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UNIVERSITE DE KINSHASA
Faculté des Sciences
Département des Géosciences
Laboratoire de pédologie

NOTES DE COURS : SOLS, VEGETATION ET


MINERALISATIONS
L2 LMD GEOSCIENCES
Prof Ruben Koy Kasongo
(Ph.D. Soil Science)

Décembre 2020

INTRODUCTION GENERALE
Le sol est une ressource essentielle, en grande partie non renouvelable, qui est soumise à
des pressions croissantes. Il constitue un support substantiel de la vie végétale en tant que
2

milieu de stockage d’éléments minéraux (nutriments) indispensables pour la croissance


des plantes. Cependant, l'excès d'un élément dans le sol peut être un guide en
prospection géobotanique. On peut se contenter ici de relever le site des plantes qui ne
croissent qu'en un milieu possédant des hautes teneurs en un élément comme le font
Viscaria alpina, Equisetum sp. et Salix sp. sur les dépôts cupro-ferreux ou encore
étudier les cendres de certaines plantes (métallophites). L’étude des sols ou pédologie
s’avère très indispensable pour mieux appréhender les multiples fonctions et
l’organisation multi scalaire du sol.

L’objectif du cours de pédologie est de donner les bases de connaissances des sols, de
leurs propriétés environnementales et agronomiques et introduire les notions de
couvertures pédologiques ou chaînes de sol. Au début du vingtième siècle, dans les
établissements d’enseignement agricole des pays occidentaux, la science du sol était
intégrée dans une discipline plus large, la “chimie agricole”. Le sol était considéré
comme un milieu statique, dont les principales propriétés dites “fonctionnelles” (celles
qui influencent la croissance des plantes) étaient essentiellement héritées du matériau
d’origine (substratum géologique).

Cependant, à la fin du XIXe siècle, sous l’impulsion du Dokutchaev, l’école russe avait
déjà lancé la notion nouvelle de pédologie (de pédon, sol en grec ; logos, science),
autrement dit science de la pédogenèse : signifiant la formation et l’évolution du sol dans
le temps, à partir du matériau d’origine (matériel parental).

Il est actuellement admis que le sol est :

 un système dynamique (altération/érosion), équilibre climatique ou déséquilibre


(discontinuités climatiques, lithologiques, dans l’usage), le facteur temps en
pédogenèse ;

 une interface entre la lithosphère, l’atmosphère et la biosphère ;

 un système spatialement distribué avec ses lois (cohérentes) de distribution


spatiale, son organisation en trois dimensions, ses échanges entre horizons
(version verticale) et entre les unités fonctionnelles (version latérale) avec
prédominance du vertical ou du latéral selon le contexte ;
3

 un milieu où le minéral et le vivant sont liés.

Le sol est donc un milieu très compliqué, très complexe, ne pouvant être étudié ni
uniquement de façon locale, ni uniquement par une branche scientifique (chimie minérale
ou organique, abiotique, i.e. physico-chimique ou biologique, statique ou dynamique).
C’est un carrefour multifonctionnel propice à une analyse pluridisciplinaire. A cet effet,
l’étude du sol repose actuellement sur une approche globale de la surface terrestre (sol-
végétation-environnement), dont les utilisations sont multiples : production de biomasse
végétale et animale, système épurateur, milieu tampon à l’égard des immiscions acides,
milieu protecteur des nappes phréatiques comme de l’atmosphère à l’égard d’une
pollution de plus en plus agressive, base de la production alimentaire permettant de
nourrir l’humanité, inépuisable réservoir pour une biomasse interne encore plus
importante et plus variée que celle qui recouvre sa surface. Le sol joue également un rôle
dans l’aménagement du territoire ; il constitue l’infrastructure des voies de
communication terrestres ou aériennes, des zones urbanisées, industrielles ou sportives.
4

Le sol a donc de multiples fonctions, sa protection est la base même de celle de


l’environnement.

Le cours est subdivisé en trois chapitres correspondants aux trois modules respectifs de
son intitulé. Il s’agit précisément de :

 notions de pédologie ;

 relations sol-plante ;

 immobilisation des métaux lourds dans le sol.

La première partie du cours est focalisée sur l’étude du sol. A cet effet, après une
approche très globale de l’objet du sol (concepts, définitions et classification), destinée à
en montrer la complexité et sa situation de carrefour au sein de l’écosystème, les
constituants du sol sont décrits pour commencer, qu’ils soient minéraux (argiles p. ex.),
organiques (humus), liquides (solution du sol) ou vivants, ici particulièrement les
animaux du sol. Ces constituants interagissent et donnent des propriétés au sol, explorées
dans un deuxième temps ; il s’agit notamment de la texture, de la structure, de la couleur,
du régime hydrique ou encore de la capacité d’échange cationique et de la fertilité. Mises
ensembles, ces propriétés engendrent une pédogenèse, durant laquelle un sol se forme
puis évolue sous l’influence de facteurs comme le climat, la roche-mère ou les êtres
vivants. La deuxième partie du cours décrit de manière exhaustive les mécanismes
d’absorption des nutriments par les plantes et leurs rôles dans celles-ci. La rhizosphère en
tant que mince couche du sol sous l’influence directe des racines de plantes, où
s’effectue la quasi-totalité des échanges sol-plante y est également mise en exergue. La
troisième partie concerne les relations sol-métaux lourds-plantes. Elle tente d’illustrer
le rôle des plantes hyperaccumulatrices (métallophites) en prospection géobotanique ou
dans la dépollution des sols.

Le cours théorique doit être complété par les travaux de terrain et les exercices
numériques ou travaux dirigés.

Comme objectifs spécifiques, le cours permettra aux étudiants de connaitre :


1. les composantes, les propriétés et les processus physiques, chimiques et biologiques
du sol ;
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2. les principaux mécanismes d’absorption des nutriments (K, N, P, Ca, etc.) par la
plante à partir du sol, et les rôles joués par ces éléments dans la croissance optimale
de la plante ;

3. l’importance particulière de la rhizosphère dans la relation plante – sol ; et

4. l’intérêt pratique des plantes hyper accumulatrices des métaux lourds (métallophytes)
en prospection géobotanique et dans la dépollution de l’environnement (sol).
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TABLE DES MATIERES


INTRODUCTION GENERALE ........................................................................................ 1
CHAPITRE I. NOTIONS DE PEDOLGIE ........................................................................ 8
I.1. GENERALITES ....................................................................................................... 8
I.1.1.CONCEPTS DE SOL ET PEDOLOGIE ........................................................... 8
I.1.1.1.CONCEPTS HISTORIQUES DES SOL ........................................................ 8
I.1.1.2. CONCEPTS PEDOLOGIQUES DES SOLS ............................................... 11
I.2. DEFINITIONS ET CONCEPTS DES SOLS ......................................................... 13
I.2.1. SOL .................................................................................................................. 13
I.2.2. PEDON ET PROFIL PEDOLOGIQUE .......................................................... 13
I.2.3. SYSTEMES DE CLASSIFICATION DES SOLS .......................................... 18
I.3. LES COMPOSANTS DU SOL .............................................................................. 22
I.3.1. GENERALITES .............................................................................................. 22
I.3.2. LES COMPOSES MINERAUX ..................................................................... 23
I.3.3. LES COMPOSES ORGANIQUES ................................................................. 29
I.4. ORGANISATION DU SOL A DIFFERENTES ECHELLES............................... 33
I.4.1. TEXTURE OU COMPOSITION GRANULOMETRIQUE ........................... 34
I.4.2. STRUCTURE .................................................................................................. 38
I.4.3. COULEUR DU SOL ....................................................................................... 42
I.4.4. LES CHAINES DE SOLS OU COUVERTURESPEDOLOGIQUES ........... 44
I.5. NOTIONS DE PHYSIQUE DU SOL ................................................................... 46
1.5.1. POROSITE ..................................................................................................... 46
1.5.2. ETATS ET TYPES D’EAU DANS LA POROSITE DU SOL ...................... 47
1.5.3. PERMEABILITE ............................................................................................ 51
I.6. PROPRIETES CHIMIQUES DU SOL .................................................................. 52
I.6.1. COMPLEXE ARGILO-HUMIQUE (CAH) ................................................... 53
I.6.2. L’ION HYDROGENE (H+) ET LE pH ........................................................... 55
I.6.3. LA CAPACITE D’ECHANGE CATIONIQUE (C.E.C.) ET LES CATIONS
BASIQUES ............................................................................................................... 61
I.6.4. LA CAPACITE D’ECHANGE ANIONIQUE (CEA) DES SOLS................. 64
1.6.5. LE POTENTIEL D’OXYDO-REDUCTION (potentiel Redox ou Eh) ......... 65
CHAPITRE II : RELATIONS PLANTE - SOL ............................................................... 66
II.1. GENERALITES .................................................................................................... 66
II.2. ABSORPTION DES ELEMENTS NUTRITIFS .................................................. 68
II.2.1. ABSORPTION EN FONCTION DU TEMPS............................................... 68
II.2.2. ABSORPTION EN FONCTION DE LA CONCENTRATION DU MILIEU
EN ELEMENTS NUTRITIFS .................................................................................. 69
II.2.3. ABSORPTION PASSIVE.............................................................................. 70
II.2.4. ABSORPTION ACTIVE ............................................................................... 71
II.3. LA RHIZOSPHERE ............................................................................................. 71
II.4. LES BIOELEMENTS .......................................................................................... 74
II.4.1. RELATIONS ENTRE LES BIOELEMENTS .............................................. 76
II.4.2. ROLES DES ELEMENTS NUTRITIFS DANS LA PLANTE ..................... 77
CHAPITRE III : ACCUMULATION DES METAUX LOURDS DANS LES SOLS .... 80
III.1. METAUX LOURDS ........................................................................................... 81
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III.1.1. DEFINITION ................................................................................................ 81


III.1.2. ORIGINE DES METAUX LOURDS DANS LES SOLS ............................ 82
III.1.3. MOBILITE ET BIODISPONIBILITE DES METAUX LOURDS.............. 85
III.2. LA DEPOLLUTION DES SOLS (METAUX LOURDS) PAR LES PLANTES 87
III.2.1. LA PHYTOREMEDIATION ....................................................................... 87
III.2.2. LA NOTION D’HYPERACCUMULATION .............................................. 90
III.3. LA FOLRE DES SITES METALLIFERES ........................................................ 94
III.3.1. DEFINITIONS .............................................................................................. 94
III.3.2. ORGINALITE BOTANIQUE DES SITES METALLIFERES ................... 95
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES .......................................................................... 99
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CHAPITRE I. NOTIONS DE PEDOLGIE


I.1. GENERALITES
La pédologie est la science qui a pour objet « l’étude du sol ». Etymologiquement, le mot
pédologie vient des mots grecs : « Pédon » qui signifie sol et « logos » qui signifie étude.
Mais souvent on parle de Pédologie ou Science du Sol. La Science du sol au sens strict
est une notion très ancienne qui se réfère à l’aspect statique du sol, alors que la
pédologie est une discipline nouvelle qui a vu le jour en Russie à la fin du 19ème siècle
sous l’impulsion de Dokuchaev et ses élèves qui ont démontré que le sol n’est pas un
milieu inerte et stable, mais qu’il se forme, se développe, bref, il évolue sous l’influence
du climat et de la végétation à partir d’un matériel minéral (substratum géologique). C’est
l’aspect dynamique.

I.1.1.CONCEPTS DE SOL ET PEDOLOGIE


Le concept de sol a beaucoup évolué au cours du temps. L’homme a toujours été attiré en
priorité par la recherche des causes de la vie végétale ; ce qui l’a conduit, tout au moins
jusqu’à la fin du 18ème siècle, à considérer le sol plus comme un support des végétaux
qu’une unité fonctionnelle.

I.1.1.1.CONCEPTS HISTORIQUES DE SOL


Longtemps avant le début de notre ère, des nombreux travaux ont été entrepris en rapport
avec certaines propriétés du sol liées à sa fertilité. Mais les contributions les plus
marquantes, de cette époque, restent sans conteste celles des naturalistes Grecs et
Romains.

A. ECOLE GRECQUE
1°) Un contemporain d’Hippocrate (460 – 380 av. J.C) énonce les propositions
suivantes :

- la terre (sol) est l’estomac des plantes auxquelles elle procure une nourriture sous
une forme prête à la digestion ;
- la fertilité et l’infertilité du sol dépendent de la carence ou de l’absence de
l’humidité (eau) ;
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- les caractéristiques d’un sol qui conditionnent sa fertilité varient d’un endroit à un
autre.

2°) Théophrastos (371 – 286 Av. J.C), un élève d’Aristote, donne au sol le nom
« d’édaphos » pour le distinguer de la terre en tant que corps cosmique. Il reconnait une
succession de différentes couches du sol à savoir :
- une couche de surface de teneur en humus variable ;
- une couche de profondeur fournissant les éléments nutritifs aux racines des herbes
et gazons ;
- un substratum nourrissant les racines des arbres ;
- un tartarus de propriétés peu connues.
En plus de la description des plusieurs propriétés de sol affectant la croissance des
plantes, Théophrastos a réalisé la distinction de six groupes de sols appropriés pour
différentes sortes de cultures.

B. ECOLE ROMAINE
1°) Cato (234 – 149 Av. J.C) a développé une classification des sols arables basée sur
l’utilité agricole. Il distingue ainsi 9 classes principales de sol subdivisées en 31 sous-
classes. Il a insisté sur l’utilité agricole des sols ainsi que sur leurs productivités
quantitatives potentielles.

2°) Varro s’est intéressé à la composition physique des sols.

3°) Columella a concentré son attention sur les propriétés physiques des sols.

4°) Plenius a étudié avec une attention soutenue, les roches et minéraux en tant que
matériaux parentaux des sols.

Les connaissances anciennes des sols étaient très extensives et la terminologie pédologie
avait faiblement influencé la littérature agricole pendant plusieurs siècles. Avec la chute
de Rome, la Science du sol stagnât, et on ne compte que quelques recherches publiées
jusqu’à la moitié du 19ème siècle.

A la fin du 19ème siècle, il n’y avait pas de discipline appelée « science du sol ». En
effet, le sol était généralement étudié par d’autres sciences telles que la Géologie
(géologie dynamique), la Géographie, la Géomorphologie, la Botanique, la Chimie, la
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Climatologie, etc. en tant que sous-sujet en relation avec leurs domaines d’étude. Des
classifications conséquentes ont été proposées :

 du point de vue de la botanique : sols de prairie, sols à conifères… ;


 du point de vue de la Géographie : sols de plateau, sols de vallées, sols de côtes ;
 du point de vue de la Géologie : sols sur granite, sols sur calcaire ;

Richthofen a développé une approche géologico-géographique des sols pour lesquels il


a proposé une classification globale basée sur les processus de formation du sol. Il a
ainsi distingué les régions à formation de sols auto-géniques ; à équilibre d’altération ; à
dénudation prépondérante ; à accumulation prépondérante ; à sédiments d’origine
éolienne érodés etc.

- Du point de vue de la Géomorphologie : sols reliés aux processus d’évolution du


relief, à leur position, à l’âge : vieux sols de plateau, sols de plateau, sols jeunes
alluviaux.
- Du point de vue de la Climatologie : sols de toundra, sols de régions tempérées
humides, sols tropicaux, autres classes reliées aux classifications climatiques.
- Du point de vue de la Chimie : sols fertiles, sols pauvres, sols acides et/ou
désaturés etc.

L’école de Thaer a, dans le résumé de ses travaux présenté en 1821, insisté sur les
constituants du sol et une caractérisation plus précise de leurs aspects physique et
chimique ; souligné les variations de la composition chimique et physique, dégagé les
principes fondamentaux de la classification physico-chimique des sols et établit une
nomenclature basée sur la composition du sol.

Il est généralement admis que les travaux de Fallou de 1862 ont constitué l’une des
fondations les plus solides à partir de laquelle une « Science du Sol » indépendante s’est
développée. Fallou a remarqué que toutes les classifications antérieures étaient liées à
l’agriculture, au moment où les sciences naturelles, au sens strict, ne s’occupaient pas
véritablement du sol. Il a souhaité fournir une base scientifique pour l’étude des sols et
est devenu le fondateur de l’école « Géologico-pétrographique » de Pédologie. Selon
cette conception, les sols sont classés suivant leurs caractères pétrogéniques.
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I.1.1.2. CONCEPTS PEDOLOGIQUES DES SOLS

A. ECOLE RUSSE
En 1879, Dokuchaev établit que le sol est un produit qui s’autocrée, d’origine spécifique
et très distinct de la roche mère. Il indique que les sols résultent de la combinaison de
l'activité des facteurs suivants : les plantes et animaux vivants ou morts (matière
organique) ; la roche-mère ; le climat ; le relief (topographie).

Figure 0 : Facteurs impliqués dans la formation et l’évolution du sol

En 1886, il étend et améliore son constat en définissant le sol comme étant constitué des
couches superficielles de la roche qui ont subi des changements naturels par l'action
combinée et complexe de l'eau, de l'air et des organismes vivant et morts de différentes
sortes. Il prend aussi en considération la durée pendant laquelle la roche a été soumise
aux processus de changement (c'est le facteur « temps » qu'on considère comme le 5 ème
facteur important).

Sillbertsev, un étudiant de Dokuchaev, qui assuma la première chaire de


«PEDOLOGIE»; admis que le sol comporte des sédiments terrestres de surface ou des a
couches superficielles de roche dans lesquels les processus externes sont associés à
l'activité des organismes ou aux phénomènes dus aux facteurs de la biosphère.

Glinka, dans ses écrits en 1927, considère le sol comme étant toute la couche de la croûte
terrestre où les processus de formation du sol se manifestent nettement.
Les concepts développés en Russie étaient essentiellement «morphogénétiques», et
considéraient le sol comme le produit de sa propre histoire. Ils se sont répandus lentement
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à cause de la langue, mais les concepts de Dokuchaev ont été, ultérieurement, admirés et
acceptés dans le monde entier.

B. ECOLE AMERICAINE.
En 1892, Hilgard, écrit sur les interactions du matériel parental et du climat sur les
formes et la distribution de la végétation.

Plus tard, en 1906, il résume les résultats de plusieurs années de travail de terrain dans un
livre « classique » sur les sols. Il préconise que le sol est, d'une manière générale, un
matériel plus ou moins meuble et friable dans lequel les plantes trouvent leur support et
leur nourriture ainsi que d'autres conditions de croissance. Le sol ainsi défini, constitue
la couche superficielle de la terre et peut être considéré comme un produit résiduel de la
désintégration physique et la décomposition chimique des roches en présence d'une petite
quantité de résidus organiques.

King (1902), est considéré comme le « Père » de la « Physique du Sol Américain »,


pour avoir comparé le sol à une scène de vie et d'énergie. Du point de vue agricole, il
considère le sol comme un réservoir d'eau et de nutriments, et un laboratoire dans lequel
sont en action toutes sortes de microorganismes et où les rayons solaires sont transformés
pour assurer le travail.

Lyon et al. (1916) considère le sol comme un produit essentiellement géologique,


précisant que le sol vient de la roche et retourne à la roche; il est alors un stade transitoire
de changement de la roche d'une forme en une autre. Dans le contexte agricole, il suggère
que le sol est un milieu de production par excellence.

Marbut (1922) a introduit le concept de « sols mûrs ». Il a indiqué que le sol est un
corps naturel, développé par des forces naturelles, agissant par des processus naturels sur
des matériaux naturels. C'est pourquoi la nature d'un sol ne peut être déterminée que par
l'étude d'un « sol naturel on vierge».

Le concept de sol ou profil mûr a été amélioré par Kellog (1936 &1937) qui parle de «sol
normal » fonctionnellement relié aux facteurs de formation du sol.

Le concept moderne considère le sol comme un corps naturel dynamique en équilibre


avec son environnement, contrairement au concept ancien qui avait tendance à considérer
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I.2. DEFINITIONS ET CONCEPTS DES SOLS


I.2.1. SOL
Le sol est un terme connu de tout le monde, mais la signification de ce terme varie à
travers les différents peuples et le sol peut être défini de plusieurs façons. Les fermiers,
les ingénieurs, les chimistes et les géologues donnent plusieurs points de vue ou
perspectives au concept sol. Un sol est défini différemment en géologie, en pédologie, en
agriculture et en géotechnologie.

Ces différences ont sensiblement diminué avec l’introduction du concept pédologique en


science du sol au début du 20e siècle (sous l’impulsion de Dokouchaev) ; une conception
beaucoup plus cinétique du sol et Dokouchaev a affirmé le caractère vivant du sol,
incluant dans le concept du sol son passé et son devenir actuel, c’est-à-dire le
fonctionnement, les régimes et le comportement du sol. En effet, le sol est une “entité
naturelle indépendante (possédant ses propres lois) et variable” ; c’est un corps naturel
tridimensionnel, présentant une longueur, une largueur et une profondeur (le sol
possède un volume déterminé).

En fait, le sol connaît deux sortes de cycles, à savoir : le cycle circadien ou quotidien
pendant lequel changent par exemple la température, la pression de CO2 reliée à la
respiration des plantes, l’activité microbiologique et faunistique, etc., et le cycle
saisonnier ou annuel pendant lequel l’humidité, la température, le pH, la concentration
de la solution du sol subissent des variations telles que l’état final de ces variables à la
fin du cycle est assez voisin de leur état initial. C’est en cela que les pédologues disent
que le sol est vivant. Il ne s’agit pas d’affirmer que le sol contient des êtres vivants, ce qui
est vrai, mais de prendre en compte dans la définition du sol et dans les études
pédologiques le caractère vivant cyclique ou pseudo-cyclique de toute une série de
variables du sol.

I.2.2. PEDON ET PROFIL PEDOLOGIQUE


Un corps sol individuel, appelé simplement sol se présente dans le paysage cote à cote
avec les autres sols (variation par individualisation). Chaque sol est considéré comme un
corps indépendant avec une morphologie unique tel que indiqué par le profil du sol. Le
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profil du sol est défini par une série spécifique de couches des sols, appelées horizons, à
partir de la surface jus qu’au matériel parental non altéré (Figures 1 et 2).

Figure 1 : Un diagramme schématique illustrant le concept de pédon et de sol (corps)

PEDON
La plus petite unité représentative d’un corps sol est appelé pédon. Un pédon a trois
dimensions et est comparable dans une certaine mesure à l’unité cellulaire d’un cristal.
D’après J. Boulaine (1969), le pédon est un volume élémentaire nécessaire et suffisant
pour définir à un instant donné l’ensemble des caractères structuraux et des constituants
matériels du sol.

Le pédon était au départ le plus petit volume du sol possible. Il était identifiable à un sol.
Actuellement, c’est une unité d’échantillonnage, commode pour l’observation, la mesure,
et le raisonnement, mais un sol peut nécessiter l’étude de plusieurs pédons. Le pédon,
unité très artificielle, relève de la technique et non plus du concept de sol. C’est un
volume élémentaire artificiellement et conventionnellement découpé dans la couverture
pédologique. Les dimensions de ce volume sont adaptées à nos techniques d’étude.

Un sol est constitué de plusieurs petits pédons contigus. Ce groupe de petits pédons
contigus dans un sol est appelé polypédon. Le polypédon ou sol est borné dans tous les
cotés par d’autres pédons de caractéristiques différentes.
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PROFIL ET HORIZONS
Le mot profil a des multiples significations. Entre autres, celle dans la langue parlée des
pédologues français, de “portion de sol que l’on observe”. C’est ainsi que Duchaufour
(1977) dans la première page de son traité dit que l’ensemble des horizons constitue le
profil.

L’adoption de la notion de pédon par les auteurs de la langue anglaise et son refus, ou
tout au moins le peu d’usage de ce concept par les auteurs français, viennent
vraisemblablement du sens du mot profil tel qu’il est utilisé en pédologie par les deux
groupes d’auteurs.

Pour les Anglo-Saxons, le profil n’a pas d’épaisseur : “if we were to cut a section
downward this soil… Such a section is called a profile and the individual layers are
regarded as horizons” (Buckman and Brady, 1972). Ils définissent le profil comme : A
vertical section of the soil through all its horizons and extending into the parent material.

Un concept bidimensionnel du profil était utilisé par les pédologues belges : le profil
pédologique est une coupe verticale de la pellicule superficielle de la terre (Boulaine,
1980).

Le sens primitif du mot profil est :

Définition 1. Le profil : contour, délinéation d’un visage ou d’un objet quelconque vu


seulement par un de ses cotés. Coupe pratiquée dans un corps, un terrain, un bâtiment.
Ce n’est qu’en pédologie qu’il prend le sens du sol tel qu’il se présente sur le front d’une
coupe (le profil du sol est l’élément principal qui en permet la description et la
classification).

Définition 2. Profil : Séquence de valeurs correspondant à certains caractères du sol et


ordonnées suivant l’axe vertical de haut en bas. D’autre part, les agronomes utilisent
l’expression de profil cultural (ensemble réel de couches de terre). Un profil cultural est
donc un ensemble constitué par la succession de couches de terre, individualisées par
l’intervention des instruments de culture, des racines des végétaux et des facteurs
naturels réagissant à ces actions.
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Définition 3. Profil : Séquence d’observations réalisée sur la face verticale d’un pédon
et orientée de haut en bas : profil pédologique, profil cultural, profil hydrique, profil
calcaire, etc. Il en résulte qu’on ne doit pas dire description du profil, mais : profil
pédologique, ou du profil du pédon. Le pédon est un mot qui désigne une réalité concrète
(un volume élémentaire du sol), alors que le profil désigne une réalité abstraite (la
séquence d’observation ou de mesure faite dans un but déterminé).

Chaque profil de sol (Figure 3), s’étendant de la surface vers le bas jusqu’au matériel
parental, est composé de plusieurs horizons. Les horizons sont des couches
grossièrement parallèles à la surface du sol, dont l’existence est reconnue par
l’observateur, qui manifestent l’anisotropie verticale du sol, et qui sont différentes les
unes des autres par leurs constituants, leur organisations et leur comportement.

Le profil du sol caractérise le pédon ; il identifie le sol. Les horizons renseignent plus sur
les propriétés du sol ; ils fournissent les informations sur la couleur, la texture, la
structure, la perméabilité, le drainage, l’activité biologique, et d’autres attributs
nécessaires pour la caractérisation, la formation et la fertilité du sol, la production
agricole, la gestion et l’ingénierie. Six groupes principaux d’horizons, appelés horizons
majeurs (principaux), ont été identifiés. Ils sont désignés par les symboles O, A, E, B,
C et R, respectivement.
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Figure 2: Exemples de profils pédologiques montrant les principaux horizons

(1) Les horizon O sont des dépôts organiques composés des matériels végétatifs morts,
partiellement et/ou fortement décomposés. Cet horizon, situé sur la surface au-dessus de
l’horizon minéral, est dans beaucoup de cas très mince, et seulement dans les sols non
perturbés couverts de la végétation où il est supposé avoir une épaisseur considérable.

(2) Horizons A sont des horizons minéraux de surface situés en dessous de l’horizon O.
Ils sont composés de grandes quantités des matériaux inorganiques intimement associés à
la matière organique humufiée, par exemple, le sable, l’argile et le limon. A cause de la
teneur en matière organique, l’horizon A est habituellement de couleur plus sombre que
les horizons inférieurs. En l’absence de l’horizon O, l’horizon A est fréquemment
l’horizon de surface. Si les propriétés de l’horizon A proviennent du labourage ou des
autres activités humaines relative au labourage, l’horizon A est désigné par le symbole
Ap (p = plow).

(3) Horizons E sont des horizons minéraux situés sous l’horizon A. Ils sont des zones de
lessivage ou éluviation maximum ; zones d’enlèvement des constituants des sols (argiles,
humus, composés d’Al et de Fe). Les horizons E sont blancs, pâles ou de couleur claire.
Les horizons A gravant aux horizons E sont des horizons transitionnels et portent le
symbole AE, ceux se ressemblant plus aux horizons B sous-jacents sont désignés par le
symbole EB.

(4) Horizons B sont situés en dessous de l’horizon E. En l’absence de l’horizon E,


l’horizon A est directement au-dessus de l’horizon B. Les horizons B, fréquemment
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référés comme sous-sols, sont des zones d’illuviation (accumulation) des matériaux
enlevés des horizons A et/ou E. La concentration illuviale des argiles silicatées (Al, Fe)
ou de l’humus seul ou combiné peut être présente. Les horizons transitionnels entre B et
C sont désignés BC.

(5) Horizons C sont des horizons situés en dessous des horizons B, et sont considérés
comme des matériels parentaux des sols. Ils sont des mélanges des roches altérées et
des minéraux. Ces matériels peuvent se reposer sur les roches à partir desquelles ils ont
été formés, ou ils peuvent s’étendre sur une formation géologique non liée.

(6) Horizons R sont des formations rocheuses solides sous-jacentes avec une faible
évidence d’altération.

Pour les profils les plus évolués, il y a généralement transfert de matière : les horizons A
sont appauvris et les horizons B sont enrichis en certains éléments. Cela avait conduit à
subdiviser les horizons A en Ao (horizon organique), A1 ou Ah (horizon organo-minéral),
A2 ou Ae (e = éluvial, appauvri, de couleur claire) ; et à distinguer deux formes d’horizon
B, les uns montrent seulement une altération ou une structure particulières désignés par
(B) ou Bw (w = weathered, altéré), les autres enrichis par illuviation, désignés par B
accompagné d’une minuscule indiquant la nature de l’illuviation (t = argile, “ton” en
allemand, h = humus, s = sesquioxydes).

Il importe toutefois de souligner que dans la plupart des classifications modernes, Ao a


été remplacé par O, et Ae par E tel que présenté à la Figure 3.

I.2.3. SYSTEMES DE CLASSIFICATION DES SOLS


Les classifications les plus récentes tendent à privilégier la notion (concept) d’horizon et
leur conférer un caractère diagnostic, ce qui conduit à les diversifier. Ainsi, la Soil
Taxonomy (U.S.D.A.: United States Department of Agriculture) la WRB (World
Reference Base for Soil Resources) ont défini, avec une grande précision, les horizons-
diagnostic. Les horizons diagnostiques présentent un ensemble de propriétés
quantitativement définies servant à identifier les unités pédologiques. Les caractères des
horizons pédologiques (réels) résultent de processus pédogénétiques de sorte que
l’utilisation d’horizons diagnostiques fait reposer le système de classification sur des
principes généraux de la pédogenèse. On utilise comme critère de valeurs repérées
19

(couleurs, dureté, température) ou mesurées (profondeur, taux, densités, volumes,


masses) et par des protocoles indépendants de l’observateur.

A. Système américain
La classification américaine (Soil Taxonomy : Soil Survey Staff, 2006) utilise, pour la
définition des unités principales, les horizons diagnostiques, définis avec une grande
précision, par leurs caractères morphologiques, chimiques et physiques. Le concept de
profil, qui est une coupe plane du sol, est remplacé par celui de pédon, considéré comme
un volume, dont les horizons forment les couches superposées. Le pédon se subdivise en
deux horizons diagnostiques principaux, l’un de surface (horizon A), généralement
humifère (epipedon), l’autre de profondeur à un Bw d’altération ou un B illuvial (Bt, Bh,
ou Bs).

En dehors des horizons diagnostiques principaux, qui servent à identifier les ordres
(équivalents de classes), plusieurs horizons diagnostiques secondaires permettent de
caractériser certains groupes particuliers.

(a). Les horizons diagnostiques principaux sont :

 Epipedon (A humifères, mais conservent leurs propriétés si cultivés) :

ochrique : peu coloré, clair, peu humifère (cet horizon n’existe plus depuis la
parution du dernier volume de USDA Soil Taxonomy (2006) ;

mollique : foncé, épais, peu acide, structure aéré ;

umbrique : foncé, épais, très acide, structure massive ou particulaire ;

histique : (histos = tissus) tourbe ;

 Horizons de profondeur (B) :

cambique : Bw brun, altération incomplète, transformation dominante :

oxique : Bw très coloré par le fer, altération complète (kaolinisation, allitisation) ;

argillique : Bt, présence d’argillanes (clay-skin).

(b). Les horizons diagnostiques secondaires : albique (E), calcique (Ca : accumulation
de calcium), gypsique (accumulation de CaSO4), natrique (argillique et sodique),
20

placique (bande aliotique sinueuse), plinthite (hydromorphe de climat chaud, bariolé, à


taches rouges), fragipan (horizon tassé), salique (présence des sels solubles).

(c). Ordres

Les unités sont désignées à l’aide des racines grecques et latines : le suffixe rappelle
l’ordre ; un premier préfixe donne le sous-ordre, un second préfixe le groupe. Voici ci-
dessous quelques ordres utilisés dans la classification américaine et leurs suffixes
correspondants :

 1. Entisols : sols peu évolués sans horizon diagnostique (sols alluviaux, régosols,
lithosols) (suffixe ent) ;

 2. Vertisols : sols à argiles gonflantes (suffixe ert) ;

 3. Inceptisols : sols à horizon diagnostique se formant rapidement (umbrique ou


cambique : sols bruns, ranker) (suffixe ept) ;

 4. Aridisols : sols à climat aride (suffixe id) ;

 5. Mollisols : sols à horizon mollique (chernozems, brunizems) (suffixe oll) ;

 6. Spodosols : sols à horizon spodique (podzols) (suffixe od) ;

 7. Alfisols : sols à Bt argillique, peu altérés, peu désaturés (sols lessivés) (suffixe
alf) ;

 8. Ultisols : sols à Bt argillique, très altérés, très désaturés (sols fersialitiques et


ferrugineux acides) (suffixe ult) ;

 9. Oxisols : sols à horizon oxique (sols ferralitiques) (suffixe ox) ;

 10. Histosols : horizon histique (tourbes) ;

 11. Andisols : sols riches en alumine amorphe d’origine volcanique ;

 Gélisols : sols à horizongelé.

Les sous-ordres sont, le plus souvent, définis par le pédoclimat. Exemple : ordre des
alfisols, Aqualf, hydromorphe ; Udalf, tempéré humide ; Ustalf, chaud ; Cryalf, gelé ;
21

Xeralf, sec.Un second préfixe désigne le groupe. Exemple : fragi-udalf, sol lessivé
humide, à fragipan.

B. Système de WRB (FAO, 2006)


La classification de WRB (World Reference Base for Soil Resources) est composé de
deux niveaux principaux : le groupe de référence de sol (Soil reference group), premier
niveau de classification et les éléments formatifs (ou qualificatifs), deuxième niveau de
classification. Selon les auteurs, les groupes de référence de sol (groupements principaux)
sont définis par un horizon (ou des propriétés) diagnostique liés à des processus
pédogénétiques.

Les horizons diagnostiques : ochrique, umbrique, mollique, folique, saprique,


empruntés à la Soil Taxonomy, se réfèrent à la nature de la matière organique. Il existe
d’autres horizons diagnostiques tels que : cambique, ferralique, natrique, etc.

Les qualificatifs principaux : ils rappellent, par leur désignation, le groupement auquel
ils se réfèrent. Exemples vertisol calcique (intergrade calcisols) ; ferralsol acrique
(intergrade acrisols, présence d’un horizon Bt). D’autres qualificatifs se réfèrent à
l’acidité ou au taux de saturation : eutrique (S/T > 50 %) ; dystrique (S/T < 50 %) ; alique
(sol riche en Al3+ échangeable).

Quelques groupements principaux de sol (WRB) sont : Histosols , Anthrosols, Vertisols,


Fluvisols, Andosols, Solontchaks, Gleysols, Podzols, Plinthisols, Ferralsols, Planosol,
Solonetz, Chernozems (incorporation profonde d’humus),Gypsisols, Calcisols, Alisols,
Nitisols, Acrisols, Luvisols, Lixisols,Umbrisols, Cambisols, Arenosols, Régosols.

Les qualificatifs secondaires : ils font allusion à une particularité du profil qui ne
masque pas le processus principal. Ces propriétés particulières, mises ainsi en vedette,
sont pratiquement les mêmes que celles utilisées dans le référentiel français : ainsi,
certaines désignent la présence d’horizons spéciaux : fragique (à fragipan), grumique (Ah
grumeleux). D’autres font allusion à la coloration liée à l’état de fer : xanthique (jaune),
rhodique (rouge), ferrique (à concretions), albique (déferrifié) et également aux
caractères hérités du matériau : calcarique (calcaire), fluvique (alluvial), arénique
(sableux), gypsique (gypseux).
22

Mais faut mentionner certains qualificatifs plus spécifiques à la WRB :

 Etat du complexe absorbant : par exemple, la capacité d’échange cationique


(vétique (CEC faible), acroxique (CEC très faible), posique (CEC pratiquement
nulle) ;

 Structure et composition d’un horizon diagnostique : un bon exemple concerne


l’horizon spodique : entique (meuble), densique (durci), carbique (ciment
humique), rustique (ciment ferrugineux).

Les sols sableux du plateau des Batéké (RD Congo), hérités des sables de recouvrement
du type Kalahari, d’origine fluviatile et/ou fluvio-lacustre et d’âge fin Tertiaire à
Pléistocène, ont été classifiés récemment (Koy Kasongo, 2009) comme : Rubique
Ferralique Arénosols (Dystrique) (WRB, 2006) et Quartzipsamment Ustoxique
Isohyperthermique selon la classification américaine (Soil Survey Staff, 2006)
(explication, voir exposé oral).

I.3. LES COMPOSANTES DU SOL


I.3.1. GENERALITES
Le sol est un assemblage d’une grande diversité de phases. En général, le sol est constitué
de trois phases principales : les phases solide, liquide et gazeuse (Figure 3).

Figure 3 : Les phases constitutives du sol

La phase gazeuse joue un rôle important par les échanges de l’oxygène, de dioxyde de
carbone et autres gaz entre la surface et l’atmosphère.
23

La phase aqueuse est une phase qui représente une faible quantité des éléments
chimiques hormis H et O. Cependant, elle est le carrefour presque obligé de la plupart des
changements d’état de la matière, des échanges d’éléments chimiques entre phases et des
échanges entre domaines abiotiques et le système racinaire ou les micro-organismes.

Enfin, la phase solide représente une extraordinaire diversité. Lorsque l’on exclut les
phases organiques, cette diversité est telle qu’il devient impossible de les décrire de
manière exhaustive.

Les sections suivantes s’attacheront donc à présenter quelques traits généraux sur les
constituants les plus fréquents du sol.

I.3.2. LES COMPOSES MINERAUX

I.3.2.1. MINERAUX RIMAIRES ET SECONDAIRES


Dans le sol, on distingue les minéraux hérités de la roche mère et qui ont résisté à
l’altération. Dans un certain nombre de sols, ces minéraux sont très abondants. Ils sont
appelés minéraux primaires. Il convient de remarquer que la solubilité d’un minéral
varie selon les conditions de température et d’aération du sol. Les minéraux qui ont une
certaine propension à résister à l’altération sont variables selon les lieux.

Les autres minéraux de la roche mère sont altérés. Leur dissolution enrichit la solution
du solen éléments dissous. La solubilité par rapport à d’autres minéraux peut être alors
dépassée, ces derniers précipitent et s’accumulent. Les minéraux qui se sont formés dans
le sol sont dits secondaires. Les éléments chimiques qui les composent peuvent provenir :

 d’une redistribution de la matière sur place pour s’adapter aux conditions


thermodynamiques de surface ;

 d’un apport des zones extérieures, par des circulations latérales de l’eau et dons
des éléments dissous.

Certains minéraux peuvent exister dans la roche mère, être dissous, puis précipiter lors de
l’histoire de la formation du sol. Ces minéraux sont secondaires et coexistent avec des
minéraux primaires de même composition chimique. Ainsi par exemple, dans un sol se
24

développant sur une roche mère calcaire, un calcaire ancien bien cristallisé, le sol brun
calcaire se développant à partir cette roche contiendra :

 des minéraux de calcite primaire, bien cristallisés c'est-à-dire à structure


cristalline bien agencée, de grande taille, moins soluble ;

 des minéraux de calcite secondaire, issus de la précipitation dans le sol. Ces


derniers sont souvent formés rapidement en condition de sursaturation importante
due par exemple, à un changement de teneur en dioxyde de carbone (CO2) du sol
ou d’un dessèchement d’un horizon. La forte sursaturation qui en résulte favorise
une précipitation rapide et désordonnée, pouvant aussi piéger des éléments/ions
autres que Ca2+ et CO32-, par exemple lors de phénomènes de nucléation. Les
minéraux produits (calcites secondaires) se distinguent de la calcite primaire une
granulométrie plus fine, une moins bonne cristallinité mesurable par
l’élargissement des raies du diffractogramme des rayons X, une certaine impureté
chimique elle aussi détectable aux rayons X par déplacement de la position de la
raie. La calcite secondaire sera plus soluble, plus réactive chimiquement du fait
de sa grande surface de contact avec la phase aqueuse. La distinction entre
minéraux primaires n’est donc pas purement académique.

I.3.2.2. ARGILES ET CAPACITE D’ECHANGE CATIONIQUE


Les argiles jouent un rôle important et spécifique dans les sols. Les minéraux argileux
(phyllosilicates, Figure 4) lient des liaisons fortes avec l’humus, l’argile, et les deux
présentent quelques similitudes en termes d’échange de cations avec la solution du sol.
L’humus présente une structure très complexe, mais les structures probables de l’acide
humique sont présentées dans la Figure 5.
25

Figure 4 : Structure de l’acide humique : (a) Kononova et al. (1961) et (b) Orlov (1985)
De même, les minéraux argileux peuvent fixer les composés organiques xénobiotiques
(pesticides, herbicides ainsi que certains produits de dégradation). Les argiles sont donc
chimiquement très réactives tant du point de vue de la chimie minérale que de la chimie
organique.

Figure 5: Projection schématique des phyllosilicates 2/1 et 1/1 dans le plan b-c : kaolinite
(en bas) et smectite (en haut)
26

La plupart des minéraux argileux se caractérisent par un déficit de charge positive dans
leur cristal ; ils portent par conséquent, une charge négative qui est permanente ou
variable. La charge permanente (négative ou positive) est la charge structurale causée par
la substitution isomorphique lors de la formation du minéral, alors que la charge
variable (négative ou positive) est celle qui se développe principalement sur la surface de
groupement hydroxyle par libération ou fixation de proton (protonation-déprotonation,
Figure 7). Pour compenser ce déficit, des cations de la solution du sol sont adsorbés. Ces
cations peuvent à leur tour être échangés contre d’autres cations lors que la composition
de la solution du sol change. La Figure 6 montre une représentation schématique de la
double couche en contact avec la solution du sol ; les ions (cations) de la surface (chargée
négativement) des argiles, se déplacent par diffusion, et peuvent être échangés avec
d’autres ions de la solution du sol.

Figure 6: Représentation schématique de la double couche Gouy-Stern


L’humus peut aussi échanger des cations. Cet ensemble de cations échangeables constitue
la Capacité d’Echange Cationique (on utilise couramment l’acronyme CEC) qui se
mesure au laboratoire (voir chapitre suivant). Cette CEC constitue un réservoir
d’éléments facilement accessibles pour l’alimentation des plantes. Les échanges avec la
solution du sol sont très rapides.
27

Figure 7: Présentation schématique de développement de charge au bord des sites


octaédriques (a) et tétraédriques (b) de la kaolinite; PCZ = point de charge zéro

L’humus possède également des sites d’échange anioniques. Certains éléments plutôt
présents sous forme anionique comme les phosphates peuvent aussi être adsorbés sur la
CEC grâce à des ponts calciques. Ainsi, H2PO4- peut former un complexe avec le Ca2+ :
H2PO4- + Ca2+ ↔ Ca H2PO4+ (complexe)
Ce complexe étant chargé positivement, il peut être adsorbé par le complexe argilo-
humique (complexe argile-humus).
Lors de processus d’oxydoréduction dans les sols, la composition chimique du cristal
peut évoluer. Ainsi, pour les argiles contenant du fer ferrique dans le cristal, le passage à
l’état ferreux altère la balance électrique du cristal et augmente la CEC. Pour certains sols
soumis à des fortes variations d’aération ce phénomène peut être très important.
Il faut également préciser que la CEC dépend de type d’argile dans le sol. Les kaolinites
qui ne présentent pas de déficit de charge, développent une CEC faible, alors que des
argiles de type 2/1 telles que les montmorillonites ont des valeurs de CEC importantes.
La présence d’argile dans le sol influe fortement sur des nombreuses caractéristiques
physiques (réserve en eau, distribution de la taille des pores, plasticité à l’état humide,
cohérence à l’état sec, …). La garniture cationique des argiles renseigne sur les
caractéristiques du sol :
 en sol acide le taux de Al3+ et de H+ échangeable renseigne sur le risque de
toxicité aluminique ;
28

 en sol hydromorphe, le taux de Mn2+ échangeable renseigne sur la toxicité


manganique ;
 dans les sols sodiques, le taux de Na+ échangeable renseigne sur le risque de
sodisation.
Lorsque les argiles ne sont pas floculées par les ions divalents, elles sont susceptibles de
migrer dans le sol. Certains horizons sont alors appauvris en argile (horizons éluviaux, E)
et d’autres sont enrichis par l’arrivée des argiles (Bt).

I.3.2.3. OXYDES ET HYDROXYDES


Les oxydes et hydroxydes du sol peuvent être bien cristallisés ou se trouver à l’état de
minéraux amorphes. Les sols rouges méditerranéens, les sols latéritiques se caractérisent
d’ailleurs par une forte teneur en oxydes et hydroxydes mais surtout par une forte
proportion d’amorphes par les minéraux.

Lors de phase de dessèchement du sol, les hydroxydes peuvent être transformés en


oxydes par déshydratation.

Les oxydes et les hydroxydes développent des phénomènes de sorption. Ils sont capables
d’adsorber des éléments tels que certains métaux lourds ou éléments toxiques non
métalliques comme As. Les phosphates peuvent être adsorbés par ces minéraux (Figure
8) ; cette fixation augmente la CEC.

Figure 8: Schéma de fixation de phosphate sur la surface d’un oxyde de fer

Les propriétés adsorbantes des oxydes et hydroxydes sont dépendantes du pH. En effet
selon le pH de la solution du sol, certains sites d’échange ou de sorption sont libérés ou
non, ce qui fait varier la CEC (Figure 9). Les oxydes et hydroxydes jouent un rôle de
ciment ente les autres minéraux, contribuant ainsi à augmenter la stabilité structurale du
sol, au même titre que la matière organique.
29

Figure 9 Présentation schématique de développement de charge sur la surface


hydroxylée par protonation et déprotonation

I.3.3. LES COMPOSES ORGANIQUES

I.3.3.1. DEFINITIONS
La matière organique fraîche (M.O.F.), fraction organique encore peu transformée,
d’origine végétale ou animale, s’oppose à l’humus, fraction organique colloïdale plus ou
moins foncée, qui contracte des liens étroits avec l’argile et les oxydes libres. La M.O.F.
constitue la matière première de l’humus : les débris végétaux et animaux de toute nature
se superposent au sol minéral (litières forestières), ou lui sont incorporés (milieux
cultivés). Les molécules complexes de la matière organique fraîche subissent d’abord une
décomposition microbienne, c'est-à-dire une transformation, qui libère des composés
simples, le plus souvent solubles : une partie subit le processus de minéralisation, c'est-
à-dire se transforme en composés minéraux solubles ou gazeux (CO2, par exemple), c’est
la minéralisation primaire, assez rapide dans les milieux biologiques actifs, certains de
ces composés pouvant d’ailleurs, à l’inverse, être réorganisés au cours de l’humification.
Une autre partie échappe à la minéralisation et sert à l’édification des molécules
nouvelles, de plus en plus complexes, de nature colloïdale et de couleur foncée dont
l’ensemble constitue l’humus, au sens strict : c’est l’humification. Ces composés
humiques se minéralisent à leur tour, mais plus lentement que la matière organique
fraîche (minéralisation secondaire) (Figure 10).
30

Figure 10 : Décomposition de la matière organique fraîche

La quantité de la matière organique du sol est évaluée de manière approximative par le


dosage du carbone organique (C.O) : M.O. = C.O x 2, dans les sols à végétation
permanente (forêts), et M.O. = C.O. x 1,72 dans les sols cultivés.

Le carbone organique est généralement dosé au laboratoire par la méthode de Walkley et


Black (1965). La détermination de carbone organique est réalisée en 2 étapes :
 oxydation par voie humide, réalisée par le K2Cr2O7 en présence de H2SO4
concentré ;
 titrage de bichromate de potassium en excès par le sulfate ferreux en présence de
diphénylamine comme indicateur d’oxydoréduction (détail, voir exposé oral).

La vitesse de minéralisation du carbone s’évalue en général, au laboratoire, par


incorporation d’un échantillon de sol humifère, dans les conditions optimales de
température et d’humidité, on obtient une courbe cumulative d’émission de CO2 qui
permet de calculer le taux de minéralisation par unité de temps : s’il s’agit d’un horizon
mixte Ah, fortement humifié, on constate que, même en milieu biologiquement actif, le
taux de minéralisation varie dans de larges mesures, suivant le contexte minéral (donc
suivant la nature des liens organo-minéraux) ; ceci permet de définir le turnover (ou
renouvellement) de l’humus.

Si le turnover est rapide pour un apport déterminé de litière, le stock d’humus incorporé
au sol reste faible, le taux de minéralisation annuelle étant élevé (cas des humus actifs des
sols bruns faiblement acides).

Si le turnover est lent, le stock d’humus incorporé est beaucoup plus élevé et le taux de
minéralisation est faible (cas des humus carbonatés et andiques).
31

Dans les deux cas, une même quantité de CO2 est libérée par unité de surface, elle
équilibre les apports annuels de carbone organique, et assure la permanence du profil
humique en forêt.

I.3.3.2. TYPES D’HUMUS


Les types d’humus se définissent plus aisément dans les formations végétales naturelles,
telles que les forêts. Ici, le mot humus est utilisé dans le sens plus large : ensemble des
horizons humifères conditionnés par les facteurs écologiques locaux. Les types d’humus
sont classés en fonction de leurs caractères morphologiques, qui sont étroitement liés à
l’activité biologique (vitesse de décomposition de la matière organique fraîche, turnover
de la fraction humifiée), et aux liaisons organo-minérales, contractées par les composés
humiques, qui sont l’origine d’une structure caractéristique de l’horizon mixte Ah.

(a). Les humus peu actifs, mor, et à degré moindre, moder, offrent des horizons L
(litières) et O composés de M.O.F. peu transformés, superposés au sol minéral. L’horizon
O est généralement divisé en deux parties : la partie F dite de fragmentation (débris
végétaux grossiers) et la partie H noire formée de matière organique fine (débris végétaux
fins et boulettes fécales de diamètre ≤ 100 μm). L’humification étant très faible, il ne se
forme pas d’agrégats argilo-humiques en Ah. La transition OAh, progressive dans le
moder, est brutale dans le mor.

Le dysmorder, est un humus de transition entre moder et mor : c’est un moder à horizon
H bien développé, mais plus actif et moins acide que le mor.

(b). Les humus actif, dits mull, sont caractérisés par une décomposition rapide des
litières : l’horizon O est plus souvent réduit à la litière L. L’humification est importante,
elle engendre une structure aérée, en agrégats de différentes dimensions, qui constituent
l’horizon mixte Ah, bien distinct de l’horizon L (litière).

Une représentation schématique des humus actifs et peu actifs est donnée à la Figure 11.
32

Figure 11 : Morphologie des principaux types d’humus actifs-peu actifs : mull, mor et
moder

La classification des divers types d’humus des forêts tempérés proposée par Belotti
(1994), Graefe et Belotti (1999) et Bonneau et Souchier (1994) (Duchaufour, 2004),
considère plusieurs types de mull, à savoir :

 Mull eutrophe (pH > 5,5), Mull mésotrophe (pH 5 à 5,5) : ils sont regroupés
en raison de l’analogie de leur structure et de leurs propriétés. Les litières
disparaissent très vite; elles sont divisées et incorporées profondément par
l'action des lombrics anéciques: la structure est grumeleuse et stable à l’eau :
la biomasse microbienne est variée et importante ;

 Mull acide (pH < 5, Flachmull) : sont divisés par les lombrics épigés et
endogés, mais imparfaitement incorporés au sol minéral ;

 Mull calcique (saturé en Ca2+, pH > 6,5) et mull carbonaté (contenant le


calcaire actif), l’un et l’autre formés au dépens d’un matériau calcaire, ont
des propriétés semblables : humification forte, conférant à l’horizon A une
couleur sombre ; teneur élevée en MO ; structure aérée en gros agrégats très
stables à l’eau.

(c). Les humus formés en présence d’un excès ou d’un manque d’eau : dans les deux
cas, la décomposition de la MOF et l’humification sont ralentie : le préfixe “xéro”
désigne l’humus formé en milieu sec, le préfixe “hydro”, ceux formés en présence d’un
excès d’eau (aération insuffisante). On a ainsi, les xeromoder, les hydromull, etc.
33

I.3.3.3 IDENTIFICATION ET FRACTIONNEMENT


Les outils isotopiques sont d’un grand secours pour l’étude de la matière organique des
sols. Le delta13C facilite l’origine végétale de l’humus. Il permet notamment de
différencier la part de MO provenant des plantes au cycle photosynthétique en C3 (28
pour mille de delta) de celle qui sont en C4 (12 pour mille de delta). On peut montrer
ainsi que dans un passé récent, la végétation actuelle est différente de celle qui occupe
actuellement le sol.

Concernant l’extraction des composés humiques, tous les laboratoires utilisent, depuis
longtemps, les solutions alcalines (pyrophosphates de Na 0,1M). On obtient ainsi une
solution foncée, qui, après acidification, donne un précipité floconneux brun (acides
humiques, AH, dont la structure probable est présentée à la Figure 5), alors que les acides
fulviques (AF) restent solubles. Les méthodes modernes, pyrolyse, RMN, marquage aux
isotopes, ont permis de préciser leur structure et leur composition.

Il existe plusieurs méthodes dont aucune n’est pleinement satisfaisante : seules les trois
plus efficaces ont brièvement décrites ici :

 Méthode rupture des agrégats par élimination des cations, Ca, Fe, Al (HCl-
dithionate). Après dispersion complète, on utilise une combinaison de procédés
physiques (ultrasons, tamisage, sédimentation) et chimiques (réactifs alcalins)
pour obtenir trois fractions : (i) MOF et humine héritée ; (ii) composés
extractibles (assimilables aux AH et AF dans un sens large) ; (iii) humines
évoluée ;

 Hydrolyse acide HCl 6 N, poursuit un objectif différent : séparation des


composés aliphatiques en chaîne à turnover rapide (hydrolysables), des noyaux
aromatiques polycondensés, à turnover lent (non hydrolysables) ;

 Méthodes physiques. Elles sont de plus en plus utilisées : ultrasons,


granulométrie et liqueurs denses.

I.4. ORGANISATION DU SOL A DIFFERENTS ECHELLES


Le sol est milieu géométriquement organisé à des échelles très diverses (étendues) allant
de l’agencement des minéraux, jusqu’à l’organisation des couvertures pédologiques dans
34

le paysage. C’est ainsi que les approches fractales de l’organisation des sols ont été
tentées dans les années 1990, avec succès divers. L’organisation du sol en entités
tridimensionnelles (profil, pédon, horizon) étant largement discutée dans les sections
précédentes, cette section portera essentiellement sur la structure, la texture ainsi que la
couleur des sols.

I.4.1. TEXTURE OU COMPOSITION GRANULOMETRIQUE


La granulométrie ou structure, correspond à la répartition des minéraux par catégorie de
grosseur, indépendamment de la nature et de la composition de ces minéraux. La terre
fine est la partie du sol qui passe au tamis de 2 mm après séchage à l’air (non forcé). La
définition des limites entre les diverses fractions granulométriques varie légèrement d’un
pays à l’autre.

On considère les fractions suivantes :

1. 0 < argiles < 2 μm ;

2. 2 μm < limons < 50 μm ;

3. 50 μm < sables < 2 mm.

La proportion des différentes classes granulométriques (% de sables, de limons et


d’argiles) est définie sous un terme générique granulométrie. On définira ainsi un horizon
sablo-limoneux, ou bien argileux, ou bien franc. Plusieurs définitions de textures ont été
proposées.

La mesure de la granulométrie d’un sol est réalisée en laboratoire selon un protocole


codifié. Les méthodes sont encore différentes car les choses sont difficiles. Mais il y a
toujours deux étapes, la séparation des grains, puis la mesure de leur proportion.

La plupart des méthodes de séparation de minéraux reposent sur une oxydation de la


matière organique (eau oxygénée ou autre réactif), une réduction ou solubilisation de
ciments métalliques par réduction et complexation du fer, une défloculation des argiles
par des composés sodiques. En général, une séparation par agitation sous ultrason fini par
séparer les grains. Il faut toujours mesurer la proportion entre les grains.

A ce stade, diverses méthodes sont utilisées.


35

Les plus traditionnelles sont basées sur les lois de l’hydrodynamique. Le mélange
violemment agité est laissé au repos ; les grains sédimentent d’autant plus vite qu’ils sont
plus grossiers. Des prélèvements à temps et profondeur du mélange bien choisi
permettent de déterminer après séchage et pesée, la fraction granulométrique.

Les méthodes plus modernes reposent sur la diffraction laser d’une suspension eau/grains
agitée ou bien agitée ou bien un équivalent par conductimétrie. Dans ce dernier cas, une
cellule conductimétrique enregistre le passage d’un grain par diminution de la
conductivité électrique, sa taille est fonction de la chute de conductivité.

Des méthodes de terrain permettent également d’apprécier qualitativement la texture d’un


horizon. Ces tests sont très utiles mais ne constituent qu’un moyen très approximatif et
parfois biaisé.

Les triangles des textures (FAO-USDA et Belge) sont donnés aux Figures 12 et 13. Il faut
noter qu’il existe plusieurs autres types de triangles utilisés en France.
36

Figure 12 : Triangle textural de la FAO


37

Figure 13 : Triangle textural belge

La méthode de pipette de Köhn (Köhn, 1929) est actuellement utilisée dans beaucoup
de laboratoires de pédologie. En voici ci-dessous l’essentiel du protocole :

Après destruction de la matière organique par l’eau oxygénée (H2O2 à 30%) et traitement
préliminaire à l’acide chlorhydrique dilué (HCl 0,01N), la fraction sableuse est séparée
par tamisage (crible à trous de 50 µm). La fraction argile –limon est déterminée par la
méthode de pipette de Köhn, après dispersion à l’aide de la solution
d’hexamétaphosphate de Na à 5 %. La fraction sableuse est divisée en 5 sous fractions
par tamisage à travers des cribles à trous (tamis) de 100, 250, 500, 1000 et 2000 µm de
diamètres. Les différentes fractions sont identifiées selon le triangle textural de l’USDA
(USDA textural triangle) ou autre, selon le choix, et exprimées en pourcentage poids.
38

I.4.2. STRUCTURE
La structure du sol est relative au mode d’agencement macroscopique des grains entre
eux. En fait, il est possible d’étudier ce mode d’arrangement à différentes échelles. Avec
les lames minces de sol solidifié par une résine, il est possible d’étudier l’arrangement au
microscope comme on le ferait pour une lame mince d’une roche. On peut alors y étudier
la structure du plasma, la matrice argileuse, ainsi que la distribution des grains sableux
dans cette matrice.

La structure est l’arrangement du matériau à l’échelle macroscopique ; elle détermine des


propriétés importantes du sol car elle génère une porosité grossière.

Les agrégats possèdent une porosité improprement nommée “texturale” et la porosité


présente entre les agrégats est dénommée porosité “structurale”. Cette dernière
correspond aux vides laissés par les agrégats. Celle-ci a une grande influence sur
l’enracinement des végétaux (perméabilité), l’activité biologique et l’économie en eau.

Enfin, si la texture d’un sol ne peut être modifiée que par un apport de matériau de
texture différente à celle du sol, en revanche, la structure d’un sol peut être fortement
modifiée par de nombreuses actions anthropiques (labours, terrassements, passage
d’engins chargés comme les remorques ou les tracteurs, piétinement de troupeaux, …).
La texture peut donc être dégradée par l’action humaine.

L’étude de la structure peut se concevoir de différentes manières :

1. Point de vue morphologique : description minutieuse sur base : de la forme des


éléments structuraux, de leur dimension, de leur mode d’assemblage dans
l’espace ; c’est le type structural ;

2. Etude sur la base de la genèse (origine physique, biologique) ;

3. Etude par le biais du concept de la stabilité structurale : important en agronomie et


phénomènes érosifs ;

4. Etude de la structure en fonction de son action sur la porosité (porosité structurale


beaucoup plus importante que la porosité texturale).

Les principales structures rencontrées en pédologie sont :


39

(a). Structures massives cohérents : il s’agit d’un assemblage de grains soudés en une
masse continue (Figure 14), par exemple lors de phénomènes de cimentation
(cristallisation des substances solubles, CaCO3 (horizon pétrocalcique), précipitation de
goethite : cuirasses ferrugineuses) ou par fusion (sables argileux compacts). Cette
structure est peu favorable aux transferts d’eau et d’air.

Figure 14 : Structure massive par cimentation : cuirasses ferrugineuses

(b). Structures particulaires : c’est une coexistence de grains sans relation entre eux
(juxtaposition des particules libres sans aucun lien). Cette non structure est
habituellement assez fragile mais perméable aux fluides du sol. La structure particulaire
est liée à la texture sableuse ou sablo- limoneuse (Figure 15). Cette structure est meuble,
relativement favorable à l’agriculture (bon enracinement), mais trop filtrant (risques de
carence en eau).

Figure 15 : Profil d’un sol sableux à structure particulaire


40

(c). Structure grumeleuse : C’est une structure fragmentaire constituée d’agrégats


arrondis, poreux. Elle est assez caractéristique des horizons superficiels et organiques,
sous végétation des graminées (association argile + matière organique) ; floculation des
argiles et formation des agrégats (le Ca2+ est le cation floculant). La concentration en
calcium [Ca2+] et l’activité biologique (lombricides) doivent être élevées, c'est-à-dire une
grande porosité structurale (entre les agrégats) (Crumb). Si la porosité structurale est
faible, on a la structure grenue (Granular, Figure 16).

Figure 16: Quelques types de structures fragmentaires des sols

(d) Structures fragmentaires par fissuration : elles sont causées par les processus de
gel-dégel (climat périglaciaire) et d’hydratation-déshydatation (argiles gonflantes) dans
les horizons profonds des sols. Ceci conduit à la formation des agrégats à allures
polyédrique, prismatique et lamellaire (Figure 16) :

1. structures polyédriques : les agrégats ont des surfaces planes séparées par des
arêtes assez vives. On les rencontre souvent dans des horizons argileux. La taille
des agrégats est variable, et la perméabilité est plus importante lorsque la structure
est fine, nettement moins bonne lorsqu’elle est grossière. Parfois, la structure
polyédrique est incluse, comme sous structure, dans une structure prismatique ;

2. Structure prismatique : les agrégats prismatiques, souvent de grande taille si on


les compare aux agrégats grumeleux, sont constitués d’ensembles aux surfaces
sommairement planes verticale, séparées par des arêtes moyennement marquées.
Ils sont étirés dans le sens de la hauteur. Cette structure est plus fréquente dans les
41

horizons d’accumulation d’argile. La structure prismatique est dite columnaire


(Figure 17), si le sommet des agrégats est arrondi. Cette structure est assez
caractéristique des sols de type solonetz et surtout de leur horizon type, l’horizon
columnaire blanchi ;

3. Structure lamellaire : il s’agit d’une structure très orientée horizontalement du


fait d’une redistribution des matériaux après désagrégation, par exemple sous
l’effet d’une pluie ou d’irrigation violente. Les agrégats sont sous forme de
couches horizontales continuées. Cette structure s’oppose évidemment aux
échanges d’eau et d’air entre le sol et la surface. Elle est assez défavorable aussi à
la germination des graines qui peuvent être emprisonnées dans de telles couches,
mais aussi à la croissance du pivot des jeunes plantules.

(d) Structure schisteuse : il s’agit d’une structure horizontale, comme pour la structure
laminaire, mais de faible extension latérale. Cette structure est héritée des débris de roche
mère schisteuse non ou peu altérée. Elle moins opposée aux transferts d’eau et de gaz.

La Figure 17 résume quelques structures usuelles des sols.

Figure 17 : Quelques illustrations des structures fragmentaires des sols


42

I.4.3. COULEUR DU SOL

(a) Définitions et origine


La couleur du sol reflète une intégration des transformations et translocations chimiques,
biologiques et physiques qui se déroulent à l’intérieur d’un sol.

En général, la couleur des horizons de surface reflète une forte emprunte des processus
biologiques, notamment ceux influencés par l’origine écologique de la matière organique
(MO). En effet, plus la teneur en MO est élevée, plus sombre est la couleur du sol.

La couleur de sol de profondeur (sous-sol) reflète plus fortement dans la plupart des sols,
l’emprunte des processus physico-chimiques. En particulier, le statut redox du Fe, et dans
une certaine mesure celui de Mn, influence sensiblement la grande variation trouvée dans
la couleur du sous-sol.

La couleur de sol de profondeur peut fournir d’informations concernant le drainage et les


conditions d’humidité des sols (Tableau 1).

Tableau 1 : Couleurs associées aux attributs des sols

Couleur du sol Attributs du sol Conditions environnementales

Brun à noir Accumulation de Faible température, grandes quantités de


(horizon de la matière précipitations annuelles, sols avec humidité
surface) organique (MO), élevée
humus
Noir Accumulation de
(sous-sol) Mn
Matériel parental
(ex basal)
Clair, délavé Horizon Dans les environnement où la précipitation >
d’éluviation évapotranspiration ; il y a lessivage des
(horizon E) sesquioxydes, carbonates, et argiles silicatés
Jaune à rougeâtre Fe3+ (fer oxydé) Sols aérés
Gris, vert bleuâtre Fe2+ (fer réduit) Mauvais drainage (horizon du sous-sol avec une
grande densité apparente), conditions
environnementales anaérobiques
Blanc à gris Accumulation des Dans les environnements arides et subhumides
sels où l’évapotranspiration > à la précipitation
43

(b) Détermination de la couleur du sol


La couleur du sol est déterminée actuellement par comparaison au diagramme standard
de Munsell (Munsell Book of colors, Code Munsell en français). En colorimétrie, le
système de “Munsell color” est un espace de couleur qui spécifie les couleurs sur base de
trois dimensions de couleur : “ hue, value et chroma” (Figure 18).

Figure 18 : Système de “Munsell color”montrant un cercle de hues à value 5, chroma 6

Le système a été conçu par le professeur Albert H. Munsell à la première décennie du


20e siècle, et a été adopté par les USA comme système officiel pour la recherche en
sciences du sol (1930).

(1) “Hue ” (ton de couleur ou tonalité) : c’est la couleur dominante : une couleur pure
(red (rouge), yellow (jaune), green (verte), blue (bleu) et purple (pourpre) ou un mélange
des couleurs pures. Chaque cercle horizontal de Munsell est divisé en cinq couleurs
(hues) principales : Red (R), Yellow (Y), Green (G), Blue (B), et Purple (B), ensemble
avec 5 hues intermédiaires (milieux) entre les principales hues adjacentes. Chacune de
ces 10 étapes (cercles) est ensuite coupée en 10 sous étapes, donnant 100 valeurs de
Munsell hues. Deux couleurs d’égal value et chroma, situées sur les côtés opposés d’un
cercle de hue, sont des couleurs complémentaires, et mélangées additivement au gris
neutre de même valeur. Le diagramme ci-dessous (Figure 20) montre 40 Munsell hues
également espacées avec des compléments verticalement alignés.
44

Figure 20 : Munsell hues, value 6/chroma 6

(2) “Value” (indice de clarté ou valeur) : décrit le degré de clarté de la couleur


dominante reflétée dans la propriété de la couleur grise qui es ajoutée au hue. Elle varie
verticalement le long de l’axe de couleur : de noir (valeur 0) en bas au blanc (valeur 10 au
top).

(3) “Chroma” (degré de saturation) est la quantité particulière de hue ajoutée au gris ou
la pureté relative de hue. Le chroma est mesuré radialement à partir du centre ; le faible
chroma étant moins pure (plus délavé).

Les couleurs du sol sont données dans l’ordre hue, value, chroma. Par exemple, 2.5 YR
4/2, décrit un sol avec hue de 2.5 ; value de 4 et chroma de 2.

I.4.4. LES CHAINES DE SOLS OU COUVERTURESPEDOLOGIQUES


Le sol est un milieu continu au sein duquel les dynamiques sont à la fois verticales et
latérales. Les organisations et les fonctionnements verticaux des sols commencent à être
assez bien connus. En revanche, les organisations et les fonctionnements latéraux des
couvertures pédologiques, sont peu connus, peu étudiés : il y a urgence à faire et à
découvrir ce que sont les “systèmes pédologiques” sur et au sein desquels circulent l’air,
l’eau, la vie, à mettre en relation ces systèmes pédologiques avec les systèmes sociaux
existants et avenirs.

Un peu partout dans le monde, l’inventaire et la cartographie des types de sols sont bien
avancés. Mais le travail reste à faire concernant les systèmes pédologiques : travail
45

indispensable pour comprendre les distributions et les fonctionnements des sols, les
relations entre les milieux et les sociétés humaines.

La couverture pédologique : cette expression permet de rappeler que le sol est un milieu
continu, une couche continue qui recouvre les roches sous-jacentes. Il n’y a pas
“d’individu sol” rappelant l’individu animal ou l’individu végétal. Pour exprimer ce que
c’est le sol d’un lieu donné, d’une parcelle, d’un versant, on ne peut pas se contenter de la
description verticale du sol en un seul point (observation à la tarière ou dans une fosse) :
il faut décrire et comprendre les variations latérales (des couleurs, des structures, …) qui
ne sont jamais aléatoires.

Système pédologique : c’est une portion de couverture au sein de laquelle il y a un


certain nombre de dynamiques communes, verticales et latérales. Par exemple, le long
d’un versant, les caractères morphologiques, physico-chimiques, biologiques de la
couverture pédologique à l’aval, fonctionnent, se développent, en relation avec ceux de
l’amont. L’unité sol existe à cette échelle du système pédologique.

On peut donner au système pédologique la définition suivante : un système


pédologique est une portion de couverture pédologique qui, par ses constituants, ses
structures et ses dynamiques, constitue une unité. Il y a plusieurs types de systèmes
pédologiques. Chaque système pédologique est un volume de sol (ensemble
tridimensionnel) au sein duquel les constituants sont organisés entre eux d’une manière
spécifique, mais aussi se transforment et se déplacent verticalement et latéralement, de
manière spécifique. Dans l’espace et dans le temps, les constituants, les structures d’un
système pédologique se modifient : ces modifications contribuent à l’identification de
chaque système pédologique. Dans l’espace, un système pédologique couvre des surfaces
allant de la dizaine de m2 jusqu’à plus souvent quelques dizaines d’hectares, voire plus. A
l’échelle du paysage, divers types de systèmes pédologiques existent, se côtoient, en
fonction des roches, des reliefs, des couverts végétaux, des activités humaines. Dans le
temps, un système pédologique évolue, se transforme en permanence.
46

I.5. NOTIONS DE PHYSIQUE DU SOL


1.5.1. POROSITE
Le volume du sol se divise en volume des solides et porosité : Vt = Vs + Vp

La porosité est occupée par les fluides, en général la phase aqueuse et la phase gazeuse
dont les volumes respectifs sont Ve et Vg. Dans certains cas rares, cette porosité est aussi
occupée par d’autres fluides (hydrocarbures lors de la pollution des sols par ces produits).

Dans des nombreuses situations le volume de la porosité est constant. Ainsi, les deux
fluides sont en compétition. Tout volume occupé par l’eau n’est pas accessible aux
échanges gazeux. Les sols dont la porosité est saturée d’eau se caractérisent par une
faiblesse des échanges gazeux avec l’atmosphère, ce qui se traduit souvent par des états
anodiques plus ou moins marqués.

L’indice des vides représente la fraction du volume occupé par la porosité

lv = Vp/Vt = (Ve + Vg)/Vt

De même, l’indice de l’eau le = Veau/Vt

Cet indice est aussi appelé humidité volumique (noté thêta), qu’il ne faut pas confondre
avec l’humidité pondérale Hp (Hp = poids d’eau/poids de sol).

L’indice de solide ls = 1 - lp

On définit la densité apparente sèche Da, comme la masse la masse volumique du sol sec
divisé par 1 (masse volumique de l’eau), la masse volumique du sol sec étant égale au
rapport du poids du sol sec sur le volume total.

Da = Pds sec/Vt

Alors que la densité réelle (Dr) du sol est la masse volumique des phases solides divisée
par 1. Il s’agit de la moyenne pondérée des masses volumiques des solides du sol (Figure
20).

En combinant ces définitions, on trouve que :

Da = Dr x (Vs/Vp) = Dr/lp et la porosité totale Pt = [(Dr - Da)/Dr] %

Dr = Da x lp
47

Figure 20: Représentation schématique du volume apparent et des particules solides

Enfin, il est important de rappeler qu’en fonction de la taille des pores, il existe trois
types de porosité : macroporosité (200 – 8 μm), microporosité (8 – 0,2 μm) et porosité
matricielle (< 0,2 μm).

1.5.2. ETATS ET TYPES D’EAU DANS LA POROSITE DU SOL


L’eau localisée dans la porosité du sol se trouve dans plusieurs types de sites et d’états
(Figure 21).

1. Elle tapisse la surface des solides, qui sont en général hydrophiles, en une surface
très fine représentant deux à trois couches moléculaires. Ceci représente très peu
d’eau pour les sols sableux, mais pour les sols argileux qui développent une
grande surface spécifique, de l’ordre de 100 m2 par gramme, l’eau adsorbée est
loin d’être négligeable ;

2. Elle remplit les plus petits pores qui lui sont offerts. C’est l’eau capillaire. Pour
des raisons de physiques capillaires, l’eau est retenue avec une énergie d’autant
plus importante que le diamètre du pore est petit. La relation est inversement
proportionnelle. Ainsi, extraire l’eau des petits pores, il faut apporter une énergie
très importante. En revanche, pour les pores les plus grossiers, les forces
capillaires sont insuffisantes pour empêcher l’eau de s’échapper sous l’effet de la
seule gravitée.

Lorsque toute la porosité est remplie d’eau, le sol est dit saturé en eau. Alors, l’indice
d’eau est égal à l’indice d’eau = lp. En fait il reste un peu d’air piégé et cette égalité n’est
pas strictement respectée.
48

Lorsqu’un sol saturé se ressuye, l’eau contenue dans la porosité grossière s’échappe. Il
s’agit de l’eau de gravité. Les pores les plus fins retiennent l’eau par capillarité.
L’humidité se stabilise vers une valeur appelée capacité au champ (Field capacity : FC).

Si le sol se dessèhe par :

 évaporation, c'est-à-dire, par passage d’eau de la phase liquide à la phase


gazeuse ;

 transpiration, c'est-à-dire, prélèvement par les végétaux qui conduisent cette eau
en surface où ils la vaporisent,

l’humidité diminue. L’eau abandonne les pores les plus grossiers pour se cantonner aux
plus fins. A partir d’une certaine valeur d’humidité l’eau présente est retenue avec des
forces capillaires importantes qui empêchent les plantes de l’extraire. Les végétaux
flétrissent, si la situation se prolonge, le flétrissement est permanent. L’humidité est alors
appelée : point de flétrissement permanent (Permanent wilting point : PWP).

La réserve en eau dans le sol est définie par : eau à la CP – eau au PWP= eau utile

Comme le but des cultivateurs n’est pas de conduire les plantes au point de flétrissement
permanent, c'est-à-dire à la mort, on définit la Réserve Facilement Utilisable, R.F.U.
avec RFU = (2/3) RU, RU = réserve utile ou eau utile,

La loi de Jurin, qui établit la relation entre le diamètre des pores et l’énergie de l’eau
(hauteur d’ascension capillaire, ce qui revient au même) permet d’établir un diagramme
de la porosité selon un diamètre équivalent. Ce type de diagramme est très important,
mais dans le détail, il critiquable car la tension qui préside à la désorption d’eau n’est pas
liée au diamètre des pores, mais au diamètre le plus petit par lequel l’eau doit sortir, ce
qui est très différent pour certains types de porosité.

On appelle potentiel matriciel, l’énergie nécessaire pour extraire la première goutte


d’eau d’un sol, c'est-à-dire la pression qu’il faut exercer sur un sol pour en extraire de
l’eau. Il représente l’énergie pour laquelle l’eau est retenue par les forces capillaires du
sol. Il est exprimé en hauteur d’eau d’ascension capillaire, en centimètres.
49

1 bar = 1000 cm (pression exercée par une colonne d’eau de 10 m). Le pF est égal au
logarithme décimal du potentiel matriciel (Ψ) : pF = Log10 Ψ

Figure 21 : Illustration schématique des différents états d’eau dans le sol

Selon Landon (1991), l’eau disponible (eau utile) est la quantité d’eau obtenue en faisant
la différence entre l’eau à la capacité au champ (FC) et l’eau au point de flétrissement
permanent (PWP) (voir RU).
Tenant compte de la perte en quantité significative d’eau par évaporation en région
tropicale, la détermination de la capacité au champ in situ est généralement difficile sans
couvrir la surface du sol. Dans ce cas, l’humidité au potentiel matriciel de -33 kPa (pF
2,52) est souvent considérée comme l’humidité à la capacité au champ (Boyer, 1982).
Le point de flétrissement permanent est généralement considéré comme la quantité d’eau
retenue à la pression matricielle de – 1500 kPa (pF 4,2) (Boyer, 1982; Landon, 1991).
En général, la capacité au champ équivaut à pF variant de 3 à 2,1
Pour un sol saturé, pF = 0.
50

Pour déterminer la courbe pF, on fait subir à un échantillon de sol saturé en eau, une
pression de plus en plus grande dans 1 presse (méthode de colonne d’eau avec un
appareillage à bac de sable et/ou à l’aide de chambres à pression) et, on mesure sa perte
en eau (Figure 22) (détail voir exposé oral).

Figure 22 : Exemples de courbes pF des sols argileux et limoneux

La capacité au champ et le point de flétrissement des horizons du profil de Mbankana


(nord est du plateau des Batéké, RD Congo), et les valeurs correspondantes de la capacité
en eau disponible sont consignées dans le Tableau 2 (Koy Kasongo, 2009).
51

Tableau 2: Capacité au champ, point de flétrissement et capacité en eau disponible des


sols de Mbankana
Hor. Profo. Epais. Capac. au cham. Point de flétris. Cap. rét. en eau
(cm) (cm)
(% vol.) ET (% vol.) ET (% vol.) (mm.m-1)

Ah1 0-10 10 8 3 2 0 6 60
Ah2 10-45 35 5 1 2 0 3 30
ABh 45-78 33 5 0 2 0 3 30
Bws1 78-151 73 4 1 2 0 2 20
Bws2 151-210 59 7 1 5 1 2 20
ET = écart-type de moyenne de trois répétitions.

1.5.3. PERMEABILITE
La perméabilité k d'un sol est définie par la vitesse d'infiltration de l'eau; Ks est mesuré
par loi de Darcy (Figure 23). C’est une loi phénoménologique très utilisée car son
domaine de validité est très large. Cette loi stipule que le flux d’eau est proportionnel au
gradient de pression qui le génère.

Q = S. Ks. H/h ou Q = S. Ks. dH/dx


Q: débit (m3/s)
S: section de la colonne de sol
H: hauteur de la colonne d'eau (potentiel total :
matriciel + potentiel gravitaire)
h: hauteur de la colonne de sol
Ks : perméabilité ou conductivité
hydraulique en saturé ; Ks a les les dimensions
d’une vitesse
x : axe de l’écoulement
dH : différence de hauteur entre l’entrée et la
sortie de l’eau dans la colonne

Figure 23 : Schéma illustrant l’infiltration d’eau dans une colonne de sol de section s
(Loi de Darcy)

Pour des sols saturés en eau (fortes pluies):


52

-sols sableux: Ks est compris entre 5 et 10 cm/heure ;

-sols limoneux: Ks varie de 2 à 50 cm/heure dans un horizon A selon le type


d'humus. Il est de l'ordre de 1 mm/heure dans les horizons B enrichis en argiles.

Pour les sols non saturés (pluies faibles, air présents dans les pores du sol), Ks est
beaucoup plus faible (0,1 mm/heure pour un limon) et varie avec l’humidité.
Habituellement, cette variation est très importante. Une diminution de quelques pourcent
d’humidité engendre une diminution de 1 ou 2 ordres de grandeurs de la conductivité
hydraulique.

Une couche est réputée imperméable pour des valeurs de Ks de l'ordre de 10 -9 m/s. L'eau
qui tombe à la surface du sol commence à humidifier la partie supérieure du sol (quelques
centimètres). Le profil hydrique change. Cette augmentation de la teneur en eau en
surface ne détermine pas automatiquement un transfert en profondeur: l'eau peut rester
retenue dans le sol par les forces de capillarité. Lorsque la capacité de rétention du sol en
eau est dépassée, l'eau descend sous l'effet de la gravité et humidifie les couches
inférieures. Si l'humidification du sol continue, l'eau finalement atteint la nappe par
infiltration: ce phénomène est très lent et peut demander plusieurs mois. En zone
tempérée, la quantité d'eau infiltrée jusqu'à la nappe est estimée à 300 mm/an, soit 10 l/s
par km2.

Si la pluie est forte, le sol ne peut pas absorber toute l'eau tombée, la partie supérieure du
sol devient saturée mais le transfert vers la profondeur n'est pas assez rapide. Une
pellicule d'eau s'accumule en surface et s'écoule selon la pente: c'est le ruissellement.
L'eau qui s'écoule arrache des particules puis se rassemble en chenaux de plus en plus
important (cours d'eau). Lorsque la surface du sol est imperméable (roche imperméable,
route ou zone urbaine bitumée), le ruissellement apparaît sitôt que les dépressions du sol
ont été remplies. La végétation favorise l'infiltration et s'oppose ainsi au ruissellement.

I.6. PROPRIETES CHIMIQUES DU SOL


La chimie des sols comprend l’étude systématique des ions du sol. Il est toutefois
question dans cette section de quelques aspects seulement de la chimie des sols : le
complexe argilo-humique, l’ion hydrogène (pH), la capacité d’échange cationique, les
53

cations basiques, le taux de saturation, le potentiel d’oxydo-réduction, la conductivité et


le pouvoir tampon. La composition chimique quantitative d’un loam bien structuré et de
la matière organique du sol est illustrée à la Figure 24.

Figure 24 : composition chimique d’un loam bien structuré et de la matière organique

I.6.1. COMPLEXE ARGILO-HUMIQUE (CAH)


Un complexe argilo-humique (C.A.H.) est une association intime de matière organique
(humus), de matière inorganique (argile), et d’ions minéraux (Figure 25). On en trouve
dans les agrégats constitutifs du sol. C’est un complexe adsorbant (C.A) : il a la propriété
de fixer des cations présents dans le sol : Mg2+, Ca2+, K+, Al3+, Fe3+, le proton (H+) qui
peuvent alors attirer des anions ou groupements anioniques : PO43-. Si le groupement
ionique est composé d’ions Ca2+, il prendra le nom de pont.

L’une des « constructions » représentatives de la synergie entre matière organique et


éléments minéraux du sol est le Complexe Argilo-Humique (C.A.H.). Cette entité
électrostatique, stabilisée par les cations, est un véritable réservoir d’éléments nutritifs
pour la plante en équilibre dynamique avec la solution du sol et déterminant sa Capacité
d’Echange en Cation (C.E.C.). Les argiles et l’humus s’associent de façon très étroite,
intime. Bien que tous deux soient chargés électronégativement, l’association est réalisée
grâce à la fixation d’ions chargés électropositivement, les cations, généralement sous
forme de sels dans la solution du sol. Des cations (+) comme K+, Mg2+… s’adsorbent à
la surface des feuillets d’argile (-) des matières humiques. Les cations sont ainsi protégés
54

des risques de pertes par lessivage et pourront être échangés au sein du C.A.H. pour être
mis à disposition des végétaux. Le C.A.H. par ses propriétés d’adsorption et d’échange
des ions présente un double avantage :

 en milieu calcaire, de diminuer les risques de chlorose ferrique, en protégeant le


fer de l’insolubilisation par les carbonates.

 en milieu acide, de diminuer les risques de rétrogradation des ions phosphates


(insolubilisation par l’aluminium et le fer).

Figure 25 : Schéma du complexe argilo-humique (complexe adsorbant)

L’état du complexe adsorbant et ses modifications éventuelles par échange d’ions, offrent
une importance considérable dans la mesure où ils régissent, par l’intermédiaire du pH,
l’activité biologique, la structure et la fertilité minérale des sols.

Les minéraux insolubles du sol à charges positives (par exemple des oxyhydroxydes),
retiennent, retiennent les anions (PO43-, SO42-) : ils constituent un complexe anionique
caractérisé par les propriétés d’échange anionique.

Les ions échangeables du complexe adsorbant sont en équilibre avec les solutions du sol :
toute modification de la composition de solution du sol provoque un changement de cet
équilibre par échange : certaine ions du complexe passent en solution (désorption) et
sont remplacés par d’autres ions, qui étaient auparavant en solution (adsorption).
55

I.6.2. L’ION HYDROGENE (H+) ET LE pH


L’ion H+ occupe une place importante dans la catégorie des ions échangeables puisqu’il
détermine le pH des sols. Le pH du sol représente le degré d’acidité d’un sol ; c’est la
mesure du nombre d’ions d’hydrogène (H+) présents dans le sol.

Le pH est en outre une indication du niveau général du sol en éléments chimiques assimilables
(Figure 26). Le pH du sol se trouve en relation directe avec les cations et les anions échangeables.
C’est la propriété chimique du sol qui est la plus mesurée à l’heure actuelle. Le pH des sols acides
se situe généralement entre 4 et 7 tandis que le pH des sols alcalins se situe habituellement entre 7
et 10.

pH = Activité de l’ion H+ dans l’eau

pH = - Log10 [H+]

Constante d’équilibre KH2O = [H+] [OH-] = 10-14

Donc pH varie entre 0 et 14

pH = 7, lorsque [H+] = [OH-]

Le pH est mesuré sur une échelle logarithmique de 0 à 14. Un pH de 7,0 est considéré
comme neutre. Plus la valeur du pH est élevée, moins le sol est acide (plus il est alcalin) ;
plus le pH est bas, plus le sol est acide (Figure 26). Selon l’échelle logarithmique, un pH
de 6,0 est dix fois plus acide qu’un pH de 7,0, et un pH de 5,0 est 100 fois plus acide
qu’un pH de 7,0.

La plupart des cultures de poussent le mieux dans un sol dont le pH se situe entre 5,5 et
7,0. Pour les régions arides et semi-arides, le pH des sols (sols salins) varie entre 6,5 et
9,0, alors que la région humide est caractérisée par une gamme de pH variant de 5,0 à 7,0.
Les pratiques agricoles ont tendance à faire baisser progressivement le niveau de pH des
sols, les rendant plus acides. La baisse de pH est attribuable aux facteurs suivants :

 les cultures et les plantes font disparaître les éléments nutritifs

 l’application d’engrais, en particulier les engrais d’ammoniaque appliqués par


bandes

 le lessivage ou le déplacement de l’eau dans le sol fait disparaître les éléments


nutritifs
56

 la décomposition de la matière organique

 les pluies acides.

Figure 26 : Gammes de pH extrêmes pour la plupart des sols minéraux et gammes dans
les régions humides et régions arides des sols (Brady et Weil, 2008).

Le pH du sol influe sur l’efficacité de la croissance d’une culture dans un sol, car il
affecte :

 la disponibilité des éléments nutritifs (et leur toxicité possible)

 l’activité des organismes pathogènes

 l’activité des micro-organismes

 les dommages possibles aux cultures causés par certains herbicides.


57

Figure 27 : Relations existant dans les sols minéraux entre le pH et la disponibilité des
éléments nutritifs pour les végétaux (Brady et Weil, 2008).
58

A. Principaux groupes d’acidité dans le sol


Il existe 3 groupes principaux d’acidité dans les sols : (1) l’acidité active due aux ions
H+ dans la solution du sol ; (2) l’acidité échangeable impliquant l’aluminium et
l’hydrogène facilement échangeables par d’autres cations dans une solution de sels
simples non tamponnée, comme le KCl ; et (3) l’acidité résiduelle qui peut être
neutralisée par de la chaux ou autres matériaux alcalins mais qui ne peut être détectée par
la technique du sel remplaçable. Ces 3 types d’acidité s’additionnent pour donner
l’acidité totale du sol.

L’acidité active est définie comme l’activité des ions H+ dans la solution du sol. Cette
acidité active est l’acidité mesurée avec un pH mètre. Ce dépôt d’acidité est très petit
comparativement aux dépôts d’acidité échangeable et d’acidité résiduelle. Cette acidité
est toutefois très importante puisqu’elle détermine la solubilité de plusieurs substances et
fournit le milieu de solution du sol dans lequel les racines des végétaux et les
microorganismes sont exposés.

L’acidité échangeable ou de sel remplaçable est d’abord associée avec les ions
d’aluminium et d’hydrogène échangeables qui sont présents en grande quantité dans des
sols très acides. Ces ions peuvent être libérés dans la solution du sol par l’échange de
cations avec un sel non saturé, comme le KCl, selon l’équation suivante :

L’acidité résiduelle est généralement associée avec les ions aluminium et hydrogène
(incluant les ions hydroxydes d’aluminium) qui sont liés dans des formes non-
échangeables par la matière organique et les argiles. Lorsque le pH augmente,
l’hydrogène lié se dissocie et les ions d’aluminium liés sont libérés et précipitent dans la
forme amorphe Al(OH)3↓. Ces changements libèrent alors des sites d’échange de cations
négatifs et augmente la capacité d’échange cationique. La réaction avec un matériau
chaulant (ex. Ca(OH)2) montre que l’hydrogène et l’aluminium peuvent être libérés :
59

L’acidité résiduelle est généralement beaucoup supérieure à l’acidité active ou l’acidité


échangeable. Elle peut être 1000 fois supérieure dans un sol sablonneux, et 50,000 à
100,000 fois supérieure dans un sol argileux riche en matière organique. La quantité de
chaux recommandée pour au moins partiellement neutraliser l’acidité résiduelle dans les
15cm supérieurs du sol est communément de 5 à 10 TM /

B. Détermination du pH
Il y a deux méthodes directes de détermination du pH : les méthodes potentiométriques et
les méthodes colorimétriques. Les méthodes potentiométriques sont plus fréquemment
utilisées car plus précises.

1. Mesure du pH dans une solution de CaCl2 0,01 M

Avantage :

 le pH est pratiquement indépendant de la dilution à l’intérieur d’un grand


intervalle ;

 le pH est pratiquement indépendant de la concentration des sols non salins ;

 la valeur du pH est assez rapprochée de celle de la solution du sol dans les


conditions du terrain.

 les erreurs dues au potentiel de jonction (pH plus faible que l’activité réelle des
ions H+) sont minimisées du fait que les suspensions de sol sont floculées.

Protocole expérimental

 Placer environ 10 g de sol dans un contenant de plastique de 50 ml. Ajouter environ


20 ml d’une solution de CaCl2 0,01 M et mélanger (agiter) plusieurs fois la
suspension au cours des 30 minutes qui suivent. Dans le cas de sol organique, utiliser
un rapport solution/sol de 4 à 1.
60

 Laisser reposer la suspension pendant 30 minutes pour permettre à la plus grande


partie des sédiments de se déposer.

 Etalonner le pH-mètre en réglant le pH avec des solutions tampons à la même


température que celle de la suspension du sol. Il faut étalonner le pH-mètre à l’aide de
2 solutions tampons dont l’une a un pH situé à la limite inférieure de l’intervalle du
pH des sols étudiés, et l’autre, a un pH situé à la limite supérieure de cet intervalle.

 Mesurer le pH en plongeant les électrodes dans la suspension partiellement déposée


ou dans la solution claire surnageante (ne pas la plonger jusqu’au fond du récipient)
avec un mouvement de va-et-vient jusqu’à l’obtention d’une lecture stable.

2. Mesure du pH dans l’eau (pH-H2O)

1- Ajouter 20 ml d’eau distillée à 20 g de sol placés dans un contenant de 50 ml et


mélanger plusieurs fois la suspension au cours des 30 minutes qui suivent. Pour les
échantillons à haute teneur en M.O., prendre des rapports sol/eau de 1 à 2 ou de 1 à 4.

2- Laisser la suspension se déposer pendant 30 minutes et même 1 heure si nécessaire.

3- Procéder ensuite comme dans la solution de CaCl2.

Il faut noter que le rapport sol/eau ou sol/sel (KCl 1N) varie largement d’un laboratoire
à l’autre : les rapports 1/1 ; 1/2,5 ; 1/5 voire même 1/10 sont souvent utilisés.

La détermination du pH dépend des facteurs suivants :

 la dilution du sol entraîne une hausse légère de la valeur du pH. Cet effet est
particulièrement prononcé quand on utilise de l’eau ou du KCl ;

 la force ionique des solutions de mesure du pH est un facteur important. Les


valeurs du pH du sol sont obtenues avec les solutions d’électrolytes tels que KCl
1N, CaCl2 0,01M, SrCl 0,01M et NaF 1M sont généralement inférieures à celles
mesurées avec l’eau. Cette diminution peut être aussi élevée que 2 unités de pH
avec le KCl 1N. Ceci est probablement causé par la substitution et la libération
subséquente des ions H+ et Al3+ par les ions K+, Ca++, Sr++ et Na+ des solutions
électrolytes ;
61

 les variations saisonnières sont causées par les fluctuations de la concentration de


l’acide carbonique et celles des sels solubles dans la solution du sol. Le pH du sol
est généralement plus bas durant les périodes sèches et chaudes, et il est plus
élevé durant les périodes pluvieuses et froides ;

 la mouture du sol modifie les valeurs de pH. Le passage de l’échantillon du sol au


travers d’un tamis 2 mm est jugé suffisant. ;

 la présence de CO2 dans l’atmosphère du sol est fonction de l’activité biologique


qui s’y manifeste. L’absorption du CO2 par le sol est importante autour du point
neutre. Elle contribue à faire baisser le pH à cause de l’augmentation de la
concentration de l’acide carbonique : H2O + CO2 → H2CO3 acide carbonique ;

 l’échantillon du sol en suspension doit être continuellement agité pendant la


détermination du pH sinon une différence peut exister entre le pH de la fraction
surnageante et le pH de la fraction sédimentée. Cette différence est due à l’effet
de suspension déjà décrit. L’emploi d’une solution d’électrolyte faible atténue
sensiblement l’effet de suspension.

I.6.3. LA CAPACITE D’ECHANGE CATIONIQUE (C.E.C.) ET LES


CATIONS BASIQUES
La capacité d’échange cationique (CEC) est une mesure de la capacité du sol à retenir
certains éléments nutritifs sous forme cationique. Cette capacité joue un rôle fondamental
dans l’étude de la fertilité du sol. Pour un sol donné, la CEC est déterminée par les
quantités relatives des différents colloïdes présents et par leurs CEC respectives, formant
un complexe communément appelé complexe argilo-humique.

L’échange cationique ou anionique consiste dans la fixation de cations ou anions sur les
particules solides des sols (complexe argilo-humique) et leur libération subséquente dans
la solution du sol. Les cations échangeables dominants sont : Ca2+, Mg2+, K+, Na+, Al3+
et Al(OH)2+, H+, Mn2+ et Fe2+. Les 4 premiers cations sont appelés bases échangeables
ou cations basiques. Dans les sols acides, les cations suivants dominent : Ca2+, Mg2+, K+
et Al3+ selon le type de sites d’échanges, le pH et leur abondance relative. Dans les sols
calcaires, Ca2+, Mg2+ dominent tandis que dans les sols salins, c’est le cas du Na+. La
capacité d’échange cationique est habituellement exprimée quantitativement en
62

milliéquivalents (milligrammes équivalents) par 100 grammes de sol. Le degré de


saturation (%) du sol en un ou plusieurs cations s’exprime par le rapport :

Nombre de milliéquivalents du ou des cations absorbés/Nombre total de cations


échangeables, toujours sur une base de 100 grammes de sol.

Un équivalent = masse / valence (des cations (Ca2+, Mg2+, K+, Na+))

Actuellement, beaucoup de chercheurs expriment la CEC en cmolc.kg-1 de sol, qui est du


reste équivalent à milliéquivalents/100 g de sol.

Détermination de la C.E.C et des cations basiques.

La capacité d’échange cationique est déterminée par le déplacement des cations


échangeables ou par un cation indicateur (utilisé pour la saturation des sites d’échanges).
Les bases échangeables extraites (Ca2+, Mg2+, Na+, K+) sont ensuite déterminées par
Absorption atomique (AA) ou par Source ionisante au plasma d’argon (ICP). La méthode
à l’acétate d’ammonium 1 M, pH 7,O, est la plus utilisée actuellement. Le protocole de
ladite méthode se résume comme suit :

 percolation (2 g de sol) à l’acétate d’ammonium (CH3COONH4) 1M, pH 7.0,


à l’aide d’un extracteur mécanique sous vide (Centurion) : obtention d’un sol
saturé en ammonium (la quantité de NH4+ adsorbé est considérée omme
mesure de CEC);

 lavage de l’excès d’ammonium par la solution d’alcool éthylique à 95 % ;

 distillation de l’azote ammoniacal par entraînement à la vapeur (appareil


Vapodest 3) et dosage de l’ammoniac par la solution de HCl 0,05 N ;

 dosage des cations échangeables extraits (Ca2+, Mg2+, Na+, K+) absorption
atomique (AA) ou par source ionisante au plasma d’argon (ICP).

Le Tableau 3 résume la capacité d’échange cationique des minéraux argileux.


63

Tableau 3 : CEC des minéraux argileux

Minéraux argileux Capacité d’échange cationique

(méq/100 g)

Kaolinite 3 -5 g

Halloysite 5 – 50

Montmorillonite 8 – 150

Illite 10 – 40

Chlorite 10 – 40

Vermiculite 100 – 150

Matière organique 100 – 250

La capacité d’échange cationique varie avec le pH ; lorsqu’un sol acide est


progressivement neutralisé (par apport d’amendements calciques par exemple), on
constate qu’à mesure que le pH monte, le sol devient capable d’adsorber de nouvelles
quantités de calcium : c’est la raison pour laquelle les agronomes ont pris l’habitude de
mesurer de mesurer la capacité d’échange potentielle à pH 7,0 (à l’aide des solutions
tamponnées), car le but poursuivi était d’utiliser la capacité d’échange pour le cacul de
besoin en chaux, en vue d’amener le pH du sol à neutralité.

Pour définir l’état actuel du complexe adsorbant d’un sol acide, il est préférable de
mesurer la valeur de la capacité d’échange effective, au pH du sol (CECE par utilisation
de la solution non tamponnée) : on obtient alors des valeurs de la CECE nettement plus
faibles (souvent de moitié) pour les sols acides. L’état du complexe adsorbant s’exprime
alors par l’équation : CECE = S + Al + H (exprimé en cmolc.kg-1 de sol) ;

S : est la somme des cations basiques (bases échangeables) = ∑ (Ca2++ Mg2++ Na+ +
K+).

A égale concentration dans les solutions du sol, les différents cations ne sont pas adsorbés
de façon équivalente. D’après les lois d’adsorption des cations sur les surfaces chargées
64

électriquement (Donnan, Gapon-Bolt), les cations ayant la valence élevée plus


préférentiellement plus adsorbés que les autres, donnant ainsi un ordre d’adsorption
suivant dans le sol : Al3+ > Ca2+ > K+. A valence égale, les ions les moins hydratés sont
adsorbés de façon préférentielle par rapport aux plus hydratés : K+ > Na+. Dans le
complexe adsorbant du sol, on a l’ordre suivant : Ca2+ > Mg2+ > K+ > Na+.

On appelle taux de saturation T (saturation en bases), la proportion de la capacité


d’échange cationique (CEC) occupée par les cations basiques échangeables (Ca, Mg, K et
Na), exprimée en pourcentage. Il est souvent utilisé comme indicateur du niveau de
fertilité des sols.

SB  100
T= % ; SB = Somme des bases ou S ; CEC ou CECE.
CEC

Le taux de saturation (T) varie, selon que l’on prend en compte la capacité d’échange
effective ou potentielle ; pour les sols acides, il est plus élevé dans le premier cas que dans
le second cas : seule, la valeur du taux de saturation établie au pH du sol, rend compte de
l’état actuel du complexe adsorbant.

Pour un sol saturé, S = T, et S/T = 100 % (pas d’ion acide) : cas des sols à forte réserve
calcique (chernozems). En pratique, un sol est dit saturé si T ≥ 80 -90 % (sols bruns
eutrophes). Dans les sols désaturés, le taux de saturation est faible et une partie du
complexe d’adsorption est occupée par les ions acides Al3+ et H+.

Selon WRB (2006), les sols à taux de saturation (T) inférieur à 50 % sont qualifiés de
“dystrique” ou sols moins fertiles avec faible saturation en bases.

I.6.4. LA CAPACITE D’ECHANGE ANIONIQUE (CEA) DES SOLS


Malgré la prépondérance des échanges cationiques, on retrouve aussi des échanges
anioniques dans les sols. Les anions échangeables sont surtout les NO3-, Cl- et SO42-.
Ceux-ci sont spécialement importants dans les sols acides altérés riches en oxydes
hydratés et en kaolinite.

Techniques de mesure Il existe deux méthodes générales d’approche pour la mesure de


la CEC : a) une mesure de la CEC au pH du sol; extraction du sol à l’aide d’un sel neutre
b) une mesure de la CEC à un pH fixe; extraction du sol à l’aide d’une solution tampon.
65

On préfère généralement mesurer la CEC au pH du sol dans le cas des sols acides et à pH
fixe dans le cas des sols alcalins.

1.6.5. LE POTENTIEL D’OXYDO-REDUCTION (potentiel Redox ou Eh)


Ce terme est utilisé pour représenter l’intensité relative des conditions d’oxydation ou de
réduction. On utilise des signes négatifs pour les systèmes réducteurs et des signes
positifs pour les systèmes oxydants.

La réaction de réduction peut être représentée par : Fe3+ + e- = Fe2+, où le fer ferrique est
réduit en fer ferreux par le gain d’un électron.

La réduction se poursuit : Fe2+ + 2e- = Fe0

On observe le potentiel d’oxydo-réduction à l’aide d’une électrode de métal inerte (la


platine ou l’or) et une électrode de référence. La plupart des pH-mètres peuvent être
utilisés à cet effet. On exprime les résultats en volts ou en millivolts.

L’utilité des mesures est manifeste pour les formes réduites et oxydées de fer en
concentrations modérées. Il est toutefois difficile de relier la valeur de Eh mesurée à celle
dérivée de l’équation de Nernst (théorique).

L’utilité des diagrammes Eh-pH utilisés dans les études théoriques de l’équilibre
oxydation-réduction est toutefois bien établie. C’est une indication simple et claire, pour
l’évaluation du comportement chimique d’éléments multivalents dans présents dans le
sol.

Le potentiel d’oxydo-réduction Eh de 0 volt quand la pression de l’hydrogène


moléculaire est égale à la pression atmosphérique jusqu’à un maximum qui se rapproche
de 40 volts. L’équilibre entre la pression de H2 et celle de O2 se situe à environ Eh = 26.
Cette dernière valeur est équivalente à un pH de 7 ou neutre.

On utilise parfois le terme pF qui est le logarithme négatif de l’activité de l’électron (e-).
Ceci représente l’intensité des conditions de réduction et d’oxydation comme Eh. La
valeur pF à 25 ˚C et à une atmosphère est Eh / 0,0592 volts. L’utilisation de pF simplifie
les valeurs d’équilibre dans certains cas.
66

CHAPITRE II : RELATIONS PLANTE - SOL


II.1. GENERALITES
Dans un écosystème terrestre naturel, les éléments nutritifs prélevés au sol sont
incorporés dans les différentes composantes vivantes (plantes, animaux, microflore), puis
retournent au sol, sous forme de débris végétaux (feuilles mortes, brindilles),
d'excréments et cadavres animaux. Ils y sont, ensuite, libérés, plus ou moins rapidement,
au cours des processus de décomposition-humidification et sont, ainsi, à nouveau
utilisables par les organismes vivants. L'écosystème fonctionne en circuit quasi-fermé

Les plantes interviennent en profondeur (sous-sol) par leurs racines et, au-dessus par
leurs organes aériens et influencent ainsi le sol par les processus actifs de leurs parties
vivantes, leur nécromasse et leur litière. Elles échangent avec le sol, de façon
permanente, l’eau et des substances dissoutes, absorbées ou évacuées par sécrétions et
excrétions.

Il existe plusieurs activités de la plante en relation avec les processus pédologique qui
peuvent influer sur l’équilibre présenté dans le schéma ci-après (Figure 28).

Figure 28 : Schéma d’un plan nutritionnel sol-pante (tissus des racines)

Ce schéma montre que, par rapport aux ions présents dans la solution du sol, les colloïdes
des racines sont des systèmes compétitifs. Comme les racines produisent les ions H+ et
HCO3-, l’équilibre est continuellement déplacé.

L’espace libre (AFS = apparent free space) : est constitué d’une membrane, du volume
intercellulaire et une partie du cytoplasme : les cations y restent échangeables.

L’espace interne (IS = inner space) : est une partie de la cellule de racine dans laquelle
les ions ne pénètrent pas par simple diffusion. Pour qu’un ion y pénètre, une barrière
d’énergie doit être franchie. La plante doit pomper les ions de l’AFS dans les vacuoles
67

contre le gradient de concentration, d’autant plus que la concentration en nutriments dans


la cellule est supérieure à celle de la solution du sol.

Le pouvoir d’adsorption des racines est lié à leur capacité d’échange, la production des
ions échangeables et la propriété des tissus pour conduire l’air aux racines où l’oxygène
est utilisé pour produire de l’énergie.

Le flux d’ions vers l’intérieur des tissus de plantes est accompagné par un flux d’eau,
nécessaire comme un constituant des tissus participant aux réactions de synthèse
organique, assurant le transport dans la plante et accompagnant des pertes d’eau par
évaporation et transpiration (évapotranspiration).

Les molécules d’eau peuvent passer le cytoplasme dans les deux directions. Comme la
concentration à l’intérieur de la cellule (vacuole) est supérieure à celle de la solution des
nutriments, l’absorption d’eau par les plantes est un processus osmotique (Figure 29).

Figure 29 : Schéma d’absorption d’eau par la plante

L’absorption osmotique de l’eau par la cellule cause une pression du cytoplasme contre la
paroi (membrane) cellulaire, appelée turgescence (turgor).

La différence : (pression osmotique) – (turgescence) = Succion ; elle détermine l’eau


absorbée par la plante.

La pression osmotique Π d’un électrolyte est proportionnelle à sa concentration (C), à la


température constante : Π/C = Cte ; la concentration molaire C = n/V (n = nombre de
moles, V = volume), d’où Π . (V/n) = Cte, et en tenant compte de la température,
l’expression devient : Π . (V/n) = RT, R = constante des gaz = 0,082

On obtient finalement la relation : Π.V = n. R. T


68

Cette relation montre qu’une substance dissoute cause une pression osmotique, laquelle
est égale à la pression qu’elle exercerait comme gaz parfait dans un même volume. En
effet, une grande pression osmotique (grande concentration dans la vacuole), conduit à
une plus grande absorption et rétention d’eau (plante). Ainsi, les traitements de K
conduisant à une augmentation de la concentration en K dans la cellule, donne aux
plantes plus de résistance aux conditions de sécheresses (faible évaporation et plus d’eau
absorbée).

D’autre part, une augmentation de la pression osmotique dans la solution extérieure


(exemple solution du sol par rapport à celle des racines), conduit à une diminution de la
succion.

Lorsque la pression osmotique est la même, la solution extérieure est dite isotonique, et
l’absorption d’eau est stoppée.

L’absorption d’eau par la plante est dépendante du rapport de la pression osmotique à


la plante et à la solution extérieure.

II.2. ABSORPTION DES ELEMENTS NUTRITIFS


Elle se réalise en fonction du temps, et en fonction de la concentration du milieu en
éléments nutritifs (nutriments). On distingue également l’absorption passive et active.

II.2.1. ABSORPTION EN FONCTION DU TEMPS


La concentration de la solution du milieu nutritif en un élément donné étant fixée, la
plante entière (ou une partie de ses racines excisées) absorbe l'élément (ou l'ion) à
différents rythmes: d'abord le rythme est élevé, puis il diminue au fur et à mesure que le
temps passe pour se stabiliser à une certaine valeur. On suppose que la quantité totale
accumulée est la quantité totale absorbée. Cette dernière quantité contient des ions
minéraux accumulés dans les tissus végétaux par des mécanismes:

• Physico-chimiques indépendants de l'activité métabolique de la plante (ou de la


cellule): diffusion des sels, diffusion et rétention des ions près des sites d'absorption
chargés de signe opposé à celui de l'ion retenu (sites anioniques pour les cations et
cationiques pour les anions); c'est la partie correspondante à l'absorption passive.
69

• Métaboliques, nécessitant de l'énergie (ATP formée à partir des activités respiratoires


des racines; en cas de présence d'un poison, d'une faible température ou d'un inhibiteur
quelconque, l'activité métabolique est bloquée; l'absorption active est nulle). Cette partie
de l'absorption est dite active.

II.2.2. ABSORPTION EN FONCTION DE LA CONCENTRATION DU


MILIEU EN ELEMENTS NUTRITIFS
La relation entre le rythme d'absorption et la concentration de l'ion dans le milieu nutritif
est traduite par la fonction hyperbolique classique de Michaëlis- Menten:

• V = (Vm .C)/(K m + S)

• V = vitesse du processus d'absorption (rythme d'absorption)

• Vm = vitesse maximale de transport de l'ion dans le milieu (c'est la capacité maximale


du mécanisme d'absorption).

• C = Concentration de l'ion considéré (ou du soluté)

• Km = coefficient d'affinité (ou de Michaëlis); c'est la concentration pour laquelle la


vitesse de la réaction (d'absorption) est égale à la moitié de la vitesse maximale (Vm). K
m traduit aussi la sensibilité du mécanisme d'absorption à la concentration externe en ions
minéraux.

Ces deux paramètres (Vm et Km) peuvent être graphiquement déterminés à partir de
l'équation suivante:

1/V = 1/C . (Km /Vm ) + 1/Vm.

Il y a une nette ressemblance entre les mécanismes d'absorption et les réactions


enzymatiques. (Epstein, 1954) a fait l'analogie entre l'absorption et l'activité enzymatique:
il a supposé que le cytoplasme étant limité par le plasma- lemme qui est une membrane
imperméable à l'égard des ions, ceux-ci ne peuvent pénétrer à l'intérieur de la cellule que
par l'intermédiaire de transporteurs (corps protéiques de même nature que les enzymes).
Dans la nature, ces transporteurs restent théoriques ; on n'a jamais pu les identifier.
70

II.2.3. ABSORPTION PASSIVE


Cette absorption se passe dans un espace apparent, appelé « espace libre », pouvant
regrouper à la fois le compartiment bien défini, limité par le plasma-lemme, la membrane
squelettique et un espace non défini (une certaine partie de la cellule changeant de
volume selon les conditions nutritionnelles et les besoins de la plante). L'espace libre
regroupe aussi un espace libre de diffusion (siégeant l'absorption par diffusion des sels
selon les gradients physico-chimiques; dans ce cas, les concentrations ioniques du milieu
nutritif et du tissu végétal sont identiques après équilibre suite à une diffusion réversible
entre la cellule et la solution du sol) et un espace libre de Donnan (siégeant les échanges
par adsorption sur les parois des membranes; dans ce cas, les concentrations ioniques des
tissus végétaux sont supérieures à celles du milieu nutritif puisque les ions sont adsorbés
par des forces électro-chimiques). Cet espace libre contient une solution nutritive de
même concentration que celle de la solution du sol; c'est une prolongation du sol. Le
plasma-lemme est la barrière membranaire s'opposant au déplacement passif des ions.
L'absorption passive n'est pas sélective sauf au niveau des échanges ioniques qui ont lieu
dans l'espace de Donnan; cet espace est riche en Ca++, ce qui est à l'origine d'un appel
anionique pour occuper les charges + (c'est une sorte de sélectivité selon les charges
électriques et non pas selon la nature de l'ion comme pour l'absorption active). La cellule
qui se développe synthétise des acides organiques qui ne sortent pas à l'extérieur; le
milieu interne devient plus hypertonique que le milieu externe; l'eau pénètre à l'intérieur
par osmose. Le flux de l'eau entraîne avec lui la pénétration d'ions minéraux (par flux de
masse = massflow); c'est une 2ème forme de l'absorption passive (la première forme de
l'absorption passive est la diffusion). La 3ème forme de l'absorption passive est
l'interception des éléments minéraux par les racines (la surface des racines est assimilée
à la surface du sol; c'est une prolongation de sa forme; l'absorption se fait par contact
direct).

Le transport passif est insuffisant pour assurer les besoins en P (qui sont 20 à 30 fois plus
élevés que ce qui est permis par le transport passif puisque P migre peu dans la solution
du sol) et en K (4 à 10 fois ; K étant plus mobile en solution de sol que P mais son
mouvement vers les racines est insuffisant pour satisfaire aux besoins de la plante) alors
qu'il est largement suffisant pour Ca (une quantité 10 à 20 fois supérieure au besoin de la
71

plante migre vers les racines) et Mg (une quantité 2 à 3 fois supérieure au besoin de la
plante migre vers les racines). Tous les mécanismes de l'absorption passive peuvent alors
être indispensables à la satisfaction des besoins (absorption par diffusion, interception et
flux de masse).

II.2.4. ABSORPTION ACTIVE


Cette absorption est en liaison avec l'activité métabolique; elle nécessite de l'énergie
(ATP). Elle est irréversible; les ions qui pénètrent ne sortent pas selon le gradient
physique. Cette pénétration est à l'origine d'un changement de pH du tissu végétal; la
plante rétablit la neutralité de son pH cellulaire (pour un bon fonctionnement de son
système enzymatique) grâce à l'expulsion active d'un OH- (ou l'absorption passive d'un
proton H+) en cas d'absorption d'un anion (NO3- par exemple) ou à l'expulsion d'un proton
H+ (ou l'absorption d'un OH-) en cas d'absorption d'un cation (K+, par exemple).

La nutrition azotée, selon ses deux formes, ammoniacale ou nitrique, est un bon exemple
de cet échange de protons H+ entre l'intérieur et l'extérieur de la cellule. La nutrition
ammoniacale seule n'est pas intéressante pour la plante malgré l'économie d'énergie
qu'elle procure; la croissance reste chétive et la production de biomasse est faible. Le
NH4+ s'accumule sous cette forme dans la vacuole (souvent il y a toxicité ammoniacale)
sans qu'il y ait de transformation en acides organiques comme pour le cas d'une nutrition
nitrique (les voies métaboliques sont différentes). Avec une nutrition purement
ammoniacale, la cellule ne peut être turgescente que lorsqu'il y a un détournement des
acides organiques de leur lieu d'utilisation pour la synthèse de macromolécules
biologiques vers la vacuole. Ce détournement fait perdre à la plante l'opportunité de
biosynthèse et de production de biomasse.

II.3. LA RHIZOSPHERE
Elle peut être définie, de manière simple, comme la zone d’influence de la racine sur le
sol. Certains la définissent aussi comme la zone de sol qui reste la plus solidement
accrochée à la racine lorsqu’on arrache une plante. Elle représente une interface
essentielle et active entre la plante et le sol grâce à la présence des microorganismes,
bactéries, champignons ainsi que celle de leurs prédateurs, et dépend du type de plante,
de son stade et de son activité mais aussi du type de sol et de sa fonctionnalité. Dans
72

certains cas, comme sous une prairie, le sol peut être considéré comme presque
totalement rhizosphérique. En fait cette zone de sol entourant la racine est déterminée par
la racine elle-même. C’est elle qui organise « sa » rhizosphère en modifiant les propriétés
physico-chimiques de cette dernière et sa composition biologique à travers deux
mécanismes majeurs : l’acidification via l’émission de protons (ions H+) et
l’exsudation racinaire. Celle-ci correspond à la sécrétion, par la racine, de composés
organiques qui diffusent dans le sol. Ceux-ci ont une importance cruciale.

Ces exsudats racinaires sont constitués de deux fractions majeures, en plus des cellules
exfoliées de la coiffe :

Les mucilages qui sont composés à 95 %, de sucres (polysaccharides) et à 5 % de


protéines. Ce sont essentiellement des produits carbonés issus de la photosynthèse.

Les exsudats solubles, également issus du processus de photosynthèse, composés de


molécules de plus petite taille comme des sucres simples, des acides aminés, des acides
organiques, des enzymes, des phénols, des stérols ou encore des vitamines.

L’ensemble de ces exsudats racinaires ou rhizodéposition, correspond ainsi entre 5 à


30 % des produits de la photosynthèse, soit entre 1 et 3 tonnes de C/ha/an. Certaines
études annoncent même que la rhizodéposition représente 40 % des entrées de carbone
dans le sol. Des sources complémentaires de carbone qui ne sont, d’ailleurs, jamais bien
intégrées dans les bilans.

Les exsudats, carburant de la vie biologique des sols ont trois rôles majeurs :

la protection de la coiffe de la racine, zone fragile comportant, comme nous l’avons dit
plus haut, les cellules du méristème apical, à l’origine de l’élongation de la racine ;

l’agrégation physique des particules d’argile (à l’image d’une colle) ;

la ressource énergétique pour les habitants du sol. C’est le carburant, rapidement et


facilement assimilé par de nombreux organismes du sol, micro ou macro.

Les exsudats racinaires stimulent ainsi le développement et la prolifération des


organismes vivants tout autour de la racine, constituant la fameuse rhizosphère. On
estime, par exemple, que vit entre 108 et 1010 cellules bactériennes dans cet espace par
gramme de sol. Si les exsudats stimulent le développement des micro-organismes, en
73

retour, ceux-ci stimulent l’exsudation racinaire, faisant de ce milieu une zone dynamique
où l’activité biologique y est intense. En effet, à partir des exsudats racinaires, se forment
de véritables chaînes alimentaires avec, comme premiers acteurs, les bactéries (plus
rapides à se multiplier) puis les champignons. Viennent ensuite les consommateurs de ce
premier niveau alimentaire comme les nématodes, les protozoaires ou les collemboles et
ainsi de suite… Tous les genres ne sont pas attirés par les mêmes compositions
d’exsudats.

Les micro-organismes constitutifs de la rhizosphère sont ensuite impliqués dans divers


mécanismes comme :

la solubilisation d’éléments nutritifs facilitant leur absorption par la plante ;

la synthèse de substances de croissance (hormones) ;

le biocontrôle (protection contre les pathogènes ou, à l’inverse, attaque des racines) ;

la fixation d’azote atmosphérique par des bactéries spécifiques chez les légumineuses
(mode de fixation symbiotique) ou la fixation libre par d’autres bactéries, comme le genre
Azotobacter.

Notons aussi que le renouvellement permanent des micro-organismes rhizosphériques


représente une source non négligeable de nutriments pour la plante via l’émission de
composés carbonés facilement assimilables lors de leur mort.

En résumé, la rhizosphère est une mince couche de sol qui entoure les racines
absorbantes et dont la composition est profondément modifiée : elle diffère de la masse
du sol par son pH, son Eh, par l’abondance et la composition de la matière organique, et
enfin par sa forte activité microbiologique qui se traduit par une teneur élevée en
carbone organique. En effet, la rhizosphère est caractérisée par :

 un pH qui s’abaisse (plus acide), en raison de l’émission de protons par la racine


lors de l’absorption de cations, Ca2+, Mg2+, K+, NH4+ ;

 un Eh qui s’abaisse également suite à l’abondance de la matière organique


biodégradable ;
74

 une matière organique : les racines exsudent des mucilages (polysaccharides), qui
permettent à l’édification d’agrégats, peu stables et augmentent l’activité
biologique.

II.4. LES BIOELEMENTS


Les plantes se nourrissent de substances minérales qu'elles puisent dans ses deux milieux
de vie : l'air et le sol (Figure 30).

Figure 30 : Représentation schématique de la nutrition d’une plante

Par ses organes aériens (feuilles et tiges encore vertes), la plante absorbe le gaz
carbonique de l'air à partir duquel elle photosynthétise des substances de réserve. La
plante absorbe aussi de l'oxygène nécessaire à sa respiration, de l'eau et même des sels
minéraux.

Par ses racines, la plante absorbe de l'eau, des substances minérales qui y sont dissoutes
ou sous forme d'ions, de l'oxygène et d'autres gaz présents dans l'atmosphère du sol
(azote, CO2, hydrogène, méthane, ammoniac, etc.).

Par ses racines, la plante absorbe aussi des substances organiques. Longtemps réfutée par
les tenants de la fumure exclusivement minérale (travaux de Liebig), personne ne doute
plus maintenant de cette capacité d'absorption des substances organiques par les plantes.
Une des sources essentielles pour les substances organiques est l'humus. Les polyphénols
75

et les quinones que les humus libèrent sont connus comme étant des facteurs de
croissance indispensables aux plantes. Mais les plantes absorbent aussi des acides
aminés, des vitamines et des antibiotiques élaborés au niveau de la rhizosphère,
principalement par l'activité bactérienne et fongique. On a aussi découvert que les plantes
étaient tout à fait capables d'absorber des macromolécules organiques qui joueraient un
rôle important dans la résistance au parasitisme.

On distingue 2 catégories essentielles des bioéléments : macroéléments nutritifs


(bioéléments majeurs) et microéléments nutritifs (biomineurs ou oligoéléments).

(a) Les éléments majeurs sont : C, H, O, N, S, comme cations : K+, Mg2+, Ca2+, Na+, et
comme anions : Cl-, SiO44-.

(b)Les éléments mineurs parce qu’ils sont en très faible quantité dans les cellules des
êtres vivants, mais sont indispensables pour une vie normale et entrent dans la structure et
cofacteur enzymatique. Ces éléments sont : Fe, Mn, Cu, Mo, Co, W, Ni, B.

Les bioéléments peuvent être dans le milieu en abondance causant ainsi la toxicité, alors
que la carence en bioéléments est indiquée par leur présence en faible quantité par
rapport au seuil normal dans le milieu.

En réalité, la carence, la concentration optimale, la consommation de luxe et la toxicité


sont les quatre expressions physiologiques de la concentration croissante d’un élément
(Figure 31).

Consommation de luxe : est l’absorption d’ions en excès par une plante sans qu’ils ne
servent à la croissance ni qu’ils soient toxiques.
76

Figure 31 : Croissance de la plante en fonction de la concentration d’un bioélément

La consommation de luxe n’est pas fréquente car le rapport coût/bénéfice est très
mauvais : la plante dépense de l’énergie pour l’absorption et la translocation d’u n ion qui
ne lui sert à rien dans les conditions actuelles. En revanche, la consommation de luxe
peut s’avérer un investissement à long terme, car elle permet de constituer des réserves
facilement utilisables en cas de soudaine nécessité.

De la carence à la toxicité : à trop faibles doses, dans la solution du sol, dans la


rhizosphère ou dans la minéralomasse, selon le cas, un élément peut manquer à la plante
qui est alors carencée. Une élévation de la concentration lui permet ensuite de se nourrir
correctement (optimum), puis développer éventuellement une consommation de luxe.
Une augmentation ultérieure de concentration provoque la toxicité de l’élément dans la
plante.

II.4.1. RELATIONS ENTRE LES BIOELEMENTS


Il existe des interactions entre différents éléments et la capacité d’absorption dépend de :

1. dépendance : on trouve deux ions qui se favorisent mutuellement. Si la plante a une


préférence pour un élément, il apporte un deuxième (l’autre) ; l’absorption de N, K,
montre qu’une forte concentration de l’azote (N) dans les radicelles accélère le
transport de K vers les organes jeunes, feuilles, fruits. Le P améliore la prise et la
nutrition de la plante en Mg ;
77

2. antagonisme : est une interaction d’inhibition ; la présence de l’un empêche celle de


l’autre : c’est le cas de l’antagonisme entre le K et le Mg, causé par l’effet de dilution
selon lequel les cations divalents sont très fortement adsorbés sur le complexe
d’échange par rapport aux ions monovalents : déficience en Mg dans les sols
tropicaux humides avec un rapport K/Mg élevé.

3. compétition : compétition des cations à l’adsorption sur le complexe d’échange.

II.4.2. ROLES DES ELEMENTS NUTRITIFS DANS LES PLANTES


Les éléments nutritifs se répartissent en macroéléments (ou éléments majeurs) et en
oligoéléments tel que défini ci haut. Nous donnons ci-dessous les rôles quelques

(1) L'azote.

L'azote est le constituant principal des protéines (chaînes d'acides aminés). L'azote est
absorbé sous forme nitrique ou ammoniacale (NO3- ou NH4+). Ces formes chimiques
s'associent aux sucres et aux acides élaborés au niveau des feuilles pour former des acides
aminés.

L'azote favorise la croissance des plantes, la multiplication des chloroplastes (une plante
carencée pâlit ou jaunit), la synthèse des sucres et des réserves azotées dans les fruits et
les graines. L'excès d'azote allonge la période végétative des plantes. Il est donc un
facteur retardant la maturité. En outre, il a été montré que les excès d'azote sensibilisaient
les plantes aux maladies cryptogamiques et aux attaques des parasites. Enfin, l'excès
d'azote est un facteur important, mais non exclusif, pour expliquer la verse des céréales
ou leur sensibilité au gel.

(2) Le phosphore.

Le phosphore est un constituant important des protéines phosphorées (nucléoprotéines,


phosphoprotéines, lécithines, etc.). Les ions phosphoriques sont des éléments très
importants dans les processus de stockage et de transport de l'énergie dans les cellules
(ATP). Enfin, un grand nombre de réactions métaboliques exigent des phosphorylations
préalables pour se dérouler.

Le phosphore, comme l'azote, est un élément indispensable à la croissance de la plante,


peut-être davantage pour les organes jeunes chez lesquels on constate que le phosphore
78

est plus abondant que dans les organes plus âgés. Le phosphore est fondamental pour les
processus de floraison, la mise en graine ou en fruit des plantes.

Enfin, la présence de phosphore dans les plantes joue un rôle crucial pour les animaux qui
les consomment. Il est possible, par exemple, que les variations démographiques
observées chez les lemmings soient une conséquence des carences en phosphore
observées chez les plantes qui poussent sur la toundra arctique.

(3) Le soufre.

Le soufre est le constituant essentiel des acides aminés soufrés (méthionine et cystine)
que la plupart des animaux ne savent pas synthétiser et qu'ils trouveront dans les plantes
qu'ils consommeront. Certaines plantes comme les liliacées, les légumineuses ou les
crucifères sont riches en ces acides aminés soufrés, et plus généralement en produits
soufrés.

(4) Le potassium.

Le potassium est l'ion principal des solutions cytoplasmiques. Le potassium joue un rôle
fondamental dans les processus d'échanges transmembranaires passifs et actifs dans les
cellules. On ne sait pas bien précisément comment le potassium favorise la
photosynthèse, ni comment cet élément améliore la synthèse des protéines. On ne sait pas
bien non plus pourquoi les carences comme les excès de potassium augmentent la
sensibilité des plantes aux parasites.

(5) Le magnésium.

Le magnésium est un constituant de la chlorophylle. Il en favorise la synthèse ainsi que


celle de la xanthophylle et celle du carotène. Le magnésium favorise l'absorption du
phosphore et son transport dans les graines où il favorise la synthèse de la phytine et
celles des lipides. La présence de magnésium dans les plantes est indispensable aux
animaux herbivores qui, sinon, développent ce que l'on appelle la tétanie d'herbage,
maladie due à un excès de potassium dans les plantes. Le magnésium évite l'absorption
excessive de potassium par les plantes.

(6) Le calcium.
79

Le calcium est un élément fondamental des parois cellulaires des plantes. C'est lui qui
donne leur résistance tissulaire aux membranes pectiques.

Le calcium favorise aussi la formation et la maturation des fruits et des graines. Enfin, ce
sel possède un rôle important dans les échanges transmembranaires.

(7) Les oligoéléments.

(a) Le fer, bien qu'il ne soit pas un constituant de la chlorophylle, est indispensable à sa
formation. Sa carence provoque la chlorose. Le fer participe à la constitution de
nombreuses enzymes d'oxydation.

(b) Le cuivre, comme le fer, entre dans la composition de nombreuses enzymes


d'oxydation.

(c) Le zinc, outre son rôle dans de nombreuses enzymes d'oxydation, participe à la
fabrication des auxines de croissance.

(d) Le molybdène est nécessaire au métabolisme de l'azote. Il est le constituant d'une


enzyme réduisant les nitrates en amines.

(e) Le bore et le manganèse entrent dans la composition d'enzymes. Leurs rôles sont
encore mal connus.

(f) Le chlore est surtout connu pour les effets négatifs qu'il induit quand il est en excès.

(g) Le cobalt n'est peut-être pas indispensable aux végétaux, mais cet élément se révèle
indispensable aux bactéries et aux champignons de la rhizosphère et plus encore aux
bactéries fixatrices d'azote atmosphérique, symbiotes des légumineuses (Rhizobium).
80

Éléments Importance pour la plante Effets dus à la carence

Jaunissement et chute des


Azote N Dans les acides aminés et les protéines feuilles ; Croissance ralentie et
faible

Faible croissance des racines et


Phosphore Dans les acides nucléiques et les
de la tige, floraison retardée,
P molécules énergétiques (ATP)
feuilles violacées

Régulation métabolique ; plasmolyse Dépérissement des feuilles à


Potassium
et turgescence ; ouverture des partir du bord ; faible résistance
K
stomates ; régulation osmotique au froid et à la sécheresse

Calcium Cohésion de la paroi celluloso-


Dommages sur les méristèmes
Ca pectique

Constitution de la chlorophylle et de
Magnésium la pectine ; Intervient sur la régulation Même effets que les carences
Mg des métabolismes ; Plasmolyse ; en potassium
Chlorose

Manganèse Constituant de nombreuses enzymes ; Maladies des taches sèches


Mn Photosynthèse (céréales)

CHAPITRE III : ACCUMULATION DES METAUX LOURDS


(OLIGO-ELEMENTS) DANS LES SOLS
Les métaux lourds tels que le plomb, le cadmium, le cuivre, le zinc, et le mercure ne
peuvent pas être biodégradés et donc persistent dans l’environnement pendant de longues
périodes. De plus ils sont continuellement rajoutés dans les sols par diverses activités : en
agriculture par l’application de boues d’épuration ou dans l’industrie métallurgique. Cette
accumulation excessive de métaux lourds conduit à ce qu’on appelle communément
81

pollution des sols, et cette accumulation des métaux lourds dans l’environnement peut se
répercuter sur la santé des êtres humains et des animaux.

Par ailleurs, l'excès d'un élément peut être un guide en prospection géobotanique. On
peut se contenter ici de relever le site des plantes qui ne croissent qu'en un milieu
possédant de hautes teneurs en un élément comme le font Viscaria alpina, Equisetum sp.
et Salix sp. sur les dépôts cupro-ferreux ou encore étudier les cendres de certaines
plantes. Ces plantes sont appelées plantes accumulatrices des métaux lourds et jouent
actuellement un rôle stratégique dans la dépollution des sols. Leur présence dans un sol
constitue ainsi un indicateur important de l’étude des gisements de métaux lourds.

III.1. METAUX LOURDS


III.1.1. DEFINITION
D’un point de vue purement chimique, les éléments de la classification périodique
formant des cations en solution sont des métaux.

D’un point de vue physique, le terme « métaux lourds » désigne les éléments métalliques
naturels, métaux ou dans certains cas métalloïdes (environ 65 éléments), caractérisés par
une forte masse volumique supérieure à 5 g.cm3 (Figure 32).

D’un autre point de vue biologique, on en distingue deux types en fonction de leurs
effets physiologiques et toxiques : métaux essentiels et métaux toxiques.

 Les métaux essentiels sont des éléments indispensables à l’état de trace pour de
nombreux processus cellulaires et qui se trouvent en proportion très faible dans
les tissus biologiques. Certains peuvent devenir toxiques lorsque la concentration
dépasse un certain seuil. C’est le cas du cuivre (Cu), du nickel (Ni), du zinc
(Zn), du fer (Fe). Par exemple, le zinc (Zn), à la concentration du millimolaire,
est un oligo-élément qui intervient dans de nombreuses réactions enzymatiques
(déshydrogénases, protéinase, peptidase) et joue un rôle important dans le
métabolisme des protéines, des glucides et des lipides (Kabata-Pendias et Pendias,
2001).

 Les métaux toxiques ont un caractère polluant avec des effets toxiques pour les
organismes vivants même à faible concentration. Ils n’ont aucun effet bénéfique
82

connu pour la cellule. C’est le cas du plomb (Pb), du mercure (Hg), du cadmium
(Cd).

Le terme métaux lourds, « heavy metal », implique aussi une notion de toxicité. Le terme
« éléments traces métalliques » est aussi utilisé pour décrire ces mêmes éléments, car ils
se retrouvent souvent en très faible quantité dans l’environnement. Dans ce contexte, le
terme « métaux lourds » est utilisé dans le sens de l’impact toxique sur les humains et les
environnements.

Figure 32 : classification périodique des éléments

III.1.2. ORIGINE DES METAUX LOURDS DANS LES SOLS


Le problème principal avec les métaux lourds comme le plomb, le cadmium, le cuivre et
le mercure est qu’ils ne peuvent pas être biodégradés, et donc persistent pendant de
longues périodes dans des sols. Leur présence dans les sols peut être naturelle ou
anthropogénique (Figure 33).
83

Figure 33 : Origine des métaux lourds dans le sol (D’après Robert et Juste, 1999)

A. Origine naturelle : gisements des métaux lourds


Selon les métaux, les réserves les plus importantes se trouvent dans les roches et/ou les
sédiments océaniques. On estime le gisement de mercure à 300 milliards de tonnes dont
99 % se trouvent dans les sédiments océaniques.

Les métaux lourds, comme tout minerai, sont présents dans les roches, et sont diffusés
avec l'érosion pour constituer le fond géochimique. Les métaux lourds en surface ne
viennent cependant pas tous de la roche, puisqu'il peut y avoir cumul entre ce qui vient du
sous-sol et ce qui est apporté par l'air, qui peut provenir de très loin (plomb dans les
glaces des pôles).

En règle générale, les métaux sont fixés dans les roches sous deux formes. Il y a d'une
part, les oxydes et silicates, peu altérables en climat tempéré. Les oxydes sont libérés de
la roche par érosion et transportés tels quels dans les sols et sédiments. Il y a d'autre part,
les sulfures et carbonates, très altérables, qui seront attaqués chimiquement. Les métaux
changeront de support. Une partie soluble sera évacuée avec l'eau, vers les sols, les
sédiments ou la nappe phréatique. Une partie sera piégée dans les argiles et sédiments de
ruisseau.

Ces métaux lourds sont répartis sur l'ensemble de la surface du globe, y compris en en
RD Congo. Une concentration anormale d'un métal peut signifier la présence d'un
84

gisement exploitable. Mais il existe un grand nombre d'anomalies naturelles en métaux


qui n'ont pas fait l'objet d'une exploitation et qui constituent pourtant des réservoirs en
métaux importants.

B. Origine anthropique
Cependant, la source majeure de mobilisation de métaux lourds dans le sol est d’origine
anthropique. Au cours des décennies dernières, l’apport de métaux lourds au sol dans le
monde s’est étendu ; à l’heure actuelle on l’estime à 22000 tonnes de cadmium (Cd),
939000 t de cuivre (Cu), 783000 t de plomb (Pb), et 1350000 t de zinc (Zn) (Singh et al.,
2003). Les principaux types de pollutions anthropiques responsables de l’augmentation
des flux de métaux, sont la pollution atmosphérique (rejets urbains et industriels), la
pollution liée aux activités agricoles et la pollution industrielle.

 La pollution atmosphérique résulte des activités industrielles (rejets d’usine) et


urbaines (gaz d’échappement, etc…). Il faut distinguer les apports diffus aériens
d’origine lointaine des apports massifs localisés d’origine proche. Dans les apports
diffus sont classés les poussières et aérosols provenant des chauffages ainsi que des
moteurs d’automobiles. Les apports massifs localisés résultent d’apports anthropiques
accidentels liés aux activités industrielles sans protection efficace contre la dispersion
dans l’environnement.

 Certaines pratiques agricoles sont à l’origine de l’introduction de métaux lourds


dans le sol. Les produits destinés à améliorer les propriétés physico-chimiques du sol
sont souvent plus riches en métaux lourds que le sol lui-même par exemple les
engrais, les composts et les boues de station d’épuration (Robert et Juste, 1999).

 La pollution industrielle provenant des usines de production de l’activité humaine


tels que les matières organiques et graisses (industries agro-alimentaires), les produits
chimiques divers (industries chimiques), les matières radioactives (centrales
nucléaires, traitement des déchets radioactifs) et la métallurgie (Godin et al., 1985).
Les déchets miniers et les terrils industriels sont une source particulièrement
importante de pollution par le zinc, le plomb et le cadmium.
85

Le rôle des pratiques industrielles et agricoles dans la contamination des sols doit être
pris en compte : cela concerne une grande partie du territoire. Leur accumulation et leur
transfert constituent donc un risque pour la santé humaine via la contamination de la
chaîne alimentaire, mais aussi pour le milieu naturel dans son ensemble.

III.1.3. MOBILITE ET BIODISPONIBILITE DES METAUX LOURDS


La toxicité d’un métal dépend de sa spéciation (forme chimique) autant que des facteurs
environnementaux (Babich, 1980). Dans le sol, les métaux lourds peuvent exister sous
forme d’ion libre ou sous forme liée à des particules de sol. Cependant, un métal n’est
toxique pour les organismes vivants que s’il est sous forme libre ; il est alors
biodisponible. Comme tout élément chargé positivement, les cations métalliques peuvent
interagir dans le sol avec toute particule organique ou minérale chargée négativement. De
l’équilibre entre les formes libres et fixées de l’ion va dépendre sa biodisponibilité,
directement liée à sa toxicité. Enfin, la biodisponibilité (Figure 34) des métaux lourds
varie en fonction de plusieurs facteurs du sol. Parmi lesquels, la capacité d’échange de
cation (CEC), le pH, le potentiel redox (Eh), la teneur en phosphate disponible, la
teneur en matière organique et les activités biologiques.

Figure 34 : Schéma illustrant la mobilité des métaux lourds (D’après Shallari, 1997)
86

A. La teneur en argile

Les argiles, de par leurs propriétés physico-chimiques, jouent un rôle très important dans
la disponibilité des métaux lourds. Li et Li (2000) ont montré que les métaux lourds
peuvent être absorbés et immobilisés par les minéraux argileux ou également être
complexés par la matière organique du sol en formant alors un complexe
organométallique (Lamy, 2002). En effet, la charge électronégative des argiles les rend
aptes à contracter des liaisons électrostatiques avec toute entité chargée positivement,
comme les cations métalliques. Ces liaisons sont réversibles et les cations fixés sont
échangeables : ils peuvent être remplacés par d’autres cations présents dans la phase
aqueuse du sol. Cette capacité d’échange de cations (CEC) exprimée en milliéquivalents
pour 100 g est une caractéristique importante de chaque argile qui conditionne
grandement la biodisponibilité d’un métal dans le sol.

B. Le pH

Le pH est un autre facteur important influençant la solubilité et la spéciation du métal et


donc sa toxicité. Quand le pH diminue d’une unité, la concentration des cations
métalliques libres augmente d’environ un facteur 2 dans la solution de sol et par
conséquent améliore la phytoextraction. Les organismes et les microorganismes eux-
mêmes peuvent influencer la disponibilité des métaux lourds dans leur environnement
proche par acidification locale lors d’une réaction métabolique ou par la production de
composés complexant les métaux lourds.

C. Le potentiel redox (Eh)

Le potentiel redox (Eh) permet de caractériser les échanges d’électrons entre les espèces
chimiques. Ainsi, les faibles valeurs d’Eh favorisent la dissolution des hydroxydes et
entraînent une augmentation de la concentration des métaux associés avec des
composants (Chaignon, 2001). De plus, la modification du degré d’oxydation des ligands
ou des éléments se liant avec le métal influence indirectement la solubilité des métaux
lourds. Par exemple, en conditions réductrices, les sulfates sont réduits en sulfure qui
piègent volontiers les éléments métalliques tels que Pb, Cd, Zn. Bien que l’influence des
conditions oxydoréductrices du sol semble très importante au regard de la mobilité des
éléments métalliques, il n’en demeure pas moins que ce facteur apparaît souvent comme
87

secondaire par rapport au pH. En effet, pour un sol donné l’Eh varie en fonction inverse
du pH, il augmente quand le pH diminue.

D. L’activité biologique

La compréhension globale des phénomènes biologiques jouant sur la solubilité des


métaux lourds dans les sols est rendue difficile par la multiplicité des actions et
interactions à tous les niveaux. Nous nous attacherons à développer principalement
l’action des microorganismes et des végétaux supérieurs.

Parmi les microorganismes on retrouve de nombreuses populations bactériennes et


fongiques dont les activités métaboliques influencent la mobilité des métaux lourds.
Cependant, beaucoup de ces phénomènes sont également communs aux plantes. Les
principaux modes d’action sur la mobilité des polluants métalliques sont la solubilisation,
l’insolubilisation et la volatilisation.

III.2. LA DEPOLLUTION DES SOLS (METAUX LOURDS) PAR LES


PLANTES
III.2.1. LA PHYTOREMEDIATION
Au 16ème siècle, un botaniste de Florence, Andréa Cesalpino, découvre une plante
poussant sur des roches naturellement riches en métaux (du nickel notamment). De 1814
à 1948, de nombreuses études sont faites par des scientifiques sur cette plante nommée
Alyssum bertolonii, et on découvre alors qu’elle accumule dans son organisme une forte
teneur en métaux du sol où elle vit, une teneur plus importante que celle dans le sol. Par
la suite, d’autres plantes ayant les mêmes propriétés sont découvertes. Et c’est en 1970
qu’apparaît l’idée d’utiliser ces plantes aux propriétés particulières.
Aujourd’hui, Il existe différentes formes de phytoremédiation (Figure 35), qui utilisent
toutes l'implantation d'un couvert végétal pour exporter (phytoextraction), stabiliser
(phytostabilisation) ou encore volatiliser (phytovolatilisation) les polluants d'un sol.
Dans cette partie nous étudierons principalement la phytoextraction des métaux lourds
et ainsi présenter cette capacité naturel qu'ont les plantes de prélever et d'accumuler dans
leurs parties aériennes ces polluants très toxiques. Ces plantes peuvent ensuite être
récoltées et incinérées, et les cendres peuvent être recyclées en métallurgie ou stockées.
Cette méthode de recyclage est appelé « phytominage ». La phytoextraction s'effectue
88

aussi sur milieu liquide : on parle alors de rhizofiltration dans le cas des stations
d'épurations où l'on utilise la phytorémédiation.

Figure 35 : Schéma illustrant les principes de la phytoextraction ou phytoaccumulation

La plupart des plantes ont la capacité d'absorber et de concentrer dans leurs parties
récoltables (c'est-à-dire les feuilles et les tiges) les métaux lourds polluants contenus dans
le sol et l'eau. Toutefois, on a observé que certaines espèces toléraient mieux et
accumulaient de plus grandes quantité de métaux lourds toxiques. On les appelle les
plantes "hyperaccumulatrices". On distingue ensuite deux types de phytoextraction :

- La phytoextraction continue qui se fait naturellement et consiste souvent en une


hyperaccumulation tout au long du développement de la plante comme le montre la
Figure 36. Ces plantes sont appelées métallophytes si elles poussent exclusivement en
présence de métal, ou pseudo-métallophytes si la présence de métaux n'est pas
indispensable à leur développement. A maturité les plantes sont récoltées, incinérées,
et les cendres sont alors stockées dans un lieu sécurisé. Une partie des métaux pourra
89

ensuite être retraitée, puis réutilisée. On pourra renouveler la culture jusqu’à obtenir
des taux acceptables de métaux lourds dans les sols.

Figure 36 : Schéma de la phytoextraction continue

-La phytoextraction induite qui se fait par ajout de chélateurs .La Figure 37 montre
que tant que les chélateurs n'ont pas été appliqués, la plante ne prélève pas les métaux du
sol, contrairement au cas des plantes hyperaccumulatrices qui réalisent une
phytoextraction continue. C'est lorsque la plante atteint un certain niveau de croissance
(biomasse maximale) que les chélateurs synthétiques appropriés sont appliqués au sol. Le
prélèvement de métaux est dés lors intense mais réduit en durée.
La plante accumule les métaux polluants dans des parties récoltables. On procède à la
récolte pour extraire les métaux en question.
90

Figure 37 : Phytoextraction induite

III.2.2. LA NOTION D’HYPERACCUMULATION


Une plante est dite hyperaccumulatrice à partir d’une concentration dépendant du
métal : plus de 1 000 mg/g de matière sèche dans les feuilles pour le nickel, plus de
10000 mg/g pour le zinc. Pour évaluer cette hyperaccumulation, on utilise le coefficient
de transfert défini par :

Concentration du métal contenu dans les tissus aériens de la plante


Concentration du métal contenu dans le sol

Plus ce coefficient est élevé plus l'accumulation des métaux est importante.
Trois types de comportements des plantes ont pu donc être déterminés dans un milieu
contenant des métaux lourds :

 La première stratégie est un prélèvement faible des métaux. La plante contrôlerait


leur non-absorption au niveau de la racine. Il existe une valeur maximale de
tolérance au-delà de laquelle le végétal meurt.

 La seconde est un prélèvement proportionnel à la quantité en métaux présents


dans le sol. La plante est alors qualifiée d'indicatrice puisqu'elle reflète les
quantités présentes dans celui-ci.

 La dernière stratégie est l'hyperaccumulation des métaux dans les parties


aériennes de la plante. Les mécanismes d'absorption sont actifs.
91

Dans le cadre de la phytoremédiation, il est indispensable d’estimer la biodisponibilité


d’un élément en trace, afin de connaître la quantité de métal potentiellement extractible,
et le rendement de cette méthode. Ainsi, il est nécessaire de bien connaître la réponse des
plantes hyperaccumulatrices à la fertilité du milieu, de même que la capacité de
prélèvement du métal par ces plantes en fonction des facteurs de culture, et, enfin, les
relations entre la plante hyperaccumulatrice et la mobilité du métal dans le sol.

III.2.3. LES PLANTES HYPERACCUMULATRICES


Environ 400 espèces de plantes sont reconnues comme étant hyperaccumulatrices de
métaux lourds, la majeure partie d’entre elles (300 espèces) accumulant le Nickel. On a
vu que ces végétaux présentent la particularité d'accumuler une très grande quantité de
métaux lourds toxiques, à des concentrations cent fois plus élevées que chez les autres.
On peut citer par exemple la moutarde brune (Alysum bertolonii), la pensée
calaminaire (Viola calaminaria), le tabouret bleuâtre (Thlaspi caerulescens), le colza,
le tournesol. D'ailleurs plusieurs chercheurs américains travaillent aussi beaucoup sur des
arbres comme le peuplier, capable d'extraire le métal du sol et des eaux.
Les plantes vont donc être choisies en fonction de la nature du polluant contaminant le
sol (type de métal), car il faut que la plante utilisée soit capable d’extraire le métal, en
fonction du climat, et également en fonction de sa biomasse, de façon à ce qu’elle puisse
accumuler une quantité importante de polluants. De plus, le sol est souvent contaminé par
de nombreux métaux, ce qui nécessite une culture de différentes espèces de plantes.
Les familles les plus rencontrées dans l'accumulation du Zinc sont les Brassicacées, les
Caryophyllacées, les Lamiacées et les Violacées. En ce qui concerne le Plomb et le
Cadmium il s'agit surtout des Brassicacées (ex: moutarde brune). Les espèces
hyperaccumulant le Cuivre (Cu) et le Cobalt (Co) sont peu nombreuses (24). Elles sont
originaires de la RD Congo. Les familles concernées sont les Lamiacées, les
Astéracées, les Cypéracées, les Scrofulariacées et les Amarantacées. Le Nickel est
quant à lui, hyperaccumulé par les trois quarts des espèces connues. Elles appartiennent à
des familles telles que les Brassicacées, les Scrophulariacées, les Euphorbiacées, les
Saxifragacées et les Sapotacées.
92

Le tableau ci-dessous donne le nombre de familles et de variétés concernées par


L'hyperaccumulation:

Limite inférieure (% en Nombre Nombre de


Métal
matière sèche de feuilles) d'espèces familles
Cadmium > 0,01 1 1
Cobalt > 0,1 28 11
Cuivre > 0,1 37 15
Plomb > 0,1 14 6
Manganèse > 1,0 9 5
Nickel > 0,1 317 37
Zinc > 1,0 11 5
Thallium > 0,1 2 1
93

Figure 38 : Illustrations de quelques plantes hyperaccumulatrices des métaux lourds


94

III.3. LA FLORE DES SITES METALLIFERES


III.3.1. DEFINITIONS
Les nombreuses fonctions des métaux essentiels dans les systèmes biologiques
s’étendent de la régulation de processus métaboliques à la composition des protéines. Les
métaux lourds sont définis en général comme ceux ont une densité supérieure à 5. Hormis
le Fe et le Mn, tous sont rares dans la croûte terrestre, et sont donc des éléments traces
métalliques (ETM). Ils exercent leur action toxique sur les plantes même à des
concentrations relativement faibles dans le sol.
Les sols métallifères sont soit d’origine naturelle (gisements naturels) soit d’origine
anthropique. Les sols métallifères naturels sont développés sur des affleurements de
roches métallifères. La teneur en métaux de ces sols peut être extrêmement élevée ; elle
peut atteindre des milliers de mg.kg-1, mais diminue rapidement lorsqu’on s’écarte du
gisement.

Les affleurements naturels de roches métallifères les plus répandus à la surface de la terre
sont des affleurements serpentiniques riches en nickel (Ni), en fer (Fe) et en
magnésium (Mg) répartis sur les différents continents de la planète. Les affleurements de
roches ferrifères sont aussi très répandus, par exemple au Sud-Est du Brésil, dans l’Etat
du Minas Gerais, le Quadrilatero Ferrifero représente la zone métallifère la plus
importante de la planète. On trouve aussi des affleurements de manganèse (Mn), de
cuivre (Cu), de cobalt (Co), d’or (Au)et d’autres minerais rares. Ils induisent très souvent
des modifications des paysages au niveau de la végétation. En effet, la toxicité des
métaux lourds opère une sélection très poussée, en éliminant de nombreuses espèces
qui, toutes autres conditions égales, devraient croître en ces lieux. De manière très
caractéristique la croissance des espèces ligneuses est inhibée, ce qui aboutit au
développement de groupements végétaux purement herbacés ou faiblement arbustifs
particulièrement remarquables dans une région forestière.

Depuis un siècle, le développement des activités d’extraction et de transformation de


minerais a dispersé des métaux toxiques et contaminé des surfaces bien plus vastes que
celles occupées par les affleurements naturels. De nouveaux types d’habitats métallifères
sont ainsi apparus. Ces sites métallifères d’origine anthropique varient selon la nature
95

du sol existant avant la pollution, la nature du ou des minerais exploités, des procédés
industriels… ils constituent un ensemble très hétérogène.

III.3.2. ORGINALITE BOTANIQUE DES SITES METALLIFERES


L’adaptation aux métaux lourds chez les plantes a focalisé l’intérêt des écologistes,
physiologistes et biologistes mais aussi des ingénieurs et des chimistes depuis très
longtemps. Dès le XVIème siècle, le célèbre savant Georgius Agricola rapporte que des
végétaux semblent souffrir lorsqu’ils se développent sur des sols riches en minerais (sols
pollués). De même lorsque son but est de repérer les veines métallifères intéressantes,
il précise qu’une végétation particulière, absente aux alentours, se développe au-
dessus de ces ressources. Il remarque ainsi l’effet nocif des métaux sur une végétation
dite sensible, et la relative tolérance d’une végétation plus adaptée.

Dans le cas des sites à serpentine, par exemple, le sol issu de l’altération de minéraux
naturellement riches en métaux de transition porte une flore spécifique adaptée aux fortes
teneurs métalliques. La caractéristique principale de ces sols est une inversion du rapport
calcium/magnésium, associée à de très fortes teneurs en Fe, Ni, Cr (Faucon, 2009). Bien
souvent, les affleurements serpentiniques apparaissent dénudés et arides et présentent une
végétation clairsemée souvent chétive et au port décombrant (Figure 39). Beaucoup de
scientifiques à travers le monde se sont intéressés à la flore serpentinique ; en Toscane,
Italie ; dans le sud de la Zambie, dans le sud-ouest de la France, dans les collines du
Zimbabwe, dans les Alpes d’Italie, en Californie, au sud-est de l’Afrique du Sud (Morrey
et al. 1989), en Australie. De même que pour la flore serpentinique, Jacobi et al. (2007)
montrent une végétation remarquable et spécifique des affleurements de fer au Brésil. Au
Katanga (République Démocratique du Congo), les affleurements manganifères,
calaminaires, cobaltifères et cuprifères présentent des formations végétales particulières
au sein du paysage katangais mais réalisant des toposéquences semblables d’un
affleurement à l’autre (Faucon, 2009). Remarquons que les divers types d’habitats
métallifères présentent une végétation hautement originale et unique. Les conditions
écologiques extrêmes de ces différents types de sols métallifères ne permettent que
l’installation d’espèces présentant des traits particuliers et entraînent la constitution
de phytocénoses originales.
96

Figure 39 : Affleurements de roches serpentiniques (Faucon, 2009)

Les végétations des différents types d’habitats métallifères présentent des caractéristiques
communes :

 une rareté et faible recouvrement des phanérophytes ;

 surreprésentation des espèces à stratégie stress-tolérante ;

 sous-représentation des arbres ;

 une hauteur limitée ;

 un recouvrement total souvent < 100 % ;

 une faible productivité ;

 un syndrome de stress tolérance par la présence de petites feuilles coriaces


persistantes

La flore des sites métallifères comprend des groupes écogéographiques distincts définis
sur base de l’affinité au substrat métallifère. Deux classifications ont été établies, l’une
97

présente une forte connotation écologique et l’autre plus simplifiée est essentiellement
chronologique. Nous retiendrons la classification de Lambinon et Auquier (1963 in
Faucon, 2009) : métallophytes absolus pour les taxons endémiques des sols métallifères
et pseudométallophytes pour les espèces présentes sur sols métallifères et non
métallifères.

De fois, on utilise le terme « métallophyte » pour désigner toutes les plantes qui se
développement exclusivement sur sol métallifère ou qui y montrent une fréquence et une
abondance particulièrement élevées.

Les cuprophytes

Les cuprophytes correspondent à un groupe de plantes spécifiques qui se développent


uniquement ou montrent une fréquence et une abondance particulièrement élevées sur
les sols cuprifères (voir tableau suivant). Le Tableau suivant résume Teneurs en cuivre
et en cobalt des sols et plantes (médiane, minimal et maximale en mg kg-1) (Brooks &
Malaisse, 1985).

Les cuprophytes représentent un élément remarquable de la végétation des sites


cuprifères du Sud de l’Afrique centrale. Une quarantaine de « cuprophytes absolues »
sont connues de ces habitats. La tolérance aux concentrations extrêmes en Cu dans les
sols (1000-50000 mg kg-1) a été démontrée expérimentalement chez quelques
cuprophytes uniquement, deux « cuprophytes absolues » Haumaniastrum robertii
(Lamiacées) et Silene cobalticola (Caryophyllacées) et chez trois « cuprophytes non
absolues » H. katangense, Aeolanthus biformifolius et Elsholtzia haichowensis
98

(Lamiacées). Les cuprophytes constituent un modèle intéressant pour l’étude des


mécanismes physiologiques et des processus évolutifs de la tolérance au cuivre.

La tolérance au cobalt est très peu connue ; elle été mise en évidence de manière
formelle uniquement chez Silene cobalticola. Duvigneaud (1959 in Faucon, 2009)
soulevait une affinité particulière pour le cobalt chez quelques espèces de la flore des
affleurements de Cu et Co du Katanga (cobaltophytes), notamment Crotalaria
cobalticola et Silene cobalticola.

III.3.3. L’ARC CUPRIFERE KATANGAIS

Les affleurements de roches cuprifères sont assez peu répandus sur la surface de la
planète. Les seuls connus se situent dans les zones montagneuses et arides de l’Arizona
aux USA, au Pérou, au Chili, en Australie et dans la zone subtropicale d’Afrique dans la
province du Katanga en République Démocratique du Congo. Parmi les affleurements
naturels de cuivre, seuls les affleurements cuprifères du Katanga semblent présenter
des endémiques cuprophytes (cuprophytes absolues) (Figure 40).

Figure 40 : Affleurements cuprifères du Katanga (R.D. Congo). La colline de Tenke (à


droite) et le mont Apostolo (à gauche) (Faucon, 2009).

D’autres végétations liées à la toxicité du cuivre existent à la surface de la planète mais


proviennent d’une colonisation récente des habitats métallifères anthropogènes par des
99

plantes tolérantes au cuivre. Signalons aussi que certains affleurements de Ni, de Zn, de
Pb présentent une contamination naturelle élevée en Cu où seules quelques espèces
adaptées à ces milieux s’y développent : au Botswana, en Indonésie, au Sri Lanka, en
Indonésie, en Macédoine (Grèce), au sud-est du Missouri (USA) (Adams & Hood 1976).
Au Katanga, Duvigneaud et collaborateurs montrent que seuls les affleurements de
roches cuprocobaltifères présentent des espèces spécialistes de ces milieux. A ce jour,
aucune espèce endémique des affleurements de roche riche en Mn, Pb et Zn du Katanga
n’a été recensée (Faucon, 2009). Les affleurements de roches cuprifères du Katanga
constituent donc un modèle original pour l’étude des processus écologiques et évolutifs
opérant au cours de la colonisation végétale d’un milieu aussi extrême (Brooks &
Malaisse 1985 ; Brooks & Malaisse 1990).

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