préconisent divers types de formules
bousculant l’organisation du rapport traditionnel. Comme pour ce
dernier, nous présentons un schéma de rapport fonctionnel qui, dans
chaque cas, doit être adapté au travail que vous accomplissez.

leçon exercices travaux dirigés corrigés 295


䊐 A ORGANISATION DU RAPPORT FONCTIONNEL
1 Plan
Au lieu de se présenter comme un texte suivi, partant d’une introduc-
tion et menant à une conclusion en passant par des phases d’explica-
tion et de discussion, le rapport fonctionnel est composé de rubriques
distinctes, pouvant être prévues et même fixées une fois pour toutes
à propos de chaque type de rapports (enquête, essai technique, propo-
sition technique, etc.). Il s’agit en réalité d’un cadre pour la rédaction.
En voici le plan type :
I. OBJET : On définit en deux phrases au maximum le problème traité,
l’objectif visé.
II. CONCLUSIONS : C’est la réponse immédiate : résultats de l’essai ou de
l’enquête, position que l’on préconise, suggestions, etc.
III. RÉALISATION : On énumère les principaux moyens nécessaires (tech-
niques, financiers, etc), les modalités les plus importantes, les servitudes
éventuelles.
IV. CONSÉQUENCES : On cite les avantages de la solution défendue (coût,
personnel, résultats, commodité, etc).

Sous chaque rubrique, les éléments sont juxtaposés, numérotés


pour plus de netteté. On joint en annexe les tableaux statistiques, les
procès-verbaux d’essais, etc.

1 Exemples
(Nous supprimons les noms propres et les données trop précises).
• Premier exemple : Rapport d’une étude technique.
I. OBJET : À la demande de la Direction des fabrications, procéder aux essais
d’une plieuse automatique de tôle d’aluminium et déterminer sa rentabilité
dans la production de nos emballages no 2031.
II. CONCLUSION :
1. Cette machine-outil assure sans incident ni rebut le pliage des feuilles de
2/10 utilisées pour la fabrication des contenants no 2031.
2. 1 200 pliures doubles dans le même sens sont effectuées à l’heure. La
réalisation des contenants serait rapide (pas de manipulation pour les chan-
gements de sens) si deux machines étaient couplées, une pour chaque sens
de pliure.
3. Voir les mesures jointes en annexe (temps, régularité, résistance du métal
après la courbure).

296 techniques de l’expression écrite et orale Le rapport



4. Je recommande donc l’installation de deux machines du type SY 12 dans
l’atelier de fabrication des contenants, en remplacement des plieuses à
commande actuellement utilisées.
III. RÉALISATION :
1. Aucun aménagement nécessaire dans l’atelier.
2. Nécessité de prévoir un approvisionnement plus abondant des feuilles
d’aluminium dans l’atelier. La place supplémentaire sera gagnée sur la surface
occupée par les machines actuelles.
3. Augmentation nécessaire de la cadence du pré-découpage des feuilles.
Deux ouvriers qualifiés, dégagés du pliage, renforceraient l’équipe de
découpe.
4. Cette réorganisation pourraît être réalisée quatre mois après la
commande. L’installation exigera 2 jours d’interruption de production. Le
personnel servant (1 ouvrier qualifié + 2 manutentionnaires) sera adapté à
la cadence en 3 jours au maximum.
IV. CONSÉQUENCES : 1.Effet financier :
Achat de 2 machines, taxe et livraison incluses............................. 380 700 €
Installation ......................................................................................... 11 400 €
Coût total........................................................................................ 392 100 €
Vente des trois plieuses amorties .................................................... 42 000 €
Investissement de ............................................................................. 350 100 €
2. Personnel : aucun poste créé ni supprimé
3. Production : capacité augmentée de 100 %
4. Stockage : grâce au gain de place réalisé dans l’atelier, le stock de feuilles
pourra être entreposé sur place et dégagera une surface de 60 m2 dans les
magasins d’approvisionnement.
5. Manutention : en conséquence du point 4, les camions livrant les feuilles
seront déchargés directement à l’atelier, d’où la suppression du parcours de
manutention des magasins à l’atelier. Gain approximatif : 10 journées d’un
manutentionnaire par mois, et disparition des « à-coups » entre le stock et
les machines.
•Second exemple : Rapport de suggestion.
I. OBJET : Résorption du retard régulier et de plus en plus important qui
est constaté au bureau des commandes.
II. CONCLUSION :
1. Il convient de décharger M. Lebeau, technicien commercial, d’une partie
des tâches qui lui incombent. L’augmentation de 9 % par an en moyenne
des ordres qu’il doit traiter depuis 2009 explique l’encombrement qui se
produit à son niveau.

leçon exercices travaux dirigés corrigés 297


2. La solution consiste à mettre à titre permanent à sa disposition une secré-
taire.
3. Je suggère donc la création d’un poste de secrétaire et son affectation au
bureau des commandes.
III. RÉALISATION :
1. On pouvait envisager d’adjoindre directement un technicien commercial
à M. Lebeau, mais cette solution serait d’un prix de revient doublé par rap-
port à la solution retenue. D’autre part, l’unité de traitement des
commandes aurait été rompue.
2. Une secrétaire fera, et c’est l’essentiel, gagner du temps à M. Lebeau sur
les tâches matérielles. Elle sera chargée :
– de l’ouverture et du tri du courrier,
– de la frappe des correspondances qui lui seront dictées,
– de la confection des adresses et des mises sous enveloppes des accusés
de réception des commandes,
– de la production et de l’acheminement des ordres vers les services comp-
tables et vers les services d’emballage et d’expéditions.
3. M. Lebeau pourra se consacrer à :
– dicter les accusés, les ordres,
– suivre les affaires particulières,
– régler les incidents,
– assurer un contact plus étroit avec la fabrication et avec la direction
commerciale.
4. La secrétaire sera installée dans le bureau des commandes dont la surface
est largement suffisante (local 114).
IV. CONSÉQUENCES :
1. Dépenses :
a) Équipement :
– ensemble bureau-siège-placard ....................................................... 3 970 €
– ensemble traitement de texte type ZXW ...................................... 4 510 €
amortissable en 10 ans ....................................................................... 8 480 €
b) Personnel :
une secrétaire niveau BP y compris charges annuellement............. 37 280 €
c) Coût du poste par an....................................................................38 128 €
2. Les relations avec les clients seront améliorées et accélérées : accusés de
réception envoyés dans les 48 h.

298 techniques de l’expression écrite et orale Le rapport



3. L’exécution des envois de marchandise ne subira plus de retard à l’ori-
gine : gain d’une semaine au moins.
4. La liaison entre les commandes et la fabrication sera mieux assurée, d’où
la diminution des ruptures de stock, la meilleure adaptation des quantités
fabriquées. D’où également la diminution des lettres d’excuses ou de
réponses aux clients.
Le Chef du Service Commercial
SN.

䊐 B SES AVANTAGES

1 Pour le rédacteur du rapport


Après une période parfois longue de recherches et de réflexions, le
rédacteur se trouve devant une masse de notes, de faits et d’idées. Pour
lui, commence une période de gestation douloureuse : que retenir ?
comment classer, mettre en place ces éléments divers ? Voilà qu’il lui
faut, plume en main, refaire le périple qu’il vient de parcourir ! Il a
l’impression, fausse mais tenace, qu’on le torture inutilement, puis-
qu’il a trouvé la ou une solution et que cela seul compte. Et chacun
sait (même l’écrivain le plus fécond) que rédiger complètement un
texte suivi et qui n’ennuie pas trop le lecteur est une lutte pénible
avec sa propre pensée. « Honneur des hommes ! Saint langage ! »
disait avec raison Paul Valéry, mais tout le monde n’a pas la vocation
du martyre...
Le rapport fonctionnel évite au rédacteur d’éprouver ces affres
en même temps qu’il lui sert de guide technique :
• Il supprime l’introduction , et par conséquent les hésitations de la mise
en route. On ne souffre plus du « Je sais bien ce que j’ai à dire, mais
je ne sais pas par où commencer ».
• Les rubriques jalonnent le trajet à parcourir. Disparaissent ainsi les
« Je ne sais plus où j’en suis » et les « N’ai-je rien oublié d’essen-
tiel ? ». L’effort de structuration d’un ensemble complexe est éliminé.
• Les difficultés de rédaction sont pour ainsi dire fragmentées. On fait
l’économie des transitions, ces joints entre les idées. Les répétitions,
les maladresses de langage ne concernent plus que des développements
très réduits.
• Le gain de temps est évident. Le rapport fonctionnel dépasse rare-
ment la double page.

leçon exercices travaux dirigés corrigés 299


• Ce gain est obtenu également dans la reproduction éventuelle en de
nombreux exemplaires.
• Le débutant aura donc intérêt à faire ses premières armes, ses pre-
miers rapports selon cette formule. Par la suite, il abordera avec plus
de confiance la rédaction de rapports traditionnels.

2 Pour le destinataire du rapport


Ce qui compte pour lui, avant de tout comprendre et de savoir le
pourquoi et le comment, c’est de connaître rapidement votre conclusion.
Dans un rapport traditionnel, le lecteur court d’abord à la dernière
page : « Tel problème. Bon. Voyons si une solution est trouvée, et
de quelle sorte ». Le reste, preuves, motifs, détail des opérations, ne
l’intéresse qu’ensuite. Eh bien ! Le rapport fonctionnel est précisément
organisé pour répondre à l’ordre et à l’urgence des curiosités du desti-
nataire :
• Les premières lignes lui rappellent immédiatement l’objet du rapport
et lui indiquent votre solution ou votre proposition.
• Ensuite il peut apprécier sans retard les implications les plus impor-
tantes : coût, installations, délai, et les résultats à espérer.
• La consultation du document ne réclame qu’un léger effort : la pré-
sentation visualise à la lecture les points principaux.
• Donc, pour lui aussi, un gain de temps est réalisé. S’il a confiance
en vous, il pourra souvent se dispenser d’entrer dans les détails de vos
travaux ; son opinion sera faite rapidement. Et il vous saura gré de lui
avoir facilité son travail.
Car, et ce sera notre conclusion, le rapport fonctionnel est bâti
non plus autour de l’historique de votre information et de vos études
préalables, comme le rapport traditionnel qui en retrace les étapes,
mais il est agencé selon l’attente du destinataire. En effet, pour prépa-
rer votre rapport, vous êtes allé des détails, des analyses, des discus-
sions et des recherches jusqu’à votre conclusion. Le rapport
traditionnel suit le même mouvement. C’est la démarche inverse
qu’accomplit le rédacteur du rapport fonctionnel.
Le destinataire juge d’abord votre conclusion. Puis, s’il est inté-
ressé, il remontera aux raisons qui ont justifié votre choix.
C’est pourquoi les discussions, argumentations, comptes rendus
d’essais, etc. qui ne sont pas développés complètement dans le rapport
fonctionnel, doivent lui être joints en annexes à consulter si besoin.

300 techniques de l’expression écrite et orale Le rapport



LE RAPPORT TRADITIONNEL
• a plus de pouvoir argumentatif : la pensée y est plus
complète, plus nuancée.
• est mieux adapté aux sujets humains, complexes, ou de poli-
tique générale de l’entreprise.
• est nécessaire quand il faut toucher aussi des personnes
diverses et peu au courant des problèmes traités.
LE RAPPORT FONCTIONNEL
• est plus vite écrit et plus vite lu.
• sa présentation est plus efficace et facilite l’exploitation.
• constitue souvent une première forme du rapport que des
développements adjoints viennent compléter et renforcer.

III - LA PRÉSENTATION DU RAPPORT



Que votre rapport soit traditionnel ou fonctionnel, il représente un
effort sérieux de votre part. N’allez pas gâcher celui-ci par une présen-
tation négligée. Même une jolie femme perd de son charme à se vêtir
sans goût et sans soin.

䊐 A PRÉSENTATION MATÉRIELLE
1 En-tête
Nous n’envisageons pas le cas, qui ne pose aucune difficulté, où l’en-
tête est normalisée dans l’entreprise ou l’administration, voire prévue
par des imprimés.
• Si votre rapport comporte plus de 10 feuilles (ampleur donnée à titre
indicatif), l’en-tête sera constituée par la première page devenue ainsi
page de titre. Par exemple :

leçon exercices travaux dirigés corrigés 301


SOCIÉTÉ NOUVELLE DES PLASTIQUES ROUGEMONT
Laboratoire des recherches et essais

Rapport sur l’avancement des recherches en 2010


et prévisions techniques et budgétaires

Adressé à Messieurs les Administrateurs


de la Société ROUGEMONT
à la demande
de Monsieur le Président Directeur Général

DOCUMENT CONFIDENTIEL
à ne diffuser qu’aux destinataires nominalement désignés.

Lyon, le 16 septembre 2010.


L’ingénieur chef du Laboratoire
Albert Prince.

• Remarque
Cette page pourrait être présentée sur une feuille à en-tête de la
société.
• Si votre rapport est d’une longueur inférieure,
a) l’en-tête peut être celle d’une lettre, surtout si vous vous adres-
sez personnellement au destinataire.
b) pour laisser son caractère impersonnel au rapport, la présenta-
tion suivante est possible :
Lyon, le 16 septembre 2010
SOCIÉTÉ ROUGEMONT
Laboratoire des recherches et essais

Rapport
à Monsieur le Directeur
sur la mise au point de tel produit
de Fabrication
................................................................................................................................................
................................................................................................................................................

302 techniques de l’expression écrite et orale Le rapport



Le texte du rapport commence après un léger espace sous l’en-
tête.
• L’en-tête dans tous les cas doit comprendre :
– la date, qui précise la validité du rapport (principalement si des
faits nouveaux sont intervenus depuis que le rapport a été diffusé) ;
– la désignation du rédacteur , individu, collectivité ou service. Le
responsable devra le signer après la mention de sa qualité (fonction,
délégation) à la dernière page ou sur la page de titre, pour en garantir
l’authenticité ;
– la mention exacte du ou des destinataires ;
– l’objet, en une formule brève mais précise : cette indication
est indispensable pour attirer l’attention, orienter le rapport vers les
intéressés et en permettre le classement et l’exploitation ;
– l’énumération des pièces et documents joints.

2 Le sommaire
• Il n’est pas nécessaire pour un rapport fonctionnel ou un rapport ne
dépassant pas 3 ou 4 pages.
• Il est restreint à quelques lignes reprenant les parties principales, si
le texte va de 5 à 6 pages. Par exemple :
Rapport sur la mise au point de tel produit :
I. État d’avancement des recherches.
II. Difficultés restant à surmonter.
III. Prévisions actuelles.
IV. Conclusion.
• Le sommaire constitue obligatoirement la première page après le
titre, si le rapport dépasse 6 pages. Il peut alors être un peu plus
détaillé si l’on mentionne les principales subdivisions. Chaque point
doit être suivi de l’indication de la page où il commence. La référence
de pagination est obligatoire : c’est à partir de cette table des matières
que le destinataire lira ou relira les passages les plus importants pour
lui. Exemple :

Rapport sur l’organisation de la cantine.


Pages
I. Les besoins .......................................................................................... 3
– du personnel ..................................................................................... 3
– des cadres ......................................................................................... 4
II. Dispositions envisagées ....................................................................... 5

leçon exercices travaux dirigés corrigés 303


– locaux ............................................................................................... 5
– équipement ....................................................................................... 7
– personnel .......................................................................................... 9
III. Fonctionnement ................................................................................. 10
– approvisionnement ........................................................................... 10
– horaires ............................................................................................. 12
IV. Projet de budget ................................................................................ 13
– ressources ......................................................................................... 14
– dépenses ........................................................................................... 16
– solutions pour couvrir le déficit ....................................................... 19
V. Conclusion .......................................................................................... 21

3 Titres et sous-titres
L’articulation du rapport doit être évidente. Elle apparaît grâce à des
titres et sous-titres éloquents et détachés dans la mise en page.
• Choix des formules. Proscrire les titres passe-partout qui n’évoquent
rien à l’esprit du lecteur, du genre « étude analytique de la situation »
ou « conséquences ». Utiliser des termes concrets et adaptés à la matière
traitée, par exemple :
– montage utilisé ;
– des résultats qui ne sont pas suffisants ;
– une hypothèse : un filtre en tel alliage.

Ou de manière plus vivant quand le sujet s’y prête :


– comment obtenir le rendement souhaité ?
– les matériaux nécessaires ;
– qui sera concerné par la réorganisation préconisée ?
• Respect de la hiérarchie : que les subdivisions se répondent clairement
et qu’elles soient présentées de la même façon (voir chapitre II, p.27).
Ainsi le plan apparaîtra aux yeux du lecteur.

4 Mise en page
• Les citations de documents doivent être détachées visuellement de votre
texte, les sources de vos informations seront indiquées avec précision.
• Vous insérez les tableaux et graphiques en face du texte qui les
commente ou les utilise. Vous donnez à la dactylo des instructions en
ce sens : rien n’est plus agaçant que d’être obligé, en lisant, de feuille-
ter tout un rapport pour trouver le tableau correspondant.

304 techniques de l’expression écrite et orale Le rapport



• Les documents ou suppléments placés en annexe doivent être numé-
rotés soigneusement.

5 Reliure
• Elle est nécessaire pour un ensemble supérieur à 10 pages. Sur une
couverture assez forte, vous inscrivez le titre du rapport.
• Vous numérotez les pages et vérifiez que les renvois sont complétés
avec la pagination exacte.
Enfin, vous relisez le tout et n’oubliez pas de reporter vos correc-
tions sur tous les exemplaires .
Ces conseils, bien entendu, ne valent pas que pour les rapports,
mais pour tous les écrits que vous serez amené à diffuser.

䊐 B LA PRÉSENTATION ORALE DU RAPPORT


L’envoi de votre texte ne signifie pas la fin de votre travail. Souvent
vous aurez à présenter votre rapport en le remettant directement au
destinataire. Il n’est pas question de reprendre tout le détail de votre
plan.
1 Vous justifiez le rapport en rappelant qui vous l’a demandé,
pourquoi.
2 Vous résumez brièvement son intérêt et sa conclusion.

3 Vous attirez l’attention sur les parties importantes, originales


ou délicates.
Soit au moment de cette présentation, soit si on vous invite plus
tard à discuter de votre rapport, vous devez être prêt à expliquer votre
travail et à soutenir vos propositions. Ne vous étonnez pas, même
après un délai de plusieurs semaines, si le destinataire n’a qu’une
connaissance très superficielle de votre rapport : il en a beaucoup à
lire sans doute, et il a suscité cet entretien justement pour que la
lecture lui soit facilitée.
C’est le moment de persuader. Il aura été prudent de réfléchir à
ce que vous allez dire, peut-être de mettre au point quelques formula-
tions.

leçon exercices travaux dirigés corrigés 305


IV - LE MÉMOIRE OU RAPPORT
DE STAGE

Dans les Instituts Universitaires de Technologie et dans d’autres Écoles
ou organismes de formation, il est souvent demandé la rédaction d’un
mémoire. Le sujet choisi est habituellement en liaison avec le stage
professionnel effectué dans une entreprise. Ce mémoire se distingue
d’un simple compte rendu de stage, il s’apparente au genre du rapport .
En effet le candidat ne se contente pas de décrire le fonctionnement
du service où il a passé plusieurs semaines et l’activité qu’il a pu
exercer ; le stage lui a fourni l’occasion de confronter ses connais-
sances théoriques avec des réalisations concrètes et de faire preuve
d’esprit critique.
Les exigences des jurys sont variables. Il convient donc de s’en
informer et surtout de travailler en liaison étroite avec le professeur
ou le responsable qui dirige le mémoire. C’est à lui qu’on s’adressera
pour délimiter le sujet, construire le plan, etc.
Toutefois, voici quelques conseils utiles dans tous les cas.

䊐 A PENDANT LE STAGE
1 Observer
– L’organisation générale et le fonctionnement du bureau
d’études ou du service.
– Sa place et son rôle dans l’entreprise.
– Ses liaisons avec les autres services et avec la direction.
– Les diverses étapes de conception d’une étude ou d’une opéra-
tion, depuis l’ingénieur jusqu’aux exécutants : rôle de chacun, nature
des documents établis.
– Méthodes de classement des documents.
– Documentations utilisées.
– Les méthodes de travail, leur rapidité, leur efficacité.
– Les dénominations utilisées.

2 Participer à la vie du service


– Petite étude ou travail à exécuter.
– Réclamer du travail éventuellement.

306 techniques de l’expression écrite et orale Le rapport



– Étudier le climat social, les relations humaines et hiérarchiques.
– Déterminer l’origine du personnel.
– Ne pas hésiter à prendre contact avec tous ceux qui peuvent
fournir une information.

3 Recueillir une documentation


– Documentation générale de l’entreprise (notices commerciales,
notices techniques).
– Extraits de standard (cotation, états de surfaces, traitements,...).
– Tirages des documents établis.
– Échantillons des matériaux.
– Informations sur le sort ultérieur du travail que l’on fournit, et
son insertion dans l’ensemble de l’activité de l’entreprise.

䊐 B LE CALENDRIER ET L’ORGANISATION DU TRAVAIL


En gros, on se conformera, pour la mise au point du mémoire, aux
directives fournies ci-dessus pour la présentation des rapports. Mais
comme il s’agit du premier travail important entrepris par un débu-
tant, attirons son attention sur quelques points.
La plupart des difficultés naissent d’un calendrier mal établi ou
mal respecté. Semblables au lièvre de la fable, certains ne se préoccu-
pent de la rédaction que dans les jours qui précèdent la remise du
mémoire. D’où une précipitation nuisible : il faut du temps non seule-
ment pour bâtir le plan de l’ouvrage, mais aussi pour écrire, car l’on
manque d’entraînement, puis pour saisir ou faire composer son texte,
le relire, le relier. Certains délais, pour ainsi dire matériels, sont
incompressibles.
Prévoir donc les phases suivantes :
• Choix et détermination exacte du sujet : cela doit normalement se faire
au cours du stage et recevoir l’agrément du maître de mémoire. S’il
est en effet dangereux de fixer prématurément un sujet alors qu’on ne
se rend pas encore bien compte des possibilités offertes par le stage,
il est désagréable d’être obligé, plus tard, de revenir dans l’entreprise,
parfois éloignée, pour effectuer un complément d’enquête, surtout à
un moment où les cours ont repris.
• Plan détaillé et soumis au maître de mémoire ; prévoir des modifica-
tions éventuelles ; équilibre des parties, désir de présenter un point de
vue personnel, etc. Cette mise au point peut demander 8 à 15 jours
de travail.

leçon exercices travaux dirigés corrigés 307


• Rédaction. Deux préoccupations pour le candidat : tirer parti de la
documentation et présenter éventuellement, si la saisie est effectuée
par une autre personne, un manuscrit lisible.
• Révision du manuscrit : relecture et indications pour la mise en page.
• Délais de saisie.
• Correction de tous les exemplaires.
• Reliure de ces exemplaires.
• Remise à l’administration.

Le rapport traduit votre activité et votre esprit d’initiative,


communique vos résultats, engage votre responsabilité vis-à- vis
de l’entreprise ou de la collectivité.
Les rapports vous représentent ; vous serez jugé d’après
eux.

Quelques suggestions pour s’entraîner :


1 Présenter sous forme de rapport circonstancié et argumenté
une revendication que vos camarades désirent porter à la direction de
l’établissement (aménagement d’horaire, modification du système de
contrôle des connaissances, etc.). Cela aide parfois considérablement les
délégués étudiants aux Conseils d’Administration.
2 Une catégorie de rapports assez délicats à composer est celle qui
concerne un jugement à porter sur un candidat à un emploi, sur un homme.
Faites un rapport sur votre voisin de travail (soit que vous imaginiez
qu’il postule un poste de technicien auquel il se prépare, soit que vous
jugiez l’activité professionnelle qu’il assume déjà). Attention : ce n’est
pas votre sympathie qui compte, mais son aptitude ou ses difficultés
à tenir l’emploi en question.
3 Dans un rapport de trois pages au maximum, et au profit de
vos camarades de la promotion suivante, faites la critique de l’ensei-
gnement de formation générale de cette année (ce qui va, ce qui ne
va pas, vos suggestions, etc.).
4 (Ce sujet a donné d’excellents résultats.)
Rédigez un rapport proposant, avec précision, la création d’une
association d’anciens étudiants de votre établissement.

308 techniques de l’expression écrite et orale Le rapport



5 Composez le rapport d’un conseiller municipal voulant qu’un
sens unique soit institué dans une rue passante de la ville.
6 Entrée gratuite ou entrée payante au musée municipal ?
7 Rapport prônant la publication d’un journal des étudiants du
département ou de l’École.

leçon exercices travaux dirigés corrigés 309


Chapitre IX
L’expression orale
Si « le message écrit est un message différé au plan spatio-temporel » 1, si on
peut le corriger en cours d’élaboration mais non plus après son envoi, si le
scripteur est privé des réactions du ou des destinataires, le message oral, lui, est
immédiat, on mesure son effet sur l’auditeur, on bénéficie du droit de repentir,
de reprises (ce que les linguistes appellent la redondance), les paroles sont
confortées par la gestuelle, le regard, la mimique, la voix du locuteur.
La personnalité, le charme de l’individu tiennent aussi à son langage. Dans
l’intimité ou les situations quotidiennes, il faut parler comme l’on est, comme on
le désire.
Mais la spontanéité totale n’est plus de mise quand il s’agit de la fonction
sociale du langage. La tradition, les modèles imposés par le cadre de la
communication impliquent non pas une hypocrisie, mais une réserve et un
respect des us et coutumes. On doit rechercher un compromis entre sa
personnalité et le conformisme. L’excès de l’un ou de l’autre peut être nuisible.
C’est pourquoi ne seront ici envisagées que les interventions orales un
peu soignées que l’on a à assumer dans les relations professionnelles et sociales.

1. J. Peytard : Pour une typologie des messages oraux. In « La Grammaire du français parlé ». Le
Français dans le Monde, no 57, juin 1968.

leçon exercices travaux dirigés corrigés 311


I - LES PRÉSENTATIONS

Nous avons tous ressenti la gêne d’une première rencontre. Rien n’est
plus embarrassant que d’aborder un groupe de personnes dont cer-
taines ne nous sont pas connues. Si aucune d’entre elles ne nous
accueille d’une parole aimable, nous avons rapidement l’impression
d’être isolés, de ne pas participer à la conversation sur un pied d’éga-
lité. Nous devenons timides, maladroits, empruntés. Cela tourne par-
fois au supplice.
Il existe un moyen d’établir la relation entre individus, ce sont
les présentations. Elles détendent l’atmosphère, fournissent un point de
départ à l’entretien, et vous procurent de l’assurance. L’habitude vous
donnera de l’aisance à ce moment déterminant de la prise de contact,
votre comportement ultérieur en sera facilité.

䊐 A SE PRÉSENTER
Vous avez à le faire en l’absence d’intermédiaire.

1 Un homme aborde une personne inconnue


Il se nomme, surtout devant une femme, Louis Dupont , avec une légère
inclinaison de la tête. Il n’indique ses titres ou sa fonction profession-
nelle que si c’est un élément d’information utile pour l’entretien qui
va suivre.

1 Une femme
Se présente en faisant précéder à sa convenance son nom de Madame
ou Mademoiselle.
Une jeune fille donne son prénom et son nom : Clarisse Beau-
minois.
Attention : on ne se présente pas à n’importe qui, au passant à
qui l’on demande un renseignement sur un trottoir, par exemple.

䊐 B PRÉSENTER
Nous sommes reconnaissants envers ceux qui nous présentent à des
inconnus. Aussi ne manquons jamais de présenter les unes aux autres
nos relations qui ne se connaissent pas encore. C’est un devoir de
courtoisie.

312 techniques de l’expression écrite et orale L’expression orale



1 Règle générale
On présente toujours les hommes, quel que soit leur rang, aux fem-
mes ; la personne la moins importante à la plus importante ; les jeunes
aux plus âgées. Dans les cas embarrassants, agissez avec tact. Par exem-
ple, demandez auparavant à une haute personnalité si elle ne trouve
pas d’inconvénient à ce que vous lui présentiez telle ou telle personne
de votre entourage. Ne respectez la différence d’âge, surtout à l’égard
des femmes, que si elle est très marquée.

2 Les formules d’introduction


Je crois que vous connaissez M. James Bond.
Puis-je vous présenter M. James Bond ?
Vous aurez plaisir, j’en suis sûr, à connaître M. James Bond.
À un personnage important à qui l’on présente une femme :
Permettez-moi, Monsieur le Directeur Général, de vous présenter à
Madame Maigret.
Après l’une de ces formules, on nomme la personne à qui a été
faite la présentation :
Monsieur Hercule Poirot.
Avec des familiers, on peut ajouter quelques mots qui situent les
relations :
Je suis heureux d’avoir l’occasion de vous présenter mon ami William
Shakespeare , puis : Monsieur Jean-Baptiste Poquelin, mon ancien voisin de
chambre à la Cité Universitaire.

䊐 C LES FORMULES DE RÉPONSES


On emploie souvent le mot enchanté . Il est impropre. Seul celui qui est
supérieur peut l’utiliser.
À un égal, on dit simplement : Bonjour, Monsieur ou Je suis heureux
de vous connaître.
Un homme présente ses hommages à une femme mariée :
Madame, mes hommages .
À un supérieur, on se déclare honoré ou très honoré de lui être
présenté.
À une haute personnalité, un homme présente ses respects.

䊐 D REMARQUES
a) Pour une présentation, on se tient toujours debout , et sans
cigarette, les hommes sont découverts évidemment.

leçon exercices travaux dirigés corrigés 313


b) On regarde dans les yeux la personne que l’on salue.

c) On ne remet pas sa carte de visite à une femme en guise de


présentation.
d) C’est la femme ou le supérieur ou le plus âgé qui tend la main,
s’il le désire.
e) On donne les titres les plus courants : Monsieur le Docteur X ,
Monsieur l’Abbé W, le Capitaine Y, Maître Z (pour un avocat, un notaire,
un huissier), Monsieur le Directeur Général.

II - LA LECTURE À HAUTE VOIX



En maintes circonstances, on peut être amené à lire à haute voix, pour
citer par exemple un extrait d’un document.
Pour en avoir été parfois l’auditeur, vous savez que cet exercice
présente certains dangers : le lecteur ânonne, trébuche, se reprend, ou
bien, même si sa lecture est correcte, le ton et le débit sont si mono-
tones qu’on « perd le fil » au bout de quelques minutes.
Comment éviter ces difficultés ?
Trois impératifs : Être audible, clair et vivant.

䊐 A ÊTRE AUDIBLE

1 Articulez
Plus encore que l’exposé simplement parlé, dont l’auditeur suit aisé-
ment le cours grâce aux intonations personnelles, à toute la mimique
dont on accompagne inconsciemment ce qu’on dit, la lecture, moins
« vécue », doit parvenir à l’auditoire sans qu’il en perde un mot ni
une syllabe. Ne parlez pas entre vos dents ; ouvrez assez la bouche
pour qu’on entende parfaitement vos voyelles ; sans asperger de postil-
lons les malheureux du premier rang, faites sentir nettement vos
consonnes. Les exercices bien connus auxquels se livrent les apprentis
comédiens ne seraient pas ici sans utilité.

314 techniques de l’expression écrite et orale L’expression orale



2 Regardez l’auditoire
Si vous tenez les yeux obstinément fixés sur ce que vous lisez, d’abord
vous perdez le contact avec les assistants ; ensuite, votre voix ne
s’adresse qu’au plancher. Obligez-vous à lever la tête, et pour cela
tenez à la main le papier ou le livre que vous avez à lire ; vous n’avez
d’ailleurs pas besoin d’avoir constamment le texte sous les yeux :
comme l’œil va plus vite que la voix, habituez-vous à retenir un
ensemble de mots et à le dire tout en regardant votre auditoire. (Il est
évidemment préférable, quand cela est possible, d’avoir pris connais-
sance auparavant de ce qu’on aura à lire.)

䊐 B ÊTRE CLAIR
1 Les groupements de mots
Sous peine de devenir inintelligible, groupez, dans votre lecture, les
mots qui, pour le sens et la construction, constituent des sous-
ensembles de la phrase.
Ainsi on pourra grouper les mots comme indiqué dans l’exemple
suivant (le double trait marquant une pause plus importante) :
Le gouvernement japonais a annoncé,// mardi 17 mars, // des mesures de
stimulation de l’activité et de stabilisation des prix.// Celles-ci portent/ princi-
palement/ sur une baisse du taux d’escompte/ qui revient de 2,25 à 1,25 %,//
l’octroi anticipé de contrats de travaux publics,// une relance de la construc-
tion dans le secteur privé,// des mesures d’assistance financière aux petites
et moyennes entreprises/ très touchées depuis des mois,// comme le mon-
trent les nombreuses faillites/ qui se sont produites parmi elles.

Cependant l’emplacement et la durée des pauses ne dépendent


pas seulement du souffle du lecteur et de son intention de rendre le
texte intelligible, mais aussi du désir de faire ressortir telle ou telle
indication en fonction d’une situation de communication déterminée.

2 La ponctuation
Elle signale les principaux groupements qui doivent être respectés, et
dans une certaine mesure, la durée des diverses pauses. Mais il ne
suffit pas de régler mécaniquement sa lecture sur elle. Ainsi, dans
l’exemple proposé ci-dessus, l’adverbe principalement doit être détaché,
parce qu’il exprime une réserve importante et qu’il ouvre une énumé-
ration dont il faut bien marquer les termes successifs.

leçon exercices travaux dirigés corrigés 315


3 Les liaisons
La rencontre de certains sons est désagréable à l’oreille et donne à
la prononciation une allure saccadée qui peut même vous amener à
bafouiller. D’où la nécessité de respecter à la lecture, plus scrupuleuse-
ment que dans la conversation courante, les liaisons.
La liaison se fait entre deux mots groupés par le sens ; on dira
par exemple : « il parlait encore », « un problème particulière-
ment épineux », « d’autres aspects ». On ne fait pas la liaison
entre deux mots faisant partie de groupes différents ; on dira donc :
« ces problème(s)/ont perdu de leur intérêt », « sans eu(x)/on ne
peut rien faire ».
Si certaines liaisons sont obligatoires (par exemple, celles qui per-
mettent de distinguer le singulier du pluriel dans les conjugaisons : il
arrive/ils arrivent), d’autres sont facultatives (on peut dire par exem-
ple : « vous aussi » ou « vou(s)/aussi ») ; d’autres mêmes sont d’une
recherche excessive, peu naturelles : « vers elle », « de part et
d’autre ».
D’ailleurs, dans la pratique, l’usage est assez variable ; on a ten-
dance aujourd’hui à faire de moins en moins de liaisons. Retenez que
le langage soigné (conférence, lecture) lie davantage que la conversa-
tion familière. 1

䊐 C ÊTRE VIVANT
Même correcte et claire, la lecture, que l’on croit plus facile que la
parole improvisée, est très souvent morne, ennuyeuse et ne retient pas
l’attention des auditeurs. Pourquoi ? La parole est rendue diverse et
animée par la recherche de l’expression qui arrive aux lèvres selon la
vie de la pensée, tantôt lente, tantôt pressée, tantôt hésitante ; mais
dans la lecture à voix haute, l’esprit du lecteur se livre à une activité
plus mécanique, les termes lui sont fournis sûrement, régulièrement.
Du coup, le lecteur est entraîné vers une cadence monotone ; il lui
faut faire un effort pour l’éviter. Comment ? C’est une question de
rythme et de ton .

1. Vous trouverez, si nécessaire, des renseignements plus abondants dans la Grammaire du français
contemporain, Larousse, p. 24, § 27, ou dans La prononciation française, Traité pratique, de M. Gram-
mont, Delagrave, pp. 129-135.

316 techniques de l’expression écrite et orale L’expression orale



1 Changez de rythme
Que la vitesse de votre débit ne soit pas uniforme. Tout n’est pas
capital dans ce que vous lisez : vous pouvez lire plus vite – sans bre-
douiller – certains membres de phrase moins importants, et sur un
rythme plus large ce qui vous semble intéressant. Si vous avez par-
couru au préalable le texte à lire, vous pouvez prendre la précaution
de souligner les endroits où votre lecture sera plus lente, plus appuyée.
Par un arrêt marqué, un silence, rompez la régularité du débit,
détachez le mot important , celui qui doit frapper l’auditoire. Mais n’abu-
sez pas de ce procédé : si vous insistez en trop d’endroits, tout se
retrouvera au même niveau et l’attention trop sollicitée ne retiendra
rien.

2 Variez le ton
Vous savez ce que c’est qu’une voix monocorde : elle énonce tout sur
la même note . Il ne s’agit pas de chanter, bien sûr, mais d’étendre un
peu votre registre. Les interrogations que comporte votre texte, les
parenthèses sont déjà une occasion d’utiliser des « notes » plus hautes
ou plus basses.
Méfiez-vous des fins de phrases : ne laissez pas tomber la voix (ou
ne la montez pas) systématiquement.
Enfin, traduisez par vos inflexions de voix les intentions de l’au-
teur : ironie, gravité, mais seulement s’il y a lieu, et sans excès.

leçon exercices travaux dirigés corrigés 317


exercices

䊊 Ex 1 Articulez soigneusement la phrase suivante :

J’exige l’exactitude : c’est ici, songez-y, que se juge et se jauge le zèle d’un associé ;
sans ce soin assidu, sévissent les défaillances successives et surgissent sans cesse de
fâcheux incidents.

䊊 Ex 2 Quelles liaisons faites-vous dans ces phrases ? (Lire à haute voix


et assez rapidement.)

1. Nous avons étudié ensemble ce point particulièrement important. 2. Après avoir


pris livraison de vingt-deux envois successifs groupant cent échantillons, j’ai pu véri-
fier que tout était complet. 3. En parfait accord avec la direction, nous sommes
arrivés à la conclusion qu’il était absolument inutile de pratiquer des prix élevés.
4. Il est très important de s’entourer de collaborateurs actifs mais qui ne soient pas
trop autoritaires. 5. C’est très intéressant, vous êtes trop aimable. 6. Le prochain
envoi pourra avoir lieu bientôt : il n’y en a jamais assez. 7. Il faut soit écrire, soit
envoyer quelqu’un. 8. Quantité de travaux utiles ont été effectués en vue des Jeux
Olympiques. 9. Vu les dépenses immenses engagées et les sommes importantes
accumulées, industriels et commerçants ont été amenés à s’intéresser de très près
à l’affaire. 10. Sans rien en dire, pour mieux atteindre son but, il a accepté un poste
très élevé, mais en réalité trop important pour ses capacités.
Certaines expressions employées dans ces phrases ont été empruntées
à l’ouvrage de Pierre Fouché, Traité de prononciation française,
Klincksieck, 2e éd., 1959.

III - ADAPTER LE LANGAGE


AU DESTINATAIRE

Lorsque l’on veut transmettre une information de façon efficace, il
convient d’analyser la situation de communication. Deux éléments
sont particulièrement importants : la différence de quantité d’informa-
tion entre l’émetteur et le récepteur et les conditions matérielles de la

318 techniques de l’expression écrite et orale L’expression orale



transmission. Vous vous adressez à une personne ou à un groupe tra-
vaillant dans le même domaine que vous ? Inutile de délayer, on vous
comprendra tout de suite. Avez-vous la personne devant vous ou
l’avez-vous « au bout du fil » ? Ces diverses situations modifient non
seulement la « forme », mais le contenu de votre message. Et, dans la
communication orale, cette adaptation peut et doit être continuelle,
car, à chaque instant, vous observez, vous appréciez les réactions de
votre interlocuteur ; jeux de physionomie, gestes, paroles, inflexions
de la voix vous renseignent ; on vous comprend ou bien on ne vous
comprend pas. À vous de passer rapidement ou, au contraire, d’in-
sister.
Ainsi votre effort d’adaptation au destinataire porte simultané-
ment sur l’information même et sur le langage.

1 Un exposé concis, mais suffisant


Le souci d’éviter le bavardage ne fera pas tomber dans le défaut opposé
qui est la densité excessive. Dans les deux cas, on rend le message
obscur.
Or, très souvent, celui qui détient l’information se contente
d’énoncer un fait ou de décrire une situation, d’une façon très rapide,
très sèche. Il ne songe pas un instant à la difficulté pour un auditeur,
même attentif et favorablement disposé, à comprendre ce qu’on lui
dit, à en saisir toute la portée, surtout si cette information est très
nouvelle pour lui, si elle échappe à son expérience.
Il sera donc indispensable pour « faire passer » le message, non
pas de délayer, mais d’expliciter, de développer, de mettre en valeur,
de donner plus de détails.
Et si le niveau d’information est très inégal, il faut faire un véri-
table effort de vulgarisation . Dans de nombreux cas, il est vrai, la
communication n’est possible qu’entre spécialistes, ou alors le mes-
sage devient très pauvre. Vous admettez très bien que votre médecin,
votre électricien, votre garagiste simplifient la réalité pour vous en
donner une idée. Toutefois certaines personnes, même très savantes,
savent parfaitement intéresser un public très large et faire comprendre
des choses difficiles.

2 Un langage bien choisi


Ce dosage de l’information véhiculée par le langage s’opère en même
temps qu’une adaptation de ce dernier au destinataire et à la situation.

leçon exercices travaux dirigés corrigés 319


Il y a, à l’intérieur de chaque code, des niveaux différents : l’oral
peut être familier (conversation entre amis) ou soutenu (exposé),
l’écrit aussi (lettre personnelle, ou note de service). En somme, c’est
un peu comme si chacun de nous était plus ou moins « multilingue »
– tout en parlant la même langue ! Ce serait une erreur de vouloir
uniformiser tous ces niveaux de langue dans l’intention de respecter
les canons du « bon français », modèle unique et souverain. Toutefois
entre les divers éléments du langage à un niveau donné, une certaine
cohérence doit être maintenue : vocabulaire, tournures de phrases,
façon d’articuler font partie d’un ensemble, sont « assortis », pour
ainsi dire.
Ce qui est souhaitable, c’est de maîtriser plusieurs façons de s’expri-
mer ; par exemple, de posséder des « registres » assez divers pour que
ce ne soit pas le terme familier ou argotique qui vous vienne aux
lèvres en toute occasion – et seulement celui-là –, alors même que
vous le sentez déplacé.
Mais, si vous choisissez de rester familier par anticonformisme,
ce sera alors en toute connaissance de cause, non par ignorance et
manque de moyens « langagiers ».
Rappelons ici simplement deux exigences qui paraissent fonda-
mentales dans la transmission de l’information :
a) construisez des phrases simples, assez courtes. Ainsi vous ne
perdrez pas le fil, vous arriverez à boucler votre phrase sans peine,
mais surtout vous n’égarerez pas votre interlocuteur ;
b) ne lancez pas, par pédantisme ou par inadvertance, des mots
difficiles, techniques ou abstraits. Si ce vocabulaire est indispensable,
alors songez à le définir.

320 techniques de l’expression écrite et orale L’expression orale



exercices

䊊 Ex 3 Trouvez des équivalents, à un niveau de langue plus soutenu,
pour les mots suivants :
1. se débrouiller. 2. pagaille. 3. râler. 4. engueulade. 5. embêtant. 6. drôlement
(beau). 7. ne pas se fouler. 8. être emballé. 9. se tenir peinard. 10. c’est chouette.

䊊 Ex 4 Transposez les phrases suivantes à un niveau plus soutenu.


1. Quand il m’a dit ça, j’en revenais pas. 2. Tu l’as lu ? C’est drôlement bien. 3. Vous
en faites pas, je vais remettre la main dessus. 4. C’est pas que je veux pas, c’est
que je peux pas. 5. C’était couru, il en rate pas une. 6. Y a pas moyen de faire
autrement. 7. Faut pas compter sur moi pour accepter ce truc-là. 8. C’est pas la
peine de rouspéter, ça sert à rien. 9. On a commencé par se farcir un baratin d’une
bonne demi-heure. 10. Bon alors allons-y hein si ça ne vous fait rien ! (au début
d’une réunion, pour inviter à passer au travail sérieux).

䊊 Ex 5 Voici un paragraphe rédigé en français courant.

Récrivez-le : a) à un niveau plus recherché,


b) dans un langage plus populaire.
Je suis allé avec mes amis chinois visiter le Palais Impérial. Nous avons pris l’autobus.
Il était plein de voyageurs, on y était serré les uns contre les autres. Je me demandais
comment en sortir lorsque ce serait notre arrêt. Les Chinois semblaient être habi-
tués à cette bousculade. Ils gardaient le sourire. Je n’ai rien vu de la ville pendant
le trajet et je suis enfin descendu avec plaisir près de ce monument célèbre que
chacun doit avoir vu.

IV - L’INTERVENTION IMPROVISÉE

Nous parlons de la prise de parole non préparée que l’on est amené à
faire à l’improviste. Il faut, par exemple, donner une information un
peu développée, décrire un processus, fournir une explication assez
circonstanciée, développer un point de vue. On va devoir s’exprimer

leçon exercices travaux dirigés corrigés 321


pendant quelques minutes. Même une improvisation de trois minutes
paraît déjà longue si l’on n’est pas aguerri !
Avec un peu d’entraînement, vous réussirez à maîtriser assez vite
la technique de telles interventions.

䊐 A AVANT DE COMMENCER
Accordez quelques secondes à la réflexion :
• fixez-vous un objectif (qu’est-ce que je veux dire ?) ; déterminez en
quelque sorte votre idée de manœuvre. Non seulement vos idées
seront plus nettes, mais en plus vous gagnerez de la confiance en vous
parce que vous aurez effectué un choix tactique ;
• précisez dans votre tête le point d’où vous allez partir et celui auquel
vous voulez arriver. N’oubliez pas qu’une des difficultés de l’improvisa-
tion, c’est le démarrage et le bouclage de votre intervention. Ces deux
moments doivent être très fermes et très clairs. Si vous ne bredouillez
pas au départ, si vous terminez sur une formule bien assise, vous
donnez déjà une impression favorable ;
• essayez aussi de prévoir les deux ou trois parties ou articulations de
votre « discours », autrement dit mettez de l’ordre dans votre interven-
tion, ayez à l’esprit un plan simple. Inspirez-vous des conseils donnés
dans le chapitre II. Des structures modestes, comme l’addition, le
regroupement par catégories, l’opposition ou le mouvement linéaire,
peuvent être utilisées aisément. Écoutez les hommes politiques dans
les débats ou les conférences de presse : vous constaterez qu’ils font
souvent appel à ces plans pour organiser leurs réponses et qu’ils se
montrent ainsi habiles ou éloquents.
Si vous en avez le temps, en attendant par exemple votre tour de
parole, jetez sur un petit bout de papier les deux ou trois mots-clés qui
esquisseront votre plan et vous éviteront de connaître les affres du
« trou » de mémoire, notamment lorsque la situation de communica-
tion est un peu éprouvante pour vous.

䊐 B EN PARLANT
• Concentrez-vous sur la démarche que vous suivez ; tenez compte des
réactions de votre auditoire, mais sans vous laisser aller à des digres-
sions, sans perdre votre fil directeur.
• Gardez-vous de retours en arrière fréquents.
• Variez le rythme et l’intensité de votre voix.

322 techniques de l’expression écrite et orale L’expression orale



• S’il faut marquer quelques arrêts très brefs et ne pas précipiter le débit,
il convient aussi d’éviter les silences trop longs, marques d’embarras
dont un autre interlocuteur peut profiter pour vous enlever la parole.
• Marquez nettement que vous en avez terminé, par une phrase assu-
rée, une formule conclusive, et par le ton de votre voix.

䊐 C LES LEÇONS DE VOS EXPÉRIENCES


• Si vous n’êtes pas satisfait de votre prestation, analysez ce qui n’a pas
marché, reconnaissez ce qu’il aurait fallu dire autrement ; peu à peu,
vous progresserez, soyez-en certain.
• Réfléchissez aussi aux procédés et à la méthode de ceux qui, autour de
vous, vous semblent réussir des interventions efficaces ; on apprend
beaucoup par imitation comme vous le démontrent les peintres débu-
tants qui s’astreignent à réaliser des copies de tableaux de grands maîtres.
• Entraînez-vous enfin à l’aide d’un magnétophone dont vous vous servi-
rez comme d’un miroir vocal, mais en sachant que ces essais et répéti-
tions rendent un peu artificielle la situation de communication : vous
êtes alors seul et sans public.

V - L’EXPOSÉ PRÉPARÉ

Celui qui n’a pas l’habitude de prendre la parole en public s’en tiendra
d’abord à de courts exposés ; il trouvera ici des conseils pratiques qui
lui éviteront de commettre les maladresses du débutant.

䊐 A LA PRÉPARATION DE L’EXPOSÉ
Quelques-uns sont capables d’improviser ; qu’ils remercient la nature !
La plupart sont obligés de méditer ce qu’ils vont dire et de s’aider de
notes écrites. Quelles préoccupations doit-on avoir ?
Des notes trop sèches, trop réduites, vous laisseront peut-être
« en panne » : qu’ai-je voulu dire par là ? Qu’avais-je mis sous ce
titre ?
Les débutants ont plutôt tendance à rédiger le texte complet de
leur exposé : ils se sentent ainsi à l’abri, il n’y a plus qu’à lire... quitte
à endormir l’auditoire.

leçon exercices travaux dirigés corrigés 323


Évitant ces erreurs, vous relèverez un plan, très clair et assez
détaillé. Recherchez la formulation la plus brève et la plus nette ; utili-
sez des caractères de dimensions différentes ou des couleurs pour dis-
tinguer idées principales, idées secondaires, exemples... Numérotez ;
vous n’hésiterez pas d’ailleurs à annoncer ces divisions : « première-
ment, deuxièmement... »,
Écrivez entièrement votre introduction et votre conclusion , ce qui
vous permettra de ne pas bafouiller au départ et de terminer avec
fermeté.

䊐 B LA RÉUSSITE MATÉRIELLE DE L’EXPOSÉ


Des indications générales ont été données à propos de la lecture à haute
voix : articuler, regarder l’auditoire, etc. (voir partie II ci-dessus). Mais
certaines conditions, certaines difficultés sont propres à l’exposé.

1 Assurez-vous que tous vous entendent


Gênés par le « trac », absorbés par ce qu’ils ont à dire, les débutants
oublient parfois qu’ils doivent transmettre quelque chose à quelqu’un.
D’où des exposés inaudibles, même à 2 ou 3 mètres seulement, et
cette situation peut se prolonger jusqu’au moment où le public pro-
teste.
Parlez pour celui qui est le plus éloigné de vous. Ne criez pas :
c’est le moyen le plus sûr de se fatiguer et de n’être même pas écouté.
Une intensité de voix moyenne suffit habituellement, à condition que
vous articuliez avec soin.
Tenez compte des bruits ambiants (circulation dans la rue,
machines, etc.). Au besoin interrogez les auditeurs : « M’entendez-
vous bien ? ».
On produit plus souvent une mauvaise impression à cause d’une
diction défectueuse que par suite d’une insuffisance d’idées ou d’un
manque d’ordre.

2 Le micro n’est pas la panacée


Beaucoup manifestent une fierté naïve lorsqu’ils se trouvent devant un
public et... un micro (Me voilà présentateur !).
Vous serez dispensé d’efforts vocaux, mais n’oubliez pas :
1 de mettre au point l’installation (essai, réglage d’intensité, éli-
mination des résonances, des sifflements),

324 techniques de l’expression écrite et orale L’expression orale



2 de vous « adapter » au micro (distance de 25 à 30 cm, orienta-
tion de l’appareil, articulation nette),
3 d’éviter tout bruitage intempestif (faire glisser les feuilles l’une
sur l’autre sans les tourner ; ne pas les tenir à la main si l’on tremble ;
ne pas bousculer le micro ni déplacer le fil ; se méfier des boutons de
manchettes qui viennent heurter la table à intervalles irréguliers ; éli-
miner bruits de bouche, raclement des pieds, grincement du siège ;
se moucher de côté, etc.).
Ces contraintes matérielles ont pour effet de figer celui qui parle :
plus question de se lever et de s’asseoir, de se déplacer, d’aller au
tableau et de revenir. Quelques mouvements des bras et de la tête sont
seuls permis ; à vous de ne pas les rendre trop mécaniques. Il existe
des micros sans fil, « baladeurs », des micros « cravates », qui donnent
de l’aisance à votre gestuelle.

3 Utilisez adroitement le tableau


Si vous le pouvez, dessinez à l’avance vos croquis, schémas, etc. Le
tableau dit de conférencier (chevalet sur lequel est fixée une liasse
épaisse de feuilles de grand format) est, malgré ses dimensions plus
restreintes, souvent préférable au tableau noir traditionnel : couleurs
plus vives et plus variées, liberté de préparer et de conserver de nom-
breuses pages d’inscriptions, de revenir en arrière.
Dans ce cas, il vaudrait mieux ne démasquer votre tableau qu’au
moment de vous en servir. Vous produirez ainsi un léger effet de
surprise et surtout vos auditeurs n’auront pas été distraits par vos
« graffiti » depuis le début de l’exposé. Placez-vous de côté, pour ne
gêner personne, au cours de la démonstration ; munissez-vous d’une
règle ou d’une baguette.
Soyez persuadé que votre exposé sera plus efficace si vous utilisez
un tableau ou si vous montrez une pièce, une maquette, etc. Mais
connaissez bien votre sujet, car il vous sera plus difficile de consulter
des notes en même temps.

䊐 C INTÉRESSER L’AUDITOIRE
Sans doute entre spécialistes appréciera-t-on surtout la valeur, la
nouveauté de l’information, mais on sera sensible à l’agrément de la pré-
sentation. Les exposés les plus techniques, les plus arides peuvent être
vivants.

leçon exercices travaux dirigés corrigés 325


1 Retenez l’attention
• N’oubliez pas que l’auditeur ne peut, comme un lecteur, revenir en
arrière, s’il s’est égaré, pour reprendre la bonne direction. Il faut donc
être d’une netteté encore plus évidente qu’à l’écrit dans l’enchaînement
des idées ou des faits. Pour cela, n’hésitez pas à marquer avec force
les articulations de votre discours ; les transitions dans ce cas peuvent
être plus lourdement soulignées que dans un texte écrit : mieux vaut
un peu de lourdeur qu’une subtilité ingénieuse qui risque de n’être
pas saisie au vol. (Vous pouvez même présenter au tableau le schéma
de votre discours, au fur et à mesure).
• Tout message oral subit obligatoirement une perte : un moment
d’inattention, une toux malencontreuse, et l’auditeur aura perdu un
passage pourtant essentiel. D’où la nécessité de se répéter lorsqu’un
point de l’exposé est particulièrement important, pour être sûr qu’il a
bien « passé la rampe ». Ne soulignez pas votre insistance par une
phrase maladroite (« je me répète un peu, je m’en excuse »), efforcez-
vous plutôt de varier les formulations d’une même idée.
• Ne pas ennuyer doit être la première préoccupation. L’auditoire est, en
général, très attentif au début d’un discours, assez attentif sur la fin, mais
il y a un redoutable creux de la vague vers le milieu. Il faudra tenir
compte de cette courbe habituelle et réagir dès que vous sentirez que vos
auditeurs, qui se sont fait une opinion sur vous et sur vos idées, vous
« lâchent ». Évitez pour cela deux écueils : obscurité, monotonie.
• Variez le parcours : la monotonie est très pénible pour l’auditeur et...
pour l’orateur qui se rend souvent compte qu’il est ennuyeux comme
un jour de pluie, mais ne sait où trouver un rayon de soleil. Vous
éviterez l’uniformité :
• dans la matière même du discours, en faisant succéder à un dévelop-
pement abstrait un exemple concret, parfois en citant une anecdote
amusante et significative ;
• en coupant votre exposé par la projection de vues fixes, de films,
par la communication de notes écrites, etc ; au besoin, distribuez des
textes (schémas, graphiques, dessins, statistiques, etc.) pour faciliter
et éclairer vos explications.

2 Animez votre exposé


Si vous manquez de dons naturels, ne sombrez pas dans le pessi-
misme : la réflexion, l’entraînement et l’expérience peuvent amener
des progrès surprenants. On apprend à parler.

326 techniques de l’expression écrite et orale L’expression orale



• Variez les formules d’entrée en matière et de conclusion. Le cha-
pitre VI vous en propose de bons exemples.
• Prévoyez des « relais », des moments où vous ressaisirez un audi-
teur qui se lasse vite, même pour un bref exposé : présentation
piquante d’un argument, comparaison, tour interrogatif, exclamatif,
trait d’humour, etc. Si vous n’osez vous fier à votre « créativité »,
préparez à l’avance ces formules.

3 L’efficacité
Dans ce genre de « discours », on s’efforce avant tout de bien « faire
passer » une information ou une opinion, c’est-à-dire d’être exacte-
ment compris.
Rappelons seulement ici trois moyens pour « être suivi » et atti-
rer l’attention sur l’essentiel :
• bien marquer la succession des développements ; indiquer au
besoin le plan ;
• formuler avec vigueur les idées principales, en particulier celles
qui trouvent naturellement leur place au début et à la fin de chacun
de ces développements ;
• changer de rythme, de force et d’intonation. Quand vous indiquez
un résultat important de votre enquête, ralentissez, articulez davan-
tage, changez de ton (voix plus grave généralement).
Vous pouvez aussi répéter (sans en abuser), ménager un court
silence avant ou après, etc. Inutile de multiplier les conseils théo-
riques : que chacune de vos expériences soit une occasion de réflexion
et de progrès.

VI - LA COMMUNICATION
TÉLÉPHONIQUE

Le téléphone établit un contact rapide et direct entre deux individus. Mais
il ne devient pas pour autant le seul moyen de communication. Il ne
remplace :
• ni l’entretien de vive voix : le « coup de fil » n’excède normalement
pas 5 minutes, sinon il encombre le réseau intérieur de l’entreprise.

leçon exercices travaux dirigés corrigés 327


De plus, les interlocuteurs sont privés des gestes, des jeux de physio-
nomie, des regards qui accompagnent une conversation, ainsi que de
la consultation en commun d’un document ;
• ni la communication écrite : le « coup de fil » ne laisse aucune trace,
il intervient pour l’appelé dans des conditions qui n’assurent pas tou-
jours l’efficacité de l’échange.
Donc le téléphone n’est pas utilisé au hasard ou à tout propos.
On le réserve à des services précis :
– prendre un rendez-vous,
– demander un renseignement,
– donner une information brève,
– régler les questions urgentes : excuses, incident, modification
d’une activité prévue, etc.
Dans le travail, la communication n’est pas adressée à n’importe
qui n’importe comment. Elle exclut le bavardage.
Dans la vie privée, ce n’est un moyen de correspondance qu’avec
les intimes. On n’appelle pas avant 9 h ni après 22 h, sous peine de
transformer la sonnerie en supplice ; on épargne les heures des repas,
à moins que ce ne soit l’unique moment où l’on puisse atteindre son
correspondant.

Le téléphone conserve son efficacité, si la communication est


brève, motivée et opportune.

䊐 A AVANT D’APPELER
L’appel téléphonique et le contenu du message doivent être per-
tinents et, pour cela, préparés.

1 Préparation matérielle
• Rassembler devant soi de quoi écrire, les documents qui peuvent être
nécessaires, son carnet d’adresses, son agenda pour un RV éventuel.
• Assurer les conditions d’une communication tranquille : on ne télé-
phone pas d’une cabine dans la rue pour demander des renseigne-
ments techniques délicats ; si l’heure d’appel a été convenue, on la
respecte ; on se libère à temps ; etc.

328 techniques de l’expression écrite et orale L’expression orale



2 Préparation de l’entretien
• Que va-t-on dire ou demander ? Une réflexion préalable fera noter un
petit plan qui servira de guide.
• Qui appeler ? On détermine la personne ou le service précis auxquels
il faut s’adresser ;
• Quand ? On tient compte des heures favorables ; avec de l’expérience,
on se souvient des habitudes de ceux qu’on appelle fréquemment ; on
ne « sonne » pas un collaborateur quand on le sait occupé à un travail
délicat.

䊐 B L’ENTRETIEN

1 Le demandeur
S’assure de l’identité de son correspondant :
– le no ou le nom de la collectivité ?
– le poste ? la personne ?
– ou, plus directement : « Est-ce Monsieur un tel qui est à l’appa-
reil ? » ou encore : « Un tel ? »
– il prie qu’on l’excuse s’il s’est trompé ;
– s’il doit parler longtemps, il demande d’abord si le correspon-
dant dispose du temps nécessaire.

2 L’appelé
Se fait reconnaître :
« Ici Rastignac, ou l’Entreprise Bidon, ou l’atelier de montage. »
Un responsable dit : « Ici le Directeur du bureau d’études. »
Un employé : « Ici Valenod, de l’Hôpital départemental. »

3 Pour tous
– Ne pas crier, mais articuler distinctement et ralentir un peu le
débit habituel ;
– ne pas livrer de noms inconsidérément, ou de secrets ;
– réduire les formules de politesse, surtout dans le travail ;
– pour mettre fin à l’entretien, remercier (c’est en général
compris) ou présenter des excuses : « Je ne veux pas vous importuner
davantage. »

leçon exercices travaux dirigés corrigés 329


䊐 C APRÈS
On ne passe pas tout de suite à autre chose, on prend le temps de
noter ce qui est important.
– On prend les dispositions conséquentes : retenir un rendez-
vous, diffuser l’information reçue si elle est destinée aussi à d’autres.
– On prépare la lettre de confirmation ou le « pour mémoire » qui
viendra fixer la conclusion d’un entretien important.

䊐 D EN PRÉSENCE D’UN TIERS


– On demande l’autorisation, au moins par un geste, si l’on
accepte une communication.
– Si la communication est pour le visiteur, ne pas demander
l’origine de l’appel, mais dire : « Je vous prie de ne pas quitter, je vais
voir. » Et, si possible, laisser seul le visiteur, par discrétion.

VII - DISCUSSIONS ET TRAVAIL


EN GROUPE

De plus en plus, dans les entreprises comme dans les associations, les
décisions sont élaborées au cours de réunions. Les idées de chacun
sont sollicitées, et il faut apprendre à participer efficacement à cette
forme de consultation et d’activité collective. Le vocabulaire, sans cesse
renouvelé à ce sujet, en prouve le succès : ce ne sont partout que
colloques, débats, symposium, journées d’études, séminaires, congrès,
rencontres, briefings, sessions, etc. Nous limitons notre examen aux
réunions de travail , mais la plupart des modalités qui concernent votre
intervention sont à peu de chose près les mêmes si vous participez à
des assemblées plus vastes.
Les notions de dynamique de groupe, de psychologie ne seront pas
évoquées ici, mais vous devez être convaincu de leur importance et
acquérir, autant que possible, les connaissances indispensables en ce
domaine. Nous nous intéressons seulement, et sommairement, à la
communication par le langage à l’intérieur du groupe de discussion.
Vous noterez la différence entre le débat (confrontation d’opi-
nions déjà établies et qui cherchent chacune à l’emporter sur les

330 techniques de l’expression écrite et orale L’expression orale



autres) et la discussion (recherche collective d’un accord, de la meilleur
solution possible). C’est bien entendu de cette dernière que nous nous
occupons.

䊐 A CONNAÎTRE L’OBJECTIF
ET LES MODALITÉS DE LA DISCUSSION
L’animateur de la réunion doit réfléchir à la forme et au contenu de
la discussion, le participant doit s’en informer pour jouer un rôle utile.
Faute de ces mises au point préalables, la réunion sera mal préparée,
l’échange incohérent, et le but souhaité ne sera pas atteint.

1 Un objectif précis
Fixé en tenant compte des possibilités, des intentions et des circons-
tances, il détermine la nature de la réunion. En gros, les objectifs se
réduisent à deux types :
• L’information et la recherche : on ne désire pas aboutir à une prise
de position collective, on ne vise qu’à échanger, opposer, susciter
des points de vue ; les participants explorent, parfois à l’aide de leurs
contradictions, des faits ou des idées. La discussion appelle l’interven-
tion de chacun, la mise en commun des connaissances, des expé-
riences, des réflexions. Plus que de compétition, il s’agit de
coopération ; plus que de controverse, il s’agit de critique construc-
tive. Une discussion de ce type représente souvent un moment d’in-
vestigation collective en cours d’études, avant la phase terminale qui
sera celle de la décision à prendre. Dans les entreprises, de telles
séances sont organisées pendant la préparation d’un projet. Ces discus-
sions ouvertes assurent en même temps une large information de tous les
participants.
• La décision : la discussion est prévue pour qu’à son terme soit déga-
gée une conclusion reconnue préférable par la majorité ou par les
responsables qui cherchaient à être éclairés. L’objectif en ce cas peut
être :
a) Un choix théorique ou d’orientation générale : l’examen des idées
ou des positions est conduit de façon à éliminer les propositions qui
paraissent les plus fragiles, les plus aléatoires ou les plus difficiles,
au profit de celle qui présente le maximum d’avantages : adaptation,
efficacité, etc. La discussion porte sur des principes et des options dont

leçon exercices travaux dirigés corrigés 331


on n’envisage pas encore les détails d’application, sur des ensembles
plus ou moins complexes et abstraits.
b) Une décision d’action : elle suit souvent la résolution précédente
sur les principes ; la discussion a un caractère pratique et concret ; elle
mène à la détermination d’une activité précise. Le choix porte sur des
points matériels. Il en va ainsi pour la commande d’une nouvelle
machine comptable, pour fixer le calendrier d’une opération de diffu-
sion, etc.
C’est à ce stade que les jeunes cadres seront surtout consultés.
Une action de grande envergure dans l’entreprise, comme la
fabrication et le lancement d’un nouveau produit, provoque des dis-
cussions à tous les niveaux et chacun se trouve amené à participer à
la discussion, à un moment ou un autre de l’opération : soit au stade
de l’exploration, soit à celui de la décision d’ensemble, soit lors de
l’application et de l’exécution.

2 Des conditions de travail


• L’organisation matérielle
On disposera le mobilier de façon à faciliter les échanges, la participa-
tion active de chacun. On sait combien la disposition traditionnelle
des salles de cours crée une idée de dépendance à l’égard du maître
et interdit à peu près d’autres échanges qu’avec lui. On placera donc
sièges et tables, autant que possible, de manière à ce que tous les
participants soient au même niveau et se voient de face (disposition
en cercle, rectangle, triangle...).
• Le sujet
Il a été quelquefois précisé avant la réunion, ou bien il est annoncé
dès le début par l’organisateur. S’il ne paraît pas suffisamment expli-
cite, vous devez poser toute question permettant de le circonscrire.
Un thème trop vague ne suscitera pas une décision précise : le sujet,
par la force des choses et au besoin suivant l’évolution de la discussion,
sera proportionné aux autres conditions de la réunion ; souvent les
interventions obligent à le redéfinir.
• Les participants
a) Que le groupe ou l’assemblée soit réuni régulièrement ou
occasionnellement, vous serez attentif au comportement collectif et
vous vous y adapterez. Vous décèlerez les personnes qui jouissent
d’une autorité reconnue, qui, comme on dit, ont l’oreille de l’assem-

332 techniques de l’expression écrite et orale L’expression orale



blée. Vous déterminerez le degré d’attention, l’intérêt pris à la discus-
sion, les réactions de corps ou l’esprit d’indépendance dont les
participants font preuve. Vous adapterez la durée de vos interventions,
votre ton, le niveau de votre vocabulaire, la concision de vos propos
au degré d’information, de compétence et à la position sociale ou
individuelle des autres.
b) Vous tiendrez compte aussi de certains caractères individuels :
un tel supporte mal la contradiction directe, vous éviterez de le heurter
inutilement ; un autre prend prétexte de tout pour monopoliser la
parole, vous veillerez à ne pas lui tendre la perche. C’est là le moment
d’exploiter votre expérience et, éventuellement, votre formation psy-
chologique.
c) En fonction de cette reconnaissance des autres participants vous
vous situerez vous-même. Êtes-vous sur un pied d’égalité avec eux tous ?
Devez-vous respecter une hiérarchie ? Vous trouvez-vous dans un
milieu familier et avec lequel vous communiquez facilement ou dans
une compagnie qui vous est étrangère et par laquelle vous avez à vous
faire admettre ? Assistez-vous comme simple observateur ou comme
participant de plein droit ?
• La durée
Elle n’est pas toujours fixée à l’avance ni surtout observée rigoureuse-
ment en fait. Mais il est bon de ne pas la perdre de vue. Votre interven-
tion variera d’après l’heure, le rythme des travaux. Vous saurez que la
dernière partie d’une discussion est la plus délicate et que ce n’est plus
le moment de développer des détails secondaires.
• La nature de la réunion
a) Entretien informel
Si la discussion est improvisée, ne se déroule pas dans un cadre hiérar-
chique ou institutionnel, ou si volontairement elle n’est pas dirigée ni
organisée, les participants jouissent d’une liberté d’intervention et de
point de vue. Dans ce type non directif d’entretien et de confrontation,
la discussion est une création collective et chacun peut apporter géné-
reusement des idées auxquelles il tient ou que la discussion fait naître
en son esprit. Alors aucune règle ne s’impose, mais il faut savoir
malgré tout que plus ou moins rapidement une ou plusieurs personna-
lités, les plus actives, les plus autoritaires ou les plus compétentes, se
révéleront comme jouant un rôle directeur – de « leader » – dans
l’évolution du débat. Si vous voulez être efficace au cours d’une telle

leçon exercices travaux dirigés corrigés 333


discussion, vous avez toujours à tenir compte de ce qui a été dit avant,
de l’évolution des positions des autres, du progrès de la réflexion et
de l’objectif proposé ou auquel vous désirez vous-même parvenir.
Vous n’avez pas à respecter une procédure. Mais vous devez prendre
conscience des relations qui s’établissent entre les personnes et les
opinions. Et cette observation guidera vos interventions.
b) Discussion dirigée
Bien que la discussion non-directive connaisse une faveur provoquée
par les recherches sur la dynamique des groupes, bien qu’elle contri-
bue au développement de la personnalité dans le cadre social et profes-
sionnel, elle ne peut constituer la forme la plus fréquente de la réunion
de travail. Elle exige du temps, des techniques précises et ne parvient
pas facilement à une solution du problème posé. C’est pourquoi, bien
souvent, vous serez convié à des réunions dirigées, que la structure
soit définie par des règles ou par la volonté de l’organisateur ou par
l’accord préalable des participants.
Le directeur (président-responsable-animateur) assume alors une
fonction très nette :
– il veille à ce que la discussion ne s’écarte pas du sujet,
– il ordonne la succession des interventions, et assure la liberté
d’expression de chacun,
– surtout quand la discussion devient plus confuse, il essaie de
faire le point, de résumer ce qui a été dit et de faire progresser l’exa-
men collectif,
– au terme de la séance, c’est lui qui fait la synthèse des résultats
obtenus.
Le participant doit se plier à la discipline imposée par l’anima-
teur, tout en réclamant, si besoin est, la prise en considération de son
point de vue. Il vous faut donc connaître les règles et habitudes obser-
vées si la discussion a lieu dans un cadre institutionnel ou hiérarchique
(société, réunions organiques ou régulières, etc). Vous tâcherez de
vous en informer auparavant. À défaut, l’observation vous renseignera.
• Les documents de travail
Fréquemment les assistants sont pourvus de rapports fournissant les
éléments d’information préalable. Ou bien un exposé est fait au départ
de la discussion. Il faut les étudier, s’y référer, et éviter de perdre du
temps en reprenant ce qu’ils contiennent. Il faut aussi ne pas hésiter à
demander les précisions souhaitables.

334 techniques de l’expression écrite et orale L’expression orale



Lors de cet examen des documents, vous noterez les points discu-
tables, et donnerez ainsi une base à vos interventions.

䊐 B VOTRE INTERVENTION

1 Écouter
Quelle que soit votre impatience d’exprimer votre opinion, rappelez-
vous que dans une discussion vous n’êtes pas seul et que vous assumez
un rôle social. Ce que pensent et disent les autres est aussi important
que la valeur propre de votre point de vue. Sachez être un auditeur
actif, c’est-à-dire ne méprisant ou ne négligeant pas a priori la pensée
d’autrui, s’efforçant de suivre et de comprendre les diverses idées,
cherchant à en saisir les motivations, étudiant leurs faiblesses ou leurs
qualités. Dans une discussion animée, ne vous fiez pas à votre
mémoire. Chaque point de vue nouveau chasse les précédents. Nous
vous conseillons d’inscrire sur une feuille en deux ou trois mots le
sens de chaque intervention, quitte à prendre des notes plus précises
quand un participant développe un argument important ou quand
vous critiquez ce qui est dit. Ainsi vous préparerez une intervention
pertinente.

2 Que dire ?
Évitez :
a) l’excès de timidité qui contraint le débutant au silence, et lui
laisse ensuite des regrets quand il se rend compte que d’autres expri-
ment des idées qu’il avait lui-même déjà trouvées ;
b) l’intempérance et la confusion d’interventions multipliées :
vous lassez, vous agacez.
Dégagez nettement le point de vue auquel vous tenez, cherchez
des formules capables de le mettre en valeur, proscrivez toute redite
de ce qui a déjà été lancé dans la discussion. Songez par avance aux
objections possibles.

3 Quand le dire ?
C’est affaire de tactique.

leçon exercices travaux dirigés corrigés 335


a) Surtout pendant votre apprentissage, essayez de placer votre
intervention dans le courant de l’échange. Qu’elle soit en rapport avec
ce qui précède, liée aux autres interventions.
b) Plus aguerri, vous pourrez choisir au contraire de provoquer
un retournement ou un déplacement du débat, en en rompant le
cours.
c) Si vous vous sentez assez sûr de vous-même, vous opterez
pour une intervention dès les débuts de la réunion, afin de l’orienter
dans la direction que vous souhaitez. En ce cas, vous aurez pu préparer
avec soin ce que vous allez dire, peut-être même diffuser un texte.
d) Mais il est souvent habile aussi de laisser les autres s’exprimer
avant, pour que les généralités, les lieux communs, etc. soient
déblayés ; pour mesurer également les forces et les intentions en pré-
sence. L’originalité, la fermeté de votre intervention apparaîtront
mieux ensuite. N’oubliez pas que les décisions sont arrêtées dans la
dernière partie de la discussion.

4 Comment le dire ?
Deuxième aspect tactique. Le choix des arguments, du style, du ton
de votre prise de parole, leur adaptation à la situation ponctuelle de la
discussion sont à méditer. Votre calme après un intervenant coléreux,
votre netteté après un moment désordonné impressionneront.
En définitive, ce qui compte, c’est de se faire écouter, d’apporter
du nouveau et du sérieux à l’effort collectif. On néglige qui ne dit
rien, on s’irrite contre les bavards impénitents, on apprécie ceux qui
offrent, même maladroitement, une collaboration franche et nette
dans l’examen d’une question importante.

VIII - ENTRETIENS ET NÉGOCIATIONS



Une certaine maîtrise du dialogue est nécessaire dans diverses situations
de la vie professionnelle. Il en est ainsi à l’occasion :
• de la réception d’un visiteur. Ce technicien étranger à votre entre-
prise ou ce client, vous serez chargé de le piloter dans la maison et

336 techniques de l’expression écrite et orale L’expression orale



même dans la ville. Vous aurez alors une responsabilité particulière : le
visiteur sera enclin à juger l’entreprise en fonction de votre personne ;
• d’un échange de vues sur une question technique, commerciale, etc.
Ces conversations, qui jouent souvent un rôle préparatoire, sont fré-
quentes ;
• d’une véritable négociation qui aboutit à un accord (de fabrication,
de vente, etc.).

1 Préparation
À moins d’être très habitué, vous préparerez l’entretien en réfléchis-
sant à :
• ce que vous voulez obtenir (telle image de l’entreprise, telle convic-
tion,...) ;
• la personnalité probable de l’interlocuteur. Parfois même vous aurez,
s’il vient d’un pays étranger, à rafraîchir votre connaissance des usages
propres à ce pays ;
• la base de votre argumentation : faits, documents, etc ;
• votre tactique.

2 Conduite de la discussion
a) L’abord
Les formules de politesse (voir partie I ci-dessus : Les Présentations),
les libertés que l’on peut se permettre varient selon l’individu, la natio-
nalité. On sait, par exemple, qu’il y a, en Amérique, une familiarité
plus grande qu’en France entre un chef d’entreprise et ses ouvriers ou
cadres, alors qu’au Japon les marques de respect sont plus accentuées.
b) Souplesse...
Vous ne développez pas en général votre argumentation d’une façon
continue, comme dans une conférence ou un exposé, mais vous enga-
gez une conversation. Vous ne pourrez habituellement disposer vos
arguments dans l’ordre prévu, d’abord parce que les réponses de votre
interlocuteur vous feront souvent dévier et ensuite parce que, lui aussi,
entend placer les siens. Le dialogue demande donc une très grande
souplesse.
c) et fermeté
Vous n’en suivrez pas pour autant votre partenaire sur tous les terrains
où il vous entraîne, ni ne renoncerez à « placer votre balle » à un
autre moment.

leçon exercices travaux dirigés corrigés 337


Cette liberté d’allure qui parfois joue contre vous, souvent aussi
vous autorise à couper court pour « revenir à vos moutons » et à ne
pas trop vous préoccuper de la rigueur des enchaînements.
Ce qui est indispensable, c’est d’être bien fixé sur ce qu’on veut
dire, de ne jamais le perdre de vue et de saisir la meilleure occasion
de le dire.
d) Tactiques
S’il est imprudent de prévoir un plan rigide de discussion, vous devez,
surtout pour une négociation, non seulement avoir médité vos argu-
ments principaux, mais aussi la tactique à employer : « Vais-je réserver
le meilleur atout pour la fin ou, au contraire, jeter le gros des forces
dans la bataille dès le début ? Par quels moyens amener mon interlocu-
teur à découvrir, le plus vite possible, ses intentions ?, etc. ».
N’oubliez pas que vous n’avez pas seulement à défendre votre
intérêt ou celui que vous représentez ; vous pouvez marquer des
points en montrant à l’adversaire l’avantage qu’il retirera de son côté
en admettant la solution que vous proposez. Ne perdez jamais de vue
l’intérêt ni la perspective de votre vis-à-vis.
Et laissez-le s’exprimer, développer sa thèse et ses idées. Vous
éviterez de l’irriter, et vous connaîtrez les aspects de sa position. La
négociation ne doit jamais tourner au diktat de l’une des parties.
Quelles qu’aient été vos prévisions, il vous faudra peut-être tout
modifier au dernier moment en fonction de votre partenaire. Sa per-
sonnalité ou son humeur ne seront pas toujours celles que vous atten-
diez !
La conversation, encore plus que la conférence, veut de la mobi-
lité, une capacité d’adaptation instantanée.

3 Les résultats
Si le dialogue aboutit à un accord, à une décision d’action commune,
vous n’oublierez pas que :
• une négociation, c’est un compromis. Chaque partenaire est amené
à lâcher du lest. À vous de bien déterminer à l’avance jusqu’où il vous
est possible d’aller ;
• toute ambiguïté, toute formule vague est dangereuse pour la suite.
Ainsi, le délai prévu pour une fabrication, une livraison, devra être
précisé.

338 techniques de l’expression écrite et orale L’expression orale



4 Les traces
• Dans l’entreprise, vous aurez d’ordinaire à rendre compte de l’entre-
tien, parfois oralement, plus souvent par écrit. Ce compte rendu (voir
chapitre VII, partie II, C) constitue un document important. Il vous
obligera à un effort de rédaction : entreprenez- le sans tarder surtout
si vous ne disposez pas d’un enregistrement de la conversation, ni
même de quelques notes écrites
• Votre interlocuteur (ou son chef de service) attend une lettre qui
rappelle l’essentiel de l’entretien et éventuellement, s’il n’y a pas eu
signature d’un contrat, confirme les clauses d’un accord oral.
Ces dialogues professionnels n’exigent pas seulement de la
compétence technique, mais aussi une habitude de l’argumentation,
de l’habileté tactique et plus généralement le sens des relations
humaines.

leçon exercices travaux dirigés corrigés 339


corrigé des exercices

䉲 Ex 1 Pas de corrigé. Vous pouvez vous entraîner et vous contrôler avec l’aide
d’un magnétophone ou bien en travaillant à deux.

䉲 Ex 2 1. Nous avons étudié ensemble ce point particulièrement important.


2. Après avoir pris livraison de vingt- deux envois successifs groupant
cent échantillons, j’ai pu vérifier que tout était complet. 3. En parfait ac-
cord avec la direction, nous sommes arrivés à la conclusion qu’il était absolu-
ment inutile de pratiquer des prix/élevés. 4. Il est très important de s’entourer
de collaborateurs/ actifs mais qui ne soient pas trop autoritaires. 5. C’est
très intéressant, vous êtes trop aimable. 6. Le prochain envoi pourra
avoir lieu bientôt : il n’y en a jamais assez. 7. Il faut soit écrire, soit envoyer
quelqu’un. 8. Quantité de travaux/utiles/ont été effectués/en vue des
Jeux Olympiques. 9. Vu les dépenses/immenses/engagées/ et les sommes/impor-
tantes/accumulées, industriels et commerçants/ ont été amenés/à s’intéresser de
très près/à l’affaire. 10. Sans rien en dire, pour mieux atteindre son but, il a
accepté un poste très élevé, mais en réalité trop important pour ses capa-
cités.

䉲 Ex 3 1. Se débrouiller : se tirer d’affaire, s’arranger, faire en sorte que (ou de).


2. Pagaille : désordre, gabegie, fouillis, fatras. 3. Râler : protester, grogner.
4. Engueulade : réprimande, semonce, dispute. 5. Embêtant : ennuyeux, fastidieux,
contrariant, fâcheux. 6. Drôlement : très (beaucoup), extrêmement, singulière-
ment. 7. Ne pas se fouler : faire peu d’efforts, ne pas se donner beaucoup de
peine. 8. Être emballé : être enthousiasmé, enchanté. 9. Se tenir peinard : rester
à l’abri, éviter les risques, se tenir tranquille. 10. C’est chouette : quelle chance,
c’est beau, c’est agréable, c’est confortable...

䉲 Ex 4 1. J’ai été très (extrêmement) surpris par ce qu’il m’a dit (appris). 2. L’avez-
vous lu ? C’est remarquable (très intéressant ; passionnant). 3. Rassurez-vous, je
vais le retrouver. 4. Ce n’est pas manque de bonne volonté (de ma part), mais
impossibilité absolue. 5. Cela devait arriver ; il est coutumier du fait. 6. Je ne vois
pas d’autre méthode (solution). 7. N’espérez pas que j’accepte cet arrangement
(proposition...). 8. Les récriminations sont bien inutiles. 9. Nous avons d’abord dû
subir un assez long exposé. 10. Commençons, si vous le voulez bien.

340 techniques de l’expression écrite et orale L’expression orale



䉲 Ex 5 1. Mes amis chinois ont eu la gentillesse de me conduire au fameux Palais
Impérial qui fut jadis la Cité interdite. Nous nous y rendîmes en utilisant les trans-
ports en commun. Cet autobus était si bondé que les passagers se pressaient dans
une promiscuité invraisemblable. Je m’inquiétai : comment nous frayer un chemin
vers la porte de sortie lorsque nous parviendrions à notre station ? Quant à eux,
les Chinois paraissaient indifférents devant cette cohue, car ils conservaient leur
sourire. Je déplore de n’avoir rien pu apercevoir de la capitale pendant le trajet.
C’est avec le soulagement que vous imaginez que je descendis enfin près de ce
célèbre monument que l’on se doit d’avoir visité.
2. Moi et mes potes chinois, on a fait une balade dans le Palais de leurs
empereurs. On y est allé en bus. Quel peuple ! C’qu’on y est serré ! Pire que des
sardines en boîte ! Est-ce qu’on pourra s’en sortir à l’arrêt ? Les autres se fichaient
de ça, ils continuaient à rigoler. Je pouvais rien voir dehors. Ouf ! on est enfin arrivé
à côté de ce château qui est à voir, à ce qu’on dit.

leçon exercices travaux dirigés corrigés 341


Index
Les chiffres romains renvoient aux chapitres, Entretien 242-243, 336-339
les autres aux pages. Exposé oral 323-327
Improvisation orale 321-323
FORMES ET TECHNIQUES
Information 48-50
DE L’ EXPRESSION
Internet 14-15, 262-263
Intervention orale 321-327,
335-336
Adaptation du langage 252, Interview 270-271
318-320 Introduction 221-226
Addition 29-34 Lecture
Argumentation 48-60, III – attentive 21-23
– à haute voix 314-317
Les types d’arguments sont classés par ordre
alphabétique dans le chapitre III (par exemple Mémoire de stage 306-309
Cause, 94-95 et 109-110) et ne sont donc pas Micro 324-325
repris dans cet index. Mouvement linéaire 34-38
Négociations 336-339
Bibliographie 10, 29 Note de service 238-239, 254
Bibliothèques 11-12 Note de synthèse 174-175
Catégories 32-33 Opposition 38-42, 55-59
Circulaire 254-255 Ordres 251-256
Classification décimale 28-29 Périodiques 9, 12, 15-16
Communiqué de presse 268-273 Persuasion 48-50
Compte rendu 239-243, 245-247 Plan II
Conclusion 216-221 – sa visualisation 27-29
Correspondance 256-262 Présentations 312-314
– demande d’emploi 263-266 Presse 9, 12, 268-273
Courriel 262-263 Procès-verbal 243-248
Curriculum vitae 266-268 Questionnaire 248-249
Diction 314-317, 324 Raisonnement 42-44, 59-60
Directive 255 Rapport VIII
Discussions 330-336 Références 17
Documentation Réfutation 106-114
– sources 9-12, 15-16 Résumé IV
– moyens informatiques 14-15 Réunions 330-336
Dossier 182-183 Syllogisme 88, 104, 119-120
E-mail 262-263 Synthèse V
En-tête 238, 244, 257-259, 301-303 Tableau (utilisation du) 325

343
Téléphone 327-330 Sciences
Titres 304 – géographie 71-72
– géologie 219, 222-223, 232
– médecine 76-78, 230-231
THEMES
– et religion 57-58
Société (problèmes de)
Amitié 234 – famille 44-46
Amour 158-160 – inégalités 149-150
Animaux 158-160, 166-167, – minorité (indienne aux USA) 218
188-193, 228 – protection sociale 64-66, 163-164,
Arts 232-233
– architecture 121-124 – retraites 43
– cinéma 32 Sports 63, 150-152, 164-166
Astrologie 175-179, 224 Télévision 66-68
Automobile 129, 199-203 Transports 69-71
Civilisation (évolution de la) 61, Travail, emploi 163-164, 203-210
69-71, 118
Culture 30-31
AUTEURS CITES
Démographie 62, 143-145
Discours (pouvoir du) 6
Economie 69, 155-157 Agacinski S. 160-163
Education, formation 116-117, Attali J. 217
227-228 Aubert N. 205-207
Ethique 148-149 Balandier G. 154-155
Expression (difficulté d’) 1-3, 6
Barbault A. 175-177
Bergeron A. 232
Extraterrestres 184-188
Boesch C. et H. 228
Femmes 160-163
Brohm J.M. 150-152
France 35-37, 38-41
Buffenoir J. 193-194
Graphologie 193-198 Burguière A. 44-46
Humanité 57-58, 148-149, 229-230 Camus A. 1-3,
Humanitaire (action) 74-76 Castillo (M. del) 6
Laïcité 35-37 Cavanna 125-126
Langues 38-41, 66-68, 125-126, Caviglioli F. 196-198
160-163 Chambon P. 230
Mondialisation 71-72, 116-117, 118, Closets (F. de) 227-228
155-157 Comte-Sponville A. 148-149
Politique Coutrot Th. 163-164
– action humanitaire 74-76 Cyrulnik B. 229
– pacifisme 117-118 Defrance J. 63
– progressisme 72-74 Dejours C. 207-208
– propriété 61 Delaye Y. 186-188
– spectacle 154-155, 219-220 Dreux C. 76-78
Progrès 72-74 Ehrenberg A. 203-205
Publicité 153 Eiffel G. 122-124
Religion 57-58, 228-229 Ferry L. 166-167
Santé 64-66, 76-78,-203-210 Fleury L. 30-31

344 techniques de l’expression écrite et orale


Folhen C. 218 Morin E. 153
Foucauld (J.B. de) 155-157 Muzet D. 219-220
Foucault M. 6 Nau J.Y. 188-189
Fuzeau-Braesch S. 224 Netter R. 189-190
Gauléjac (V. de) 205-207 Nobecourt M.P. 193-194
Gherardi S. 66-68 Olivier V. 209-210
Got C. 200-203 Orfeuil J.-P. 69-71
Grataloup C. 71-72 Pelt J.M. 149-150
Grousset V. 129 Piveteau D. 155-157
Gruszon S. 232 Pracontal (M. de) 186
Hergueta S. 158-160 Reeves H. 184-186
Hertz H. 194-195 Rémond R. 118
Hinderer J. 219, 222-223 Renaut A. 38-41
Hirsch M. 64-66 Rochefort R. 233
Huret M. 232-233 Rostand J. 57-58
Ionesco E. 119-120 Rousseau J.-J. 61
Jacquard A. 116-117, 143-145 Saint-Girons H. 191-193
Kalmar J.M. 190-191 Siclier J. 32
Kolm S.-C. 69 Souriau-Thévenard 219, 222-223
Le Breton D. 164-166 Taguieff P.-A. 72-74
Legros H. 219, 222-223 Todorov T. 74-76
Lequèvre F. 177-179 Toynbee A.J. 117-118
Lwoff A. 91 Vandermeersch B. 230
Maisonneuve J. 234 Vernette J. 228-229
Montesquieu 119 Vidalie A. 209-210
Morice G. 231, 233-234 Vigezzi M.J. 193-194

index 345
RÉALISATION : NORD COMPO À VILLENEUVE-D’ASCQ

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