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Chapitre 1 – Généralités – Définitions – Notions de fertilité des sols

1 – Bref historique sur le sol


Le terme sol est très polysémique puisque l’on peut évoquer le sol « musical » (clé de Sol), le sol «
monétaire» (le « sol » comme un sou), le sol « juridique » (droit du sol), le sol « surface » (au ras du « sol
», l’approche au « sol », « sols et planchers », etc.), le sol « foncier et cadastral » (plan d’occupation du
sol), géographique et patrimonial (le « sol natal »), etc.
Dans les sciences de la terre, le mot sol a un sens différent selon la discipline concernée. Il y a par
exemple :
- le « sol » des agronomes dont le terme en grec serait édaphos ( εδαφοσ - édaphologie) qui est conçu
comme une ressource constituant une réserve d’éléments nutritifs pour la végétation (cultivée ou non) et
le lieu de croissance et d’activité des racines ;

- le « sol » des archéologues, qui y découvrent dans des couches de terre, l’histoire de civilisations
passées, les habitudes alimentaires anciennes, des outils d’autrefois, des tessons des ustensiles de cuisine,
des méthodes de chasse ou de pèche, des rites funéraires, et bien sûr tous les fossiles des plantes et des
animaux des époques révolues ;

 le « sol » des exploitants carriers ou mineurs, qui creusent la Terre pour en extraire du sel, des
pigments, du sable, de l’argile, des graviers, et parfois des minerais utiles à nos industries ;

 le « sol » des géotechniciens qui construisent des routes ou bâtissent des maisons sur du sol. Pour
eux le sol est à la fois ce volume de terre qui concerne les fondations et le matériau de mélange de
terre, de pierres, de graviers et de gravats qui constituera un matériau de chaussée ou de
construction.
Ici est présenté le sol étudié par les scientifiques se référant à la pédologie ou science du sol. La date
de naissance officielle de la pédologie est l’année 1883, avec la publication de la thèse d’un géologue
russe, V.V. Dokuchaev, dont le titre est Le chernozem russe. Le terme pédologie vient du grec πέδον
(pédon) : ce qui est sous les pieds et de λόγος logie : science, discours sur. Son équivalent latin a donné en
français : science du sol.

2 – Sol : Définition et glossaire


2.1 - Définition
Depuis la naissance de la pédologie, et des propres écrits de Dokuchaev, de nombreuses définitions du
« sol » ont été proposées.
L’Association Française d’Étude du Sol (AFES) en propose une, à la fois, compréhensible par un large
public non spécialiste en pédologie (= science du sol), mais aussi acceptable par les spécialistes (les

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pédologues). Ceci a conduit à accompagner la définition d’un glossaire de quelques termes afin de
préciser le sens de certains des mots (spécifiques ou au contraire très généraux) employés dans cette
définition. Cette définition pédologique du mot SOL et les termes du glossaire qui l’accompagne utilisent
les ouvrages de M.C. Girard et al. (2011) et tiennent compte du débat qui eut lieu en 2014 sur la liste
électronique AFES.
Le sol (Fig. 1) est un volume qui s'étend depuis la surface de la Terre jusqu'à une profondeur marquée
par l'apparition d'une roche dure ou meuble, peu altérée ou peu marquée par la pédogenèse. L’épaisseur
du sol peut varier de quelques centimètres à quelques dizaines de mètres, ou plus. Il constitue, localement,
une partie de la couverture pédologique qui s'étend à l'ensemble de la surface de la Terre. Il comporte le
plus souvent plusieurs horizons correspondant à une organisation des constituants organiques et/ou
minéraux (la terre). Cette organisation est le résultat de la pédogenèse et de l'altération du matériau
parental. Il est le lieu d’une intense activité biologique (racines, faune et microorganismes).

Fig. 1 - Le sol organisé en horizons : un Podzol. Fig. 2 - La terre (cliché E. Lucot)


Ce sol a une épaisseur de 110 cm. (cliché A.L. Le Bris, « Étude des sols », Dunod).

2.2 - Glossaire
 Terre

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La terre (Fig. 2) est composée de constituants organiques et minéraux de tailles variables, et
généralement aussi d’organismes vivants (végétaux, faune, microorganismes). On ne doit pas confondre
la « terre » matériau pouvant venir de n’importe quelle partie du sol, et le « sol » qui est l’organisation
d’un volume de terre en horizons.

 Terre arable
La terre arable est la couche superficielle (20 à 30 cm) travaillée par l’agriculteur (ou non d’ailleurs) et
dans laquelle sont incorporés les fertilisants, les amendements calcaires ou organiques.

 Matériau parental
Nous appelons ici matériau parental toutes roches géologiques, consolidés ou non, minérales ou
organiques, qui, au niveau d’un affleurement ou d’un dépôt à la surface de la Terre peuvent contribuer par
leur altération à la constitution d’un sol.

 Horizon
L’horizon (Fig. 1) est un volume, souvent disposé en couche, homogène dans sa constitution, son
organisation et sa dynamique ; il se distingue morphologiquement des horizons qui le surmontent ou le
suivent. Ces horizons et leurs caractéristiques sont interdépendants car tous sont liés au processus de
formation du sol nommé pédogenèse.

 Altération
C’est la transformation d’un matériau et de ses éléments (minéraux ou organiques) qui, sous l’effet de
facteurs climatiques (pluie, gel, sécheresse, etc.), physiques, chimiques (dissolution, précipitation,
hydrolyse, etc.) et biologiques (minéralisation, humification, etc.) conduit à la formation des constituants
et à l’organisation des horizons et des sols.

 Pédogenèse
La pédogenèse est l’ensemble des processus qui conduisent, dans l’espace et le temps, à l’organisation
du sol en horizons par altération, dégradation et remaniement des matériaux minéraux ou organiques. La
pédogenèse est dépendante de l’action des six facteurs majeurs suivants : le climat, la roche, la position
topographique, les organismes vivants, l’action de l’homme et la durée.

 Couverture pédologique
La couverture pédologique est un ensemble tridimensionnel (donc un volume) constitué de divers
horizons, se situant entre l’atmosphère et la lithosphère. C’est le lieu de flux de matières organiques et
minérales, d’eau, d’air et de vie (biologie). Elle évolue constamment à des vitesses variables et selon
divers pas de temps.

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3 - Services fournis par les sols
Le sol se situe à l’interface de : l’atmosphère, de l’hydrosphère (les eaux continentales, voire marines),
de la biosphère (végétaux, microorganismes, animaux, dont l’homme : anthroposphère), de la lithosphère
(les formations géologiques) et de la toposphère (relief) (Fig. 3).

Fig. 3 - La couverture pédologique en interface avec les autres grands compartiments de la planète Terre

Par les nombreuses fonctions essentielles qu’il exerce en interactions avec ces compartiments, le sol
joue un rôle majeur dans le fonctionnement général de la planète Terre. À ce titre, et s’il est géré
correctement, il fournit des services qui profitent aux sociétés humaines. On distingue généralement les
services suivants (MEA, 2005) :
 les services de support (ou d’auto-entretien). Il constitue le support des animaux (dont l’homme)
et des végétaux. Si son fonctionnement est opérant, la ressource qu’il représente autorise
l’efficacité de tous les autres services décrits ci-dessous ;
 les services d’approvisionnement. Le sol, comme ressource agricole (au sens large), fournit des
aliments (végétaux et animaux) et des fibres ; comme ressource génétique, il abrite un patrimoine
biologique encore mal connu mais très diversifié et qui fournit notamment, des produits
biochimiques et pharmaceutiques ; comme ressource en « terre », il fournit des matériaux de
construction ;
 les services de régulation. Le sol permet de réguler la qualité de l’air et des eaux, de lutter contre
de nombreuses pollutions, contre les érosions hydrique et éolienne, contre la sécheresse et contre
les inondations ; il permet de participer à la lutte contre l’effet de serre, et constitue un site de
stockage de divers éléments et, par filtrage, assure la
 dépollution de nombreux contaminants ; il recycle certains déchets et permet la régulation des
ravageurs de cultures.
 les services culturels et cultuels. Le sol rend aussi des services culturels et cultuels selon les trois
dimensions suivantes : il fournit des matériaux pour la production artistique (terres colorés,
pigments et argiles pour la peinture et la céramique) ; il est un lieu de stockage et de protection
des données anciennes touchant à l’Histoire ou au passé de notre planète (archéologie, archives
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paléo-climatiques, etc.) ; il est lui-même objet d’inspiration pour les religions, les mythes, les
cultes mais aussi pour la production artistique et littéraire.
4 – La fertilité des sols

Un sol est constitué d'éléments minéraux et de matières organiques. Il prend naissance à partir de la
roche puis évolue sous l'action du climat et de la végétation. L'altération des roches se fait par
désagrégation mécanique à l'origine de fragments et par altération chimique à l'origine d’ions solubles.
Elle demande de l'eau et une température suffisante.

Pour les roches silicatées cette altération se fait par hydrolyse (action de l’eau) et pour les roches
calcaires par décarbonatation (solubilisation du carbonate par le CO2 que contient l’eau). Les sols
présentent une structure stratifiée que les pédologues appellent horizons. Deux types d'horizons se
superposent habituellement : une suite d'horizons humifères, au-dessus des horizons minéraux.

Profil pédagogique

La fertilité physique du sol

Les propriétés physiques des sols ont une influence sur :

La circulation de l’air : en absence d’air, les racines ne peuvent plus respirer ce qui provoque
l’asphyxie et la mort des plantes (bien souvent c’est le résultat d’un excès d’eau).

La circulation et la rétention de l’eau : l’eau apporte des éléments nutritifs à la plante ; par ailleurs
grâce à sa transpiration la plante régule sa température.

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La texture

La texture indique l'abondance relative, dans le sol, de particules de dimensions variées: sable, limon
ou argile. De la texture dépendent la facilité avec laquelle le sol pourra être travaillé, la quantité d'eau et
d'air qu'il retient, et la vitesse à laquelle l'eau peut entrer et circuler dans le sol (définition de la FAO). La
texture d’un sol influence toutes les autres propriétés physiques du sol, y compris le drainage, la capacité
de rétention, sa température, l’aération et la structure.

On peut classer les produits qui constituent la fraction minérale par diamètres décroissants :

 Les blocs ou les cailloux sont les éléments de taille supérieure à 2mm.
 Les sables : de 2 mm à 50 μm
 Les limons : de 50 μm à 2 μm
 Les argiles : < 2 μm
On peut attribuer à chaque sol une classe texturale en fonction de la proportion des particules de sable,
de limon ou d'argile qu'il contient.

 Texture sableuse : sol bien aéré, facile à travailler, pauvre en réserve d'eau et pauvre en éléments
nutritifs.
 Texture limoneuse : parfois l'insuffisance d'argile et l'excès de limon peuvent observer la
formation d'une structure massive accompagnée de mauvaises propriétés physiques.
 Texture argileuse : sol chimiquement riche, mais aux propriétés physiques très mauvaises milieu
imperméable et mal aéré, empêchant une pénétration harmonieuses des racines ; travail du sol difficile, en
raison de la compacité dans le cas d’un sol sec ou de la forte plasticité dans le cas d’un sol humide.
 Texture équilibrée : elle présente la plupart des qualités des trois types précédents, sans en avoir
les défauts.
Exemple de granulométrie favorable à la culture : 40 à 50 % de sables, 30 à 35 % de limons, 20 à 25
% d'argile.

Diagramme triangulaire des classes texturales de sol d'après les dimensions des particules USDA

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Pour utiliser le diagramme, Il faut porter sur les trois axes les pourcentages d'argile, de limons et de
sables. Pour chacun des points ainsi trouvés, il conviendra ensuite de mener une parallèle à l'axe
précédent : l'intersection de ces trois parallèles désigne la classe du sol.

Texture du sol (pourcentages, poids sec) Basée sur la classification granulométrique USDA (US département of agriculture)

Appellation courante des sols Sable Limon Argile Classe texturale

86-100 0-14 0-10 Sable


Sols sableux (texture grossière)
70-86 0-30 0-15 Sable limoneux

Sols limoneux (texture modérément


grossière) 50-70 0-50 0-20 Limon sableux

Limon
23–52 28–50 7–27
Limon silteux
Sols limoneux (texture moyenne) 20–50 74–88 0–27
Limon très fin (silt)
0-20 88-100 0-12

Limon argileux
20–45 27–40
Limon sablo-
Sols limoneux (texture modérément
45–80 15–520–2840-73 20–35 argileux
fine)
0-20 27-40 Limon silto-
argileux

45–65 0–20 35–55 Argile sableuse

Sols argileux (texture fine) 0–20 40–60 40–60 Argile silteuse

0-45 0-40 40-100 Argile

La structure du sol

A l’échelle humaine du temps la texture du sol doit être considérée comme une propriété fixe. Son
influence s’exprime sur la structure du sol.

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On distingue trois structures particulaire, massive ou en agrégats.

 Particulaire : les particules restent libres car il n’y a aucune cohésion (sables, graviers).
 Massive : les particules forment un bloc (argiles lourdes).
 Agrégé : les particules forment des agrégats.
Le travail du sol et les amendements (apports calciques et organiques) qu'effectue un agriculteur sont
destinés à améliorer la structure en particulier l'équilibre entre rétention et mouvement de l'eau. Une forte
cohérence des agrégats est synonyme d'une bonne stabilité structurale ce qui impact sur l’infiltration de
l’eau dans le sol. En-dessous de 15% d'argile, la stabilité structurale devient relativement faible et le sol
facilement érodé ; en revanche, au-dessus de 40%, le sol sera « lourd », avec une rétention d'eau
importante et une structure massive.

Sols riches en limon Faible cohésion / Faible stabilité structurale / particules facilement transportés par le
ruissellement

Sols de sables fins Très faible cohésion / Faible stabilité structurale / peu de ruissellement

Les cations du sol

Dans la solution du sol, les cations du sol (Ca2+, K+, Mg2+, Al3+, H+…) ont une charge électrostatique
positive alors que celle des argiles est négative : cela provoque une attraction entre cations et argiles à
l'origine des agrégats. Le calcium est particulièrement favorable à la formation de ces agrégats d’où
l'apport de calcaire broyé ou de chaux par les agriculteurs. En revanche le sodium provoque la dispersion
des éléments du sol. Il est donc important de connaître la sodicité du sol en mesurant le pourcentage de
sodium échangeable (Exchangeable Sodium Percentage ou ESP) et le Rapport de l’adsorption du sodium
(Sodium Absorption Ratio-SAR). On considère que le sol est sodique si le SAR est supérieur ou égal à 13
et le ESP supérieur ou égal à 15. Dans la réalité, même avec un ESP de 4 et un SAR de 5, la stabilité
structurale est déjà très réduite et provoque une forte érosion du sol.

La fertilité chimique du sol


Les ions du sol
Anions(-) Cations (+)
Eléments nutritifs
H2PO4- NH4+
HPO42- K+
PO43-
SO2-
NO3-
Stabilité structurale
K+
Ca2+ (+)
Mg2+ (+)
Al3+ (+)
Fe3+ (+)
Na+ (-)

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Toxicité
NO3- Al3+
Fe3+
OH- sans effet +
H : permet de mesurer l’acidité du
sol

Le complexe argilo-humique

Quatre éléments sont présents dans le sol : l'air, l'eau, les minéraux et la matière organique. Le
complexe argilo-humique résulte de l'association des argiles à l'humus (=matière organique du sol) grâce à
l'action stabilisatrice du calcium. Les argiles ayant une puissante charge négative due à leur structure en
feuillet, une certaine quantité de cations libres de la solution du sol peuvent s'y fixer (Ca2+, K+, H+, Na2+
etc.). Le complexe argilo-humique constitue donc un véritable réservoir d'éléments nutritifs pour la culture
qui échange en permanence des ions avec la solution du sol environnante.

Complexe argilo-humique

La Capacité d’Echange Cationique (CEC)

La Capacité d’Echange Cationique (ou CEC) mesure le nombre de sites électronégatifs sur le
complexe argilo-humique. En permanence il y a des échanges de cations (Ca2+, Mg2+, K+, Na+ entre ces
sites électronégatifs et la solution du sol. Le taux de saturation en cations correspond au pourcentage des
sites électronégatifs (CEC) qu’ils occupent. Les cations sont donc retenus par le complexe argilo-humique
ce qui évite leur lessivage. Plus la CEC est élevée, plus elle peut retenir des cations dans le sol ce qui
améliore la structure du sol et permet d'alimenter correctement les végétaux.

Cas particulier des nitrates

Les nitrates (NO3-) sont des anions nécessaires à la croissance végétale. C’est pourquoi les agriculteurs
en ajoutent au sol sous forme d’engrais ou de fumier. La mobilité de cet anion, très toxique pour la santé
humaine, fait qu’on le retrouve en abondance dans les nappes phréatiques.

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Profil idéalisé dans un sol, montrant les différents horizons et les processus qui y sont observés. D'après Konhauser
(2007), modifié.

Le pH du sol

Le pH est une mesure de la concentration en ions H+dans la solution du sol. Un pH 7 est un pH neutre

qui correspond à la concentration en ions H+ présente dans l’eau pure. En dessous de 7, le sol est acide et
au-dessus de 7 le sol est alcalin ou basique. Le pH nous renseigne sur les éléments nutritifs et les risques
de toxicité. Certains facteurs ont tendance à acidifier les sols : pluies acides, décomposition de la matière

organique, apport de certains engrais comme l’ammonitrate (NH4+NO3-).

pH du sol
Acidité Neutralité
Alcalinité
Très forte forte modérée faible faible modérée forte très forte
pH 3 4 5 6 7 8 9 10 11
Sols organiques régions humides régions sèches sols alcalins

Impact du pH sur la disponibilité des éléments nutritifs et la toxicité des métaux

L'assimilation des éléments nutritifs par les plantes est meilleure pour des pH voisins de la neutralité.

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Par exemple, dans les sols basiques, le phosphore s'associe au calcaire alors que dans les sols acides, il
s'associe au fer en devenant insoluble. Dans les deux cas il est indisponible pour les végétaux. En
revanche à pH neutre il est soluble donc assimilable.

Les métaux sont plus solubles que les éléments nutritifs. Il en résulte qu'ils sont assimilables à des pH
acides. Ainsi l’aluminium, non soluble à des pH élevés, le devient en pH acide : il est alors assimilé et
manifeste sa toxicité.

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