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Quinzième Année.

Le numéro : l fr. 50
MENSUEL N° 169
JUILLET·AOUT-SEPTEMBRE 1939
ADONNIE!IIEN'l'l!i
Librairie FRANSSEN, 1, place Paul-Painlevé, Paris 5'·
Comple chèques postaux : Parie; 462-58
-===== REDACTION =====
M. PIERROT, 2, rue des Haudricttcs, 2, Paris Je·

SOMMAIRE une œuvre, que les militants de la C. N. T. s'erlc rceront


La C. N. T. el la puériculture . H. BERNARD. de réaliser.
Le Fonds des Pupilles. Le peuple espagnol, plus qu'aucun autre, souffrait des
Valeur.constructive de la coopération. - Vl. La méfaits de .J'enseignement confessionnel, imposé et main-
question des échanges . M. PIERROT. tenu par Je catholicisme, en dépit même des derniers édits
Bakounine . M. PIERROT. de la République. La C. N. T. décida de résoudre Je pro-
Bibliographie. - Divers.
blème, selon les tendances révolutionnaires des travailleurs
organisés sous son égide. Elle s'efforça de transformer
AUX LECTEURS l'état chaotique où l'enseignement végétait, en un nouvel
ordre d'élévation morale. Les miditants y travaillèrent
Comme l'an dernier et par raison d'économie, Plus Loin sans défaillance, y apportant toutes leurs connaissances
ne paraîtra pas en août et en septembre. et profitant des expériences acquises durant les répressions
En octobre, nous commencerons à publier les études sur subies sous le régime capitaliste.
l'épicurisme, déjà annoncées l'an dernier. D'abord 'celle de La révolution sociale sera d'autant plus profonde et li-
Solo.vine, puis une série d'articles de Pierrot sur l'origine bertaire que les masses seront cultivées. Le programme
du sentiment religieux et sur l'épicurisme clans la vie mo- des militants clairvoyants était clone de s'employer à I'ac-
derne. coinplissement de leur rêve et à la réalisation des aspira-
Nous publierons aussi le compte rendu des causeries cle ~iors des travailleurs ccnscients.
l'année : étude sur Marat par Coutou, programme de loi-
Depuis de longues années la condition de la jeune mère
i rs culturels et musées communaux par Clément Camus et
et de l'enfant figurait au premier rang des revendications
Reclus, naissance et écroulement des dictatures par de la Confédération Nationale du Travail. Le plan eugé-
Pierrot.
nique, du moins en ce qu'il était possible de l'exécuter, fut
Enfin quelques études sur l'œuvre sociale en Espagne confié aux camarades médecins.
républicaine, etc.
Alors que les autres organisations et les partis politiques
organisaient le recrutement grâce aux faveurs, Ja C. N. T.
demandait des sacrifices à ses membres pour édifier ce
qui devait être la base solide d'une Espagne libre. Elle
trouva la collaboration de médecins spécialisés qui se mi-
rent à l'œuvre sans ménager leur zèle.
Voici d'abord quelques extraits du message adressé à la
jeunesse par les médecins, membres du syndicat de l'hy-
COMMENT LAC. N.T. AVAIT SOIN giène et de la santé, appartenant à ~a Fédération locale de
Barcelone (C. N. T.) :
DE LA JEUNE MÈRE ET DE L'ENFANT
« Dans les relations sexuelles, déterminées par l'instinct
(Institut de Puériculture et maternité « Louise-Michel) génésique et par les sympathies affectives, à dessein de
perpétuer l'espèce, il faut cependant prendre garde que
Nous voulons que l'enfant, en venant le nouveau-né ne vienne au monde avec des tares organi-
au monde et avant sa naissance, dans le ques et psychiques, <lues à une descendance morbide.
nid d'amour que doit être le ventre de
la mère future, ait l'aide et I'ambianea « En certains pays - Suède, Norvège, Turquie, Russie,
favorables, pour la formation d'un esprit Bolivie, Brésil, Uruguay, Etats-Unis - l'union de l'homme
nouveau dans une vie remplie d'agrâ- et de la femme n'est pas autorisée à ceux qui· sont atteints
ments.
de maladies pouvant avoir des conséquences héréditaires
Jean Puro-l~LIAS.
sur les enfants (tubercuâose, syphilis, psychoses, etc.). Avec
J'ai tenu à transcrire les paroles du premier président plus de raison cette mesure doit être observée par tous
du Conseil de l'Ecole Unifiée de Catalogne. Elles furent les Espagnols pendant la guerre que nous subissons. De
prononcées dans une conférence, destinée à faire connaîtra toute évidence, la majorité des citoyens souffre d'une ali-
les idées de la C. N. T. sur l'enseignement de l'avenir en mentation insuffisante et pas toujours conforme à leurs
Espagne. Ces mots renferment tout un programme, toute
_, bescins physiologiques; d'autre part, ils sont sous l'in-

l 1
rtuence d'une exaltation lie névrose guerrière, cause 1Ù·- cle l'enfant. Ce n'est pas la charité humiliante qui en
queute de déséquilibre mental. OUVrc les portes HUX lemmes et aux enfants- cle Barcelone,
« Pour ces raisons, quelques eugénistes anglais, Galton c'est Ia solidarité et l'amour ... ». . • ,·•.. ,
et Pearson entre autres, tenant compte de l'influence verni- Un matin de décembre 1938, j'eus 11ïôi"-ïnênïë Ï'oëcàsïo11
cicuse qu'eurent sur les cntanfs, durant la guerre euro- de visiter cet insütu t. Louisë-Michel, ·dont m'avait paulé une
pécnnc, les états· -émotifs et .passir nncls des géniteurs, re- jeune femme mèdecin, qui s'occupait de I'inspectic n sani-
commandent d'éviter la. Iècondation en <le telles périodes. taire des colonies d'enfants· au Ministère de I'Instruction
« Les statistiques françaises, en -comparant la dernière Publique et de la Santé.
publication d'avant-guerre et celles qui suivirent la guene, En l'absence du directeur, le docteur J. ·_p., je fus g11iué
révèlent de J!,icn tragiques constatations : en tants rach i ti- - par sa femme, devenue iu.ti rmière volontaire, -r.a-·premiè1·e
ques, imbéciles, épileptiques, anormaux. Ces résultats sont salle, assez vaste et bien_ ensoleil lée, est celle des ber-
la,_ r-c nséquenœ des conceptions soit des mariages de guerre ceaux : enfants du premier fige soigneusement vêtus et
légitrmr-s, soit rie certaines unions furtives, soit des excès diligemment soignés par les puéricultrices.
commis par les pertnissionnai res venant du front de ba- Dans une petite salle on procède à la toilette des en-
taille. fants· plus àgés, déjà levés. Ils vont jouer ensuite dans les
« Donc, pour éviter que d'innocents enfants portent le jardins, sous les pins touffus. On en profite pour leur ap-
stigmate d'une dégénérescence physique ·et morale, nous prendre à compter avec des cajllcux choisis et rangés par
vous demandons de retenir ce conseil : n'engendrez pas grosseur et par couleur, et .pour leur donner quelques
pendant la guerre, » notions' d'histoire naturelle, mais sans contrainte et en les
La guerre, en effet, amena des ravages parmi les nou- amusant, Enfin, au réfectoire on leur sert une nourriture
veaux-nés et les enfants en bas âge. L'augmentation de la suivant les indications méclicales. La disette générale, dont
mortalité. infantile provenait du paupérisme dont scuf- souffrait l'Espagne, n'a jamais touché- les jeunes pension-
Iraient les géniteurs, et des restrictions imposées par la naires de l'institut. 'Ce qui fut un effort, je J'assure.
guerre à une alimentation normale. Les médecins de la Combien rle fois me suis-je demandé, depuis, ce que St nt
C. N. T. voulurent porter remède à cette situation. En com- devenus ces petits, pour la plupart orphelins.
mun accord avec Je comité régional de 'la C. N. T., ils Nous traversons ensuite une galerie conduisant ~1 Ja
établirent le projet d'un Institut de Puériculture et de salle des femmes. On vient d'opérer une femme d'u rgence,
Maternité, qui ouvrit ses portes aux premiers jours de et j'assiste, quoique profane, aux explications données par
janvier 1938. Ce qui avait été couvent de religieuses dans l'opérateur aux autres médecins. On me fait visiter le
le quartier populaire de Gracia, devint maison de santé laboratoire pour l'établissement et. la vérification des
pour les femmes et les enfants. diagnostics. Je fais remarquer que chacun tra'l_'aillait là
Dans la Brochure de propagande de la C. N. T. (n° 1), vol on tai remcnt, le plus se uvent sans rémunération, et a vac
le docteur J. P. s'exprime ainsi': le plus grand zèle.
. « L'Institut de Puériculture et Maternité est un orga- Je note, suivant les renseignements qu'on me donne
n isme soda! de création nouvelle et d'une moderne con- ohligeamrnent, que la femme enceinte reçoit à l'institut
cept ion scientifique. Les médecins, chacun clans leur spé- Louise-Michel tous les soins, aussi bien moraux que ma-
ciall té, observent, en se basant parallèlement sut· le « cas tériels. Rien n'est nôgil igé. L'enfant reçoit dès le berceau
sociétaire » qu'ils connaissent et le « cas clinique » qu'ils une- éducatic n psychophysique .. Pas ile.:·.:rèmontrance.:- Le
se disposent à traiter. plus moderne système d'enseignement est appliqué. Par
« Nous, médecins du peuple, qui avons Îait nôtre la tous les moyens on s'efforce cle soustraire les enfants aux
maxime de Le!amencli - le médecin sachant seulement la inquiétudes et aux privations de la guerre. On a l'ambition
médecine ne connait pas la médecine - ne us sommes à de' Ia.ii'e de ces petits bambins des hommes clignes·cle ·l'hu-
la fois sociologues et pédagogues. manité naissante.
« Dans l'exercice de notre profession, nous nous efforçons Au moment de sortir, je rencontre le directeur, qui,
d'obtenir une guérison complète. Il arrive fréquemment trop occupé, me donne rendez-vous pour un jour prochain.
que les maladies sont dues au métier; si le patient, une La veille cÎu joÙÏ· ccnvenu, les habitants de Barcelone
fois rétab.Ji, reprend le même travail, la rechute sera fa- vécurent une nuit d'épouvante, Des escadrilles d'avions
tale. Notre attentirn se porte clone sur les moyens et trai- fascistes, venant de ·la base de Majorque, ne cessèrent de
tements à suivre pour chaque métier, et quelques obser- semer la mort, à des intervalles de deux heures à peu
vations montrent que nous sommes clans la bonne voie. près. La première agression avait été si rapide q.ue l'avertis-
· « Médecins de la C. N. T., nous faisons entrer l'étude sinien t des sirènes avait été inopérant. Dans la rue, les
des conditions clu milieu et de la profession clans nos gens couraient clans, tous les sens, ceux qui avaient gardé
recherches sur la maladie. Ainsi pourra-t-on établi 1· pour leur sang-froid s'empressaient cle porter secours aux sinis-
l'avenir les mesures cc llcctives et i ndividuelles, propres trés. Partout des cris de douleur. Les blessés étaient portés
à sauvegarder la nouvelle 'société des maux qui nous ac- à. bras à l'hôpital le plus proche, les plus graves sur les
cablent aujourd'hui, comme ,Ja· tuberculose, et aussi; Je ra- brancards, les morts et les membres de ceux qui avaient
chitisme, la syphilis, etc. ' ,. été mis en morceaux clans les ramions. Une vraie heu-
·<< Trava illeurs, l'Institut de Puèricultu rb et Maternité, cheiic ? Moi-même; avec un cheminot, prîmes· dans 110s
« _Louise-_Mic1te1 ··», est' votre ··maison,_ ce-lie de la mère et bras. un ·enfant de .douze à' treize ans. II perdait abon-.
.
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da mnient son sana ....


par des blessures reçues ù la 'tête 'I'
et• - Quelle 111étl1~dJ ~.111Jilc)··ei-rnu8. pour l'éducation Lies
aux jamlres. Une bombe avait explosé rlcva nt lui Iôrsqu'il enfants "? · · ·
courait se réfuaier
0 "à ]•,u. « SanTad~t
0 familia » , é o.,'
·Iise Cil
0
-· Nous avons choisi c~lle de Mcrucsscn. La Ji, ectricç.
construction, dont on avait utilisé le sous-sol 'rorume abri. est très compétente. Pendan t Ja guerre européeuno, elle
Api ès une pareilte nuit c'est avec une certaine angoisse exercait déjà sa profession en France et en Suisse. El le est
que je mu d i rig'ea i vers I'insti,tut LL uisc-Michel. J'avais spéciallsce dans la méthode Montessori et dans les textes
lïmpression qùe les bombas étaient. tombées pas loin de pour l'enf'unco de Charlotte Buliler et de Hildegar Hetzel':
cet établissement, et, de fait, sur 111k) route, je trouvai - Combien de puéricultrices emplo~·cz-vous?
plusieurs maisons démolies. . Pour le.s lGO enfants que nolis avons act ucl lcrnent,
Heureusement l'institut était intact JJOUl' celte Jc is, et il y a la di rectrice, secondée par six puéricultrices, et
je pus parcourir 'Ia maison où tout était en ordre, CI) com-, puis douze élèves, déjà grandes, de l'Ecc le con rédérale de
pagnie du directeur, Je constate que clans le laboratoire Puériculture. Si nous avions cle la place, et surtout des
les appareils sont modernes, quelques-uns apportés par le aliments, nous pourrions avoir Leaucoup plus de pension-
médecins, qui ainsi utilisent la maison comme centre de naires. Quant aux nourrissons, ils sont soignés ù la crèche
soins. et .sous une autre direction.
Les enfants- paraissent Dl011C[l1Cl' dcnt tain ; ils sont sous - Ayez-vous beaucoup de ditficulté pour 11ou1Ti1· Hs
Tciiet des bombardements. Bientôt sans doute, disent les •nfants 'l
médecins, il n'y paraîtra plus, car les puèri cu ltrices vont - Avec le chiffre actuel, on s'en tiré assez bien. Nos
se chargei'· cle les distraire. En effet, quelques instants plus amis et camarades nous aident. Grâce à eux, nos enfants
tard, en repassant par le jardin, je vis que les enfants ne souffrent pas de la disette. La solidarité cle I'étrangur,
avaient repris leurs amusements et avaient changé de phy- qui nous vient par votre intermédiaire, nous approvisionne
ion~rnie. surtout en lait et en médicaments et nous fournit ainsi un
Un gamin de quatre à cinq ans vint à moi, me pri t la complément extrêmement utile.
main et me dit : « tu eres companera, verdad ?- » (tu es - A part le service des-enfants, y a-t-il d'autres ser-
un camarade, pas vrai?). Je lui demandai pour quelle vices?
raison il voulait savoir si j'étais un camarade. - Oui, à part la puéricudture, il y a la pédiatrie, la
- « Pour rien. C'est que· le docteur J. P. nous dit que tocclogie, la gynécologie, l'ophtalmologie, l'oto-rhino-laryn-
ceux qui viennent nous voir sont des camarades qui gologie, et l'odontologie. Nous avons une salle d'obsté-
aiment beaucoup les_ enfants ». trique, une salle d'opération, un Ialioratoi re d'analyses, un
cabinet de physiothérapie et tle département des rayons X.
Emu, [embrassai l'enfant pour le rassurer tout ù fait.
Sauf ce que les médecins ont apporté eux-mêmes, tout a été
Je vois le journal de la semaine affiché sur un mur.
acheté par. le. moyen cle souscriptlr ns volontaires des syn-
Il est entièrement rédigé et. dessiné par les, jeunes pen- dicats et de leurs membres.
sionnaires, dont aucun n'atteint l'âge de dix ans. \iuici
- Quel but poursuit l'institut?
des extraits d'un article qui attira mon 'attontion
- Camarada ! fit le directeur, · étonné de la question.
« Nous sommes de la « Cuarderf a parndar_io », et' nous Le but est bien -défini _par l'œuvre. Les syndicats de la
y sommes~très bien.
Con fédération Nationale du Tr'avai l, luttant pour Je pro-
« On nous donne bien à manger. On nous de nne des grès et le bien-être cle leurs .memhros, prétendent, grûcc
cahiers, des crayons et tout ce qilé nous voulons. à la technique -dcs sciences appliquée. clans ile s~ns humain,
« On nous dorme, 'pour guùte1'," 'dés noisèttes et du cho- réduire le t~ux de la mortalité infant-He et élever les
colat. enfants soigneusement .en suivan t les pl"incive.s de l'éduca-
« Onvnous apprend à lire et à écrire, et les surveillantes tion moderne, afin d'en faire des hommes utiles et néces-
nous soignent très bien ; elles sont très gentiJ!es; quand ·ai res à la rsociété.
nous avens ~ni de manger, elle\ nous laiss~nt dormir un - La mortalité .infantile est-elle très élevée en Espagne?
moment. - En Catalogne, selon les statistiques de .1936, à chaque
« Le dentiste vient pour voir si nous avons 'mal aux' heui-a correspçndait un décès. Un examen sérieux nous a
dents. Les médecins viennent toutes les semaines, nous montré que les statistiques officielles masquaieiltïune bonne
auscultent, regardent si rïôus mangeons, bien -et si nous partie de la terrible vérité. Et c'est cieux enfants qui mou-
prenons du poids. .. ». raient chaque heure, c'est-à-dire juste le double de ce
Au bureau, j'ai une conversation avec le directeur. Et qui était avoué, Tous les efforts que nous faisons ont pour
voici quelques extraits cle l'interview. 1 :-' but de fairè baisser' 'cé ' chiffre.
- Depuis quand, J'établissernent a-t-il été. fondé? - Comment s'exerce le contrôle de I'établissement t . ,
- Nous l'avons inauguré, 1~ premier janvier de cette i.l\u poip.~ de vue ~ci,entifique,, "je suis le .1isi,~1Ùab)e~'-M°ais
année, avec 50 enfants réfugiés des Asturies, ..que le Ocmité il y à un. Conseil d'é~onomfé technique ciû Synclicat <:l'H·y~-:
régional de la C .. J\'.. T. avait nris à sa. charge. g!èpe, et de ,Sap.tf qui prend · éj1 charge, Ïë èénfrôile admi- -
- QuJlJeS relations' avez-vous ~VeC d'autres )i1st_tt:uti~ns:? llÎStrâtif;·, L. . , . , . . , ·i , '. . , , · ... · J - ~ . 'l '.t i·~
- Aucune. Nous ne dépendons pas des- ihstttutions · of- - Avez-vous des projets en perspective?
ficielles. La solidarité .des travaibleurs nous a fait naltre-« [~ - Nous envisageons avec l'organisation syndicale d'éta-
et elle seule nous soutient. ' blir des dispensaires d'assistance aux mères et aux enfants
-:j
clans les arrondissements de Barcelone et dans certaines enfants et aux femmes hospitalisés. Le directeur me disait
villes de la Catalogne, avec le temps et selon nos moyens. qu'à cause des dons en espèces c u en nature et à cause
Sur ce terrain, si nous gagnons la guerre, la C. N. T. sera de Ia situation anormale, on pouvait difflcilernent établir
infatigable. Ses immenses ressources d'énergie seront em- un bilan exact des frais généraux et clé la nourriture des
ployées, au bénéfice Ele la société, clans les soins donnés habitants de l'Institut. Ce qui est remarquable, c'est qu'avec
aux enfants. cette somme tout marchait merveilleusement. N'importe
- Actuellement, quelle est votre plus grande difficulté ·z quel établissement de bienfaisance, géré pat· l'Etat ou
- C'est le fonctionnement des services du lait et de la la Municipalité, de la même importance, aurait eu des
cuisine diététique, à cause de la pénurie du lait et de ses frais plus élevés avec moins de zèle efficace.
dérivés (lactisins). Il y a, en Espagne républicaine, 150.000 Ouvert pour héberger cinquante enfants, l'institut en
enfants âgés de moins d'un an. Pour les nourrir, il fau- comptait cent cinquante, quelques semaines plus tard. J'ai
drait quotidiennement 18 tonnes de lait, 6 de sucre et dit plus haut pourquoi il n'a pu en recevoir davantage.
3 de farine. Ce problème est grave et délicat, mais nous Que cet effort serve d'exemple aux travailleurs des autres
espérons le résoudre grâce à l'aide qui nous a été offerte pays pour l'orientaticn de leurs propres efforts en vue de
par certains centres internationaux ». · l'organisation d'une nouvelle société.
D'autres que moi ont parlé de l'institut Louise-Michel. R. BERNARD.
Voici ce qui a paru clans ile journal de Barcelone, La
Vtmquardia, du 1°' mai 1938 : « L'ambassadeur du Mexique,
le colonel Adalberto Tejeda, a visité l'Institut de Puéri-
culture et Maternité Louise-Michel... et il nous a dit :
« L'Espagne est aujourd'hui victime du capitalisme inter-
national... Quand le peuple manifeste sa volonté d'une
vie meil Jeure, il intervient pour annihiler son effort. Mais
l'Espagne montre ce qu'elle est capable de faire, en réali-
sant, pas exemple, cette œuvre sociale que les organisa-
tions de travailleurs ont réussi à mettre sur pied ... ». FONDS DES PUPILLES DE « PLUS LOIN »
Le journal, Correo de Asturias, paraissant à Buenos-
Ayres,. écrit dans son numéro du 14 mai 19:'}8 : « La
ville de Barcelcne, au moment où l'ambassadeur du Cette rubrique est ouverte en raison de l'appel contenu
Mexique visitait l'Institut de Puériculture et Maternité, dans le n ° 168 de Plus Loin.
Louise-Michel, a subi la deuxième agression de la Jour-
née... » Suivent des déclarations à peu pnès semblables A da date du 26 juin, nous avions reçu
à celles de La Vanguardia.
Nev., Paris . 20 »
Du rapport du 3 avril 1938, j'extrais les chiffres ci- Mar., Colombes . . . 100 »
dessous, en pesetas Neu., ·Pa1,i-s •.•.................•..•.... 50 »
Le., Paris . 50 »
Médecins .. 2.250 Cau., Belgique . 641 »
Sages-femmes. 1.833,40 M"'· Per., Dordogne . 1 20 »
Subalternes. 416,35 Sp., Alger . 15 »
Infirmières. . 5.041,85 Anonyme 2801 . 100 »
Auxiliaires. . . . . 2.625 M. M ,.r. ••••••••••••••• 100 »
Cuisine (personnel). . . . . 2.322
Administration (personnel); . . . . 2.100
1.096 »
Concierges. . 905
Lingerie .. 750
Nettoyage .. 1.666,70 Tout souscripteur non porté SUI' cette liste est prié d'en
Garde . 500 aviser sans retard Mattei.
Pharmacie . 875
La commission de contrôle provisoire est composée des
Chauffeurs. . . . . 1.200
camarades Pierrot, Reclus et Neveu. Elle peut comprendre
(il y en a un de mobilisé)
tous les amis qui en exprimeraient le désir, sans aucune
limitation.
TOTAL ••.••• 22.485,80
Nous renouvelons notre appel et espérons, à l'aide de
nos lecteurs et amis, pouvoir faire œuvre intéressante. A
Ce bordereau du personnel donne une idée exacte de la
la rentrée, nous rendrons compte de ce qui aura été fait
solidarité des travailleurs de Barcelone pour faire vivre
pendant •les vacances.
l'Institut fondé par leurs propres forces, surtout si l'on
tient compte des autres frais : eau, éclairage, entretien Adresser les fonds à Mattei, 1, rue Jean-Veber (20• arr.),
et achats divers, ainsi que des aliments nécessaires aux compte chèques postaux 689-73 Paris.

-4-
tent que grâce à la publicité des spécialitès pharrnaceu-
tiques. Il y a quarante-cinq ans, on disait que le tiers
du JJ1:ix d'une spécialité passait à .la_réclame. Aujourd'hui,
c'est bien davantage. Avec une publicité savamment
') organisée, on vend clans le domaine .des prc duits théra-
F.v-,,.. peutiques (ou soi-disant tels) _cc que l'on veut et au prix
que l'on veut. Ainsi on donnait, il y a deux ans, l'exem-
ple d'un sel vendu 16 fr. e• ne revenant qu'à O fr. 65
VALEUR CONSTRUCTIVE DE LA COOPERATION à son fabricant; mais ce fabricant faisait. une publicité
(Suite et fin) effrénée et coûteuse.
Tous les producteurs n'ont pas les possibilités d'une
réclame charlatanesque. Ils doivent passer par les exigen-
VI. - La question des échanges
ces des intermédiaires. Les grands magasins, par exem-
Nous avons dit depuis longtemps, et déjà clans Ces Temps ple, exigent des pourcentages léonins, sauf pour les mar-
Nouveaux d'avant-guerre, qu'en cas de transformation so- ques bien établies et connues du public; et beaucoup de
ciale le problème à résoudre serait, non celui de la pro- producteurs ne travaillent que pour le bénéfice de ces
duction, mais celui des échanges. grosses maisons. Or, à cause de l'énormité des entreprises,
Le commerçant se tient entre le producteur ·et le con- le coût de l'administration se surcharge de parasitismes
sommateur et se charge des commandes et des livraisons, onéreux; tel administrateur ou tel grand acheteur exige
en somme, de toutes les opérations de transfert des mar- des ristournes pour son profit personnel ; gaspillage et
chandises. Il en profite pour prélever la part du lion, coulage sont partout : ainsi, l'effort humain est fortement
surtout clans le commerce des denrées agricoles. Ici, c'est grevé quand il passe par des intermédiaires détenant un
lui qui fixe les prix, car les paysans ne connaissent pas véritable monopole.
le prix de revient de leurs produits, et ils arrivent isolés Dans le commerce des autos, les maisons doivent avoir
sur le marché ; ils vivent encore assez souvent de leur des succursales ou des dépositaires, ou des représentants
_µrop11;e production et ils en vendent le surplus, simplement. multiples clans des locaux somptueux. Des frais infinis
afin de se procurer un peu d'argent pour les achats stric- s'ajoutent au coût de la production. On a quelquefois es-
tement nécessaires et pour les impôts. sayé de calculer le prix de l'effort humain incorporé dans
Dans l'industrie, le commerçant a, Jà aussi, une imper- une ·auto ou clans telle autre machine; il entre pour une
tance très grande. L'industriel produit exclusivement peur proportion minime dans le prix de vente.
vendre, et il serait étouffé s'il ne parvenait pas à écouler Cependant, il ne faut pas tomber dans le défaut du
rapidement ses produits. D'où les dépenses, véritablement travailleur manuel qui ne veut pas voir le travail clu comp-
énormes, qu'il fait pour la publicité, et les remises qu'il table, par exemple. Recevoir les commandes, Ies classer,
consent aux intermédiaires. On s'étonne de voir tant de répondre aux demandes de renseignements, expliquer le
jeunes gens, en plein jour, au moment des heures ou- fonctionnement d'une machine, etc., etc., tout cela de-
vrables, dans les cafés, ou encombrer cle leurs autos les mande du temps et des employés spécialisés clans ces be-
carrefours ries villes : ils fcnt des affaires. sognes. Il y a l'empaquetage ou l'emballage, il y a les
Les Temps Nouveaux d'avant-guer-re ont traité la ques- frais de transports, car les ouvriers ries transports doivent
tion des échanges : comment jadis on produisait pour la vivre eux aussi. Quand la marchandise est arrivée au
consommation familiale ou locale, comment les marchands lieu de distribution pour être vendue au détail, i·l faut
allaient solliciter les producteurs, quelquefois à grand encore des employés pr u1· répondre aux acheteurs, pour
risque; ils furent les premiers grands voyageurs. Aujour- peser les produits, les mettre en paquets, etc., etc. Ce sont
d'hui, le producteur doit solliciter le consommateur et là les frais les plus grossièrement nécessaires, et il y en
il est obligé, le plus souvent, de recourir aux services a d'autres.
des publicistes et des marchands. De toutes ces opérations, les producteurs n'ont pas le
Les commerçants, clans la société actuelle, jouent, à temps de s'occuper. Au surplus, ils manquent, dans cc
leurs risques et périls, le rôle de directeurs de l'économie, domaine, des connaissances voulues. Ce n'est pas leur
mais ils en abusent. métier.
1.a· publicité a pris un rôle énorme et nécessaire, puis- Nous avons publié clans le n° 162 (décembre 1938) un
qu'elle s'efforce d'éveiller et d'orienter les désirs des con· extrait du bulûetin des Informations coopératives du B.I.T.,
sommateurs. Ceux-ci sont isolés et, tant qu'ils resteront tc uchant les coopératives de production en Yougoslavie.
isolés, la publicité et tous les intermédiaires seront utiles Les lecteurs n'ont peut-être pas fait très attention au
pour recruter la clientèle, une clientèle ignorante et passage qui concerne la coopérative de Strazisce, et qui est
aveugle, ne sachant de prime abord où s'adresser, tandis intéressant en ce que celle-ci a su créer une organisation
que le producteur ne connaît pas au juste iles possibilités des échanges. C'est pourquoi nous croyons utile •.Je re-
d'absorption de tel ou tel marché. produire ce passage :
Les dépenses de publicité sont fantastiques. Ce sont elles La coopérative fabrique des toiles de crin pour tamis :
qui font vivre les journaux, qui sont leur vérrtable « La matière première, c'est-à-dire le crin de cheval, de
budget. En particulier, les journaux médicaux ne subsis- cent sortes différentes, vient surtout de Sibérie et d'Arné-
-5--
riqu« du Suri. Les tam is, extrêm em ent divers eux aussi certain pourcentage pour ses dépenses et colles du Ser-
quant à leur finesse, et qui sont utilisés d.-1.11s un grand vice Central, y compris la publicité.
nc mbrc d'industries (notamment la minoterie, la· brasse- Enfin, le Service Central. Il a, à sa tête, un comité
rie, les produits chimiques) sont exportés en particulier de direction, formé des délégués des Distri cts Excha nges,
vers I'Al lernague, l'Algérie, la France, la Grande-Bretagne, et qui doivent être des citriculteurs. Ce comité désigne un
les Pays-Bas, la Tunisie et l'Amérique du Sud. Voilà clone directeur général et une dizaine de sous-directeurs qui
une industrie locale en relations avec le marché extérieur constituent la superstructure du personnel administratif.
aussi bien pour son approvisionnement que pour ses dé- L'administration comprend d'abord le département des
bouchés. JI était manifestement impossible à chacun des ventes, qui s'efforce de répartir les expéditions sur tous les
petits producteurs intéressés d'entretenir ces relations loin- marchés, en évitant l'engorgement ou la raréf'acticn aux
taines et compliquées, de connaître les conditicns mou- lieux de consommation.
vantes du marché, de manier toutes les réglementations Il y a aussi un département des transports; qui a une
douanières, eLles-mêmes soumises à d'incessantes modifica- grande importance puisque les frais de transport repré
tions. Entre eux et le marché, ils avaient besoin d'un in- sentent près de 25 % du prix de vente. Ll détermine la
termédiaire ; placé clans cette forte position, c'est un in- route la plus économique, centralise les notes des Ira is
termédiaire qui aurait facilement pu être leur maitre. et les vérifie, se charge des réclamations (pertes, avaries,
Ce qu'ils voulaient, c'était un service. Ils le reçoivent de surtaxes).
l'entreprise coopérative qu'ils ont créée. en 1927. Celle-ci
Le département do la publicité s'est développé lorsque la
est dabord l'organe d'approvisionnement : 30.000 kilos
production augmenta et qu'il fallut lui assurer des dé-
de matières premières par an. C'est elle aussi qui nettoie
bouchés. 11 comprend un service cle représentants qui \'i-
et prépare différentes sortes de crins pour le tissage (iles
sitent les détaillants et leur apprennent l'art de l'étalage.
ouvriers chargés de ces travaux sont également membres
Il public des brochures, destinées à tel eu tel public :
dç la société). C'est elle enfin qui assure û'écoulement des
médecins, collèges, associations sportives, etc., etc. Il édite
tamis tissés au domicile des membres : contre rémunéra-
des films. Il fait faire des conférences radiophoniques. Il
tion convenue, les tamis deviennent la propriété de l'en-
organise les journées des fruits ou des concours gastrono-
treprise commune qui assume les frais et les risques de la
miques. Il procède à des affichages multiples et renouvelés.
vente. »
Il fait insérer des articles sous des formes variées clans
On voit que le service des échanges a une activité. au- les journaux et les revues, etc., etc. Aujourd'hui, son
1onome, en dehors de la production proprement dite, mais budget atteint la somme de 800.000 dollars par an, soit
il appartient aux producteurs. 0,8 du prix de vente des fruits. M. Paul Guérin (clans
Des exemples du même ordre, mais de plus vastes pro- l'Arboricuiture ·caHforn:ienne, chez Alcan) calcule qu'en y
portions, on Jes trouve clans les services des échanges, comprenant les frais de toutes les associations produc-
organisés par les coopératives productrices de fruits en trices cle fruits et ceux des particuliers, le budget de la
Californie. Elles ont lutté et tâtonné pendant plus cle publicité, en Californie, pour la vente des fruits, dépasse
cinquante ans pour avoir leurs crganisations de vente; trois m.illions de dollars.
tant qu'elles n'y furent pas 'arrivées, elles aboutirent à. Le Field département s'occupe des problèmes intéres-
l'échec. · sant la production : d'amélic rcr les standards (ou la qua-
Prenons l'exemple de la plus grande d'entre elles, Cali- lité) des marques, de perfectionner les méthodes de récolte
Iornia Fruit Growers Exchange, qui s'occupe de 1la vente et de packing, cle lutter contre les maladies du Iruit. Un
des agrumes (oranges, citrons, pamplemousses), et voyons laboratoire étudie les moyens d'utiliser les fruits mal \'e-
comment elle est constituée. nus en les transformant en sous-produits (pectines, huiles
A la base sont les associations locales ,de packing. Cha- distillées, jus concentrés, etc.),
cune d'elles se charge, en Jieu et place des membres de Il .v a encore un service de contentieux, s'occupant en
l'association, de récclter les fruits et de les préparer pour même temps des variations de la législation, et un service
la vente : camionnage, tri, nettoyage, empaquetage; elle de comptabilité et de statlstique qui, pal' exemple, répartit
a ses bâtiments, sa machinerie complexe, son personnel. Ies coûts des c pérations en fonction du prix de vente.
Elle ne fait aucune opération commerciale. Les votes se
M. Guéri n donne un tableau des frais de ces opéra-
font par tête. tions :
Les associations locales sont fédérées par groupes d'une
dizaine environ formant le District Exchange. Chaque
District Exchango est l'agent de vente des associations Saison Hl32-33 Saison l !);33-:H
locales. Il répartit entre les associations les ordres des (crise) (amélioration)
Pr!x de vente pal' caisse
acheteurs, il donne les instructions pour l'expédition cle
à la consommation li dollars 7C> 5 dollars 2D
fruits, il agit d'ailleurs d'après les renseignements qu'il
reçoit du département général des ventes de la California
Fruit Growers Exchange, et il renseigne 1ui-même ce dé- Cueillette ................... 2,7 % 2 ::l o/c
partement sur les conclitions de la récolte et les possibilités Packing· .................... 9/i % s.e %
d'expéditions. Il' reçoit ·1e produit des ventes qu'il ré- Vente et publicité ............ 2,5 .'fe) 2,2 ¼
partit aux assoclatic ns locales, après avoir retenu un Ti'ansport et réfrig éraüon . ... 23;:j % 20,/i %
-6-
6,3 %) G,4 %) Elle a au_ssi pour Lut d'augmenter la conscmmation, en
Grossistes et détaillants ( )2·5,4 % )34 % attirant l'attention du public sur .l'utilité de tel ou tel
( 29,1 %) 27,6 %) produit, par. exemple au point de vue cle la santé. On a
YU ainsi apparattrc, ces dernières années, des publicités
Part Liu planteur............ 2ü,5 % 32,5 % collectives : consommez du sucre, mangez des oranges.
Elle excite la curiosité. Elle cherche à créer des besoins.
La part du planteur n'est. pas un bénéfice net, puisqu'il Un exemple, et qui n'est pas insignifiant, elle émoustille
faut en retrancher les frais d'exploitation : i rrigation, la coquetterie. Elle affirme, et, au besoin, elle montre que
cug rais, fumigations et lutte contre la gelée, pulvérisations le bien-être et le confort sont améliorés par telle eu telle
et lutte contre les maladies, façons culturales, etc. Cepen- découverte, par telle ou telle installation. Elle a poussé
dant, « la situation économique du producteur d'oranges à la rôa.Isaüon et à l'extension du chauffage central et
en Californie est dans l'ensemble satisfaisant ». de toutes les inventions hygiéniques. Elle a diffusé Je pho-
J'ai donné un résumé assez développé de l'organisation nographe et la T. S. F., etc. En somme, elle joue un rôle
·-commerciale de la grande cc opérative des producteurs utile, en cc sens qu'elle aide à l'éducation du public et
d'agrumes en Californie, non pas comme un modèle de qu'elle aboutit, sans qu'eLle le vcuil lo, à augmenter et à
l'organisation future des échanges, mais afin de montrer renforcer Jes I cvcndications des lie mmes vers Je bien-être.
que dans toute économie les frais de production sont Dans la société actuelle, elle est faite pour intensifier
grevés de frais d'emballage, de transport, d'emmagasinage, le commerce en vue du profit. Mais, on peut très bien
de distribution ou vente au consommateur, de statistique concevoir une publicité clésintéi'éressée en vue de I'amé-
et de comptalJilité, etc.
horation des conditions de vie. Cela s'est vu à toutes les
J'ai vc ul u montrer aussi que la vente nécessite une époques. Le plus bel exemple est la propagande de Par-
organisation spéciale, autonome, quoique dépendant des
mentier, à la fin du XVIII' siècle, pour la culture et la·
producteurs, qui n'ont ni le temps, ni la compétence de
consommation de la pomme cle terre. Le besoin de venir
s'en occuper eux-mêmes directement. Mais il faut qu'ils
en aide, de renseigner, d'éduquer existe chez beaucoup
restent les maîtres de cette organisation, sinon les in-
d'hommes. Les médecins font de la propagande, forcément
termédia ires écrémeront de nouveau à leur profit la
désintéressée, pour l'hygiène, pour la propreté, pour l'aéra-
majeure partie des bénéfices. Les producteurs d'oranges
tion, pour les vacances au grand air, etc. Ainsi de nou-
ont fait cette expérience à plusieurs reprises avant d'être
veaux besc-ins apparaissent dans l'esprit des hommes.
parvenus à organiser eux-mêmes l'écoulement de leurs
Mais revenons à la question des échanges. Les coopéra-
réccltes.
tives de production de fruits en Californie ne se sont pas
Dans le cas particulier, les frais de vente sont assez
contentées du marché des grandes vi hlcs. Elles ont d'abord
grands, d'abord parce que le marché américain comporte
augmenté ce marché par la publicité, et surtout elles ont
d'immenses distances qui augmentent les Irais de trans-
créé de nouveaux marchés dans les petites localités, en les
port et de réfrigération, ensuite à cause des frais de
annonçant et en les soutenant par la réclame. Il semble,
publicité et des bénéfices laissés aux grossistes et aux dé-
à première vue, que la vente des oranges, des citrons et
taillants. Cependant, « le fruit est relativement favorisé
aux Etats-Unis, puisque certains produits, comme l'aulo- des pamplemousses doit se faire toute seule; cependant,
mob"ile, laissent à leurs services de dist1•ibution et de pu-
il faut que Ies gens y pensent, il faut qu'ils trouvent une
blicit~ 60 à 10 % du prix de vente ». boutique, bien garnie et agréablement garnie, clans leur
Dans une société fondée sui· la coopération, le consom- voisinage, il faut que la publicité vienne leur annoncer
mateur ne serait plus isclé. L'écoulement des marchan- l'ouverture de la boutique, où ils trouveront des fruits
dises se ferait par l'intermédiaire des coopératives de con- sains et savoureux, riches en vitamines et nécessaires à
l'équilibre de la santé.
sommation. D'où diminution des frais de distribution,
aujourd'hui imposés par les bénéfices pris par les grr ssistes , Mais que d'efforts gaspillés par la publicité mercantile!
et les détaillants. Si Jes consommateurs, au lieu d'être isolés, étaient grou-
Et surtout, diminution des frais de publicité. pés en coopératives de conscmmation, la publicité perdrait
d'abord sa première fonction qui est de recruter les con-
sommateurs éparpillés clans le monde.
La publicité est nécessaire, à l'époque actuelle où le Ensuite, son rôle extrêmement utile, d'éducation e~ . c!Q
producteur doit faire tous ses efforts pour écouler sa mar- diffusion, pourrait être rempli tout autrement. Elle ne
chandise. Les consommateurs sont isolés, sans renseigne- devrait plus servir au profit du producteur, qui, grâce à
ments, quelquefois sans désirs, engoncés qu'ils sont clans une réclame éhontée, fait acheter des produits inutiles,
leurs habitudes. La publicité vient les chercher par les parfois nuisibles. Elle n'aurait plus pour objet que I'in-
affiches, par les réclames lumineuses,' par lès annonces de térêt ou le besoin du consommateur. Nous verrons un peu
journaux, même par les articles de revues, par la T. S. F., plus Ioin comment' on pourrait l'organiser.
etc. Eltlc est renforcée par le passage des courtiers et des
représentants. :{!:

Elle dit d'abord : achetez le produit machin plutôt qu'un Les utopistes de nuance anarchiste partent de l'organi-
autre, car c'est Je meilleur et le plus avantageux. Elle est sation communale. C'est ·aussi, ·à: mon avis, le ïondcment
fonction de la concurrence. d'une société libre, mais à cr ndition que la commune n'a c-
1

J
capare pas toutes les activités. C'est ce que notre ami donc actuellement donner les marchandises à des prix sen-
Bertrand avait dit, quand il a fait la critique du livre slblernent inférieurs à ceux du commerce.
de Besnard, le Monde n,ouveau : « l'individu socialement Mais elle a pour principal avantage d'offrir, à l'écoule-
est producteur, consommateur, citoyen ». (V: le n° 129, ment des marchandises de toute sorte, les consommateurs
janvier 1936). Co qui implique production, consommation tout groupés. Dans une société où la coopération serait.
t commune. généralisée, les intermédiaires, cc urtiers, grossistes, etc.,
Nous avons vu par l'exemple des producteurs califor- qui prélèvent aujourd'hui la plus grosse part cil; proût sur
niens que pc ur Je commerce ils ont été obligés de créer la circulation des marchandises, seraient supprimés. Et
un organisme d'échange : rassemblement des fruits, tri, cette dîme, indûment perçue aux dépens des producteurs
empaquetage, transport en wagons frigorifiés, statistiques, et des consommateurs, rentrerait dans le bénéfice social
publicité, distribution aux grossistes et aux détaillants, des uns et des · autres.
etc. Cet organisme a une vie autonome avec ses techniciens Dans la société mercantule actuelle, l'au.tcnomie de la.
propres, tout en étant géré ou surveillé par un conseil coopérative de consommation peut comporter certains ris-
composé des délégués des producteurs et producteurs eux- ques, surtout si les statuts laissent aux administrateurs la
mêmes. Il a ûa charge complète cles échanges, mais il n'a possibilité d'aller au delà du strict service de ravitaille-
ni la propriété des marchandises, ni celle du produit des ment. Ces risques disparaîtraient clans la scciété future.
ventes. En fin de ccmple, il répartit les bénéfices entre Il n'en est pas moins vrai que même alors i!I faut que les
les producteurs d'après des barèmes établis. consommateurs puissent exprimer leurs désirs et leurs
doléances, et qu'ils ne soient pas astreints à recevoir des
Pour les coopératives de consommation, on peut ima-
produits médiocres, sans pouvoir s'adresser ailleurs.
giner une organisation assez semblable, créée par les
J'imagine que la commune, en donnant à sa coopérative
communes et surveillée par un conseil composé des délé-
(où ses coopératives) terrain, locaux et aménagement, lui
gués des consommateurs. Ellle aurait une vie autonome
imposerait l'e bliga.tion d'exposer et de mettre en vente les
avec sa collectivité de techniciens, échappant ainsi aux
produits de toutes les coopératives de production, sans
tracasseries des consommateurs. Mais elle n'aurait non
exclusive (1). Les renseignements donnés (et les prix) doi-
plus ni la propriété des marchandises, ni Ja possibilité de
vent suffire à orienter le choix des consommateurs. Au-
péculer avec les réserves. Par exemple, elle n'aurait pas
trement dit, j'imagine 1-a coopérative un peu comme un
le droit de créer des coopératives de production, annexées
grand bazar ou le Grand-Magasin d'aujourd'hui, servant
au service de la consommation.
d'exposition permanente et de Ccmptoir de vente aux pro·
Elle aurait à acheter et à répartir. Pour cela elle aurait ducteurs, à tous les producteurs. Ceux-ci confieraient leurs
à étahli r les statistiques de consommation des divers pro- marchandises à l'organisme coopérati f de- consommation,
duits, de façon à connaître la somme des demandes et à tout en cherchant eux-mêmes à attirer l'attention des con-
renseigner les producteurs. Elle aurait à afficher les carac- sornmateurs sui· les qualités de leurs produits. La concur-
téristiques des produits, leur provenance exacte, leurs qua- rence, continuant à jouer entre les producteurs, sera une
lités, leurs variétés, leur utilisation, etc. Elle aurait aussi garantie pc ur le consommateur. Il suffit que ces produc-
à afficher le prix de revient, fourni par chaque coopérative teurs ne puissent faire travailler qui que ce soit à leur
de production, et à indiquer, en sus, Ies frais de transport, profit, et que l'enrichissement soit une impossibilité, l'ar-
de conservation, de manutention, etc. gent ou. bénéfice, déduction faite des assurances et contri-
Ainsi l'organisation coopérative, tout en ayant un conseil butions, ne pouvant servir qu'à la consommation.
de gérance émanant de la commune, pourrait être contrô- Une telle organisation supprimerait les acheteurs, délé-
lée par les ccnsommateurs. La collectivité des techniciens gués par la coopérative auprès des producteurs. Car, la
ou employés aurait, comme je l'ai dit, son statut et son persistance de tels intermédiail'es ferait naître de nouveaux
autonomie, et chacun d'eux serait encore protégé indiv i- abus.
duellement par l'action du syndicat. Enfin, notre ami Bertrand, ayant vu ce qui se passe
On reproche à la coopérative de consommation d'avoir clans les coopératives, et y ayant réfléchi en faisant la
échappé à la collaboration des consommateurs. C'est la critique du Mond.c Nouveau de Besnard dans Jes derniers
conséquence inéJuctable de l'évolution. Du jour où les con- numéros de 1935, conçut l'idée du « Syndicat des consom-
sommateurs ne font plus leurs affaires eux-mêmes, faute mateurs » (voir le numéro d'octobre 1936).
de temps, faute aussi de compétence, la nouvelle institu- Puisque la coopérative de consommation devient une ins-
tion, devenue trop grande pour être gérée par de simples titution autonome, il est utile que les consc mmateurs.
bonnes volontés, acquiert son autonomie. Son rôle est tou- fassent entendre leurs desiderata, et pour cela qu'ils se
jours de satisfaire les besoins des adhérents ; elle doit réunissent en syndicat, dont le rôle serait de donner plus
régulariser les prix, elle doit surtout veiller à la qualité. de poids à leurs revendications. Tel est aussi à peu près.
Il faut bien se dire que la coopérative, gérée par une Je rôle des associations cle parents d'élèves dans le do-
collectivité de techniciens, administrateurs, vendeurs, maine de l'enseignement.
comptables et statisticiens, manutentionnaires, prépara-
teurs et transformateurs (pour certains procJ;uits),,·etc., doit (1) Sauf en cas de mnlfaçon répétée on de produits -alirneutair-is
ou devrait les payer davantage que les patrons; à. qui elle falsifiés. ,Encore suffirnit-il c1·1111 co~trôlu et de ln saisie· des
rait concurrence, ne payent .Icur personnel. ·Elle ne 'saurait' produits pour leur dest nnction.

-8-
- ---,

Ici, dans le domaine coopératif, l'activité des consomma- 'dement sur les besoins à la fois utiles et nécessaires, donc
teurs consiste simplement à aller brailler une fois par an q·welle parte de la production agricole, et que les paysans,
dans une assemblée générale, simplement destinée à re- qui ont toujours eu une vie dure et précaire, participent
nouveler un cc nseil d'administratioo, sur la gestion duquel à la circulation des richesses en accore! et en égalité avec
personne n'a suffisamment de renseignements. précis. Au iles autres productions.
lieu de . cela, un syndicat de consommatnurg tout en sui- J\'1. PIERROT.
vant le fonctionnement de la coopérative, grouperait les
réclamations, renseignerait les adhérents et par conséquent
l'assemblée générale, agirait ainsi sur le conseil d'adminis-
tration qui ne se sentirait plus irresponsablle. ERRATA
Il aurait surtout à surveiller la qualité des produits, et, Dans la lettre de Follin (n° 168, p. 5, col. 2, dernier ali-
-en premier lieu, celle des produits alimentaires . néa) lire : car la contrainite à l'égard de ceux sur qui le
Il aurait enfin à faire la propagande des nouveaux be- statut pèse... x
seins, à faire connaître les nouveaux produits et les nou- *
velles inventions, à en expliquer l'utilité et le mocle d'em- **
ploi, à exiger leur achat, en somme à renforcer la publi- Dans la note qui fait suite à l'article de Malander sut·
.cité des coopératives de production, avec lesquelles il se la « Signification révolutionnaire de la Tétralogie de
mettrait en rapports pour se renseigner. Wagner » (n ° 168, p. 7, col. 2) lire, à la 12' ligne de cette
Ce serait, en somme, un cercle de réunion et d'études, ne te : avec une telle 'limpidité qu'on s'étonne ...
.où les femmes auraient sans cloute une certaine influence.
L'activité actuelle du Syndicat des consommateurs, telle
-que l'envisage le groupe des J. E. U. N. E. S. (Voir Libé-
11ati,on), est un peu différente et beaucoup plus diffuse, car
BAKOUNINE
ce groupe a l'ambition d'agir dès maintenant sur les com-
merçants en général. Dans les années qui précédèrent la guerre cle 1911:, tout
Je ne veux pas m'étendre davantage sur ce sujet. Je espoir révolutionnaire était tombé en discrédit. Ceux qui
m'aperçois d'ailleurs que beaucoup d'a~res questions nais- se disaient révolutionnaires étaient appelés « catastro-
. sent sous ma plume. Je reporte leur étude au mois d'oc- phistes » et regardés comme des énergumènes, faibles d'in-
tobre, après notre interruption de l'été. telligence et incapables de réflexion.
J'ai voulu montrer ües difficultés du problème des échan- Puis la guerre vint, et il fallut se rendre à l'évidence
qes. Certes, il est facile et tentant de les résoudre, en sup- que l'acticn révolutionnaire avait une puissance redouta-
primant les échanges et en les remplaçant par la réparti- ble et qu'elle était seule capable de transformer les so-
tion ou la distribution. Je tâcherai de montrer plus tare! ciétés.
.que c'est là un projet illusoire, qui ne tient pas compte Il est vrai que da révolution est impuissante en période
de la psychologie humaine. de stabilité sociale, sans d'ailleurs que le réformisme
Le point de départ de···cette série d'articles a été I'étude puisse changer grand'choss à la situation d'infériorité où
de M. Strickland, qui montre la possibilité de créer des végètent les 'exploités. Mais dans les périodes de désarroi
coopératives, et spécialement des coopératives de produc- social, elle est da seule action efficace pour l'émancipation
tien agricole, même dans les pays d'économie arriérée. des hommes. Ou la dictature qui prétend rétablir I'ordre,
Une étude de M. Colombain sur les coopératives indigènes un c rdra autoritaire. Ou la révolution qui crée un ordre
.a u Maroc (Bureau International du Travail) apporte de nouveau, fondé sur un idéal d'égalité.
nouvelles constatations. Partout ce mouvement s'étend, La dictature est ·ar;cepté~ par un pe_uple affaibli, fatigué,
Dans le dqmaine agricole, la coopération aide à l'éduca- ignorant, incapable· de croire à la possibilité de se Jibérer
tion sociale des paysans et leur fait comprendre l'utilité seul. Il accepte une servitude, dont on lui fait espérer des
et la nécessité de la collaboration et de la solidarité. C'est profits qui restent illusoires. La révolution est d'élan des
très important pour l'avenir de l'émancipation paysanne. masses ardentes, enthousiastes, idéalistes.
Mais cela suffira-t-iâ à faire réussir une transformation Bakounine avait raison d'entretenir le feu sacré même
.sociale? Trop d'intérêts réactionnaires s'opposent au succès dans les périodes de calme plat. Au peint de vue moral,
<l'une évolution .victorieusement progressive. On voit, en il ne faut pas se laisser aller à la résignation et à prati-
France, les obstacles de toute sorte dressés pour modifier quer la non-résistance au mal ; il ne faut pas perdre de
Ja fonction de l'Office du Blé, ou bien qui s'opposent aux vue l'idéal de libération, et se contenter des aumônes phi-
timides modifications du statut du métayage dans un sens lanthropiques jetées au peuple des esclaves pour l'entre-
un peu plus libéral. tenir dans sa passivité.
Le capitalisme sera sans doute jeté à bas par l'action La propagande doit précéder, et parfois assez longtemps,
des syndicats ouvriers, qui finiront par avoir avec· eux la révolution, tellement le peuple est imprégné du senti-
une partie des techniciens salariés. Mais, si nous voulons ment d'obéissance et de la croyance à l'inégalité sociale.
échapper à la tyrannie coûteuse de il'étatisme et que la Mais la révolution peut écàater à la faveur de circons-
recc.nstitution économique se fasse d'une façon renseignée tances imprévisibles, si les esprits ont été préparés aux
et équilibrée, il faudra que l'économie établisse son fon- idées nouvelles.
,,
-9-
La coopéra tion ècr nom iquo, qui dcvr.ut !'11glol:er · l'ac- les ha rricurlcs pour les grèves, l'insurrection antigouvernc-
t ivité humaine, est encore insuffisamment comprise, ou mentale pour la grève générale. Chaque époque a ses pos-
comprise suivant les méthodes mercantiles du monde ac.:- si hi lités et ses modes de révolution. Soyons, comme Bakou-
uel. At tendrons-nous de I'évolution réformiste une corn- nine, révolutionnaires, mais -avec la tactique imposée par
préhension et une adhésion générales, qui sont impossi- les techniques nouvelles, Surtout conservons sou héritage
bles à obtenir ù cause de l'influence démoralisante du mi- de générosité et" d'enthousiasme: La société future ne
lieu. Certes, un travail préparatoire d'organisation est né- pourra -na ît re, qu'avec cet idéal moral et se développer que
cessaire, qui serve d'éducation et d'orientation. Mais pour dans la confiance.
se débarrasser de l'inégalité et des -habitudes de rapacité, M. PIEHHOT.
il faudra l'élan enthousiaste des révolutionnaires, qui en-
traine le monde clans la joie de la nouvelle· humanité.
Si tout le peuple participe, comme Je voulait Bakounine,
au travall d'organisation, à une organisatk n tout entière
à sa portée, le danger de dictature est écarté, car :la dic-
tature ne t i re sa force que de l'Etat et de la centralisa-
tion, par quoi· J'administrai-ion échappe aux udministrés,
Bakounine fut l'homme de la joie, à l'encontre des sup-
pôts et partisans de l'autorité, puritains pessimistes prê-
chant Jé devoir, profiteurs 'de « l'ortlre S-O'CÜtl >;;=;çai1tant
a.,ux autres l'obéissance et les renoncements pour la gloire
BIBLIOGRAPHIE
de l'Etat et des Elites.
La génércsité de son caractère s'exprime pleinement clans L'Ethique du Syndicalisme
<"Ptte fameuse tirade sui· la solidarité :
par Pierre BESNAHU.
« Aucun individu .iumain ne peut reconnaître sa propre
humanité, ni par conséquent la réaliser dans sa vie, qu'en Da11s le }forvde Nau/oeau; Besnard a imaginé· Jé tableau
la reconnaissant en autrui et en coopérant à sa réalisation d'une société future, dont Bertrand a fait ici le compte
. pour autrui. Aucun homme ne peut s'émanciper qu'en rendu et la critique, montrant que la réalité possible est
émancipant avec lui tous les hommes qui l'entourent. Ma plus complexe que le simple accord entre la production
liberté est la liberté de tout le monde, car je ne suis réel:· et la commune,
. lement libre, libre non seulement clans I'Idée.: mais clans Ces utopies Iaissaient de. côté, Jluné et I'auue, la morale
le fait, que lorsque ma liberté et mon droit trouvent leur on éthique. Besnard a traité ce sujet à part dans un· l i vre.>
confirmation, leur sanction, dans la liberté et clans le droit paru, il y a quelques mois, sous le titre : l'Elhiq•uc dti,i
de tous les hommes, mes égaux. ' Simaicatisnie.
«· Ce qlie- tous les autres hommes sont m'impoite· beau-" - ·A mon, gc.üt, le livre eût gagné à être écrit d'une tacon
cour? -parce que tout indépendant que je m'imagine ou que· moins· diffuse' et avec moins de style oratoire. Mais je
je ·paraisse par ma· position sociale, dussé-je -être Pape, pense 'quo Besnard a· eu raison de montrer · que l'action
Tzar ·;ou Empereur ou même premier' 'ministre, je suis: i11- éeonomique n'est pas tout." ·
cessamment le produit de ce "que sont -lès dèrniers d'entre Autrefois, il y-a cinquante ans et plus, I'idéa l suffisait,
eux; s'ils sont ignorants, misérables, esclaves, mon exis- car J'idèal. est Iui-même une moraûe, A ce moment les,
tence -ést •.lc]éte1,fünêe par leur- lgnoranèe, leur 'misère et révolutionnaires ne pouvaient être que messianistes, et ils
leur· 'esclavage. :\1<..i,-· homme ·éciafré· ou intelligent, par avaient -raison de 'l'être. Là société, conçue par eux, était
exemple - si" c'est ·1e ·cas - je su.is bête· <le' leur sottise ; dans· 'leurs rêves une société -idéale, tant au point de vue'
moi brave, je"'suis l'esclave de leur esclavage; moi riche, rles relations ·économiques qu'à celui des· relations morales. ·
je tremble devant leur misère; moi pPivilégié;'.'j'e pâlis Le blen-êtce assuré, la liberté conquise, les rapports· entre ·
devant leur "justice. Moi, voulant être· libre enfin, je ne les hommes eussent été parfaits.
puis parce qu'autour de moi tous· les hommes .. -ne veulent Ces vieux ont connu la vé1'itab/.e 'ra'ison de vivre, qui est
pas' tiêtre. libres- encore,': et ne· le' voulant' pas, ïls -devlénnent l'amoil1'. lis 'ont: imaginé la société future comme une île
contre 'moi 'i:ftis mstrurnents d'oppression: » · · · -· · - , fortunée, baignée d'une lumière- rnei-veilleuse, parfumée de
oh1 pouiTaftll, rêprocher ·à Bakounine son -rcmantisme ûe fleurs et fournissant une nourriture variée- à des nommes
IJÛncade.': Mlils -ses- éonceptions n'avaient 1'.ië1; d'utopique à • de goûts simples et saris àmbitir,n, sans esprit de domina-
. • l. ' • •
son époque. A ce moment, les gouvernements étaient cn-« tion.
<'or'é'rni.rn1gsf, ma'l"re.frus·tcfe · la tourmente -révolutionnaire et L'île est· maintenant reliée à la terre par un pont en
enéo1~ fi)iiJW-~e dr'ayettr, à- fa~ menace c1iuî1 mouvemen t ciment armé ·où passent des trains .électriques. Des bâti-
populà! te.:. Ïtf l:a1itatisi:ne:.Lèn était encore à essayer -ses merits · commencent à -s'élevèr. · Quelques-uns · sont même
prein1ërs pas ; i!·'aurait pu· être culbuté- assez rà"Wèment,
0
achevés otf' sur' le point de-0r"êtr-e, On ait ·à.:leu-r frontôh :··
~t I'économie 'eût pu ··s'or-i~1~ter vers'<Ia" to<lp érafion, dorit administration, statistiques, ·' ai lleurs dispensaire, . un peu' ·
Jes idées étaient dans leur première fioraisorr'", ::·,• phis loin couténtieux. On ' éntre' et l'on trouve des salles
- A notre époque Bakounine eut probablemént a:11anponné_ t1rl1.ttente avec des guichets grillagés.
les sociétés secrètes pour la propagande au grân·~ jc ur, Le vieux, s'il en reste encore, soupire effaré. Mais i I est
- 10-
demeuré optiiniste; et il se tournera. vers vous en disan t : objet immédiat, surtout si ceux qui les mènent savent en
« Hein! les idées cnt fait des progrès! » montrer tous les aspects, toutes les conséquences proches
Les révolutionnaires se sont dispersés en des organisa- ,t, lointaines.v- , ·1 t•.ii ·•·:
tions ou des partis différents. L'idéal a diffusé dans la Dès maintenant (p: 35' et 36) le syndicalisme doit s'oc-
masse, mais il a perdu sa pureté. L'égoïsme )'a envahi. Le cuper de la jeunesse, former des cours d'éducation protes-
socialisme est submergé par les préoccupations électora- sir.nn el!e, fonder aussi des sections d'éducation.
les. Les avocats y ont adhéré en grand nombre, et à beau· Il faudrait égadement que Ja famille prit plus de soin
coup il sert de tremplin pour arriver. Dans certains grou- cle l'éducation des enfants. On croit qu'ils ne comprennent
pes anarchistes, les obsédés sexuels, les sans-scrupules cons· pas, c'est une erreur. Il faut leur apprendre la vie au ru l'
cients, etc., cnt amené un égoïsme (1) qui n'a rien de com- et à mesure que leur intelligence s'éveille, ménager leur
mun avec l'idéal d'indépendance individuelle, fait de maî- susceptibilité et éviter toute humiliation.
trise et de respect de soi-même et d'affectivité, par besoin Besnard écrit tout un chapitre SUL' la rcsponsabi litè :
-conscient de jouissances plus affinées. responsabilité individuelle et responsabilité collective. Il
Il faut que la société soit faite pour tout le monde et dit, avec raison, que l'inertie des travailleurs du monde
non pour les idéalistes seuls. Une société fondée sur de entier est responsable du. triomphe clu fascisme en Espa-
désintéressement (2), à condition que les besoins et les gne. Mais il a peut-être tort de croire à la possibilité à
.goûts soient satisfaits. Dans cet espoir il faut lutter pour ce moment d'une grève générale- internationale. 11 eût
l'affranchissement écc nomique sur le plan syndicaâiste. suffi que le prolétariat des pays démocrates ne restât pas
Ici nous trouvons une 'nouvelle morale. Morale [œuiée passif.
..mr le travail, sur sa primauté· et SUL' la responsabilité Il pense que ile meilleur travail est souvent fait en
dans le travail. Elle prend toute sa valeur clans l'action. équipe. A ce sujet il cite une étude de Jean Prévost sur
LI n'ést .J.JUS vrai, ait Besnard, que le svnrlicalismc soit les Américains :
un mouvement absolument primai re, uniquement préoc- « Est-ce à dire qu'ils sont moins iudividua listes quo
cupé d'intérêts corporatifs et exclusivement matériels, .qu'Il nous? Non. Est-ce à dire qu'ils aiment à se soumettre à
.soit un grand corps sans ûmc, devant être soumis à une hiérarchie fixe, à se soumettre à des ordres stricts,
I'idéolcgie de tel ou tel parti politique et à leur directive, à une discipline imposée'! Ils Je savent encore moins que
.avant d'être intégré à l'Etat totalitaire que ces partis nous.
rêvent cl'inst.aurer (pp. 7 et 8). « La merveille clc l'esprit de coopération, tel qu'Ils ile
';Le syndicalisme révolutionnaire refuse de subordonner comprennent, c'est que la discipline s'établit d'elle-même
l'homme à l'Etat. JI ne le subordonne à rien. Certes, il devant la table de 'travail, c'est que la. hiérarchie se fait
'emploie à doter la société des insti tutions indispensables, toute seule autour cle l'animateur, cle l'esprit ·le plus Jort.
mais il veut qu'elles soient I'œuvre d'hommes libres, qu'el- La discipline enlève à chacun. un peu de lui-même. Dan
les soient au service de l'homme et que l'homme ne soit une équipe qui travaille bien ensemble, en pleine liberté,
pas leur prisonnier (p. 10). chacun au contraire sent se multipllar son initiative et
L'éducatic.n par les syndicats doit amener Ies travail- son élan. ' '
leurs de tous les pays à sentir le besoin de la dignité clans « L'unique secret, le grand secret à ciel ouvert des Arné-.
Je travail et dans la vie, et à la conquérir. Elle doit déve- ricains, c'est l'esprit d'équipe, c'est l'art do travailler unis,
lopper la conscience professionnelle des ouvriers et main· mais en hommes libi es.
tenir le sentiment, de leur solidarité (p. 19). Stimuler sans Les Européens, « au lieu' de collaborer avec leurs pairs,
esse Je sentiment de la responsabilité et le sens cle I'i n i- usent les trois quarts de leurs forces à lutter entre eux.
tiauvc, condamuer la paresse clans le travail (pp. 19 et 20). On « peut connaître l'ordre quelquefois pal' le despo-
Besnard réprouve le sabotage (pp. 116 et 119).
_La machine a remplacé l'artisan ; il comprenait son tra-
tisme, le Ianatisme ou l'astuce, mais c'est l'ordre stérile et
ce n'est rien devant la coopération spontanée et féconde
vail. Les nouveaux procédés techniques tendent à se subs- des hommes 'albres ».
tituer en grande partie à la responsabilité du manœuvre. Besnard ajc,ute un peu plus loin : « Les .dictaturos se
·Ce,\u1-C'i ne comprend pas cc qu'il fait. La méthccle de sont imposées aux mouvements faibles idèolog iqucmeu t,
rationalisation (ex. 1. méthode Taylor), avec ses procédés .., aux Individus insuffisamment évolués et incapables de se
pseudo-scientifiques qui ne tiennent pus compte de la psy· conduire, de réaliser pratiquement leur Irtéal, mais jamais'
chologic humaine, ravale l'homme' à l'abrutissernent. Elle elles n'ont pu faire accepter leur joug au\} collectivit~s
.a été la mère du fascisme et du capitalisme d'Etat (p .. lG). éduquées ... » (P .. 611).. ·
Les travailleurs ne pourront entièrement se libérer qu Il y a çà et là clans le livre quelques affirmations tran-
par la possession des Instruments de travail, la négation chantes dont la vérité ne' nous parait pas complètement
du droit cle propriété et du principe d'autorité (p. 41). Or démontrée. Besnard apparaît ainsi, sans. qu'il s'en rende
déjà I'occu paticn des usines en temps de grève est l'indice compte, avec la ment.alité d'un homme de parti. Et nous
0

cl!iTunmnses possibilités pour demain : jusqu'à la prise ne sommes plus du tout de SC,l1 avis cfua)1d il déclare C[UC 0

de possession réelle. L'action, la lut.te dépassent ainsi leur « nous devons réussir tlu premier coup, sous peine de Iaire
faillite d'une. façon définitive. » Pourtant il dit· ailleurs
'"} :1.
(1) C'est cc CJ.Ue Besnard L'Xfll>SL' ù la p:1gc 103. . (p: 56) que l'humanité n'avance _que par; bonds successifs,
(~) Dans le sens opposé à l'esprit de rapacité et de dorniuation. fait~ c1~·-p'.rogressi_o11{; or cfe· ·rcéu ls. Scil1S doute, dans la.

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première phrase, il parle d'un système à lui. Or l'exem- ges, par exemple. Et un même indivâdm :;:e tournera pour
ple des collectivités agricoles, créées en Catalogne et en ses différentes activités vers différents eientres,
Aragon pendant la guerre civile, montre qu'il y avait là La vie matérielle courante, la vie psyu.ftilque, la vie intel-
tout un travail d'organisation qui eût tenu sr.lidement, lectuelle sera généralement la commune, dans une cocpé-
i Ja Républiqua avait été victorieuse. Je ne crois pas au rative paysanne ou ouvrière, là où abo1utissent les capil-
coup de baguette magique. Bien entendu, il faut que 1e laires des syndicats qui administrent !te pays (région ou
capitalisme soit réduit à l'impuissance. Alors on s'orga- ensemble de régions). Une grande viillœ qui ne soit pas
nise, sans que l'échec d'un système conduise à la faillite. trop distante forme un centre secondarre., avec de grandes
Le meilleur est celui qui comporte la diversité la plus écoles, des hôpitaux, des ressources de brtllls ordres. Même
variée des arrangements. Une conception trop rigoureuse Paris, pour des besoins spéciaux. Et laiss~i1, à chaque syndi-
conduit au rétablissement cle l'autorité. cat, chaque coopérative, chaque indiwir,füu le l ihre choix
L'important est que la mentalité du peuple scit changée. de son centre.
Au lieu d'attendre son salut, sa vie, son travail cle la
RECLUS.
bienveillance d'un Dieu, d'un prince ou d'un patron, il
faut qu'il sache et soit persuadé qu'il doit être maître de
on travail et que personne ne peut faire travailler iautrut La signification révolutiœnœaire
à son profit. Le triomphe de la nouvelle morale est fa. de la Tétralogie de Wag;me-r
meilleure garantie de la victoire.
par notre collaborateur De Mmla.ncler
:\-f. PIERROT.
Ce livre est le· vade-mecum de tout audiL.i~u1· qui veut, au
*** théâtre, ressentir clans sa plénitude Ie ,grrand souffle du
Jeunes Provinces drame wagnérien.
La préoccupation de son auteur a ,ét<ê que par lui :la
(Editions du Mercure Universel, Lille et Paris) Tétralogie, par la rude attaque qu'elle rnœme contre l'Or et
le Pouvoir, redevienne l'instrument de 1Prto:1pagancle qu'avait
Manuel du régionalisme, conçu clans un esprit très libé-
rêvé Wagner lorsqu'il en écrivit les livretts,
ral, non, pas pour nous ramener au Moyen Age, mais
300 pages, 15 francs. Franco, 16 fr. 5ill.il. Commandes à
« comme issue aux difficultés modernes, nous devons cher-
Plus Loin, qui les centralisera.
cher clans un remaniement de chaque Etat, et s'il le faut,
dans une révision de l'idée de patrie, un équilibre suppor-
table entre les collectivités et ,les individus ».
*
*:j:

Evidemment le tableau des « jeunes provinces » n'est - Pages de mon carnet


compatible qu'avec un monde dégagé des craintes de la
Souven~~de~ voyage, de campagne, aD.e captivité, par
guerre; c'est donc pour le moment un tableau utopique Maurice Wu lens (en souscription aux éillitiions des Hum-
décrivant une Europe à cent provinces, 10 d'Espagne, 10 de bles, 229, ru de Tolbiac, Paris, XIIr. C_ «:. P. 380.70 Paris.
France, 8 d'Italie, 12 d'Allemagne, etc., chacune d'elles Prix : 1S-, francs.
·constituée par des communes de plus grande étendue que 1
celles d'aujourd'hui ; chacune d'elles, centre d'une vie intel-
lectuelle intense. ACADÉMIE INTERNATIONALE JDE .LA PAIX
L'auteur flotte un peu. en ce qui ccncerne les adminis-
tratic ns ; mais ce qui le gêne considérablement, c'est la Le Comité de l'Académie Internationaale de la Paix
difficulté de tracer des frontières à ces jeunes provinces organisé au Château de Greng (Lac de M01r:at) son deuxième
et de choisir les grandes villes susceptibles d'en former le cours d'été, qui aura lieu du l" au 12 mu1Tit 1939.
centre attractif. C'est la première fois que cette inst'iturlti<m, récemment
La frontière ! Qu'il s'agisse d'un Etat, d'un département, fondée, tiendra ses assises en Suisse.
d'une commune, c'est là une fiction d'ordre gouverne- Des conditions très favorables ont été wlb~enues pour ce
mental. Chaque individu doit occuper un point .dans û'es- cours de douze jours, ainsi qu'un arrangreenent de cam-
pace où le Commandant de recrutement soit sûr de le ping.
trouver pour lui faire remplir ses chligations militaires, Prière aux personnes qui désiren t premdlre part à ce
où le percepteur lui présentera la note des impôts à payer. cours de s'annoncer le plus tôt pcssibâe 111 Jlf"'° C.-L. de
Ajoutons encore le besoin d'une adresse précise où l'ad- Ligt, Petit-Lancy, Genève, qui donnera itlous renseigne-
ministration des Postes lui fera parvenir son courrier. ments désirés.
Localisons donc l'individu dans une commune <.le son
choix. Mais pour le reste, a quci rime la frontière cle la
région?
BANQUET
Dans un même village, selon les occupations, les fa- II n'y aura pas de banquet en juillet, cem août, ni en
cultés, les goûts, chacun s'orientera vers del? centres diffé- eptembre. ,.
rents. Dans le sud-ouest, un commerçant se rattachera à
Bordeaux, un artiste à Toulouse, 'un industriel vers Limo- ~--.l ·:, lihp:· Toutousalne ,
.~~ (LION ET FILS) 1,r, Gémrnll : M. PIERROT.
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- 12 -

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