Vous êtes sur la page 1sur 65

Eléments constitutifs des sols

Introduction
Le sol, objet d'étude de la Pédologie, peut être défini comme étant la couche superficielle de
l'écorce terrestre ("couverture pédologique") qui possède des caractéristiques morphologiques et
minéralogiques ainsi que des propriétés physico-chimiques distinctes de celles du matériau originel
dont il dérive (un substrat géologique ou tout autre matériau apparenté), du fait de sa position à la
surface de la lithosphère et de l'influence des facteurs du milieu qui y agissent. Selon le "Référentiel
pédologique des principaux sols d'Europe", édité par l'INRA (Baize et Girard, 1992), il s'agit d'un
objet naturel (c'est-à-dire dont l'existence initiale ne dépend pas de l'homme), continu et
tridimensionnel.
Les "couvertures pédologiques" sont le plus souvent continues, mais il arrive qu'elles soient très
réduites, voire absentes. En outre, elles sont fréquemment modifiées par des activités humaines, sur
des profondeurs variables et de façon plus ou moins apparente.
L'étude des sols peut être abordée de diverses manières :
 Une approche agronomique : le sol est envisagé comme le milieu naturel au sein
duquel croissent les plantes cultivées. C'est donc la gestion correcte de ce "capital sol" qui
intéressera l'agronome par l'amélioration de son niveau de fertilité ou par les mesures
conservatoires qu'il peut lui apporter.
 L'approche écologique vise plutôt à replacer le sol dans un contexte écosystémique.
Un des objectifs majeurs sera dès lors l'étude causale des relations réciproques sol –
couverture végétale – facteurs climatiques.
 L'accent peut aussi être mis sur le rôle de "filtre" que jouent les sols à l'interface
atmosphère - hydrosphère - lithosphère. C'est alors leur comportement spécifique vis-à-vis de
différents types de pollutions d'origine anthropique (métaux lourds, hydrocarbures, "pluies
acides", etc.) qui sera étudié. Cette approche environnementale a connu un fortement
développement ces dernières années. Elle vise non seulement à la compréhension des effets
des polluants sur les sols et, par voie de conséquence, sur les plantes qui y croissent, mais
aussi à la mise au point de normes de sauvegarde et de méthodes permettant leur revalidation
et leur assainissement.
 Enfin, dans une approche proprement pédologique, le sol sera envisagé comme la
résultante de l'action des facteurs du milieu sur un matériau parent ou un substrat géologique
déterminé. Dans ce cas, le sol constitue en lui-même un objet d'étude et on s'attachera donc à

11
analyser et interpréter ses propriétés en relation avec les processus qui ont déterminés son
développement, quel qu'en soit l'intérêt pratique.
La connaissance des constituants du sol, de leur composition et de leurs principales propriétés
physico-chimiques, constitue en tout état de cause un préalable indispensable à l'étude du milieu
édaphique. Ces connaissances fondamentales permettent d'entreprendre l'étude des processus de
formation des sols (processus de pédogenèse) en relation avec les conditions de milieu, ce qui
débouche sur la classification des sols mondiaux, leur cartographie, ainsi que l'étude de leurs
potentialités agronomiques en liaison avec leurs principales propriétés physico-chimiques.

1 – Composants minéraux
Toute couverture pédologique est un mélange de constituants minéraux et organiques, d'air, d'eau et
d'organismes vivants. Ces constituants sont organisés entre eux et dans l'espace, formant des
"assemblages" ou des "structures" spécifiques du milieu édaphique. Les "horizons pédologiques" en
constituent un bon exemple : ils résultent de la subdivision d'une couverture pédologique en volumes
considérés comme suffisamment homogènes. Par leur dimension verticale centimétrique à
métrique, ces horizons sont directement perceptibles à l'œil nu sur le terrain ; c'est pourquoi l'horizon
est le niveau d'appréhension le plus pratique pour observer et échantillonner une couverture
pédologique (Référentiel, 1992).
Par ailleurs, les couvertures pédologiques sont en perpétuelle évolution, ce qui leur confère une
dimension supplémentaire : la durée. L'étude des sols doit donc se fonder non seulement sur la
nature, les propriétés et l'organisation de leurs constituants, mais aussi sur leur dynamique au cours du
temps.
La subdivision des constituants du sol est inévitablement arbitraire. Dans une première approche, il
est toutefois commode d'étudier séparément les quatre constituants majeurs du sol dont la répartition
volumique et pondérale moyenne est la suivante (tableau 1 et fig. 1) :

Tableau 1 – Exemple de composition centésimale d’un sol (en volume et en masse).

Ordres de grandeur du taux de matière organique : 2 % dans un horizon cultural en région


tempérée, 5 % dans un mull forestier, 10 à 20 % dans un moder, 90 % ou plus dans une tourbe acide

12
Fig. 1 - Composition moyenne d'un sol (en % volumiques, d'après Bear, 1964).

L'origine des différents constituants est évidente : les constituants minéraux sont hérités du substrat
géologique par désagrégation mécanique et/ou altération chimique plus ou moins prononcée. La
matière organique est majoritairement d'origine végétale.
Les vides du sol occupés par de l'eau et de l'air constituent la porosité du sol : porosité à l'eau et
porosité à l'air. Il y a bien entendu relation réciproque entre les volumes respectifs occupés. En
conditions naturelles, de fortes fluctuations des proportions relatives air/eau peuvent se produire au
cours du temps.

1.1 – La fraction minérale du sol


1.1.1 – Généralités
La fraction minérale du sol est constituée en majeure partie de fragments de roches et des minéraux
qui en sont issus. Il s'agit de minéraux originels inaltérés ou de minéraux originels plus ou moins
profondément transformés par les processus d'altération, auxquels peuvent s'ajouter des minéraux de
néoformation, spécifiques du milieu édaphique. L'ensemble de ces minéraux est distribué dans les
différentes fractions granulométriques du sol, déterminant sa texture.
Le sol peut aussi contenir une proportion plus ou moins importante de constituants minéraux
amorphes (c'est-à-dire non cristallins), dont le rôle au point de vue pédologique n'est pas à négliger.
On peut également considérer qu'une partie des éléments minéraux du sol est présente sous forme
d'ions (cations et anions), soit à l'état dissout dans la solution du sol, soit adsorbés à la surface des
colloïdes organo-minéraux (éléments dits "échangeables").
La nature des différents minéraux présents dans un sol et leur distribution verticale en son sein,
sont déterminées par :
 La composition de la roche-mère dont sont issus les principaux minéraux du sol (minéraux
hérités).

13
 Les processus pédogénétiques qui peuvent détruire certains minéraux, modifier plus ou
moins profondément d'autres minéraux (altération) ou en engendrer de nouveaux
(processus de néoformation). Par ailleurs, les minéraux les plus résistants à l'altération
peuvent s'accumuler sous forme résiduelle (c'est le cas du quartz) alors que les minéraux de
petite taille (< 2 µm) peuvent éventuellement être mobilisés et se concentrer
préférentiellement dans certains horizons (phénomène de lessivage des argiles).
Dans la fraction inorganique cristallisée, les pédologues distinguent habituellement deux types
principaux de constituants : les minéraux primaires et les minéraux secondaires.
 Les minéraux primaires (une dizaine de minéraux essentiels) sont, à l'origine, les minéraux
constitutifs des roches magmatiques, c'est-à-dire ceux qui se sont formés lors de la cristallisation des
magmas, dans des conditions de température et de pression totalement différentes de celles qui
prévalent à la surface de la lithosphère. Ils sont en conséquence plus ou moins instables dans les
couvertures pédologiques où l'ambiance physico-chimique est plus oxydante et le milieu plus hydraté ;
ils peuvent alors s'y transformer en minéraux dits "secondaires", à l'issue de processus d'altération
plus ou moins intenses et plus ou moins complets.
Les minéraux primaires peuvent soit être hérités directement de roches magmatiques ou
métamorphiques, soit provenir de roches sédimentaires où leur présence est liée au cycle géologique.
Presque tous les minéraux primaires sont des silicates ou des aluminosilicates de composition
chimique variée. Quartz, feldspaths et micas sont les minéraux majeurs (constituants qualifiés
d'essentiels en pétrographie) ; les péridots, les pyroxènes et les amphiboles sont des minéraux
accessoires.
 Les minéraux secondaires sont essentiellement des phyllosilicates (minéraux argileux), des
oxyhydroxydes (de fer, d'aluminium, de manganèse,...), des carbonates (de calcium, de magnésium),
des sulfates (de calcium : gypse) et des chlorures (de sodium : halite).
Les minéraux argileux et les oxyhydroxydes sont les constituants caractéristiques de ce que les
pédologues appellent le complexe d'altération des sols.
Comme le montre la figure 2, les minéraux primaires sont, dans la plupart des sols, principalement
distribués dans les fractions granulométriques grossières (sableuse : 2.000 à 50 µm et limoneuse : 50 à
2 µm). A l'opposé, les minéraux secondaires et particulièrement les argiles minéralogiques et les
oxyhydroxydes sont dominants dans la fraction fine du sol, c'est-à-dire celle dont la taille est < 2 µm
(= argile granulométrique).
Il convient toutefois de noter que si les fractions sableuses et limoneuses des sols sont en règle
générale dominées par le quartz et les silicates primaires, dans certains sols des régions tropicales, ces
mêmes fractions granulométriques peuvent être composées en ordre principal d'oxyhydroxydes de fer
et d'aluminium, donc de minéraux secondaires. En région aride également, les fractions grossières
peuvent s'enrichir en calcite (CaCO3) et/ou en gypse (CaSO4 .2 H2O).
14
Inversement, si les minéraux primaires sont généralement absents des fractions < 2 µm des sols
ayant subi une forte altération (exception faite des moins altérables d'entre eux et notamment le
quartz), ils peuvent par contre être présents dans la fraction argileuse des sols jeunes et encore peu
altérés, surtout lorsqu'ils sont formés sur sédiments dont la granulométrie fine est due à des processus
de division mécanique, comme c'est le cas par exemple pour les sédiments morainiques et les lœss.
La répartition moyenne des minéraux primaires et secondaires dans les roches magmatiques et
sédimentaires est donnée pour rappel dans le tableau 2. Les minéraux les plus fréquents des roches
métamorphiques sont ceux des roches magmatiques (quartz, feldspaths, micas, pyroxènes et
amphiboles).
Il est bon de rappeler que si les roches sédimentaires ne représentent en volume que 8 % de la
croûte terrestre (roches magmatiques : 65 %, roches métamorphiques : 27 % ; tableau 3), leurs
affleurements couvrent en surface approximativement les 3/4 des continents. Les couvertures
pédologiques à matériaux parents d'origine sédimentaire sont donc majoritaires. Les roches
sédimentaires les plus abondantes sont des roches "argileuses" : 80 % des roches sédimentaires sont
des shales, des schistes ou des pélites ; les grès et les quartzites n'en représentent que 12 % et les
roches carbonatées (calcaires et dolomies) seulement 8 %.

Fig. 2 - Diagramme montrant la relation générale qui lie la taille des particules et leur composition
minéralogique (d'après Bear, 1964).

Tableau 2 - Composition minéralogique moyenne des roches magmatiques et sédimentaires (%).

15
Tableau 3 - Abondance (%) des principales roches dans la croûte terrestre (d'après Ronov et
Yaroshevsky, 1969)

La figure 3 illustre les différences majeures de composition minéralogique entre roches


magmatiques et sédimentaires. Il est clair que les roches sédimentaires, ayant déjà subi au moins un
cycle d'altération ne fournissent généralement que peu de minéraux altérables. Leur composition
minéralogique est donc dans une certaine mesure assez proche de celle des sols.

16
Fig. 3 - Modifications minéralogiques moyennes lors de l'altération d'une roche magmatique en roche
sédimentaire (% massiques) (d'après Garrels et Mackenzie, 1971).

1.1.2 – Minéraux primaires


Il s'agit essentiellement de silicates et d'aluminosilicates, principaux constituants de l'écorce
terrestre puisqu'ils y représentent à eux seuls près de 99 % de sa masse et de son volume.
Un rappel de leur composition est un préalable indispensable à toute étude de la fraction minérale
du sol.

1.1.2.1 - Composition et classification structurale des silicates


L'élément commun à tous les silicates et donc l'unité fondamentale de leur structure cristalline est
le tétraèdre siliceux (SiO4)4- . Il est constitué par l'association de 4 anions oxygène (O2-) à grand rayon
ionique (r = 1,40 Å), étroitement accolés, et d'un atome de silicium (Si4+) de plus petite taille (r = 0,42
Å) et qui occupe la cavité ménagée entre les 4 oxygènes. Les liaisons sont de type covalent.
L'édifice (SiO4)4- qui correspond au polyèdre de coordination du silicium (tétraèdre : coordinence
IV), possède donc 4 charges négatives. On appelle coordinence le nombre d'anions qui dans un édifice
cristallin peuvent être groupés, en fonction de leurs diamètres, autour d'un cation déterminé. Le
nombre de coordination est fonction du rapport ri cation / ri anion. Dans les silicates l'anion de
référence est l'oxygène O2- (ri = 1,32 Å).
L'enchaînement des tétraèdres siliceux a pour effet de neutraliser ces 4 charges négatives. Cet
assemblage peut se réaliser soit par polymérisation de tétraèdres identiques, soit par l'intermédiaire de
cations de liaison. Dans le premier cas, c'est-à-dire l'assemblage de tétraèdres liés entre eux par le biais
d'oxygènes de coordination (liaison Si-O-Si), la structure formée est particulièrement stable (c'est tout
particulièrement le cas du quartz où toutes les liaisons sont dues à des oxygènes de coordination).
Chez les péridots au contraire la liaison entre tétraèdres siliceux est assurée par des cations (Mg2+
et/ou Fe2+) et la structure qui en résulte est donc moins stable ; les péridots sont dès lors des minéraux
facilement altérables dans les sols.
Dans nombre d'édifices silicatés, il y a fréquemment substitution isomorphique d'un atome de
silicium par un atome d'aluminium dont le rayon ionique est assez proche (r = 0,51 Å).
17
Ceci introduit une variable supplémentaire dans la structure des aluminosilicates où le déficit de
charge engendré par cette substitution Si4+/Al3+ pourra être compensé par l'introduction dans le réseau
de cations compensateurs tels que Na+, K+, Ca2+, Mg2+, Fe2+,...
Enfin, dans certains types d'assemblages tétraédriques des hydroxyles (OH-) peuvent coexister
avec les anions O2-, ce qui entraînera également un déficit de charge qui devra être compensé par des
cations (cas des amphiboles et des phyllosilicates par exemple).
Le mode d'assemblage des tétraèdres siliceux détermine non seulement les propriétés physiques
essentielles des silicates, mais influence aussi leur résistance vis-à-vis des agents de l'altération.
Les différentes possibilités d'assemblage des tétraèdres siliceux sont à l'origine de plusieurs types
d'édifices cristallins, eux-mêmes à la base de la classification structurale des silicates.
Un aperçu synthétique de la classification des principales familles de silicates et d'aluminosilicates
est donné à la figure 4.

Fig. 4 - Classification des silicates (Wilding et al., 1983).

Les minéraux les plus importants au point de vue pédologique (quartz, feldspaths, micas,
minéraux ferromagnésiens) sont examinés ci-dessous.

18
1.1.2.2 - Principaux silicates et aluminosilicates
 Quartz
Il s'agit d'un minéral quasi omniprésent et le plus souvent largement majoritaire dans les sols. Il
peut fréquemment y représenter plus de 50 % de la fraction minérale et jusqu'à 90 % ou plus des
fractions limoneuses et sableuses dans certains sols. Par contre, il est beaucoup moins abondant dans
la fraction argileuse (< 2 µm) : en règle générale, moins de 20 %.
Le quartz est présent dans les sols soit sous forme de grains polycristallins, soit sous forme de
cristaux isolés.
La composition minéralogique d'un sol sur lœss et la distribution granulométrique du quartz sont
données à titre d'exemple dans la figure 5.

Fig. 5 - Composition minéralogique de l'horizon éluvial (E) d'un sol lessivé sur lœss (Forêt de
Soignes) et répartition granulométrique du quartz.

 Structure et composition chimique


Tectosilicate de formule SiO2, extrêmement stable (pour rappel, toutes les liaisons entre tétraèdres
sont le fait d'oxygènes de coordination), il est très fréquent dans les roches sédimentaires détritiques
(entre autres les grès) et constitue un des minéraux essentiels des roches magmatiques et
métamorphiques "acides" (c'est-à-dire les roches dont la teneur en SiO2 est supérieure à 65 %).
Le quartz est un minéral très résistant du fait de sa structure cristalline dépourvue de substitutions
isomorphes et de sa très grande pureté (> 99 % de SiO2). Il constitue la forme stable de la silice à
pression atmosphérique et jusqu'à 867°C ; l'assemblage des tétraèdres siliceux y est relativement dense
comparé à celui de la cristobalite et de la tridymite qui sont des polymorphes de haute température. La
densité du quartz est de 2,65.
La grande stabilité du quartz explique son accumulation relative dans les sols et dans les roches
sédimentaires, alors que le quartz est seulement le second minéral en abondance dans l'écorce terrestre
après les feldspaths. Considéré comme pratiquement inaltérable dans les sols tempérés, il y est souvent
utilisé comme standard géochimique dans les bilans d'altération (bilan dit "isoquartz").

19
 Feldspaths
Les feldspaths sont des minéraux essentiels de la plupart des roches magmatiques et de certaines
roches métamorphiques ; ils sont moins fréquents dans les roches sédimentaires, mais sont
virtuellement répandus dans tous les sols (particulièrement dans les fractions sableuses et limoneuses)
où leur abondance est fonction de la nature du matériau parent et de l'intensité de l'altération à laquelle
il a été soumis. Ils interviennent pour 60 % dans la composition moyenne des roches cristallines, mais
seulement pour 10 à 15 % de la moyenne des roches gréseuses, ce qui traduit leur instabilité en milieu
sédimentaire et dans les sols.
Il s'agit d'un groupe de minéraux important au point de vue pédologique car leur altération libère
non seulement des éléments nutritifs essentiels pour les plantes (calcium, magnésium, potassium),
mais aussi les constituants nécessaires à la néoformation de minéraux secondaires tels que les argiles
(silicium et aluminium).

 Structure et composition chimique


Les feldspaths sont des aluminosilicates potassiques, sodiques ou calciques, à structure de
tectosilicate. La substitution de Si par Al dans la proportion 1/4 ou 1/2 crée un déficit de charge dans
la trame cristalline, déficit qui est compensé par des cations alcalins (K et Na) ou alcalino-terreux (Ca)
; ces cations compensateurs occupent les cavités de la charpente cristalline et assurent la stabilité
électrostatique de l'édifice. Ils sont liés à la structure silicatée par des liaisons purement ioniques.
Les formules générales des feldspaths sont MAlSi3O8 ou MAl2Si2O8, où M représente un cation
basique.
Pour rappel, trois types de feldspaths coexistent dans la nature : les feldspaths potassiques de
formule KAlSi3 O8, avec deux polymorphes, l'orthose et le microcline, les feldspaths sodiques de
formule Na AlSi3O8 (albite) et les feldspaths calciques de formule Ca Al2Si2O8 (anorthite).
L'albite et l'anorthite composent une série continue calco-sodique (solution solide) ou série des
plagioclases.
L'altérabilité des feldspaths est variable et fonction de leur composition cristallochimique, les
feldspaths potassiques étant généralement les plus stables, les feldspaths calciques les plus altérables.

 Feldspathoïdes
Ce sont des aluminosilicates du groupe des tectosilicates, voisins des feldspaths, mais au sein
desquels la substitution Si/Al est beaucoup plus importante (ils se forment dans des magmas plus
pauvres en silice), avec pour conséquence un caractère plus alumineux, plus alcalin et moins siliceux
que les feldspaths (minéraux sous-saturés en silice). Les représentants les plus communs sont la
leucite et la néphéline.

20
N'étant abondants que dans quelques roches volcaniques particulières, ils ne se rencontrent que très
exceptionnellement dans les sols.

 Micas
Ce sont des minéraux abondants dans de nombreuses roches, qu'elles soient magmatiques,
métamorphiques ou sédimentaires. Ils constituent le troisième groupe par ordre d'importance, après les
feldspaths et le quartz, dans les roches cristallines "acides" (teneur en SiO2 > 65 %) ; ils sont moins
abondants dans les roches dites "basiques" (< 52 % de SiO2).
Les micas sont particulièrement abondants dans certaines roches sédimentaires (shales) ou
métamorphiques (schistes, micaschistes, gneiss).
Les micas sont dès lors fréquents dans les sols sous forme de minéraux primaires. Ils constituent en
outre des précurseurs de minéraux phylliteux secondaires et particulièrement de certains minéraux
argileux (illites et vermiculites, appelées pour cette raison "argiles micacées" ou "clay-micas").

 Structure et composition chimique


Les micas appartiennent à la famille des phyllosilicates à laquelle se rattachent également les
argiles minéralogiques.
Leur structure cristallochimique de base résulte de l'assemblage de 2 couches tétraédriques
siliceuses (coordinence IV) avec une couche octaédrique alumineuse (coordinence VI) (figure 6).
L'association de ces 3 couches engendre la formation d'un feuillet élémentaire à structure planaire dont
la composition sera détaillée lors de l'étude des minéraux argileux. Chaque feuillet élémentaire est
séparé de son voisin par un espace interfoliaire.

Fig. 6 - Structure des couches tétraédrique et octaédrique des micas (Dixon et Weed, 1982).

21
Les schémas du haut de page illustrent de différentes façons le mode d'agencement des tétraèdres
siliceux (couche tétraédrique) ; ceux du bas de page concernent la couche octaédrique.

Notons dès à présent que la couche octaédrique peut être aussi occupée par les cations Mg 2+ ou
Fe2+. Dans ce cas, pour que l'équilibre électrostatique soit satisfait, 3 positions octaédriques sur 3
doivent être occupées par Mg2+ ou Fe2+ (cations bivalents) ; par contre, dans le cas de Al (cation
trivalent), 2 positions octaédriques sur 3 seulement sont occupées (fig. 7). Dans le premier cas on parle
de structure trioctaédrique, dans le second, de structure dioctaédrique.
Il y a donc des micas dioctaédriques ou alumineux et des micas trioctaédriques ou ferromagnésiens.

Fig. 7 -Représentation schématique des deux types de couches octaédriques : (a) = trioctaédrique ; (b)
= dioctaédrique
A l'exception du talc [trioctaédrique, magnésien, de formule Mg3Si4O10(OH)2] et de la pyrophyllite
[dioctaédrique, alumineuse, Al2Si4O10(OH)2], qui sont des phyllosilicates dépourvus de substitutions
isomorphes, les micas présentent en couche tétraédrique des substitutions Si/Al dans la proportion 3/1
(1 atome de silicium sur 4 est remplacé par un atome d'aluminium). Le déficit de charge ainsi créé est
compensé par un cation sec de grande taille, le potassium (r = 1,33 Å), qui va se loger en position
interfoliaire, dans les sites cubo-octaédriques de coordinence XII (voir figure 8).

22
Fig. 8 - Structure d'une muscovite (dioctaédrique) (d'après Dixon et Weed, 1982).
Les deux principaux types de micas sont :
 Les micas dioctaédriques ou alumineux, dont le plus commun est la muscovite ("mica blanc"),
de formule KAl2AlSi3O10 (OH)2.
 Les micas trioctaédriques, ferromagnésiens ou magnésiens, dont les plus communs sont la
biotite ("mica noir"), de formule K(Mg, Fe2+)3(AlSi3O10)(OH)2, et la phlogopite ("mica
blond"), de formule 3KMg3AlSi3O10(OH, F)2.
Dans les sols, les micas dioctaédriques (muscovite) prédominent généralement car ils sont moins
altérables que les micas trioctaédriques tels que la biotite ; cette dernière n'est généralement présente
que dans les sols jeunes ou à altération encore modérée. Les micas sont souvent présents dans les
fractions granulométriques limoneuses ou argileuses grossières.
Ils constituent dans les sols, avec les argiles qui leur sont apparentées (illites) et les feldspaths K, la
principale source de potassium.

 Pyroxènes et amphiboles
Ce sont des inosilicates (silicates en chaîne), formés par l'assemblage de rangées de tétraèdres
siliceux, disposées parallèlement les unes aux autres. Les chaînes de tétraèdres, simples chez les
pyroxènes, doubles chez les amphiboles (en rubans), sont liées entre elles par des cations de liaison :
magnésium, fer et calcium (plus rarement le sodium).
Les pyroxènes constituent un groupe homogène au point de vue cristallochimique. On distingue :
 Les orthopyroxènes (pyroxènes orthorhombiques), ferromagnésiens et non calciques, avec
l'enstatite MgSiO3 et l'hypersthène (Mg Fe) SiO3.
 Les clinopyroxènes (pyroxènes monocliniques), ferromagnésiens et calciques ou alcalins
(sodiques).
Les pyroxènes sont des minéraux essentiels des roches magmatiques et métamorphiques.
Les amphiboles constituent également un groupe homogène de minéraux ferromagnésiens mais
dans la composition cristallochimique desquels interviennent des radicaux hydroxyles (OH-). Les
cations de liaison associant entre elles les doubles chaînes tétraédriques sont le fer et le magnésium.
On distingue habituellement des amphiboles ferromagnésiennes, non calciques (antophyllite) et des
amphiboles calciques, alumineuses (hornblendes avec substitutions Si/Al) ou non alumineuses (série
actinote-trémolite).
 Les amphiboles sont communes dans les roches du métamorphisme de contact et du
métamorphisme général (schistes, micaschistes, gneiss) ; elles sont aussi fréquentes dans les
roches éruptives.

23
Du fait de leur forte altérabilité, la plupart des pyroxènes et des amphiboles sont peu abondantes
dans les sols. Ils constituent néanmoins une source potentielle très importante en calcium, magnésium
et oligoéléments, d'où la fertilité généralement élevée des sols formés sur les roches riches en ces
minéraux.

 Péridots ou olivines
Il s'agit de constituants fréquents dans beaucoup de roches magmatiques basiques (gabbros,
basaltes) et ultrabasiques (à teneur en SiO2 < 52 %). Très altérables, ils disparaissent rapidement de la
fraction minérale des sols au cours de leur évolution.
Ce sont des nésosilicates dont les tétraèdres siliceux, indépendants les uns des autres (pas
d'oxygène de coordination), sont néanmoins reliés par des cations compensateurs : magnésium et fer
(Fe2+). Cette structure en assemblage compact et plus ou moins équidimensionnel détermine chez ces
minéraux des densités élevées (ex : olivine, d = 3,22).
Ces silicates ferromagnésiens forment une série continue (solution solide) allant de la forstérite,
magnésienne (Mg2 SiO4) à la fayalite, ferreuse (Fe2SiO4).
La nature des minéraux constitutifs de la roche-mère détermine dans une large mesure le degré de
fertilité du sol qui en est issu, ou tout au moins sa fertilité potentielle (en dehors de tout apport
fertilisant). Il est clair que si les minéraux fournisseurs d'éléments nutritifs manquent dans la roche-
mère, ces éléments feront également défaut dans le sol. A cela une exception : des apports extérieurs
de minéraux par action éolienne, alluviale ou colluviale (ex : la contamination des sables par des
apports lœssiques augmente la fertilité potentielle des sols qui s'y développent).
Il est bien connu que les roches riches en minéraux ferromagnésiens donnent des sols plus fertiles
que ceux dérivés de roches acides (c’est-à-dire siliceuses), où le quartz domine. C'est pourquoi on
utilise parfois pour caractériser les sols l'indice de TAMM ou "Basmineralindex", c'est-à-dire la
proportion des minéraux denses (d > 2,88) par rapport aux minéraux légers.
Pyroxènes, amphiboles et péridots sont pour la plupart des minéraux dont la densité est
fréquemment supérieure à 2,9 (minéraux lourds). Leur extraction des fractions granulométriques
limoneuses ou sableuses du sol peut donc être obtenue par séparation densimétrique dans le
bromoforme (d = 2,88).
La couleur sombre de ces minéraux traduit la présence de fer et de magnésium dans leur réseau
cristallin, d'où la dénomination commune qui leur est donnée de minéraux ferromagnésiens ("mafic
minerals" des auteurs anglo-saxons). Ceci par opposition aux minéraux clairs (blancs ou incolores :
quartz, feldspaths, muscovite) ne contenant ni fer ni magnésium et de densité inférieure à 2,9
(minéraux légers ; "felsic minerals") ; la biotite appartient au groupe des ferromagnésiens.

 Autres minéraux silicatés


24
Les sols peuvent également contenir deux autres minéraux primaires accessoires :
L'apatite, Ca5(PO4)3(F,OH,Cl) qui constitue la source principale du phosphore dans les roches et les
matériaux parents des sols peu altérés. La fluoroapatite, Ca5 (PO4)3F est fréquente dans la fraction fine
des basaltes et des autres roches riches en ferromagnésiens. Elle peut également être présente dans les
sédiments calcaires.
La tourmaline, cyclosilicate de formule Na(Mg Fe)3Al6(BO3)Si6O18(OH)14 constitue une source de
bore, oligoélément indispensable aux végétaux. Il convient cependant de souligner qu'il s'agit d'un
minéral très peu soluble et que la source principale du bore dans les sols est surtout liée à la matière
organique ou à certains minéraux micacés.

1.1.3 - Minéraux secondaires


Les minéraux secondaires du sol sont essentiellement représentés par les minéraux argileux
("argiles minéralogiques") et les formes cristallines des oxyhydroxydes de fer, d'aluminium et, dans
une moindre mesure, de manganèse.
Dans certains sols, une partie ou l'intégralité des carbonates (en majorité des carbonates de
calcium) peuvent également être considérés comme des minéraux secondaires lorsqu'ils sont formés
par recristallisation à l'issue d'une phase préalable de dissolution de carbonates primaires.

1.1.3.1 - Minéraux argileux


Le terme "minéraux argileux" recouvre des phyllosilicates de petite taille (microcristaux phylliteux
de diamètre < 2 µm) et généralement bien cristallisés. Il s'agit de constituants typiques du complexe
d'altération des sols.
Le comportement physique et les principales propriétés physico-chimiques des sols sont dans une
large mesure dominés par les minéraux argileux. Ce sont notamment leurs propriétés de surface qui
jouent un rôle majeur au niveau des phénomènes de structuration des sols et des phénomènes
d'adsorption ou de fixation des cations.

 Caractéristiques générales des minéraux argileux


Les argiles minéralogiques sont des édifices minéraux microcristallins qui présentent trois
caractéristiques essentielles :
 1 Une structure phylliteuse, c'est-à-dire un réseau cristallin discontinu présentant des
espaces interfoliaires actifs vis-à-vis de l'eau ambiante et des ions qui y sont dissous. Cette
structure lamellaire et le pouvoir d'hydratation plus ou moins important qui en résulte,
expliquent notamment les propriétés de plasticité qui sont très développées chez bon nombre
de minéraux argileux.

25
 2 Une taille généralement inférieure à 2 µm et même souvent à 0,2 µm
(microcristaux). Les argiles minéralogiques ne sont pas strictement limitées à la fraction
granulométrique < 2 µm, mais lorsque leur taille est plus petite que ce diamètre, leur influence
sur les propriétés du sol est généralement accentuée (développement d'une grande surface
externe - et éventuellement interne - par rapport à leur masse ou leur volume). Les minéraux
argileux présentent donc une surface spécifique très importante : à titre d'exemple, la surface
spécifique d'une montmorillonite est d'environ 800 m2g-1 (surface externe = 82 m2g-1; surface
interne = 660 m2 g-1).
(La surface spécifique des minéraux argileux peut être déterminée par adsorption de molécules de gaz
(azote liquide à -195°C) ou de liquide (éthylène-glycol)
 3 Une surface chargée électriquement. Elle a pour conséquence de créer des forces
ioniques inter particulaires et donc un comportement colloïdal des minéraux argileux : ils sont
susceptibles d'être dispersés en milieu aqueux pour former des suspensions colloïdales. Leur
charge électrique justifie aussi leurs propriétés d'échange (adsorption – désorption) vis-à-vis
des cations contenus dans la solution du sol.
Les minéraux argileux peuvent être présentés en termes de structure (composition
cristallographique et cristallochimique), de propriétés ou de mode de genèse.
La classification des minéraux argileux envisagée ici est essentiellement établie sur base de leur
structure cristalline.

Structure fondamentale et composition cristallochimique des minéraux argileux


Les minéraux argileux sont, comme les micas, des aluminosilicates à structure cristalline en
feuillet, c'est-à-dire des phyllosilicates. Leur très petite taille rend leur examen au microscope optique
impossible et l'interprétation des analyses chimiques totales est délicate, les échantillons d'argile étant
rarement purs (il s'agit fréquemment de mélanges). Par ailleurs, compte tenu de la finesse des
particules et leur comportement colloïdal en milieu aqueux, on a longtemps admis que les argiles
étaient des composés amorphes. En fait, il a fallu attendre la découverte des propriétés des rayons X et
leur application à l'étude des minéraux pour prouver leur caractère cristallin et la microscopie
électronique pour pouvoir les visualiser.
Observées au microscope électronique, les particules argileuses se présentent sous forme de
microcristaux ("cristallites") plus ou moins bien individualisés (fig. 9).

26
Fig 9 - Photos de microcristaux de kaolinite, observés en microscopie électronique (a = vue planaire et
b = vue en coupe) (Caillère et al., 1982).

Quant à la structure d'un microcristal argileux type, elle est représentée schématiquement dans la
figure 10.

Fig. 10 - Structure d'un microcristal d'argile (d'après Brady, 1984).

Un microcristal résulte de l'empilement, plus ou moins ordonné, d'un grand nombre de feuillets
élémentaires ("layers") (une centaine chez la kaolinite par exemple). Ces feuillets élémentaires sont
séparés par un espace interfoliaire ("interlayer").
Comme chez les micas, le feuillet élémentaire est composé d'une succession de plans anioniques
("planes") empilés les uns sur les autres et à l'interface desquels, en fonction des possibilités de
coordinence, vont se loger les cations de l'édifice cristallin. Les anions constitutifs de ces plans
anioniques, O2-et OH-, sont des ions de grande taille par rapport à la plupart des cations (voir tableau
3) et ce sont donc ces anions qui détermineront la configuration spatiale de la structure cristalline.
Il existe trois types fondamentaux de plans anioniques (fig. 11) :

27
1) plan anionique à assemblage hexagonal, constitué d'anions O2-;
2) plan anionique à assemblage compact, constitué d'anions O2- et OH- (2 O-2 pour 1 OH-) ;
3) plan anionique à assemblage compact, constitué uniquement d'hydroxyles.

Fig. 11 - Les 3 types de plans anioniques.


De gauche à droite : plan anionique à assemblage hexagonal (le rectangle représente la maille
élémentaire), plan anionique à assemblage compact (cercle simple = O ; cercle double = OH) et plan
anionique à assemblage compact constitué uniquement d'hydroxyles (d'après Caillère et al., 1982).

Entre le plan à assemblage hexagonal et le plan à assemblage compact se localisent des cavités de
coordinence IV (motif de coordination = tétraèdre : voir tableau 4 et fig. 12a) ; cette cavité
tétraédrique, de rayon r = 0,224.R (avec R = 1,40 Å = rayon des atomes d'oxygène ; soit r = 0,296 Å),
est localisée entre trois atomes tangents d'un plan et l'atome du plan suivant qui repose sur eux. Entre
les deux plans à assemblage compact apparaissent au contraire des cavités de coordinence VI (motif de
coordination = octaèdre : fig. 12b) et de coordinence IV, mais seules les cavités octaédriques sont
occupées chez les silicates ; es cavités octaédriques, de rayon r = 0,414.R (soit r = 0,547 Å), sont
comprises entre 6 atomes, 3 étant situés au plan inférieur, 3 au plan supérieur en positions alternées.

Fig. 12 - Représentation des polyèdres de coordination tétraédrique (a) et octaédrique (b), résultant de
la superposition des différents plans anioniques ; le schéma de droite donne l'exemple de
deux plans à assemblage compact, ménageant entre eux des cavités de coordinence VI
(octaèdres) (d'après Chamayou et Legros, 1989).

28
Tableau 4 - Rayons ioniques, rapports R du cation / R de l'anion (oxygène) et coordinences théoriques
et observées des principaux cations (d'après Mason, 1966) et représentation des polyèdres
de coordination (d'après Lameyre, 1975).

L'assemblage de deux plans anioniques constitue une couche ("sheet") : couche tétraédrique ou
couche octaédrique selon la nature du polyèdre de coordination.
L'empilement des couches tétraédriques et octaédriques compose un feuillet élémentaire.
La juxtaposition parfaite du plan anionique à assemblage hexagonal avec le plan anionique à
assemblage compact nécessite une déformation du réseau dans le premier plan, par rotation des
tétraèdres (fig. 13).

Fig. 13 - Structures théorique et réelle de la couche tétraédrique chez la kaolinite (in Dixon et Weed,
1982).
L'épaisseur du feuillet élémentaire, mesurée par son équidistance d001 (c'est-à-dire la plus petite
distance séparant 2 plans réticulaires identiques), et la nature des couches qui le composent sont deux
caractéristiques fondamentales des minéraux argileux.
L'association des couches tétraédriques et octaédriques s'effectue selon trois combinaisons
majeures et aboutit à 3 types de feuillets (fig. 14) :
 Feuillet de type 1:1, associant une couche tétraédrique à une couche octaédrique.

29
 Feuillet de type 2:1, constitué de l'association d'une couche octaédrique et de 2 couches
tétraédriques qui l'encadrent.
 Feuillet de type 2:1:1 ou 2:2, résultant de l'intercalation d'une couche octaédrique
complémentaire dans l'espace interfoliaire séparant deux feuillets de type 2:1 (= minéraux
2:1 à couche hydroxylique intercalaire).

Fig. 14 - Les 3 types de feuillets chez les minéraux argileux.


La cohésion entre les feuillets élémentaires est assurée soit par des ponts hydrogène, soit par
l'intermédiaire de cations qui assurent la compensation des déficits de charge créés dans les feuillets
par des substitutions isomorphes. Plus forte sera la charge du feuillet, plus forte aussi sera la liaison
interfoliaire ; de là les différences de comportement des minéraux argileux en fonction de leur charge.

 Substitutions isomorphes et nature des cations du réseau


Des cations de nature différente mais de taille voisine peuvent se localiser dans les diverses
cavités ménagées entre les plans anioniques précités, sans apporter de modification fondamentale à la
structure cristalline, à condition toutefois que l'électroneutralité de l'édifice soit maintenue.
Les polyèdres de coordination IV (tétraèdres) peuvent être occupés par des cations de petit
diamètre : Si4+ (ri = 0,42 Å) ou Al3+ (ri = 0,51 Å).
Les polyèdres de coordination VI (octaèdres) peuvent être occupés par Al3+ ou des cations plus
volumineux tels que Fe3+ (ri = 0,64 Å), Mg2+ (ri = 0,66 Å), Fe2+ (ri = 0,74 Å), Mn2+ (ri = 0,80 Å), Ni2+
(ri = 0,69 Å), etc. Aux cations trivalents correspond une structure dioctaédrique, aux bivalents une
structure trioctaédrique.
Comme chez tous les phyllosilicates, la couche tétraédrique des minéraux argileux est
essentiellement siliceuse, avec possibilité de substitutions de Si4+ par Al3+ (d'où apparition d'une
charge négative qui devra être compensée, généralement par un cation interfoliaire). Le taux de
substitution Si/Al est presque toujours équivalent dans les deux couches tétraédriques des argiles 2:1 ;
il n'y a donc pas de polarité de l'édifice cristallin.
30
En couche octaédrique, c'est tantôt Al3+ (minéraux argileux dioctaédriques), tantôt Mg2+ ou Fe2+
(minéraux trioctaédriques) qui sont les cations constitutifs majeurs. Ici aussi il y a possibilité de
substitutions, par exemple d'Al3+ par Mg2+ ou l'inverse.

 Compensation de la charge du feuillet


Cette compensation peut se produire :
 au sein du feuillet, un déficit en couche tétraédrique pouvant être compensé par un excès de
charge en couche octaédrique ;
 au sein de l'édifice microcristallin, la charge du feuillet pouvant être dans ce cas compensée par
des cations secs (cations de compensation au sens strict : cas des "argiles micacées") ou
hydratés (cations dits échangeables : cas des argiles 2:1 expansibles), localisés en position
interfoliaire, ou même par une couche hydroxylique continue (cas des argiles 2:1:1). Les
cations compensateurs secs occupent, comme chez les micas, des sites interfoliaires de
coordinence XII.

 Classification des minéraux argileux


Les critères adoptés par l'Association internationale pour l'étude des argiles (AIPEA) sont les
suivants :
-Le type de feuillet (1:1, 2:1, 2:1:1), déterminant son épaisseur (équidistance d001).
-La charge globale du feuillet (exprimée généralement pour la demi-maille élémentaire).
-La nature des cations compensateurs interfoliaires.
-L'appartenance à la série dioctaédrique ou trioctaédrique.
-La nature du cation occupant les sites octaédriques.
Un caractère structurel supplémentaire est l'ordre d'empilement des feuillets (figure 15).
L'empilement peut en effet être parfaitement ordonné ou, au contraire, présenter une structure plus
ou moins désordonnée (translations non aléatoires des feuillets) ou totalement désordonnée
(translations aléatoires).

Fig. 15 - Différents types de désordre obtenus par empilement des feuillets (d'après Calvet, 2003).
Parmi les minéraux argileux on distingue 5 groupes principaux :
 Groupe de la kaolinite

31
 Groupe des illites (= argiles micacées)
 Groupe des vermiculites
 Groupe des smectites
 Groupe des chlorites
Les groupes 3 et 4 (vermiculites et smectites) correspondent à des minéraux argileux dits
"expansibles", c'est-à-dire dont l'espacement interfoliaire - et donc l'équidistance d001 - sont variables et
fonction de la nature des cations compensateurs et de leur degré d'hydratation. Ces argiles expansibles
sont donc des microcristaux pourvus d'une très importante surface de contact (surface externe +
surface interne) et d'une grande accessibilité de l'espace interfoliaire.
A ces 5 groupes de minéraux argileux il convient d'adjoindre le groupe plus particulier des argiles
fibreuses (groupe sépiolite-attapulgite).
Les principales caractéristiques structurales des minéraux argileux sont reprises dans le tableau 5 et
à la figure 16.
Pour rendre compte de l'organisation minéralogique et chimique assez complexe des minéraux
argileux, on utilise une "formule" conventionnelle, rebutante à première vue, mais facile à décoder en
réalité : elle indique la composition des couches (tétraédriques et octaédriques) avec la nature et le
taux de la substitution éventuelle qui les caractérisent, la composition des couches anioniques, la
nature des cations compensateurs du déficit de charge. Ces formules sont souvent données pour la
demi-maille élémentaire.

Tableau 5 - Formules structurales des principaux minéraux argileux et des phyllosilicates apparentés.

32
 Groupe de la kaolinite
Le groupe kaolinite-serpentine est constitué d'argiles à feuillet de type 1:1, dépourvu normalement
de substitutions isomorphes, en sorte que le feuillet est théoriquement électriquement neutre et n'a pas
de charge permanente (uniquement des charges de bordure. Le réseau cristallin de ces argiles est très
stable. Deux minéraux argileux appartenant à ce groupe se rencontrent dans les sols : la kaolinite et
l'halloysite.

 Kaolinite
De formule Si2O5Al2(OH)4, le feuillet est de type 1:1 (à deux couches : 1 siliceuse + 1 alumineuse),
dioctaédrique, à équidistance d001 stable à 7,2 Å. Observée en microscopie électronique, la kaolinite
se présente sous forme de microcristaux pseudo-hexagonaux très caractéristiques (photo p. 20), dont la
taille est comprise entre 0,2 et 2 µm. Ces cristallites sont constitués par l'empilement d'une centaine de
feuillets élémentaires dont la liaison interfoliaire est assurée par des ponts hydrogène. Il n'existe donc
aucune possibilité de gonflement ou de rétraction des feuillets.
La capacité d'échange cationique (CEC) de la kaolinite est très faible, de 3 à 15 cmol ckg-1 d'argile ;
sa surface spécifique n'est en moyenne que de 30 m2 g-1 (10 à 50 m2g-1).
Le rapport molaire SiO2 /Al2O3 de ce minéral hyper-alumineux est de 2, ce que traduit sa formule
équivalentaire : 2 SiO2 .Al2O3.2 H2O.

33
Fig. 16 - Représentation structurale des principaux minéraux argileux (d'après Bear, 1964).

La kaolinite est un minéral argileux très fréquent dans les sols. Elle est particulièrement abondante,
sinon exclusive, dans les sols acides des régions tropicales humides (sols ferrallitiques) où elle
apparaît massivement à l'issue des processus d'altération intense qui caractérisent ces sols. Il s'agit
donc d'une argile de néoformation. Formée lors des processus de pédogenèse en milieu continental et
transférée par érosion vers le milieu marin, la kaolinite constitue donc le minéral argileux dominant
des sédiments océaniques récents au niveau de la ceinture tropicale.
Du fait de sa grande stabilité, la kaolinite est fréquente dans diverses roches sédimentaires
détritiques ; c'est aussi le constituant majeur du kaolin, matériau argileux riche en kaolinite, utilisé
notamment pour la fabrication des porcelaines et des céramiques.

 Halloysite
C'est un minéral argileux voisin de la kaolinite, mais à forme tubulaire très typique, due à
l'enroulement d'un feuillet plan de type kaolinique. Il s'agit par ailleurs d'un minéral hydraté, d'où une
équidistance d001 de 10 Å qui peut être ramenée à 7 Å par dessiccation (110°C).
La CEC de l'halloysite est fonction de son degré d'hydratation et comprise entre 5 et 50 cmolc kg-1.
L'halloysite est fréquente dans les gisements hydrothermaux, elle est plus rare dans les sols. Elle se
forme néanmoins sur cendres volcaniques (Andosols) ; elle y évolue par déshydratation en
métahalloysite et ensuite en kaolinite.

34
Les minéraux du groupe de la serpentine, antigorite (lamellaire) et chrysotile (fibreuse), de formule
Si2O5Mg3(OH)4, sont les homéotypes trioctaédriques (magnésiens) de la kaolinite. Il s'agit de
minéraux provenant de l'altération et/ou du métamorphisme de l'olivine oui des pyroxènes des roches
magmatiques basiques et ultrabasiques.

 Groupe des illites


Le terme illite a été introduit par Grim pour désigner les minéraux de type mica que l'on rencontre
dans les sédiments argileux. Les illites sont en effet des minéraux argileux très proches par leur
structure et leur composition des micas (d'où le terme souvent utilisés d'argiles micacées ou "clay-
micas").
En fait, les édifices illitiques du sol représentent fréquemment une association de différents
minéraux micacés de petite taille, de composition et d'origine diverses.
Les illites sont des minéraux argileux à feuillet de type 2:1 et à équidistance basale stable à 10 Å.
Leur formule structurale K0.7(Si 3.2Al0.8)O10 Al2(OH)2 traduit une des caractéristiques fondamentales
de leur feuillet, à savoir les nombreuses substitutions isomorphes qui se produisent en couche
tétraédrique (substitutions Si/Al). Ces substitutions déterminent une charge comprise entre 0,6 et 1
pour la demi-maille élémentaire. Le cation compensateur interfoliaire est, comme chez les micas, le
potassium ; il assure une liaison extrêmement solide entre les feuillets 2:1. Cette liaison est néanmoins
plus faible que chez les micas dont la charge est égale à 1.
A l'instar des feldspaths potassiques et des micas, les illites constituent donc une source importante
de potassium dans les sols.
La CEC des illites est comprise entre 10 et 40 cmol kg-1 et leur surface spécifique est voisine de
100 m2g-1 (60 à 200 m2g-1).
Les illites sont fréquemment interstratifiées avec d'autres types de feuillets 2:1, notamment de type
vermiculitique ou smectitique.
Les minéraux illitiques sont très fréquents dans les sols, particulièrement en région tempérée. Ils s'y
présentent souvent en mélange avec des micas plus ou moins altérés. C'est d'ailleurs dans ces derniers
minéraux que les illites trouvent leur origine par microdivision ; tous les intermédiaires existent
pratiquement entre micas non altérés et illites. Généralement, ce sont les micas dioctaédriques (issus
de la muscovite) qui dominent, car ils sont moins altérables que leurs homologues trioctaédriques.
Les illites sont donc des argiles héritées (par opposition aux argiles de néoformation).
Ces minéraux argileux sont communs dans les roches sédimentaires péliteuses et même les roches
carbonatées dont ils constituent une part parfois importante de l'insoluble siliceux.
La glauconite (ou mica glauconitique) est l'homéotype ferrique de l'illite ("illite ferrifère"). Il s'agit
d'un minéral authigène d'origine marine et qui est le constituant principal de la glauconie, association
de minéraux argileux à forte teneur en fer, se présentant sous forme de grains de la taille des sables
35
(sables glauconifères) ou sous forme de pigment diffus dans les ciments siliceux ou calcique de
certaines roches sédimentaires (craies, grès,...). Sur de tels matériaux sédimentaires, la glauconite peut
donc être un des minéraux argileux dominant du sol.

 Groupe des smectites


Le terme de smectites ou "argiles smectiques" est employé pour désigner l'ensemble des minéraux
ayant un comportement analogue à celui de la montmorillonite, c'est-à-dire dont l'équidistance varie
fortement avec le degré d'hydratation du minéral.
Les smectites sont des argiles à feuillet de type 2:1 qui présentent trois caractéristiques
fondamentales :
 Un réseau expansible : l'équidistance basale d001 varie de 10 à 18 Å selon le degré
d'hydratation et la nature du cation interfoliaire (argiles dites "gonflantes").

2 Une CEC très importante, égale ou supérieure à 80 cmolc kg-1
 3 Une taille généralement très petite, les microcristaux de forme mal définie étant souvent
de dimension inférieure à 1 µm (de 1 à 0,01 µm).
Ces trois caractéristiques expliquent la très grande réactivité des smectites vis-à-vis des cations, de
l'eau ambiante, de la matière organique et même des pesticides. Les smectites sont par excellence des
particules à forte activité colloïdale.
La distinction entre les différentes espèces de smectites est basée sur des critères cristallochimiques
: appartenance à la série dioctaédrique ou trioctaédrique, localisation et taux des substitutions en
couches tétraédriques et/ou octaédriques. La série la plus importante est la série dioctaédrique.
Elle comprend la montmorillonite au sens strict, de formule Si4 O10(Al1.5Mg0.5)(OH)2 caractérisée
par une couche octaédrique alumineuse avec substitutions partielles par Mg2+ et par une couche
tétraédrique siliceuse sans substitutions. La charge résultante, négative et localisée en couche
octaédrique, au cœur du feuillet, est une charge "faible". Elle est toujours inférieure à 0,6 et
généralement comprise entre 0,3 et 0,5. Les ions compensateurs sont des cations hydratés, tels que
Ca2+ et Mg2+.
La CEC est comprise entre 80 et 150 cmolc kg-1 et la surface spécifique atteint fréquemment 800
m2 g-1 (600 à 800 m2 g-1).
En milieu hydraté, la montmorillonite peut accueillir dans son espace interfoliaire 4 couches
monomoléculaires d'H2O, ce qui fait passer son équidistance de 10 à 18 Å.
L'empilement des feuillets est complètement désordonné.
La beidellite, de formule (Si3.5Al0.5)O10Al2(OH)2 et la nontronite, (Si3.5Al0.5)O10Fe2(OH)2 sont
également des smectites dioctaédriques mais dépourvues cette fois de substitutions en couche
octaédrique. Cette couche est intégralement alumineuse pour la beidellite, alumineuse et ferrifère

36
(Fe3+) chez la nontronite. Par contre, ces deux minéraux argileux développent une charge négative liée
à des substitutions Si/Al en couche tétraédrique.
La structure de trois smectites est représentée à la figure 17.

Fig. 17 - Structures cristallines de 3 minéraux smectitiques (in Dixon et Weed, 1982).


Les montmorillonites sont des argiles de néoformation des milieux édaphiques neutres ou alcalins,
riches en cations alcalino-terreux ; elles sont fréquentes dans certains sols des régions
méditerranéennes et intertropicales à saison sèche bien marquée. Elles dominent largement dans le
cortège argileux des Vertisols et leur confèrent des propriétés physico-chimiques très particulières
(sols à argiles gonflantes).
Ces mêmes montmorillonites sont présentes dans certaines roches sédimentaires carbonatées dont
elles constituent l'insoluble argileux (craies, calcaires, marnes) et se retrouvent donc dans le sol après
la phase de décarbonatation (dans ce cas elles doivent être considérées comme des argiles d'héritage) ;
elles n'y sont conservées qu'en milieu neutre ou peu acide et disparaissent des sols plus acides par
altération.
A l'inverse, les beidellites sont des smectites que l'on rencontre dans les sols acides (et même dans
les podzols) : elles proviennent de l'altération partielle et de la transformation de minéraux micacés ou
chloriteux (minéraux au sein desquels existent des substitutions en couche tétraédrique), altération qui
se traduit par l'ouverture des feuillets en milieu hydraté.
La présence de smectites (et particulièrement de montmorillonites) dans les sols a des
conséquences agronomiques favorables : il s'agit en effet de minéraux argileux dont la forte CEC
permet la sorption optimale des cations alcalino-terreux et alcalins (cations "basiques"), sans risque de
rétrogradation.

37
Toutefois, la surabondance des montmorillonites dans certains sols à texture fine (particulièrement
les Vertisols au sein desquels la teneur en argile excède 30 %), peut poser des problèmes d'ordre
physique (drainage déficient, phénomènes importants de gonflement et de rétraction défavorables pour
le système racinaire des végétaux).

 Groupe des vermiculites


Les vermiculites sont des minéraux argileux largement répandus dans les sols avec un spectre
granulométrique assez large. On connaît aussi des vermiculites de grande taille (macroscopiques) dans
certains gisements géologiques.
Leur importance au point de vue agronomique est liée à leur pouvoir fixateur vis-à-vis des ions
potassium et ammonium.
Il s'agit d'argiles à feuillet de type 2:1, soit trioctaédrique (une partie des vermiculites des sols et
toutes les vermiculites macroscopiques), soit dioctaédrique (la majorité des vermiculites des sols).
Chez les vermiculites trioctaédriques, de formule K0.7(Si3Al)O10(Mg2.7Fe0.33+) (OH)2, la couche
tétraédrique est le siège de substitutions Si/Al, dans la proportion 3/1, créant un déficit de charge qui
est partiellement compensé par des substitutions Mg2+/Fe3+ (ou Fe2+/Fe3+) en couche octaédrique.
Chez les vermiculites dioctaédriques, de formule K0.7(Si3.6Al0.4)O10(Al1.7Mg0.3)(OH)2 le taux de
substitution Si/Al en couche tétraédrique est nettement plus faible (10 % seulement) et en couche
octaédrique se produisent des substitutions Al/Mg (15 %).
Dans les deux cas, la charge nette du feuillet qui en résulte est voisine de 0,7 (elle est en fait
comprise entre 0,6 et 0,7 pour les vermiculites dites de basse charge et 0,7 et 0,9 pour les vermiculites
dites de haute charge).
Au total, la charge du feuillet vermiculitique est équivalente à celle des illites, mais du fait de leur
localisation partielle en couche octaédrique (charge "faible"), les cations interfoliaires peuvent
s'échanger aisément avec des cations du milieu ambiant, d'où une CEC élevée, comprise entre 100 et
150 cmolc kg-1, et une surface spécifique voisine de 750 m2 g-1.
Les vermiculites ont une équidistance d001 variable (minéraux expansibles), mais leur pouvoir de
gonflement est cependant moindre que celui des smectites : de 10 Å en milieu déshydraté à 14 Å en
présence de cations hydratés.
Une propriété importante des vermiculites est leur pouvoir fixateur vis-à-vis des cations de gros
diamètre et à faible énergie d'hydratation : K+, NH+, Cs et Rb+. Ces cations sont en effet susceptibles
de venir se fixer en position interfoliaire dans les cavités cubo-octaédriques de coordinence XII dont il
a été question à propos des minéraux micacés et illitiques, entraînant la fermeture des feuillets. En
conséquence, une vermiculite saturée K+ et chauffée à 110°C perd définitivement tout pouvoir
d'expansion : son équidistance de base reste stable à 10Å.

38
Les vermiculites des sols proviennent habituellement de la transformation des micas et des illites,
par modification de la charge du feuillet et perte progressive de potassium interfoliaire, remplacé par
des ions hydratés, Mg2+ et Ca2+ (minéraux argileux dits de transformation).
Comme les illites, les vermiculites sont fréquentes dans le cortège argileux des sols des régions
tempérées.

 Groupe des chlorites


Les chlorites doivent leur nom au fait qu'il s'agit fréquemment de minéraux phylliteux de couleur
verte, riches en fer ferreux. Il s'agit en réalité d'une famille complexe de minéraux ferromagnésiens
qui sont non seulement présents dans la fraction argileuse des sols, mais constituent aussi des
minéraux communs des roches magmatiques ou faiblement métamorphiques (chloritoschistes, schistes
verts).
Le feuillet élémentaire est de type 2:1:1 (= 2:2), avec en position interfoliaire une couche continue
de nature hydroxydique (couche octaédrique) déterminant une équidistance basale très stable à 14 Å.
La structure des chlorites correspond donc à l'association d'un feuillet 2:1 de type micacé avec une
couche interfoliaire supplémentaire et indépendante, constituée d'hydroxyde de magnésium ou de fer
ferreux. Les feuillets 2:1 sont liés entre eux par cette couche hydroxydique : les charges négatives
provenant de substitutions diverses dans le feuillet 2:1 sont en effet compensées par les charges
positives développées dans la couche octaédrique hydroxylée au sein de laquelle se produisent des
substitutions bivalent/trivalent (par exemple : Mg2+ / Al3+, Mg2+ / Fe2+, Fe2+ / Fe3+).
La couche hydroxylique, appelée couche ou feuillet brucitique, a donc une composition mixte,
ferromagnésienne ; du fait de la compensation des charges, elle assure à l'édifice cristallin une très
grande stabilité.
La non accessibilité des espaces interfoliaires a pour effet d'abaisser très sensiblement la CEC des
chlorites : de 10 à 40 cmol1 kg-1 ; de même leur surface spécifique est peu développée (70 à 150 m2 g-
1
).
La composition chimique des chlorites est extrêmement variable. On distingue notamment les
chlorites ferrifères des chlorites magnésiennes, sur base de leur composition (chlorites ferrifères : 20 %
FeO, 2 % Fe2O3, 18 % MgO ; chlorites magnésiennes : 5 % FeO, 2 % Fe2O3, 30 % MgO).
La plupart des chlorites ferromagnésiennes sont en fait des minéraux primaires que l'on rencontre
fréquemment dans les roches métamorphiques (orthochlorites ou chlorites "vraies") et dans certaines
roches sédimentaires. Ces chlorites primaires sont toutefois peu fréquentes ou peu abondantes dans les
sols parce que leur altérabilité est grande.
Plus fréquentes dans les sols acides sont les chlorites secondaires, appelées aussi "chlorites de sol".
Il s'agit de chlorites dont la couche hydroxylique interfoliaire est alumineuse ; on parle donc de

39
chlorites alumineuses et la couche octaédrique hydroxylée interfoliaire est qualifiée de gibbsitique,
étant voisine par sa structure de l'hydroxyde d'aluminium cristallisé ou gibbsite [Al(OH)3].
Ces chlorites alumineuses sont formées dans les sols acides par un processus d'agradation (=
agradation alumineuse) aboutissant à la formation d'une couche parfaitement cristallisée au sein de
l'espace interfoliaire de minéraux 2:1 de type vermiculite ou smectite.
Ce phénomène d'agradation est progressif et entre les minéraux 2:1 non aluminisés et les chlorites
alumineuses typiques se place une série de formes intermédiaires présentant des degrés variables
d'aluminisation interfoliaire : ce sont les intergrades alumineux dont il sera question.
Le tableau 6 synthétise les principales caractéristiques structurales et les propriétés fondamentales
des minéraux argileux.

Tableau 6 - Principales caractéristiques structurales et propriétés des minéraux argileux.

 Argiles fibreuses
Comme l'indique leur nom, ce sont des minéraux argileux à faciès particulier, très caractéristique. Il
s'agit de "pseudophyllites" à habitus fibreux (fig. 18).
La structure de ces pseudophyllites résulte de l'association de couches siliceuses tétraédriques
continues, mais qui, à l'inverse des phyllosilicates "classiques", ne sont pas planaires ; les couches
siliceuses sont constituées de bandes de 4 à 6 tétraèdres de large selon les minéraux. L'association de
ces bandes détermine une structure en "brique creuse".
La largeur des bandes siliceuses est de 4 tétraèdres chez l'attapulgite (= palygorskite), de 6
tétraèdres chez la sépiolite. Les couches octaédriques de ces deux minéraux sont magnésiennes.
L'attapulgite est une argile de néoformation que l'on peut observer dans les sols de climat aride ou
semi-aride, notamment dans les sols à croûte calcaire des régions méditerranéennes ; elle se forme
dans les milieux confinés où s'accumulent des sels solubles.

40
Fig. 18 - Microcristaux d'attapulgite observés en microscopie électronique (in Dixon et Schulze,
2002).

Minéraux interstratifiés
Les minéraux interstratifiés (= édifices interstratifiés) sont constitués par un mélange de différents
types de feuillets ("mixed layers").
Lorsque la superposition de feuillets de nature différente (feuillets illitiques, vermiculitiques,
smectitiques, etc.) est régulière (ex : ABABABABAB), on parle d'interstratifiés réguliers ; lorsqu'elle
est irrégulière (ex : AAABBBABBAAB), d'édifices interstratifiés irréguliers.
Dans le premier cas, l'équidistance basale est égale à la somme des équidistances des 2 types de
feuillet : d001 du feuillet A + d001 du feuillet B ; dans le second cas, on assiste à un élargissement
irrégulier des raies de diffraction.
Les interstratifiés réguliers sont peu fréquents dans les sols et se forment surtout au cours des
phases tardives de la diagenèse des sédiments. Par contre, les édifices interstratifiés irréguliers sont
très fréquents dans les sols, notamment ceux des régions tempérées ; l'exemple classique est celui de la
transformation progressive d'un minéral de type micacé selon la séquence : Mica ---- mica-vermiculite
----- vermiculite ----- vermiculite-smectite ------ smectite

 Minéraux intergrades
Ils sont communs dans les sols et particulièrement dans les sols acides des régions tempérées. Il
s'agit de minéraux 2:1 (vermiculites et smectites) dont la compensation interfoliaire de la charge du
feuillet n'est pas assurée par des cations hydratés mais par des ions hydroxylés plus ou moins
polymérisés et tout spécialement des hydroxydes d'aluminium (ions hydroxy-alumineux plus ou moins
condensés, avec ébauche de feuillet gibbsitique).
Comme nous l'avons signalé précédemment, ce phénomène d'aluminisation progressive des espaces
interfoliaires aboutit à terme à la formation de chlorites secondaires alumineuses, comme l'illustre la
figure 20.
Les intergrades alumineux (vermiculites alumineuses, smectites alumineuses) présentent donc des
structures et des comportements (notamment aux RX) intermédiaires entre minéraux 2:1 expansibles
41
et minéraux 2:1:1. On parle souvent de "pseudochlorites", de "chlorites gonflantes" ou de "chlorites de
sol".

Fig. 19 - Représentation schématique de la formation de minéraux intergrades alumineux et de


chlorites secondaires.

 Méthodes de détermination des minéraux argileux


Elles sont multiples et complémentaires. Parmi les principales, citons la microscopie électronique,
la diffraction des rayons-X, l'analyse thermique différentielle et l'analyse chimique totale. Ces
méthodes sont fréquemment utilisées de façon conjointe lors de l'identification qualitative et
quantitative des argiles des sols.

 Microscopie électronique
Elle peut être utilisée dans le diagnostic morphologique de certains minéraux argileux à structure
cristalline particulière (exemple : différenciation kaolinite/halloysite).
Associée à l'utilisation d'ultra-microtomes, la microscopie électronique à transmission et à haute
résolution permet aussi l'observation de coupes transversales dans les micro-cristaux argileux, mettant
en évidence l'empilement (et les irrégularités de l'empilement) des feuillets élémentaires.

 Diffraction des RX
C'est une des méthodes le plus couramment utilisée. Les échantillons d'argile sont mis en
suspension et évaporés sur une lame de verre ; ils sont ensuite soumis à un rayonnement de courte
longueur d'onde (spectre RX, raie Kα= 1,54 Å) dont un goniomètre fait varier l'angle d'incidence θ.

42
Fig. 20 - Enregistrement diffractométrique d'un échantillon de kaolinite (in Tan, 1982)

Les ondes diffractées, obéissant à la loi de Bragg (n.λ = 2d.sinθ), sont enregistrées graphiquement
(les réflexions sur le plan 001 étant les plus intenses) et indiquent la périodicité entre feuillets c'est-à-
dire l'équidistance d001 (voir enregistrement type à la figure 21). (λ = longueur d'onde du
rayonnement ; d = distance entre deux plans réticulaires (équidistance) ; θ = angle d'incidence).
Le passage de l'échantillon aux RX est précédé par différents traitements chimiques (saturation par
divers cations : K, Mg, Li,...) et/ou physiques (traitements thermiques, hydratation par des polyalcools
: glycérol ou éthylène-glycol), susceptibles de faire varier l'équidistance d001. Ces tests de
comportement permettent d'aboutir à une bonne caractérisation de la composition qualitative du
cortège argileux des sols.

 Analyse thermique différentielle (ATD)


Cette méthode, applicable également aux constituants amorphes, permet de mettre en évidence les
températures auxquelles se produisent des réactions chimiques ou des changements d'état liés
directement à la structure des minéraux. Dans la pratique, on mesure la différence de température
développée entre une substance inerte de référence (Al2O3 calciné) et l'échantillon étudié lorsqu'on les
soumet à une montée en température de 0 à 1.000°C (l'augmentation régulière de la température étant
généralement de 20°C par minute). Des écarts de température seront enregistrés lorsque se produisent
dans l'échantillon des réactions soit exothermiques (oxydation), soit endothermiques (perte d'eau
adsorbée, déshydroxylation ou encore perte de CO2 chez les minéraux carbonatés) (fig. 22).

43
Fig. 22 - Enregistrements en analyse thermique différentielle (ATD) de différents minéraux argileux
(in Tan, 1982).

 Analyse chimique totale


Après destruction totale des minéraux argileux par fusion alcaline à haute température et mise en
solution de leurs éléments constitutifs majeurs (silicium, aluminium, fer, magnésium, calcium,
sodium, potassium, manganèse et titane), ceux-ci sont dosés par une méthode appropriée
(spectrométrie d'absorption atomique).
Les résultats sont exprimés en oxydes (SiO2, Al2O3, Fe2O3, MgO,...) par référence au poids d'argile
après chauffage à 950°C. Cette température élimine non seulement l'eau d'hydratation, mais
décompose aussi le minéral par déshydroxylation, en sorte que seuls subsistent des oxydes anhydres.
Ce mode d'expression en oxydes permet de vérifier qu'il n'y a pas eu de perte de constituants lors
de l'analyse puisque la somme des oxydes doit être égale à 100 %. La perte pondérale de l'échantillon
séché à l'air et porté à 105°C correspond à l'eau d'hydratation (H2O - dans les tableaux d'analyse
totale), tandis que la perte de masse enregistrée entre 105°C et 950°C correspond à ce que l'on appelle
l'eau de composition et représente la perte au feu (P.F. ou H2O+ dans les tableaux analytiques).
Le tableau 7 reprend la composition chimique de quelques minéraux argileux.

 Origine et composition du cortège des minéraux argileux dans les sols


Ce point sera développé dans le cours de "Pédologie approfondie". On peut cependant souligner
dès à présent que la nature et les proportions des différents minéraux argileux constitutifs du sol (on
parle du cortège minéralogique de la fraction < 2 µm) sont déterminées principalement par :
 La composition minéralogique de la roche-mère ou du matériau parent. Si les
matériaux parents contiennent en leur sein des minéraux argileux (cas des roches sédimentaires par
44
exemple), le sol en héritera en ligne directe. Par ailleurs, l'altération physique de certains minéraux
originels (micas, chlorites), entraîne leur microdivision et aboutit à la libération de phyllosilicates
de petite taille (< 2 µm) dont la composition cristallochimique sera proche des minéraux dont ils
sont issus : c'est le cas des illites (argiles "micacés", "clay-micas") et des chlorites primaires.
L'ensemble des minéraux phyllosilicatés issus sans modifications substantielles des matériaux
parents sont qualifiés d'argiles d'héritage.

Tableau 7 -Composition chimique de quelques minéraux argileux (résultats exprimés en %).

 L'ambiance physico-chimique du sol qui préside à l'altération chimique de la roche-


mère (facteurs pédogénétiques). Les processus d'altération peuvent soit modifier des minéraux
phyllosilicatés préexistants (transformation des illites en vermiculites par exemple, agradation des
vermiculites en chlorites secondaires alumineuses), soit engendrer des minéraux argileux
entièrement nouveaux, dits de néoformation (ex : kaolinite, montmorillonite).

1.1.3.2 - Allophanes
Le terme d'allophanes désigne des aluminosilicates amorphes (ou très mal cristallisés) et hydratés,
de formule générale xAl2O3 ySiO2 zH2O, avec généralement x > y et y = 1 à 2, z = 2 à 3. Le rapport
molaire) SiO2 /Al2 O2 est fréquemment compris entre 0,5 et 1,3.
L'hydratation des allophanes est généralement importante : 20 % d'eau d'hydratation (H2O-) et
souvent plus de 20 % d'eau de composition (H2O+).
Les allophanes ont été initialement détectés et étudiés sur des matériaux d'altération de roches
éruptives basiques en région tropicale, c'est-à-dire dans un contexte édaphique où ils sont abondants
(Andosols). On a longtemps pensé que les allophanes étaient limités à ce type de sol, mais
actuellement on considère qu'ils sont beaucoup plus répandus ; ils ont notamment été détectés dans de
nombreux autres types de sols où ils représentent très probablement un produit intermédiaire
d'altération, à un stade de cristallisation encore très imparfait. On peut donc considérer que les
allophanes constituent l'ébauche de minéraux argileux.

45
1.1.3 - Oxyhydroxydes
Avec les minéraux argileux, les oxyhydroxydes (appelés anciennement sesquioxydes ou oxydes
hydratés) composent l'essentiel du complexe d'altération des sols. Ce sont des constituants
omniprésents dans les fractions fines du sol et notamment la fraction argileuse ; ils peuvent également
être présents dans des fractions granulométriques plus grossières : limons et sables (fig. 3, p. 5).
A l'origine, les oxyhydroxydes des sols proviennent en majorité de l'altération de minéraux
primaires, essentiellement des minéraux ferromagnésiens. En principe ce sont donc des minéraux de
néoformation. Cependant, dans le cas de sols formés sur des matériaux d'origine sédimentaire, une part
importante – sinon majoritaire – des oxyhydroxydes sont en fait des minéraux d'héritage puisqu'ils
préexistent dans le matériau parental.
En règle générale, les sols ont tendance à s'enrichir en oxyhydroxydes (de fer, d'aluminium, de
titane) par rapport à la silice (tout au moins la silice des silicates et des aluminosilicates) qui est
souvent éliminée plus rapidement au cours du processus d'altération.
Bien entendu, la silice présente sous forme de quartz peut également représenter un élément
résiduel.
Les oxyhydroxydes sont des solides cristallins, paracristallins ou amorphes résultant de la
combinaison de différents cations métalliques (fer, aluminium, manganèse,...) avec l'anion O2- et/ou
l'anion OH-. Il s'agit donc d'oxydes (les anions de coordination sont exclusivement des O2-),
d'hydroxydes (uniquement des OH-) ou d'oxyhydroxydes (O2- et OH-), d'où le terme général
d'oxyhydroxydes qui est souvent utilisé pour les désigner. En outre, ces constituants ne comprennent
théoriquement qu'un seul cation de coordination (Fe ou Al par exemple), par opposition aux
aluminosilicates qui comprennent eux ou plus de deux cations de coordination.
Exemple : la série Gibbsite – Boehmite – Corindon, dont les formules respectives sont : Al(OH)3,
- AlOOH.– Al2O3.
En pédologie, les éléments associés à ces oxydes, hydroxydes et oxyhydroxydes sont regroupés
sous le vocable d'éléments libres. On parle donc des "formes libres" du fer, de l'aluminium, etc., pour
désigner les constituants minéraux du sol qui contiennent ces éléments mais sans qu'ils soient engagés
dans un réseau cristallin de type silicaté ou aluminosilicaté.
Par opposition, le fer et l'aluminium inclus dans une structure de silicate, sont définis comme étant
sous forme combinée, c'est-à-dire liée au réseau cristallin.
A titre d'exemple, les formes du fer dans le sol sont donc les suivantes :

46
Fig. 23 – Les formes du fer dans le sol
Les oxyhydroxydes libres présentent des degrés d'organisation qui vont de l'état amorphe à l'état
cristallin parfait, en passant par des formes d'organisation intermédiaires, à structure cristalline plus ou
moins organisée (formes dites paracristallines).
Les oxyhydroxydes les plus abondants dans les sols sont à base de fer et d'aluminium. Il s'agit en
effet de deux cations qui s'hydrolysent aux valeurs de pH communes dans les sols, si bien que
lorsqu'ils sont libérés dans la solution du sol à l'issue de l'altération des minéraux, ils évoluent
spontanément vers des formes hydroxylées insolubles et amorphes. Elles peuvent ensuite évoluer
progressivement vers l'état cristallin. Ce passage plus ou moins progressif de l'état amorphe à l'état
cristallin est qualifié de vieillissement ("aging" des auteurs anglo-saxons).
La genèse des différentes formes d'oxyhydroxydes peut dès lors être schématisée comme suit :
Minéraux primaires Minéraux amorphes Formes paracristallines Formes cristallines

1.1.3.1 - Oxyhydroxydes de fer


Le fer est un élément abondant dans l'écorce terrestre où il se rencontre dans la majorité des roches
et particulièrement dans les roches dites "basiques" (gabbros, basaltes,...), c'est-à-dire celles qui sont
pauvres en silice (< 52 % de SiO2) et corrélativement riches en minéraux ferromagnésiens tels que
biotite, pyroxènes, amphiboles et péridot. A l'origine, c'est bien entendu l'altération de ces minéraux
qui fournit le fer contenu dans les sols sous forme de divers oxyhydroxydes, encore que, comme
signalé précédemment, ces derniers puissent être hérités en droite ligne de roches sédimentaires dans
la composition desquelles ils interviennent fréquemment (roches carbonatées, grès à ciment
ferrugineux, etc.).
Le fer est donc un élément omniprésent dans tous les sols, mais dans des proportions fort variables
: moins de 1 % à plus de 80 % de fer total (exprimé en Fe2O3) selon les sols et les types d'horizons ; les
teneurs moyennes sont comprises entre 0,5 et 6 % de Fe2O3.
Du fait de l'insolubilité des oxyhydroxydes, la concentration en fer des sols à généralement
tendance à s'accroître par accumulation relative au cours de la pédogenèse.
A l'échelle des grandes zones climatiques, les teneurs en fer dans les sols sont indépendantes des
roches-mères et sont fonction du climat, c'est-à-dire du degré d'altération des sols. C'est pourquoi dans
la zone intertropicale les teneurs en fer des sols sont de 5 à 10 fois plus fortes qu'en zone tempérée.
47
Toutefois, à l'intérieur d'une catégorie de sol et dans un contexte climatique restreint, les teneurs en fer
peuvent varier selon la composition minéralogique des roches-mères (à titre d'exemple, les sols
ferrallitiques de Madagascar présentent des teneurs en Fe2O3 de 4 à 12 % sur gneiss et de 18 à 26 %
sur basalte).

 Importance des oxyhydroxydes de fer au point de vue morphologique


Ce sont les oxyhydroxydes de fer qui déterminent très généralement la couleur des sols. Même à
très faible concentration ils ont un fort pouvoir de pigmentation qui augmente d'ailleurs en intensité au
fur et à mesure que leur taille décroît. La couleur des sols est donc essentiellement déterminée par la
nature, l'abondance et la taille des oxyhydroxydes de fer (les deux autres constituants qui peuvent
intervenir dans la coloration des sols sont la matière organique et les carbonates de calcium).
Les oxyhydroxydes de fer dont la nature et l'abondance peuvent varier d'un sol à l'autre et d'un
horizon à l'autre au sein d'un même profil, sont donc d'excellents "traceurs" de l'évolution
pédologique. Dans certaines conditions, ils permettent en outre de déceler, par le biais d'une coloration
spécifique, des caractères ou des processus évolutifs particuliers (lessivage de argiles, hydromorphie,
podzolisation, etc.). D'où l'importance accordée lors de la description morphologique des profils de
sols à la désignation objective de la couleur des différents horizons (utilisation d'un référentiel
international de couleur, le Munsell Soil color Charts).
Les oxyhydroxydes de fer interviennent dans la structuration de certains sols où ils peuvent être
responsables de la formation d'agrégats et accroître leur stabilité structurale (caractère favorable) ou au
contraire évoluer par induration avec formation de concrétions ou même, en région tropicale, de
véritables cuirasses ferrugineuses (caractère défavorable).

 Formes du fer dans les sols


 Formes cristallines
Les oxyhydroxydes cristallisés sont représentés dans les sols par deux formes hydroxylées, la
goethite et la lépidocrocite, et par un oxyde, l'hématite (tableau 8).
Tableau 8 - Principaux oxyhydroxydes naturels de fer, d'aluminium, de manganèse, de titane et de
silicium (Greenland et Hayes, 1978).

48
La goethite, de formule αFeOOH, est l'oxyhydroxyde de fer le plus commun dans les sols de toutes
les régions du globe. Il s'agit en effet d'une forme cristalline stable dans une large gamme de
conditions édaphiques, d'où son caractère ubiquiste.
La goethite est de couleur brun rougeâtre à l'état déshydraté et brun jaunâtre à l'état hydraté.
Observée en microscopie électronique, elle se présente en fins cristaux de forme aciculaire, de quelque
0,5 µm de long, parfois groupés en macles étoilées.
Sa structure cristalline est déterminée par l'association du cation Fe 3+ avec des anions O2- et OH-
dans un motif octaédrique (coordinence VI). Ces octaèdres sont eux-mêmes associés en doubles
chaînes parallèles et alignées ; elles sont reliées entre elles par des ponts hydrogènes.
Il n'y a théoriquement pas de substitutions isomorphes, donc pas de charges structurelles.
Cependant, la goethite des sols présente fréquemment de 10 à 20 % de substitutions Fe/Al (parfois
Mn), déterminant un degré de cristallinité souvent imparfait.
La goethite se rencontre soit à l'état dispersé dans les sols, soit associée à la fraction argileuse (avec
laquelle elle va d'ailleurs avoir tendance à migrer), soit encore sous forme de concrétions de tailles et
de degrés d'induration très variables.
La lépidocrocite, de formule γFeOOH, plus rare que la goethite, se rencontre plus particulièrement
dans les sols hydromorphes où elle se forme par oxydation brutale de Fe2+.
Sa structure cristalline est celle d'octaèdres associés en deux couches emboîtées (double feuillet) ;
les feuillets successifs sont reliés par des ponts hydrogènes.
Les microcristaux de lépidocrocite se présentent en microscopie électronique sous forme de petites
plaquettes allongées de 0,1 à 0,7 µm de long.
L'hématite, de formule αFe2O3, est très commune dans les sols des régions tropicales et
subtropicales, où elle est souvent un produit de néoformation. Elle est à l'origine de la couleur rouge
caractéristique de ces sols (processus de rubéfaction).

49
Sa coloration est en effet franchement rouge et son effet de pigmentation est d'autant plus prononcé
que sa taille est réduite ; toutes choses égales par ailleurs, son pouvoir de coloration est plus important
que celui de la goethite avec laquelle elle est fréquemment associée.
L'hématite est constituée de microcristaux, généralement de taille inférieure à 0,1 µm, se présentant
sous la forme de plaquettes hexagonales. Leur structure cristalline résulte de l'association planaire
d'octaèdres (Fe3+ lié à des atomes d'oxygène en coordinence VI).
L'équilibre électrostatique est réalisé par l'occupation de 2 sites octaédriques sur 3 (structure
dioctaédrique). Il n'y a donc pas de charge structurelle.

 Formes amorphes ou paracristallines


Il s'agit d'oxyhydroxydes plus ou moins hydratés et qui constituent des gels colloïdaux, notamment
lors des premières étapes de la cristallisation de la goethite ou de l'hématite.
Ces formes non ou mal cristallisées sont fréquentes dans la plupart des sols et peuvent même
devenir abondantes dans certains types d'horizons (horizons d'accumulation des podzols par exemple).
Elles évoluent progressivement et plus ou moins rapidement selon les conditions édaphiques, vers des
formes de mieux en mieux cristallisées.
Leur formule générale peut s'écrire : Fe(OH)3. nH2O.
Comme indiqué précédemment, l'origine de ces formes amorphes du fer est à rechercher dans
l'altération des minéraux ferrifères aboutissant à la libération d'ions Fe3+ dans la solution du sol. En
solution aqueuse, ce cation s'entoure de 6 molécules d'eau, composant une couche de solvatation
agencée selon la coordinence VI de l'ion ferrique. La forte attraction qui se produit entre le cation Fe3+
et les atomes d'oxygène des molécules d'eau attenantes, orientées selon leur moment dipolaire, tend à
repousser un des protons de celles-ci. Il en résulte une dissociation protonique et la liaison d'un radical
hydroxyle avec le cation Fe3+ (phénomène d'hydrolyse).
Au fur et à mesure que la solution devient plus alcaline, la dissociation protonique augmente. Les
réactions d'hydrolyse successives sont les suivantes :
Fe(H2O)63+ Fe(H2O)5(OH)2+ + H+,
ou, pour plus de commodité, sans faire figurer les molécules d'eau
Fe3+ + H2O Fe(OH)2+ + H+
Fe(OH)2+ +
H2O Fe(OH)2+ + H+
Fe(OH)2+ +
H2O Fe(OH)3 + H+

L'hydroxyde ferrique ainsi formé précipite et tend progressivement à se déshydrater.

Comportement géochimique du fer dans les sols

50
Il est essentiellement régi par le pH et le potentiel redox (Eh) du milieu édaphique. Le pH
détermine les domaines d'apparition des formes ioniques ou hydroxylées, insolubles (voir ci-dessus
l'exemple du fer ferrique) ; le potentiel redox (Eh) détermine quant à lui les domaines d'existence des
ions ferriques (Fe3+) ou ferreux (Fe2+). La relation pH-Eh pour les différentes formes du fer est donnée
dans la figure ci-dessous et met en évidence la possibilité d'existence d'ions Fe2+ dans la solution du
sol jusqu'à des valeurs de pH voisines de 6.
La plus grande solubilité du fer ferreux explique sa forte mobilité dans les sols hydromorphes où
les formes ferreuses deviennent – ne fut-ce que temporairement (période d'engorgement) –
majoritaires.
Outre le pH et le potentiel redox, la présence de matière organique complexante est susceptible de
modifier le comportement géochimique du fer dans les sols et dans les eaux. En effet, la formation de
chélates permet de maintenir le fer à l'état soluble dans des conditions de pH pour lesquelles le cation
ferrique (ou ferreux) non chélaté précipiterait normalement sous forme d'hydroxyde.
En résumé, la mise en solution du fer sous forme ionique dans les sols et donc sa mobilité, ne
peuvent se concevoir que dans trois circonstances :
 Lors d'un abaissement suffisant du pH : ceci n'a pratiquement aucune chance de se
produire, puisque le seuil de pH à franchir (en milieu aéré) est d'environ 2,5 et qu'aucun sol
naturel n'atteint une telle valeur.
 Lors d'un passage du fer de l'état ferrique à l'état ferreux : le cation Fe2+ peut se maintenir
en solution même à des pH modérément acides (pH < 6 - 6,5).
 Quand le fer se lie à des composés organiques solubles et chélatants qui assurent sa mise en
solution dans des conditions de pH et de Eh qui normalement devraient entraîner son
insolubilisation.
Si les conditions ayant permis la réduction ou la chélation du fer viennent à disparaître, cet élément
précipite sous forme hydroxylée. C'est notamment le cas lorsque l'atmosphère du sol redevient
oxydante (aération du sol en phase de dessiccation) ou lorsque l'activité microbiologique dégrade les
chélates. Enfin, une élévation du pH dans un horizon peut aussi provoquer l'insolubilisation du fer.

1.1.3.2 - Les oxyhydroxydes d’aluminium


Comme le fer, l'aluminium est un des éléments fondamentaux des constituants du sol. Ses
composés sont toutefois très "discrets" puisque aucun ne présente les couleurs vives (jaunes, brunes,
rouges,...) des oxyhydroxydes de fer.
Comparé à celui du fer, le comportement géochimique de l'aluminium se distingue
essentiellement par les 2 points suivants :
 Contrairement au fer, l'aluminium n'est pas sensible aux variations d'oxydo-réduction du
milieu.
51
 L'aluminium a une forte affinité pour la silice, à l'origine de nombreuses combinaisons
alumino-siliceuses (dont les multiples minéraux aluminosilicatés sont les témoins).
L'aluminium est présent dans les sols sous diverses formes, essentiellement sous forme combinée
(aluminium des réseaux cristallins des aluminosilicates primaires et secondaires) et sous forme
d'oxyhydroxydes, amorphes ou cristallins. En outre, dans les sols acides dont le pH-eau est < 5,
l'aluminium peut se rencontrer sous forme cationique (Al3+) : il 'agit de l'aluminium dit "échangeable".
Les oxyhydroxydes d'aluminium et aluminium échangeable sont issus de l'altération hydrolytique
des aluminosilicates au cours de la pédogenèse.

 Formes de l'aluminium dans les sols


 Formes cristallines
Les sols peuvent contenir deux oxyhydroxydes d'aluminium parfaitement cristallisés : la gibbsite
Al(OH)3 et la boehmite AlO OH (tableau 8). C'est la gibbsite (aussi appelée hydrargillite) qui est de
loin la plus fréquente : c'est un constituant majeur de beaucoup de sols tropicaux (on peut trouver
jusqu'à 30 % de gibbsite dans certains horizons concrétionnés de sols ferrallitiques).
Tri-hydroxyde d'aluminium extrêmement stable, la gibbsite représente le stade ultime de l'altération
des aluminosilicates à la surface du globe. C'est également un des constituants fondamentaux des
bauxites (minerai d'aluminium).
La gibbsite est microcristalline et se présente sous forme de plaquettes à aspect rhomboédrique,
d'environ 45 Å d'épaisseur et 1.000 Å de longueur. Sa structure cristalline est constituée d'un
assemblage planaire d'hydroxyles dont 2 plans consécutifs "piègent" des atomes d'aluminium en
disposition dioctaédrique.
La bauxite est une roche sédimentaire ou résiduelle qui constitue le minerai d'aluminium (40 % au
moins d'Al2O3) ; elle est riche en boehmite (AlO.OH) et gibbsite [Al(OH)3].

 Formes amorphes ou paracristallines


La grande majorité des sols contiennent des quantités souvent appréciables d'hydroxydes
d'aluminium amorphes ou à degré de cristallinité très faible (formes paracristallines).
L'évolution normale des hydroxydes amorphes est une cristallisation progressive. Ce phénomène
ne pourra se produire que si la teneur en silice du milieu ambiant est faible. En effet, dans le cas
contraire, il y a recombinaison des deux éléments avec genèse d'aluminosilicates secondaires, c'est-à-
dire des minéraux argileux de néoformation (kaolinite ou montmorillonite par exemple).

Origine et mode de formation des hydroxydes amorphes d'aluminium


Comme l'ion ferrique, le cation alumineux Al3+ ne reste pas sous forme d'ion libre en solution
aqueuse : il s'entoure de 6 molécules d'eau pour former un ion alumineux avec manteau de solvatation,
52
de formule Al(H2O)63+ et de coordinence VI ("Al hexahydronium ion"). Au fur et à mesure
qu'augmente le pH du milieu, la déprotonation des molécules d'eau de coordination produit une série
d'ions complexes hydrolysés selon les réactions d'hydrolyse suivantes :
Al(H2O)63+ Al(H2O)52+ + H+
soit, sans faire figurer les molécules d'eau de coordination
Al3+ + H2O Al(OH)2+ + H+
Al(OH)2+ H2O Al(OH)2+ + H+
Al(OH)2+ H2O Al(OH)3+ + H+
En fonction du pH), on assiste donc, en fonction d'une gamme croissante de pH, à l'hydrolyse
progressive des ions Al3+. Ces derniers n'existent en solution qu'en dessous de pH 5, puisque des ions
hydroxylés (= ions hydroxy-alumineux) se forment dès que l'on transgresse cette valeur de pH.
Le produit final, l'hydroxyde d'aluminium Al(OH)3 est hydraté. Il va évoluer par perte d'eau et
polymérisation plus ou moins rapide des monomères hydroxy-alumineux. Dans les deux cas, on
aboutit à une insolubilisation des formes hydroxylées avec formation d'édifices hydroxy-alumineux
plus ou moins développés.

 Comportement géochimique de l'aluminium dans les sols


Il découle logiquement de ce qui précède : il est essentiellement fonction du pH et de la teneur en
silice du milieu ambiant. En outre, comme pour le fer, la présence de composés organiques solubles
peut modifier fortement son comportement et sa mobilité dans les sols.
Quatre points importants peuvent être dégagés :
L'aluminium est un élément amphotère et sa solubilité est en conséquence forte aux pH très acides
et franchement alcalins ; inversement, entre pH 4 et 10 (4,5 et 8 aux faibles concentrations),
apparaissent les formes hydroxylées insolubles dont il a été question précédemment. Dans la gamme
courante des pH des sols, l'aluminium est donc un élément à faible mobilité, plus encore que le fer qui
peut être mobilisé par passage à l'état ferreux dans une gamme de pH beaucoup plus large. Au
contraire, dans les sols acides (pH < 5), l'aluminium voit sa mobilité s'accroître considérablement.
En présence de silice soluble, l'aluminium évolue vers des aluminosilicates secondaires (argiles
de néoformation : kaolinite en milieu acide, montmorillonite en milieu neutre ou alcalin).
En milieu acide mais organique, donc en présence de composés carbonés hydrosolubles (cas des
sols podzolisés par exemple), la solubilité de l'aluminium est accrue par chélation et cet élément peut
donc être mobilisé dans des sols ou dans des eaux dont le pH est supérieur à 5.
En milieu acide, à pH voisin de 5 (ou légèrement supérieur) et non ou peu organique (horizons
minéraux), l'évolution spontanée de l'aluminium cationique vers des formes hydroxylées plus ou
moins polymérisées et insolubles va de pair avec une transformation des minéraux argileux 2:1 : leurs
espaces interfoliaires sont progressivement occupés par des ions alumineux hydroxylés s'organisant
53
en couche de nature gibbsitique. C'est le phénomène d'aggradation alumineuse, aboutissant à terme à
la formation de chlorites secondaires, dites aussi chlorites alumineuses.

1.3.4 - La silice
Le silicium – second élément en abondance dans la croûte terrestre – est un constituant majeur des
sols sous diverses formes cristallines : quartz, silicates et aluminosilicates (primaires et secondaires) ;
il intervient aussi dans la composition d'aluminosilicates amorphes ou paracristallins (allophanes).
Sous l'action des processus d'altération, le silicium est libéré dans l'eau du sol sous forme de
monomères d'acide silicique H4SiO4 (solution vraie).
Tous les formes de silice (SiO2) sont solubles, même la plus stable, le quartz, mais à des degrés très
variables.
L'acide mono- ou ortho-silicique ainsi formé est un acide très faible (pKa = 9 à 10) dont la
dissociation libère des ions siliciques H4SiO4- , selon la réaction :
H4SiO4 H3SO4- + H+ Log K + -9,71
La concentration habituelle en acide silicique (monomères H4SiO4) dans la solution du sol est très
peu élevée : de 2 à 50 mg L-1 de silicium. A titre comparatif, la concentration en silicium dans les
nappes aquifères est généralement inférieure à 16 mg L-1 (elle est d'environ 2mg L-1 pour l'eau de
mer).
Lorsque la concentration en monomères siliciques dépasse le seuil de 60 mg L -1 de Si (soit 140 mg
L-1 de SiO2), ces monomères évoluent par polymérisation progressive avec formation de
macromolécules s'associant pour former un gel amorphe (silice amorphe ou colloïdale) :

Fig. 24 - Solubilité comparée en fonction du pH de la silice (une seule courbe) et de l'aluminium (deux
droites coupant l'axe des abscisses au pH 5-6 lorsque la solubilité est nulle).

54
Le passage d'une solution vraie à une solution colloïdale puis un gel amorphe, peut s'observer
expérimentalement lorsque l'on provoque la précipitation de la silice : on obtient un composé amorphe
constitué par un assemblage désordonné de tétraèdres Si(OH)4 sans aucune périodicité dans
l'agencement spatial des tétraèdres siliceux.
La solubilité de la silice amorphe est constante dans la gamme de pH de 2 à 8 (fig. 29) mais
augmente considérablement vers pH 9, c'est-à-dire en milieu franchement alcalin.
La solubilité limite de la silice monomère, à 25°C et pour des pH inférieurs à 8, est donc
théoriquement de 60 mg L-1 (ppm) de Si ; mais l'équilibre qui s'établit à cette concentration entre la
silice soluble et la silice colloïdale est parfois très lent, en sorte que la concentration en acide silicique
peut temporairement s'élever au-dessus du seuil de 60 ppm (sursaturation temporaire) ; elle évoluera
toutefois progressivement vers l'équilibre par formation de polymères insolubles. Il est exceptionnel
que la concentration en silice dans la solution du sol atteigne son niveau critique de solubilité ; ceci se
produit néanmoins dans certains sols des régions arides, avec pour conséquence la cimentation par de
la silice amorphe ou cryptocristalline (opale) de certains horizons (accumulation de silice secondaire).

1.3.5 - Carbonates
Avec les chlorures et les sulfates, les carbonates sont caractérisés par leur solubilité
relativement forte comparée à celle des silicates.
Le carbonate le plus abondant est la calcite (CaCO3). Les autres minéraux carbonatés que l'on peut
rencontrer dans les sols sont la dolomite [Ca.Mg(CO3)]2, la sidérite (FeCO3) et le carbonate de sodium
(Na2CO3), ce dernier n'étant présent que dans les sols halomorphes alcalins, à pH supérieur ou égal à
8,5.

 Abondance, formes et évolution du calcaire dans les sols


Les teneurs en CaCO3 dans les sols carbonatés sont extrêmement variables : de quelques % à plus
de 70 % (voir tableau 9).
Toutefois, le dosage des carbonates totaux (par calcimétrie ou acidimétrie) n'a souvent d'autre
intérêt que de classer les sols carbonatés en fonction d'une échelle d'appréciation. En effet, au-delà de
5 % de CaCO3 total on ne peut guère tirer d'enseignements agronomiques en-dehors de l'appréciation
globale du stock présent. Ce qui est important au point de vue agronomique et écologique (relation
plante-sol) c'est la réactivité du CaCO3. C'est pourquoi, dès 1942, Drouineau a mis au point une
méthode permettant d'évaluer l'aptitude à la dissolution de la fraction carbonatée du sol, en liaison
avec la granulométrie des particules calcaires. Le CaCO3 de la fraction granulométrique de taille
inférieure à 20 µm (argiles + limons fins) correspond à ce que les pédologues appellent le "calcaire
actif" (dosé par la méthode Drouineau). La figure 30 montre qu'il y a une excellente corrélation entre

55
le CaCO3 contenu dans cette fraction et le calcaire dit "actif", c'est-à-dire la fraction carbonatée
susceptible de se solubiliser rapidement.

Tableau 9 - Teneurs en calcaire total, calcaire actif, Ca et Mg échangeables dans divers types de sols
carbonatés (d'après Bonneau et Souchier, 1979).

Le CaCO3 peut donc se présenter dans les sols sous diverses formes :
Eléments grossiers, de taille > à 2 mm, constituant le squelette du sol. Hérités en droite ligne de la
roche-mère (calcaire "primaire"), ils sont, du fait de leur taille, peu réactifs (dissolution lente).
Calcaire finement divisé, donc plus rapidement solubilisable (calcaire actif). Ce calcaire fin peut,
soit être hérité directement de la roche mère (sur roches carbonatées tendres, telles que les craies, ou
argileuses comme les marnes), soit être issu de l'altération physique d'une roche carbonatée
(essentiellement par gélifraction), soit encore provenir de la précipitation de calcite dans certains
horizons du sol sous forme de revêtements microcristallins (pseudomycélium), de ciment liant les
particules entre elles ou même de petites concrétions ou nodules carbonatés (calcaire "secondaire").

Fig. 30. - Corrélation entre CaCO3 des fractions 0-20 µm et calcaire actif (d'après Dupuis, 1975).
L'accumulation de calcaire "secondaire" nécessite une dissolution préalable d'un matériau
carbonaté, soit dans les horizons supérieurs d'un profil, soit en position amont dans une séquence de
sols ; ce phénomène est particulièrement développé dans les sols des régions méditerranéennes et
semi-arides où il aboutit à la formation de croûtes et encroûtements calcaires extrêmement
importants (voir cours "Pédologie approfondie").
L'enchaînement des processus de dissolution et de reprécipitation de la calcite dans les sols est lié
aux conditions de milieu déterminant la solubilité du CaCO3. Pour rappel, la solubilité du carbonate
de calcium dans l'eau augmente lorsque la pression partielle en CO2 croît : pour une pression partielle
de 0,0033 atm, 117 mg de CaCO3 sont dissous par litre d'eau ; lorsque la pression partielle est de 0,1
atm (cas fréquent dans les sols), la solubilité du CaCO3 s'élève à 390 mg L-1. Par ailleurs, la
température affecte également la solubilité de la calcite : celle-ci décroît au fur et à mesure

56
qu'augmente la t°. A titre d'exemple, 49 mg L-1 sont solubles à 25°C, 60 mg L-1 à 15°C et 84 mg L-1 à
0°C, pour une pression partielle en CO2 de 0,0003 atm.

 Rôles du CaCO3 dans les sols


Le CaCO3 (mais aussi les ions Ca2+ qu'il libère en plus ou moins grande abondance) induit une
série de propriétés qui, des points de vue agronomique, peuvent être considérées comme favorables ou
défavorables :

 Propriétés favorables
La présence de carbonates influence fortement la réaction du sol, les sols carbonatés se distinguant
par un pH toujours supérieur à 7. Un tel pH est bien entendu favorable au point de vue de l'activité
biologique et notamment celle des lombricidés et de beaucoup de bactéries.
D'où la pratique du chaulage dans les terres de culture et plus exceptionnellement en milieu
forestier.
Par l'intermédiaire des ions Ca2+ qui sont abondamment libérés lors de leur dissolution, les
carbonates jouent un rôle important dans la structuration des sols et la stabilité de cette structure. La
présence de CaCO3 dans les sols a donc généralement un effet bénéfique sur la porosité, la
perméabilité, la résistance à la battance, etc.

 Propriétés défavorables
Le pH élevé (compris habituellement entre 7 et 8,5) a pour effet de déterminer une absorption
déficiente de certains oligoéléments : manganèse ("chlorose manganique"), zinc, cuivre, bore, etc.
Lorsque le taux de calcaire actif est supérieur à 7 % (anciennement la valeur seuil était de 10 %),
on observe également une adsorption déficiente du fer : c'est la chlorose ferrique.
Le pouvoir chlorosant des sols carbonatés constitue donc un important facteur limitant dont il faut
tenir compte lors de leur utilisation, notamment dans les domaines de l'arboriculture et de la
viticulture.
L'insolubilisation du phosphore sous forme de phosphate tricalcique insoluble est classique en erre
calcaire. C'est le phénomène de rétrogradation apatitique du phosphore, les phosphates insolubilisés
évoluant vers la carbonate-apatite. Cette insolubilisation se manifeste à des valeurs de pH > 8.
La surabondance d'ion Ca2+ peut avoir pour effet une adsorption déficitaire en Mg2+ et K+. On
considère habituellement que la balance cationique optimale Ca/Mg doit être voisine de 12/1.
Lorsqu'ils précipitent, les carbonates secondaires peuvent, par occlusion partielle ou totale de
fragments organiques qu'ils mettent à l'abri de l'activité microbienne, déterminer une baisse très nette
des taux de minéralisation de l'azote et donc limiter sérieusement la disponibilité en cet élément.

57
Enfin, bon nombre de sols carbonatés sont des sols superficiels et pierreux (les Rendzines par
exemple), parfois à profondeur utile limitée et à faibles réserves hydriques, ce qui peut réduire plus ou
moins sensiblement leurs capacités de production.
Pour apprécier au mieux le risque de chlorose ferrique, Juste et Pouget (1972) ont proposé un
indice de pouvoir chlorosant (IPC) qui combine la mesure du calcaire actif et celle du fer extractible
par le même réactif (oxalate d'ammonium) : IPC = CaCO3actif × 104 / (FeOX )2 (avec CaCO3actif exprimé
en % et Feox en ppm). Ces auteurs ont fourni une échelle de résistance des porte-greffes utilisée
couramment en viticulture ; le risque de chlorose est important lorsque IPC > 60.

1.3.5 - Sulfates et chlorures


Il s'agit de sels solubles (particulièrement les chlorures), en sorte qu'ils se rencontrent surtout dans
les sols des régions semi-arides ou arides. C'est le cas notamment dans les dépressions endoréiques où
se concentrent les sels solubles (formation d'évaporites).
En absence de lessivage, les remontées capillaires engendrent des efflorescences salines résultant
de la cristallisation des sels à la surface des sols dits "halomorphes".
A l'opposé, dans nos régions, un apport de sels solubles dans les sols est rapidement éliminé par
les eaux de percolation.
Les sels les plus fréquents sont l'halite (NaCl), déterminant les efflorescences blanches des sols de
type Solontchaks ("salins blancs"), le sulfate de sodium (Na2SO4) et le gypse (CaSO4 H2O), ce dernier
pouvant s'accumuler de façon notable dans les sols des régions arides (fréquemment sous un horizon
d'accumulation de CaCO3).

2 – La fraction organique du sol


2.1 - Généralités
La fraction organique du sol, bien que ne représentant que quelques % de la masse totale du sol,
joue un rôle physico-chimique capital et est souvent déterminante au point de vue de sa fertilité. Elle
est toutefois constituée d'un ensemble de substances de natures et de propriétés très variées. Comme le
font remarquer Chamayou et Legros (1989), "leur seul point commun, outre leur caractère organique
est qu'elles font partie de la chaîne des réactions chimiques ou biochimiques qui jalonnent la
décomposition dans le sol des débris végétaux ou animaux préalablement incorporés".
Les teneurs en matière organique des sols sont extrêmement variables : moins de 0,1 % dans les
sols des régions arides à près de 100 % dans les sols hydromorphes tourbeux. Les horizons culturaux
(Ap) des régions tempérées contiennent en moyenne 2 % de matière organique, les horizons
hémiorganiques Ah des mull forestiers 5 %, des moder environ 10 % (répartis toutefois sur quelques
cm d'épaisseur seulement) et les Ah des Chernozems des régions steppiques également près de 10 %,

58
mais répartis ici sur plusieurs dm de profondeur. Dès que la teneur en matière organique d'un horizon
dépasse 30 %, celui-ci est considéré comme étant holorganique (= horizon O).
Les horizons profonds de la grande majorité des sols (horizons minéraux) ont des teneurs en M.O.
inférieures à 0,1 %. Le contenu en matière organique des sols est influencé globalement par :
 les facteurs climatiques,
 la végétation,
 la texture du sol,
 les conditions topographiques, influençant le microclimat et le drainage,
 les pratiques culturales.
Quant à l'évolution des matières organiques dans le sol, elle se caractérise par un grand nombre de
mécanismes et de voies de transformation qui interviennent simultanément.

2.2 – Origine de la matière organique du sol


En majorité d'origine végétale (à concurrence de 95 à 99 %) les sources de matière organique sont
différentes à la fois d'un point de vue quantitatif et qualitatif.
Au point de vue quantitatif : les restitutions annuelles de différents types de milieu sont bien entendu
fort variables. Les données reprises ci-dessous fixent quelques ordres de grandeur, en tonnes
de matière sèche par hectare et par an (d'après Duvigneaud, 1980 et Gaucher, 1981) :

Le mode de restitution est également très différent selon qu'il s'agit d'une formation forestière
(restitutions aériennes par l'entremise des litières) ou herbacée (restitutions aériennes + restitutions
souterraines d'origine racinaire).
Aspect qualitatif : on se référera au tableau 10 donnant la composition de différents organes végétaux
d'origines diverses.
Les résidus végétaux sont formés essentiellement de polysaccharides (celluloses, hémicelluloses et
pectines) et de lignines. En règle générale, les formations forestières sont à l'origine d'un apport de
débris riches en lignine, alors que les formations herbacées le sont en cellulose.
Tableau 10 - Composition de différents organes végétaux, en % de la matière sèche (d'après
Scheffer et Schachtchabel, 1973).

59
2.3 – Composition de la fraction organique du sol
La fraction organique du sol est excessivement complexe et il faut être conscient que certaines
subdivisions sont parfois arbitraires. On distingue habituellement au sein de la matière organique du
sol les catégories suivantes (voir aussi le schéma hors texte) :
Débris végétaux peu transformés, à structure encore organisée ; l'appellation "matière organique
fraîche" est consacrée à cette fraction qui peut comprendre des feuilles, des tiges, des racines
mortes, des résidus de récolte, des exsudats foliaires et racinaires, mais aussi des cellules
microbiennes mortes.
Matière organique fortement transformée, d'origine végétale, animale ou microbienne ; il s'agit de
substances humifiées regroupées fréquemment sous le terme "humus" (au sens strict) ou
matière organique humifiée. C'est la composante principale du carbone du sol (60 à 70 % du
C total du sol, sauf dans certains horizons holorganiques).
Produits de composition intermédiaire entre 1 et 2, c'est-à-dire encore plus ou moins proches de la
matière organique peu transformée.
Composés organiques hydrosolubles, généralement de structure "simple" ou tout au moins de
composition chimique déterminée : acides aminés, acides organiques, lucides, polyphénols,
etc. Ensemble de substances carbonées parfois regroupées sous e vocable de "substances
non humiques".
Biomasse du sol : pédofaune (à l'exclusion de la macrofaune), mais surtout microorganismes
(bactéries, champignons, actinomycètes, fungi imperfecti). Dans les terres arables, la
biomasse microbienne peut représenter de 1 à 3 % du carbone total du sol.
Parmi toutes ces composantes de la fraction organique du sol, les substances humiques sont sans
conteste les plus importantes et ce pour deux raisons majeures :
 les composés humiques présentent une forte réactivité vis-à-vis des minéraux argileux, des
oxyhydroxydes et des cations.
 leur structure biochimique, très complexe, leur assure généralement une stabilité plus
grande que les composés carbonés originels dont ils dérivent ; leur vitesse de
décomposition (= de minéralisation) est donc souvent beaucoup plus faible que celle des
substances carbonées non humifiées. En d'autres termes, les substances humiques ont une

60
"durée de vie" (ou "temps de résidence") beaucoup plus longue dans le milieu édaphique
que les composés carbonés dont ils sont issus.
En outre, les composés humiques sont des substances hydrophiles et présentent de ce fait une
importante capacité de rétention pour l'eau, particulièrement appréciable en sol sableux.
En règle générale, les composés humiques sont des substances de couleur foncée, hydrophiles, à
caractère acide et d'une grande complexité chimique, avec dominance des structures aromatiques.

2.3.1 - Composition de la fraction humifiée


Les études analytiques de la fraction humifiée du sol (humus sensu stricto) se sont toujours
heurtées à une double difficulté :
 les composés carbonés humifiés sont extrêmement complexes au point de vue structural et
ne répondent pas à des compositions chimiques bien déterminées.
 ces mêmes composés sont liés de façon plus ou moins forte avec la fraction minérale du sol
et particulièrement les minéraux argileux et les oxyhydroxydes ; il est donc souvent très
difficile d'isoler correctement les macromolécules carbonées.
Un simple inventaire des composés humiques d'un sol constitue donc une opération délicate d'un
point de vue analytique. En conséquence, les propriétés de la matière organique du sol sont encore mal
connues, incomplètement comprises ou peu étudiées en dépit de l'intérêt agronomique et écologique
qu'elles présentent.
On regroupe en fait sous le nom de composés humiques un large spectre de constituants organiques
dont certains sont des substances organiques transformées, ayant leurs équivalents intacts dans les
cellules végétales ou microbiennes, les autres des produits de néosynthèse. A cela il faut ajouter de
nombreux produits transitoires.
Quoiqu'il en soit, ces composés humiques sont des constituants spécifiques des sols et des
sédiments car ils présentent toujours des caractères différents des polymères organiques qui
proviennent d'autres sources naturelles.

2.3.2 - Etude biochimique de la fraction humifiée


Elle consiste principalement en un fractionnement, un isolement et une identification des
principaux constituants carbonés. Le préalable indispensable est l'extraction des composés humiques
d'un échantillon de sol. La structure, les propriétés chimiques et colloïdales de ces composés ne
peuvent en effet être étudiées qu'après séparation de cette fraction organique de la fraction minérale du
sol.
Cette séparation préliminaire s'effectue par extraction sélective de différentes fractions organiques
dont on cherche ensuite à déterminer la composition biochimique et les propriétés physico-chimiques.
La grande difficulté au point de vue analytique réside dans le risque d'altération des constituants
61
humiques au cours de l'extraction, par le biais de processus d'hydrolyse ou d'oxydation (→ artefacts
expérimentaux). En règle générale, plus un extractant est efficace, plus grands sont les risques
précités... Sur le plan des techniques on a donc cherché à sélectionner des extractants "doux" mais
néanmoins suffisamment efficaces.
Si des progrès substantiels ont été réalisés au point de vue des processus et des agents d'extraction,
ces derniers restent toutefois dans une large mesure empiriques.
Le protocole "classique" de fractionnement de la matière organique du sol est basé sur la solubilité
des humates alcalins et particulièrement des humates sodiques. Pratiquement, le fractionnement est
basé sur la solubilité différentielle de diverses fractions organiques.
Le schéma du procédé de fractionnement habituel est le suivant.

Fig. 25 - Protocole de fractionnement de la matière organique du sol.

 Fractionnement proprement dit : extraction différentielle + séparation des fractions.


 Prétraitements (facultatifs) : extraction de la fraction soluble dans l'eau (= acides
créniques) ou dans l'alcool (= acides hymatomélaniques).
 Fractionnement physique : séparation densimétrique dans une liqueur de densité 1,8
(mélange alcool + bromoforme) avec traitement aux ultrasons. On sépare de la sorte une
fraction légère et une fraction lourde : la première correspond à ce que l'on appelle la
matière organique libre (c'est-à-dire peu décomposée, proche de la M.O. fraîche et non liée
à des constituants minéraux tels que des argiles ou des oxyhydroxydes), la seconde à la
matière organique liée à la fraction minérale par ses groupes fonctionnels (et donc de
densité supérieure à 1,8).
 Extractions successives par des agents alcalins : des solutions alcalines telles que
NaOH (0,1 à 0,5 N) ou Na4P2O7 (pyrophosphate 0,1 à 0,5 M) solubilisent certains

62
composés carbonés à des pH voisins de 10. Ces agents alcalins extraient
approximativement les 2/3 de la matière organique humifiée.
Dans certains cas, on utilise plutôt des agents chélatants (EDTA ammoniacal à pH 7) dont l'action
est plus spécifique et permet d'extraire les composés organiques liés au fer et à l'aluminium.
 Précipitation de la fraction humique en milieu acide : par adjonction d'acide (HCl
jusqu'à pH 2), on provoque la dénaturation d'une partie des composés humiques qui
peuvent alors être séparés par centrifugation de ceux qui restent en solution.

 Purification des fractions extraites par élimination des argiles, des cations (résines
échangeuses, dialyse), etc. Ultra-centrifugation et lyophilisation des extraits purifiés.
A l'issue de ce procédé de fractionnement, on obtient donc trois grandes catégories de
produits humifiés :
 Une fraction non extractible par les réactifs alcalins = Humine.
 Une fraction extractible en milieu alcalin mais insoluble dans les acides = Acides
Humiques.
 Une fraction extractible en milieu alcalin et soluble dans les acides = Acides Fulviques.
Les premiers chercheurs étaient persuadés que chacune de ces trois fractions correspondait à des
composés chimiques de compositions différentes. On sait aujourd'hui que ces fractions ne sont
nullement des entités biochimiques bien déterminées et qu'il s'agit en l'occurrence d'un mélange,
encore assez mal connu, de nombreux composés organiques. En d'autres termes, les propriétés
physiques et chimiques de ces fractions ne peuvent pas toujours être traduites en termes de structure
moléculaire.
Les recherches des 20 dernières années ont cependant permis d'aboutir à une meilleure
connaissance de la composition biochimique des 3 fractions précitées et de proposer un modèle
structural élémentaire (fig. 32).

Fig. 25 - Modèle structural élémentaire


63
Il est apparu que d'un point de vue structural les 3 fractions (acides fulviques, humiques et humine)
sont plus ou moins identiques mais diffèrent assez nettement par leurs poids moléculaires, leurs
teneurs en C, O et N ainsi que par leurs groupes fonctionnels (tableau 11 et fig.).

Tableau 11 - Composition chimique élémentaire et groupes fonctionnels d'acides humiques (AH) et


fulviques (FA) "types" (Schnitzer, 1977).

La structure de la macromolécule humique "type" se ramène schématiquement à un nucleus central


à caractère aromatique prononcé (riche en unités aromatiques de type polyphénoliques ou
hydroxyquinoniques) sur lequel sont fixés avec une fréquence de distribution variable selon le type de
composé humique (AH, AF ou humine), des chaînes latérales polypeptidiques, protéiques ou de type
polysaccharide ou polyuronide.

2.4 – Origine de la fraction humifiée et processus d’humification


Au sens large, l'humification correspond à l'ensemble des processus de transformation de la matière
organique restituée au sol.

64
Fig. 26 - Fractionnement de la M.O. du sol et substances humiques, montrant la variation de certaines
propriétés dans la séquence AF → Humine (d'après Greenland et Hayes, 1978).
Ces processus de transformation sont de deux types :
 un processus de minéralisation,
 un processus d'humification au sens strict.
Ces deux processus sont schématisés dans la figure 34. Il s'agit, dans une certaine mesure, de deux
processus "antagonistes", puisque la minéralisation entraîne la décroissance du taux de matière
organique du sol alors qu'à l'opposé, l'humification, en rendant les composés organiques plus résistants
à la biodégradation, a tendance à stabiliser le taux humique. En réalité dans un horizon humifère arrivé
à maturité, restitution, minéralisation et humification s'équilibrent.

65
Fig. 27 - Processus d'humification et de minéralisation.(HR = humine résiduelle ; H1 = humine
d'insolubilisation ; HM = humine microbienne.

2.4.1 - Le processus de minéralisation


Il est capital au point de vue du recyclage des éléments contenus majoritairement dans la fraction
organique : azote (formes minérales : N.NO3 et N.NH4) et éléments associés (phosphore, soufre,
oligoéléments), les rendant disponibles pour la végétation.
Ce processus de minéralisation affecte aussi bien les composés organiques peu transformés que la
fraction humifiée du sol. Mais si la matière organique "fraîche" est rapidement dégradée sous l'action
des organismes du sol, les composés humiques sont quant à eux minéralisés plus lentement, cette
fraction étant de par sa composition plus résistante à la biodégradation.
A terme, la minéralisation aboutit à la libération de composés minéraux simples et solubles (NO3-,
NO22-, NH4+, H2PO4- , HPO4- , SO42-,...) ou libérés à l'état gazeux (NH3 , CO2).
La libération de CO2 correspond à ce que l'on appelle la "respiration du sol" ; elle est le reflet de
son activité biologique et microbiologique.
La pédofaune joue un rôle de premier plan dans la décomposition initiale de la matière organique
fraîche en assurant la fragmentation des tissus végétaux et en accroissant par conséquence leur surface
d'attaque (rôle des lombricidés dans les humus de type mull, des microarthropodes phytophages dans
les moders).
A titre d'exemple, on a pu calculer que la transformation en matériel fécal d'une aiguille de pin par
des microarthropodes permettait de passer d'une surface initiale de 180 mm2 à 1,8 m2. Cette
augmentation de surface (de 1 à 10.000) est d'autant plus importante qu'elle s'accompagne souvent
d'une mise en contact, lors du transit intestinal, avec les minéraux argileux du sol (géophagie).

66
Les transformations ultérieures, de nature enzymatique, sont assurées par l'activité microbienne et
fongique. Les champignons assurent généralement avec les Actinomycètes la minéralisation des
résidus végétaux les plus résistants.
Trois types de dégradation enzymatique dominent dans les sols :
 La cellulolyse qui libère des glucides simples (hexoses, pentoses), des acides uroniques et
de l'acide galacturonique au départ des polysaccharides (cellulose, hémicellulose) et des
polyuronides (pectine) constituant les parois cellulaires. La cellulolyse est essentiellement
le fait d'organismes microbiens et elle est particulièrement rapide lorsque les conditions de
milieu sont favorables ; elle peut aussi être assurée très efficacement dans les litières
forestières par des champignons qui sont aussi des ligninolytiques.
 La protéolyse du contenu cytoplasmique des cellules végétales et bactériennes. Cette
hydrolyse enzymatique libère des polypeptides et des acides aminés. La protéolyse est
également assurée par des agents bactériens.
 La ligninolyse des parois et des tissus lignifiés des végétaux. Il s'agit d'un processus
beaucoup plus lent car la lignine est une macromolécule polyphénolique très stable et donc
difficilement biodégradable. La transformation partielle ("pourritures brunes") ou
complète ("pourritures blanches") de la lignine est assurée essentiellement par des
champignons et aboutit à terme à la libération de composés phénoliques simples
("monomères").
Les produits issus des trois processus de dégradation enzymatique précités sont soit assimilés par
les organismes du sol, soit intégrés aux macromolécules humiques et notamment les dérivés de la
lignine.

2.4.2 - Le processus d'humification


Il s'agit de l'humification au sens strict, c'est-à-dire la formation de substances humiques,
polymères de poids moléculaires élevés et plus stables que les produits de départ. La biochimie des
processus de transformation des résidus végétaux reste l'un des domaines de la chimie des humus les
moins bien connu. Les premiers travaux importants à ce sujet remontent cependant à 1930
(Waksman).
Les principales voies de synthèse de la matière organique humifiée (reprises dans le schéma de la
figure 35, modifié d’après Stevenson) sont les suivantes :
Altération oxydative de la lignine
Il s'agit de la théorie classique de Waksman (1932), connue également sous le nom de "Lignin-
protein theory".
Les substances humiques dérivent directement de la lignine dont elles ne sont que des formes
modifiées par auto-oxydations ou par oxydations enzymatiques dues à l'action microbienne (pertes de
67
groupes méthyl, formation de radicaux hydroxyphénoliques et carboxyliques,...). Le résidu lignifié
plus ou moins transformé et non utilisé par les microorganismes se recombine alors avec des
composés azotés d'origine microbienne pour former des AH ou de l'humine au sein desquels l'azote se
trouve inclus dans des cycles aromatiques. Les auteurs français désignent ces composés humiques sous
le nom d'humine résiduelle ou humine héritée. La fragmentation et l'oxydation des AH ou de l'humine
donnerait alors les AF.

Théorie polyphénolique
Cette théorie est due à Flaig (1966). Sous l'action enzymatique des microorganismes du sol, une
série de constituants sont libérés à partir des résidus végétaux, lignine comprise. Ces produits de
décomposition sont essentiellement des polyphénols, soit de décomposition directe de la lignine (voie
3), soit de néosynthèse microbienne ou fongique au départ de produits initiaux non lignifiés (cellulose
transformée en polyphénols de synthèse par exemple) (voie 2). Par ailleurs, certains végétaux
fourniraient directement des composés phénoliques (diphénols des feuilles de Calluna, composés
phénoliques mélanisants du noyer).
Ces composés phénoliques sont ensuite transformés par oxydation enzymatique en quinones dont
la polymérisation en présence de composés aminés engendre des macromolécules de type humique
(humine d'insolubilisation). Il semble que des bactéries, des actinomycètes et surtout des
champignons contribuent activement au processus d'oxydation enzymatique et à la formation des
groupes quinoniques.

Condensation de glucides aminés


Les substances humiques proviendraient de l'oxydation non enzymatique des glucides issus du
métabolisme microbien et de leur polymérisation progressive en présence de composés aminés
(humine microbienne). Un tel processus semble favorisé par des alternances marquées de phases de
dessiccation et d'hydratation du sol.

68
Fig. 28 - Principales voies de synthèse de la matière organique humifiée (d'après Stevenson, 1982).

Les 4 voies d'humification décrites succinctement ci-dessus peuvent théoriquement se dérouler de


façon concomitante, mais il est clair que les conditions stationnelles vont favoriser ou au contraire
inhiber certaines d'entre elles.
L'humification par transformation partielle de la lignine (voie 1) peut devenir dominante dans les
milieux biologiquement peu actifs (sols très acides ou hydromorphes et à matière organique peu
biodégradable : humus de type mor, tourbes). Au contraire, la synthèse des composés humiques dans
les sols forestiers à humus de type mull, peut s'effectuer au départ des polyphénols fournis par la
décomposition de litières plus aisément biodégradables (voies 2 et 3). Enfin, dans les sols formés sous
climat à fort contraste saisonnier (cas des sols steppiques), la formation des composés humiques peut
résulter en grande partie d'une condensation de glucides et de composés aminés (voie 4).
L'importance relative de la lignine et des microorganismes comme source de composés phénoliques
est inconnue ; elle dépend plus que probablement des conditions de milieu.
Comme la lignine est un constituant majeur des débris végétaux et le plus résistant, elle est souvent
considérée comme la source principale des monomères phénoliques. Il semble toutefois que les
composés phénoliques de biosynthèse, d'origine bactérienne (+ Actinomycètes) ne soient pas du tout
négligeables.
En résumé, les composés humiques (AF, AH et humine) peuvent se former par les différents
mécanismes précités. On considère cependant que le processus de condensation des composés
phénoliques et des quinones qui en résultent (voies 2 et 3) est le plus probable sinon le plus fréquent.
La diversité des molécules de type phénolique pouvant servir de précurseurs fait que le nombre de
combinaisons possibles est réellement astronomique, d'où l'extraordinaire hétérogénéité de
composition des composés humiques du sol.

2.5 - Influence des facteurs du milieu sur l’évolution de la matière organique du sol
Les conditions stationnelles influencent de façon décisive les cycles de minéralisation et
d'humification. Elles déterminent notamment la genèse de composés humiques spécifiques ou tout au
moins la répartition de ceux-ci dans une proportion déterminée, souvent caractéristique d'un type
d'humus.
Les conditions de milieu englobent à la fois des conditions climatiques (ou microclimatiques), la
nature des roches-mères, la composition du couvert végétal, la topographie et les conditions de
drainage, les pratiques culturales, etc.
Les facteurs de station agissent de deux façons : 1) par action directe (climat, roche-mère,
topographie,...) ; 2) par action indirecte via le type de couvert végétal.

69
Les conditions climatiques affectent à la fois la vitesse de décomposition de la matière organique et
le degré d'humification. En climat boréal, on assiste à un fort ralentissement de la décomposition de la
matière organique fraîche, avec pour conséquence son accumulation à la surface du sol (horizons
holorganiques O très développés dans les mors boréaux) ; en climat steppique c'est au contraire le
processus d'humification qui devient prépondérant, générant des horizons hémiorganiques Ah épais et
fortement humifiés (mulls chernozémiques à fort degré de polymérisation des acides humiques).
La composition de la roche-mère ou du matériau parent détermine souvent le statut chimique du sol
et donc la nature et le niveau de son activité biologique ou microbiologique (sols acides à faible
activité vs sols neutres à forte activité) ; elle oriente donc l'humification dans l'une ou l'autre voie de
synthèse précédemment décrite.
La topographie influence le microclimat et le drainage du sol et peut créer des conditions
d'anaérobiose plus ou moins prolongées avec pour conséquence une évolution de l'humification vers
les humus très organiques et tourbeux.
La végétation reflète très fidèlement les conditions stationnelles et constitue la "matière première"
des humus ; par la nature (litières de feuillus, de résineux, ...) et l'abondance des restitutions, le couvert
végétal orientera donc l'humification dans une voie déterminée.
Pour rappel, en milieu forestier, l'action conjointe des différents facteurs stationnels précités se
traduit par un type d'humus déterminé.
Ces types d'humus (dont les trois formes principales sont le mull, le moder et le mor) peuvent être
caractérisés par des critères morphologiques, chimiques et biochimiques.
La morphologie des types d'humus (fig. 36 et 37) concerne notamment l'importance relative des
horizons holorganiques O (anciennement A0 : O1 = horizon de litière, Of = horizon de fragmentation,
Oh = horizon humifié), contenant plus de 30 % de matière organique et hémiorganiques Ah
(anciennement A1), qui donne une indication sur la vitesse de décomposition de la matière organique
et sur son degré d'incorporation à la fraction minérale (reflet de l'activité biologique).

70
Fig. 29 - Représentation schématique d'un humus forestier (d'après Babel, 1971).
Les caractéristiques chimiques (pH, taux de saturation, rapport C/N,...) des principaux types
d'humus sont reprises au tableau 12.
Quant aux caractéristiques "biochimiques", elles concernent la proportion des différents
constituants humiques : AF, AH et humine. Un exemple de fractionnement des composés humiques
de quelques types d'humus forestiers est donné dans la figure 30.

Fig. 30 - Représentation schématique de quelques types d'humus (d'après Brun, 1979 et Babel, 1971).

71
Tableau 12 Caractéristiques analytiques des principaux types d'humus forestiers. (S/T = taux de
saturation apparent ; N /Nt = taux de minéralisation potentiel de l'azote ; N.NO /Nm = taux
de nitrification potentiel)

Fig. 31 - Fractionnement des composés humiques de quelques humus forestiers (horizons Ah, fractions
liées). La surface des cercles est proportionnelle à la quantité globale de composés humiques
(d’après Bonneau et Souchier, 1979).
Les minéraux primaires sont appauvris, ils perdent par dissolution des éléments chimiques ou en
gagnent et se transforment en minéraux secondaires dits hérités. Certains éléments chimiques en
solution se combinent, cristallisent (néoformation*) en nouveaux minéraux secondaires dits
néoformés. Les principaux minéraux secondaires néoformés sont : les argiles, les oxyhydroxydes de
fer, d'aluminium, de manganèse, de silicium.

II - Propriétés chimiques du sol


1 - Les qualités chimiques des sols évoluent dans le temps
La dégradation de la roche mère par l'eau conditionne, dans une large mesure, la composition
chimique du sol qui en est le résultat final. Certaines substances chimiques sont lessivées et
s'enfoncent dans les profondeurs du sol, où elles s'accumulent. D'autres substances, moins solubles,
demeurent dans les couches supérieures du sol. Les éléments chimiques qui sont enlevés le plus
rapidement sont les chlorures et les sulfates, suivis du calcium, du sodium, du magnésium et du
potassium.

72
Les silicates et les oxydes de fer et d'aluminium se décomposent très lentement et sont rarement
lessivés. Quand certains de ces éléments entrent en contact avec l'air du sol, il se produit des réactions
chimiques, d'oxydation en particulier, qui ont pour effet de transformer les substances chimiques
originelles en substances plus solubles ou plus fragiles. Il s'ensuit une accélération des processus
d'altération, un lessivage plus intense des éléments chimiques et de nouvelles modifications de la
composition chimique du sol.
Quand un sol engorgé contenant des sulfures de fer (pyrites) est exposé à l'air, lors de la
construction d'étangs par exemple, il peut devenir un sol à sulfates acide d'eau douce. Les pyrites
s'oxydent et le sol devient acide. Il est probable dans ce cas que l'eau de l'étang sera trop acide pour un
élevage de poissons.
L'air qui se trouve dans le sol contient aussi du gaz carbonique. Ce gaz, combiné à l'eau, peut se
transformer en un acide faible (acide carbonique) qui réagira avec certains éléments chimiques pour en
former de nouveaux.

2 - Réaction chimique du sol (le pH)


 Qu'est-ce que le pH?
Les sols peuvent avoir une réaction acide ou alcaline; d'autres peuvent être neutres. On mesure la
réaction chimique du sol d'après la valeur de son pH. La valeur du pH varie de 0 à 14, le pH = 7
correspondant à une réaction neutre. Des valeurs inférieures à 7 indiquent que le sol est acide; des
valeurs supérieures à 7 indiquent que le sol est alcalin. Plus le pH s'éloigne de la neutralité, plus fortes
sont l'acidité ou l'alcalinité.
 Comment mesure-t-on le pH?
La méthode la plus exacte pour mesurer le pH du sol consiste à utiliser un pH mètre électrique qui
donne directement la valeur du pH quand on plonge des électrodes en verre dans une solution obtenue
en mélangeant une part d'échantillon de sol avec deux parts d'eau distillée. Les laboratoires d'analyse
des sols possèdent cet appareil.
Pour obtenir une idée générale du pH du sol, on peut utiliser sur le terrain du papier de tournesol et
des révélateurs de couleur. Le papier de tournesol, qui vire au rouge dans une solution acide et au bleu
dans une solution alcaline, est relativement bon marché et se trouve en général dans les drogueries et
les pharmacies. On en trempe une partie dans une suspension de sol composée d'une part de sol et de
deux parts d'eau distillée, ou, au besoin, d'eau de pluie recueillie dans un récipient propre. On trouve
aussi des trousses complètes pour analyse de sol sur le terrain, comprenant plusieurs indicateurs.
Suivant le mode d'emploi, on mélange normalement un petit échantillon de sol avec un peu d'eau
distillée et un produit chimique. On y ajoute quelques gouttes d'un indicateur. La couleur de la solution
change, et on se reporte au tableau coloré fourni avec la trousse d'analyse pour voir à quelle valeur de
pH correspond la couleur obtenue.
73
 Quel pH votre sol devrait-il avoir?
Le pH des couches de sol qui formeront plus tard les digues et le fond de vos étangs aura une
grande influence sur leur productivité. Ainsi, une eau acide tendra à réduire considérablement la
croissance des organismes microscopiques dont les poissons se nourrissent. Des taux extrêmes
d'acidité ou d'alcalinité peuvent même mettre en péril la santé de vos poissons, et nuire à leur
croissance et à leur reproduction.
Pour avoir de bonnes conditions de production, le pH du sol d'un étang ne doit être ni trop acide ni
trop alcalin. Il devrait se situer de préférence entre pH 6,5 et pH 8,5. Les sols ayant un pH inférieur à
5,5 sont trop acides et les sols ayant un pH supérieur à 9,5 sont trop alcalins. Ces conditions extrêmes
obligent à employer des techniques spéciales de gestion qui pèseront sensiblement sur le prix de
revient de la production de poisson. Si le sol a un pH inférieur à 4 ou supérieur à 11, il devrait être
considéré comme impropre à la construction de digues d'étangs ou à son utilisation comme fond
d'étang.

3 - Un cas particulier: les sols à sulfates acides d'eau douce


 Sols à sulfates acides et sols à sulfates acides en puissance
Les sols appartenant effectivement à la catégorie des sols à sulfates acides ne sont pas courants.
Dans un profil pédologique, on peut les reconnaître facilement à deux traits importants:
 Leur pH est égal ou inférieur à 4.
 On y observe généralement de nombreuses taches jaunes.
Les sols à sulfates acides en puissance sont bien plus fréquents (voir section 18). Ce sont des
matériaux engorgés et meubles qui deviendront du sol à sulfates acide à la suite d'un drainage ou d'une
exposition à l'air. Leur pH varie entre 5 et 6. Mais l'oxydation provoquée par des processus chimiques
et biologiques en fera un sol très acide, dont le pH descendra à 4 ou même moins en quelques mois.
Note. S'il reste submergé, le sol à sulfates acide en puissance ne deviendra jamais effectivement
acide. Il ne peut le devenir que s'il est exposé à l'air.
 Comment identifier un sol à sulfates acide en puissance?

74
Il importe d'identifier un sol à sulfates acide en puissance lors de l'étude pédologique du site des
étangs. On peut alors concevoir la construction de l'étang de telle sorte que ce type de sol ne soit pas
exposé à l'air, et éviter ainsi la forte acidification des digues et de l'eau de l'étang.
Pour identifier un sol à sulfates acide en puissance, procédez comme suit:
 Prenez une poignée du sol à analyser.
 Si l'échantillon est sec, mouillez-le.
 Modelez l'échantillon humide pour obtenir une galette de 1 cm d'épaisseur.
 Placez la galette humide dans un sac en plastique que vous fermez hermétiquement.
 Au bout d'un mois, mesurez le pH du sol de la galette.
 Si le pH est descendu au-dessous de 4, le sol est un sol à sulfates acide en puissance.
Note. Il importe que l'échantillon de sol reste humide, l'humidité devant favoriser une forte activité
bactérienne et une acidification plus rapide. Dans des échantillons secs, le pH n'atteindra sa valeur
minimale qu'au bout de quelques mois.

75

Vous aimerez peut-être aussi