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Chapitre I : LA FORMATION DES SOLS

1.1 La pédogenèse ou formation du sol


La pédogenèse est le processus de formation, de mise en place et d’organisation
du sol, sous l’effet des agents du climat, de la faune et de la flore. Les
mécanismes de la pédogenèse sont chimiques (dispersion, précipitation,
agglomération, lessivage, induration), biologiques (ameublissement, transport,
accumulation).
L’ensemble de ces mécanismes a pour résultat la formation des sols à partir du
matériel initial et de la présence de matières organiques, ainsi que leur
développement y compris la différentiation des horizons.

Après les travaux de Dokouchaev, en étudiant les facteurs de la pédogenèse,


d’autres auteurs distinguent des facteurs actifs que sont donc le climat et la
biosphère et des facteurs passifs que sont : la nature de la roche mère, sa position
topographique et le temps que nécessite la formation du sol.

Jenny (1941) a proposé une équation qui tient compte des principaux facteurs
pédogénétiques suivants :
Sol = f (cl, o, r, p, t)
cl : climat ; o: organismes vivants (végétaux et animaux) ; r: topographie, p:
roche mère, t : temps. A ces facteurs, il convient d’ajouter l’action de l’homme.

1.1.1 L'action du climat


Le climat joue un rôle prépondérant dans la formation des sols. Il agit d'abord
directement par la précipitation, la température et le vent et indirectement en
influençant la croissance des plantes et la vie animale.

En climat humide, par exemple, il y a beaucoup de lessivage, les bases sont


entraînées par l'eau de percolation, le complexe colloïdal désaturé contient plus
d'ions H+ et le sol a tendance à s'acidifier. Si les pluies sont très intenses, la
percolation est faible, mais le ruissellement est actif et l'érosion s’intensifie.

Sous climat sec, l'altération est réduite et il y a très peu de lessivage.

La température chaude intensifie l'altération des minéraux et des roches et


favorise la formation de minéraux argileux ; par ailleurs, elle contribue à
diminuer le contenu de matière organique et d'azote du sol. Ainsi, en zone
tropicale le solum est très épais, tandis qu'en zone froide il est plutôt mince.
Le vent favorise l'évaporation et le dessèchement des sols. Il peut être la cause
d'érosion et par conséquent il empêche la formation de profil dans les régions
désertiques par exemple.

1.1.2 L'action des organismes vivants


La végétation avec ses différents types agit différemment sur l'évolution du sol.
En zone forestière, le sol se tient plus frais, étant à l'abri des rayons solaires, et la
décomposition de la matière organique est moins rapide.

Les arbres feuillus donnent un humus moins acide, mais se décomposant plus
rapidement que celui fournit par les résineux. L'enracinement profond de l'arbre
favorise l'infiltration de l'eau.
Dans les sols non cultivés, les éléments nutritifs et
les débris de plantes retournent entièrement au sol, ce qui n'est pas le cas, pour
les plantes cultivées. Même certains éléments nutritifs des profondeurs sont
ramenés à la surface.

Les plantes herbacées donnent des humus différents. Les légumineuses


fournissent un humus riche en azote mais elles se décomposent rapidement ; la
formation de l'humus venant des graminées est rapide, mais plus pauvre en
azote. La décomposition des feuilles des arbres est généralement plus lente que
celles des plantes herbacées.

Les microorganismes contribuent à la désagrégation des minéraux et des roches


et à la décomposition de la matière organique. Les altérations chimiques du sol
sont intimement liées à l'action microbienne. Les animaux fouisseurs, comme les
rongeurs et les vers de terre, accomplissent leur action en mélangeant les débris
minéraux et organiques du sol.

1.1.3 L'action de la roche-mère


Par suite de sa constitution physique et de sa composition chimique, la roche
mère, tout en étant considérée comme agent passif, joue un rôle important sur la
formation des sols.

Les roches-mères filtrantes favorisent le lessivage et la rapidité des processus


pédologiques. D'un autre côté, une roche-mère imperméable, riche en argile,
réduit le lessivage, si elle ne l'arrête pas tout à fait ; en retenant plus d'eau, elle
modifie le processus pédologique et le fait évoluer vers l’hydromorphie.

La richesse en bases, particulièrement en Ca et Mg, contribuera également à


modifier l'évolution du sol par son action sur le complexe absorbant (argile +
matière organique) et sur la vie du sol. Par conséquent, en milieu riche en bases,
l'humus se minéralise plus rapidement et favorise une meilleure structure qui
freine le lessivage. Les acides organiques étant saturés, l'altération des minéraux
et des roches est retardée, libérant moins de fer libre. La biosphère est favorisée
par la présence de ces bases.

1.1.4 L'action du relief


La topographie influence le régime des eaux, la température du sol et l’érosion.

Dans les régions accidentées, les pluies s'écoulent rapidement à la surface ; elles
réduisent le lessivage et augmentent l'érosion. Le sol étant continuellement
décapé, il ne peut évoluer normalement.
Si le relief est moindre, le lessivage qui se produit est oblique ou latéral, ce qui
fait que les éléments fins et solubles sont entraînés vers le bas des pentes,
laissant en place, à la partie supérieure, les éléments grossiers. Il en résulte un
étagement régulier de différents sols appelés catena ou chaîne de sols.

Les grandes élévations influencent la température et la végétation qui font


évoluer différemment la roche-mère. L'exposition sud ou nord de ces élévations
permet au sol de se réchauffer plus ou moins rapidement ce qui se traduit par des
sols différents.
L'érosion pluviale est influencée par la pente du terrain. Les régions plates ne
sont pas sujettes à ce genre d'érosion, tandis qu'elle est très à craindre dans les
régions plus ou moins accidentées.

1.1.5 L'action du temps


Les roches-mères n'évoluent pas avec la même rapidité. Une roche-mère
sablonneuse évoluera plus rapidement qu'une roche-mère argileuse. Le degré
d'intensité des facteurs actifs, surtout du climat, permettra à la roche-mère de
former plus rapidement un sol.
On estime à 3000 ans le temps nécessaire à la formation de podzols (voir
chapitreVII) bien développés sur les moraines en Alaska. En région tropicale, on
juge qu'il faudrait près de 50 000 ans pour former un mètre de sol ferrallitique
(voir chapitreVII).

Lorsqu’une roche-mère n'est pas encore évoluée, le sol est dit « sol brut ». Les
sols jeunes sont des sols de faible développement du profil. Les sols mûrs ou
évolués, sont des sols qui ont terminé leur évolution et qui sont en équilibre avec
la végétation et le climat du lieu. Ils sont dits « climaciques ».

Plusieurs types d’évolution peuvent être envisagés pour un sol:

- L’évolution peut être linéaire : lorsque les facteurs pédogénétiques demeurent


constants, jusqu’à l’obtention d’un état d’équilibre.
- L’évolution peut suivre une ligne brisée : lorsque l’un des facteurs
pédogénétiques se modifie qualitativement ou quantitativement en cours de
route (modifications climatiques, érosions, etc..).

L’évolution est cyclique : lorsque au moins pour certains caractères, quand


certains facteurs suivent un rythme régulier, les autres demeurent constants (par
exemple les modifications saisonnières).
Selon la prédominance de l’un ou l’autre facteur pédogénétique, on parle par
exemple de :
- climoséquence : quand l’effet du climat est prépondérant,
- Lithoséquence : quand l’effet de la roche-mère est prépondérant.
- Chronoséquence : quand l’effet du temps est prépondérant

1.1.6 Action de l’homme

L'homme joue également un rôle non négligeable qui modifie sensiblement le


mécanisme des agents naturels. Il ajoute des engrais et des amendements qui
changent les conditions chimiques du sol. Par le labour et les autres travaux
culturaux, il détruit le profil naturel du sol et modifie les conditions d'aération et
de drainage. L'apport important d'engrais organiques change complètement la
surface et il y a édification d'un horizon anthropique que les classifications
récentes prennent en considération (voir chapitre VII). Aussi, l’homme est donc
appelé à utiliser les sols en assurant leur conservation (gestion durable).

1.2 Les étapes de la formation du sol

On peut d’une manière schématique, décomposer la formation d'un sol se en


trois phases qui se chevauchent, plus ou moins, dans le temps :
a) Première phase : l’altération

La décomposition de la roche en place (roche-mère géologique) fournit un


matériau, plus ou moins meuble (roche-mère pédologique), colonisé
progressivement par une végétation de plus en plus différenciée.

b) Deuxième phase : l’enrichissement en matières organiques

Le sol ne prend réellement naissance que lorsqu’aux substances minérales


s’ajoutent des constituants organiques. Les débris organiques notamment ceux
provenant de la végétation, se transformation et donnent naissance à l'humus. Ce
dernier s’associe aux substances minérales pour former le complexe
organominéral qui joue un rôle important dans la fertilité du sol et dans son
évolution ultérieure.
c) Troisième phase : différenciation (migrations et accumulation de certains
éléments).

Les mouvements de l’eau au sein du sol qui se forme vont provoquer des
déplacements ou migrations des éléments solubles. Ces migrations concernent
surtout les sels de calcium et de sodium, les oxydes de fer et d’aluminium,
l’argile et l’humus. Ces déplacements peuvent être verticaux ou latéraux. Les
déplacements de substances du haut en bas du profil constituent le lessivage et
dominent sous des climats à forte pluviométrie. Par contre, les déplacements du
bas vers le haut du profil constituent les remontées et sont caractéristiques des
climats secs et chauds.

Les déplacements de substances (migrations), sont à l’origine de la formation de


couches superposées, plus ou moins distinctes, certaines appauvries, d'autres
enrichies en ces substances. Ces couches sont les horizons, dont l'ensemble
constitue le profil.

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