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Publications chez le même éditeur


L’audit et les projets, 100 questions pour comprendre et agir, J.-P. Madoz,
2003
L’auditeur qui en savait trop… (Tout ce que vous avez voulu savoir sur l’audit
sans jamais oser le demander), H. Mitonneau, 2009
La relation auditeur-audité, 100 questions pour comprendre et agir, G. Krebs,
2009
Les nouvelles pratiques de l'audit de management QSEDD, Y. Mougin, 2009
Pratiquer l'audit à valeur ajoutée, Solutions pour…, V. Iacolare, 2009

La 1re édition de cet ouvrage (© 1999) a fait l’objet d’un reconditionnement


à l’occasion de son 5e tirage (nouvelle couverture).
Le texte de l’ouvrage reste inchangé par rapport au tirage précédent.
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Sommaire

Avant-propos 1

Introduction ............................................. 5

Les fondements de l'audit stratégique

1 L'état de la stratégie ................................. 13


1.1 De la stratégie délibérée aux stratégies émergentes ...... 14
1.2 Des diagnostics fonctionnels aux diagnostics des processus . 19

2 L'état de la Qualité Totale. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 25


2.1 Du contrôle de la qualité à la Qualité Totale ........... 26
2.2 De la Qualité Totale à la qualité stratégique ............ 28

3 Méthodologie d'audit et audit stratégique ............ 37


3.1 Définitions ........................................... 37
3.2 L'audit stratégique .................................... 42
VI L'audit stratégique

Les dysfonctionnements stratégiques généraux


4 Le prédiagnostic : les dysfonctionnements stratégiques
généraux ............................................ 59
4.1 Le contenu du prédiagnostic ........................... 60
4.2 Les dysfonctionnements: audit des buts et des objectifs 63

Les dysfonctionnements et objectifs


de la qualité totale
5 L'audit de la satisfaction des clients ................. 91
5.1 Le référentiel ......................................... 93
5.2 Première analyse des causes ........................... 104

6 L'audit relationnel de l'entreprise. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 149


6.1 La qualité de l'entreprise .............................. 151
6.2 L'audit de la qualité de l'entreprise .................... 166
6.3 Synthèse, risques et recommandations .................. 178

L'analyse des causes


7 L'audit des processus stratégiques ................... 183
7.1 Le référentiel ......................................... 184
7.2 La démarche d'audit des processus .................... 191
7.3 Synthèse, risques et recommandations .................. 204

8 L'audit des facteurs clés ............................. 207


8.1 L'audit du leadership ................................. 208
8.2 L'audit des ressources humaines ....................... 215
8.3 L'audit de la stratégie, de l'organisation et des structures. 218
8.4 L'audit des ressources ................................ 233

Conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 247
Avant-propos

II est classique d'affirmer qu'un ouvrage s'adresse au plus grand nombre,


même si cela revient à concilier l'impossible, et tous les lecteurs en ont un
jour fait l'expérience. Ce livre, qui tente de décrire la démarche d'audit de
la stratégie, n'échappera pas à la règle et c'est pourquoi je souhaite avant
tout justifier ce choix difficile.
Une longue et double expérience de conseil et d'enseignant ne peut que
convaincre de la distance séparant la théorie et la pratique, ce qui d'ailleurs,
étrangement, ne choque personne. II en résulte, au moins en France, une
mutuelle ignorance des entrepreneurs et des enseignants-chercheurs qui
laisse aux conseils un terrain splendidement inoccupé où exercer leurs ta-
lents 1.

Dans la pratique, les entreprises ont en fait vis-à-vis de la gestion une at-
titude particulièrement ambiguë qui varie avec la nature des problèmes ren-
contrés. En marche normale, elles tendent à la considérer comme un outil
visant à remplir des obligations administratives ou réglementaires et l'opé-
rationnel domine alors le sujet. En temps de crise, certaines activités de-
viennent stratégiques et l'on passe souvent de l'opérationnel (pilotage) au

1. On suggérera au lecteur intéressé par ces problèmes la lecture d'un entretien avec C. Midler. proposé
par L "Expansion Management Review (mars 1995). Concluant sur son rôle joué dans le projet Twingo.
au titre de chercheur, Midler précise, avec un certain optimisme, que "la crise a rendu modeste le
monde managérial. Elle a montré qu'un regard extérieur, même éloigné, est une ressource et que la
théorisation peut être utile dès lors que /' on veut changer ».
2 L'audit stratégique

mystique: c'est le temps des « gourous» dont on attend des miracles qui
ne se produisent hélas qu'avec une regrettable parcimonie 2 •

Cette description, volontairement provocatrice, n'est certainement pas très


éloignée de la réalité, même pour les grandes entreprises qui sont pourtant
réputées capables de mettre en œuvre des moyens importants dans le but
de maîtriser leur développement. Dans les PME, la situation est encore plus
tranchée et la notion de stratégie est quasiment inexistante sauf si l'on qua-
lifie ainsi les intuitions plus ou moins heureuses d'un dirigeant.
Le fantastique dégraissage qui a affecté la plupart des entreprises occiden-
tales au cours de ces quinze dernières années a au moins prouvé que les
outils de gestion, tels qu'ils avaient été appliqués, n'avaient souvent réussi
qu'à développer des monstres d'inefficacité dont la paralysie croissait avec
la taille, et ceci, dans une indifférence autorisée par le filtre déformant de
la croissance. Quels que soient les types d'organisations, ces échecs de-
vraient conduire à une certaine humilité chez les responsables et montrer
que si le management ne résout pas tous les problèmes, le pilotage intuitif
n'a pas non plus fait la preuve de ses capacités.
Les organisations ont donc besoin de stratégie et si celle-ci ne garantit jamais
le succès, elle limite au moins les risques de crises issues de la myopie
opérationnelle. Encore faut-il pour cela être en mesure d'apprécier l'état des
lieux, c'est-à-dire juger la qualité de cette stratégie, celle de sa mise en
œuvre et son degré de contrôle - de maîtrise -, avant d'envisager un éven-
tuel recentrage des actions. Tel est le sens de l'audit stratégique et il appelle
une triple réflexion portant sur sa finalité, son contenu et ses méthodes .
• Sur la finalité, l'audit stratégique peut répondre à une demande interne de
l'entreprise ou à une demande externe.

La demande de l'entreprise peut viser à établir un prédiagnostic rapide limité


à l'analyse de dysfonctionnements stratégiques, à celle des risques qu'ils
induisent et, s'il y a lieu, à une recherche des causes ainsi qu'à des recom-
mandations correctives. Plus souvent, ce type de demande aura pour objet
d'évaluer le degré de contrôle pesant sur une filiale, voire une division ou
même un département si celui-ci a disposé d'une certaine autonomie stra-
tégique. L'audit permettra de formuler une appréciation rapide sur la stra-
tégie, sa mise en œuvre et sa maîtrise. Sans se substituer aux classiques

2. Le gourou appartient à une espèce fragile, dont la pérennIté est de moins en moins garantie. À titre
d'exemple bien connu. il est aujourd'hui de bon ton ue critiquer sévèrement Peters et Waterman après
que l'on ait vanté pendant une décennie leur contribution managériale inscrite dans le thème de l'ex-
cellence. Le sort ue Hammer ct Champy relève ue la même « ingratitude ».
Avant-propos 3

diagnostics, l'audit autorisera un suivi régulier de la stratégie engagée, fo-


calisé sur l'essentiel. Tel est d'ailleurs le but de l'autoévaluation dont le
modèle proposé par l'EFQM va nous servir de référence principale.
Une demande externe pourrait émaner d'une entreprise envisageant une prise
de contrôle et contrainte à une décision rapide. Elle pourrait aussi provenir
d'un fournisseur soucieux de mieux connaître un client important ou d'un
client animé par la même intention. La méthodologie d'audit répondrait bien
à ce type de besoin .
• Sur le contenu, la stratégie est un vaste domaine supposant au moins une
double expertise, à la fois théorique et vécue, qu'un texte de quelques
dizaines de pages ne saurait résumer d'une façon satisfaisante. Il fallait
donc accepter des choix avec ce qu'ils ont nécessairement de réducteur.
Parce qu'il représentait une bonne synthèse des courants de pensée domi-
nants depuis les années 70 et surtout 80, l'axe de la Qualité Totale offrait
une voie intéressante. De nombreux chefs d'entreprises sont en effet au-
jourd'hui familiarisés avec des démarches assez fortement formalisées (ap-
proche de la certification) et l'influence japonaise n'est pas étrangère à la
médiatisation du sujet. Le danger était évidemment celui du ralliement à
un phénomène de mode, avec le risque de proposer des méthodes dont la
pérennité serait liée à celle de l'accueil favorable d'un public sensible aux
propos des médias. On s'est donc efforcé tout au long de ce travail, de
mettre en avant les facteurs de permanence, tant du sujet lui-même, que
des démarches décrites, considérant que l'expression «Qualité Totale»
n'était qu'une appellation, peut-être temporaire, recouvrant cependant un
ensemble de tendances profondes du management3 •
À partir de là, il fallait encore sélectionner un modèle de référence. La vogue
croissante des méthodes dites d'auto-évaluation, issues du développement
des «prix qualité », fournissait une large palette d'opportunités. On a retenu
le modèle de l'European Foundation for Quality Management (EFQM), qui
sera largement développé par la suite, pour ce qui nous a semblé être sa
capacité à servir aussi bien l'analyse de grandes organisations que, au prix
de quelques simplifications, celle d'entreprises plus modestes.

3. Il n'est qu'à voir à quel point, dès à présent, la notion de Qualité Totale est elle-même un cadre
général accueillant l'essentiel de la démarche « toyotiste », la lean production, le benchmarking ou encore
le reengineering. On se gardera donc des mots pour s'intéresser spécifiquement aux méthodes. D'un
point de vue plus global, la révision en cours des normes ISO 9000 va tout à fait dans le sens d'une
pérennité du référentiel Qualité Totale. On lira notamment sur ce point \' ouvrage de \' Afnor: Les ré-
férentiels qualité. La voie de l'excellence, 1997. À l'inverse, et sans que cela affecte nos conclusions,
les Américains réduisent régulièrement la référence à la qualité dans la grille des critères du référentiel
Malcolm Baldrige. Le terme a même totalement disparu en 1997, au profit de « performance », ce qui
indique certainement une volonté de généraliser ce modèle.
4 L'audit stratégique

• Sur la méthode, le choix d'une démarche d'audit s'est imposé naturelle-


ment dès lors que nous disposions d'un modèle de référence reconnu
(EFQM). L'audit suppose en effet le préalable d'une identification de dys-
fonctionnements qui n'ont de sens que par rapport à un référentiel accepté,
lequel permettra de hiérarchiser des risques qui, à leur tour, conduiront à
une recherche de causes. Les modèles matriciels issus du Boston Consul-
ting Group (BCG) étaient trop controversés pour jouer un tel rôle. Le
schéma stratégique dérivé de l'excellence, dominant depuis le début des
années 80, semblait trop qualitatif, pour ne pas dire flou, pour supporter
cette progression structurée. Les modèles d'autoévaluation ont alors ap-
porté une réponse plus fine et probablement plus rigoureuse qui débloquait
véritablement la situation. L'audit stratégique pouvait ainsi devenir cohé-
rent et apporter à la matière les avantages d'une méthode d'approche sé-
lective, économique et rapide dans sa mise en œuvre.
Ainsi conçu, cet ouvrage s'adresse donc déjà aux responsables de grandes
organisations. On peut espérer qu'ils y trouveront un moyen d'aborder leur
«bilan stratégique» et d'en cerner les vrais problèmes. Il est destiné aussi
aux responsables de filiales ou de divisions qui, disposant généralement
d'une certaine autonomie, y verront peut-être un outil d'amélioration de leur
performance globale en prenant conscience des opportunités que présente la
Qualité Totale et, plus particulièrement, la maîtrise des processus stratégi-
ques.
Les responsables de PME et leurs conseils découvriront peut-être, au fil de
ces chapitres, un cheminement capable de donner un contenu plus familier
à leurs interrogations stratégiques. C'est en tout cas en pensant à eux et aux
questions qu'ils avaient pu soulever à l'occasion de missions de conseil, ou
de simples stages d'étudiants, que j'ai rédigé ce livre. L'expérience prouve
que l'approche par la Qualité Totale et les processus présente l'avantage de
se fonder sur leur vécu quotidien. Elle retient ainsi immédiatement leur
attention, ce que les discours stratégiques habituels n'obtenaient que bien
rarement.
Enfin, les étudiants auront ici l'occasion de porter un regard relativement
neuf sur la triple problématique du changement, de la stratégie et de l'audit.
C'est à la fois une base de développements possibles dans les domaines de
la recherche et tout un ensemble d'opportunités applicables dans la majorité
des entreprises en quête d'une évolution significative de leur perspective
concurrentielle.
Introduction

L'audit stratégique
Si la littérature sur les différents aspects de l'audit est aujourd'hui particu-
lièrement riche, à l'image de celle portant sur la stratégie, l'association des
deux thèmes est encore suffisamment rare pour que l'on ressente le besoin
d'en justifier le choix. Cette rareté repose probablement sur une incertitude
quant à la possibilité d'une synthèse des deux démarches.
A-t-on, en effet, le droit de parler d'audit stratégique?
- Peut-on appliquer à ce qui constitue la décision fondamentale de l'entre-
prise, une méthodologie mise au point à l'origine pour garantir la con-
formité d'écritures comptables par rapport à des normes précises?
- Peut-on imaginer qu'un dirigeant d'entreprise mette en place une procé-
dure en charge de conduire à un jugement sur ce qui relève souvent, en
dernier ressort, de sa seule autorité?
Sur quels critères établir un tel jugement alors que le sujet reste faiblement
normalisé: qu'est-ce qu'une bonne décision ou une bonne pratique stra-
tégique?
- Ne faut-il pas craindre, en définitive, que l'audit se limite à la mise en
œuvre et laisse de côté l'analyse de la conception de la stratégie?
On aura déjà compris que le sujet abordé est complexe et qu'il ne saurait
être développé pour le seul plaisir d'ajouter une rubrique supplémentaire à
la liste des activités et des fonctions faisant l'objet des démarches d'audit.
6 L'audit stratégique

On va ainsi se proposer d'atteindre toute une série d'objectifs parmi les-


quels:
- montrer que la méthodologie de l'audit s'applique à la stratégie et doit
permettre de porter un jugement global sur le management ;
- montrer que cet audit stratégique peut aussi être considéré comme un
prédiagnostic d'une organisation et qu'il offre à ce titre une approche
rapide et économique pour une identification des problèmes de l'entre-
pnse;
- montrer que s'agissant, comme cela vient d'être rappelé, d'une approche
plus souple que le diagnostic traditionnel, l'audit stratégique répond aux
contraintes de ressources souvent présentées par les PME comme facteurs
de rejet des analyses stratégiques formelles.

Parmi toutes les raisons évoquées pour justifier cette association de l'audit
et de la stratégie, il faut surtout mettre en avant le souci d'aborder la dé-
marche stratégique sous un angle novateur. Traditionnellement, l'approche
de la stratégie reste profondément théorique ou, si l'on préfère, concep-
tuelle : la lecture des principaux ouvrages disponibles est enrichissante par
les idées qui y sont proposées mais c'est au moment de la mise en œuvre
que les problèmes apparaissent. La plupart des concepts sont généralement
livrés sans mode d'emploi autre qu'un renvoi à la société de conseil qui en
assure la diffusion, jusqu'au jour de leur remise en cause par une nouvelle
démarche, ou de leur abandon sous les critiques d'auteurs qui pour autant
ne les ont pas nécessairement expérimentés.

Dans le meilleur des cas, l'apport de ces réflexions aide à la formulation


des diagnostics et à une certaine cohérence de la démarche mais il reste
limité dès lors qu'il s'agit d'assurer le suivi et l'amélioration d'une stratégie.
Il se trouve enfin que le passage progressif des ambitions de la planification
aux réalités plus difficiles du management stratégique confère au « quotidien
stratégique» une importance croissante s'accommodant assez mal de con-
sidérations essentiellement théoriques. La démarche d'audit, par ses carac-
téristiques que nous rappellerons, peut répondre à ce type d'exigences.

Qualité Totale et stratégie


L'analyse qui va suivre est fortement reliée à l'approche Qualité Totale.
Nous posons d'ailleurs comme un postulat, qu'à bien des égards cette Qua-
lité Totale est un mode stratégique dominant, même si elle laisse de côté
certains aspects du processus de décision et de son contenu.
Introduction 7

En effet, dans une large mesure, la Qualité Totale n'aborde pas, au moins
directement, des questions comme le choix des domaines d'activité de la
firme ou encore la prise en compte des rapports de forces qui s'expriment
à l'occasion de la décision stratégique. Elle s'attache peu à l'analyse externe,
en dehors des clients et dans une moindre mesure de la concurrence, alors
que celle-ci constitue pourtant l'un des deux grands référents du modèle de
décision. Elle n'éclaire pratiquement pas des choix de stratégie pourtant
classiques comme, par exemple, la spécialisation, la diversification, la con-
centration, ou l'intégration t. En revanche, la Qualité Totale apporte des élé-
ments de réponse essentiels et modernes, à des questions comme la formu-
lation des stratégies, leur contenu et leur contrôle. À ce titre, elle occupe
une place privilégiée dans l'arsenal des outils des dirigeants.
Nous pensons ainsi que cette démarche, développée dans les pays occiden-
taux depuis la fin des années 1970, est beaucoup plus qu'une nouvelle mode
au service de l'entreprise. Elle semble plutôt s'inscrire dans une continuité
de l'évolution des réflexions stratégiques soumises à l'épreuve des faits. Les
modèles objectifs des années 60 se sont en effet avérés peu efficaces face
aux incertitudes des années qui ont suivi la période de croissance d'après-
guerre. Par la suite, le management stratégique a souffert de son manque
de formalisation, notamment dans \' expression séduisante qu'en donnaient
les adeptes de l'excellence. La Qualité Totale est ainsi apparue comme un
schéma général d'autant plus intéressant qu'il était réputé avoir fait ses preu-
ves dans \' industrie japonaise, et c'est dans cette continuité que la norma-
lisation internationale a élaboré un référentiel reconnu à partir des normes
ISO. Dans le même temps, de nombreuses associations d'experts et d'in-
dustriels développaient des modèles plus évolutifs décrivant les éléments du
TQM (Total Quality Management) ou du CWQC (Company Wide Quality
Control). L'Europe, à son tour, s'engageait dans cette voie avec la création,
en 1988, de l'European Foundation for Quality Management (EFQM) qui
allait développer le référentiel d'autoévaluation servant, pour partie, de
trame à ce travail.
On pourrait objecter que de nouveaux concepts, apparus au cours de ces
dernières années, tendent à confirmer l'hypothèse de modes soumises au
bon vouloir de certains chercheurs et, plus encore, de conseils habiles à
promouvoir des approches innovantes. Une observation attentive de ces dé-
marches, comme le henchmarking ou le reengÎneerÎng, montre qu'elles se

1. Ces questions ne seront donc pas abordées au cours de l'exposé qui va suivre. On peut d'ailleurs se
demander si elles peuvent faire l'objet d'une procédure d'audit. Dans la plupart des cas, le manque de
référentiel et de normes est tcl que les recommandations évoluent avec le temps de façon éventuellement
contradictoire. Auditer de telles situations n'aurait pas de sens.
8 L'audit stratégique

présentent plus comme des compléments ou des évolutions de la Qualité


Totale que comme des formules réellement nouvelles. Le reengineering, par
exemple, apparaît d'abord comme un moyen d'améliorer un facteur clé de
la qualité, en l'occurrence le processus, plutôt que comme une démarche
vraiment autonome.
Au total, la chronologie de l'approche retenue tout au long de cet exposé
est synthétisée dans la figure 1-1 dont l'élément essentiel est le référentiel
du prix européen de la qualité (appelé par la suite modèle EFQM 2).

Le nouveau modèle EFQM


(Source: EFQM. Rome, projet n° 1, avril 1998).

Mise en œuvre des processus [:> '----~


Résultats C>
1Politique et stratégie 1 Clients

Personnel et Personnel et
Processus Performances
1 compétences 1 compétences
Leadership orientés de
Ressources cliients l'organisation
1 1 Société

Partenariats Partenaires
1 1

~ Innovation et apprentissage

Figure 1-1. Chronologie de la demande.

2. Le modèle EFQM reproduit ici dans le cadre inférieur de la figure 1.1 est un projet de révision en
date des 29 et 30 avril 1998, présenté à l'occasion des journées « Leaming Edge Conference 1998}) à
Rome. Notre objectif n'étant pas de décrire avec précision ce modèle particulier, on se contentera de
signaler les modifications majeures associées à cette nouvelle présentation. On notera d'abord qu'elle
comporte désormais deux rubriques nouvelles que l'on peut traduire par : «partenariats» et « partenai-
res ». L'accent a été ainsi mis sur les partenariats divers dont on sait l'importance qu'ils ont en Qualité
Totale où on les associe notamment à l'idée de processus inter-entreprises. La rubrique personnel, au-
trefois présente à gauche du modèle sous l'intitulé « gestion des ressources humaines» et à droite sous
celui de « satisfaction du personnel », s'est vue associée à l'idée de «compétences» dont l'acquisition
est à la fois garante de l'efficacité de l'organisation et de la satisfaction de ces ressources humaines.
Introduction 9

Ce schéma ne sera laissé de côté qu'à deux occasions.


Une première fois avec l'audit de la satisfaction des clients pour lequel il
sera en effet nécessaire de réintroduire les facteurs visibles de la qualité du
produit, des services associés et les signaux de valeur transmis par l' entre-
prise. C'est ce qu'illustre la figure 1-2 ci-après.

Causes indirectes
de la satisfaction des clients
(Qualité des facteurs mis en
oeuvre = modèle EFQM)

Causes directes 1 Satisfaction des clients 1


de la satisfaction des clients
(Qualité du produit, des ser-
vices et des signaux de
valeur émis par la firme)

Figure 1-2. L'audit de la satisfaction des clients.

Dans une seconde situation, on sera confronté aux cas dans lesquels le mo-
dèle peut être considéré comme incomplet sur certains points. On peut ainsi
lui reprocher de ne pas faire une place suffisante à l'organisation et aux
structures, alors même que l'on sait le rôle joué par ces composantes dans
les politiques de Qualité Totale et, plus généralement, dans la conduite d'une
stratégie. Ces facteurs seront abordés à l'occasion du chapitre 8 (L'audit des
facteurs clés).
Les fondements
de l'audit stratégique

Cette première partie vise à expliquer le choix d'une approche de l'audit


stratégique à travers les méthodes de la Qualité Totale. On va montrer com-
ment s'établit une convergence entre les méthodes de la qualité et celles de
la stratégie, au point de fournir un outil réellement novateur.
1

L'état de la stratégie

« Ce ne sont pas les produits et les marchés qui servent de clé de voûte
dans la construction d'une stratégie mais les processus de fonctionnement
dans l'entreprise.
Le succès d'une entreprise dépend de la transformatioll réussie des pro-
cessus clé d'une entreprise en compétences stratégiques, fournissant de
manière permanente et cohérente Ulle valeur supérieur!' au client. »
G. Stalk, P. Evans, L. Shulrnan,
Les /louvelles règles de la 5tratégie,
Harvard-L'Expansion, 1992.

Aborder le problème de l'audit stratégique pose d'abord celui d'une défi-


nition de la stratégie. Cette activité essentielle pour la firme s'est en effet
considérablement développée et modifiée depuis les années 60 qui virent la
naissance du modèle dit de Harvard l , et il est devenu difficile d'en apprécier
le contenu contemporain et les limites".

1. E. Leamed, C. R. Christensen, R. Andrews, W. O. Guth. Business l'0lin, R. D.Irwin, 1965.


2.P. Joffre, G. Koenig, L'évolution de la pensée stratégique. Revue Française de Gestion, Mars-AvriI-
Mai I9~~. M. de Kare-Silver, Strateg)' in crisis. Wh)' business urgent/y needs a ('ompletely Ilew approach,
MacMillan Business, 1997.
14 L'audit stratégique

Il n'est pas certain que les professionnels se retrouvent dans ces énoncés à
usage académique dont l'interprétation se prête à des débats sans fin. Dans
une perspective pratique, il nous a semblé plus simple d'exposer les grands
traits de l'évolution du sujet avant de mettre l'accent sur une tendance nou-
velle qui intègre les processus dans la problématique de la stratégie.

1.1 De la stratégie délibérée aux stratégies émergentes

1.1.1 Le modèle de Harvard


Les premières approches modernes de la stratégie s'inscrivent dans une vo-
lonté de rationalité, probablement liée à un mouvement général de la pensée,
caractéristique des années d'après-guerre. La relative stabilité de l'environ-
nement sur une période de plus de vingt ans facilite cette approche en ren-
dant plus acceptable l'idée d'une planification à moyen et long terme.

3. H. Mintzberg, Grandeur et décadence de la planification stratégique. Dunod, 1994.


4. G. Hamel, C. K. Prahalad, Les stratèges du soleil levant. Harvard-l'Expansion, automne 1990 ou La
stratégie à effet de levier. Harvard-l'Expansion, été 1993.
L'état de la stratégie 15

C'est ce que traduit le modèle LCAG (Leamed, Christensen, Andrews et


Guth) publié en 1965 5 et reproduit ci-après, sous une forme simplifiée
(cf figure 1-1).

Analyse externe

Opportunités -
Menaces Politiques
fonctionnelles
Choix
~ stratégiques -. Production
Analyse interne Finance
Marketing
1-- R& D ...
Forces
Faiblesses

Figure 1-1 Le modèle LCAG.

Cette première approche se prolongera dans des travaux issus de groupes


de consultants comme le Boston Consulting Group (BCG) ou A. D. Little .
Elle s'exprime à travers les classiques matrices de domaines, qu 'elles soient
surtout pédagogiques comme le vecteur de croissance (Ansoff, 1965), ou
supposées opérationnelles comme les matrices «croissance - part de mar-
ché » du BCG.
Les perturbations de l'environnement apparues dès la fin des années 60, de
même que les limites opérationnelles des matrices, rapidement atteintes, af-
faibliront ces démarches 6 . Souvent élaborées dans la perspective de la di-
versification, elles auront aussi à souffrir des orientations de recentrage de-
venues dominantes vers la fin des années 70. Enfin, l'incidence du facteur
humain et le rôle des groupes de pression (internes ou externes), trop né-
gligés dans cette dimension à dominante rationnelle, imposeront la recherche
de voies nouvelles.

1.1.2 Le modèle « politique»


Dès lors, il apparaît qu'il est tout à fait restrictif de s'en tenir à une vision
mécaniste de l'entreprise dans son environnement. Celle-ci doit en effet

5. Op. cil.
6. F. Carrance. Splendeurs el misères des IIIlIlrices slraléKiques. Annales des Mines. mars 1988.
16 L'audit stratégique

s'organiser en fonction des préférences de groupes de pression, les fameux


stakeholders, qui vont peser sur la décision et la mise en œuvre de la stra-
tégie. A. Ch. Martinet met clairement en évidence cette dimension politique
(cf figure 1-2)7.

~ Diagnostics

.. Buts

o Choix

Processus de
décision
stratégique
.........

Figure }-2 Stratégie et jeu des influences sociopolitiques (d'après A. Ch. Martinet).

Le fait nouveau réside dans 1'apparition de «préférences », à la fois internes


et externes, que le dirigeant doit intégrer dans sa décision. Ainsi va-t-on
opérer dans Je cadre d'un système de coalitions plus ou moins temporaires,
qui rendent aléatoire la poursuite d'un véritable optimum économique.

L'entreprise doit assimiler cette nouvelle donne et c'est ce que suggère le


modèle européen d'autoévaluation (EFQM) en faisant, pour ce qui est des
résultats, une large place à la satisfaction du personnel (préférence des ac-
teurs internes), et à sa propre intégration dans la vie de la collectivité (pré-

7. A. Ch. Martinet, Management stratégique: organisation et politique, McGraw-Hill, 1984.


L'état de la stratégie 17

férence des acteurs externes), étant entendu que ces résultats influeront à
leur tour sur la définition de la stratégie future .
Si la démarche stratégique est désormais placée sous influence, interne ou
externe, elle reste néanmoins intentionnelle. Le «noyau stratégique»
s'adapte à des pressions diverses mais décide finalement. Au-delà de cette
situation, la stratégie peut-elle aussi échapper, pour partie, à ceux qui en ont
la responsabilité?

1.1.3 La stratégie émergente


Que la démarche stratégique soit totalement rationnelle ou qu'elle intègre
des rapports de forces, elle est jusqu'à présent le résultat du travail d'un
« noyau» ou d'un comité qui en dernier ressort estime être seul responsable
de la stratégie adoptée.
Mintzberg (cf figure 1-3) rompt alors avec les approches traditionnelles en
distinguant deux sources d'une stratégie réalisée : une origine volontariste
(stratégie intentionnelle) et une origine spontanée (stratégie émergente).

Stratégie
intentionnelle

Stratégie

Stra~é~ie.
reallsee
non Il réalisée

Origine : tous
niveaux, y
compris
opérationnels

ZONE D'APPRENTISSAGE

Figure 1-3 Les modes de formation de la stratégie.


(Source: Mintzberg. Grandeur et décadence de la planification stratégique).

La stratégie intentionnelle est celle qui correspond largement à la planifi-


cation au sens classique du modèle de Harvard. Confrontée aux pressions
de l'environnement comme aux réalités internes, elle perd une partie de son
18 L'audit stratégique

contenu à l'épreuve des faits (stratégie non réalisée), mais conserve - heu-
reusement - une part de ses intentions (stratégie délibérée).
La stratégie émergente est celle qui résulte de comportements non néces-
sairement initiés par la hiérarchie, pouvant être provoqués par des acteurs
au sens où l'entend A. Ch. Martinet, et dont la généralisation peut infléchir
ou compléter la stratégie délibérée: les forces de vente peuvent ainsi, de
facto, modifier une cible de clients, les chercheurs peuvent privilégier des
pistes inattendues... À partir d'un certain stade de généralisation, les
«initiatives locales» sont en mesure de constituer un élément fort de la
stratégie de l'organisation.

Qtl$ }las, par' ~f6Jiti()n,lllt'Ùtl~,_j}i


JtV;tÛîi1;tll1sÇj~fi~Q~aqte1ïr!l quj, Vi·
~&$ Îllitj~ive:$ 1ft, .
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lît . ~~l!uggt$fi()ns,
qlli V9.Il, nQ~~tlt tflfuVé<Î' Ieptpllilêl;i4atl$ la

Il est alors nécessaire d'interpréter au plus vite les signaux de la stratégie


émergente pour les intégrer dans la formalisation et la réalisation de la stra-
tégie intentionnelle soit pour en tirer profit, soit pour en infléchir des effets
jugés pervers.
Une stratégie efficace doit tenir compte de ces deux sources. La stratégie
délibérée exprime la capacité de contrôle de l'organisation, la stratégie émer-
gente peut traduire une capacité d'apprentissage. Comme l'écrit Mintzberg :
«les stratégies émergentes ne sont pas nécessairement mauvaises et les
stratégies délibérées ne sont pas nécessairement bonnes; les stratégies ef-
ficaces mêlent ces caractéristiques d'une façon qui reflète les conditions du
moment, en particulier la capacité de prédire aussi bien que le besoin de
réagir à des événements imprévus 8 ».
Tout ceci présente des conséquences:
• Les stratégies efficaces ne sont pas le résultat de processus purement dé-
libérés. L'idée même de « stratégie délibérée» tend à occulter la recon-
naissance de la stratégie émergente et l'expression est donc révélatrice de
la pratique consistant à l'ignorer.

8. H. Mintzberg. Op. cil.


L'état de la stratégie 19

• L'existence d'une stratégie émergente exclut l'hypothèse classique suivant


laquelle la stratégie émane d'un centre spécialisé. En fait, presque tout le
monde dans l'entreprise peut être amené à jouer un rôle de stratège .
• La distinction classique entre stratégie et tactique perd ainsi une bonne
partie de son sens puisque l'on admet que l'adoption collective de tacti-
ques peut influer sur le contenu de la stratégie.

Ce dernier point est probablement le plus important dans cette évolution.


Traditionnellement, la démarche stratégique a privilégié l'analyse du
processus de décision ou la présentation d'options jugées majeures comme
la diversification, la concentration, les alliances, etc. La séparation entre le
stratégique et l'opérationnel était ainsi érigée en règle de gestion: les acteurs
étaient généralement différents, de même que leurs champs d'intervention
et de responsabilité. Désormais, tout un courant d'analyse juge nécessaire
d'opter pour une vision moins radicale, incluant notamment certaines acti-
vités opérationnelles dans le domaine de la stratégie, dès lors qu'elles peu-
vent en infléchir le cours.

Le diagnostic comme l'audit de la stratégie ne peuvent ignorer cette trans-


formation. Si la pertinence des choix effectués (stratégie intentionnelle) reste
importante, l'état de leur mise en œuvre (stratégie délibérée) et le rôle des
acteurs (notamment à travers la stratégie émergente) deviennent des élé-
ments essentiels pour l'interprétation des résultats.

1.2 Des diagnostics fonctionnels aux diagnostics


des processus

L'évolution que nous venons de présenter correspond aussi à tout un courant


de réflexion stratégique qui, à propos d'une analyse de l'avantage concur-
rentiel, conduit à privilégier une approche en termes de « chaîne d'activi-
tés ». Cette approche, développée à la fin des années 70, va mettre l'accent
sur les processus et leurs liaisons, pour identifier les forces et les faiblesses
d'une entreprise, l'idée même de processus séquentiel s'opposant à une phi-
losophie fonctionnelle. La chaîne de valeur décrite par M. Porter élargira
cette perspective en introduisant la notion de « fonctions de soutien» dont
la caractéristique première réside dans leur transversalité 9 •

9. M. Porter. [.·avi/1ltage C1111(·urrenliel. Dunod. Paris. 1997.


20 L'audit stratégique

Dans l'approche fonctionnelle, chaque partie du diagnostic interne condui-


sait à évaluer une fonction tandis que, dans les démarches actuelles, chaque
étape évaluera un processus, éventuellement transfonctionnel, dans sa con-
tribution à un résultat final qui est la satisfaction du client ou de l'utilisateur
(cf figure 1-4)10.

Diagnostic
Diagnostic
ressources
dirigeants
humaines

Client Client
Diagnostic
marketing
Diagnostic
production
observé

..
satisfait

Conception, fabrication, logistique, vente, après-vente


Diagnostic Diagnostic
financier organisation

1. Conception fonctionnelle 2. Conception en processus


du diagnostic du diagnostic (séquences d'activités)

Figure 1-4 Les deux approches de l'évaluation.

Certains facteurs ne peuvent être clairement mis en évidence qu'avec cette


dernière approche, c'est le cas du tempsll. Facteur de compétitivité par la
réduction des coûts et par le raccourcissement des délais, il implique parfois
une réorganisation des activités comme le montrent les politiques d'ingé-
nierie simultanée. La maîtrise du temps peut ainsi devenir une arme con-
currentielle décisive.
L'évolution du concept de Qualité Totale (cf chapitre 2) rejoint aussi ces
préoccupations. Là encore, dans un premier temps, l'attention avait été
concentrée sur le seul produit et, par voie de conséquence, sur la fonction
de production. Dans un ouvrage important, M. lmai insiste à son tour sur
la place des activités transfonctionneUes au regard de la performance de
l'entreprise I2 . La notion de Total Quality Management (TQM) est insépa-

10. Le lecteur aura remarqué que le système comptable, source d'information de base, reste essentiel-
lement calqué sur la structure ct qu'il favorise de ce fait une approche fonctionnelle, limitant ainsi les
possibilités de généralisation immédiate d'une analyse des processus.
Il. G. Stalk, Jr et T. M. Hout. Competing against lime, The Free Press, 1990.

12. M. Imai, KaiUIl, Eyrolles, 1989.


L'état de la stratégie 21

rable de cette perspective lorsqu'elle traduit le passage d'une qualité stric-


tement industrielle, donc essentiellement fonctionnelle, à une qualité globale
face à laquelle toutes les fonctions doivent s'agencer. Cette constatation
s'exprime parfois dans des structures adaptées à la gestion de la transfonc-
tionnalité, caractérisées par des fonctions «d'ordre supérieur », comme la
qualité, ayant autorité sur les fonctions classiques telles que la production,
le marketing, la finance, etcY.
Le modèle de M. Porter allait fournir une remarquable trame pour l'obser-
vation des processus stratégiques (cf figure 1-5) en constatant que, dans la
majorité des opérations d'évaluation, on est amené à observer simultanément
les activités dites principales et les activités dites de soutien. Une série d'ac-
tivités individuellement satisfaisantes peut en effet produire un résultat non
satisfaisant en l'absence d'une efficacité de certaines fonctions transversales.
Ainsi, par exemple, une optimisation du stockage (processus logistique)
pourrait être globalement inefficace au regard d'une concurrence ayant
adopté une stratégie de flux tendus (choix stratégique de production). De
même, une optimisation du processus production pourrait-elle être condam-
née par un choix stratégique de délocalisation. De façon encore plus globale,
l'ensemble des processus pourrait être mal orienté par le fait d'une définition
non satisfaisante des buts et des objectifs de l'organisation.

Stratégie et
structures. Qualité et continuité de la stratégie. transversalité des p~océdures.
1 1 1
Gestion
ressources FOfrilation!1IJP<>r&lf\l"\El!? Niveau.. dJ'l p~rtjcipf'JiQ':' 161 d((mplicâtion.
o;y!!lèrre d'iotér<1$.èmènt. pyr~midedel; figes. . :
humaines

R&D Compétences tec~nologiques.


1
1
Au(r$ fof)ctiqn~ ~n$\iers!,res.
1 1
• Juste~à-temps :. Haut niveau : • Zéro délai.
1 de qualification 1
1 1
1
1

, ogistique Production Logistique Commerciali- Services


interne externe sation et vente

Figure 1-5 Chaîne d'activité, chaîne de valeur et processus stratégiques.


(d'après M. Porter, L'avantage concurrentiel, 1997).

13. M. Imaï. op. cil.


22 L'audit stratégique

Il reste que la distinction entre activités de soutien et activités principales,


telle qu'elle résulte de l'analyse de M. Porter, demeure trop globale dans
une perspective pratique de diagnostic. La définition séquentielle des ac-
tivités principales tend en effet à voiler le rôle des actions qui vise-
raient à reconsidérer la séquence elle-même. Si les activités sont souvent
transfonctionnelles, elles peuvent aussi rompre avec la chronologie classique
de leur réalisation et créer ainsi un avantage compétitif important: c'est ce
qu'exprime la figure 1-5 qui superpose sur le modèle de M. Porter des sé-
quences privilégiées telles que la gestion des commandes ou encore l'ingé-
nierie simultanée.

Le diagnostic devrait aussi être complété par des « mesures» de la synergie


entretenue avec des chaînes de valeur d'entreprises voisines dans une pers-
pective de «système de valeur» (cf figure 1-6).

Référentiel: chaînes de valeur des concurrents

Chaîne de valeur partenaires

sArgies/
Synergies rriZO~
verticales
Chaînes de valeur
Firmes aval
Synergies internes

Chaînes de valeur Chaîne de valeur firme X


Firmes amont Synergies
verticales

Figure 1-6 Le système de valeur de l'entreprise.


(Source: M. Weill, Le management stratégique, Armand Colin, 1992).

Cette mise en évidence du système de valeur conduit à considérer des pro-


cessus stratégiques au moins partiellement extérieurs à l'entreprise, mais
inclus dans son système de valeur. C'est le cas, par exemple, dans l'hypo-
thèse d'un équipementier associé au processus de conception d'un nouveau
produit. La démarche conduira à identifier de nombreux processus dont il
conviendra d'apprécier le caractère stratégique; or, un processus est straté-
L'état de la stratégie 23

gique en raison de la valeur qu'il crée et cette observation renvoie notam-


ment à M. Porter pour qui cette création peut s'exprimer de trois façons l4 :
• le processus diminue les coûts d'opérations du client;
• le processus améliore la performance du client;
• la communication de l'entreprise (signaux de valeur) renforce ces percep-
tions.
En conclusion, on notera que la chaîne de valeur apporte des pistes impor-
tantes pour la formulation d'une stratégie dans une perspective de processus
comme pour l'interprétation des résultats de cette stratégie.
Ce chapitre nous a permis de décrire succinctement l'évolution du modèle
stratégique jusque dans ses formes les plus récentes, mettant en avant l'ap-
proche par les processus l ). Les proximités avec la notion de Qualité Totale
sont déjà nombreuses. Elles vont se préciser au cours du chapitre suivant
consacré à l'état actuel de la Qualité Totale.

14. M Porter. O{J. cil.


IS. Cette question du rôle des processus est largement discutée dans l'article de J.-c. Tarondeau : Les
frOl/fières du III1IIWRetl/elif stnlfégique. Ccressec. septembre 1996.
2

L'état de la Qualité Totale

Ce chapitre vise à montrer l'existence, à propos de la qualité, d'une évo-


lution parallèle à celle relevée dans le domaine de la stratégie. La qualité,
initialement strictement fonctionnelle, est ainsi devenue progressivement
stratégique relevant dès lors d'une procédure de décision et de suivi proche
de celle de la stratégie elle-même. De façon plus récente, il y a eu prise de
conscience du rôle joué par les processus et les opérateurs dans la réalisation
d'une qualité finale et l'importance des niveaux opérationnels s'en est trou-
vée confortée. Il est tentant, par analogie avec l'expression de Mintzberg,
d'évoquer ici l'idée d'une « qualité émergente» dont il est nécessaire que
l'entreprise se préoccupe pour en contrôler les effets.
Avec le temps, la notion de qualité a donc acquis une densité considérable
qui conduit à une nécessaire clarification. La figure 2-1, constituée à partir
d'un texte de J. Chové, contribue à en tracer les limites 1.

1. Gérer et assurer la qualité. AFNOR. tome 1. 1994.


26 L'audit stratégique

Domaine Contenu

Qualité du produit « La qualité d'un produit (bien ou service) est son aptitude
à satisfaire les besoins de ses utilisateurs. »

Qualité «La qualité d'une production réside dans son aptitude à produire
de la production au moindre coût des produits satisfaisant les besoins de leurs
utilisateurs. »

Qualité « La qualité (quelquefois dite « Qualité Totale ») consiste


de l'entreprise en la mise en œuvre d'une politique qui tend à la mobilisation
permanente de tout son personnel pour améliorer:
- la qualité de ses produits et services,
- l'efficacité de son fonctionnement,
- la pertinence et la cohérence de ses objectifs, en relation
avec l'évolution de son environnement. »

Qualité sociétale « ... la qualité d'une entreprise (qui est liée à la qualité de sa
de l'entreprise politique ou de son projet), tient essentiellement à sa capacité
d'innover, de créer de la valeur ajoutée (sur le plan matériel,
comme sur celui des connaissances, des valeurs, ... ), et à la
partager au mieux entre les parties prenantes (clients,
fournisseurs, employés et actionnaires, et la société,
communauté sociale) en respectant ou protégeant
l'environnement physique (écologie).
Cette dernière acception du terme reconnaît à la qualité une
dimension éthique et morale. »

Figure 2-1 Les dimensions de la qualité


(d'après J. Choyé).

2.1 Du contrôle de la qualité à la Qualité Totale


Le but n'est pas de reprendre ici l'ensemble de l'évolution historique du
phénomène de la qualité. Le lecteur, même peu averti du sujet, en connaît
certainement aujourd'hui les aspects essentiels.

2.1.1 La qualité fonctionnelle


Pendant une longue période, la qualité a été aSSOCIee au produit et donc
liée, pour l'essentiel, à la fonction de production ou encore à une fonction
qualité spécifique.
L'état de la Qualité Totale 27

• Le contrôle de la qualité
Pendant la première moitié du xx e siècle, la qualité est essentiellement fon-

dée sur des procédures de contrôle qui apparaissent au cours des diverses
étapes d'un processus, soit de façon exhaustive, soit sur la base d'échantil-
lons. Les développements de la statistique probabiliste dans les pays anglo-
saxons permettent d'ailleurs d'affiner ces procédures et d'en réduire le coût.
Cette première étape de l'analyse de la qualité conserve encore une impor-
tance considérable, qu'elle provienne de procédures systématiques mises en
œuvre par les services qualité de l'entreprise ou encore de situations plus
ponctuelles, liées à l'activité de groupes de progrès ou de cercles de qualité.

• L'assurance qualité
Vers le milieu du siècle, des produits plus complexes et parfois porteurs de
risques élevés (énergie, transport, armement, ... ) vont condamner progressi-
vement une démarche fondée sur la seule observation du produit intermé-
diaire ou du produit fini. La prise en compte des coûts de la non-qualité
plaidera dans un même sens, justifiant désormais d'une approche plus pré-
ventive et toujours largement fondée sur les statistiques. Le temps est arrivé
pour ce que l'on appellera l'assurance qualité, que l'on définira comme
« la mise en œuvre d'un ensemhle approprié de dispositions préétablies et
systématiques, destinées à donner confiance en ['obtention régulière de la
qualité requise ».

• Qualité et analyse de la valeur


Dès la fin de la Seconde Guerre mondiale, la notion de qualité commence
à être associée à la correspondance qui s'établit entre le produit de l'entre-
prise et les fonctions que le client entend lui voir remplir. La qualité est
désormais relative à l'attente de ce consommateur au regard de fonctions
génératrices de valeur et l'on s'est en principe assuré que la hiérarchie de
ces attentes était compatible avec celle des coûts de mise en œuvre de la
solution industrielle.

2.1.2 Qualité Totale et normes


L'assurance de la qualité induit naturellement une double dimension. Elle
est à la fois une démarche préventive pour l'entreprise qui la développe et
une garantie pour les clients de cette même entreprise. De ce second point
de vue, la garantie apportée n'aura de sens que pour autant que le client
aura pu apprécier l'importance des efforts engagés afin de prévenir les
28 L'audit stratégique

dysfonctionnements éventuels. De ce fait, management de la qualité et as-


surance de la qualité sont inséparables et justifient d'une normalisation
(cf figure 2-2) qui devrait être révisée en l'an 2000.

Management de la qualité Q ISO 9004-1

• Définition de la politique qualité (orientations, objectifs,


responsabilités)
Management
• Planification de la qualité (exigences pour la qualité)
de l'entreprise
• Amélioration de la qualité (comprenant les aspects
économiques)

Système qualité

Structure organisationnelle pour mettre en œuvre


le management de la qualité

Maîtrise Assurance Q ISO 9001/2/3


de la qualité de la qualité

Activités et techniques Activités pour assurer que Relations clients/


opérationnelles pour les exigences qualité sont fournisseurs
satisfaire les exigences satisfaites (pour donner Audits
qualité (faire la qualité) confiance en externe), sur
la base d'audits Q ISO 10011

Figure 2-2 Structure des normes relatives à la qualité - 1997


(Source: Afnor).

Une réflexion plus générale sur le thème de la qualité conduit les industriels
à développer un concept, la Qualité Totale, et des démarches voisines des
prescriptions de la normalisation. Le rapprochement entre ces différentes
conceptions est inscrit dans le projet de révision devant se traduire par une
future famille de normes ISO 9000 allégée.

2.2 De la Qualité Totale à la qualité stratégique

2.2.1 Qualité Totale et stratégie


La question sous-jacente est ici de savoir si la Qualité Totale peut être
considérée comme une démarche stratégique et la réponse que l'on se pro-
pose d'apporter consiste à affirmer qu'elle est beaucoup plus que cela en
L'état de la Qualité Totale 29

étant présente à tous les niveaux de la démarche puis à toutes les étapes de
sa mise en œuvre.

• La Qualité Totale
La notion de Qualité Totale connaît ses premiers développements majeurs
à la fin des années 60. C'est en 1969 que s'instaure le débat classique entre
l'approche américaine (Total Quality Control) et celle japonaise (Company
Wide Quality Control), réputée plus globale.

Plus simplement, on rappellera la définition proposée par la norme ISO 8402


qui fait référence au management total de la qualité: « mode de management
d'un organisme, centré sur la qualité, basé sur la participation de tous ses
membres et visant au succès à long terme par la satisfaction du client, et
à des avantages pour tous les membres de l'organisme et pour la société »2.

La Qualité Totale est souvent présentée à travers les modèles dits des « prix
qualité» qui en proposent une description synthétique. On a reproduit ici le
modèle européen dans sa formulation d'origine, qui devrait encore s' appli-
quer en 1999 (cf figure 2-3)3.

1 Gestion du personnel
9%
~
-1
Satisfaction
du personnel
9%
~
rr
1 1
RÉSULTATS
~ ~
l
Satisfaction
LEADERSHIP Politique & Stratégie PROCESSUS OPÉRATIONNELS
8 0/ 0 des clients
10% 14 % 15%
20%
1

Ressources
1-
H 1

Intégration dans la

H 9% vie de la collectivité
6%

FACTEURS (enablers) 50% RÉSULTATS 50%


... ~ ... ~

Figure 2-3 Le premier modèle européen de la qualité totale


(Source: EFQM).

2. AFNOR. Gérer et assurer la qualité. 1996, (Norme ISO 8402).


3. Le projet de nouveau modèle a notamment été reproduit dans l'introduction de cet ouvrage. Le débat
sur l'analyse de son évolution n'entre pas dans notre propos.
30 L'audit stratégique

Cette représentation montre la division du modèle en deux groupes de com-


posantes : les facteurs de la qualité totale et les résultats. Dans l'application
au prix européen de la qualité, ces deux groupes sont pondérés à l'identique
(50 %) .

• La relation Qualité Totale-stratégie


On peut illustrer le processus stratégique sous la forme d'une
boucle d'activités et associer à chacune d'elles un contenu Qualité Totale
(cf figure 2-4). La colonne centrale de ce tableau (intensité de la relation)
évalue grossièrement l'importance du lien repéré entre le processus straté-
gique et la Qualité Totale. Ainsi, s'agissant de la définition de l'ambition
stratégique de la firme, l'approche Qualité Totale n'apporte pas d'efficacité
particulière. L'ambition au sens de Prahalad et Hamel porte plus sur des
choix « produit-marché-technologie » que sur la façon dont ces choix seront
mis en œuvre. En revanche, s'agissant des buts stratégiques, la Qualité To-
tale fournira un cadre général à leur définition en les situant par référence
à la satisfaction du client.

Le processus Intensité La Qualité Totale


stratégique de la relation

1. Définir l'ambition (-) Impact minime sur cette phase du processus


plus orientée" produit-marché-technologie ,.

2. Préciser les buts (+) La notion de Qualité Totale fournit un cadre


conceptuel aux buts stratégiques en les
situant dans une perspective de satisfaction
du client ou d'exigences de la société.

3. Fixer les objectifs (++) La qualité va introduire des objectifs moins


strictement financiers que ce qui est
habituellement proposé en substituant, selon
l'expression de J.-M. Juran, le langage des
choses à celui de l'argent".

4. Établir un (+) La qualité, et notamment la norme, vont


diagnostic interne hiérarchiser les facteurs clés du diagnostic
interne.

Figure 2-4 La relation Qualité Totale-stratégie.

4. Il s'agit là d'une préoccupation désormais classique que l'on trouve dans de nombreux ouvrages ct
articles; on citera, par exemple, J. Hoffecker et C. Goldenberg. Pour s·améliorer. il faut d'abord savoir
s 'évaluer, L'Expansion Management Review. 1994.
L'état de la Qualité Totale 31

Le processus Intensité La Qualité Totale


stratégique de la relation

5. Établir (+) La qualité, et notamment la norme, vont


un diagnostic hiérarchiser les facteurs clés du diagnostic
externe externe et restituer au client sa place
privilégiée (ainsi qu'à tous ceux que l'on range
sous l'appellation de stakeholders)

6. Choisir (- ) Sauf hypothèse d'une stratégie de Qualité


une stratégie Totale!

7. Définir (-) Idem


des politiques

8. Mettre en œuvre (++) La qualité va fournir une trame à l'exécution


des politiques

9. Contrôler (++) Cf. supra, l'importance des indicateurs non


les performances financiers (point 3)

10. Recommencer (++) La qualité introduit (ou confirme) l'idée de


boucle d'amélioration continue (roue de
Deming)

Figure 2-4 (suite) La relation Qualité Totale-stratégie.

Pour de nombreux auteurs, la Qualité Totale tend de plus en plus vers un


contenu stratégique au fur et à mesure qu'eHe s'enrichit de nouveHes com-
posantes. Ainsi, B. T. Gale voit-il une évolution en quatre phases dont la
dernière correspond tout à fait à cette dimension (cf figure 2-5)5. Fortement
influencé par le modèle Baldrige, ce schéma va privilégier en phase 4 un
management de la qualité sur la base de la valeur client.
Le schéma de B. Gale présente l'intérêt de préciser les facteurs d'extension
du concept de Qualité Totale. La formulation classique correspondait à
l'étape 2 avec la prise en compte de la satisfaction des consommateurs. Un
premier élargissement intervient avec celle du marché cible (incluant les
clients de nos concurrents) et l'analyse de la concurrence: c'est une vision
extensive de la Qualité Totale (étape 3). Un nouveau pas est franchi avec
la volonté de faire de la Qualité Totale une base de la stratégie de l' orga-
nisation (étape 4).

5. Bradley T. Gale. Managing eus/omer Value, The Free Press. 1994, mais aussi: Robert D. Buzzell
& B. T. Gale. The P1MS Princip/es. The Free Press, 1978 et 1987.
32 L'audit stratégique

Gustomer Value Management


.... ................. ~

Total Quality Management


.... ...•.~ • Utiliser les outils de
Efficacité l'analyse de la valeur client
croissante pour:
- évaluer notre compétiti-
vité
~ - choisir nos activités
• Être ~Ius proche du - investir
marc é (clients et chents

~
des concurrents) que - acquérir des actifs
nos concurrents
• Aligner toute notre'
• Comparer nos organisation (personnes
performances et celles et processus) sur l'évolu
des concurrents tion des besoIns de notre
• Conformité • Être proche du client marché-cible
• Bien du premier coup • Comprendre pourquOI on
• Comprendre ses gagne ou on perd
• Diminution des défauts besoins et attentes
• Être dirigé par le marché

/
• Être dirigé par le
clIent

.
Étape 1 Étape 2 Étape 3 Étape 4
Qualité-con1ormité Satisfaction du Perception de la qualité La qualité base du
consommateur par le marché et valeur management par la valeur
relative par rapport aux client
concurrents

Marché cible et Rôle central de la qualité et de


Accent sur ~ Opérations internes Clients performances par rapport la valeur dans la construction
aux concurrents stratégique

Figure 2-5 Qualité Totale et stratégie.


(Source: B. T. Gale, Managing Customer Value, The Free Press, 1994).

2.2.2 Qualité Totale et autoévaluation


T. Conti 6 , l'un des créateurs du modèle européen d'autoévaluation, plaidait
pour une évolution du modèle en distinguant entre les normes (ISO) et les
modèles, ces derniers étant présumés par nature plus flexibles. La répartition
correspondante des rôles est exprimée dans la figure 2-6.

6. Tito Conti, Improving the model, European Quality Award Special Report. 1995.
L'état de la Qualité Totale 33

Concepts Domaine Diversification


en développement des modèles ~ compétitive
d'autoévaluation

Domaine
des prix qualité

Concepts Bases
Domaine
en maturité préconcurrentielles
des normes

Figure 2-6 Les domaines de la qualité.

Ce positionnement n'est pas figé: les normes ont tendance à s'élever7 et il


en est de même pour les exigences des prix qualité. L'autoévaluation tire
ainsi, en quelque sorte, le train de la qualité.
T. Conti (1995) proposait une reformulation du modèle (cf figure 2-7).

PERSONNEL

RESSOURCES

FACTEURS MISSIONS

Figure 2-7 Un nouveau modèle d'autoévaluation


(d'après T. Conti, European Quality Award Special Report, 1995).

Le bloc de droite reprend les missions de base de l'entreprise: satisfaction


du consommateur débouchant sur une préférence au moment de l'achat
(c'est-à-dire satisfaction relative par rapport à la concurrence), obtention des
buts et objectifs à court et long terme, et satisfaction des parties prenantes:
employés, clients, actionnaires, société, ... La référence aux «parties pre-
nantes » est plus large que l'approche habituelle du prix européen.

7. On rappellera à nouveau que la révision prévue des normes (2000) confirme cette évolution.
34 L'audit stratégique

Le bloc de gauche représente les «facteurs» du prix européen. La case


« organisation» est cependant nouvelle (au sens d'organisation des ressour-
ces humaines, financières et matérielles). Quant on sait le rôle déterminant
des structures et de cette organisation au regard de la Qualité Totale, on
comprend sans peine cette nouveauté.
Le bloc central représente les processus. Ce bloc central est encore une
nouveauté par rapport au schéma du prix EFQM. Il résulte de la double
dimension des processus. Il y a d'abord l'ensemble de ces processus qui
s'insèrent dans l'organisation et qui font partie des facteurs élémentaires. Il
y a ensuite, à la frange des missions, les processus clés qui constituent le
centre du modèle et qui jouent, par définition, un rôle spécifique au regard
des résultats (cette problématique sera largement développée au cours du
chapitre 7).
On note enfin que dans cette perspective, le modèle ne propose plus de
pondération. L'objectif est en effet de mettre d'abord l'accent sur des rela-
tions de causes à effets entre les trois blocs: facteurs - processus - résultats.
Sur ce point, le projet de réforme entérine cette évolution.
À ce stade, on a mis en évidence une perspective de la Qualité Totale très
ambitieuse, qui correspond à une certaine vision de la stratégie d'entreprise
et qui, surtout, grâce aux modèles d'autoévaluation propose un référentiel
largement reconnu dans le milieu des entreprises, ouvrant ainsi la voie à
une démarche d'audit.
Il est enfin intéressant de noter que l'évolution en cours des normes ISO va
dans le même sens. Ainsi les textes prévus pour l'an 2000 s'organisent-ils
autour de six futurs documents composés de quatre normes de base
(cf figure 2-8) et de deux rapports techniques (TR).

Référence Objet

ISO 9000 Concepts et terminologie (fusion des actuelles ISO 8402 et ISO 9000-1)

ISO 9001 Modèle d'assurance de la qualité, centré sur la maîtrise des processus, dont
l'objectif principal sera d'apporter la confiance sur la conformité du produit!
service par rapport aux exigences préétablies

ISO 9004 Lignes directrices sur le management de la qualité visant une approche de
la qualité, économiquement efficace, pour l'ensemble des parties prenantes
et la satisfaction durable du client

ISO 10011 Lignes directrices pour l'audit des systèmes de management de la qualité

Figure 2-8 Les normes de base.


L'état de la Qualité Totale 35

Les quatre normes décrites ici représentent un effort de simplification tout


à fait considérable.
Le premier rapport technique, qualifié de « carte routière» de la nouvelle
famille de normes, présente les liaisons avec le management total de la
qualité (cf figure 2-9).

Carte routière
TR XXXX
1 1

ISO 9000
Prix qualité
"Q"
Concepts &
terminologie

1 ISO 9001 1 Assurance Management 1 ISO 9004 1


de la qualité de la qualité

(QA)
~
...- (QM)
- (TQM)

Audit qualité TA YYYY


l
ISO 10011 Principes de
management

Figure 2-9 «Carte routière » de la future famille des normes ISO 9000
(Source: Afnor, Les référentiels qualité. La voie de l'excellence, 1997).

Le second décrit les principes de management appliqués à la qualité, c'est-


à-dire les points clés des modèles Qualité Totale qui sont ainsi directement
associés à l'assurance qualité. Au centre de cette association, on trouve les
processus qui feront l'objet du chapitre 7.
3

Méthodologie d'audit
et audit stratégique

3.1 Définitions l
La notion d'audit recouvre des contenus nombreux: ce peut-être une fonc-
tion si l'on considère par exemple l'audit interne, un ensemble de méthodes
exploitables indépendamment de la fonction (dans l'hypothèse d'une auto-
évaluation par exemple) ou encore, au sens le plus général, un mode d'ap-
proche d'un problème. C'est aussi un mot qui a séduit les professionnels
au point que son utilisation est souvent confuse.
Historiquement, l'audit trouve son origine dans les procédures de vérifica-
tion des écritures comptables. Son développement sera accéléré dans les
années 20, aux États-Unis, avec la croissance rapide des opérations bour-
sières puis comme conséquence de la crise de 1929. Dans cette perspective,
il est d'abord un outil de contrôle (audit de conformité).

1. Pour une présentation générale on pourra se reporter au fascicule des Cahiers Français. Audit et
Management. N" 248. Octobre-décembre 1990.
38 L'audit stratégique

De façon récente (1980), on assiste à une extension du domaine à de nou-


velles fonctions: marketing, information, qualité, organisation, ressources
humaines, etc. Parallèlement, l'audit, initialement de conformité, tend à se
doubler de préoccupations d'efficacité.

Enfin, la démarche est utilisée dans des secteurs eux-mêmes nouveaux:


administrations publiques, collectivités territoriales, associations ...
Il est important de noter que ces évolutions modifient le contexte de l'audit.
En effet, dans ces nouveaux domaines, il n'y a pas de référentiels qui fassent
l'objet d'une reconnaissance générale et cela impliquera par conséquent de
nouvelles approches.

3.1.1 La fonction d'audit


Pour beaucoup d'auteurs, la fonction d'audit ne peut se comprendre que par
référence à l'ensemble du système de contrôle organisationnel de la firme 2 •
Selon H. Bouquin, « une des conditions essentielles de la survie d'une en-
treprise réside dans la capacité de ses membres à agir de manière cohé-
rente, dans le sens des objectifs poursuivis ». Cette proposition, qui n'est
pas sans rappeler une définition de la stratégie, implique que lorsqu'une
certaine complexité est atteinte, du fait de la taille par exemple, le dirigeant
doive se doter d'un système de contrôle qui palliera son incapacité à su-
perviser lui-même l'ensemble des opérations.
Le critère de taille est de surcroît tout à fait théorique car, même dans une
petite entreprise, notamment lorsque le responsable exerce par ailleurs une
activité opérationnelle, le besoin d'un minimum de contrôle organisationnel
se fait sentir. Toujours selon H. Bouquin, le contrôle organisationnel apparaît
ainsi comme un ensemble de dispositifs visant à offrir une assurance de
qualité des décisions 3 . Cette référence à l'idée d'assurance qualité est im-
portante en ce qu'elle implique la mise en œuvre de moyens préventifs en
vue de garantir la qualité du système de décision. Le contrôle de gestion
est alors l'un des éléments du système de contrôle organisationnel.
L'importance du contrôle organisationnel est décisive puisqu'en l'absence
de toute possibilité de supervision directe, il devient la source d'information
principale du dirigeant.

2. H. Bouquin. " Conlrôle » et " Audit» in Encyclopédie de Re.l"tion. Tome 1. Economica. 1989.
3. H. Bouquin. op. cit.
Méthodologie d'audit et audit stratégique 39

On comprend alors que celui-ci puisse légitimement se poser des questions


telles que:
• Le contrôle actuel est-il suffisant?
• Les moyens affectés sont-ils appropriés?
L'audit vise à répondre à ce type d'interrogations et apparaît ainsi comme
l'évaluation du contrôle de sorte que, selon l'expression de P. Candau,
« ['audit est en fait le contrôle des contrôles: il mesure et évalue l'efficacité
de tous les contrôles dans l'entreprise »4.
Dans la pratique, l'audit dépasse souvent cet aspect, comme le montrera
\' observation de son contenu.

3.1.2 Le contenu de l'audit


On retiendra une définition particulière, celle de \' audit qualité, propo-
sée dans le cadre de la norme internationale ISO 8402 (Norme française
NF X 50-120 Qualité. Vocabulaire § 4.9). Il est décrit comme un « examen
méthodique et indépendant en vue de déterminer si les activités et résultats
relatif\' cl la qualité satisfont aux dispositions préétablies et si ces disposi-
tions sont mises en œuvre de façon effective et sont aptes cl atteindre les
objectifs »5.
La lecture de ce texte permet d'identifier deux axes:
1. Un objectif de vérification de l'adéquation des résultats par rapport aux
dispositions établies. Il s'agit donc d'identifier d'éventuels dysfonction-
nements : audit des résultats.
2. Un objectif de vérification de la mise en œuvre des procédures: audit
des méthodes ou des procédés.
La définition est ensuite complétée par des notes dont on retiendra:
• «L'audit qualité» s'applique essentiellement, mais n'est pas restreint, à
un système qualité ou à des éléments de celui-ci, à des processus, à des
produits ou à des services. De tels audits sont couramment appelés « audit
de système qualité », «audit qualité de processus », «audit qualité de
produit », « audit qualité de service ».
• « Les audits qualité sont conduits par une équipe n'ayant pas de respon-
sabilité directe dans les secteurs à auditer et de préférence en coopération

4. P. Candau, Audit social, Vuibert. 1985,


5, AFNOR. Gérer et assurer la qualit/. 1996.
40 L'audit stratégique

avec le personnel de ces secteurs» (démarche indépendante et coopéra-


tive) .
• «L'un des buts d'un audit qualité est d'évaluer le besoin d'amélioration
ou d'action corrective. Il convient de ne pas confondre l'audit avec des
activités de surveillance de la qualité ou de contrôle conduites dans le but
de maîtrise d'un processus ou d'acceptation d'un produit ».
L'audit a donc vocation à favoriser l'évolution des résultats ou des procédés.

3.1.3 Originalité de la démarche


La méthodologie de l'audit doit être distinguée de celle du consultant clas-
sique. Ce consultant, appelé à intervenir sur un problème identifié, est sur-
tout retenu pour son aptitude à proposer des solutions qui traduisent un
domaine de compétences, souvent de type fonctionnel. Pour cela, ses apti-
tudes relèvent d'abord de la maîtrise du type de problème abordé. À l'in-
verse, l'audit porte plus sur les phases initiales de la démarche, l'identifi-
cation des dysfonctionnements et de leurs causes, tandis que les
préconisations correctives sont réduites au maximum. La première compé-
tence de l'auditeur est ainsi méthodologique.
On retiendra enfin de la démarche d'audit qu'elle exploite avant tout un
savoir-faire permettant une approche réductrice des problèmes soulevés et,
par conséquent, une économie de moyens et de temps. La figure 3-1 en
propose sept caractéristiques essentielles.
Inductive Q Absence de tout à priori, partir des faits, vérifier, comparer,
identifier des écarts, diagnostiquer des causes, faire des
recommandations.
Objective Q Des faits authentifiés et prouvés. Des problèmes hiérarchisés.
Méthodique Q Utilisation de techniques (d'analyse et de présentation des
résultats) ayant fait leurs preuves.
Indépendante Q L'auditeur ne doit avoir ni responsabilité directe, ni autorité
hiérarchique sur les activités auditées.
Ponctuelle Q La mission est localisée dans le temps et généralement brève:
recommandations rapides. Implique une hiérarchie des causes
et des risques pour aller à l'essentiel.
Pédagogique Q L'auditeur contribue à faire évoluer le milieu audité.

Coopérative Q Attitude de coopération réciproque: facilitera la mise en œuvre


des recommandations ultérieures.

Figure 3.1 La démarche de l'audit


(d'après P. Candau, Audit des associations, Éditions d'Organisation, 1990).
Méthodologie d'audit et audit stratégique 41

3.1.4 Les étapes de l'audit


La figure 3-2 met en avant l'originalité de la chronologie d'une intervention
d'audit.

conséquences
Problème(s) ..... CoOts
..... Risques

Indica.urs

Normes

Référentiels 1

Recommandations

l i N o n fait par l'auditeur Référentiels 1


'- _____ ..1

Figure 3-2 Chronologie générale d'une intervention d'audit (d'après P. Candau).

Celle-ci vise dans un premier temps à identifier le (ou les) problème(s)


rencontrées) par la firme. Cette identification débouche aussitôt sur une ana-
lyse des coûts et des risques liés à ce problème. Si plusieurs problèmes ont
été repérés, on procédera ainsi à leur hiérarchisation, celle-ci pouvant
conduire à éliminer l'analyse de certains d'entre eux. Pour les problèmes
finalement retenus, on engagera une étude des causes qui conduira alors à
formuler certaines recommandations.
Cette chronologie confirme bien que l'on est engagé dans une démarche
ascendante (du dysfonctionnement vers les causes) alors que le consultant
classique développerait plutôt une démarche descendante allant des diagnos-
tics généraux vers des solutions proposées. L'application de la méthode au
domaine de l'audit stratégique va permettre d'en préciser le contenu et les
implications.
42 L'audit stratégique

3.2 L'audit stratégique


3.2.1 Contenu
On peut déjà dire ce que n'est pas l'audit stratégique.
n n'est pas un audit général de l'organisation si l'on entend par là un audit
systématique de l'ensemble des fonctions (démarche de M. Raoul, qui s'ap-
parente en fait beaucoup plus à un diagnostic 6).
Il n'est pas non plus un audit financier et, d'une manière plus générale, il
n'est pas un audit fonctionnel ou un ensemble d'audits fonctionnels simpli-
fiés.
L'audit stratégique est celui des performances rapportées aux choix straté-
giques (référentiel interne) et à l'environnement (référentiel externe). n a
pour objet d'apporter des réponses aux six catégories de questions énoncées
dans la figure 3-3.

LA FIRME

Les moyens mis Les opérations clés A-t-on fait A-t-on les moyens Les résultats obtenus sont-ils
en œuvre sonHls sont-elles les bons choix? de suivre la réalisation conformes aux objectifs
adaptés? maîtrisées? Pertinence de la de la stratégie? ou aux performances
démarche stratégique caractéristiques
poursuivie? de la branche?

Figure 3-3 Les composantes de l'audit stratégique.

• Les résultats obtenus sont-ils satisfaisants?


C'est ici principalement la question de l'efficacité de la stratégie_ Cette
efficacité résulte de la concordance entre les résultats et les objectifs définis,
ce qui la rend assez facilement mesurable. La question de l'efficience de la
stratégie dépend du coût d'obtention de la performance, ce qui peut impli-
quer des analyses plus délicates qui s'appuient généralement sur l' observa-

6. M. Raoul, Audit stratégique, EME, 1989.


Méthodologie d'audit et audit stratégique 43

tion des processus et que l'on abordera à l'occasion de l'étude de ceux-ci


(chapitre 7).

• Les moyens de contrôle sont-ils à la fois suffisants et efficaces?


(la stratégie est-elle maîtrisée ?)
Cette question relève de facteurs organisationnels et de données relatives au
système d'information.

• La démarche stratégique est-elle pertinente par rapport à l'état des


connaissances en la matière (pertinence théorique) ?
On peut ainsi énumérer quelques exemples de situations conduisant à une
réponse négative:
- l'entreprise développe une stratégie sans connaissance objective préalable
de ses clientèles;
- l'entreprise met en place (ou a) une structure incompatible avec ses choix
stratégiques.
On remarque que l'on est loin de J'environnement normé de l'audit finan-
cier. Ici, les connaissances ne sont pas stabilisées et il existe, face à un
problème donné, des écoles différentes: peut-on encore parler de neutralité
de l'auditeur? Enfin, on constate que ces anomalies se situent toutes à un
niveau hiérarchique élevé et que, par définition, \' audit porte sur des choix
et des actions de direction générale et/ou de comité stratégique. Tout dys-
fonctionnement met donc en cause les plus hauts niveaux de décision de
\' entreprise, ce qui conduit à s'interroger sur la capacité d'une direction à
demander cc type d'audit et à accepter les critiques qu'il peut occasionner.
Dans bien des cas, il semble impossible à priori de penser à un audit interne
classique (mais nous montrerons que ces obstacles peuvent être en partie
surmontés). C'est, en revanche, le type d'audit demandé par un repreneur,
ou une direction de groupe pour une division ou filiale ou encore par un
donneur d'ordre important dans une perspective de collaboration durable
(sous-traitance élaborée, équipementiers, assurance qualité, etc.). Il est aussi
envisageable sous la forme d'une demande de la direction en cas de crise
grave.

• Les choix stratégiques sont-ils pertinents, notamment par référence


aux diagnostics disponibles (pertinence pratique) ?
C'est en fait la question de la qualité de définition de la stratégie qui est
soulevée ici et que l'on peut illustrer à travers quelques exemples simples:
44 L'audit stratégique

- l'entreprise met en avant un objectif de croissance que son taux maximal


de croissance interne soutenable ne lui permet pas d'atteindre ou encore
elle se fixe un objectif de qualité que son organisation de production va
exclure;
- l'entreprise développe des capacités de production nouvelles dans une
activité banale alors que l'essentiel de cette production se déplace vers
des pays du tiers monde;
l'entreprise développe un niveau de qualité qui ne correspond pas à un
besoin exprimé des clients;
l'entreprise ne met pas en avant son savoir-faire technologique et n'a
qu'une image floue auprès de ses clients;
- l'entreprise sélectionne un créneau sur lequel elle va se heurter à des
concurrents dominants.
Il faut admettre que la démarche que nous allons développer révélera des
faiblesses sur ce point et l'on peut d'ailleurs raisonnablement se demander
si cet aspect de la stratégie peut être audité en dehors des dysfonctionne-
ments les plus graves qui sont donc évidents. En effet, toute stratégie vo-
lontairement atypique risque fort de conduire à des réserves relatives aux
choix effectués, ce qui reviendrait à condamner systématiquement les dé-
marches innovantes.

• La conduite de la stratégie en termes de processus est-elle satis-


faisante?
Certains processus doivent contribuer plus que d'autres à la réalisation de
la stratégie et l'on peut parler à leur propos de processus stratégiques. La
maîtrise de ces processus est dès lors essentielle, ce qui suppose leur iden-
tification et leur mise sous contrôle .

• Les moyens mis en œuvre sont-ils efficaces?


On pose ici la question des ressources engagées telles qu'on les retrouvera
dans les modèles d'autoévaluation du type EFQM.
Méthodologie d'audit et audit stratégique 45

3.2.2 Chronologie de l'audit stratégique

• Les référentiels
On conviendra avec H. Bouquin de définir une référence comme l'associa-
tion d'un critère et d'une norme 7 . Ainsi, par exemple, dans l'activité de
contrôle d'un processus industriel, le critère pourrait être «le nombre de
personnes
employées au contrôle par rapport au nombre de personnes employées dans
le processus» et la norme pourrait être « maximum 2 % de l'emploi total ».

Ce sont ces références qui garantissent l'objectivité de l'auditeur et la


rigueur de son analyse.
Les caractéristiques de l'audit stratégique suggèrent de retenir comme réfé-
rences :
- Les choix généraux (buts) et les objectifs stratégiques.
- Dans l'hypothèse d'une stratégie orientée vers la Qualité Totale, le réfé-
rentiel pourrait inclure, pour partie, les normes ISO 9000 ou des schémas
d'autoévaluation du type EFQM. L'évolution de la Qualité Totale conduit
même à penser que, dans toutes les hypothèses, les modèles d'autoéva-
luation sont à même de constituer un référentiel acceptable en vue d'un
audit stratégique. C'est l'hypothèse essentielle sur laquelle s'appuie notre
démarche.
Il reste que, d'une façon générale, la difficulté de l'audit stratégique tient
au problème des normes de référence. Elles sont évidentes dans une activité
réglementée comme l'activité comptable, plus floues et discutables dans le
cas d'une démarche stratégique faisant une large place au qualitatif.

• Les sources d'information


Elles peuvent relever:
- De documents (internes et externes) ; la figure 3-4 ne prend en compte
que les documents de base nécessaires. Des documents complémentaires
pourront être demandés à l'occasion d'audits spécifiques et seront men-
tionnés à ce moment.
- D'observations informelles; elles sont importantes et dépendent de l'ex-
périence de l'auditeur. Elles peuvent être révélatrices de sérieuses inco-

7. H. Bouquin, op. cit.


46 L'audit stratégique

hérences entre le discours fonnel d'une direction et la réalité, le vécu de


l'entreprise.
D'entretiens.

Documents • Projet d'entreprise, manuel qualité


• Plan stratégique (dont diagnostics internes et externes)
• Tableau de bord du ou des dirigeants: cohérent avec le plan?
complet ou lacunes?
• Organigramme et organisation, notamment du comité
stratégique
• Bilans et comptes de résultats T à T - 5, bilan social, etc.
• Documents descriptifs des processus clés
• Rapports de conseil d'administration ou/et du comité stratégique
• Autres documents à considérer en fonction de points plus
spécifiques tels qu'études de marchés, de notoriété, analyse de
concurrence, etc.

Observations • L'auditeur devra observer les lieux et les gens (architecture,


informelles décor, implantations, circulation, ambiance, présentation du
personnel, commentaires, comportements, propreté, moyens
disponibles, etc.)

Entretiens • ATIENTION: bien distinguer les faits prouvés et les opinions


émises par les personnes interrogées

Figure 3-4 Audit stratégique: les sources d'information.

• Les dysfonctionnements
Leur observation va résulter de l'analyse des informations (résultats) et, en
général, des mesures retenues (indicateurs). Encore faut-il répéter qu'un in-
dicateur n'aura de sens que par rapport à une norme, à un référentiel. De
plus, il est clair que ce dysfonctionnement n'aura pas la même signification
suivant qu'il relèvera de facteurs internes (présumés sous contrôle) ou de
facteurs externes.
Parmi les exemples de dysfonctionnements classiques, on peut évoquer l'hy-
pothèse dans laquelle un objectif stratégique n'est pas atteint et observer les
modalités de la démarche de l' auditeur.
Un objectif stratégique était, par exemple, l'obtention d'une marge brute
supérieure à 40 %. Pendant deux années cette perfonnance est réalisée. La
troisième année le résultat tombe à 37 %. Peut-on parler à priori de dys-
fonctionnement? La réponse doit être nuancée et conduit à soulever toute
Méthodologie d'audit et audit stratégique 47

une série de questions complémentaires: le portefeuille d'activité est-il sta-


ble? La chute de marge est-elle spécifique à l'entreprise ou affecte-t-elle
les concurrents principaux? Les conditions de production et de commercia-
lisation ont-elles changé significativement? Certains paramètres de l' envi-
ronnement ont-ils été modifiés de façon imprévisible?
Le schéma d'analyse est donc le suivant (cf figure 3-5) :

Événement Q Indicateur Q Coût Q Risque


ou résultat

Diminution Ratio: résultat Capacité Remise en question


de la marge d'exploitation / d'autofinancement du plan
chiffre d'affaires perdue. de développement.

Figure 3-5 Séquence d'analyse d'un dysfonctionnement.

La démarche de l'auditeur est bien inductive: il part de résultats observés.


On peut d'ailleurs proposer une typologie de ces résultats: les événements
peuvent être internes ou externes, fonction des risques qu'ils génèrent ou
encore des risques qu'ils se produisent ou se renforcent 8 .
Événements internes: diminution de marge brute, dégradation de la py-
ramide des âges, augmentation des stocks de produits en cours de fabri-
cation, augmentation de l'absentéisme ...
- Événements externes: départ d'actionnaires importants, perte de clients
significatifs, dégradation de l'image perçue des clients ...
L'événement (le résultat) doit être traduit en termes d'indicateurs, c'est-
à-dire à partir d'instruments de mesure, soit sous forme de données brutes
(nombre de clients perdus), soit sous forme de ratios (c'est l'exemple ci-
dessus de la marge brute: [(chiffre d'affaires CA - valeur d'achat des mar-
chandises vendues VAMV) / CA]. Un événement ayant des conséquences
multiples devra être appréhendé à travers plusieurs indicateurs. Ainsi, l'évé-
nement « dégradation d'image» pourra avoir comme indicateurs: « nombre
de clients perdus dans les 12 derniers mois », «nombre de courriers de
réclamation dans les 12 derniers mois », « classement de la société dans une
enquête périodique de satisfaction », etc.

s. Ainsi. ces événerncnh ont pu se produire (observation historique) ou hien sont prévisibles (risque lié
à des obsCfvations de résultats actuels).
48 L'audit stratégique

La traduction de l'événement en indicateurs permettra de le valider. Dire


qu'il y a dégradation de l'image d'une entreprise n'est qu'un jugement, une
théorie. L'événement présumé doit être confirmé par une baisse de notoriété
mesurée, par exemple, par des enquêtes d'opinion.

• Les risques
Une liste de dysfonctionnements vérifiés n'a aucun sens si elle n'est pas
exprimée en termes de risques. Sinon, la globalité du problème serait telle
que l'auditeur ne pourrait proposer aucune recommandation et l'entreprise
ne pourrait prendre aucune mesure corrective sérieuse.
Cela implique de hiérarchiser les risques associés aux dysfonctionnements
soit de façon qualitative (risque de détérioration d'image par exemple), soit
de façon quantitative (coûts). On rappellera que notre première préoccupa-
tion est l'audit stratégique et qu'il s'adresse donc plus particulièrement aux
dirigeants avec toute la difficulté qu'il Y a à identifier des dysfonctionne-
ments dont ils peuvent être les principaux responsables. La présentation des
risques doit donc être probante, non sujette à caution. Le chiffrage sous
l'angle des coûts est alors essentiel (langage de l'argent au sens où l'entend
J.-M. Juran).
Cette difficulté est l'occasion de rappeler des caractéristiques nécessaires à
de bons indicateurs dans une perspective d'audit:
lafiabilité: capacité d'un indicateur à mesurer avec le minimum d'erreurs
le phénomène étudié (précision, stabilité, sensibilité, objectivité ... ) ;
la validité: capacité de l'indicateur à mesurer ce qu'il est censé mesurer.
À ce stade, on a donc des dysfonctionnements (écart entre un indicateur et
la norme retenue dans l'entreprise ou admise dans la branche) dont on a
apprécié l'impact sous l'angle des risques éventuellement qualitatifs mais
surtout chiffrés (coûts). La hiérarchie des risques permet de déterminer les
préoccupations dominantes de l'auditeur dans la suite de sa démarche. Seuls
les dysfonctionnements à risques lourds vont faire l'objet d'une analyse de
causes, au moins dans un premier temps .

• Les causes
C'est une phase qui ne présente pas d'originalité particulière. Elle emprunte
d'ailleurs ses outils à de nombreux domaines de gestion. Fréquemment, l'au-
diteur sera conduit à provoquer de nouveaux entretiens avec des membres
de la société pour les identifier. Il est aussi possible que des indicateurs
Méthodologie d'audit et audit stratégique 49

fournissent ici des explications de certains dysfonctionnements. Des séances


de travail de type brainstorming pourront souvent s'avérer utiles.
En pratique, le problème est moins de recenser des causes que de les valider
(risques de fausses corrélations, par exemple) et de les hiérarchiser.

A. Recensement des causes


Ce recensement peut s'appuyer sur .une démarche collective dérivée du
brainstorming. Si l'expression est désormais bien connue, la méthode, quoi-
que simple, est encore peu vulgarisée, ce qui est d'autant plus regrettable
qu'elle s'avère efficace dans de nombreux domaines.
50 L'audit stratégique

Une autre démarche, le QQOQCP, propose un schéma d'analyse valable


pour le traitement de tous les types de questions.

B. Structure des causes: le diagramme d'lshikawa


(diagramme causes-effet)
Il s'avère pratiquement applicable à tous les types de problèmes. Dans le
cas présent, il s'agit de procéder à un recensement des causes produisant
un effet que l'on veut modifier à travers des recommandations. En pratique,
on s'apercevra très vite que l'on est confronté à un grand nombre de causes
elles-mêmes provoquées par des sous-causes et qu'il est nécessaire de cla-
rifier le processus avant de chercher des moyens d'action pour améliorer le
résultat. C'est l'objet des arbres des causes, et de façon peut-être plus vi-
suelle, du diagramme causes-effet.
Méthodologie d'audit et audit stratégique 51

Causes Causes Causes


Effet
de niveau 1 de niveau 2 de niveau 3
(1) Stocks (11) Produits commandés (111) Mauvaise identification
excessifs par erreur (gestion des achats) des stocks disponibles
(112) Mauvais suivi
des commandes en cours
(12) Livraisons non
conformes (121) Rapport de forces
favorable aux foumisseurs
(122) Absence de contrôle
Baisse des expéditions de l'étranger
sensible (13) Programmes de
de la fabrication en séries longues (131) Hypothèses sur le coût
rotation de la flexibilité
des actifs
(2) Immobilisations (21) Mauvaise appréciation
excessives des équipements nécessaires
(22) Impossibilité de céder
certains actifs (221) État du marché immobilier
(222) Crise sur le marché
d'une activité
(3) Crédit client (31) Absence de procédures
mal maîtrisé de suivi
(32) Défaillances du produit (321) Non-respect des délais
(322) Taux de pannes anormal
(4) Trésorerie (41) Absence de gestion
excessive systématique
(42) Réserves pour risques (421) Clients à risque élevé.
de défaillances (422) Fréquence des contentieux.
,
Figure 3-6 Eléments de construction d'un arbre des causes et de l'effet.

Baisse sensible de
la rotation des
actifs
,
(1 ) (3) (4)
Stocks 1 Immobilisations
(2) 1 Crédit Trésorerie
1
excessifs
y
1
excessives 1
,
client
1 1
,
excessive
1

(42)
(11 ) (12) (13) (31) (32) (41)
Réserves
Erreurs Erreurs Séries Absence de Défaillance Absence de pour
commandes livraisons longues procédure produit gestion
risques

~ (21)
Erreurs
équipements
(22)
Actifs
gélés • • • •
Ir

(111 )
Stocks mal
identifiés
(112)
Pas de suivi
commandes
• •
Figure 3-7 Exemple de tracé d'un arbre des causes.
52 L'audit stratégique

! Main-d'œuvre! (41) !Méthodes! ~31) [(32ïl ~


ŒIJ X JI!>
11)
"'. ~.-~
. . [BJ
=

~
0IIII
[@J [@ù
~ \.-~
[@] ~~ 0IIII [122],--_---,
/Q2ill Baisse
sensible
de la
rotation
[@] ...

V
des actifs

2)
ŒIJ "'(
j (12)
@2]~
~~
(22)

! Milieu!

Figure 3-8 Diagramme d'Ishikawa.


Méthodologie d'audit et audit stratégique 53

C. Hiérarchie des causes: l'hypothèse d'une distribution de Pareto


Il s'agit d'une approche courante dans de très nombreux domaines. On rap-
pellera que ces diagrammes ont pour intérêt principal de visualiser les com-
posantes d'un problème, de les hiérarchiser et, par comparaison, de mettre
en évidence les gains obtenus par une action corrective.

miflW~~ .P$é(\W
l'Qü.~ iq~~tîp~ l()·1)'.~~.Ue Çlm~~~ ~~il~
,gr\t fa~~Ygqj~t .

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$ètyât;\,n~ .iI$$Qél~$ à lt\ç~g$§tçf, fig\lfe~9).

35

30
Cf)
c
0 25
~
C:
co
Cf)
20
.0
0
Cf) 15
co
-0
co
()
10
c
co
::J
0-
5
'co
ù: 0
A B C D E F G Divers

Causes

Figure 3-9 Fréquence d'apparition des causes. Diagramme de Pareto.


54 L'audit stratégique

Au total, l'outil que nous venons de décrire tient probablement son succès
de ses facultés de visualisation d'un problème. La littérature relative à la
qualité décrit bien d'autres approches, telles que le diagramme des relations
ou le diagramme matriciel, auxquelles le lecteur pourra se reporter.

• Les recommandations et le rapport d'audit


S'il est admis que l'auditeur n'a pas à mettre en œuvre des solutions cor-
rectives, ce qui relève du domaine du consultant, son travail doit cependant
déboucher sur des recommandations permettant aux gestionnaires de corri-
ger les dysfonctionnements perçus. Ces recommandations devront alors s'ap-
puyer sur des critères déterminés en coopération avec le ou les responsables
de l'entreprise auditée. Ce pourrait être l'urgence des résultats, l'économie
des ressources engagées, le maintien du plein emploi si l'entreprise en fait
un élément de sa culture, etc.
L'auditeur ne procédant pas lui-même à la mise en œuvre, il doit aussi
s'assurer que ses recommandations seront exploitées. Enfin, le caractère re-
lativement rapide de sa mission peut conduire à des erreurs ou omissions:
tout ceci explique que les conclusions de l' audit feront toujours l'objet d'une
présentation et d'une discussion avec les audités avant la rédaction définitive
du rapport de synthèse. Cette présentation peut reposer sur un rapport dit
intermédiaire ou sur un simple exposé oral.
Ce n'est qu'après la restitution que le rapport de synthèse pourra être établi
et complété s'il y a lieu par des rapports détaillés sur des points importants.
Cette description de la démarche générale d'un audit stratégique répondait
à un double objectif: il s'agissait d'en montrer les composants classiques
et surtout les difficultés particulières. Parmi celles-ci, la délimitation du
champ de l'audit semble être la plus délicate, en raison de l' étendue du
domaine.
Qu'est-ce, en effet, qu'une stratégie?
Prenons, par exemple, la définition classique qu'en donne A. D. Chandler9 :
«La stratégie est la détermination des buts et ohjectifs à long terme de
l'entreprise, l'adoption de politiqlles déterminées et l'allocation de ressour-
ces pour atteindre ces huts. »
On pourrait donc considérer qu'il est du domaine de l'audit stratégique de
prendre en compte:
- Les buts et objectifs à long terme de l'entreprise.

9. Alfred D. Chandler Jr, Slm/éRies e/ s//'lIc/ures de l'ell/reprise. Éditions d'Organisation. Paris. 1972.
Méthodologie d'audit et audit stratégique 55

Les politiques devant conduire à leur réalisation: politique marketing,


d'investissement, de recherche, de qualité, de ressources humaines. de
structures ... Est-il besoin de souligner que nous sommes en train de sug-
gérer un audit de toutes les fonctions de l'entreprise, plus un audit des
structures et du management! Une telle démarche serait en contradiction
avec l'hypothèse suivant laquelle l'audit stratégique n'est pas un audit
systématique de toutes les fonctions.
L'allocation de ressources qui peut se comprendre en termes de ressources
humaines, financières, d'équipements industriels, de recherches ...
Dans cette première perspective, le champ de l'audit tend alors à devenir
si vaste que sa réalisation s'en trouve compromise, surtout si l'on veut bien
se rappeler que tout audit repose sur un souci d'économie de moyens. Des
choix devront donc être faits, et en pratique nous retiendrons ceux opérés
par le modèle EFQM.
Enfin, on nous pardonnera certainement de proposer, dans un but de clari-
fication, une définition légèrement modifiée par rapport à celle de
A.D. Chandler: «La stratégie est la détermination des buts et objectifs à
long terme de ['entreprise, ['adoption de politiques déterminées et l'alloca-
tion de ressources pour atteindre ces buts en générant un ou des facteurs
d'avantage concurrentiel. »
Partant de cette nouvelle formulation, les politiques et les ressources affec-
tées deviennent moins importantes que le résultat attendu, qui est la cons-
titution d'un avantage concurrentiel, condition nécessaire de la performance
stratégique. La démarche de l'auditeur consistera alors à privilégier, à partir
de dysfonctionnements repérés, l'observation de cet avantage concurrentiel
et notamment sa compatibilité avec les buts et objectifs poursuivis. Là en-
core, les formes d'avantage concurrentiel liées à la Qualité Totale seront
privilégiées tout au long de notre analyse.
Ceci étant, la démarche d'audit étant peu habituelle, on s'est permis de
proposer, en guise de conclusion de ce chapitre, un outil mnémotechnique
pour en reconnaître le contenu (cf figure 3-10).

RÉSULTATS
RISQUES
"------ . . .-CAUSES
~ RECOMMANDATIONS

Figure 3-10 Les quatre commandements de l'auditeur.


Les dysfonctionnements
stratégiques généraux

Comme cela a été indiqué, la méthodologie d'audit s'appuie sur la recon-


naissance préalable d'un dysfonctionnement dans le contexte d'une activité.
S'agissant d'une démarche stratégique, ces dysfonctionnements sont princi-
palement exprimés, en première analyse, dans l'échec des buts et objectifs
fixés (cf chapitre 4). Ils peuvent souvent être précisés à travers l'observation
des insatisfactions du client, parfois dans celles du personnel et, sur la base
d'une vision à plus long terme, dans une sorte d'échec sociétal de l'entre-
prise (cf chapitres 5 et 6).
Cette approche correspond tout à fait à l'analyse que propose le modèle
d'autoévaluation de l'EFQM (cf figure 11-1) une fois encore, dans sa for-
mulation d'origine.

~ Gestion du personnel
9%
t- -1
Satisfaction du
personnel 9 %
~
1 J
LEADERSHIP l Politique & stratégie
S%
t- PROCESSUS
-1
Satisfaction des
clients 20 %
~ RÉSULTATS
OPÉRATIONNELS

1 1
10%
~
Ressources
9%
t- 14%
-1 Intégration dans la vie
de la collectivité 6 1%
~
15%

... FACTEURS
. ... RÉSULTATS
..
Figure 11-1 Le modèle européen de la qualité totale.
58 L'audit stratégique

Les indications de pourcentages correspondent aux pondérations retenues


pour l'attribution du prix européen. Dans le cas qui nous intéresse, elles ne
font que donner un ordre de grandeur aux différentes composlmtes de l'audit.
On peut aussi en proposer une autre lecture qui serait celle proposée dans
la figure 11-2 :

Chapitre 8 ... Chapitre 7 ... Chapitres 4, 5 et 6

Politique et PROCESSUS Résultatfi Satisfaction


Leadership
stratégie 1 1 opérationnilis du personnel

CAUSES Satisfaction Intégration


Gestion du OPÉRATIONNELLES ET des clients dans la vie de
Ressources
personnel ORGANISATIONNELLES la collectivité

/
"
CAUSES MANAGÉRIALES DYSFONCTIONNEMENTS
STRATÉGIQUES

Figure 11-2 Le modèle européen en perspective d'audit.

Dans cette présentation, conformément à la démarche de l'audit, les résultats


obtenus sont analysés en termes de dysfonctionnements, eux-mêmes expli-
qués par les facteurs qui sont décomposés en deux groupes: les processus
constituent à eux seuls l'un de ces groupes, qualifié ici d'ensemble des
facteurs opérationnels, tandis que les autres facteurs sont regroupés sous
l'intitulé de « causes managériales ».
Au cours de cette deuxième partie, nous allons utiliser le modèle européen
en perspective d'audit. Dans un premier temps, notre démarche portera sur
l'observation des résultats opérationnels, et plus particulièrement sur ceux
donnant lieu à fixation d'un objectif stratégique (cf chapitre 4).
Dans un second temps, les différentes parties prenantes (intemes et extemes)
feront l'objet d'une analyse en termes de satisfaction, afin de compléter
l'observation des éventuels dysfonctionnements (cf chapitres 5 et 6).
4

Le prédiagnostic :
les dysfonctionnements
stratégiques généraux

LEADERSHIP PROCESSUS

.. FACTEURS
..
MODÈLE EUROPÉEN DE LA QUALITE TOTALE
RÉSULTATS

« j'ai eu, aufil des ans, des centaines d'entretiens avec des responsables
de la production et je peux affirmer que leur degré d 'intérêt pour la
qualité est directement proportionnel à la chute de leur marge bénéfi-
ciaire telle qu 'elle apparaît au moment où je leur parle. »
Ph. B. Crosby'

J. Ph. B. Crosby, La qualité c'est f?ratuit, Economica, 1986.


60 L'audit stratégique

Le point de départ d'une mission d'audit repose sur le repérage de dysfonc-


tionnements caractéristiques du domaine audité. Il s'agit donc ici de définir
la nature des principaux dysfonctionnements stratégiques que l'on peut ren-
contrer, en se fondant sur un ensemble d'indicateurs qui seront, en pratique,
les buts et les objectifs fixés à l'organisation.
Les causes des éventuelles défaillances peuvent ensuite relever de deux
grandes catégories.
Elles peuvent résulter de la méthode d'élaboration de la stratégie qui con-
duirait à des objectifs peu appropriés à l'entreprise. C'est le cas, par exem-
ple, si la définition des «métiers» se révèle erronée, si des diagnostics
incomplets conduisent à fixer des objectifs irréalistes, notamment par réfé-
rence à un environnement défavorable, ou encore si des objectifs contra-
dictoires sont poursuivis comme, par exemple, une préoccupation de Qualité
Totale qui se heurterait aux contraintes du reporting trimestriel.
Elles peuvent se situer au niveau de la mise en œuvre, c'est-à-dire du ma-
nagement stratégique, et pénaliser la réalisation des objectifs fixés. C'est le
cas lorsque la conception de l'outillage d'une usine interdit toute production
autre qu'en grande série ou lorsque des cercles de qualité sont mis en place
avant toute définition d'un plan d'action qualité plus général. Cette seconde
hypothèse sera privilégiée à l'occasion de \' étude des processus (cf chapi-
tre 7).

4.1 Le contenu du prédiagnostic


Le prédiagnostic a donc pour but de situer l'état de réalisation de la stratégie
adoptée et de révéler les dysfonctionnements majeurs. Toutefois, notamment
dans les PMI, les firmes n'ont pas nécessairement une stratégie formalisée.
Dans ce dernier cas, \' audit portera sur des indicateurs stratégiques stan-
dards, dont on pourra apprécier l'évolution historique et les performances
comparées avec celles de concurrents significatifs. Si une stratégie implicite
existe, l'auditeur pourra avoir intérêt à la faire formuler par le dirigeant, ce
qui permettra d'approfondir une réflexion sur la pertinence des choix.

4.1.1 La démarche de l'auditeur


Le travail de l'auditeur peut être résumé dans la séquence ci-dessous
(cf figure 4-1) :
Le prédiagnostic: les dysfonctionnements stratégiques généraux 61

1 Objectifs orientés Qualité Totale 1


Identification Chapitres 5 et 6
des choix

~=
stratégiques

~
• Buts
D
Existence • Objectifs y
-OUI",,-
d'une stratégie S
• Niveau global
formalisée Objectifs
F
• Par activité 0
généraux
N RISQUES
1 Chapitre 4 C

l
NON T
1
0 Analyse

Identification
des résultats
sur des
,.
Idem
N
N
E
M
Hiérarchiser
----
des
causes

indicateurs r-- E
standard N

~
+
T
~ S

• • Perspective
historique
Pourquoi
une absence
de formalisation
Recommandations

• Perspective
de la stratégie?
comparative

Figure 4-1 Organisation du prédiagnostic stratégique.

Elle revient à répondre aux questions suivantes:


L'entreprise dispose-t -elle d'une stratégie formalisée?
Si oui, des buts ont-ils été fixés et traduits en objectifs à des fins de
contrôle?
Si non, on s'efforcera d'utiliser des indicateurs standard après entretiens
avec les dirigeants.
Dispose-t-on d'objectifs generaux (chapitre 4) ou/et d'objectifs spécifi-
ques de la Qualité Totale (chapitres 5 et 6) ?
Sont-ils atteints? Si non, quels sont les écarts enregistrés et les risques
qui en découlent?
Peut-on observer, en première approche, des causes dominantes et les
valider?

4.1.2 Les champs privilégiés


Nous allons illustrer cette situation à partir d'un exemple.
Supposons que l'entreprise auditée se soit donné un objectif stratégique de
rotation des actifs et que les observations de l'auditeur fassent apparaître
62 L'audit stratégique

une rotation inférieure à cet objectif. La démarche, dans le cadre du pré-


diagnostic, est résumée dans la figure 4-2.

Indicateur Dysfonctionnement Validation par sous-indicateurs

Rotation des actifs: Résultat inférieur de x % 1. Stocks moyens de produits finis en hausse
Chiffre d'affaires par rapport à l'objectif 2. Stocks moyens de produits en cours
Total actif .. conjoncturel en hausse
.. RISQUES 3. Stocks moyens matières en hausse
.. structurel 4. Contentieux clients en hausse (retours
de marchandises)
5. Baisse des ventes du produit Y etc.

Figure 4-2 Extrait des résultats du prédiagnostic de l'entreprise X.

La non-réalisation de l'objectif devra être analysée dans un premier temps


sous l'angle de son caractère accidentel, conjoncturel ou structurel. S'il
s'avère notamment que cette non-réalisation est structurelle, elle va induire
un dysfonctionnement dont on devra apprécier les conséquences (risques)
au regard de leur impact sur la réalisation globale de la stratégie. Des sous-
indicateurs pourront à la fois permettre d'apprécier l'importance du dys-
fonctionnement et d'approcher un prédiagnostic des causes.
Dans cet exemple, on a retenu cinq sous-indicateurs possibles, à titre indi-
catif. Observons ce qu'ils peuvent traduire.
1. L'élévation du stock moyen de produits finis peut résulter d'un mauvais
suivi de la production et du stockage (organisation et système d'infor-
mation).
2. L'élévation du stock moyen de produits en cours peut tenir à des pro-
blèmes de relations avec les fournisseurs (gestion de la filière), à une
mauvaise programmation de la production (organisation et gestion du
processus).

3. L'élévation des stocks matières relève à peu près des mêmes causes.
4. Les contentieux avec la clientèle peuvent conduire à différer des livrai-
sons, à reprendre des productions, à des annulations de commandes (qua-
lité du produit).

5. La diminution des ventes peut résulter d'une dégradation de la position


concurrentielle (qualité du produit, des services).
Le prédiagnostic: les dysfonctionnements stratégiques généraux 63

Pour aussi simple qu'il soit, l'exemple illustre quelques causes dominantes
envisageables:
1. Au sommet, une remise en cause du management (définition et/ou con-
duite de la stratégie).
2. Un processus (une séquence d'opération) qui se détériore.
3. Une relation avec la filière (amont et/ou aval) non satisfaisante (processus
interentreprises).
4. Une remise en question du produit ou du service (qualité intrinsèque).
5. En arrière-plan de toutes ces causes, on trouvera souvent une incidence
relevant des ressources humaines.
Il n'est pas impossible que d'autres facteurs expliquent un dysfonctionne-
ment dans la mesure où l'entreprise est ici en cause, dans sa globalité.
Toutefois, il semble bien que les thèmes évoqués ci-dessus recouvrent l'es-
sentiel des grandes sources de dysfonctionnement stratégique.

4.2 Les dysfonctionnements: audit des buts


et des objectifs
La structure de la démarche correspond à ce qui a été décrit à la figure 4-1 .

4.2.1 Le référentiel et la perception des dysfonctionnements


stratégiques
Il s'agit de préciser, dans un premier temps, les conditions dans lesquelles
un repérage de dysfonctionnements stratégiques sera possible. Nous verrons
ensuite quels indicateurs peuvent y être associés.

• Les types de repérage des dysfonctionnements stratégiques


1. Ansoff, tout en le regrettant, note que la démarche stratégique n'est fré-
quemment perçue comme nécessaire qu'à l'occasion d'une crise grave au
sein de l'entreprise: les dysfonctionnements sont alors évidents. Dans d'au-
tres situations, ils ne seront révélés qu'au prix d'une observation portant sur
une longue période.
64 L'audit stratégique

A. Les dysfonctionnements révélés par les crises


(dysfonctionnements visibles)
C'est probablement le cas le plus fréquent. L'explication semble logique si
l'on considère que la reconnaissance des problèmes stratégiques s'apparente
le plus souvent à une autocritique de la part des responsables. Admettre,
par exemple, que l'on ait laissé se dégrader un processus de production, ou
que l'on ait sacrifié des qualités de composants pour restaurer une marge,
c'est reconnaître une défaillance de gestion, ce que l'on acceptera parce que
le contexte de crise crée une situation d'urgence doublée de risques précis.

On peut énumérer quelques-unes des sources de crises possibles:


• Les facteurs externes:
- produit remis en cause par inadéquation au marché,
- arrivée de nouveaux concurrents,
- contraction inexpliquée du marché ...
• Les facteurs internes:
- volonté d' entreprise en contradiction avec les choix stratégiques,
- échec d'un produit pour cause de non-qualité majeure.

B. Les dysfonctionnements et la continuité stratégique


(dysfonctionnements diffus)
On se place ici dans l'hypothèse d'une dégradation continue de la situation.
La perception devient plus difficile, et d'une certaine manière, moins ac-
ceptable pour beaucoup de dirigeants. Dans tous les cas, le repérage ne sera
possible que sur la base d'une observation de l'évolution d'indicateurs sur
une longue période (les sources d'information devraient alors couvrir une
période de l'ordre de cinq à dix années).

On peut évoquer un certain nombre de sources de dysfonctionnements qui


peuvent être d'origine interne (managériale) ou externe (environnement) :
• Les facteurs internes:
déséquilibre du portefeuille de domaines (cycle de vie de la firme),
dégradation continue de la capacité financière (effet de ciseau financier,
par exemple),
dégradation de la pyramide des âges et des compétences,
- démobilisation des hommes, etc.
Le prédiagnostic: les dysfonctionnements stratégiques généraux 65

• Les facteurs externes:


produit remis en cause par l'évolution des comportements (cycle de vie
du produit) ;
effets d'une internationalisation progressive du secteur;
rupture progressive de la situation concurrentielle: entrée régulière de
nouveaux concurrents, produits de substitution, pressions des clients
et/ou des fournisseurs, dégradation des positions de la clientèle etc.

• Les indicateurs stratégiques: buts et objectifs

A. L'objet des mesures: de l'entreprise totale aux domaines


stratégiques
Une première question se pose qui est de savoir à quel niveau il convient
de fixer, et par conséquent, d'observer ces indicateurs. Ainsi, pour une en-
treprise très diversifiée, l'analyse d'un taux global de rentabilité peut être
difficilement exploitable. À l'inverse, ce même taux, calculé au regard d'un
produit, peut offrir une mesure trop détaillée ou, au contraire, insuffisam-
ment précise si cc produit est destiné à des marchés fortement distincts dont
les comportements peuvent être contradictoires.
L'observation du référentiel stratégique montre que les indicateurs peuvent
s'appliquer à trois niveaux:
indicateurs et « entreprise totale »,

indicateurs et unités stratégiques de base (business units),


- indicateurs et domaines stratégiques.
Il conviendra donc d'apprécier le niveau satisfaisant dans chaque situation,
afin de décider s'il y a lieu ou non d'opérer plusieurs démarches distinctes
d'audit.

B. Les caractéristiques des buts stratégiques


On peut considérer que les buts stratégiques définissent qualitativement les
grands choix de l'organisation. Sans entrer ici dans un débat qui viserait à
établir des frontières précises entre des notions comme celles de but ou de
finalité, on va énumérer quelques exemples de ce que pourraient être ces
buts:
- devenir leader dans un métier à l'échéance du plan stratégique,
- reconquérir une liberté de manœuvre par une différenciation accrue,
66 L'audit stratégique

restaurer des marges sur la base d'une meilleure définition des serVIces
rendus,
affirmer l'identité de l'entreprise à partir d'une plus grande cohésion in-
terne et d'une meilleure communication,
concentrer les efforts sur la qualité pour faire évoluer un positionnement
dans un contexte concurrentiel plus difficile.
Un but stratégique apparaît donc comme un référentiel qualitatif pour la
définition du futur plan stratégique. On admet que, sous une forme plus ou
moins détaillée, ces buts doivent être explicites, ce qui aura pour effet d'as-
surer la cohérence du comportement de l'encadrement et du personnel mais
aussi, dans la mesure du possible, leur adhésion et leur mobilisation autour
de ces principes directeurs. On notera surtout que ces différents buts n'ont
pas la même signification. La qualité apparaît comme un but plus global,
autorisant la réalisation des autres buts cités.

C. Les caractéristiques des objectifs stratégiques


Quelques indicateurs classiques sont proposés dans la figure 4-3.

Bénéfices Valeur ajoutée Rentabilité pour les actionnaires


Marges Fonds de roulement Valeur à long terme pour
Valeur des ventes Liquidité les actionnaires

NB. Ces points font l'objet d'estimation sous forme de taux ou de ratios car, sous cette forme brute, ils
ne seraient pas significatifs

2.1 Indicateurs généraux

Part de marché Vices par unité de production Coût de non-qualité


Gaspillages ou de service Variabilité de produit ou
de service

2.2 Durées de cycle (*)

Temps de traitement Temps de traitement des lots Temps d'accession au seuil


des commandes Temps d'introduction de rentabilité de nouveaux
Délai de livraison des produits de nouveaux produits et services développements
sur le marché Temps de rotation des stocks

(*) Ces durées de cycle correspondent très clairement à des processus et seront analysées au chapitre
7 ce qui n'exclut pas pour autant que l'entreprise leur accorde une dimension d'objectif stratégique.

Figure 4-3 Résultats opérationnels et objectifs stratégiques (d'après EFQM)_


Le prédiagnostic: les dysfonctionnements stratégiques généraux 67

Ces objectifs stratégiques doivent d'abord être clairement différenciés des


objectifs fonctionnels. S'agissant d'objectifs fonctionnels, ceux que se fixe
par exemple une direction du marketing, on conçoit qu'ils puissent être
nombreux puisqu'il s'agit de maîtriser les multiples aspects de cette fonction
et que cela repose sur un nécessaire niveau de détail. Les objectifs straté-
giques, qu'ils portent sur un segment stratégique ou sur l'entreprise totale,
n'ont pas la même vocation. Comme l'indique P. Drucke~ : « Des objectifs
sont nécessaires dans tous les domaines où action et résultats ont une in-
fluence directe et décisive sur l'existence et la prospérité de l'entreprise. »

Cette définition suppose dès lors un nombre limité d'objectifs, c'est-à-dire


de mesures, qui constituent en quelque sorte le tableau de bord de contrôle
du dirigeant. Parmi ceux-ci, on relèvera souvent la rentabilité (mesurée à
travers la marge ou la rotation des actifs), la part de marché, ou dans certains
cas des objectifs de productivité. Ces objectifs classiques et non limitatifs
feront l'objet de développements ultérieurs. Parce qu'ils reposent sur des
données comptables disponibles, ils sont acceptés par la quasi-totalité des
auteurs et des praticiens. Sont-ils pour autant suffisants au regard de la
définition de P. Drucker '?

Cette question ouvre la voie à d'autres objectifs, qui impliqueront d'autres


types de mesures, moins immédiates mais tout aussi importantes. Comme
l'écrit T. Peters 3 , « ... notre obsession pour les calculs financiers a relégué
au second plan des variables non financières, moins tangibles mais bien
plus essentielles ... elles sont de plus en plus de véritables facteurs de réus-
site de l'entreprise ... ».

On peut dire que ce n'est pas l'un des moindres mérites de l'approche
Qualité Totale que d'avoir remis l'accent, de façon très ferme, sur ces ob-
jectifs non financiers qui relèvent du «langage des choses ». Deux types
d'objectifs non financiers vont illustrer cette hypothèse.

Les objectif~ stratégiques et la clientèle. De nombreux travaux confirment


aujourd'hui le caractère stratégique des indicateurs ou des objectifs relatifs
à la clientèle. Dans un système où la concurrence est très dure, conquérir
un nouveau client devient un investissement lourd qui rend la valeur des
clients anciens plus évidente. De nombreux auteurs ont ainsi suggéré de
considérer un client, non plus en fonction de son chiffre d'affaires immédiat,
mais sur la base du chiffre d'affaires qu'il peut générer au cours d'une vie

2. P.F Drucker. La pratique de la Direction des entreprises. Éditions d'Organisation, 1957.


3. T. Peters, Le chaos management, {Il'. cit.
68 L'audit stratégique

commerciale de plusieurs années 4 • Des objectifs peuvent ainsi être associés


à différentes politiques:
- développer son portefeuille de clientèle,
- fidéliser une clientèle existante dans l'idée de « zéro départ ».
Le second de ces objectifs est clairement justifié dès lors que l'on observe
les éléments de la figure 4-4.

CA et
coûts

CA généré par le
client X

Coût de prospection
et de gestion du
client X

Temps

Figure 4·4 La productivité commerciale d'un client.

Le caractère divergent des deux courbes explique - et justifie - certaines


campagnes de recherche de nouveaux clients basées sur des offres de ca-
deaux en apparence disproportionnées, mais dont il convient d'apprécier le
coût par référence à un profit potentiel cumulé sur plusieurs années. On
notera que cet objectif, qui traduit une volonté de fidélisation, représente un
véritable levier de la profitabilité.

Des mesures globales de la qualité. Dans l'hypothèse où l'on peut synthé-


tiser la qualité d'un produit ou d'un service à travers une mesure unique,
celle-ci pourrait constituer un objectif stratégique au sens où nous l'avons
défini. Ainsi, pour l'industrie automobile, un objectif de réduction du nom-
bre des défaillances (zéro panne) pourrait être privilégié et mesuré à travers
un indicateur de «défaillance pondérée d'un véhicule », par exemple à
30.000 km. Le guide des référentiels qualité d'un constructeur automobile
français en donnait la définition sui vante: Dp = 100 P + 50 lE + 10 AI.

4. F. Reichheld, E, Sasser, Les clients d'hierfont les protïts de demain, Harvard·L'Expansion, 1990-91.
Le prédiagnostic: les dysfonctionnements stratégiques généraux 69

Expression dans laquelle: P était le nombre d'incidents interdisant l'usage


du véhicule ou entraînant son immobilisation, lE, le nombre d'incidents
ennuyeux (incidents qui irritent le client au point de lui faire abandonner la
marque) et AI le nombre des autres incidents.
Dans une certaine mesure, un Coût d'Obtention de la Qualité (COQ) pourrait
aussi être considéré comme une mesure d'objectif stratégique sous réserve
de certaines précautions dans son calcul, qui puissent autoriser des compa-
raisons fiables dans le temps.

4.2.2 La conduite du prédiagnostic


• Les documents nécessaires à l'auditeur
L'audit général, qui fait l'objet de ce chapitre, repose par définition sur des
indicateurs présumés disponibles au niveau d'une direction. C'est vraisem-
blablement le cas pour ce qui concerne la définition des buts et des objectifs
stratégiques les plus fréquemment utilisés tels que la rentabilité, la part de
marché, la croissance relative ou la productivité. Il n'est cependant pas cer-
tain que l'entreprise soit engagée dans une procédure stratégique formalisée.
L'auditeur devrait alors collecter ces informations auprès des directions spé-
cifiques et notamment auprès des services comptables (cf figure 4-5).

• Bilans et comptes de résultats (T; T-n) • Projet d'entreprise

• Rapports annuels • Diagnostics internes et externes

• Tableaux de bord stratégiques • Plans d'Action Qualité (PAQ), manuel qualité

• Documents centrale des bilans • Revue de presse

• Comptes rendus du comité de direction • Entretiens avec la direction générale

Figure 4-5 Les sources d'information de l'auditeur.

• Audit des métiers et des buts


Avant d'aborder l'observation des buts et objectifs de l'entreprise - ou du
département étudié - l'auditeur devrait s'attacher à identifier la perception
de ses « métiers ». Il s'agit, à ce stade préliminaire, de situer le degré de
réflexion réalisé par le chef d'entreprise et les membres de la haute direction,
dans leur analyse des constituants fondamentaux de la position concurren-
tielle de la firme. Cette information, qui sera ultérieurement recoupée avec
70 L'audit stratégique

les résultats d'audits plus spécifiques, ne peut-être obtenue qu'à partir d'en-
tretiens organisés autour de deux questions:
Comment définissez-vous votre métier?
Quels sont, dans cette perspective, vos facteurs clés de succès?
La première question devra permettre d'identifier la perception globale du
métier. On peut illustrer cette situation dans l'hypothèse d'un concession-
naire automobile (cf figure 4-6). Dans cet exemple, volontairement très
élémentaire, une réponse du type « Vente de voitures» laisserait anticiper
une vision réductrice du métier et par conséquent un contexte pauvre pour
le développement stratégique.

Disponibilité au
service du client Mise à disposition
SERVICES de produits adaptés
à des besoins spécifiques
de clientèles

Orientation
du métier Vente et entretien
de voitures RENAULT

Vente de voitures
PRODUITS ~tedevo~ de qualité

Densité faible Densité forte


Densité de la définition

Figure 4-6 Perception de son métier par un concessionaire automobile.

Cette définition du métier sera ensuite complétée par l'énoncé des facteurs
clés de réussite. Là encore il s'agit de perceptions, qui seront révélatrices à
la fois dans leur densité et dans leur cohérence avec la définition du métier.
Ces facteurs feront ou non l'objet de confirmations dans la suite de l'audit
mais une énumération de facteurs « pauvres» laisserait planer à nouveau un
doute sur l'aptitude de l'entreprise à conduire une stratégie efficace.
Les indicateurs vont enfin provenir de l'analyse des buts. Leur caractère
qualitatif limitera les possibilités de l'auditeur. Il lui faudra essentiellement
s'assurer de leur existence, de leur caractère plus ou moins explicite, des
niveaux où ils sont publiés, de leur cohérence et de leur degré de réalisation.
Le point de départ de cette analyse est illustré dans la figure 4-7.
Le prédiagnostic.' les dysfonctionnements stratégiques généraux 71

1A. Niveau direction générale


• Vérification de l'existence de buts stratégiques explicites OUI NON
• Si non, identification des buts implicites des dirigeants
• Si oui, liste des buts retenus par l'entreprise
• Niveau de diffusion des buts dans la hiérarchie:
- Encadrement supérieur OUI NON
- Encadrement intermédiaire OUI NON
- Ouvriers, employés OUI NON
• Description des modalités de diffusion (existence d'un projet
d'entreprise, d'une charte, ... )

1B. Niveau encadrement supérieur


• Buts connus de l'encadrement et description
idem Idem
• Point de vue de l'encadrement et estimation du niveau
d'adhésion

1C. Même type d'analyse pour les autres niveaux hiérarchiques


idem idem
(s'il y a lieu)

Figure 4-7 Observation des buts stratégiques de l'entreprise.

Une situation fréquente résidera dans l'absence de buts explicites sans ex-
clure pour autant l'existence d'objectifs. L'auditeur devrait alors tenter
d'identifier les buts effectifs (implicites) poursuivis par les dirigeants afin
de vérifier ultérieurement leur cohérence avec les objectifs (s'il Y en a) et
avec les politiques mises en œuvre.
L'existence d'un projet d'entreprise constituerait un élément très utile, ga-
rantissant à la fois un minimum de participation à la réflexion sur les buts
et leur probable vulgarisation. La cohérence interne dans l'appréciation des
buts devra aussi retenir l'attention de l'auditeur.
Toutefois, dans la mesure où nous nous plaçons ici dans une perspective
globale, ce sont les objectifs stratégiques qui feront l'objet de l'étude la plus
approfondie .

• L'audit des objectifs stratégiques de base


L'auditeur doit donc analyser l'existence, la cohérence et le niveau de réa-
lisation des objectifs stratégiques. Comme il s'agit d'observer un petit nom-
bre de paramètres pouvant traduire des évolutions profondes de l'entreprise,
il aura intérêt à travailler, si possible, sur une période de référence assez
longue. Il sera aussi intéressant de rapprocher les données chiffrées et la
chronologie des décisions stratégiques afin de vérifier l'efficacité de ces
dernières et/ou l'existence d'obstacles dans leur mise en œuvre. Bien
72 L'audit stratégique

entendu, il sera amené à approfondir les causes de non-réalisation ou/et


d'infléchissement des indicateurs. La disponibilité d'indications sur les per-
formances de la concurrence serait utile, mais, s'agissant de mesures très
globales, les comparaisons devraient être réalisées avec la plus grande pru-
dence.

A_ Les indicateurs de rentabilité


La rotation des actifs. Ce sera généralement l'objectif privilégié pour une
entreprise opérant avec des marges faibles. L'auditeur sera souvent conduit
à estimer des postes d'actifs excessifs; il devra cependant les considérer
comme des premières approches, susceptibles d'être révisées par la suite
(cf figure 4-8). En effet, un ratio de rotation des actifs ne révélera jamais
une insuffisance d'actif mais, par exemple, une insuffisance de stocks qui
pourrait favoriser la rotation tout en pénalisant la qualité du service.

Indicateurs Causes immédiates de non-réalisation Sources


Immobilisations Mauvaise appréciation des équipements Visites, entretiens
excessives nécessaires
Surcapacité des locaux de stockage, Idem
de production ou administratifs
Stocks Insuffisance de suivi (interne) Observation globale des
excessifs Produits commandés par erreur ou inexploitables procédures
Produits refusés par les clients: non conformes, Demandes d'avoirs,
hors délais ... contentieux
Augmentation des stocks morts de produits finis: Evolution des provisions
erreurs de prévision, produits obsolètes,
inadéquation à la demande, mauvais
enregistrement des commandes,
produits repris aux clients Planning de production
Sur-stocks volontaires pour risque de défaillance
de la filière Analyse d'évolution du
Sur-stocks pour excès de diversification en cours portefeuille de produits
Crédit client Insuffisance du suivi (interne) Analyse de procédure
mal maîtrisé Dégradation de la capacité de négociation Evolution du portefeuille
Reports d'échéances liés à: non-qualité des clients
produits, non-respect des délais, livraisons Analyse des demandes de
partielles non facturables, mauvaise reports. Entretiens avec
coordination de la facturation. le service comptable
Augmentation des contentieux Entretiens service juridique
Sélection insuffisante des clients Consignes à la force de
vente
Trésorerie Non-qualité de la gestion de trésorerie Analyse de procédure
excessive Réserves pour risques de défaillances Motifs des réserves

(*) Voir aussi les figures 3-6 et 3-7

Figure 4-8 L'objectif de rentabilité: la rotation des actifs


(Chiffre d'affaires / Actif) *.
Le prédiagnostic.' les dysfonctionnements stratégiques généraux 73

Un bon exemple est fourni par de nombreuses sociétés de vente par cor-
respondance d'ordinateurs dont les médiocres délais de livraison conduisent
à livrer le client à des prix qui ne sont plus ceux du marché au moment de
la mise à disposition effective du produit.

La marge nette. Ce sera souvent, à l'inverse, l'indicateur stratégique privi-


légié d'une entreprise opérant avec une capacité de rotation d'actif limitée
(cf figure 4-9).

Indicateurs Causes immédiates Sources

Dégradation Problèmes de la fonction achats: Entretiens avec


de la marge brute - mauvaise négociation les responsables
- négociation impossible pour cause
d'intégration.
- mauvais choix de produits ou de
matériels.
- mauvais coefficients de révision de
prix
Dégradation de la position Entretiens direction
concurrentielle : générale et direction
- mauvaise adéquation « produit- commerciale
client n.
- baisse de qualité relative du produit.
- Réaction de défense face à une
agressivité des concurrents. Comptabilité analytique
Déséquilibre du portefeuille
de domaines. Documents comptables
Évolution de la composition des ventes.
Impact des dépréciations sur stocks.

Augmentations Hausse de certains coûts d'exploitation Documents comptables


de charges spécifiques Documents relatifs
au calcul des COQ

Augmentation relative Effets d'une baisse d'activité sur les Comptabilité analytique
de certaines charges coûts fixes ou semi-fixes Entretiens

Figure 4-9 L'objectif de rentabilité: la marge nette


(Résultat d'exploitation / Chiffre d'affaires).

D'une façon générale, l'auditeur ne devrait pas être amené à entrer dans le
détail des facteurs que nous venons d'énumérer sauf pour les facteurs de
dysfonctionnement majeurs.
74 L'audit stratégique

B. L'objectif de part de marché


Une dégradation de la part de marché détenue par une entreprise peut être
un bon indicateur de dysfonctionnement stratégique, pour autant que cet
objectif fasse l'objet d'une mesure suffisamment précise (cf figure 4-10).

Causes immédiates
Indicateurs Sources
de non-réalisation

Capacité Capacité globale inadéquate, Entretiens avec la direction de la


de production Goulots d'étranglement internes, production, les achats, la DRH
Goulots d'étranglement externes,
Facteurs accidentels:
- grèves
- accidents de production

Capacité Portefeuille de produits inadéquat, Entretiens avec la direction


de vente Vieillissement d'un produit dominant, commerciale, avec les forces
Non-qualité du produit: de vente, avec les clients
- non-qualité de la conception,
- non-qualité de l'adéquation
aux besoins,
- non-qualité matérielle,
- non fiabilité",
Non-qualité du mix-marketing :
- prix, communication .. ,
Non-efficacité du système de distribution,
Non-efficacité de la force de vente,
Inadéquation image firme 1 image produit,
Modification des comportements de la
concurrence

Figure 4-10 L'objectif de part de marché (ou de croissance relative).

C. Analyse dynamique des indicateurs


À ce stade, l'auditeur a pu déceler un certain nombre de dysfonctionnements.
Exprimés par rapport aux buts et objectifs, ils s'inscrivent dans la perspec-
ti ve du plan stratégique en cours d'exécution. Dans la majorité des cas, ce
plan n'est pas figé et l'auditeur devra en observer les révisions au cours des
années. Elles pourront apporter des indications sur l'ancienneté des dys-
fonctionnements repérés et sur le caractère structurel, conjoncturel ou acci-
dentel de leur apparition. L'auditeur aura aussi intérêt à situer son analyse
dans une perspective plus globale qui l'amènera à étudier le cycle de vie
de l'organisation étudiée (CVO) par rapport à l'évolution de la branche.

L'évolution des buts et objectif\' de l'organisation. Les buts et objectifs peu-


vent faire l'objet de révisions importantes alors que, logiquement, du fait
Le prédiagnostic: les dysfonctionnements stratégiques généraux 75

de leur définition, ils devraient présenter une forte stabilité au moins sur
l'horizon du plan. De ce fait, leur remise en question constituera presque
toujours un indicateur précieux, bien qu'il soit possible que cette transfor-
mation ne traduise pas un dysfonctionnement mais, par exemple, le résultat
d'un changement de pouvoir à l'occasion d'une prise de contrôle. A priori,
une modification des buts devra entraîner une analyse approfondie de ses
causes. Il est probable que celles-ci, en première approche, seront présentées
comme une volonté de réorientation de l'entreprise mais il est aussi vrai-
semblable qu'à l'arrière-plan de ce choix, on trouve un échec pouvant lui-
même résulter de dysfonctionnements que l'on n'aura pas voulu ou pu éli-
miner. Des entretiens avec la direction et l'encadrement supérieur pourront
alors préciser les causes réelles.

Une simple évolution des buts et objectifs en cours d'exécution du plan


stratégique est beaucoup plus fréquente. Son analyse sera tout aussi révé-
latrice. Elle devra prendre en compte leur degré de précision, la fréquence
des révisions et l'importance de celles-ci. Des objectifs stratégiques peu ou
mal formulés ne permettraient pas de tirer des conclusions très significatives
et conduiraient à reporter l'analyse dynamique sur l'observation du cycle
de vie de l'organisation.

L'indicateur « cycle de vie de [·organisation » (CVO). La notion de cycle


de vie des organisations met en avant l'hypothèse d'un cycle comparable à
celui du produit dès lors que l'on observe, sur une assez longue période,
l'évolution des résultats actualisés (en monnaie constante) d'une entreprise
dont les composantes sont suffisamment homogènes.

Cette situation semble résulter de facteurs évidents, dont les effets se cu-
mulent pour constituer la tendance cyclique. La réussite de l'organisation
étant définie par son adéquation à l'environnement, ces facteurs vont l'at-
ténuer progressivement, laissant ainsi la place à des concurrents mieux en
phase avec les contraintes et les opportunités du moment. Les facteurs de
désadéquation peuvent ainsi être internes ou externes.

Au titre des facteurs internes, on peut citer:


l'évolution de la pyramide des âges du personnel de l'entreprise,
- le problème de la succession du fondateur,
- l'impossibilité de rééquilibrer totalement le portefeuille de produits,
- l'insuffisante attention portée aux emplois administratifs,
- la perte des avantages procurés par des brevets importants ...
76 L'audit stratégique

Au titre des facteurs externes:


les modifications de comportement des consommateurs,
la détérioration progressive de la qualité initiale d'une localisation,
l'évolution des technologies, de la concurrence,
le développement de produits de substitution,
- le vieillissement de l'image de l'entreprise ...
Toutes sortes de rigidités empêchent alors l'entreprise d'opposer une réac-
tion instantanée à cette rupture d'adéquation. Un phénomène d'accumulation
explique le vieillissement et éventuellement le déclin de la firme. Ces rigi-
dités ont par ailleurs généralement pour effet d'augmenter le coût des ten-
tatives d'adaptation. Le modèle de référence peut alors se présenter sous les
formes indiquées sur la figure 4-11.

Approche par le CA actualisé Approche par les ratios de charges

CA Marge brute
Ratios
monnaie en % du CA
constante

Postes de charges
en % du CA

Marge nette

Temps Temps

Figure 4-11 Les manifestations du cycle de vie d'une organisation.

La partie gauche illustre une première approche du cycle à travers la per-


formance globale d'une unité homogène, exprimée en monnaie constante.
La partie droite suggère une analyse par la structure des coûts. Le schéma
indicatif est fréquemment vérifié en longue période, avec une marge brute
croissante qui ne suffit toutefois pas à compenser la pression des coûts et
qui débouche alors sur une diminution de la marge nette. Les différentes
inflexions des courbes reproduisant les principaux postes de coût expliquent
alors les causes directes du cycle et impliquent une analyse approfondie des
causes réelles.
On notera que cette approche est analogue, sur le plan des outils, à celle
préconisée dans l'analyse des objectifs de rentabilité. La différence porte
sur la période de référence. Le cycle de vie de ]' organisation doit permettre
Le prédiagnostic: les dysfonctionnements stratégiques généraux 77

d'identifier des tendances lourdes. L'analyse des causes conduite à propos


de la rentabilité sera donc reprise ici dans une perspective plus large.
Le cycle révèle à la fois une volonté de réaction de l'entreprise à une dé-
sadéquation naturelle par rapport à l'environnement, du fait du vieillisse-
ment, et aussi une tendance non moins naturelle des organisations à l'obésité
résultant d'une non-maîtrise de certains coûts. La fameuse loi de Parkinson
en est l'expression dans le domaine des charges administratives. Devant une
situation du type de celle illustrée à la figure 4-11, l'auditeur devrait re-
chercher ce qui relève des coûts nécessaires de la remise en phase avec
l'environnement et ce qui traduit l'obésité d'une entreprise vieillissante .

• Audit de la réalisation des autres objectifs stratégiques


En évoquant d'autres objectifs stratégiques que ceux traditionnellement em-
pmntés à la finance, on aborde une question qui sera développée au cours
des chapitres 5 et 6 consacrés à la satisfaction des clients, du personnel et
de la collectivité. La nuance tient au fait que l'on se place ici dans l'hypo-
thèse où ces satisfactions sont expressément formulées comme des objectifs
c'est-à-dire sous une forme chiffrée. Dans la pratique, malgré leur impor-
tance, ces références sont beaucoup plus qualitatives et c'est pourquoi nous
les développerons plus précisément dans la catégorie des sous-objectifs
étroitement liés à la Qualité Totale.

A. Les objectifs relatifs à la clientèle


Il s'agit de vérifier la référence stratégique à ce type d'objectifs avant d'ob-
server son implication sur la réalisation de cette stratégie .
• La première question est donc celle de l'existence effective d'objectifs
relatifs à la clientèle (développement, fidélisation ... ). Sauf si l'entreprise
opère dans une perspective d'orientation clientèle très forte, il est assez
peu probable que de tels objectifs soient effectivement inscrits dans le plan
stratégique (ce qui constituerait évidemment une indication très positive).
Dans la pratique, c'est donc aUl?rès de la direction commerciale que l'on
pourra trouver des indications. A l'occasion d'entretiens, l'auditeur devra
apprécier la réalité de ces objectifs et surtout l'importance qui leur est
accordée avant d'en interpréter les résultats.
L'absence totale de tels objectifs indiquerait, dans la plupart des cas, des
risques importants comme:
l'impossibilité de saisir les variations du portefeuille de clientèle et, par
conséquent, d'en analyser les causes;
78 L'audit stratégique

- l'impossibilité d'ajuster les produits, les services associés et les compor-


tements aux attentes réelles de la clientèle ;
- un risque de mise en œuvre de mesures inadaptées à la réalité des causes.

Ceci devrait conduire l'auditeur à préconiser une mise en place de ces in-
dicateurs, opération dont l'importance dépendra en pratique de la structure
de la clientèle. Il est probable que, dans la majorité des cas, celle-ci se
répartira suivant une distribution de Pareto et, en première approche, l' ana-
lyse pourra être conduite sur la base des 20 ou 30 % de clientèle assurant
une part dominante du chiffre d'affaires .
• Qu'ils soient disponibles ou qu'ils résultent d'une étude demandée par
l'auditeur, ces indicateurs pourront au moins être de deux types.

Un indicateur de fidélité visant à identifier le comportement de la clientèle


existante. Deux mesures peuvent être préconisées: l'une traduisant la me-
nace de perte de clientèle notée ici F l, l'autre caractérisant les pertes ef-
fectives, notée F2. On proposera les mesures suivantes pour ces différents
indicateurs (le chiffre d'affaires étant noté CA) :
FI = [(Variation du CA client x Trr-l) / (Variation du CA moyen Trr-l)] *
100
F2 = [ 1 - (Nombre de clients présents en T-I, traités en T) / (Nombre de
clients en T-l) ] * 100

Il faudra aussi tenir compte de la capacité de l'entreprise à renouveler sa


clientèle, mesurée à partir d'un indicateur de croissance que nous noterons
G, et qui pourrait être appréhendé sous la forme:
G = [(Nombre de clients nouveaux en T) / (Nombre de clients en T-l)] *
100

La figure 4-12 indique les lignes directrices d'une recherche des causes
associées à une évolution négative de ces indicateurs.

Les risques liés à ces situations sont à l'évidence majeurs, et caractérisent


tout à fait l'aspect stratégique des objectifs. On constatera souvent qu'à
l'arrière-plan d'une situation dégradée, il manque une réflexion sur les avan-
tages compétitifs de l'entreprise ou du département étudié. Il en résulte alors
une base insuffisante pour l'élaboration de la stratégie et bien entendu pour
celle des politiques (la politique commerciale, par exemple). En fin de
compte, la force de vente ne disposera ni de la formation, ni de l'argumen-
taire lui permettant d'imposer l'entreprise et ses produits.
Le prédiagnostic: les dysfonctionnements stratégiques généraux 79

Indicateurs et Causes
dysfonctionnement

F1: Menaces A. Comportement de la concurrence


sur la clientèle Apparition de nouveaux concurrents,
Agressivité commerciale (prix, remises, etc.)
Politique de qualité produits/services (des concurrents)
B. Facteurs internes
Baisse de la qualité produits/services
Problèmes d'efficacité commerciale (suivi des clients)
C. Facteurs propres aux clients
Vieillissement de la clientèle qui répercute sa propre
diminution de part de marché

F2: Perte NB: Nécessité de distinguer entre la disparition d'un client arrêt
de clientèle d'activité et le passage d'un client à la concurrence
Accumulation de causes repérées avec F1
Pouvait-on conserver ce client?
Si oui: qualité globale en cause: Implications:
Quelles sont les procédures spécifiques de suivi et de traitement
des clients anciens?
Quelles sont les modalités d'analyse des clients perdus?

G: Insuffisance A. Le marché
du renouvellement Situation de maturité ou de déclin
B. La concurrence
Dégradation de la position concurrentielle
C. La politique commerciale
Observation des composantes du marketing-mix et plus
particulièrement: absence d'incitations à la prospection,
non-qualité de la force de vente, non-qualité
des argumentaires, etc.

Figure 4-12 Analyse des indicateurs relatifs à la clientèle.

B. Les objectifs relatifs à la qualité


Cette hypothèse n'est retenue que pour mémoire dans la mesure où elle
illustre une situation simple mais rare. Elle suppose en effet une entreprise,
ou une division, qui se donne un objectif stratégique relevant spécifiquement
du domaine de la qualité c'est-à-dire, en pratique, une mesure synthétique
- ou plusieurs - traduisant, par exemple, un objectif du type zéro délai,
zéro défaut ou zéro panne.
Ainsi, lorsque le sous-préfet de Béthune lance l'opération «24 heures
chrono» avec la finalité d'aboutir au renouvellement de tout document
d'identité en moins de 24 heures, c'est bien un objectif de ce type qui est
retenu 5 . Son existence illustre de façon évidente la volonté d'un dirigeant

S. H. Sérieyx, Le zéro mépris, InterÉditions. 1989.


80 L'audit stratégique

de placer la qualité à un niveau véritablement stratégique. L'auditeur devrait


alors, à l'occasion d'entretiens dans les différents services et à tous les ni-
veaux de la hiérarchie, s'assurer que \' objectif est à la fois connu de tous
et perçu comme un résultat à atteindre et non pas comme une incantation
ou un gadget.
Il est possible enfin, bien que peu probable, que l'entreprise ait retenu des
objectifs très différents de ceux que nous avons décrits. L'auditeur devrait
alors les analyser à partir d'une démarche similaire.

4.2.3 Synthèse, recommandations, risques


Au terme des opérations que nous venons de décrire, l'auditeur dispose d'un
certain nombre d'informations qui vont guider la suite de son analyse. C'est
ainsi qu'il a pu vérifier:
- l'existence ou non d'un préalable stratégique sous la forme de buts et
d'objectifs,
- le degré de réalisation des buts et des objectifs stratégiques explicites ou
reconstitués,
l 'historique de cette réalisation,
- d'éventuels dysfonctionnements majeurs.
Deux grandes situations sont mises en évidence suivant qu'un préalable
stratégique existe ou non dans l'entreprise .

• L'absence de préalable stratégique


De nombreuses entreprises fonctionnent en dehors de toute approche stra-
tégique ou, tout au moins, sans formalisation précise de cette stratégie. Il
reviendra alors à l'auditeur de déceler les buts non formalisés des dirigeants,
de chiffrer ce qu'auraient pu être les objectifs stratégiques de la firme et de
faire établir par les services ad hoc les indicateurs pouvant permettre un
minimum d'interprétation des résultats enregistrés.
Si les résultats obtenus sont significativement mauvais, l'auditeur disposera
certainement d'une argumentation pour préconiser une révision de la dé-
marche globale des décideurs en vue de passer d'une approche de pilotage
à une approche stratégique.
Cette hypothèse reste cependant théorique car l'absence de préalable stra-
tégique a de fortes chances de résulter des personnalités des dirigeants, de
sorte que même une situation de crise pourrait ne pas modifier leur attitude.
Le prédiagnostic: les dysfonctionnements stratégiques généraux 81

L'audit de la stratégie et du leadership (cf chap.8) devrait permettre de


préciser cette situation au regard d'une révision politique.
À l'inverse, si les résultats obtenus sont corrects, il deviendra peu vraisem-
blable que l'on puisse infléchir le mode de gestion adopté. Une approche
stratégique formalisée se heurterait en effet à un style de management con-
forté par ces résultats. Il est probable que seule une pression externe pourra
conduire à un réel infléchissement mais l'absence de préalable stratégique
fait qu'un diagnostic externe n'est probablement pas disponible: l'auditeur
aura à s'en assurer. Il pourrait être amené à demander des informations
complémentaires afin d'apprécier les risques de transformation de l' envi-
ronnement, notamment sur les plans concurrentiel et technologique. Il est
alors vraisemblable que seules des menaces sérieuses sur le futur de cet
environnement conduiraient à une modification de comportement.

• L'existence d'un préalable stratégique

A. Première hypothèse
L'auditeur a pu constater que l'entreprise étudiée fonctionnait dans un con-
texte stratégique, que des buts et dcs objectifs avaient été définis et atteints
dans des métiers dont la perception était cohérente et dense. L'approfon-
dissement de l'audit des objectifs au niveau des indicateurs n'a pas permis
de découvrir des défaillances évidentes. Le noyau stratégique est donc con-
firmé dans ses choix, surtout si un objectif strictement financier (rentabilité)
a pu être réalisé en même temps qu'un objectif commercial (part de marché
ou croissance relative).
Si l'environnement ne présente pas de menaces particulières, on sera placé
dans une perspective typique d'amélioration dont les audits complémentaires
permettront d'apprécier le contenu.

B. Seconde hypothèse
Le contexte stratégique existe, mais les objectifs, bien qu'à priori réalistes,
ne sont pas atteints. Rien n'indique encore que les causes soient essentiel-
lement internes. Ce qui est cependant certain et essentiel c'est que l'auditeur,
du fait de l'existence d'une stratégie, pourra anticiper une implication pro-
bable du noyau stratégique et de \' encadrement à l'égard de ce dysfonc-
tionnement.
On peut alors avancer deux critiques, qui pourraient être formulées à \' égard
de la démarche suivie:
82 L'audit stratégique

• On pourrait d'abord mettre en cause la pertinence des indicateurs, essen-


tiellement comptables, que nous avons utilisés. Il est vrai qu'en agissant
ainsi, on privilégie un management à partir des chiffres « visibles », alors
qu'il est vraisemblable que les causes profondes de dysfonctionnement
sont plus complexes et qu'elles seraient mieux révélées par des indicateurs
non financiers, hélas généralement peu disponibles 6 . Dans le cas présent,
puisqu'il s'agit de faire seulement référence à des révélateurs généraux,
la critique serait excessive. Il n'est toutefois pas inutile de s'interroger sur
ses implications et de constater ainsi que l'entreprise est le plus souvent
gérée à partir de mesures essentiellement financières, avec des effets qu'il
faut avoir présents à l'esprit.
Le premier est que l'on privilégie éventuellement l'observation des con-
séquences au détriment de ceIIe des causes, ce qui serait à la limite
acceptable si les ratios utilisés étaient neutres. Dans la pratique, il n'en
est rien parce que ces mêmes ratios obéissent d'abord à des contraintes
comptables et fiscales, tout en devant assurer la satisfaction des ac-
tionnaires. On a donc un type d'indicateurs qui n'est pas parfaitement
adapté au besoin, tant dans ses règles de construction que dans ses
finalités. Ceci ouvre un débat classique sur la notion d'objectif straté-
gique et, de façon plus générale, sur le contenu traditionnel du dia-
gnostic d'entreprise.
Un deuxième effet, d'ailleurs lié au précédent, tient à ce que ces in-
dicateurs financiers risquent de renforcer la préférence, souvent criti-
quée, des entrepreneurs occidentaux pour le court terme. C'est notam-
ment le cas avec les mesures de rentabilité dont chacun sait qu'elles
sont « manipulables » et surtout éventueIIement peu compatibles avec
une vision stratégique.
Un troisième effet, positif celui-ci, tient à l'importance du langage de
l'argent dans la sensibilisation des dirigeants. Cette approche a ainsi le
mérite de favoriser une forte mobilisation aux niveaux les plus élevés
de la hiérarchie .
• Enfin, et c'est probablement le plus important, nous avons été amenés à
observer, en tant qu'indicateurs, des buts et des objectifs résultant d'une
démarche stratégique sans approfondir véritablement les conditions d' éla-
boration de celle-ci. Cette omission tient à un choix technique qui conduit
à consacrer par la suite un exposé particulier aux problèmes d'organisation
et de structures.

6. W. E. Deming, Qualité, la révolution du manafiement, Économica, 1988.


Les dysfonctionnements
et objectifs de la Qualité Totale

Enjeux et risques
Le degré de réalisation des objectifs stratégiques était le point de départ
logique d'un audit de la stratégie quelles que soient les conditions de son
élaboration. Dès l'instant où l'on se place dans l'hypothèse de la Qualité
Totale, cette approche doit être affinée à travers une analyse des dysfonc-
tionnements propres aux objectifs affichés de cette stratégie. Au centre de
ceux-ci se trouve la recherche de la satisfaction du client dont la Qualité
Totale a longtemps fait une finalité privilégiée (cf chapitre 5) avant de la
compléter par la satisfaction du personnel et par le niveau d'intégration de
l'entreprise dans la vie de la collectivité (cf chapitre 6).

Un bref rappel historique n'est probablement pas inutile. Vers la fin des
années 70, il s'agissait principalement de l'emporter dans une concurrence
entre pays situés à des stades de développement voisins. C'est dans ce con-
texte que se situait, par exemple, l'affrontement des industries automobiles
du Japon et des pays occidentaux. Par la suite, la qualité fut présentée
comme un moyen de surmonter le handicap des bas salaires des nouveaux
pays industriels tout en espérant qu'avec le temps un rattrapage salarial
s'opérerait qui réduirait progressivement cet écart.
84 L'audit stratégique

Désormais, cet espoir est renvoyé à de nombreuses années avec l'émergence


de nouveaux pays industriels et les délocalisations entrent dans une nouvelle
étape. Des pays comme la Corée du Sud voient à leur tour se profiler le
spectre d'une désindustrialisation rapide. Le rédacteur en chef-adjoint du
quotidien économique coréen Maeil Kyungjae Shinmoon écrivait le 21 oc-
tobre 1994 : « Comme le Japon, notre pays connaÎtra bientôt une véritable
désindustrialisation. Je tiens à mettre le pays en garde afin que des mesures
soient prises sans plus attendre. » Cité dans le même article du Nihofl Keizai
Shimbun 1, le directeur de la société sud-coréenne Hyundai Electronic dé-
clm'ait, à l'occasion de la pose de la première pierre de son usine de Shang-
hai : «De la même manière que les Japonais se sont emparé des usines
américaines et que, plus tard, les Sud-Coréens ont fait de même avec les
usines japonaises, LUZ jour, les Shanghaïens prendront la place des entre-
prises sud-coréennes. Et, à leur tour. les Chinois des montagnes, avantagés
par une main-d'œuvre bon marché, prendront le travail de ceux de Shang-
hai ».

À ce phénomène s' ajoute enfin la conversion rapide de nombreuses usines


des anciens pays de l'Est qui découvrent les avantages de la Qualité Totale:
«En matière de qualité, les résultats commencent à poindre, comme le
prouve la multiplication des certificats de type ISO 9000 délivrés depuis
quelques années à l'Est. Selon l'ISO, la Hongrie compte aujourd'hui 58 cer-
tificats, la République Tchèque 47, la Pologne 16 et la Slovaquie J 12 • »
Cette évolution doit être rapprochée des mesures de libéralisation des échan-
ges qui interviennent avec ces pays dans le cadre de l'application des dé-
cisions du Conseil européen de Copenhague prises au mois de juin 1993.

Pour les entreprises occidentales, l'impératif stratégique est évident: elles


se doivent de créer plus de valeur pour une clientèle sollicitée à priori par
le prix et elles ne peuvent y parvenir qu'avec une mobilisation de toutes
leurs composantes, dans le respect d'un environnement plus exigeant. L'ana-
lyse stratégique récente, comme celle de la Qualité Totale, convergent vers
cet objectif.

1. La Chine à l'affût des pell/s dra;;ons. Courrier International. N" 216,22 décembre 1994-4 janvier J 995.
2. À t'Esi. Iii révolution qualité défie l'occident, L'Expansion. n" 491 décembre 1994 - Janvier 1995. À
titre indicatif, au mois de décembre 1995, la Hongrie était pas,ée de 58 à 309 certificats. 127 390 cer-
tificats avaient alors été délivrés à travers le monde. En Asie, en trente-six mois. ce nombre était passé
de 683 à 9240 (Qualitique, n" 82. octobre 1996).
Les dysfonctionnements et objectifs de la Qualité Totale 85

L'approche « qualité» des satisfactions: une vision réactive


Notre propos étant de décrire l'audit stratégique à travers une approche par
la Qualité Totale, il convient d'en rappeler les fondements. Nous nous ef-
forcerons alors de démontrer que les composants d'un audit dit de Qualité
Totale et ceux d'un audit stratégique sont voisins, la différence que l'on
peut ressentir provenant plus du vocabulaire que du contenu des concepts.
Nous nous emploierons aussi à montrer que l'introduction de l'approche
stratégique est enrichissante du point de vue de l'exploitation de la notion
de Qualité Totale.
La figure Ill-i reprend un certain nombre de définitions et de commentaires
issus de la norme ISO 8402, précisant le vocabulaire du management et de
l'assurance de la qualité. La dernière définition rappelée, relative au mana-
gement total de la qualité, caractérise bien les trois types de cibles à satis-
faire: le client, les membres de l'organisation et la société.

Concept Définition (selon ISO 8402) Commentaires (selon ISO 8402)

Qualité (2.1) Ensemble des caractéristiques Dans une situation contractuelle, ou dans
d'une entité qui lui confèrent un environnement réglementé ... , les
l'aptitude à satisfaire besoins sont spécifiés, tandis que dans
des besoins exprimés d'autres, il convient d'identifier et
et implicites. de définir les besoins implicites.
Dans de nombreux cas, les besoins
peuvent évoluer avec le temps, ceci
implique la revue périodique des
exigences pour la qualité.
Les besoins sont habituellement traduits
en caractéristiques avec des critères
spécifiés. Les besoins peuvent inclure, par
exemple, des aspects de performance, de
facilité d'emploi, de sûreté de
fonctionnement (disponibilité, fiabilité,
maintenabilité), de sécurité, des aspects
relatifs à l'environnement, des aspects
économiques et esthétiques.

Entité (1.1) Ce qui peut être décrit Une entité peut être, par exemple: une
et considéré individuellement. activité ou un processus, un produit,
un organisme, un système ou
une personne, ou une combinaison
de l'ensemble ci·dessus.

Exigences pour Expression des besoins ou leur Le terme «exigences" couvre aussi bien
la qualité (2.3) traduction en un ensemble les exigences du marché, celles
d'exigences exprimées en du contrat, que celles qui sont internes
termes quantitatifs ou qualitatifs à un organisme.
pour les caractéristiques d'une
entité afin de permettre sa
réalisation et son examen.
86 L'audit stratégique

Concept Définition (selon ISO 8402) CommentaireS (selon ISO 8402)

Exigence Obligations résultant de lois, de L'expression " d'autres considérations"


de la société (2.4) règlements, de règles, vise notamment à la protection de
de codes, d'actes et d'autres l'environnement, la santé, la sécurité, la
considérations. sûreté, la conservation de l'énergie et des
ressources naturelles.
Il convient que toutes les exigences
de société soient prises en compte lors de
la définition des exigences pour la qualité.

Management total Mode de management Par" tous ses membres", on entend le


de la qualité (3.7) d'un organisme, centré sur la personnel dans tous les services et à tous
qualité, basé sur la participation les niveaux de l'organisation.
de tous ses membres et visant En management total de la qualité,
au succès à long terme par la le concept de qualité se réfère au fait
satisfaction du client et à des d'atteindre tous les objectifs
avantages pour tous de management.
les membres de l'organisme et
pour la société.

Figure III-l Qualité, satisfaction des besoins, selon la norme ISO 8402
(Source: Afnor).

La lecture de ce tableau laisse cependant déjà percevoir le fait que l'appro-


che Qualité Totale ne puisse pas s'extraire totalement de son histoire, fondée
à l'origine sur la qualité du produit et définie comme l'aptitude à répondre
à une demande émanant d'un client. Elle est donc essentiellement réactive.
L'entreprise a en quelque sorte rempli son contrat lorsque les conditions
d'un cahier des charges ont été respectées'. Cette approche présente deux
conséquences qu'un modèle stratégique ne peut accepter:
elle tend à réduire l'ambition de l'amélioration continue à l'amélioration
du « produit» proposé au client et à l'amélioration de ses conditions de
production (gestion de la chaîne de la valeur) ;
elle néglige le dépassement de ]' attente du client qui, dans une perspective
concurrentielle, est le fondement de la conquête des marchés (reconfigu-
ration de la chaîne de valeur, innovation, etc.).

3. On remarquera d'ailleurs que la notion d'amélioration de la qualité ne fait son apparition dans la
norme ISO 9004-1 qu'avec la révision éditée en 1994 (rubrique 5.6 Amélioration de la qualité). Dans
les commentaires d'accompagnement on peut lire: « La volonté d'utiliser l'ISO 9004-1 pour présellter
l'amélioration de la qualité comme le moteur inévitahle d'ull IIwnaRement de la qualité à lonR terme
a conduit, pour III phllse 1 de la révision, à incorporer un chapitre spécial sur le sujet, Ce n'est sans
doute 'lu 'ulle étape dans l'intégratiull de l'amélioratiun de la qualité à l'ISO 9004-1 N. AFNOR, Gérer
et assurer la qualité, Tome 2. 1994. De même, la norme ISO 9004-4, 1993, fournit-clic un ensemble
de précisions ct des descriptions d'outils dans le sens de l'amélioration. AFNOR, Gérer et assurer la
qualité, Tome 1, 1994.
Les dysfonctionnements et objectifs de la Qualité Totale 87

Il est donc nécessaire d'intégrer dans le référentiel de l'audit des satisfac-


tions de la clientèle, une dimension plus proactive qui illustre cette volonté
de conquête.

L'approche stratégique des satisfactions


Au terme de l'analyse des buts et objectifs stratégiques, l'auditeur a pu
enregistrer certaines défaillances de l'entreprise par rapport au projet stra-
tégique dont elle s'était dotée ou, plus simplement, par rapport aux perfor-
mances de concurrents du secteur (cf chapitre 4). Le temps est alors venu
d'entrer plus avant dans le détail des dysfonctionnements et des causes. Mais
toute stratégie implique aussi la mise en œuvre coordonnée d'un ensemble
de ressources visant à atteindre des buts et des objectifs fixés, au-delà des
seuls objectifs qualifiés de stratégiques dans l'approche classique. C'est cet
ensemble, propre à chaque organisation, que nous appelons le « vecteur stra-
tégique » et c'est ce vecteur qui donne à la conduite de la stratégie sa né-
cessaire cohérence à la fois interne (entre les fonctions) , externe (avec l'en-
vironnement) et dynamique (dans le temps).
L'importance que nous allons accorder à ce concept de vecteur stratégique
justifie que )' on en précise le contenu. Nous allons donc successivement
décrire quelques types de vecteurs stratégiques (A), détailler leurs compo-
santes (B) et développer la démarche de )' auditeur (C) .

A. Les vecteurs stratégiques


Le vecteur de croissance de H. 1. Ansoff (cf figure III-2) propose une des
premières formulations d'un vecteur stratégique qui sera ensuite déclinée
sous des formes diverses.

Produits/services/technologies

Actuels Nouveaux

Développement
Actuels de produits
Clients

Développement
Nouveaux Diversification
de marchés

Figure 111-2 Le vecteur de croissance.


88 L'audit stratégique

Pour Ansoff, ce sont les produits et les marchés qui caractérisent les grandes
options de l'entreprise telles qu'elles apparaissent dans une présentation ma-
tricielle désormais célèbre. Quatre stratégies en résultent: la pénétration des
marchés, le développement de produit, l'extension de marchés et la diver-
sification stratégique. L'introduction des notions de synergie et de flexibilité
donnera un contenu opérationnel puissant à cette matrice que l'on peut au-
jourd'hui encore considérer comme un support de réflexion fondamental.
Par la suite, des auteurs comme D. Abell suggéreront d'autres composantes,
comme les fonctions assumées par les différents produits, les technologies
utilisées ou encore les besoins exprimés par les clients. On reprochera ce-
pendant au vecteur de croissance de ne pas faire suffisamment place à l' en-
vironnement et c'est à cette critique que répondent ce que l'on pourrait
appeler les vecteurs concurrentiels.
Les figures III-3 et III-4 proposent deux formulations de ce nouveau type
de vecteur stratégique, empruntées à M. Porter4 et K. Ohmae 5 .

Avantage concurrentiel Quels produits 1 services offrir?


Existants Nouveaux
Coûts moins élevés Différenciation
Affronter
(prudemment)
Concentration Offensive par
Cible 1, 2 sur les facteurs bouleversement
large Domination Différenciation clés des des règles du jeu
Quel type
par les coûts réussites concurrentiel
Champ d' affrontement
concurrentiel avec les Focalisation en
3A 3B concurrents? tirant parti de sa
Concentration Concentration Différenciation
Cible supérionté relative
fondée sur des fondée sur la et en exploitant
1 Innovation
étroite Éviter
coûts réduits différenCiation (l'affrontement les faiblesses
direct) de l'adversaire

Figure 111-3 Les stratégies Figure 111-4 Les quatre voies


de base selon M. Porter. stratégiques selon K. Ohmae.

D'autres exemples pourraient être proposés, chaque entreprise ayant sa pro-


pre perception, plus ou moins formalisée, de son vecteur stratégique. Deux
grandes orientations dominent cependant ces schémas comme l'indique très
clairement le vecteur de M. Porter: c'est, d'une part, l'affrontement par les
coûts, qui fera appel à toutes les méthodes relatives à leur compression et,
d'autre part, la différenciation qui reposera sur la mise en avant de facteurs
distinctifs plus ou moins objectifs.

4. M, Porter. L'avantuf{e ('(lflcl/rrenliel. DunoJ. 1997,


5. K, Ohmae, Le f!.ellie du strarèf{e, Dunod. 199 L (McGraw-Hill, 1982),
Les dysfonctionnements et objectifs de la Qualité Totale 89

B. Les composantes des vecteurs stratégiques


Ces deux fonnes de l'avantage concurrentiel présentent un certain nombre
de composantes communes aux différents types de vecteurs stratégiques.
Dans le but de faciliter le travail de l'auditeur, il est commode de classer
ces composantes en deux groupes, chacun d'entre eux étant plus particuliè-
rement orienté vers l'une ou l'autre des deux fonnes .
• Un premier groupe est constitué de facteurs « visibles» par le marché et
correspond de ce fait à l'hypothèse de différenciation: ce sont les éléments
relatifs à la qualité du produit, à la qualité du «produit global» et à la
qualité de l'entreprise. Dans les trois hypothèses, on est confronté à des
résultats passibles de dysfonctionnements.
La qualité du produit peut être définie comme l'adéquation à l'attente ex-
primée de l'utilisateur, attente éventuellement décrite dans un cahier des
charges. La mise en œuvre des compétences de l'entreprise (facteurs clés
de succès) conduira au développement d'une image perçue plus ou moins
positive, essentiellement composée de facteurs objectifs (cf chapitre 5).
La qualité du « produit global », au sens ou Levitt entend cette expression,
est à la fois une qualité matérielle et une qualité des services associés pou-
vant dépasser l'attente spécifiée, ne serait-ce que parce qu'elle n'a pas en-
visagé ces composantes nouvelles. D'autres facteurs clés de succès renfor-
ceront ou non l'image perçue initialement (cf chapitre 5). L'entreprise peut
d'ailleurs aller encore plus loin dans cette démarche et chercher une défi-
nition du «produit potentiel », qui intégrerait des évolutions matérielles et
de services radicalement nouvelles 6 .
La qualité de l'entreprise participe enfin à la satisfaction de l'utilisateur en
étant porteuse d'une image dont les éléments représentent une nouvelle série
de facteurs clés de succès. Ils influent aussi sur les perceptions du personnel
et sur celles de l'environnement, contribuant ainsi à une satisfaction interne
et à l'intégration de l'entreprise dans la vie de la collectivité (cf chapitre 6).
Ces trois composantes déterminent une « qualité globale» offerte au marché
sans faire pour autant faire référence aux conditions de production et no-
tamment au coût.
• Un deuxième groupe de facteurs met l'accent sur les conditions d'obten-
tion du produit ou du service, c'est-à-dire principalement sur les processus.
À l'inverse de la première série de facteurs, on est placé, ici, dans la
catégorie des causes que l'auditeur devra apprécier «(J chapitre 7).

6. T. Levitt. L'espr!r markerùlli. Éditions d·Organisation. Paris. 1972.


90 L'audit stratégique

Les processus internes sont ceux que l'entreprise contrôle intégralement. Il


s'agira d'auditer les processus les plus significatifs de l'activité de la firme
dans une perspective stratégique.
Les processus externes traduisent la contribution d'autres entreprises (sous-
traitance par exemple) aux processus clés étudiés. Ils conduisent à procéder
à un audit de la filière.
La figure III-5 résume les composantes de cette partie de l'audit stratégique.
Composantes du vecteur stratégique

Qualité du produit physique

Objectif Facteurs
stratégique Qualité du service apporté aux orientés
vers la
clients: produit global
différenciation

Niveau .. x"
de rotation Qualité de l'entreprise
des actifs

Qualité des processus internes


Facteurs
orientés
vers les
Qualité de la filière
coûts
(processus interentreprises)

Figure 111-5 Audit du vecteur stratégique.

On notera la flèche allant des différents types de processus vers les facteurs
de qualité (différenciation). Elle indique que les processus, tout en pouvant
créer directement de la valeur pour le client, ont aussi un rôle primordial à
jouer dans J'amélioration de la qualité et qu ' ils apparaissent ainsi comme
des causes de premier rang dans cette création.

C. La démarche de l'auditeur
Cette figure fait apparaître J'ordre des opérations conduites dans le cadre de
l'audit. La distinction entre les facteurs orientés vers la différenciation et
les facteurs orientés vers les coûts a incontestablement un certain aspect
arbitraire mais elle va permettre de hiérarchiser la démarche de l'auditeur
en distinguant les résultats attendus (création de valeur et différenciation)
et les moyens de les atteindre (facteurs orientés vers les coûts).
5

L'audit de la satisfaction
des clients

l Gestion du personnel r- H Satisfaction du


personnel
~
LEADERSHIP l
1
Politique & stratégie r- PROCESSUS H · · · Sa~
1

.:s , -
ü ' dlen1s "
RESULTATS
OPERATIONNELS

-1
1
Ressources
~
H tntégration dans la
vie de la collectivité
~

FACTEURS RÉSULTATS
04 • 04
MODÈLE EUROPÉEN LA QUALITÉ TOTALE

Il est d'abord utile de rappeler la finalité de l'audit engagé. Celui-ci porte


sur la satisfaction des clientèles et pas sur la qualité intrinsèque du produit
qui apparaîtra comme une cause et non comme l'objet de l'étude. Il y a
ainsi une ambiguïté constante entre la satisfaction, qui est un résultat global
ressenti par le client, et les différents niveaux de qualité qui peuvent induire
cette satisfaction en constituant des causes directes (cf figure 5-1).
92 L'audit stratégique

Causes Dysfonctionnements
éventuels

Causes «indirectes» Salisfaction des clients


de la satisfaction des clients
(qualité des facteurs mis en
œuvre = modèle EFQM)

Figure 5-1 Audit de la satisfaction des clients.

Les résultats opérationnels (dysfonctionnements stratégiques généraux) peu-


vent ainsi être expliqués par une insatisfaction de la clientèle, elle-même
dépendante de défaillances dans la qualité du produit total (zone grise de la
figure 5-1) que nous avons appelées «causes directes» de la qualité (du
point de vue du client). La qualité du produit, des services et de l'entreprise
sont en effet autant de facteurs «visibles» pour ce client qui vont influer
sur son niveau de satisfaction.
Ces mêmes résultats opérationnels sont aussi fonction des moyens mis en
œuvre (les facteurs au sens de l'EFQM, zone sur fond blanc de la figure
5-1) et feront à ce titre l'objet de développements ultérieurs (cf 4e partie,
Analyse des causes).
S'agissant pour l'instant de la qualité du produit, dans une perspective stra-
tégique, l'auditeur souhaitera procéder à son évaluation globale, apprécier
son environnement et mesurer les risques que certains dysfonctionnements
font courir à l'entreprise. Sur ces bases, il devra être en mesure de fournir
des recommandations. Comme nous l'avons déjà indiqué, il n'est pas ques-
tion de procéder à un audit de la qualité au sens classique du terme, c'est-
à-dire ayant vocation à ne traiter que cette question et ceci à un niveau de
détail qui concernerait tout particulièrement la direction de la qualité. Notre
préoccupation porte plus sur des indicateurs qui devraient être disponibles
- et utilisés - par les différentes directions ainsi qu'à la direction générale,
notamment dans une perspective de qualité réellement transfonctionnelle, à
un niveau stratégique.
Ceci étant, il nous faut revenir sur l'ambiguïté signalée entre la satisfaction
du client et la qualité du produit. Ainsi le questionnaire du prix français
qualité (édition 1997) propose-t-il tout aussi bien, sous la rubrique « Écoute
des clients ou usagers », une question du type: «comment l'entité mesure-
L'audit de la satisfaction des clients 93

t-elle la satisfaction de ses clients ou usagers?» ou encore une question


telle que: « Comment l'entité identifie-t-elle ses concurrents ou entités of-
frant les mêmes produits ou services? ». Il est évident que la première de
ces questions est bien relative à la satisfaction tandis que la seconde est en
rapport avec le produit (et la concurrence).
Bien que les deux thèmes soient très proches, la satisfaction doit être con-
sidérée comme un résultat prioritaire alors que la qualité - en termes de
produit ou de concurrence - est déjà une cause c'est-à-dire un facteur ex-
plicatif. Ainsi, dans une perspective d'audit stratégique, un haut niveau de
satisfaction pourrait conduire à restreindre l'analyse de la qualité du produit,
des services et de l'entreprise, celle-ci devenant moins utile.
C'est cette chronologie que nous avons retenue en considérant dans un pre-
mier temps l'audit de la satisfaction des clients (§ 5.l) avant d'entrer dans
le détail des causes immédiates à travers les audits de la qualité du produit
et des services de l'entreprise (§ 5.2). L'audit de la qualité de l'entreprise
fait alors l'objet d'un chapitre distinct, en raison de son caractère relative-
ment novateur (cf chapitre 6).

5.1 Le référentiel
Peu après la fin de la Seconde Guerre mondiale, les Américains préconi-
saient de relier étroitement la conception d'un produit nouveau aux besoins
de la clientèle ciblée. L'analyse de la valeur représentera ainsi l'une des
premières manifestations du souci de la satisfaction de cette clientèle.
Dès ses origines, le marketing adoptait la même position considérant que le
profit de l'entreprise était dépendant de cette satisfaction.
La satisfaction de la clientèle est enfin considérée comme l'objectif majeur
d'une politique de Qualité Totale, ceci dans le prolongement de la qualité
du produit dont la conformité au cahier des charges était déjà l'une des bases
de la qualité instrumentale classique.
Il faut bien reconnaître que, dans la pratique, la qualité s'inscrit souvent
comme un objectif prioritaire dont on suppose qu'il procure la satisfaction
du client sans aller pour autant jusqu'à s'en assurer. Tout se passe comme
si les moyens (la conformité, par exemple, dans le domaine de la qualité)
étaient censés garantir la fin. On a d'ailleurs eu l'occasion de rappeler, au
cours du chapitre 4, comment la satisfaction des clients avait longtemps fait
figure de but (qualitatif) plutôt que d'objectif (chiffré). Ce n'est que de façon
94 L'audit stratégique

récente, et sous l'influence des réflexions liées à la Qualité Totale, que des
indicateurs ont été proposés.

• Le référentiel analyse de la valeur)


Il s'agit d'une démarche développée par General Electric au lendemain de
la Seconde Guerre mondiale pour aider les ingénieurs à satisfaire les attentes
(besoins) des clients au moindre coût. C'est donc une méthode s'inscrivant
dans une perspective de développement de produit et, de ce fait, ponctuelle
(sauf hypothèses de reconception, même partielle). Toutefois certaines com-
posantes de la démarche sont communes avec la valeur client. Il s'agit en
effet d'appréhender les attentes d'une clientèle à travers une analyse des
besoins avant de traduire ces mêmes besoins en termes de fonctions. Rien
n'interdit ensuite d'imaginer une actualisation de l'analyse qui pourrait ainsi
constituer une base d'observation continue de la valeur client.

S'il n'existe pas de norme internationale décrivant l'analyse de la valeur, il


y a en France un important effort de normalisation qui donne lieu à toute
une série de textes 2 . Parmi ceux-ci, la norme NF X 50-152 précise: « L'ana-
lyse de la valeur est une méthode de compétitivité, organisée et créative,
visant la satisfaction du besoin de l'utilisateur par une démarche spécifique
de conception à la fois fonctionnelle, économique et pluridisciplinaire. »

A. Le préalable de l'analyse fonctionnelle.!


Il s'agit avant tout de lister les fonctions demandées par l'utilisateur. Cel-
les-ci correspondent à des besoins qu'il souhaite satisfaire. La norme
NF EN 1325-1 les définit comme les « actions d'un produit ou de l'un de
ses constituants exprimées exclusivement en termes de finalité (cf .§ 3.4).
Une fonction est formulée par un verbe à l'infinitif suivi d'un ou plusieurs
compléments et en dehors de toute référence aux solutions susceptibles de
la réaliser ».

1. Ce paragraphe est repris de: Le management stratégique, Michel Weill, A. Colin. 1992.
2. NF EN 1325-1, Novembre 1996: Analyse de la valeur, analyse ./imctionne//e, vocabulaire;
NF X 50-151 : Analyse de la valeur, analyse flmctionne//e, expression fimctionnelle du besoin et cahier
des charges fiJ/lctionnel, Décembre 1991 ; NF X 50-152 : Analyse de la valeur, caractéristiques ./imJa-
mentales, Août 1990; FD X 50-153 : Analyse de la valeur, recommandation pour sa mise en œuvre,
Mai 1985, Ces normes sont reprises dans De l'analyse de la valeur au management par la valeur, Afnor.
1998
3. Cf: R. Tassinari, L'analyse./ànctionne//e, Afnor, 1995, série Mémentos. ainsi que le recueil de normes:
De l'analyse de la valeur au management par la valeur. Afnor. 1998.
L'audit de la satisfaction des clients 95

On peut citer, à titre d'exemple, le cas des fonctions attendues d'un stylo:
assurer une écriture élégante,
assurer une écriture indélébile,
assurer une transportabilité sans risque de fuite,
procurer à son détenteur une image de réussite sociale,
procurer à celui qui l'offre une référence de cadeau de qualité,
offrir une capacité de fonctionnement sans recharge supérieure à 4 heures
de travail...

B. Analyse des coûts et valeurs associés aux fonctions


Chacune des fonctions requises par l'utilisateur a un coût. L'ensemble des
fonctions conduit ainsi à déterminer un coût total du produit. La norme
NF EN 1325-1 définit le coût comme une «charge ou dépense supportée
par un intervenant économique par suite de la production ou de l'utilisation
d'un produit Ol! de l'ensemble des deux ». En commentaire, la norme ajoute
que « les coûts attribués à une fonctio!l représentent l' ensemhle des {lépen-
ses nécessaires pour l'obtention de la fonction» (cf § 10.1).
Ces coûts vont permettre de valoriser les solutions envisagées.
Le problème se pose alors de comparer les fonctions requises et leur coût
d'obtention. Il en résulte une analyse critique du produit projeté: ses com-
posantes sont-elles nécessaires ou suffisantes? Certaines fonctions peuvent-
elles être abandonnées?
L'ensemble de ce travail doit conduire à donner au produit une aptitude à
remplir les fonctions au moindre coût.
La figure 5-2 résume de façon très synthétique l'essentiel de la démarche.

Composants
Fonctions Coûts
du produit

Fonctions de service Fonctions techniques Coûts $ %Coûts

f, f, f, f. f, f" f, fo

A 0,20 0,25 1,00 0,35 1,80 52,17

B 0,30 0,20 0,30 0,15 0,10 1,05 30,44

Z 0,25 0,20 0,05 0,10 0,60 17,39

Coût total 0,20 0,30 0,45 0,55 1,20 0,05 0,60 0,10 3,45

% Cout total 5,79 8,70 13,04 15,94 34,78 1,45 17,39 2,90 100,00

Figure 5-2 Feuille de décomposition fonctionnelle-produit X.


96 L'audit stratégique

L'exemple représente un produit théorique dont le coût a été estimé à 3,45 $.


L'utilisateur peut attendre n fonctions de service et la mise en œuvre suppose
deux fonctions techniques dont la fonction fa pourrait être une fonction
d'assemblage. L'équipe d'analyse de la valeur est ainsi en mesure d'appré-
cier le coût de chaque fonction et de le rapporter à la valeur que leur attribue
l'utilisateur, ce qui pourrait conduire à une remise en cause de certaines
fonctions ou de certains composants.
Dans notre perspective, la disponibilité d'une analyse de la valeur consti-
tuerait un à priori très positif dans une optique de satisfaction de la clientèle.
Elle pourrait aussi servir de base à une démarche de mesure de cette satis-
faction à partir de la hiérarchie des fonctions recensées.

• Le référentiel marketing
Le marketing devrait logiquement apporter une contribution majeure à la
problématique de la satisfaction des utilisateurs. C'est en effet à cette dé-
marche que revient historiquement l'initiative d'avoir fait reposer la réussite
de l'entreprise sur la satisfaction du client. Comme nous l'avons déjà men-
tionné, la réalité est singulièrement différente. Tout se passe comme si les
outils pouvant générer la satisfaction des utilisateurs avaient été privilégiés
au détriment de l'analyse préalable des facteurs de cette satisfaction. Le
marketing s'est alors concentré sur les activités dites du « mix » en perdant
de vue combien était illusoire la quête d'une satisfaction dont les compo-
santes étaient méconnues!
Certains travaux, d'ailleurs liés à des problématiques de Qualité Totale. met-
tent à nouveau en avant un souci de mesure de la satisfaction dans ses
composantes.

A. L'analyse de la valeur consommateur: le profil de la qualité perçue


. par le marché
Les modèles disponibles sont nombreux. On utilisera dans les développe-
ments qui vont suivre les propositions de B.T. Gale en raison des nombreu-
ses applications auxquelles elles donnent lieu 4 .
• Les attributs de la qualité sont d'abord identifiés à partir d'une enquête
conduite auprès de consommateurs et de non-consommateurs de notre pro-
duit (enquête statistique ou toutes formes de réunions de type brain-
storming et dérivés, ou encore résultats récents d'une analyse de la valeur).

4. Bradley T. Gale. Ml1lll1ging customer \'iIlue. The Free Press. 1994.


L'audit de la satisfaction des clients 97

• Une pondération est réalisée dans les mêmes conditions. Une méthode
simple consiste à attribuer 100 points à chaque interviewé et à lui deman-
der de les répartir entre les différents attributs .
.. On demande alors aux utilisateurs de donner une note sur 10 à l'entreprise
étudiée et une note similaire à la concurrence que l'on pourra considérer
dans son ensemble (notes globales moyennes) ou par entreprises ou encore
pour nos seuls concurrents principaux.
La figure 5-3 reprend un exemple cité par B.T. Gale, illustrant une situation
concurrentielle entre divers élevages de poulets. On suppose, dans ce cas,
l'introduction de méthodes marketing dans l'entreprise dénommée X, ce qui
explique les différences de notes pour chaque attribut. Le client de X affiche
un score de satisfaction pondérée de 8,8 contre 7,1 à la concurrence. X a
produit une qualité perçue par le marché de 26 % supérieure à celle de la
concurrence.

Performances (scores)

Attributs de la qualité Pondération X Autres


1 2 3 4

Chair jaune 10 8,1 7,2


Ratio chair 1 os 20 9,0 7,3
Absence de duvet 20 9,2 6,5
Fraîcheur 15 8,0 8,0
Disponibilité 10 8,0 8,0
Image de la marque 25 9,4 6,4

100

Figure 5-3 Le profil de la qualité perçue par le marché


(Source: R. D. Buzzell, BT. Gale, The PIMS Principles, The Free Press, 1978).

B. La perception du prix par le consommateur: le profil de prix perçu


par le marché
Une démarche similaire peut être engagée pour établir le profil de perception
du prix de marché. Suivant un exemple toujours emprunté à B.T. Gale, on
compare ici le prix perçu d'une voiture de marque X avec celui d'autres
véhicules de luxe (cf figure 5-4). D'autres attributs auraient pu être retenus
comme les coûts de maintenance, les coûts de consommation d'essence, les
98 L'audit stratégique

prix des pièces détachées ... Cette perception détaillée du prix peut déjà aider
l'entreprise à conduire sa politique autrement que par une simple diminution
de tarif.

Attributs du prix Pondération X


1 2 :3

Prix d'achat 60 9
Valeur de reprise 20 6
Prix de revente 10 9
Taux financiers 10 7

100

(*) Si les consommateurs vous classent mieux en score de satisfaction prix, ils vous classent plus
bas en prix relatif

Figure 5-4 Le profil de prix perçu par le marché


(Source: B.T. Gale).

La colonne 1 résulte d'interviews des consommateurs sur la question des


facteurs caractéristiques du coût du produit. La colonne 5 va permettre d'ef-
fectuer un classement en prix relatif et X sera perçue comme offrant un prix
relatif inférieur de 14 % par rapport à la concurrence.

C. La relation qualité/prix perçue

Elle représente la synthèse des deux statistiques précédentes (qualité/prix)


et peut être présentée schématiquement (cf figure 5-5).
Deux cadrans peuvent être isolés: mauvaises valeurs et bonnes valeurs.
D'une façon générale, les produits situés en dessous de la ligne de référence
disposent d'un potentiel de croissance (Marque Z) tandis que ceux situés
au-dessus seraient menacés (Marque Y).
L'audit de la satisfaction des clients 99

1,2

Mauvaises
valeurs
Elevé

Marque X
Ratio de prix
relatif

Ligne de Faible
Bonnes
référence valeurs
0,8

Faible Elevée
0,8 1,2
Ratio de qualité relative

Figure 5-5 Carte de valeur théorique


(Source: B.T. Gale).

B.T. Gale évoque encore d'autres indicateurs qui nous rapprochent d'une
vision Qualité Totale et dont certains ont été listés dans la figure 5-6. Dans
un cas général, ce type de mesures est plus vraisemblable.

Le tableau de bord stratégique peut encore comporter, à titre d'exemple:


- un Pareto des principales réclamations clients,
- un graphique de tendance de l'évolution des parts de marché,
- des taux de rétention de clients d'année en année (fidélité),
- des taux de conquête de nouveaux clients,
- des analyses de segments mettant l'accent sur les pondérations attribuées aux différents
attributs de la qualité,
- des analyses détaillées de clients leaders,
- des listes d'attributs qualité prévisibles pour les prochaines années,
- des calendriers de lancement de nouveaux produits et services,
- des analyses comparées du temps de conception/lancement par rapport aux concurrents,
- des analyses comparées de délais de livraison,
- des analyses comparées du renouvellement technologique y compris prévisionnel,
- des identifications de vos compétences clés,
- des autoévaluations suivant des modèles de type Baldrige ou EFQM (si possible pour
vos concurrents aussi).

Figure 5-6 Autres sources de mesure de la satisfaction des clients


(Source: B.T. Gale).
100 L'audit stratégique

• Le référentiel Qualité Totale

Après une longue période centrée sur la qualité du produit, l'émergence de


la notion de Qualité Totale généralise la référence à une satisfaction globale
du consommateur/utilisateur. Les différents modèles d' autoévaluation font
tous une large place à cette dimension et lui confèrent une position domi-
nante dans l'appréciation de la qualité obtenue: le prix Malcolm Baldrige
y consacre ainsi 21 % de sa notation tandis que le prix européen et le prix
français lui attribuent respectivement un poids de 20 et 18 %.
La figure 5-7 illustre cette préoccupation en énumérant les principales ques-
tions relatives à la satisfaction du client dans l'approche du prix français.

3. Satisfaction des clients ou usagers


3.1 Comment l'entité mesure-t-elle la satisfaction de ses clients ou usagers?
3.2 Comment l'entité saisit-elle les besoins explicites de ses clients ou usagers?
3.3 Comment l'entité anticipe-t-elle les besoins implicites de ses clients ou usagers?
3.4 Comment l'entité tient-elle compte de l'ensemble des besoins de ses clients ou
usagers, et ce, dès la conception de ses produits eVou services?
3.5 Comment l'entité identifie-t-elle ses concurrents ou entités offrant les mêmes pro-
duits ou services?
3.6 Comment l'entité réagit-elle face aux performances de ses concurrents ou entités
offrant les mêmes produits ou services?

Figure 5-7 La satisfaction des clients dans le prix français de la qualité


(édition 1997).

Il reste à savoir quelle application l'entreprise fait de cette priorité théorique.

5.1.1 La conduite de l'audit

Que les objectifs, essentiellement financiers, qui ont fait l'objet du prédia-
gnostic aient été ou non réalisés (cf chapitre 4), il s'agit désormais pour
l'auditeur de s'assurer que la satisfaction du client est bien la finalité stra-
tégique de cette entreprise et que celle-ci dispose des moyens nécessaires
pour vérifier que ce but est atteint.
L'audit de la satisfaction des clients 101

• Les documents nécessaires à l'auditeur

L'auditeur ne peut remplir sa mission qu'à partir du moment où il dispose


d'un minimum d'informations globales sur la satisfaction de la clientèles.
Traditionnellement, on considère que cette satisfaction s'établit à partir de
la relation qualité-prix et elle ne prend son sens que sur la base d'une com-
paraison avec les principaux concurrents.

Les documents disponibles sont généralement disparates et d'exploitation


difficile parce qu'incomplets (cf figure 5-8). L'expérience montre enfin que
les études internes, lorsqu'elles sont disponibles, sont souvent entachées de
simplifications méthodologiques qui réduisent considérablement leur signi-
fication. Les considérations relatives à l'échantillonnage sont parfois réduites
à leur plus simple expression, qu'il s'agisse de la taille de l'échantillon ou
des critères de sélection des interviewés.

• Entretiens avec la direction générale, les directions production, comptables, commercia-


les, après-vente, qualité.
• Études de marché, analyses de la valeur, enquêtes de satisfaction. Articles sur l'économie
de la branche et notamment sur les caractéristiques de la demande.
• Entretiens avec la direction commerciale, les forces de vente, des distributeurs, des
clients.
* Courriers clients (service après-vente, réclamations ... ).

Figure 5-8 Les sources d'information basique


(sources directes de mesures de non-satisfaction).

L'auditeur devra donc s'enquérir tout autant des informations disponibles


que des conditions de leur obtention.

Une base minimale mais nécessaire résiderait dans une information sur la
perception de la qualité et une autre sur la perception du prix, chacune étant
rapportée aux performances des concurrents principaux telles qu'elles ont
été présentées plus haut6 .

5. Ultérieurement l'observation de la qualité du produit. des services qui l'accompagnent et de l'entre-


prise, permettra d'entrer dans le détail de cette satisfaction qui reste pour l'instant appréhendée de façon
globale.
6. On rappelle que les tableaux proposés dans ce cadre étaient empruntés à Bradley T. Gale, Manal(itll(
Cus/omer Value, The Free Press, 1994, mais aussi: Robert D. Buzzell & B. T. Gale, The PIMS Prin-
cip/es. The Free Press. 1978 et 1987.
102 L'audit stratégique

• Les dysfonctionnements
Les dysfonctionnements étudiés ici sont d'ordre global.
Un guide d'évaluation du degré d'excellence de l'entreprise, sous forme de
questionnaire, est proposé par l'EFQM 7 , Il comporte neuf questions résu-
mées dans la figure 5-9, dont le lecteur pourra s'inspirer pour repérer les
dysfonctionnements majeurs de son organisation.

1. Degré de disponibilité et de précision des réclamations (verbales et écrites) émanant


de la clientèle
2. Degré de connaissance de l'évolution de la satisfaction des clients sur la base d'études
régulières (traitement des commandes, respect des délais, suivi des retours, clients
perdus, exécution de garanties ... )
3. Des normes ou niveaux de qualité assurant la satisfaction existent-elles?
Procède-t-on régulièrement à l'évaluation des résultats par rapport à ces normes?
4. Peut-on repérer une évolution positive de ces indicateurs?
5. Peut-on comparer ces résultats à ceux de la concurrence et le fait-on?
6. Les résultats en matière de satisfaction sont-ils périodiquement évalués et diffusés?
7. Ces résultats présentent-ils une tendance positive?
8. Peut-on les comparer à ceux de la concurrence?
g. L'entreprise s'est elle donnée une méthode permettant de fixer des objectifs
d'amélioration? A-t-elle établi la pertinence de ses mesures et de ses objectifs?

Figure 5-9 Appréciation de la satisfaction des clients


(Sol/l'ce: EFQM et notamment
« Évaluez le degré d'excellence de votre entreprise », EFQM, 1995).

On considérera plusieurs situations:


Il y a dysfonctionnement « à priori » dès lors que l'entreprise ne dispose
pas des moyens d'apprécier le niveau de satisfaction de sa clientèle.
Il y a dysfonctionnement effectif dès lors que la non-satisfaction d'une
catégorie de clientèle est vérifiée. On peut ajouter qu'il y a dysfonction-
nement potentiel et donc prévisible, dès lors que des mesures prévision-
nelles ne sont pas effectuées.

A. L'hypothèse de méconnaissance du degré de satisfaction


de la clientèle

On est placé dans la situation minimale: aucun traitement systématique des


réclamations n'est réalisé, aucune enquête n'est conduite périodiquement ni
même ponctuellement.

7. Évaluez le deRré d'excellence de voile entreprise, EFQM. Gower Publishing Limited, 1995.
L'audit de la satisfaction des clients 103

Un premier cas est constitué par l'entreprise industrielle, notamment en si-


tuation de sous-traitance. La clientèle se manifeste souvent de façon direc-
tive : ses attentes sont alors présumées connues et exprimées dans le cahier
des charges (s'il en existe un). L'entreprise peut ainsi s'estimer dispensée
d'études détaillées. Cette situation est évidemment très simplificatrice
puisqu'elle limite à une connaissance technique excluant l'essentiel du con-
tenu qualitatif de l'attente clientèle et que, surtout, elle développe plus une
appréciation du produit que du client.

Un cas plus général est représenté par les entreprises qui ne ressentent pas
comme fondamental de disposer d'une information complète et actualisée
sur leurs clientèles 8 •

L'auditeur devra apprécier ce degré de méconnaissance et les risques qu'il


fait courir à l'entreprise. Les résultats obtenus au cours du prédiagnostic
permettront souvent de porter un jugement sur cette situation. Un bon niveau
de réalisation des objectifs stratégiques relativiserait cette défaillance, au
moins à court terme, tout en laissant planer un doute sur l'aptitude future
de l'entreprise à atteindre ses buts.

B. Les hypothèses de non-satisfaction de la clientèle

On entre ici dans les cas de dysfonctionnements prouvés, que la non-


satisfaction soit acquise ou bien qu'elle ne soit que potentielle.

Les questions énumérées à la figure 5-9 permettent de mesurer ces dysfonc-


tionnements. De même, la périodicité des mesures doit permettre d'en ap-
précier l'évolution. A plus long terme, l'entreprise est présumée disposer
d'objectifs en matière de satisfaction qui lui permettent d'anticiper des at-
tentes et d'orienter sa stratégie. Elle peut ainsi aborder des dysfonctionne-
ments potentiels.

L'ensemble de ce qui précède a permis d'observer des sources d'insatisfac-


tion de la clientèle à partir de différents référentiels. En pratique, nous avons
vu comment l'auditeur pouvait être amené à conduire sa démarche en se
fondant sur un modèle comme celui de l'EFQM. Il lui faut ensuite entrer
dans le détail des facteurs d'insatisfaction.

~. L'étude de marché traditionnelle, si elle peut être un moindre mal, ne saurait se substituer à des
indicateurs permanents du degré de satisfaction de la clientèle. On a besoin ici de données simples, mais
actualisées de façon régulière. Elles permettront ainsi de porter un jugement sur l'évolution de la sa-
tisfaction.
104 L'audit stratégique

5.2 Première analyse des causes


Ce passage vise à identifier les facteurs constitutifs de ce que l'on pourrait
appeler la satisfaction « basique» du client, présentés en début de chapitre
comme les causes directes. On observera à ce titre celles relevant des seuls
composants industriels du produit (cf § 5.2.1), avant d'aborder les compo-
santes de service correspondant à la notion de produit global (cf § 5.2.2).

L'image de l'entreprise (image corporate) joue incontestablement un rôle


dans le niveau de satisfaction du client, mais celui-ci change de nature et
rentre plus dans la perspective du système relationnel que cette entreprise
entretient avec l'environnement. Cette approche élargie fera l'objet du cha-
pitre 6.

La difficulté est ici de ne pas se livrer à ce qui pourrait apparaître comme


un audit qualité relevant d'une problématique fonctionnelle. Si l'on a bien
déterminé les facteurs de non-satisfaction (cf § 5.1), ce risque devrait être
minimisé.

5.2.1 La qualité du produit9

• Les facteurs de la qualité du produit

Le degré de réalisation d'une performance esperee de l'entreprise va dé-


pendre prioritairement de la satisfaction provoquée chez le client. Cette sa-
tisfaction est l'expression de la qualité perçue par le client, laquelle résulte
de « l'aptitude du produit ou du service à satisfaire des besoins exprimés
ou implicites» (cf norme internationale ISO 8402).

9. Le développement considérable du domaine de la qualité pose des problèmes de terminologie et la


notion de « Qualité Totale» va ainsi bien au-delà du seul contexte de la production. Le produit, au sens
matériel du terme, reste cependant la base d'une démarche de création de valeur génératrice de satis-
faction.
Ce que nous appelons produit, au cours de cette partie, réside dans la réunion de trois éléments, à savoir:
• l'ingénierie, c'est -à-dire la phase de conception technique;
• le processus de production lui-même, domaine privilégié de l'assurance qualité, dont la qualité est
inséparable de celle du produit;
• le produit final d'une activité de production comme résultat d'un cahier des charges ou traduction
d'un projet détaillé soumis par la recherche/développement ou le département marketing. Cela exclut
à priori toutes les composantes sur lesquelles la fonction de production n'a pas autorité et, par exemple,
une composante particulière de service. Ainsi, la livraison au client est ici considérée comme un
élément du produit global.
L'audit de la satisfaction des clients 105

Le marketing nous enseigne que cette satisfaction, qui relève des sentiments
du consommateur suite à un achat, dépend d'une comparaison, plus au moins
objective, entre une performance perçue à l'occasion de l'expérimentation
du produit (ou du service) et l'attente de ce même consommateur.

Une difficulté proviendra de ce que les attentes ne sont généralement que


partiellement explicites: il faudra ainsi que l'entreprise soit en mesure
d'évaluer à la fois les besoins exprimés du client et ses besoins implicites.
Toutefois, s'agissant du produit matériel qui fait l'objet de cette section, on
peut estimer que sa qualité laisse assez peu de place à une appréciation
subjective. Dans une perspective industrielle, la qualité du produit résulte
alors principalement de trois composantes: la conformité, la qualité et la
fiabilité.

A. La conformité

La conformité permet de situer le produit comme un point de rencontre entre


trois facteurs: d'une part, des besoins, traduits ensuite par des spécifications,
notamment des mesures, et enfin une réalisation. Michel Périgord propose
une schématisation de ces trois facteurs (cf figure 5-10)10.

SPÉCIFICATION

Besoin
d'innovation

BESOIN RÉALISATION

Figure 5-10 Conforoùté et qualité maîtrisée.

10. Michel Périgord, Réussir la Qualité Totale, Les Éditions d'Organisation, 1987.
106 L'audit stratégique

• L'analyse des besoins relève plus particulièrement d'une approche mar-


keting. Elle ne présente pas de différence, que l'on veuille saisir des be-
soins très précis, une caractéristique technique par exemple, ou des besoins
plus qualitatifs comme une connotation de prestige associée à une marque.
C'est la raison pour laquelle nous avons reporté son étude à l'exposé relatif
à la qualité du produit global que nous verrons plus loin (cf § 5.2.2).
• La spécification est la traduction des besoins du client en termes opéra-
tionnels. Elle peut être le fait du client lui-même (cahier des charges) mais
elle peut aussi résulter d'un document établi par le fournisseur. Elle peut
s'appuyer sur des normes reconnues ou sur des normes particulières à
l'objet du contrat. Elle peut enfin décrire largement le produit objet du
contrat, c'est le cahier des charges classique, ou mettre l'accent sur les
fonctions attendues par le client, c'est l'objectif du cahier des charges
fonctionnel.
• La réalisation est l'ensemble des modalités de la mise en œuvre par le
fournisseur, ensemble qui conduit à un état final du produit et qui peut
différer des besoins analysés (en ne créant ainsi aucune satisfaction du
client), comme des spécifications fournies (en débouchant sur un éventuel
gaspillage de moyens).

Dans la pratique, les méthodes de la qualité permettent d'évaluer les risques


mis en évidence par ce schéma. Il n'est pas véritablement dans l'objet de
cet ouvrage d'en fournir une analyse détaillée, qui constitue le thème d'un
grand nombre de publications ll . Une telle analyse ne s'imposerait que dans
la mesure où cette qualité «basique» serait défaillante au point d'affecter
la performance stratégique de la firme. Dans cette hypothèse, un audit de-
vrait être conduit.

11. On pourra lire notamment: A. Bernillon, O. Cérutti, Implanter et gérer la Qualité Totale, Éditions
d'Organisation, 1988. C. Doucet, La maîtrise de la qualité, EME, 1986, M. Litaudon, L'analyse de
valeur, Éditions d'Organisation, 1981.
L'audit de la satisfaction des clients 107

B. La qualité
La qualité peut s'entendre à deux niveaux:
la qualité intrinsèque du produit qui correspond globalement au concept
largement vulgarisé de « zéro défaut» ;
- une composante que l'on peut qualifier de managériale, qui recouvre les
notions de « zéro stock» et de « zéro délai », pour ce qui dépend de la
responsabilité de la fonction de production.
On remarquera que ces différents aspects sont clairement exprimés dans le
schéma de M. Périgord (cf figure 5-10).

C. La fiabilité
La fiabilité peut être définie comme le « zéro panne », c'est-à-dire comme
une extension de la qualité sur la durée d'usage du bien ou sur une période
contractuelle. Lorsque les études préliminaires ont été correctement réali-
sées, on peut estimer que les défauts non aléatoires de conception et de
fabrication ont été largement éliminés. De même, l'analyse fonctionnelle a
permis d'intégrer les conditions d'usage du produit dans les spécifications.
Un processus de production correct ne devrait laisser subsister que des dé-
fauts aléatoires qui, comme tels, peuvent faire l'objet d'une estimation sta-
tistique sous la forme de probabilités. Nous entrons ainsi dans le domaine
de la fiabilité.
Celle-ci peut faire l'objet de mesures. C'est le cas du MTBF (Mean Time
Between Failures), temps moyen de bon fonctionnement, qui est l'espérance
mathématique de vie du produit sans défaillancc. Un autre indicateur pré-
cieux est le taux de défaillances qui mesure le rapport entre les défaillances
survenant à \' instant « t » par rapport à l'ensemble des produits encore bons
à cet instant. Une forme classique de sa représentation graphique est illustrée
sur la figure 5-11.
Taux de pannes

\~ ~')
Phase de -
'""'00
vieillesse
jeunesse Vie utite

Temps

Figure 5-11 Le taux de défaillance.


108 L'audit stratégique

• L'audit de la qualité industrielle du produit

A. Les documents nécessaires à l'auditeur


L'une des principales difficultés résidera souvent dans la sélection de l'in-
formation significative au sein d'une masse de documents qui peut-être con-
sidérable (ou inexistante si l'entreprise n'a engagé aucune analyse systéma-
tique de ses problèmes de qualité et de la satisfaction de ses consom-
mateurs). Nous avons classé ces sources en deux catégories, les éléments
de base et les éléments complémentaires «(f figure 5-12).

Les éléments de base (sources indirectes de mesure de non-satisfaction)

• Indicateurs généraux, objectifs qualité • Normes propres à la branche


pour la période en cours • Indicateurs de services (achats,
• Manuels qualité fabrication, commercial, comptables ... )
• Plan directeur de l'assurance qualité • Tableau de bord de la direction qualité
de l'entreprise • Entretiens avec la direction générale,
• Plan d'action pour la qualité les directions production, comptable,
• COQ disponibles commerciale, après-vente, qualité
• Dossiers de certification • Entretiens avec les responsables d'ateliers
· Organigramme de la direction ou
du service qualité
ou services sensibles

Les éléments de base (sources directes de mesure de non-satisfaction)

• Études de marché, enquêtes de satisfaction. Articles sur l'économie de la branche


et notamment sur les caractéristiques de la demande
• Entretiens avec la direction commerciale, les forces de vente, des distributeurs, des clients
• Courriers clients (service après-vente, réclamations ... )

Les éléments complémentaires

• Audits qualité, résultats d'expertises, exemples de cahiers des charges fournisseurs,


documents de travail de cercles de qualité, groupes de progrès. Dossiers du service
après-vente.

Figure 5-12 Les sources d'information.

B. Les dysfonctionnements
Les dysfonctionnements révélateurs d'une non-qualité industrielle sont gé-
néralement simples et la figure 5-13 en donne quelques exemples. Lorsque
la satisfaction du consommateur est attachée à des facteurs explicites précis,
le dysfonctionnement est aussi bien repérable en interne, par des mesures
de non-qualité, qu' en externe, par des études de satisfaction. Lorsque la
satisfaction du consommateur est moins précise, les études de satisfaction
L'audit de la satisfaction des clients 109

deviennent nécessaires. Dans tous les cas, elles seront utiles, permettant
notamment de réintroduire l'offre comparée de la concurrence.

1. Composantes de la qualité du produit

• Capacité de répondre
aux spécifications
·· Maintenabilité
Durabilité
• Traitement
des réclamations

··
Réactivité et flexibilité
Fiabilité des produits
· Performance en matière
de livraison · Disponibilité des pièces
détachées
et services
• Cohérence, reproductibilité · Développement
des produits

NB. La caractéristique commune à ces diverses composantes est de porter sur les processus
liés à la production: conception, production, logistiques internes et externes.

2. Mesures de la qualité du produit

• Taux de défaut, d'erreur et


de rejet
··Durée de vie des produits
Fiabilité des produits
· Paiement de garantie

· Performances logistiques
(délais, taux de réponse,
(MTBF)
• Taux de réclamation
fréquence)

Figure 5-13 Indicateurs de la qualité du produit


(d'après EFQM).

Les dysfonctionnements apparaissent d'abord à travers les défaillances ef-


fectivement repérées avant d'être enregistrés, du point de vue de l'entreprise,
sous la forme de coûts.

La pression de l'environnement en faveur de la qualité du produit. Comme


nous l'avons indiqué, l'impératif de la qualité est variable suivant les sec-
teurs, les types de clientèles, les gammes de produits ... La première démar-
che de l'auditeur consistera à en apprécier l'importance dans l'activité de
l'entreprise. Ces informations seront d'ailleurs utiles pour les audits spéci-
fiques ultérieurs et notamment celui de la qualité du produit global. Elles
permettront aussi de mieux situer les risques associés à la non-qualité.
En première approche, l'auditeur aura intérêt à recueillir l'information dis-
ponible dans la presse économique et professionnelle. L'existence d'un ser-
vice de documentation dans l'entreprise faciliterait cette démarche.
Au cours d'une seconde étape, il lui faudra analyser la perception de cet
environnement à partir d'entretiens conduits principalement avec la direction
générale (DG), la direction commerciale (DM), la direction de la production
(OP), et celle de la qualité (DQ). Ces entretiens s'organiseront autour de
110 L'audit stratégique

trois axes: la pression administrative (normalisation), la pression des clients


et celle de la concurrence (cf figure 5-14).

1. Pressions administratives
• Existence de normes spécifiques à la branche, position de l'entreprise par rap-
port à ces normes.
• Existence de procédures de certification, position de l'entreprise par rapport à la
concu rrence.
2. Pressions clientèles
• Structure générale de la clientèle et évolution (civile, militaire ... ).
• Types de demandes émanant de la clientèle (formelles ou non, audits provoqués,
certifications ... ) .
3. Pressions du milieu concurrentiel.
• Typologie de la concurrence: tailles relatives, degré d'internationalisation de la
branche, engagements des concurrents principaux dans des politiques de Qua-
lité Totale.

Figure 5-14 L'environnement de la qualité du produit (Schéma d'entretiens).

La confrontation des informations externes (presse professionnelle) et inter-


nes (entretiens) pourrait révéler des distorsions révélatrices d'un type de
comportement à l'égard de la qualité et, par conséquent, des risques de
dégradation future de la position concurrentielle de l'entreprise ou, tout au
moins, d'inaptitude de celle-ci à s'engager dans une politique de qualité
globale.
L'audit du système qualité. On peut considérer que les éléments à prendre
en compte font l'objet d'une présentation complète dans la famille ISO 9000
qui traite de l'assurance qualité. Un examen exhaustif des procédures adop-
tées, s'il est nécessaire dans un audit qualité classique, dépasserait l'objectif
que nous nous sommes fixé. L'auditeur devra donc s'assurer que les pro-
cédures essentielles existent et sont appliquées dans les domaines ci-après:
existence d'une politique qualité écrite et son niveau de diffusion,
- existence d'une politique qualité contrôlée à l'occasion de revues de
direction,
- existence d'une politique qualité assurant la maîtrise de la conception,
existence d'une politique qualité assurant la maîtrise des achats,
- existence d'une politique qualité assurant la maîtrise des procédés,
- existence d'une politique qualité incluant des contrôles et des essais pen-
dant et après la fabrication,
- existence d'actions correctives visant à éviter le renouvellement de non-
conformités.
L'audit de la satisfaction des clients III

Sur l'ensemble des points, l'auditeur demandera communication des procé-


dures existantes et vérifiera, à ]' occasion d'entretiens avec les services con-
cernés, leur application effective. Dans le cas d'une entreprise fortement
engagée dans une politique qualité, l'audit du système dont nous venons
d'évoquer les grandes lignes n'aurait plus de raison d'être au regard de la
qualité globale qui est notre objectif d'analyse. Il est en effet un préalable
dont on doit reconnaître ici l'existence plus que le contenu détaillé.

Les mesures. II n'y a pas de politique qualité qui soit concevable sans me-
sures. Suivant une proposition classique, celles-ci permettent de transformer
des opinions ou des hypothèses en faits.

Les mesures possibles sont extrêmement nombreuses mais on rappellera que


ce que \' auditeur veut identifier c'est ]' existence d'un tableau de bord de la
qualité significatif pour les dirigeants. C'est ce même objectif qui nous con-
duira à observer ensuite les conditions d'intégration - de diffusion - de cette
information.

En règle générale, on vérifiera sur la quasi-totalité des lignes de produits


que les dysfonctionnements résultent de causes qui relèvent d'une distribu-
tion de type Pareto. Cette proposition s'avère d'autant plus exacte au fur et
à mesure que l'on avance dans le cycle de vie du produit et que, par con-
séquent, le processus comme les composants peuvent être considérés comme
maîtrisés.

La figure 5-15 illustre cette situation. Le diagramme recense en abscisse les


différentes causes décelées de dysfonctionnement d'un produit et en ordon-
née leur fréquence d'apparition. Deux zones y sont distinguées: la zone A
correspond généralement à des défaillances du système traduisant des pro-
blèmes majeurs du point de vue de la qualité (machine mal réglée, mauvaises
spécifications techniques, mauvais processus, mauvaises conditions de tra-
vaiL), la zone B recouvre des défaillances plus ponctuelles, aléatoires, de
faible ampleur qui n'affectent la qualité que marginalement et surtout de
façon prévisible. Ce sont à l'évidence les défaillances de la zone A qui vont
constituer la base des mesures.
112 L'audit stratégique

-
% de l'ensemble
c::::J Zone A Exemple d'application à la fabrication de montres

40 % ' Zone B 1. Défaillances de la zone A.


- • Cause A : défaillance du pied de cadran.
• Cause B : limaille dans le boîtier.
• Cause C : centrage du cadran au montage.
20%

0
lb-, 2. Défaillances de la zone B.
• Taux moyen de défaillance du module quartz.
~

A B C D E F
Types de défauts

Figure 5-15 Le diagramme de Pareto.

L'intégration de la qualité. Cette question soulève deux remarques impor-


tantes. D'une part, l'existence d'une fonction qualité et de structures spé-
cifiques n'indique pas pour autant que celle-ci ait une influence déterminante
sur les comportements. À la limite, son intervention pourrait être techni-
quement lourde mais dénuée d'impact sur la Qualité Totale. Ce problème
pourra être abordé avec \' étude de l'organisation et il sera utile de compléter
cette information par une analyse plus qualitative du rôle de la fonction
qualité.

D'autre part, le calcul d'un certain nombre d'indicateurs ne produira des


effets qu'en fonction de leur niveau de diffusion dans l'entreprise ou ses
Connaissance de mesures
au niveau direction générale
1 Sources, fréquence des mises à jour. ..
1 1
Types de mesures connues
NON OUI Niveau de formalisation
Procédures de communication

Connaissance de mesures
au niveau des différentes

J
2 directions (sauf
production et qualité)
,
1 1
NON OUI

~
Connaissance de mesures
au niveau des directions
3 de laproduction et/ou
de la qualité

1 1
NON OUI

Figure 5-16 Séquence des entretiens et qualité du produit.


L'audit de la satisfaction des clients 113

subdivisions. Ce sera, pour l'auditeur, le moyen d'apprécier la transversalité


de la qualité et le degré de sensibilisation des différents responsables tant
au niveau de la direction générale qu'à celui des directions fonctionnelles.
La chronologie possible de cette démarche est résumée dans la figure 5-16.
Les réponses négatives traduiraient un risque élevé d'impossibilité de qualité
globale - aux niveaux 1 et 2 - et de qualité au sens le plus classique du
terme, au niveau 3. Cette information qui peut-être très rapidement recueillie
fournira des renseignements précieux sur le niveau de transversalité des
problèmes de qualité. Une succession de réponses positives amènerait l'au-
diteur à poursuivre rapidement l'analyse au stade de l'encadrement inter-
médiaire.
Les coûts d'obtention de la qualité (COQ). Jusqu'à présent, toutes les in-
formations quantitatives recueillies l'ont été en quantités physiques (nombre
de pièces défectueuses mises au rebut, reprises en fabrication ... ) ou encore
en pourcentages. Ces données, qui ont un sens précis pour les responsables
de la fabrication, de la qualité ou de l'après-vente, sont souvent peu sensi-
bilisatrices pour une direction générale. Il est donc souhaitable d'apprécier
leur chiffrage en coûts. Cette opération, si elle est réalisée, est la base du
calcul des coûts d'obtention de la qualité.
Par ailleurs, la démarche adoptée nous avait conduits à centrer l'attention
sur les coûts de la non-conformité, c'est-à-dire les coûts des défaillances,
qu'elles soient internes ou externes. Dresser un état réel de la qualité dans
une organisation suppose que l'on puisse mettre en évidence les dépenses
engagées pour assurer la qualité du produit, c'est-à-dire les coûts de la con-
formité à travers les charges de la prévention et du contrôle.
Dans cette approche, qui peut-être pour partie matériellement conduite en
parallèle de la précédente, l'auditeur sera confronté à deux types de situa-
tions possibles suivant que l'entreprise ou le département étudié ont ou non
déjà procédé à des calculs de coûts d'obtention de la qualité. Dans les deux
cas, outre la direction générale et les services qualité, l'interlocuteur privi-
légié sera le service comptable ou la direction financière.
114 L'audit stratégique

!
COQ

Effet qualité
Coût
de la non-conformité

Coût
de la conformité
c+d

Temps
Figure 5-17 Évolution théorique du COQ dans le temps.
L'audit de la satisfaction des clients 115

L'hypothèse de disponibilité des COQ. Cette hypothèse, qui correspond à


une minorité d'entreprises, traduirait évidemment une volonté sérieuse en
faveur de la Qualité Totale mais pas nécessairement une avancée efficace.
L'auditeur, dans un premier temps, devra ainsi s'assurer du bien-fondé de
la méthode retenue.

12. Philippe Hermel, Qualité et management stratégiques, Éditions d'Organisation. 1989.


13. H. James Harrington, Le coût de la non-qualité, Eyrolles, 1990.
14. Le lecteur désireux d'approfondir ces problèmes méthodologiques pourra utilement se reporter à
l'ouvrage de H J. Harrington.
15. Pour une réflexion critique sur les coûts de la qualité on pourra lire: Walter MASING, Sorne
considerations on qualit)' costs, Proceedings of the 34th annual EOQ Conference. Dublin. 1990.
116 L'audit stratégique

Dans bien des cas, le COQ est considéré comme un véritable indicateur
stratégique. Il fait alors l'objet d'un calcul global pour l'entreprise - ou pour
une division - à partir d'éléments empruntés à la comptabilité générale et
à la comptabilité analytique. L'hypothèse de COQ par fonctions, et notam-
ment pour les fonctions recherche, développement et production qui nous
intéressent ici, n'est pas beaucoup plus satisfaisante.
Au total, c'est l'hypothèse d'un COQ par ligne de produits qui devrait être
la plus riche d'enseignements I6 . Deux types d'indications vont alors être
particulièrement utiles à la fois en tant qu'observations individuelles et dans
une perspective de comparaisons sur plusieurs périodes .
• L'information de base, la plus simple à établir, réside dans le chiffrage
des coûts de la non-conformité. Deux facteurs justifient son intérêt.
D'un premier point de vue, elle va préciser la hiérarchie des dysfonction-
nements enregistrés en termes de rebuts, déclassements, etc. Les respon-
sables de l'entreprise peuvent être obnubilés par la fréquence élevée de
certains d'entre eux alors qu'ils n'ont qu'un impact financier limité. A
l'inverse, des défaillances plus rares peuvent occasionner des conséquen-
ces particulièrement lourdes dans leurs coûts. L'auditeur devra bien en-
tendu attirer l'attention sur ce type de risques.
Plus globalement, ces différents coûts vont servir de révélateurs de la
masse des gisements de qualité. Mesurés en pourcentage du chiffre d'af-
faires réalisé dans l'activité, ils se passent souvent de commentaires. Dans
la perspective classique d'une sensibilisation des dirigeants et d'une mo-
bilisation de l'entreprise, c'est une fonction essentielle .
• La disponibilité de calculs de COQ rend possible ensuite la confrontation
des coûts de la conformité (CC) et de la non-conformité (CNC). Le re-
pérage d'un écart (CNC - CC) positif indique l'existence d'une marge de
manœuvre en faveur de l'amélioration, sans risque sérieux d'une pression
sur les coûts. De façon complémentaire, l'auditeur aura intérêt à observer
l'évolution de la structure des coûts de la conformité. En théorie, les coûts
de la prévention et ceux du contrôle devraient évoluer en sens contraire
mais il n'est pas certain qu'il en soit ainsi. Une stagnation ou même une
augmentation des coûts de contrôle devrait être analysée avec les respon-
sables de la production et de la qualité afin d'identifier les causes de cette
tendance: s'agit-il d'un décalage normal ou d'une inefficacité de la pré-
vention?

16. Techniquement, il pourra être utile de procéder à des calculs de COQ par processus, pour ce qui est
des processus jugés stratégiques dans l'entreprise (chapitre 7).
L'audit de la satisfaction des clients 117

L 'hypothèse de non-disponibilité des COQ. C'est aujourd'hui le cas le plus


fréquent. Les critiques que nous avons développées devraient conduire l'au-
diteur à ne pas préconiser, pour les seuls besoins de l'audit, une mise en
place de cet instrument de mesure dont la mise en œuvre impliquerait de
toute façon des délais importants .
• Des entretiens avec les responsables des services comptables, de la qualité,
de la production, du service après-vente, éventuellement menés jusqu'au
niveau des opérateurs, devraient permettre une pré-évaluation des princi-
pales formes de la non-qualité et l'élaboration d'un tableau de bord qui
en mesure l'impact. Cette phase a normalement été conduite au stade de
l'identification matérielle des dysfonctionnements (langage des choses).
L'opération préconisée ici porte sur son chiffrage et la mise en évidence
de la hiérarchie de ces coûts. On rappellera que dans le cas d'une activité
très fluctuante, il serait utile de chiffrer la non-qualité de façon globale
mais aussi en pourcentage du chiffre d'affaires ou, si cela est possible,
par rapport au volume de production. Les préconisations de l'auditeur vont
alors dépendre des réponses aux questions suivantes:
la valorisation des principales défaillances permet-elle l'identification de
gisements significatifs de qualité?
les non-qualités décelées sont-elles sensiblement différentes de celles de
la concurrence ?
- en dehors de l'aspect coût direct, induisent-elles des risques de perte de
clientèle et, plus généralement, des risques stratégiques?
• Même si l'entreprise n'en a pas un usage immédiat, l'auditeur pourrait
suggérer un premier chiffrage des activités de prévention et de contrôle.
Un décalage significatif avec le coût des dysfonctionnements montrerait
l'urgence d'une action tout en laissant présager un effet bénéfique rapide
en termes de rentabilité.
Le repérage de dysfonctionnements implique alors une recherche de causes.

C. Les causes
Elles peuvent essentiellement tenir à :
- la qualité de l'ingénierie mise en œuvre, c'est-à-dire de la conception;
- la qualité du processus de production;
- la qualité du contrôle.
S'agissant, par exemple, du problème de la fiabilité, il est certain que celle-ci
dépend de l'ensemble du processus de conception (ingénierie), de la qualité
118 L'audit stratégique

du processus industriel qui réalise le produit et de la qualité des contrôles.


Sans l'intégration de ces facteurs, la fiabilité reste théorique.

La qualité de l'ingénierie (conception). On se contentera ici de rappeler les


règles essentielles d'une bonne conception de produit:
- prévoir des coefficients de sécurité élevés chaque fois que cela est pos-
sible ;
adapter le mieux possible le produit aux usages prévus;
- rechercher la simplicité;
- employer des solutions techniques sûres et éprouvées;
- penser à la fabrication, au contrôle et à la maintenance;
- expérimenter et valider les solutions nouvelles;
- se préoccuper de fiabilité.

Il s'agit de simples règles de bon sens dont le rappel n'est cependant pas
inutile si l'on considère leurs implications. Elles montrent d'abord l'inter-
dépendance des fonctions dans cette phase. L'adaptation aux usages prévus
suppose ainsi généralement une coopération étroite avec le département
commercial, pour s'en tenir à un exemple élémentaire. Elles rappellent en-
suite que la performance technique et la performance qualité ne cohabitent
pas nécessairement, ce qui risque de ne pas correspondre à la culture tra-
ditionnelle de l'ingénieur.

La qualité des processus. On peut emprunter à J. M. Juran, une définition


générale de la notion de processus l7 : « Un processus est une série d'actions
systématiques orientées vers la réalisation d'un objectif. »
La figure 5-18 proposée par J. M. Juran décrit les différentes activités ca-
ractéristiques de la planification d'un processus de fabrication.

La qualité du processus peut alors être appréciée de différentes manières.


Au sens large, elle recouvre l'ensemble des opérations depuis la conception
jusqu'au contrôle final. Des méthodes récentes, comme l'ingénierie simul-
tanée, ont pour but d'améliorer cette qualité et simultanément d'accélérer
l'ensemble du processus. Nous verrons par la suite que ces méthodes, tout
en s'appuyant sur certaines techniques, ont d'abord un contenu organisa-
tionnel et culturel. De façon plus restrictive, le processus peut aussi être
analysé sous l'angle du contrôle. C'est le domaine de la maîtrise statistique

17. J. t"l. Juran. Juratl 1111 plannin); .filr Ijuality, The Frcc Prcss. New York. 1988
L'audit de la satisfaction des clients 119

des procédés (statistical process control) qui relève de la qualité purement


instrumentale et échappe de ce fait à la perspective de cet ouvrage.

Activités Résultat final

• Examen de la conception du produit, du • Conception possible à fabriquer


point de vue de sa clarté et des possibilités
de le fabriquer

• Choix d'un processus de fabrication: • Processus économique et réalisable;


opérations, séquences spécifications du processus

• Fourniture de machines et d'outils capables • Installation de cetle capacité


de respecter les tolérances

• Fourniture d'instruments suffisamment • Instruments dotés de cette capacité


précis pour contrôler les processus

• Fourniture des éléments autres • Feuilles d'opération, etc.


que matériels: méthodes, procédures,
avertissements

Figure 5-18 Les éléments d'un processus.

La qualité du contrôle. Lorsqu'une action de développement de la qualité


a été mise en œuvre dans l'entreprise, il reste encore à s'assurer qu'elle s'est
réellement traduite dans la pratique industrielle et que le produit issu de la
fabrication respecte bien les caractéristiques définies dans le cahier des char-
ges. C'est le rôle du contrôle qualité et, dans une perspective plus globale,
celui des audits qualité.

• Synthèse, risques et recommandations


Il faut avant tout rappeler nos différents objectifs:
établir un état général de la satisfaction du client dans l'organisation
auditée;
appreCler les opportunités et les rIsques stratégiques associés à cette
situation;
énumérer les actions à recommander dans le sens de la réalisation des
buts et objectifs stratégiques.
À ce stade, l'auditeur est normalement en mesure d'apprécier à la fois la
qualité matérielle du produit et son environnement. Il aura souvent rencontré
120 L'audit stratégique

des situations d'information très insuffisantes ou, à l'inverse, d'information


excessive. Des préconisations essentielles porteront alors sur l'élaboration
d'un véritable tableau de bord de la qualité à l'intention de l'encadrement.
Le repérage de gisements de qualité importants confortera cette démarche
en permettant de la présumer rentable à très court terme.

L'existence d'une forte pression en faveur de la qualité du produit physique


sera évidemment considérée comme un facteur favorable à la Qualité Totale.
L'observation des conditions d'obtention de cette qualité matérielle devrait
alors permettre de dire si ce pronostic doit être aussi positif. L'auditeur
pourra rencontrer des situations qui se révéleraient lourdement pénalisantes
de ce point de vue.

La première constitue ce que l'on pourrait appeler « la qualité codée ». Dans


cette hypothèse, la qualité est purement instrumentale et ses responsables
s'expriment dans un langage spécifique à leur fonction qui va créer une
barrière à toutes les possibilités de transversalité. C'est une situation fré-
quente dans les secteurs très technologiques qui, a priori, n'ont de chances
de découvrir le contenu de la qualité globale qu'à \' occasion de crises ma-
Jeures.

La situation est aggravée lorsque l'on passe de la « qualité codée» à la


« qualité chapelle », c'est-à-dire lorsque les qualiticiens se recrutent dans un
même vivier, composé par exemple, d'ingénieurs d'une même grande école.
Dans ce dernier cas, toute tentative d'ouverture à une véritable pluridisci-
plinarité fera l'objet de rejets. Ces situations seront largement développées
par la suite mais, dès ce stade, \' auditeur devra apprécier \' aptitude des
responsables et de la structure à dépasser, ne serait-cc que progressivement,
cet obstacle majeur. Il est certain qu'aucune évolution significative ne sera
possible sans l'engagement très ferme de la direction.

Ces différentes informations seront complétées et précisées par l'audit de la


qualité du produit global.

5.2.2 La qualité du produit global


D'un premier point de vue, le concept de produit global suggère de distin-
guer entre le produit matériel et ses compléments qui sont pour une large
part des services associés. À ces deux composantes correspondent des
caractéristiques de qualité sensiblement différentes: largement instrumenta-
les dans le premier cas ct à dominante marketing dans le second. Il en résulte
qu'une préoccupation qualiticienne trop « industrielle» conduirait à négliger
L'audit de la satisfaction des clients 121

cette seconde source de qualité. Dans cette nouvelle perspective, la qualité


est celle des services associés.
D'un second point de vue, il indique une gradation dans les facteurs de
différenciation, conduisant à une certaine hiérarchie des éléments de qualité
à dominante marketing et correspondant au niveau d'originalité, donc d'uni-
cité, des avantages distinctifs mis en avant. Dans cette deuxième approche,
où les notions d'avantage comparatif, d'avantage concurrentiel et d'avantage
distinctif sont considérées comme très voisines, la qualité réside dans la
différence qu'apportent des services associés.
L'auditeur doit s'efforcer de répondre à la question, en apparence simple:
le client est-il sensible à ce que lui apporte l'entreprise, dans des conditions
favorables par rapport à la concurrence, au point de lui attribuer un supplé-
ment qualité? Pour cela, nous procéderons en trois temps en analysant suc-
cessivement les composantes de cette qualité globale du produit et la satis-
faction du client, les indicateurs essentiels qui permettent de l'apprécier dans
une mise en œuvre de la démarche d'audit, et enfin les questions et les
recommandations qui pourraient être développées.

• Les déterminants de la qualité du produit global


Le thème de la perception de la qualité du produit global constitue une
préoccupation ancienne et essentielle du marketing. Pendant longtemps, la
réflexion sur la qualité a fait une large place à l'observation de la relation
qualité-prix mais la perspective de la Qualité Totale implique une prise en
compte moins restrictive et le modèle de la chaîne de valeur, retenu par
M. Porter pour l'analyse de la différenciation va répondre à ce besoin 18. Il
servira de base à \' exposé qui va suivre, constituant ainsi le référentiel de
la démarche d'audit. Notons que la différenciation, qu'observe M. Porter
peut reposer sur le produit matériel au sens où nous \' avons analysé jusqu'à
présent, mais le rôle croissant du marketing conduit à penser que les facteurs
de différenciation les plus fréquents reposent sur des caractéristiques de
service et, d'une façon plus générale sur des facteurs moins objectifs, c'est-
à-dire, ceux qui permettent de définir le concept de produit global.
Selon M. Porter, une firme différencie ses produits à partir des valeurs
qu'elle crée au profit de ses clients. Pour qu'elles soient une réelle source
de différenciation, ces valeurs doivent correspondre à des valeurs attendues
par la clientèle et perçues comme telles par celle-ci. Elles doivent aussi être

IK, M, Porter, L'lII'l11l1oge cO/lcurrentiel. Dunod. 1997,


122 L'audit stratégique

« distinctives », c'est-à-dire relativement originales par rapport à celles dé-


veloppées par les concurrents.

A. Les sources de valeur dans la qualité d'un produit


Le préalable à toute réflexion sur ces sources de valeur réside, bien entendu,
dans la connaissance des différents segments de clientèle. L'existence d'un
minimum de segmentation stratégique, même peu formalisée, apparaît donc
comme une condition nécessaire sans laquelle toute politique de produit
global resterait aléatoire.
Cette identification des cibles étant supposée réalisée, la qualité d'un produit
apparaît bien comme fonction de la différenciation qui lui est associée. Il
faut donc se doter de moyens pour décider d'un axe de différenciation qui
ne saurait être, comme l'indique Porter, une simple recherche d'originalité:
« L'originalité ne conduit à la différenciation que si les clients en recon-
naissent la valeur ».
Tout client, qu'il soit utilisateur intermédiaire ou consommateur final, achète
donc un produit en fonction des valeurs qu'il lui reconnaît et, partant de là,
la qualité attribuée à ce produit, le distinguant ainsi de la concurrence, sera
la résultante des valeurs attribuées aux facteurs de différenciation exploités
par l'entreprise.
Pour M. Porter, les valeurs constitutives de la différenciation peuvent être,
dans un premier temps, de deux ordres:
soit elles reposent sur une réduction de coût pour le partenaire (amont ou
aval) ;
- soit elles lui permettent d'accroître sa performance.
Ces valeurs sont reconnues comme telles dès lors que l'entreprise est seule
capable, ou désireuse, de mettre en œuvre l'une (ou une combinaison) d'en-
tre elles. Elles peuvent être hiérarchisées en fonction des réductions de coûts
ou des améliorations de performances qu'elles procurent. Mais les valeurs
objectives que nous venons d'indiquer ne sont pas nécessairement perçues
comme telles par la clientèle. Soit par manque d'information, soit à l'inverse
par excès d'informations, celle-ci va sélectionner certaines valeurs et en
négliger d'autres. Presque nécessairement, cette clientèle va ainsi construire
sa propre hiérarchie des valeurs qui lui sont proposées. M. Porter appelle
signaux de valeurs l'ensemble des critères utilisés par la clientèle pour trans-
former la valeur objective créée par la firme en valeur perçue. Enfin, l'en-
treprise n'est pas passive dans cette prise en compte de la valeur qu'elle a
créée. Elle émet des signaux qui peuvent notamment accroître la valeur créée
dans la perception de ses consommateurs (c'est le cas par exemple de la
L'audit de la satisfaction des clients 123

publicité), de sorte qu'il existe une troisième catégorie de valeurs constitu-


tives de différenciation: celles qui résultent des signaux de valeur adressés
à la clientèle.
La réduction des coûts pour les partenaires de l'entreprise est une importante
source de création de valeurs et surtout elle est assez facilement mesurable.
Elle peut cependant prendre des formes plus difficiles à identifier lorsque
les réductions portent sur des coûts non directement liés au produit acquis.
Il s'agira donc, dans chaque cas, d'identifier les effets coûts possibles d'une
action sur le produit.
De même, l'accroissement des performances est le second volet caractéris-
tique d'une création de valeurs. Son domaine est extrêmement vaste si l'on
considère qu'il pcut reposer sur des valeurs objectives, comme c'est, par
exemple, le cas avec l'introduction du système de freinage ABS sur unc
ligne de voitures, ou sur des valeurs subjectives comme le prestige d'une
marque.
De même, la rapidité dcs délais de livraison permet-elle non seulement de
diminuer le coût du stockage, mais encore d'assurer un meilleur service au
client en aval.
Enfin, la firme est créatrice ou modificatrice de valeurs par l'action de com-
munication qu'elle établit avec sa clientèle. Ce faisant elle émet, comme
nous l'avons indiqué, des signaux de valeur. Il faut ici préciser la signifi-
cation de ces signaux, ce que l'on fera en les distinguant suivant qu'ils sont
émis ou non par l'entreprise.
11 existe en effet des catégories de signaux sur lesquels la firme n'a que peu
d'influence directe. C'est le cas par exemple du bouche à oreille ou encore
des publications émanant de sources présumées indépendantes comme des
associations de consommateurs. De même, l'environnement dans lequel un
produit est proposé (type de circuit de distribution par exemple) peut créer
un signal de valeur que la firme ne maîtrise pas.
Dans un grand nombre de cas, l'entreprise cxerce en revanche une influence
sur ces sIgnaux.
Cette influence peut provenir de l'historique de son activité à travers l'image
qu'elle s'est construite volontairement ou non.
Elle peut aussi résulter, dans le court terme, d'actions publicitaires ou de
relations publiques.
Elle peut enfin tenir à des caractéristiques accessoires du produit:
• packaging et étiquetage;
124 L'audit stratégique

• qualité et clarté des notices explicatives;


• démonstrations des caractéristiques spécifiques;
• cadre et ambiance des locaux commerciaux;
• qualité de l'accueil commercia1...
L'important, dans tous les cas, tient au fait que l'entreprise a reconnu qu'elle
avait un rôle à jouer, au-delà de la seule création de valeur, pour expliciter
cette création auprès de ses clientèles et éventuellement l'amplifier. C'est
une étape décisive parce que l'expérience montre que, dans la majorité des
cas, la qualité d'un produit relève plus des signaux de valeur que de la
valeur objective créée. Plus simplement, disons qu'il s'agit de bien faire et
surtout de le faire savoir.

B. Les attentes de valeur de la clientèle et leur perception


Déterminer les valeurs qui sensibiliseront une clientèle, c'est avant tout iden-
tifier les acteurs impliqués dans l'acte d'achat et, à partir de cette répartition
des rôles, hiérarchiser les attentes.
De façon classique, il convient d' observer l '! :

• Le promoteur, qui est à l'origine de l'acte ou de l'idée d'achat. On sait,


par exemple, que dans le cas de la restauration rapide, les enfants sont
souvent à l'origine des sorties familiales et c'est dans cette perspective
qu'une firme comme McDonald a développé une large part de ses facteurs
de différenciation.
• Ceux qui exercent une influence sur la décision d'achat et que l'on qualifie
souvent de prescripteurs.
• Le décideur, qui choisit le bien à acheter, le moment et l'ensemble des
modalités de l'achat.
• L'acheteur, qui effectue réellement l'achat.
• L'utilisateur, qui consomme ou utilise le produit ou le service.
Si le décideur joue souvent un rôle privilégié au niveau de l'appréciation
des valeurs créées, son influence doit être nuancée en fonction des inter-
ventions possibles des autres acteurs qui sont alors en quelque sorte co-
décideurs.

1~. P. Kotlcr. Marke/inl{ llIa/lal{e/lient, Publi-Union, Paris.


L'audit de la satisfaction des clients 125

Il faut ensuite analyser les critères qui sensibilisent réellement le ou les


décideurs, une valeur créée par une entreprise n'étant pas nécessairement
perçue comme telle par les clients. Suivant la formule célèbre de P. Drucker,
le client achète rarement ce que l'on croit lui vendre. Dans bien des cas,
les clients ont d'ai lieurs bien du mal à définir ce qu'ils attendent de leur
fournisseur et celui-ci devra parfois déceler des attentes non explicites. En
vue de faciliter ce repérage, M. Porter estime que les critères d'achat des
clients se répartissent en deux catégories:
Les critères d'utilisation.
Ils résultent prioritairement des valeurs objectives creees par l'entreprise.
Une première approche de ces critères suppose des contacts directs avec les
clients mais ceux-ci ne peuvent suffire dans la mesure où la clientèle ne
maÎtIise peut-être pas tous \es éléments d'appréciation, soit parce qu'elle
mesure malles apports actuels d'un foumisseur, soit parce qu'e11e ne connaît
pas les moyens supplémentaires qui peuvent être mis à sa disposition. Cette
étude des critères d'utilisation suppose donc au moins trois étapes:
• une identification des critères actuels retenus par la clientèle;
• à la vue de cette identification, une action d'information voire de forma-
tion, pour transformer en valeurs des facteurs existants et cependant non
retenus. Si cette transformation s'avérait impossible la pertinence des fac-
teurs devrait être révisée;
• une analyse conduite notamment avec le département R & D en vue
d'identifier les valeurs techniquement réalisables mais non envisagées par
la clientèle.
Les critères retenus par la clientèle doivent alors faire l'objet d'une défini-
tion et de mesures précises. L'identification sera souvent délicate parce que
les critères d'utilisation sont formulés de façon approximative dans de nom-
breux cas. Il faudra donc préciser l'attente réelle des clients. Les critères
identifiés feront ensuite \' objet de mesures qui permettront d'affiner l'attente
de la clientèle, de mieux se situer par rapport à la concurrence et de fixer
des objectifs à atteindre. Ces objectifs autoriseront alors un chiffrage du coût
de l'amélioration de la qualité et une hiérarchisation des actions à conduire.
Les critères de signalisatioll.
Ils résultent des signaux de valeur utilisés par le client pour définir la valeur
qu'il attribue au produit ou service. Plus délicate, leur analyse doit cependant
être conduite avec la même précision que celle des critères d'utilisation.
Deux étapes peuvent être envisagées.
Un premier repérage peut provenir d'une observation du processus de dé-
cision ayant abouti à l'achat du bien ou du service. On s'efforcera d'iden-
126 L'audit stratégique

tifier les signaux de valeurs retenus par le décideur (bouche à oreille, pu-
blicité ... ).
Une autre approche signalée, par M. Porter, consisterait à analyser plus
précisément les points de contact significatifs entre la firme et sa clientèle,
ceux-ci étant les vecteurs privilégiés du transfert de signaux (interfaces). On
s'apercevra une fois de plus que ces contacts sont loin d'être strictement
commerciaux: un service comptable, un département technique peuvent y
jouer un rôle essentiel.
Les critères de signalisation sont alors classés en fonction du niveau d'im-
portance attribué par la clientèle et du niveau de coût supporté par l'entre-
prise. C'est à partir de l'ensemble de ce référentiel que l'auditeur va déve-
lopper des indicateurs de qualité du produit global.

• L'audit qualité du produit global


L'auditeur va devoir s'efforcer d'évaluer les composantes de la politique de
produit global dans l'entreprise étudiée, c'est-à-dire la nature de l'avantage
concurrentiel que celle-ci entend mettre en avant sur le marché. L'architec-
ture de sa démarche est décrite dans la figure 5-19.

Étapes Facteurs de défaillance Risques

L:offre de produit global


1. Adéquation du Connaissance de la relation
produit global .... produit global/besoins
aux cibles identifiés des clients
.... Risque de non·qualité par:
• Non--identification
OUI ......
__- - - - - - -____
~.. NON des cibles,
• Non-adéquation
aux besoins.
2. Prise en compte Connaissance de la relation
de la concurrence produit global entreprise/produit
global concurrence

OUI ......
__- - - - - - -____
~.. NON .... Risque de non-qualité par
non- différenciation
Communication
3. Émission des
des caractéristiques
signaux de valeur
du produit global

.... Non-qualité par défaillance


OUI ...... ~.. NON
__- - - - - - -____ de la communication

4. Qualité de mise Existence de défaillances


en œuvre. perçues par la clientèle

.... Non-qualité des éléments


OUI ~...
__--------~~.. NON du produit global

Figure 5-19 Chronologie de l'audit de la qualité du produit global.


L'audit de la satisfaction des clients 127

Cette démarche pourra être conduite en approche globale dans l'hypothèse


d'une entreprise fortement spécialisée, elle serait par contre développée par
produits, familles de produits ou unités stratégiques de base dans un contexte
de diversification. Dans une perspective d'audit, elle sera développée sur la
base du point 4 (cf figure 5-19), c'est-à-dire à partir de l'identification des
dysfonctionnements conduisant à l'analyse des causes.

A. Les dysfonctionnements
On remarquera que les dysfonctionnements peuvent être difficiles à identi-
fier à la fois parce qu'ils peuvent être très nombreux mais aussi mal formulés
par la clientèle. Autant une défaillance du produit matériel est immédiate-
ment identifiée, autant l'absence d'un service peut être plus difficilement
décelable, ne serait-ce que dans la mesure où il n'est pas toujours envisagé
à priori par le client.

1. Composantes de la qualité du produit global

• Formation en matière • Dispositions de garantie • Prix


de produits et de cautionnement
• Innovation en matière de • Accessibilité du personnel
• Soutien à la vente qualité du service ad hoc
• Délai de paiement et • Traitement des réclamations
• Simplicité, commodité, financement
précision de la documenta·
tion

2. Mesures de la qualité du produit global

Il est difficile d'anticiper des mesures de la qualité du produit global. L'approche, au moins dans
un premier temps, sera de type qualitatif d'autant plus qu'il n'est pas certain que le client soit
capable d'exprimer une insatisfaction précise, sauf par référence aux prestations de concurrents.

Figure 5-20 Indicateurs de la qualité du produit global (d'après EFQM).

L'observation de dysfonctionnements va conduire à l'analyse des causes


(Lf figure 5-20).

B. L'information sur les attentes des clientèles et le produit global


Il ne fait aucun doute que l'aptitude durable de l'entreprise à construire un
avantage concurrentiel dans la perspective du produit global va reposer sur
une connaissance approfondie des clientèles «(f figure 5-21), que celle-ci
provienne d'informations directes ou qu'elle résulte plus simplement d'in-
terviews conduites auprès de membres du personnel directement concernés
(forces de vente, services commerciaux ... ). On notera que l'existence de
relations clients-fournisseurs formalisées devrait être de nature à limiter les
128 L'audit stratégique

dysfonctionnements et, par conséquent, l'auditeur devra rechercher les ma-


nifestations effectives de partenariats, d'alliances, etc.

Types d'informations Sources Services

1. Niveau de connaissance des clientèles Études de marché, DM,


intermédiaires comptabilité OF, OC
Segmentation, nombre de cibles, répartition du
chiffre d'affaires, répartition de la marge, évolution.
Existence d'actions collectives en vue d'une
définition en commun de l'offre de produits/
services

2. Niveau de connaissance des clientèles finales Idem Idem


Segmentation, nombre de cibles, ...

3. Niveau d'analyse des processus d'achat Enquêtes internes, DM,


en (1 et 2) monographies Publications
Rôles des promoteurs de l'idée d'achat, des extemes
prescripteurs, des décideurs, des utilisateurs, etc.

DM = Direction du marketing; OF = Direction financière; OC = Direction comptable

Figure 5-21 Recueil des informations disponibles sur les clientèles.

Ce niveau d'identification des clientèles constituera généralement la pre-


mière étape de la réflexion de l'audit. Dans la majorité des cas, il aura à
s'assurer que cette identification porte à la fois sur les clientèles intermé-
diaires (des grossistes par exemple) et sur les clientèles finales (les con-
sommateurs ou les utilisateurs), l'avantage concurrentiel « produit global»
pouvant se construire sur l'une ou l'autre de ces catégories (ou les deux).
Un producteur de laine, par exemple, devrait ainsi considérer l'identification
de ses canaux de distribution en parallèle de l'analyse de ses consommateurs
finaux. S'agissant de la clientèle finale, il conviendra de s'interroger sur le
degré de précision de son approche: des études internes de segmentation
ou de typologie ont-elles été conduites ?, l'entreprise dispose-t-elle de tra-
vaux de sources professionnelles? de publications? ...
La connaissance du processus d'achat s'avérera elle aussi essentielle pour
déterminer les bases d'une politique de qualité du produit global. II s'agit
de répertorier les fonctions évoquées: promoteur, prescripteur, décideur,
acheteur, utilisateur, pour identifier le véritable interlocuteur de l'entreprise.
Celui-ci peut d'ailleurs varier suivant les types de produits offerts par un
même vendeur en entendant par là que des niveaux de décision différents
peuvent être associés à une hiérarchie de valeurs des produits proposés.
En pratique, il sera rare que l'on soit confronté de façon simple à un seul
décideur et l'on devra déterminer les groupes d'influences qui s'exercent
L'audit de la satisfaction des clients 129

sur l'acte d'achat, chaque individu ou groupe d'individus intervenant ayant


ses propres critères d'utilisation et de signalisation. Cela veut dire que le
produit global impliquera souvent une multiplication des facteurs de diffé-
renciation afin de répondre aux attentes des différents groupes intervenant
dans le processus de décision d'achat.
Dans tous les cas, c'est la connaissance des critères des décideurs, directs
ou non, qui traduira l'aptitude de l'entreprise à développer une politique de
qualité du produit global. L'absence de disponibilité d'information sur ces
points rendrait très improbable la conduite d'une politique de qualité de ce
type.
L'étude de la connaissance des attentes des utilisateurs ou des consomma-
teurs constituera le deuxième niveau d'investigation de l'audit. Il peut s'agir
d'attentes résultant de critères objectifs d'utilisation ou encore de critères
plus qualitatifs de signalisation. À nouveau, cette étude devra être conduite
à la fois sur la clientèle finale et sur les clientèles intermédiaires. Dans les
deux cas, les sources d'information sont largement similaires. On retiendra:
- J'existence d'études de marchés ou d'enquêtes clientèles,
- des entretiens conduits avec la direction, la direction commerciale, la
force de vente,
- des entretiens avec des clients représentatifs des différents segments,
- l'analyse des courriers de la clientèle (réclamations, par exemple),
- des études ou enquêtes conduites par la profession,
des publications: presse professionnelle, monographies ...
La figure 5-22 propose, à titre indicatif, une liste d'attentes, non exhaustive,
pouvant s'appliquer à une clientèle intermédiaire et que J'auditeur pourrait
utiliser comme support dans ses différents entretiens en provoquant une
hiérarchisation de leur importance.
La même grille servira de guide à l'auditeur pour identifier les actions
conduites par l'entreprise dans ces différents domaines et apprécier leur
cohérence avec les attentes. Les facteurs énumérés ne sont pas exhaustifs
et peuvent varier d'une activité à une autre mais, dans tous les cas, l'auditeur
devra s'assurer qu'une analyse de ce type est disponible, au moins au niveau
du département marketing. Le lecteur aura remarqué que, dans la perspective
des clientèles intermédiaires, elle s'inscrit aussi dans une optique de qualité
de la filière.
La démarche qui vient d'être décrite serait la même pour l'analyse du consom-
mateur final, seules les composantes de la figure 5-22 seraient modifiées.
130 L'audit stratégique

1. Politiques de prix

• Importance du facteur prix • Ristournes de fin d'année


• Délai de paiement • Remises pour paiement comptant
• Remises quantitatives • Pratique du dépôt-vente ...

2. Politiques de produit

• Absence de quantité minimale de commande • Délais de livraison rapides sur commande


par article principale
• Absence de montant minimal de facturation • Délais de livraison rapides sur réassort
• Existence de produits exclusifs • Caractéristiques du service après-vente
• Existence d'un facteur d'exclusivité créé par (à détailler)
la marque • Aptitude à développer rapidement
• Exclusivité territoriale des produits nouveaux
• Taux d'exécution des commandes • Largeur et profondeur des lignes de produits

3. Politiques d'aide à la vente

• Supports publicitaires sur médias nationaux, • Présence d'un personnel de contact


locaux ... agréable, compétent, disponible ...
• Mise à disposition de PLV • Mise à disposition de personnel
• Mise à disposition de matériel de présentation (rack jobbing ... )

4. Politiques de localisation, logistique

• Commodité d'accès au fournisseur • Commodité de passation des commandes

Figure 5-22 Exemples d'attentes d'une clientèle intermédiaire.

Dans tous les cas, la fréquence des études ou des observations conduisant
à ces informations devra être observée. Des évolutions de comportement ou
d'attitude des consommateurs peuvent en effet modifier une hiérarchie des
attentes et transformer l'analyse de la qualité du produit global.
Quel que soit le degré de sensibilité du consommateur aux facteurs que nous
venons de décrire, il est dans tous les cas influencé par des signaux de
valeur plus ou moins contrôlés par le vendeur. L'audit devra alors vérifier
l'existence d'une analyse de ces facteurs de signalisation (cf. figure 5-23).
Les sources d'information seront les mêmes que celles énumérées à propos
des attentes et une procédure de hiérarchisation de ces facteurs devra aussi
être conduite à travers une échelle de valeurs. De la même manière, l'au-
diteur devra apprécier les actions conduites par l'entreprise pour maîtriser
ces signaux de valeur et leur cohérence avec la hiérarchie observée.
L'audit de la satisfaction des clients 131

1. Incidence de la communication impersonnelle

·· Poids des marques sur le marché


Rôle des médias: TV, presse générale, spécialisée, professionnelle,
mailing, phoning, packaging ...

2. Incidence de la communication personnelle

·· Prospection commerciale
Points de contact sur le site: personnel d'accueil, personnel du standard téléphonique,
assistance commerciale téléphonique, personnel de vente terrain ou entrepôt, personnel
du service après·vente ...

3. Incidence de la communication faiblement contrôlée ou non contrôlée

···
Bouche à oreille
Groupes de référence (styles de vie, classes sociales ... )
Existence de leaders d'opinion, de prescripteurs
·· Présence du produit dans des contextes de référence (lieux privilégiés de consommation)
Présence du produit dans des surfaces de vente de référence

Figure 5-23 Facteurs de signalisation ct déclenchement du processus d'achat.

L'auditeur devra donc s'assurer que ces informations sont, au moins par-
tiellement, disponibles et formalisées dans une présentation opérationnelle.
Dans hien des cas, l'entreprise se sera limitée à la formulation d'hypothèses
non vérifiées sur le terrain ou seulement étayées par des informations ex-
ternes (des monographies publiées par la presse professionnelle, par exem-
ple). Chacun des facteurs détaillés dans les figures 5-22 ou 5-23 devra alors
faire l'objet d'une pondération en fonction des sources de l'information.
Plusieurs niveaux peuvent être envisagés.

Niveau 1. Facteur cité par l'entreprise comme plausible maIs non vérifié.

Niveau 2. Facteur cité par l'entreprise comme fruit de son expérience.

Niveau 3. Facteur cité par l'entreprise à partir d'informations générales


externes.

Niveau 4. Facteur cité par l'entreprise sur la base d'études internes.

À ce stade, \' auditeur doit être en mesure d'évaluer les bases de la qualité
du produit global de l'entreprise. Il n'est pas exclu qu'il soit aussi conduit
à suggérer des approfondissements sous la forme d'études spécifiques qui
permettraient de fournir un meilleur éclairage. Dans l'hypothèse d'un man-
que d'information particulièrement évident, des études portant sur les clien-
tèles intermédiaires pourraient, dans la plupart des cas, constituer un préa-
132 L'audit stratégique

lable à privilégier en ce qu'elles sont à la fois les plus simples à conduire


et souvent les plus génératrices d'avantage compétitif à court terme.
Lorsque des études, ou tout au moins des informations, sont disponibles,
l'auditeur devra s'efforcer d'apprécier leurs caractéristiques et, plus parti-
culièrement, leur degré de diffusion au sein de l'entreprise. La quête d'une
qualité du produit global implique en effet une adhésion et une mobilisation
de toutes les fonctions (aspect transversal) et de tout le personnel (aspect
transhiérarchique). On peut déjà considérer que de nombreux facteurs
caractéristiques des attentes des clients concernent de façon évidente la
recherche et le développement, la production, les ressources humaines ou
encore le département finance. L'absence de transversalité de cette infor-
mation devrait être considérée comme un facteur négatif au regard de
l'objectif de qualité du produit global.

C. L'offre de produit global développée par l'entreprise


et sa perception interne

Au cours des étapes précédentes, l'auditeur s'est efforcé d'identifier les


attentes du marché. Les responsables de l'entreprise ont été appelés à définir
leur situation sur le marché analysé, mais ils n'ont pas pour autant précisé
leurs choix, c'est-à-dire les facteurs qu'ils entendent privilégier dans le
développement de leur produ it global. L'auditeur devra apprécier l'existence
de choix véritables et la cohérence de ces choix avec l'analyse globale
conduite dans les étapes précédentes. C'est la démarche que résume la
figure 5-24.

Informations Dysfonctionnements Sources

. Enumération et hiérarchie • Absence de cohérence entre Entretiens avec


des attentes clientèles que la firme les réponses des différents cadres la direction
a décidé de privilégier dans la défi- • Non-cohérence avec la qualité du et l'encadrement
nition de son produit global produit supérieur
(clientèles intermédiaires et
clientèle finale)
· Non-cohérence avec les pratiques
observées
• Même analyse pour la définition
des produits futurs

Figure 5-24 La définition de la politique de produit global.

Il s'agit donc, dans un premier temps, de saisir la définition que l'entreprise


se donne de son avantage concurrentiel sur un produit ou une famille de
produits.
L'audit de la satisfaction des clients 133

S'agissant de la perception interne, elle peut être analysée dans une double
perspective: celle de l'avantage concurrentiel «produit global» actuel et
celle de sa définition pour l'avenir. Ces deux dimensions peuvent être
appréciées à travers des questions du type:
- Quels sont, selon vous, les principaux facteurs générateurs d'un avantage
concurrentiel pour votre produit X sur le marché ?
- Quels sont, selon vous, les principaux facteurs sur lesquels vous allez agir
dans les x prochaines années pour conforter ou transformer votre avantage
concurrentiel sur ce marché?

La synthèse des réponses obtenues devrait permettre d'identifier le degré de


précision de la définition du produit global et, par comparaison des diffé-
rentes réponses, le niveau de cohérence interne à son égard. L'absence de
cohérence interne traduirait vraisemblablement une stratégie non explicite
et un manque de communication entre les responsables fonctionnels, sources
de non-qualités importantes.

De même, l'auditeur s'attachera à vérifier la compatibilité des choix énoncés


avec ce qui a été repéré au niveau de la qualité matérielle du produit. Ainsi,
la présence d'accessoires de bas de gamme sur une voiture s'avérerait peu
compatible avec une volonté de positionnement sur un marché très sélectif
(cas classique de la Renault Alpine, par exemple).

D. L'analyse de l'offre des concurrents

L'auditeur va s'efforcer ici de mesurer le degré de connaissance du marché


chez les responsables de l'entreprise auditée (forces en présence). On se
souviendra en effet que la qualité du produit global dépend:
• du nombre et du poids des facteurs de différenciation retenus (degré
d'attente chez la clientèle) ;
• de l'usage de ces facteurs par la concurrence.

Il est clair qu'un facteur de différenciation qui tend à se généraliser chez


l'ensemble des concurrents perd une grande part de sa signification en tant
qu'élément actif du produit global. Il est donc nécessaire de disposer d'une
base d'information sur la concurrence, qui devrait être disponible auprès de
la direction générale ou du département marketing et que l'on a déjà par-
tiellement exploitée pour le prédiagnostic stratégique. La démarche de l'au-
diteur pourra reprendre le schéma (cf figure 5-25).
134 L'audit stratégique

1. Identification des concurrents

la. Niveau de connaissance de la concurrence directe


Parts de marché, croissance des entreprises sur le marché, notoriété des entreprises

1 b. Niveau de connaissance de la concurrence élargie


• Formes de cette concurrence (entrants potentiels, substituts, rôle des clients
et des foumisseurs)
• Poids de ces concurrences

2. Points forts, points faibles des concurrents

Figure 5-25 Recueil des informations disponibles sur l'offre de la concurrence.

L'auditeur devra s'assurer que J'entreprise dispose d'une bonne identijïca-


tion de la concurrence s'exerçant dans son secteur. Cette identification
pourra résulter d'estimations des dirigeants et des cadres, notamment dans
la fonction commerciale. Elle pourra provenir d'études conduites par le dé-
partement marketing ou demandées par]' auditeur lui même. Il sera utile de
considérer l'ampleur attribuée par l' audité à la notion de concurrence et c'est
pour cette raison que la figure 5-25 fait référence au « niveau de connais-
sance de la concurrence élargie)} au sens ou l'entend M. Porter. La défense
d'une dimension de produit global doit en effet s'entendre dans une pers-
pective de temps et l'évolution prévisible de la concurrence peut amener à
privilégier des différenciations et/ou à en abandonner d'autres pour lesquel-
les on aurait des difficultés à maintenir une position distinctive.
L'identification des points forts et des faiblesses des concurrents permettra
dans une seconde étape de préciser \es concepts de produit global défendus
par les différentes entreprises en présence. Elle pourra être conduite par
référence aux attentes, qu'il s'agisse d'une clientèle intermédiaire (cf fi-
gure 5-21) ou d'une clientèle finale. Elle pourrait aussi s'appuyer sur l'ex-
ploitation des facteurs caractéristiques du processus d'achat (idem). Pour
s'en tenir à l'exemple des attentes d'une clientèle intermédiaire, la fi-
gure 5-22, dont on a repris volontairement les seuls intitulés de rubrique,
pourrait être reformulée (cf figure 5-26). On notera que les informations de
ce tableau constituent une autonotation de la direction et des cadres.
L'audit de la satisfaction des clients 135

Notation
Notation des concurrents clés
Facteurs de qualité totale de la firme
audltée
A B C

1. Politiques de prix
• Appréciation du prix pratiqué ++ MOY +
· Délai de paiement
• etc.
MOY + ++ +
2. Politiques de produit
3. Politiques d'aide à la vente
4. Politiques de localisation, logistique

Figure 5-26 Matrice comparative des satisfactions des attentes


d'une clientèle intermédiaire.

Dans cet exemple, chaque entreprise, y compris \' entreprise auditée, se voit
attribuer une note propre à chacun des facteurs de différenciation possibles.
Dans ce cas, cinq notes sont envisageables depuis \' hypothèse (- -) traduisant
la faiblesse maximale de la firme sur un facteur, jusqu'à l' hypothèse (++)
traduisant la position de force maximale. Si une hiérarchisation des facteurs
a été réalisée, il est possible de l'introduire dans cette matrice sous la forme
d'un coefficient de pondération, ce qui conduira, sous une forme résumée,
à une matrice de satisfaction (cf figure 5-27).
À ce stade, l'auditeur pourrait vraisemblablement anticiper certaines recom-
mandations. Ainsi, une action de renforcement du facteur 1 sera probable-
ment nécessaire s'il se confirme que \es acheteurs lui attribuent un poids
élevé, mais elle n'aura que peu d'effets au regard du produit global puisque,
à l'exception de « D », \es concurrents occupent déjà le terrain. En revanche,
un renforcement du facteur n, favorablement pondéré, aurait un effet de
différenciation important dans la mesure où la concurrence n 'y est perçue
que de façon négative ou moyenne.

Concurrents principaux
Firme
Poids
auditée
A B C D

1 ++ - + moy ++
Facteurs
2 + + ++ ++ ++ +
de
3 moy + + - --

différenciation
4 - moy + moy +
n ++ + -- moy

Figure 5-27 Matrice de satisfaction.


136 L'audit stratégique

L'auditeur pourra surtout analyser la cohérence de la définition du produit


global proposée par \' entreprise avec les observations portant sur la nature
de la demande et de l'offre globale et avec celles résultant de l'étude du
point de vue des consommateurs.

La première démarche consistera à rapprocher les résultats de l'interrogation


sur les composants du produit global actuel avec les informations contenues
dans la matrice de satisfaction. Trois types principaux de non-cohérence
pourraient alors être observables.
- Il se peut que les facteurs décrits comme caractéristiques du produit global
actuel ne correspondent pas totalement à la description des positions de
la firme auditée dans cette matrice et qui pourtant ont été énumérées par
les responsables de l'entreprise. Cela voudrait très certainement dire que
la définition du produit global actuel manque de rigueur et que les diri-
geants n'ont qu'une vision subjective de son contenu. Une telle incohé-
rence conduirait certainement l'auditeur à approfondir la question pour
s'interroger ultérieurement sur la réalité du plan stratégique de l'entre-
pnse.
Il se peut que les facteurs décrits comme caractéristiques du produit global
actuel ne correspondent pas aux pondérations les plus significatives énu-
mérées dans la matrice de satisfaction. Cela peut traduire l'incapacité de
l'entreprise à s'affirmer sur des facteurs plus valorisants et cela poserait
la question plus générale de son aptitude à rester sur ce marché. Ce peut
aussi être le révélateur de mauvais choix stratégiques relatifs au produit
qui pourraient conduire l'auditeur à suggérer des recentrages.
- Il est enfin possible que les facteurs décrits comme caractéristiques du
produit global actuel soient largement exploités par la concurrence (hy-
pothèse du facteur de différenciation nO 2 dans la matrice de satisfaction)
et \' entreprise devra s'interroger sur sa capacité à positionner son produit
sur ces thèmes ou sur la possibilité de développer des facteurs moins
banalisés.

La question relative aux composantes du produit global futur devra faire


l'objet des mêmes réflexions.

La seconde démarche consistera à rapprocher les résultats de l'interrogation


sur les composants du produit global actuel et leur perception par les con-
sommateurs. Une absence de cohérence serait particulièrement inquiétante
et impliquerait une analyse approfondie de ses causes. L'explication aura
alors de fortes chances de tenir à la médiatisation des composants du produit
global (facteurs de produit élargi ou de produit potentiel).
L'audit de la satisfaction des clients 137

E. La médiatisation de la Qualité Totale du produit


On se rappellera tout d'abord que les résultats proposés dans la matrice de
satisfaction résultent d'une analyse interne et traduisent par conséquent une
autonotation de la part des cadres interrogés. Il s'agit de voir le niveau de
cohérence qui existe entre ce jugement interne et le point de vue des clients.
L'auditeur pourra utiliser à cette fin des informations disponibles auprès du
département marketing ou demander à ce qu'une étude soit conduite en
complément de l'enquête qui a pu être réalisée pour déceler les attentes des
consommateurs. Les résultats pourront alors faire l'objet d'un rapproche-
ment (cf figure 5-28).

Entreprise auditée
Évaluation des consommateurs
(autoévaluation)

Firme Concurrent Concurrent


Poids Évaluation Poids
auditée A B

1 ++ + ++ +
moy
2 + + + + +
Facteurs 3 moy + + moy
de différenciation -+ 4 moy + +
n ++ +

Figure 5-28 Confrontation des perceptions du produit global.

La zone de droite du tableau traduit l'appréciation des consommateurs sur


les facteurs de différenciation de l'entreprise auditée et le poids que ceux-ci
accordent à chacun de ces facteurs.
La plus ou moins bonne proximité des deux classements constituera une
source d'information très utile tant au niveau des différences de perception,
qu'à celui des différences de pondération.
Un écart de perception comme celui enregistré sur le facteur « n » noté ici
(+) par l'entreprise et (-) par les consommateurs pourrait indiquer une mau-
vaise évaluation de l'entreprise sur ses forces et faiblesses et justifierait une
analyse plus approfondie. Il pourrait aussi traduire une mauvaise politique
de communication de la part de l'entreprise et inciter par conséquent à en
analyser les composantes.
Une différence enregistrée au niveau des pondérations présenterait elle aussi
des conséquences importantes résultant pour l'essentiel du même type de
causes mais remettant en question la politique de produit global de l'entre-
prise. La figure 5-29 illustre une application de cette démarche dans le cas
138 L'audit stratégique

d'une filiale d'une grande entreprise française du secteur du bâtiment (ha-


bitat urbain), que nous appellerons «France Rénovation », pour conserver
son anonymat. Le lecteur remarquera que cette étude incorpore des facteurs
de différenciation qui dépassent le seul produit global pour appréhender des
éléments relatifs au produit physique, à l'organisation ou à la compétence
des hommes.

Notes de
Pondération du facteur
«France-Rénovation»
de A à E.l l l
pour ces facteurs (sur 10)
Facteurs de différenciation
Maîtres Cadres de Maîtres Cadres de
d'ouvrages F-R d'ouvrages F·R

• Sécurité apportée par la taille de C B 9 9


l'entreprise
• Délais proposés et respect de ceux-ci A A 8 9
• Ingénierie disponible et utilisée par B B 8 8
l'entreprise

• Qualité du service après-vente A B 7 6


• Image de marque de l'entreprise C C 7 7
• Habitude de travailler avec l'entreprise C C 7 7

• Simplicité, transparence et rigueur des A B S:8 7


dossiers (S, T, R) T: 4,5 7
R:8 7
• Possibilités de partenariat
* Qualité et durabilité des ouvrages C C 6 7
construits A B 7 7
• Respect des projets du maître d'œuvre
C C 5 5
• Prix proposés
• Bonne maîtrise des interfaces A A 7 5
• Capacité à varier d'un point de vue B C 9 8
technique B B 9 8
• Compétence des hommes
A B 8.5 9

III A: très important: B : important; C : moyen; D : peu important: E : sans importance.

Figure 5-29 La matrice de satisfaction comparée


de l'entreprise « France Rénovation ».

On notera que «France Rénovation» dispose dans l'ensemble d'une per-


ception favorable de son produit global et que les écarts entre l'approche
des maîtres d'ouvrages et celle des cadres de l'entreprise restent faibles.
Une analyse similaire conduite sur ses principaux concurrents confirme cette
position très positive. D'un point de vue plus détaillé, on observera aussi
que l'entreprise a tendance à sous-évaluer les facteurs jugés très importants
par les maîtres d'ouvrages en les classant 4 fois sur 6 en position B au lieu
L'audit de la satisfaction des clients 139

de A. Il se trouve que l'écart de notation le plus défavorable à « France


Rénovation» porte sur l'un de ces facteurs, à savoir la transparence des
dossiers. Une réflexion sur ce thème serait probablement utile.
Dans le cas précis de « la transparence des dossiers », la sumotation que
s'attribue l'entreprise pourrait résulter d'une mauvaise communication entre
celle-ci et ses clients. L'auditeur devra analyser les formes de cette com-
munication et son contenu au regard de la définition que l'entreprise se
donne de son produit global. Il n'est pas question, à priori, de s'engager
dans un audit complet de la communication de l'entreprise mais seulement
de considérer le niveau de cohérence existant entre ses messages et la dé-
finition de son produit global.
Dans la majorité des cas, la force de vente et son élargissement que repré-
sentent les points de contact avec la clientèle (personnel d'accueil, du stan-
dard téléphonique ... ) constitueront des vecteurs privilégiés de transmission
du message «produit global ». L'auditeur devra donc s'assurer que ces
acteurs sont en mesure d'assurer cette transmission et l'assurent effective-
ment. La figure 5-30 décrit la procédure correspondant à cette démarche.

Facteurs clés Causes possibles de défaillances Sources

A. Argumentaire • Absence d'argumentaire formalisé DM.


intégrant la qualité • Argumentaire n'intégrant pas les facteurs importants D. ventes
du produit global du produit global, (Argumentaire strictement
technique. par exemple)

B. Présentation de cet
argumentaire par la
·· Culture
Pas de contrôle de la force de vente
de la force de vente
idem +
DRH
force de vente
·à Pas de sensibilisation de la force de vente
la Qualité Totale
• Pas de formation de la force de vente

C. Présentation de cet
argumentaire par le
·• Action
idem supra
non prévue dans les définitions de tâches
DRH,
D. services
personnel de contact • Pas de valorisation pécuniaire ou autre concernés.

Figure 5-30 La (IUalité de transmission du message «produit global ».

L'absence d'argumentaire rendrait peu vraisemblable une communication


efficace du contenu de la qualité du produit global mais n'exclurait pas pour
autant l'analyse des modalités de l'information. C'est sur le rôle des « con-
tacts» que l'auditeur aura probablement l'occasion d'émettre des recom-
mandations importantes. L'élargissement commercial de leur fonction est en
effet souvent mal perçu et limité à un petit nombre de consignes dont la
mise en œuvre ne fait que rarement l'objet d'un suivi.
140 L'audit stratégique

• Synthèse, risques, recommandations


L'auditeur a mis en évidence des écarts entre les valeurs théoriquement
associées au produit, les critères d'achat du client, la capacité de J'entreprise
à les satisfaire et la position des concurrents. Ces écarts constituent autant
d'indicateurs de problèmes potentiels dans la qualité du produit global, que
l'on peut résumer schématiquement (cf figure 5-31)
Chronologiquement, la critique du produit global de J'entreprise reposera en
général sur J'observation de résultats non-satisfaisants qui peuvent s' expri-
mer sous la forme d'une perte de part de marché lorsqu'elle est assez fa-
cilement mesurable ou, plus simplement, d'une baisse de chiffre d'affaires
non explicable par l'évolution globale de ce marché. Des informations peu-
vent aussi remonter vers l'entreprise, traduisant l'insatisfaction de la clien-
tèle.

Indicateur Indicateurs
Risques
général particuliers

· Lettres de réclamation, contentieux 1. Relatifs à l'activité


·
Menace de nouvelles pertes de
parts de marché

··
Détérioration de l'image
Baisse de productivité et

Perte de part
· Perte de clients significatifs
(clientèle finale ou intermédiaire) :
démotivation de la force de vente

de marché par leur taille 2. Relatifs à la prise de décision


ou baisse
relative du
- par leurs exigences
- par leur valeur de symbole
·
Mauvaises réactions par manque
d'information sur les attentes de
chiffre ces clients ou les valeurs de la
d'affaires
· Déréférencement de certaines
lignes de produits (clientèle
concurrence

intermédiaire) --+ Poursuite ou développement


d'une politique de communication
· Dégradation de l'indicateur
de fidélité à la marque (clientèle
non appropriée
· Diminution des marges pour
finale) compenser

Figure 5-31 Indicateurs généraux et risques dans la qualité du produit global.

L'analyse de l'auditeur le conduira dans un second temps à observer les


dysfonctionnements les plus flagrants et ii n'est pas impossible qu'il constate
une véritable inexistence de produit global. On est placé ici dans l'hypothèse
d'une entreprise qui ne perçoit absolument pas l'importance d'une démarche
de qualité du service et dans laquelle tout reste à faire.
Dans des situations moins critiques, l'auditeur s'attachera à l'étude des outils
d'observation disponibles tant pour assurer la connaissance des clientèles
que celle des concurrents. L'absence de ces informations rendrait tout à fait
L'audit de la satisfaction des clients 141

aléatoire une définition correcte du produit global, en la laissant dépendante


de la seule qualité de l'intuition des responsables ou plus généralement du
hasard. Le risque d'inadéquation serait alors considérable et l'auditeur serait
amené à préconiser un minimum d'études sans lesquelles tout approfondis-
sement serait impossible. Dans cette hypothèse, les dysfonctionnements les
plus significatifs relèvent probablement de la qualité du système de valeurs
de l'entreprise.
Même en disposant d'une définition et d'une mise en œuvre satisfaisante
de ses avantages distinctifs, l'entreprise peut encore n'en tirer qu'un profit
médiocre en raison de défaillances ou de non-qualité de son système d'émis-
sion de signaux de valeur.

A. L'hypothèse d'absence de produit global


Tout le monde a rencontré dans sa vie de consommateur des situations du
type auquel nous faisons ici référence. Il est difficile de ne pas citer de trop
nombreuses prestations du service public dans lesquelles l'administration
s'en remet à la bonne volonté de ses fonctionnaires sans avoir fixé la moin-
dre règle de qualité dans leurs relations avec les usagers èO • Certes, on pourra
parfois parler de problème culturel mais l'explication sera bien souvent d'or-
dre managérial : quel cadre, quel chef de service s'est posé la question de
savoir si l'accomplissement matériel d'une tâche était suffisant pour se tra-
duire en perception de qualité? Mais l'administration n'est pas la seule à
pratiquer le « zéro-service» et de nombreuses entreprises apportent chaque
jour la preuve d'un tel mépris du client. De nombreux indicateurs simples
permettent d'identifier ces situations.
C'est à l'évidence le cas lorsque le produit ou le service incriminé font
l'objet d'une attitude critique quasi généralisée de la part des utilisateurs ou
des clients.
Cette attitude est alors souvent adoptée par le personnel lui-même et l'au-
diteur en sera probablement le témoin dès ses premiers entretiens.
Des indicateurs élémentaires confirmeront cette première approche: pro-
preté et aménagement des locaux, accueil des clients, observations des at-
titudes du personnel et de la clientèle, etc.
D'une façon générale, la défaiIlance de l'entreprise, ou plus généralement
de toute organisation, est alors flagrante. Il ne s'agit plus de savoir si les

On lira notamment sur ce sujet: H. Séricyx. Le ~ér{)·lIlé[7ri.l'. InterÉditions. 1989. ou encore: P. Bloch.
211.
R. Hahahou ct D. Xardcl. Service colll!,ris. L'Expansion Hachette. 1996.
142 L'audit stratégique

clientèles ont fait l'objet de segmentation, si les valeurs retenues pour dis-
tinguer l'entreprise sont opportunes ou encore si l'analyse de la concurrence
a été correctement conduite. Il faut seulement, si cela est possible, parer au
plus pressé. Avant d'arriver à des préconisations, l'auditeur devra mettre
l'accent sur les risques d'une situation en sachant que, devant un tel dénue-
ment dans le domaine de la qualité, seule une sensibilisation très forte des
dirigeants permettra de créer un environnement de base favorable. Cette
sensibilisation devra s'étendre à l'encadrement sans qui le message d'une
direction resterait lettre morte.

Les exemples de recherche de Qualité Totale dans le secteur public confir-


ment ces préalables d'autant plus qu'évoquer l'existence de risques, c'est
souvent faire référence à la menace de concurrents traduite dans des indi-
cateurs précis: on comprend alors la difficulté de faire passer ce type de
message dans l'administration. Faire état d'une concurrence possible au ni-
veau européen, d'une concurrence certaine entre administrations territoriales,
d'une menace de cession au secteur privé de certaines activités, c'est trans-
mettre un message qui reste général et, bien souvent, peu convaincant. L'op-
timisme de certains auteurs sur le sujet de la qualité dans le secteur public
serait probablement tempéré s'il subissait le filtre de quelques expériences
de terrain!

Dans cette hypothèse extrême, la non-qualité est réellement stratégique au


sens où elle résulte simultanément d'une absence de réflexion à moyen
terme, d'une non-sensibilisation à l'environnement et notamment à la con-
currence, d'un système de valeurs très faible et d'une organisation qui en
est le reflet. Il est alors probable que seule une situation de crise autorisera
une remise en cause des comportements, à condition toutefois que la direc-
tion fasse clairement de la qualité son objectif privilégié et s'engage per-
sonnellement et durablement dans son soutien. L'auditeur aura alors à mon-
trer la double nécessité d'un plan d'action à long terme qui assure la
cohérence de la nouvelle démarche et de mesures rapides d'améliorations
qui permettent de sensibiliser le personnel, d'engager l'action, d'obtenir des
premiers résultats et de créer ainsi une dynamique favorable. Ceci revient,
en pratique, à préconiser un véritable lancement d'un Plan d'Action pour la
Qualité.

B. Risques et recommandations relatifs au système de valeurs

Dans cette seconde hypothèse, ]' entreprise dispose d'un système de valeurs,
c'est -à-dire de facteurs caractéristiques d'un produit global. Il s'agit en pra-
tique de déterminer la pertinence du système de valeur retenu à travers les
L'audit de la satisfaction des clients 143

différents types de non-qualité que]' on pourra rencontrer, ce que résume la


figure 5-32,

Origine des
Risques Recommandations
dysfonctionnements

1, Absence de référence à
un système de valeur
Impossibilité d'une politique
cohérente de produit global
· Développer un plan d'action pour la
qualité si une sensibilisation
est possible

2, Produit global fondé sur


des hypothèses
· Non-pertinence des
politiques engagées
• Analyser les attentes clients et l'offre
de la concurrence
non vérifiées

···
3. Produit global fondé sur • Inefficacité et non-rentabilité Réviser la définition du produit global
des valeurs inopérantes de la politique Réviser la communication
de produit global Informer / former la clientèle
· Absence certaine
de positionnement produit

4. Produit global fondé sur


des valeurs non distinctives · Faible efficacité de la
politique engagée
· Réviser la définition du produit global
• Absence probable
de positionnement produit

5. Produit global fondé sur Faible efficacité de la • Rechercher des valeurs plus
des valeurs faibles politique de produit global opérationnelles
ou temporaires Positionnement menacé Observer les systèmes de valeur des
concurrents et des secteurs voisins

6. Produit global fondé sur


des valeurs reproductibles
· Imitation. banalisation Différencier

7. Produit global fondé sur


des valeurs à coût excessif · Non-rentabilité Estimer la valeur future de l'avantage
concurrentiel En cas de doute:
repositionner

Figure 5-32 La non-qualité du système de valeurs de l'entreprise.

Si l'on fait abstraction des deux premières hypothèses, qui renvoient à une
étude préalable, un premier cas fréquent reposera sur une définition du pro-
duit global fondée sur des valeurs inopérantes, Elles peuvent entrer dans
cette catégorie pour deux types de raisons: soit il s'agira de valeurs jugées
« normales» par la clientèle et par conséquent non distinctives, soit on aura
des valeurs réelles mais non perçues comme telles,
Dans le premier cas, il faudra s'interroger sur le caractère impératif ou non
du maintien de ces valeurs, Il n'est pas impossible que certaines d'entre
elles se soient dévalorisées avec le temps et qu'elles puissent être au moins
partiellement supprimées, On peut prendre l'exemple d'une activité long-
temps stable et qui se trouve soumise à un facteur de mode: il est très
144 L'audit stratégique

possible que les fournisseurs aient largement exploité dans le passé un sys-
tème fondé sur le dépôt-vente, leurs produits n'étant pas soumis à dépré-
ciation. L'introduction de la mode rend cette démarche coûteuse et surtout
inopérante pour une clientèle en attente de nouveautés. Dans ce cas, une
valeur traditionnelle peut être progressivement abandonnée bien que l'on
observe qu'en pratique elle le sera très lentement, n'optimisant pas ainsi la
relation « Firme-Client ».

La seconde hypothèse est fréquente. Elle illustre une réelle création de va-
leurs qui, n'étant pas perçue par la clientèle, n'est pas source de différen-
ciation. Cette situation peut résulter d'un problème de communication, mais
elle peut aussi dépendre d'autres causes qu'il faudra identifier. On trouvera
dans cc cas les situations que l'on pourrait qualifier de « perfectionnisme
fonctionnel », en entendant par là la volonté d'une fonction d'affirmer ses
compétences au delà des attentes immédiates de la clientèle. Des décideurs
issus des fonctions de production ou de la recherche peuvent jouer fréquem-
ment ce rôle. On notera qu'on est ici à la limite d'une véritable création de
valeur dès l'instant où celle-ci se réalise en dehors de toute référence à une
attente réelle (surqualité). Il se peut enfin que les valeurs créées répondent
à la définition que nous en avons donnée (réduction de coûts ou amélioration
des performances) mais ne soient pas perçues comme telles. Dans ce cas,
il faudra s'interroger sur la possibilité de les faire reconnaître ou, dans le
cas contraire, de les supprimer de façon plus ou moins complète. Supposons
le cas d'une entreprise qui augmente la fréquence de ses visites chez ses
clients et qui leur permet ainsi de réduire leur stock moyen au prix d'une
légère augmentation de ses prix relatifs. L'impact de la rotation n'étant pas
pris en compte par le client, il est tout à fait possible que seule l'augmen-
tation des prix soit retenue et qu'il en résulte un effet négatif alors que la
performance objective était favorable. Dans un tel cas, on sort du cadre de
l'information (émission de signaux de valeur) pour entrer dans celui de la
formation de ce client.
L'hypothèse d'un système de valeurs non distinctes par rapport à la con-
currence est, elle aussi, fréquente. Elle est en soi la négation du produit
global puisqu'elle exclut l'idée d'un avantage concurrentiel. Elle amènerait
l'auditeur à préconiser une révision de la définition du produit global et il
en serait probablement de même si ces valeurs s'avéraient faibles, tempo-
raires ou encore facilement reproductibles.
L'hypothèse d'un produit global fondé sur des valeurs à coût excessif relève
plus précisément d'une analyse de valeur classique. On se rappellera en effet
que la Qualité Totale apparaît comme la recherche d'un optimum entre les
attentes de la clientèle et les coûts supportés par l'entreprise. Il faut ajouter
L'audit de la satisfaction des clients 145

que l'on devra conduire cette analyse dans une perspective de durée, la
notion de produit global impliquant une continuité dans l'action de déve-
loppement des valeurs. Il y a ainsi de fortes chances pour que l'analyse de
l'auditeur l'amène à identifier bon nombre de valeurs dont le coût de mise
en œuvre s'avère non satisfaisant par rapport à la qualité globale. On peut
par conséquent déboucher sur une remise en cause des définitions antérieu-
res de la qualité et des ressources qui leur sont attribuées afin de procéder
à leur redistribution. Cette étape est elle aussi importante parce qu'elle peut
être une source d'économies non négligeables et ensuite parce qu'elle fa-
cilitera le recentrage de la qualité perçue par les clients sur leurs véritables
attentes.
Une recommandation essentielle portera sur la nécessité d'intégrer, au cours
de cette démarche, une recherche systématique de valeurs susceptibles de
générer des réductions de coûts ou une amélioration des performances de
l'entreprise elle-même et non plus seulement celles de ses clients. Il se peut
en effet que certains coûts soient appelés à diminuer en fonction des choix
qu'elle va opérer, notamment pour ce qui est des créations de valeurs ob-
jectives. Cela devrait être le cas lorsqu'il s'agit d'actions sur la Qualité
Totale pouvant déboucher, par exemple, sur une réduction des rebuts ou des
pièces destinées à un service après-vente. De la même manière, une stan-
dardisation d'un composant entrant dans la fabrication d' un produit peut
simplifier la gestion et le coût des stocks d'un utilisateur mais aussi celle
du producteur chez qui elle peut se doubler d'économies d'échelle.

C. Risques et recommandations relatifs à l'émission de signaux


de valeur
La perception des valeurs est fortement dépendante de la communication
que l'entreprise leur consacre. L'absence ou l'inadaptation de cette commu-
nication peut alors être préjudiciable à l'image du produit même si, par
ailleurs, celui-ci incorpore des valeurs objectives attendues. C'est ce que
résume la figure 5-33.
Si on laisse de côté l'hypothèse d'une absence totale de plan de communi-
cation, qui poserait le problème de l'organisation marketing et plus géné-
ralement celui du management, il est tout à fait possible que l'on soit con-
fronté à une communication ne mettant pas en valeur la qualité du produit
global alors même que celui-ci a fait l'objet d'une analyse spécifique. Ceci
confirme la nécessité d'associer largement le département marketing à la
réflexion sur ce produit global, la plus ou moins grande facilité de commu-
nication des valeurs distinctives pouvant en effet apparaître comme un fac-
teur de décision dans sa définition. Les coûts de l'émission de signaux de
146 L'audit stratégique

Origine
Risques Recommandations
des dysfonctionnements

1. Absence totale de plan • Produit global inexploité • Mettre en place un plan


de communication de communication

2. Valeurs existantes mal • Diffusion d'une image • Revoir le plan de communication.


signalées en externe partielle. non-optimisation Hiérarchiser les facteurs
des effets du produit global de positionnement par rapport
• Gaspillage de communication aux attentes

3. Valeurs existantes mal • Absence d'adhésion et de • Mettre en place ou revoir le plan


signalées en interne mobilisation de communication interne

Figure 5-33 La nOn-(lualité du système d'émission de signaux.

valeur peuvent aussi être relativement faibles s'ils exploitent pour la pre-
mière fois une valeur déjà créée. La situation peut notamment se produire
lorsqu'il s'agit de valeurs anciennes pour l' entreprise et qu' ellcs tendent
alors à devenir évidentes au point de ne plus mériter d'être défendues. Ce
serait se priver, dans de nombreux cas, de facteurs économiques, puisque
acquis, et de signaux efficaces puisque généralement précédés d'une forte
reconnaissance chez la clientèle.
Ainsi, au début des années 1950, la société Lévitan gérait deux magasins à
Paris qui disposaient d'une notoriété accumulée tout à fait exceptionnelle
résultant de son activité passée. Pour les jeunes ménages provinciaux, la
visite de ces magasins était une étape traditionnelle de leur installation. L'ap-
parition des premières grandes surfaces périphériques dans cette activité al-
lait détourner une large part de cette clientèle alors que la notoriété de
l'entreprise restait intacte. Le développement d'un système de franchise de-
venait un moyen d'exploiter ce signal de valeur dans le nouveau contexte
avec un coût dérisoire par rapport à son incidence pour le distributeur fran-
chisé et pour la société Lévitan.
L'auditeur devra s'attacher au contenu de la communication externe et no-
tamment au risque qu'elle ne soit pas réellement représentative du produit
global. Une entreprise à forte culture industrielle pourrait ainsi négliger la
communication sur des éléments de service existants mais jugés secondaires
dans le contexte de la culture dominante.
Il reste enfin le problème de la communication interne des signaux de va-
leurs. Ce serait en effet une grave erreur que de s'en tenir à une commu-
nication strictement orientée vers les clients. Cette question sera plus lon-
guement abordée dans le cadre du chapitre 6, mais \' on peut déjà observer
que \' ensemble du personnel de l'entreprise a un rôle à jouer comme trans-
L'audit de la satisfaction des clients 147

metteur de messages et qu'il ne peut l'assumer qu'en fonction de sa propre


information 21 • Il est par ai lleurs évident que l' implication du personnel est
largement liée à cette diffusion interne des facteurs du produit global que
l' on pourra alors considérer comme un élément d'une politique plus parti-
cipative.
En conclusion, l'audit de la qualité du produit global apparaît comme une
étape clé d'un audit de la stratégie, en perspective de la Qualité Totale. Cette
notion de produit global, étroitement liée à celle d'avantage concurrentiel,
constitue en effet un fondement incontestable d'une stratégie d'entreprise.
L'intérêt de sa remise en cause périodique tient au caractère très évolutif
de l'attente des clientèles, lui même lié en partie à l'évolution des techno-
logies et des produits. Il y a donc une nécessité de recherche constante en
fonction de ces évolutions et, par exemple:
Recherche de valeurs attendues par le client et mal assumées par l' en-
semble des fournisseurs. Parce que l'environnement évolue, il est tout à
fait possible que des attentes devenues importantes ne soient pas recon-
nues ou que des valeurs rendues possibles par de nouvelles conditions de
production soient négligées.
Recherche des évolutions dans le système de distribution du produit (cir-
cuit commercial depuis la production) pouvant justifier d'une révision des
valeurs proposées. C'est cette fois-ci le système de distribution qui s'est
transformé, créant des besoins nouveaux. C'est ainsi qu'à chaque fois que
la grande distribution a abordé des créneaux autrefois occupés par le com-
merce spécialisé, elle a ouvert la voie à des politiques de marque per-
mettant aux distributeurs traditionnels de se protéger d'une concurrence
strictement basée sur les prix.
Observation des valeurs exploitées dans des branches voisines. Il est fré-
quent que les besoins d'une activité aient déjà été résolus dans d'autres
branches, ce qui implique une ouverture sur l'ensemble des métiers et,
plus particulièrement, sur les plus proches.

21. Notons que l'auditeur disposera. dans cette perspective, de nombreux indicateurs visant à situer la
connaissance interne de la définition du produit global. Il pourrait procéder à une série d'interviews
auprès des personnels en contact avec la clientèle - standard téléphonique, service après - vente, per-
sonnel d'accueil ... et identifier ainsi leur rôle et les moyens dont ils disposent pour transmettre des
signaux de valeur.
6

L'audit relationnel
de l'entreprise

RÉSULTATS
LEADERSHIP PROCESSUS
OPÉRATIONNELS

FACTEURS RÉSULTATS
~~--------------------------------~.~ ~~--------------------~.~
MODÈLE EUROPÉEN DE LA QUALITÉ TOTALE

Cette troisième composante du vecteur stratégique est certainement la plus


originale. Il faut donc en préciser le contenu 1. Par « qualité de l'entreprise »,

1. On rappelle que le «vecteur stratégique» a été décrit en introduction du chapitre 3. La qualité de


l'entreprise y figure au rang des facteurs orientés vers la différenciation. La qualité des processus. autre
composante du vecteur, sera traitée au chapitre 7, qu'il s'agisse des processus internes ou des processus
externes caractéristiques de la filière.
150 L'audit stratégique

nous entendons essentiellement la qualité de l'image globale (image corpo-


rate) qu'en ont ses différents publics: ses clients, ses fournisseurs, son per-
sonnel, et enfin l'ensemble des partenaires avec qui elle entretient des re-
lations. Le modèle d'autoévaluation de l'EFQM ouvre la voie à ce type
d'analyse dès lors qu'il s'attache non seulement à la satisfaction des clients
mais encore à celle du personnel et à l'intégration dans la vie de la collec-
tivité. Enfin, comme nous l'avons indiqué, l'évolution récente de ce modèle
intègre la qualité des relations avec les différents types de partenaires.

Si la prise en compte de la qualité des services rendus est aujourd'hui assez


largement admise, leur valeur de différenciation par rapport aux concurrents
(produit global) reste plus théorique tandis qu'une référence plus fondamen-
tale à la qualité de l'entreprise, considérée dans sa globalité, semble encore
assez peu systématisée malgré les enjeux considérables que l'on commence
à percevoir et qui tiennent à des facteurs d'environnement dont on peut citer
des exemples:
- une similarité croissante dans le contenu matériel des produits pour les
mêmes raisons que celles exposées ci-dessus, renforcée par la croissance
des dimensions des fournisseurs de composants de base;
- des produits à durée de vie de plus en plus courte pour lesquels des
positionnements classiques ne sont pas rentabilisables ;
- des techniques lourdes et complexes pour des usages banalisés qui amè-
nent le consommateur à placer sa confiance plus dans l'entreprise qui
l'approvisionne que dans le produit qu'il achète;
- un déplacement du pouvoir vers l'aval au sein des filières, principalement
en faveur de la distribution, qui conduit les firmes à tenter de renforcer
leur positionnement global en élargissant leur palette de communication;
- des partenariats de plus en plus nombreux qui peuvent brouiller l'identité
des firmes et affaiblir ou troubler leur image.

Tout ceci conduit à rechercher un dépassement du simple positionnement


des produits: c'est l'objet d'une politique de la qualité de l'entreprise gé-
nératrice de satisfactions durables chez le consommateur.

Nous développerons cette question suivant le schéma adopté jusqu'ici en


traitant successivement du contenu conceptuel, de la démarche de l'auditeur,
et enfin des recommandations.
L'audit relationnel de l'entreprise 151

6.1 La qualité de l'entreprise

Parler de la qualité d'une entreprise, c'est évidemment faire référence à


l'image qu'en perçoit un de ses publics ou encore à son positionnement.
Comme l'a écrit F. Schwebef: «Le plus xrand danger qui guette au-
Jourd'hui un produit ou une entreprise c'est l'anonymat. Le nivellement des
capacités technologiques, l'extension de la communication sous toutes ses
formes et l'accroissement du nombre de marques constituent la toile de fond
du marketing d'aujourd'hui ... Le succès d'une marque, c'est, avant la prise
d'une part de marché (share of market), la conquête d'une position de la
conscience du consommateur (share of brain). »

Toutefois, ce concept de positionnement a évolué au fur et à mesure que


les publics de \' entreprise se diversifiaient. À l'origine, il s'agissait princi-
palement d'un positionnement produit ou d'un positionnement de marque
parce que la cible visée était le consommateur. L'anonymat contre lequel il
fallait lutter était alors essentiellement commercial. Certes, le positionne-
ment de l'entreprise était pris en compte mais uniquement comme moyen
d'assurer celui du produit dans une perspective de vente. Aujourd'hui, les
publ ics avec lesquels l'entreprise doit compter sont plus nombreux. Il lui
faut aussi convaincre ses fournisseurs et ses distributeurs qu'elle est un par-
tenaire privilégié et elle prend progressivement conscience que cette con-
viction doit s'étendre à son personnel afin de le mobiliser dans la compé-
tition qui l'oppose à la concurrence. D'un positionnement centré sur le
produit, on est ainsi passé à un impératif plus global de positionnement de
l'entreprise. Comme l'écrit T. Peters, il s'agit maintenant de «forger le
caractère unique de son entreprise ».

Par ailleurs, le développement rapide des activités de service, en réduisant


le rôle du produit - bien qu'il subsiste presque toujours des supports phy-
siques - oblige l'entreprise à faire référence à une image d'autant plus large
que la perception de la qualité par le client est elle-même globalisée. Ainsi
P. Eiglier et E. Langeard écrivent-ils: « On peut noter que le service global
correspond à un processus naturel d'intégration et de simp/ifïcation dans
l'esprit du client »1. À la question posée de sa satisfaction, le 'c1ient fournit
alors une réponse globale qui intègre l'ensemble des services élémentaires
qui lui ont été apportés et qui est un jugement sur la qualité de l'entreprise.

2. F Schwebcl. Le marketing à l'ère du l'IISilllll/l/l'llll'lII. dans M. Chevalier ct R. Fenwick. Lli stratégie


lrulikdiflli, PUF. 1')75.
3. P. Eiglicr, E. Langeanl. Ser\'ucriol/. Le marketil/Ii des services. McGraw-Hill. 1'187.
152 L'audit stratégique

Nous nous proposons d'envisager successivement trois problèmes:


en analysant dans un premier temps les sources des images perçues de
l'entreprise;
en mettant en avant la nécessité d'influer sur les sources pour contrôler
les images;
en indiquant quels peuvent être les outils d'une politique d'image.

6.1.1 Les sources des images de l'entreprise

• Typologies
La notion d'image peut être abordée sous plusieurs angles.

Une première approche consiste à parler des images de l'entreprise et non


pas d'une image. C'est ce que propose G. Marion en distinguant « l'image
déposée », « l'image voulue» et « l'image diffusée »4. L'image déposée est
celle qui se traduit dans les perceptions des publics de l'entreprise. Elle
existe même en l'absence de toute politique volontariste et joue un rôle
important sous la forme d'opportunités ou de contraintes. L'image voulue
n'est autre que celle que les dirigeants souhaiteraient faire accepter par les
publics de l'entreprise. Elle apparaît ainsi comme un ensemble d'intentions.
L'image diffusée est celle qui résulte de la politique d'image adoptée au
terme de choix qui devraient tenir compte des pesanteurs de l'image déposée
et des options du noyau stratégique.

On parlera aussi d'images au pluriel en considérant que les publics de l'en-


treprise ne constituent pas un ensemble homogène et que l'impératif de
différenciation imposé aux produits en fonction de segments particuliers a
pour corollaire une politique distincte d'images. Problème difficile et cer-
tainement sans solution miracle, que connaissent bien les constructeurs au-
tomobiles dits « full \ine » qui sont souvent amenés à privilégier une poli-
tique de marques distinctes (\' exemple de Toyota et de Lexus illustre bien
cette situation). On remarquera enfin que les publics de l'entreprise ne sont
pas uniquement constitués de cibles strictement commerciales et, pour s'en
tenir à des exemples simples, on évoquera ces cibles essentielles que sont
\es banques, les actionnaires, les syndicats, etc. Il est évident, une fois de
plus, que l'image souhaitable à destination de chacun d'entre eux pourra
être très différente.

4. G. Marion. Us images de l'elltrcprise. ÉdlllOns d'Organisation. IlJXlJ.


L'audit relationnel de l'entreprise 153

Parmi ces publics, une distinction essentielle consistera à envisager séparé-


ment les publics internes et les publics externes en considérant qu'il Y cor-
respondra deux définitions éventuellement très distinctes de la qualité de
l'entreprise, Les préoccupations de mobilisation et d'implication des hom-
mes rendent vitale la prise en compte de cette composante de qualité interne,
d'autant qu'elle affectera ensuite l'image projetée vers l'extérieur. S'agissant
des publics externes, il conviendra de distinguer les clients/fournisseurs et
l'environnement élargi.

Enfin, lorsque l'on parle d'image diffusée, il faut considérer la source de


cette image qui peut émaner des hommes (une compétence, par exemple)
ou de l'entreprise elle-même (une dimension, par exemple). La distinction
est importante, notamment lorsqu'il s'agit d'identifier les valeurs caracté-
ristiques de la firme en essayant de ne pas omettre rune de ces catégories .

• Les fondements de la qualité de l'entreprise


Ce qu'il s'agit d'exposer ici, ce sont les arguments que les dirigeants vont
privilégier dans leur action de diffusion d'image. Deux types d'approche
sont alors concevables suivant le niveau d'objectivité, ou de subjectivité,
que l'on veut préserver.

A. La mise en avant d'avantages concurrentiels précis


C'est la démarche qui correspond à l'analyse stratégique classique et qui
consiste à asseoir l'essentiel de la communication sur des facteurs distinctifs
mesurables. Ce pourrait être un avantage concurrentiel par les coûts, un
avantage concurrentiel technologique, ou encore, par exemple, un avantage
concurrentiel de type financier.

On remarquera que cet avantage concurrentiel peut être une bonne base pour
une image de qualité destinée à la clientèle mais qu'il risque d'être peu
attrayant dès lors qu'on se préoccupe du développement d'une image in-
terne. Ainsi, la lutte pour l'obtention d'une diminution du coût unitaire de
la valeur ajoutée à travers le mécanisme de l'expérience n'est probablement
pas de nature à déclencher une mobilisation générale dans l'entreprise.

Les études conduites sur des questions telles que la culture ou les projets
d'entreprise montrent qu'une perception d'image est beaucoup plus riche et
plus complexe que la seule mémorisation d'avantages concurrentiels objec-
tifs que les publics de l'entreprise compléteront de toute façon par d'autres
composantes.
154 L'audit stratégique

B. La mise en avant d'une image dense


Qu'elle le veuille ou non, l'entreprise est en permanence un formidable
émetteur d'images. Compte tenu de ce que l'on vient de dire, à propos des
limites de messages fondés exclusivement sur des avantages concurrentiels
précis, il est clair qu'elle doit intégrer cette communication élargie et, si
possible, la contrôler, passant ainsi d'une émission d'images autonomes à
une émission d'images voulues. La figure 6-1 décrit quelques unes des sour-
ces d'émission, sans prétendre à l'exhaustivité. La palette des moyens dis-
ponibles est donc considérable et laisse place à des options nombreuses de
correction de l'image diffusée et d'enrichissement de la qualité perçue de
l'entreprise. C'est tout le problème de la gestion de la qualité de l'entreprise.

La dénomination sociale • La ou les marq ues


• Les produits et les services • Ce que l'on écrit ou dit d'elles
• Les comportements et propos du personnel Les comportements et propos
• L'histoire réelle et mythique. la "légende .. des partenaires commerciaux
des fondateurs • Sa communication produit et institutionnelle
• Les actifs (siège social, bureaux, usines ... ) • Ses comportements positifs ou négatifs
• Ses structures et son organisation La personnalité et le comportement
• La vie publique des dirigeants professionnel des dirigeants

Figure 6-1 Des émcttcurs naturels d'images.

6.1.2 Un modèle de gestion de la qualité de l'entreprise


La complexité des facteurs qui interfèrent sur les images de ]' entreprise et
le risque que celles-ci soient inaùéquates parce que formées aléatoirement
font que l'absence ù'une procédure de contrôle prive l'entreprise d'un levier
essentiel qui constitue la toile de fonds de la qualité globale. La figure 6-2
propose une schématisation de cette procédure.
Ce schéma suggère d'abord une phase d'analyse (diagnostics) qui va con-
duire à la définition de ce que l'on peut appeler le «mix -images» de
l'entreprise. Elle fera l'objet de ce paragraphe. Il indique ensuite la nécessité
d'une politique de gestion de cette image qui sera abordée par la suite
(cf § 6.1.3).

• Le diagnostic interne

A. Les fondements culturels des valeurs


Avant d'engager une étude approfondie, généralement à travers des ques-
tionnaires qui seront soumis à des échantillons représentatifs du personnel,
il sera logique de procéder à une préévaluation des valeurs qui orientera la
sélection des thèmes de ]' enquête.
L'audit relationnel de l'entreprise 155

Diagnostic interne
Les valeurs de l'entreprise
• Les avantages
----.. concurrentiels objectifs Modes de gestion
du
• Les composants
~
Les buts
stratégiques .1 Diagnostics
de la culture

Cohérence
H Définition du
« mix-images »
" mix-images »

+ +
t
retenus
Diagnostic externe Modes de
~ 1. Les valeurs reconnues communication
par les parties prenantes: du .. mi x-images »
• Identifications des
~ publics
• Identification des valeurs
, Cohérence
t
Cohérence
2. Les valeurs reconnues
chez les principaux
concurrents

..
l/c: "1",..
"- Images

Cohérence

Figure 6-2 Le processus de gestion des images de l'entreprise.

Catégories Définitions Exemples


Valeurs Croyances durables selon les- • Droit à l'erreur
quelles une conduite spécifique • Goût du risque
(valeur d'usage) ou une fin de • Souci de l'économie
l'existence (valeur de base) est
préférable à une autre
Normes Manières de faire, d'être ou de • Comportement de réussite
penser socialement définies et • Qualités morales et professionnelles
sanctionnées
Pratiques Manières de faire concrètes • Intégration des nouveaux, définition
en vigueur dans l'entreprise des tâches, modalités d'information
Mythes Histoires exemplaires pour • "Nous sommes la seule société qui en
légitimer les comportements pas- 1950 a ... »
sés et futurs
Rites Une séquence d'actes formalisée • Conventions de ventes, remises
et stéréotypée de médailles, "pots» de départ, ...
Tabous Tous les sujets dont on ne parle • La fermeture de lignes à la SNCF,
pas ou peu l'alcoolisme chez Ricard, ...
Sociolecte Les habitudes langagières d'une • Le tutoiement de rigueur, les jargons
organisation donnée techniques

Figure 6-3 Composants pour l'analyse de la culture d'une entreprise


(Source: G. Marion).

Il semble que l'analyse des composants de la culture de l'entreprise constitue


une approche prioritaire dans cette perspective. Il reste alors à déterminer
156 L'audit stratégique

quels peuvent être ces composants. G. Marions suggère sept catégories d'élé-
ments que nous reproduisons (cf figure 6-3).
L'analyse de la culture de l'entreprise doit ainsi permettre, au terme d'une
préenquête, de définir des valeurs clés qui restent cependant essentiellement
qualitatives. On ne peut pas, en effet, à partir de ce travail, hiérarchiser ou
comparer les valeurs retenues et encore moins les étudier par rapport à la
concurrence. Il est donc nécessaire de passer à une approche plus opéra-
tionnelle.

B. La perception interne des valeurs de l'entreprise


Il faut, dans un premier temps, traduire les valeurs générales isolées au cours
de la préenquête en thèmes qui en résument le contenu. On admettra que
cette opération est réductrice et qu'elle peut, à l'occasion d'un questionnaire,
donner lieu à des erreurs d'interprétation de la part de l'interviewé. Il sera
certainement souhaitable d'associer à chaque qualificatif de valeur un exem-
ple d'illustration. Supposons ainsi qu'une valeur retenue soit la rivalité entre
les membres. On pourra décider de proposer ce facteur sous la forme sui-
vante: rivalité (l'entreprise entretient un climat de compétition permanent
parmi ses membres).
La figure 6-4 énumère une liste de valeurs parmi les plus fréquentes, en
reprenant une distinction déjà signalée entre deux sources d'images: les
hommes et l'entreprise.

Valeurs humaines Valeurs d'activité

Individualisme, rivalité, honnêteté, efficacité, Qualité, innovation, rigueur, adaptabilité,


compétence, conscience professionnelle, service, souplesse, sécurité, savoir-faire,
perfectionnisme, disponibilité, implication, etc. disponibilité, implication, modernité, agressivité,
notoriété, etc.

Figure 6-4 Valeurs typiques dans l'entreprise.

Nous avons introduit volontairement une distinction entre les deux catégo-
ries de valeurs, les valeurs humaines et les valeurs d'activité, dans la mesure
où leur poids relatif est différent suivant que l'on procède à une analyse
interne ou externe des valeurs perçues, ce qui confirme l'intérêt de la double
approche de la qualité de l'entreprise (qualité interne et qualité externe)
devant déboucher sur des « mix-images » aménagés en fonction des cibles.

5.G. Marion, Les images de l'entreprise, Éditions d'Organisation, 1989. Voir aussi: M. Thévenet, Audit
de la culture d'enlreprise, Éditions d'Organisation, 1986.
L'audit relationnel de l'entreprise 157

-3 -2 -1 o 2 3
Qualité
Service
Notoriété
Sécurité
Adaptabilité
Innovation

Figure 6-5 Identification de l'image de l'entreprise.

-3 -2
Qualité
Service
Notoriété
Sécurité
Adaptabilité
Innovation

Figure 6-6 Perception comparée inter-départements.

6. W. A. Mindak, Fitting the semantic ditterential to the marketing problem, Journal of marketing, Avril
1961.
7. C. Camerer, A. Vepsalainen, The economic efticiency 01' COlpO rate culture, Strategie Management
journal, Vol. 9, 1988.
158 L'audit stratégique

C. La perception comparée des valeurs de l'entreprise


et de la concurrence
Il sera intéressant de poursuivre ce diagnostic en positionnant les images de
l'entreprise par référence à la perception que son personnel a de la concur-
rence (cf figure 6-7).
On procédera enfin à la même analyse dans le cadre du diagnostic externe
et il sera utile de comparer les deux perceptions.

-3 -2 -1 o 2 3
Firme A Firme B
Qualité
Service
Notoriété
Sécurité
Adaptabilité
Innovation

Figure 6-7 Image relative firme/concurrence .


• Le diagnostic externe
On peut considérer que le diagnostic externe soulève deux problèmes qui
sont l'identification des parties prenantes puis leur hiérarchisation.
La distinction « images internes », « images externes» conduit à identifier
deux grandes catégories de parties concernées et déjà, malgré la globalité
de l'approche, des problèmes de compatibilité d'images apparaissent parce
que les centres d'intérêt des groupes ne sont pas les mêmes. Nous avons
vu que, même à l'intérieur de l'organisation, la perception des valeurs pou-
vait différer. L'hétérogénéité des parties prenantes externes a de nombreuses
chances d'être encore plus importante. Dans la perspective d'une formula-
tion de la qualité de l'entreprise, il conviendra de recenser ces groupes, avant
de les hiérarchiser en vue de limiter l'étude des images perçues à ceux dont
la relation avec l'entreprise est déterminante.
Dans le cas général, les groupes principaux seront ceux directement liés à
l'activité économique de la firme: les clients actuels et/ou potentiels (clien-
tèles intermédiaires et finales), et les fournisseurs. Le plus souvent, une
analyse détaillée sera limitée à la clientèle, ce qui pourrait conduire à tenir
compte de la segmentation existante pour déterminer un échantillon repré-
sentatif qui serait traité à la fois globalement et par sous-ensembles homo-
gènes. On devrait alors se méfier du risque de « myopie stratégique» que
pourrait comporter une telle approche.
L'audit relationnel de l'entreprise 159

En dehors de la clientèle, qui ferait l'objet d'un traitement par une méthode
du type différenciation sémantique, on pourra généralement se contenter
d'une analyse qualitative conduite, par exemple, sous la forme d'entretiens.
On doit toutefois insister sur le rôle, éventuellement déterminant, de certains
groupes de prescripteurs qui peuvent ne pas être consommateurs, ou l'être
de façon non significative. Ainsi, lorsqu'une entreprise du secteur informa-
tique décide d'entretenir des relations privilégiées avec le milieu universi-
taire, le potentiel d'achats de ce milieu peut être faible, mais sa valeur
d'exemple risque en revanche d'être essentielle.
Il reste enfin qu'une entreprise qui consacre un budget important à sa com-
munication institutionnelle vers des publics non commerciaux ne peut le
faire sans une connaissance approfondie des opinions de ces cibles. Cela
suppose qu'il y ait un minimum de corrélation entre les connaissances que
l'on aura des cibles, l'ampleur des actions que l'on veut engager vis-à-vis
d'elles, et les budgets que l'on va leur attribuer. Ceci pose la question du
« mix-images » de l'entreprise.

• Le mix-images
Au terme des diagnostics internes et externes, on entend par cette expres-
sion:
~ le choix des cibles auxquelles s'adressera la communication de l'entre-
pnse;
~ l'identification des valeurs reconnues à priori par chaque cible;
~ le choix des valeurs à mettre en avant pour chacune d'elles;
~ l'intensité de la communication affectée à chaque cible (budget) ;
~ la détermination des supports de cette communication.

Le point 5 de cette liste relève plus particulièrement des outils (cf § 6.1.3).
On abordera ici les questions relatives aux cibles et aux valeurs diffusées
(composantes du mi x-images), et à la répartition des moyens entre ces cibles
(choix d'un mix réducteur ou d'un mix élargi). Le problème est résumé dans
la figure 6-8.

L'image voulue
Les désirs du '--
noyau stratégique
1 Mix- 1
1 images
L'image déposée
Les valeurs reconnues -
par les parties prenantes

Figure 6-8 Le processus « mix-images ».


160 L'audit stratégique

Le point le plus important, sur lequel la littérature est d'une extrême dis-
crétion, réside dans la reconnaissance d'une pluralité de cibles auxquelles
correspondent des moyens eux-mêmes spécifiques. Il n'est donc pas possible
de parler d'un « mix-images » homogène. L'analyse des parties prenantes
conduit en effet à identifier, au moins, trois catégories particulières parmi
ces cibles, ce qu'illustre la figure 6-9.

Image diffusée interne Image diffusée clients/fournisseurs

• Service
.Aptltude à • Efficacité du
s'Impliquer portefeuille de
dans les produits/services
• Honnêteté problèmes
• Responsabilité du client
• SOUCI des hommes art ' • Respect des relations
• Sécurité de l ' / m P I O i: s~v. o'ir~faire
contractuelles
• Avantage • Aptitude au
concurrentiel partenariat
objectif
\
• Sensibilité aux mythes fondateurs • Confié.tnce

• Qualité des emplois offerts

• Compétence générale

• Bonheur, humanisme
• Respect environnement
• Éthique
• Esthétique

Image diffusée
environnement élargi

Figure 6-9 Les sphères de diffusion de la qualité de l'entreprise.

Il reste alors à aborder le problème de la dimension de ce .( mix-images »,


ce qui pose les questions des cibles à traiter, des valeurs à sélectionner et
du nombre de ces valeurs qu'il convient de retenir.

Le choix des cibles doit être inscrit dans une perspective économique. Les
moyens à mettre en œuvre ont des implications financières importantes et
un arbitrage dans leur affectation aux trois sphères de diffusion sera toujours
nécessaire en vue d'optimiser les budgets. Une entreprise de taille moyenne
pourrait avoir intérêt à négliger son action sur l'environnement élargi pour
concentrer ses moyens sur l'interne et l'environnement commercial. Dans
tous les cas, les valeurs caractéristiques des zones d'intersection des sphères
seront logiquement privilégiées en raison de leur effet cumulatif.
L'audit relationnel de l'entreprise 161

Quelles valeurs doit-on sélectionner? La détermination du « mix-images »


est d'abord fortement influencée par l'histoire de l'entreprise dont résultent
aujourd'hui les valeurs et les images déposées. Cette situation n'est modi-
fiable qu'à long terme et les résultats que l'on obtiendra restent aléatoires
comme l'enseigne \' expérience du positionnement. Les valeurs déterminées
au cours des diagnostics équivalent par conséquent à des investissements
lourds que le « mix-images » devra exploiter en raison de leur disponibilité
immédiate. Le bon sens le plus élémentaire suggère qu'il y aurait des grands
risques à vouloir négliger des perceptions fortes d'une partie prenante.

Le nombre des valeurs retenues doit s'inspirer des acquis du concept de


positionnement. On peut considérer que T. Peters adopte un point de vue
très simplificateur lorsqu'il affirme que la spécificité de \' entreprise doit
s'exprimer à travers un message succinct et à la limite une proposition uni-
que 8 • Une telle situation supposerait un consensus interne et externe sur la
composition et la hiérarchie des valeurs perçues par les différentes parties
prenantes. Son approche trouve par contre une justification partielle dans sa
référence au concept de positionnement. Occuper une part de conscience
chez une partie prenante ne peut se réaliser qu'à partir d'un message simple
qui n'entre pas en compétition avec des positions sur lesquelles la concur-
rence occupe déjà le terrain. Cette approche conduit à différentes hypothè-
ses:
- Elle vaut essentiellement pour les parties prenantes externes. L'image dif-
fusée interne peut donc parfaitement être plus complexe si les valeurs
repérées sont nombreuses. Ceci laissera notamment la possibilité de seg-
menter les parties prenantes si la différenciation sémantique a laissé en-
trevoir des perceptions de valeurs différenciées.
- Il semble que, pour les parties prenantes externes, une concentration du
« mix-images » soit la condition du succès de cette politique. Ceci conduit
à hiérarchiser les images perçues, à privilégier une valeur fortement dis-
tinctive pour en faire l'axe du positionnement, ce qui n'empêchera pas
de lui associer d'autres valeurs lorsque les modes de communication em-
ployés le permettront. Ainsi, la valeur distinctive principale dominera la
communication publicitaire traditionnelle et sera complétée par la mise
en avant de valeurs associées à l'occasion d'une communication directe
(celle de la force de vente, par exemple).

K. 1. Petcrs, Le chaos mwwKell1ent, Op. cil.


162 L'audit stratégique

6.1.3 Outils pour une politique d'image

• Les communications du « mix-images »


On a choisi de traiter dans un premier temps cette question de la commu-
nication parce qu'elle permet ensuite de mieux comprendre les spécificités
des outils. Pour illustrer le problème, on peut à nouveau partir du schéma
des sphères de diffusion de la qualité de l'entreprise, en mettant désormais
l'accent sur les supports de communication qui y sont associés (cf fi-
gure 6-10).

Image diffusée interne Image diffusée clients/fournisseurs


~----

Communication Publicité
interne et vécu relationnel

• Réunions, séminaires, colloques


• Groupes spécifiques (progrès,qualité) • Accueil publiC et téléphonique
• Manifestations pérlocliques • Services commerciaux, livraisons,
(célébrations, prétextes clivers) après-vente, maintenance
• Notes, circulaires, affichages .. • Communication produits/marques
• Journaux, films cI'entreprise (publicité-promotion)
• Revue cie presse • Communication personnalisée
• Livret d'accueil (mailing sur fichier client)
• Projet d'entreprise • Relations publiques
• Visites d'entreprises,
journées portes ouvertes
• Architecture, décoration,
design
• Annonces institutionnelles
cie recrutement
• Rapport annuel, bilan social
• Sponsoring, mécénat
• Actions caritatives
Communication
institutionnelle
Image diffusée
environnement élargi

Figure 6-10 Modes de diffusion des images de l'entreprise.

On ne proposera pas ici un exposé détaillé des modes de diffusion des


images de l'entreprise, mais il est facile, au vu de la figure 6-10, d'apprécier
leur diversité, ce qui conduit logiquement à poser le problème de leur coor-
dination,

• Les outils de gestion du «mix-images»


On rappelle ci-après quels sont les «responsables» de la définition de la
politique d'images et de sa communication avant d'énumérer les instruments
L'audit relationnel de l'entreprise 163

classiques de conception et de contrôle. Les problèmes d'identification des


valeurs ont été développés au cours du paragraphe précédent.

Les responsables de la qualité de l'entreprise.


Il aurait été tentant de parler des « managers» de la qualité de l'entreprise,
mais cela aurait conduit à négliger des acteurs qui gèrent de façon plus ou
moins intentionnelle les images génératrices de cette qualité. C'est le cas de
ce que l'on peut appeler les «interfaces firme/environnement» et \' on
trouve dans cette catégorie aussi bien le président directeur-général que la
standardiste ou le livreur.
- La direction générale en conformité avec les choix du noyau stratégique.
La conception et la diffusion du « mix-images » auprès des parties prenantes
va s'inscrire dans une perspective à long terme. Elle doit donc, comme toute
composante stratégique, être planifiée pour que soit assurée la cohérence
des messages. Comme nous \' avons indiqué, des arbitrages devront être
rendus en faveur de l'une ou l'autre des trois sphères de la diffusion de la
qualité de l'entreprise. De même, tous les départements fonctionnels ou opé-
rationnels vont participer à cette diffusion dans leur domaine de compétence
et là encore, des problèmes d'arbitrage surgiront au risque de conduire à
une image floue et éventuellement incohérente. La qualité de l'entreprise
relève donc, sans la moindre ambiguïté, du domaine des choix stratégiques.
Elle supposera ainsi une impl ication totale de la direction générale et de
l'encadrement supérieur. Cette implication peut d'ailleurs être comparée à
celle que nous retrouverions à l'occasion de la mise en œuvre d'un plan
d'action pour la Qualité Totale.
Le responsable de la communication.
Il ne s'agit pas de s'engager dans un débat portant sur les titres et les modes
qui les font évoluer. Ce qui importe, c'est le contenu de la fonction et,
au-delà, les structures dans lesquelles elle s'exerce. On peut énumérer des
règles simples:
• Ce responsable doit avoir autorité sur la publicité, la promotion, les rela-
tions publiques. C'est le prix de la cohérence et, à ce titre, il interviendra,
pour chacun de ces domaines, dans la définition des politiques et la dé-
termination des budgets. Il sera enfin amené à contrôler les résultats. Pour
exercer correctement ces responsabilités, il lui faudra disposer d'un sys-
tème d'information lui permettant de suivre l'évolution de \' image déposée
et les effets de l'image diffusée .
• Il semble qu'il doive être partie prenante du noyau stratégique, sachant
qu'il en sera l'exécutif pour tout ce qui aura trait à la qualité de l'entre-
prise. Dans la même perspective, son rôle devrait être évident au sein du
164 L'audit stratégique

groupe en charge de la qualité où il coopérera avec les différentes direc-


tions fonctionnelles. Sa participation à une démarche de projet d'entreprise
relève de la même évidence.
- Les interfaces firme/environnement.
Les acteurs que nous venons d'évoquer peuvent être considérés comme des
décideurs ayant un rôle à jouer dans la définition d'une politique de Qualité
Totale mais, si l'on se reporte à la figure 6-11, on constate que cette Qualité
Totale passe par le comportement de personnes ou de groupes dont la po-
sition hiérarchique peut être beaucoup plus modeste. En fait, chaque individu
en contact avec des parties prenantes assure une diffusion d'images de façon
plus ou moins volontaire.
Le contact peut d'abord être de type interne, s'inscrivant ainsi dans le cadre
de la relation « client-fournisseur internes ». Une réflexion sur ces relations,
en vue de les améliorer, est de nature à peser sur leur climat et par consé-
quent sur l'image perçue des rapports de travail. Bien que ce problème ne
concerne pas directement une direction de la communication, ses implica-
tions en matière d'images supposent que celle-ci en suive les développe-
ments.
Le domaine des contacts externes est infiniment plus large. Chaque membre
de l'entreprise appelé à rencontrer une partie prenante devient ainsi un émet-
teur d'images généralement incontrôlées dont on commence à peine à me-
surer l'importance. et sur lequel, à l'exception de quelques grandes entre-
prises de services, on intervient encore très peu. La figure 6-11 donne une
liste indicative de fonctions entrant dans cette catégorie.

• Le personnel d'accueil • Le personnel des caisses


• Le personnel du service après-vente • Le personnel de maintenance
• Le personnel du standard téléphonique • Le personnel du marketing téléphonique
• Le personnel d'entretien • Le personnel de livraison
• Le personnel de la comptabilité client • Le personnel du service recouvrement
• Le personnel du recrutement • Le personnel du service réclamations

Figure 6-11 Exemples d'activités en interface « firme/environnement ».

Il y a, au niveau de ces interfaces, un domaine d'action encore considérable


à appréhender et qui implique une coordination dans laquelle la direction
de la communication jouera un rôle important aux côtés de la direction des
ressources humaines, l'outil privilégié étant la formation relayée par des
moyens de motivation.

Les outils pour une communication cohérente.


La communication, dans une perspective de qualité de l'entreprise, est do-
minée par deux caractéristiques: d'abord une volonté stratégique d'en faire
L'audit relationnel de l'entreprise 165

un outil générateur d'avantages concurrentiels et ensuite un besoin pratique


d'en assurer la cohérence dès lors que l'ensemble des fonctions et des dé-
partements de l'entreprise est concerné. Ce sont les outils de cette cohérence
qui vont être envisagés ici.
- Le dossier stratégique « images ».
Le domaine abordé est trop neuf pour qu'un langage standardisé y soit
reconnu. G. Marion parle à son propos de « schéma directeur de l'image»
en indiquant qu'il « constitue la mémoire de l'institution en matière de com-
munication et sert de cadre à la définition de toutes les actions ». Ce do-
cument va regrouper:
• L'information disponible sur l'image déposée de l'entreprise. De ce point
de vue, il fera l'objet d'un actualisation constante à partir du système
d'information mis en place. Les diagnostics (interne et externe) y seront
rappelés.
• La définition de l'image voulue par le noyau stratégique vis-à-vis des
différentes parties prenantes et la hiérarchie des actions à conduire (hié-
rarchie des cibles et hiérarchie des valeurs pour chacune d'elles), sa tra-
duction en objectifs annuels.
• La définition des structures mises en place pour la communication des
images, les responsabilités hiérarchiques, la communication transversale
inter-fonctions et inter-départements.
• La définition des procédures d'études, de communication, d'élaboration
des budgets.
- Le livre des normes.
C'est un document qui énumère et décrit l'ensemble des identificateurs re-
tenus par l'entreprise. On peut le définir sous deux rubriques: les objets de
la norme (une marque, par exemple) et leur environnement (une mise en
page type, par exemple).
• Les objets de la norme sont nombreux et les frontières des appellations
retenues ne sont pas toujours précises. On pourrait distinguer:
la ou les marques, la ou les enseignes, le « socionyme » ;
les logotypes, emblèmes, sigles, labels, slogans;
la charte graphique;
les supports de messages: du papier à lettre au stand d'exposition, en
passant par le choix des vêtements, des véhicules, etc.
166 L'audit stratégique

• L'environnement des identificateurs de base comportera des précisions de


style: la mise en page des messages, les positionnements de logotypes,
de marques, mais aussi des considérations de design.
Pour une grande entreprise, ce livre de normes est l'instrument clé de la
cohérence de la communication.
- Un système d'information de la communication.
Pour exercer son activité, la direction de la communication doit disposer
d'informations précises sur l'évolution de l'image déposée de l'entreprise,
sur les actions conduites par des responsables spécifiques: communication
institutionnelle, publicité, promotion, conditionnement de produits, etc. Cela
veut dire qu'un système de mesures doit être mis en place dont feront partie
les analyses d'opinions et de valeurs décrites précédemment. Observons au
passage que l'existence de ce système d'information fournira un outil pri-
vilégié à l'audit en charge d'apprécier la qualité de l'entreprise.

6.2 L'audit de la qualité de l'entreprise


La qualité de l'entreprise est associée à l'image que des parties prenantes
ont d'elle. Elle est donc le résultat d'une communication, volontaire ou non,
adressée à ces publics. Pour autant, ce que nous appelons l'audit de la qualité
de l'entreprise ne saurait être un audit des techniques de communication car
celui-ci dépasserait largement les limites d'un audit de la qualité globale.
Ce que nous voulons analyser, à partir des images perçues, c'est l'existence
ou non d'une image globale positive, ne serait-ce qu'au regard des images
voulues et les conséquences d'éventuelles défaillances d'images. Ainsi, au
stade où nous en sommes conduits, l'auditeur a dressé un état de la qualité
matérielle d'un produit, il a ensuite situé ces qualités relativement objectives
dans le contexte marketing du produit global et il lui faut désormais s'assurer
de l'existence d'un « plus» cohérent qui serait la qualité de l'entreprise.
L'audit de la qualité de l'entreprise vise aussi à évaluer le niveau d'impli-
cation du noyau stratégique en faveur d'une action qui s'éloigne considé-
rablement de la Qualité Totale au sens classique de l'expression. Pour beau-
coup de responsables, notamment d'entreprises industrielles, la prise en
compte de composantes caractéristiques de la qualité de l'entreprise reste
encore rare et les prive de moyens au regard de la recherche d'avantages
concurrentiels.
La démarche générale de l'audit est résumée dans la figure 6-12.
L'audit relationnel de l'entreprise 167

Référentiels

Identification
des images
voulues.

Identification
des images
déposées.
----. Indicateurs
- - . . Défaillances
--. Risques
Identification
des images
diffusées.
-.. ...
Causes
Recommandations

Figure 6-12 Chronologie de l'audit.

6.2.1 Référentiels et indicateurs


• Les sources d'information
La figure 6-13 recense les principales sources d'information auxquelles l'au-
diteur pourra avoir accès 9 .
1. Les sources informelles (observations de l'auditeur)
··
L'accueil des visiteurs, les locaux (style, propreté ... ), l'accueil téléphonique
L'accueil des clients, des fournisseurs
·
Les comportements du personnel: langage, habillement, relations
pendant le travail, pendant les pauses, les repas ...
··
Les locaux: architecture, aménagements, décoration, équipements, circulation
La répartition du temps individuel et collectif pour les cadres
··Les activités du comité d'entreprise, l'information du personnel
Les manifestations occasionnelles: " pots ", fêtes, cérémonies, accueils des nouveaux,
conventions
··
Les systèmes de promotion, de récompense, de mutation
Entretiens avec les dirigeants, les cadres, les fournisseurs, les clients
2. Les sources formelles internes
·
Organigramme (organisation des fonctions marketing, relations extérieures, communication),
budget et répartition

···
Plan stratégique, projet d'entreprise, charte pour la qualité, charte des cercles de qualité
Bilan social
~nalyses de perception (interne, externe) de l'entreprise

···
Etudes d'image, de notoriété spontanée et assistée
Schéma directeur de l'image, livre des normes
Archives de la publicité, des documents de relations publiques
·
··
Dossiers de présentation des produits, services
Journaux d'entreprise, publications des cercles de qualité
Dossiers du service consommateurs, dossiers réclamations clients, contentieux
3. Les sources formelles externes
· Presse générale, professionnelle

Figure 6-13 Les sources d'information.

9. Une partie de ces sources est inspirée des" signes et symboles» décrits par M. Thévenet dans son
ouvrage Audit de la cUltUIE d'elltre{>rise. Éditions d'Organisation. O{>. cit.
168 L'audit stratégique

Ces informations, présentées globalement, concernent les trois sujets d'in-


terrogation qui vont être développés c'est-à-dire la connaissance des images
déposées, des images voulues et des images diffusées. Pour chacun de ces
thèmes, l'audit pourrait approfondir les trois cibles de cette communication:
l'interne, l'externe commercial (clients, fournisseurs) et l'externe élargi.
Assez souvent, l'analyse des images externes de type institutionnel pourra
être réduite; c'est notamment le cas lorsque l'audit porte sur une PME.

• L'analyse des référentiels: les trois images voulues


Cette partie de l'audit ne concerne, à priori, que des entreprises de grande
taille ayant une volonté de gestion de leurs images. Il n'est toutefois pas à
exclure qu'une PME ait une préoccupation en la matière, quitte à ce qu'elle
s'exprime dans une démarche peu formalisée.
Les éléments d'information peuvent provenir de deux sources distinctes:
sources globales, s'il s'agit d'objectifs stratégiques, ou sources spécifiques
dans le cas d'objectifs fonctionnels (par exemple, les objectifs du départe-
ment relations publiques).

A. Implication du noyau stratégique


Il faudra déjà tenir compte des résultats des audits précédents: l'absence de
réflexion et de définition des avantages compétitifs de \' entreprise rendrait
peu vraisemblable une volonté de stratégie d'image vers les différentes ci-
bles décrites à moins que celle-ci ne soit totalement arbitraire. En dehors
de ce cas extrême, mais fréquent, l'entreprise peut théoriquement gérer trois
types d'images. Il s'agit, à l'occasion d'entretiens préliminaires, d'identifier
l'existence de ces objectifs et surtout de mesurer la volonté qui leur est
associée.

B. Définition des images voulues


C'est en quelque sorte l'approfondissement de la démarche précédente. Ce
référentiel peut être abordé dans trois perspectives.

Le référentiel observé. On entend par là les informations que l'auditeur va


recueillir au cours de son passage dans l'entreprise. L'ambiance de travail,
\' organisation des locaux, la nature des relations, les moyens de travail sont
autant de repères qui peuvent infirmer ou confirmer les réponses obtenues.

Le r~fCrefltiel écrit. C'est la formalisation officielle des images voulues.


L'auditeur la trouvera dans des documents comme: le projet d'entreprise,
L'audit relationnel de l'entreprise 169

le dossier stratégique image ou son équivalent, le livre des normes, une


charte pour la Qualité Totale, une charte des cercles de qualité ... Ces do-
cuments vont permettre d'identifier le contenu des images voulues mais
aussi de lui associer des précisions sur l'ancienneté de cette volonté, son
évolution ou sa continuité, sa profondeur ou encore sa cohérence interne.

Le référentiel historique. Constitué des indicateurs, c'est-à-dire les mesures


d'images, utilisés dans le passé qui peuvent être aujourd'hui considérés
comme des éléments du référentiel. Le fait, par exemple, d'avoir vu se
dégrader pendant plusieurs années la perception de la qualité du service ne
peut pas être ignoré au moment de la définition d'une image voulue. Il se
pose là un premier problème de cohérence qui doit être distingué de celui
que l'on pourra enregistrer ultérieurement entre les images voulues et les
indicateurs instantanés. Toujours au titre du référentiel historique, il sera
utile d'interroger la direction et l'encadrement supérieur sur la signification
qu'ils donnent aux signes et symboles utilisés par l'entreprise. Le sens at-
tribué aux marques, enseignes, logotypes, emblèmes, ... sera généralement
un bon révélateur des images voulues.

C. Les moyens affectés


L'implication d'un noyau stratégique sur des thèmes de communication ne
peut se concrétiser qu'à partir du moment où la politique d'images est dotée
de moyens et surtout d'une structure opérationnelle. L'auditeur va donc de-
voir s'assurer de l'existence et de la qualité de ces moyens.
Une première approche l'amènera à observer la structure en charge des
différentes formes de communication. Dans l'hypothèse générale d'une
structure fonctionnelle, plus particulièrement adaptée comme chacun sait à
une activité spécialisée, le travail de l'auditeur sera simplifié dans la mesure
où les problèmes de transversalité seront probablement atténués. Dans le cas
d'une structure par départements, la difficulté risque de croître avec le degré
d'autonomie de ces départements. Sans vouloir approfondir dès à présent
un problème qui relève de l'audit général des structures et de l'organisation,
on peut estimer que l'existence d'un staff commun placé sous la même
autorité que la direction du marketing serait un facteur très positif en vue
d'assurer l'unité de la communication sous toutes ses formes. À la limite,
on peut aussi imaginer une direction distincte de la direction du marketing
ayant autorité pour tout ce qui relève de la communication. Quel que soit
l'aspect formel retenu, il faut rappeler ici que le responsable de la commu-
nication devrait logiquement être associé au noyau stratégique pour ce qui
concerne son domaine de compétence.
170 L'audit stratégique

L'organisation de la communication est tout aussi importante que les struc-


tures. Des entretiens avec son responsable devront permettre d'identifier les
outils dont il dispose (dossier stratégique image, livre de normes, .,,) et les
relations transversales qui lui permettent d'intervenir dans des domaines ne
dépendant pas normalement de son autorité: formation des personnels de
contact, planification et organisation des études, détermination et répartition
des budgets de communication, participation à la mise en place des actions
qualité (plan d'action qualité, charte des cercles de qualité, ".) .

• L'analyse des référentiels: les trois images déposées


Volontairement ou non, l'entreprise communique et le résultat de cette com-
munication se traduit dans des images perçues par les différentes parties
prenantes. Ces perceptions constituent le point de départ de la mission d'au-
dit dès lors qu'elles auront été traduites en indicateurs exploitables. On ad-
mettra que dans une perspective générale, les trois sphères de diffusion de
la qualité de l'entreprise (interne, environnement commercial, environne-
ment élargi) correspondent à trois batteries d'indicateurs.
La démarche de l'auditeur que nous allons décrire est applicable pour cha-
cune d'elles.
L'auditeur va, dans un premier temps, recueillir un certain nombre de don-
nées brutes à partir de visites des locaux, d'entretiens avec le personnel, de
rencontres avec des fournisseurs et des clients. Ces observations fournissent
des indicateurs qualitatifs des images perçues. Elles doivent être évidemment
organisées en fonction des parties prenantes étudiées. Il s'agit pour l'auditeur
de dégager des grandes lignes au niveau des différentes perceptions. Il faut
ajouter que dans bon nombre de PME, ces données s'avéreront souvent les
seules dont il pourra disposer.
L'auditeur devra ensuite demander communication des éventuelles mesures
réalisées en matière d'images. Comme nous venons de l'indiquer, il n'est
pas impossible, notamment dans le cas de PME, que l'on ne dispose pas
d'indicateurs suffisamment détaillés pour fournir une base d'audit. L'analyse
des images voulues et diffusées conduira alors à un jugement plus ou moins
critique de cette situation. Elle pourra amener l'auditeur à préconiser un
certain nombre d'études et l'ampleur du travail qui en résultera impliquerait
probablement une hiérarchisation des demandes. Dans le cas d'une entre-
prise ne connaissant pas de troubles internes sérieux, la priorité irait certai-
nement vers une analyse des images perçues par les principales catégories
de clientèles y compris les clientèles potentielles. Une approche du type
« différenciation sémantique» pourrait fournir une base d'indicateurs satis-
L'audit relationnel de l'entreprise 171

faisants. Dans notre perspective, des études de notoriété spontanée et assistée


pourraient aussi fournir de bonnes indications.
D'une façon générale, les mesures disponibles comme indicateurs entreront
vraisemblablement dans l'une des catégories décrites. On tiendra compte de
leur ancienneté, de leur fréquence et de la nature des échantillons sur la
base desquels elles ont été établies.
La littérature propose enfin des listes types d'indicateurs dont on pourra
s'inspirer.

Les images internes. C'est à ce titre que l'on observera la satisfaction du


personnel. Ceci implique que l'on puisse disposer d'indicateurs (objets de
mesure) souvent preCIses par des mesures indirectes traduisant la
non-satisfaction du personnel (cf figure 6-14).

Environnement de travail, site, Formation, développement, Modèles de reconnaissance


espace, commodités recyclage Modèles de récompense
Dispositions en matière de Prise de conscience des Organisation (gestion par la
santé et de sécurité exigences du travail hiérarchie)
Communication au niveau local Prise de conscience des Organisation en vue de la
et au niveau de l'organisation valeurs, de la vision et de la Qualité Totale
Modes d'évaluation de fixation stratégie de l'organisation Perception du style de gestion
d'objectifs et de parcours de Prise de conscience du Sécurité de l'emploi
carrière processus de Qualité Totale

Absentéisme et maladie

Figure 6-14 Indicateurs de satisfaction du personnel (d'après EFQM).

Les images externes clients/fournisseurs. La figure 6-15 présente les prin-


cipaux indicateurs.

Environnement de travail, site, Qualité des relations avec les


espace, commodités (locaux différents services de contact
d'accueil et de réception) (ventes, pièces détachées,
SAV, etc.)

Indicateurs de satisfaction, de Mesures de la pérennité Mesures de répétitivité-


fidélité des relations automatisation des opérations
Classement (notations) dans la commerciales (volume des
hiérarchie des fournisseurs ou opérations non soumises à
des clients renégociation)

Figure 6-15 Indicateurs de la relation clients/fournisseurs (d'après EFQM).


172 L'audit stratégique

Les images externes traduisant l'intégration dans la société. On est, dans


ce cas, totalement dans un contexte de grande entreprise comme en témoi-
gnent les indicateurs suggérés par l'EFQM (cf figure 6-16), à moins que la
petite organisation ait fait un choix stratégique qui repose sur une hypothèse
d'intégration dans la société. Un tel choix pourrait la conduire à privilégier
ces images externes comme une des conditions de succès de sa stratégie.

Nombre de réclamations Nombre de violations de limites Décorations et récompenses


générales réglementaires reçues par l'organisation
Incidents

Figure 6-16 Indicateurs de l'intégration dans la vie de la collectivité


(d'après EFQM) .

• L'analyse des référentiels: les trois images diffusées


L'auditeur aborde ici la question des politiques d'images et, une fois encore,
il s'agit d'un domaine dans lequel les PME offriront peu d'opportunités de
développement. L'expression est cependant trop restrictive si elle ne fait
référence qu'aux seules actions volontaires alors que, comme nous l'avons
indiqué, l'entreprise est une source automatique d'émission d'images. II con-
viendra donc de tenir compte de ces deux types de diffusion vis-à-vis des
différentes cibles. L'auditeur devra:
analyser la nature du message que l'on a voulu transmettre;
observer son ancienneté et son évolution s'il y a lieu.
Il sera enfin souhaitable qu'à l'occasion d'entretiens avec les responsables
de la communication, une hiérarchisation des moyens mis en œuvre soit
établie et qu'elle fasse l'objet d'un rapprochement avec les budgets affectés
à chacun d'eux. Des premières distorsions ou tout au moins des interroga-
tions peuvent alors apparaître avant d'être confirmées par des comparaisons
avec les images voulues ou les images déposées.
L'audit relationnel de l'entreprise 173

A. Les images internes


De nombreux éléments abordés ici feront l'objet de développements ulté-
rieurs au stade de l'audit de la satisfaction du personnel. L'auditeur aura à
repérer successivement les moyens de diffusion volontaire des images in-
ternes, puis les phénomènes de diffusion involontaire.
Dans une perspective volontaire, on observera le rôle des différentes publi-
cations, des manifestations, des avantages spécifiques.
Au titre des publications, il y aura lieu d'analyser les discours véhiculés par
le journal d'entreprise, les documents diffusés par les cercles de qualité, le
règlement intérieur, les notes, les affiches, les courriers adressés au person-
nel, l'usage fait des moyens audiovisuels ou informatiques (messageries in-
ternes) ou encore la diffusion des discours et interventions de responsables.
Entrent aussi dans cette même catégorie des documents comme le projet
d'entreprise ou la charte pour la Qualité Totale.
De nombreuses manifestations constituent des occasions pour diffuser une
image interne. C'est le cas des congrès, des réunions périodiques, de l'ac-
cueil des nouveaux, du départ des anciens, des séminaires et des actions de
formation. De façon moins globale, toutes les occasions de rencontre à l'in-
térieur de l'entreprise offrent aussi des possibilités de diffusion d'images.
Les visites informelles de la direction et de l'encadrement dans les différents
services doivent faire l'objet d'une analyse de l'auditeur qui cherchera à
identifier le contenu des messages qu'elles visent à transmettre.
L'e"xistence d'avantages spécifiques accordés à certaines catégories de per-
sonnels constitue aussi un message que l'entreprise transmet à l'ensemble
de celui-ci. L'observation des facteurs générateurs de primes et avantages
divers permettra à la fois de préciser les images voulues et l'usage que l'on
réserve à ce mode particulier de communication interne (l'employé du mois,
le prix de la qualité, etc.).
L'auditeur devra enfin déceler les formes involontaires de transmission
d'images qui sont mises en évidence dans de nombreuses situations classi-
ques.
C'est d'abord l'observation des attitudes et des comportements hiérarchiques
et relationnels tout aussi bien au niveau de l'encadrement supérieur qu'à
celui de la maîtrise et ceci dans le cadre du fonctionnement normal de
l'entreprise. C'est aussi cette même observation dans des situations de crise.
C'est ensuite la connotation image des équipements collectifs: les salles de
réunion, de détente, les lieux de restauration, de vacances.
174 L'audit stratégique

B. Les images clients/fournisseurs


L'auditeur aura probablement intérêt à traiter séparément ces deux groupes
que nous avons réunis, tout au long de ce chapitre, dans un souci de sim-
plification. L'expérience montre en effet que l'image diffusée vers les four-
nisseurs joue un rôle très important dans le cas des PME. Elle peut être à
J'origine de relations privilégiées d'autant plus décisives que, s'agissant, en
amont, d'un partenaire de grande dimension, une écoute favorable a des
effets induits élevés pour une implication minime de sa part.
Il devra donc analyser l'ensemble de la communication classique de J'en-
treprise sous forme de publicité, de promotion ou de messages institution-
nels. Il aura à considérer les supports retenus, la fréquence des messages,
leur importance et surtout, une fois encore, à identifier à travers des entre-
tiens avec les responsables leurs contenus clés en termes de valeurs trans-
mises. Sur ce dernier point, le département responsable doit être en mesure
de fournir des indicateurs précis.
Il lui faudra aussi être attentif à des modes de diffusion involontaires encore
que le risque semble moins grand que dans le cas de l'image interne. Ici,
l'entreprise va s'exprimer principalement à travers des publications, des ma-
nifestations, des contacts individuels et des messages publicitaires, promo-
tionnels ou institutionnels.
On entend par publication l'ensemble des documents destinés aux clients et
fournisseurs qui leur sont communiqués de façon personnalisée. On peut
retrouver ici le projet d'entreprise, une charte pour la Qualité Totale ou, plus
souvent, un manuel d'assurance de la qualité sous une forme plus ou moins
complète. Entrent aussi dans cette catégorie des documentations commer-
ciales, des lettres d'information, des courriers spécifiques, des notices tech-
niques ... L'auditeur, à J'occasion d'entretiens avec les responsables de ces
documents, identifiera les messages que ceux-ci ont voulu adresser à leurs
interlocuteurs.
Les manifestations, à travers leur fréquence, leur forme et leur contenu sont
aussi génératrices de messages de l'entreprise. C'est le cas des foires et
expositions, des rencontres professionnelles, des séminaires communs avec
des fournisseurs ou des clients ou encore organisés à leur intention sous la
forme, par exemple, de journées de formation.
Les procédures spécifiques, associées aux contacts avec les clients et les
fournisseurs, jouent aussi un rôle très important sur lequel on a beaucoup
mis J'accent ces dernières années. Il peut s'agir de contacts strictement com-
merciaux (formation et argumentaire des vendeurs, des personnels de main-
tenance et d'après-vente) ou de contacts plus relationnels (formation des
L'audit relationnel de l'entreprise 175

personnels d'accueil, de standard, de livraison, etc.). Ces différentes procé-


dures ont normalement été repérées au cours d'audits précédents.

Dans les trois modes de diffusion d'images que nous venons d'évoquer, il
s'agit tout autant de repérer des supports de l'information que d'apprécier
le degré de construction volontaire ou non qui leur est associé. Le traitement
ultérieur des dysfonctionnements ne pourra pas être envisagé dans la même
perspective suivant que ces messages sont voulus ou seulement émis natu-
rellement par la firme.

C. L'image élargie

On aborde ici la question des messages diffusés à l'environnement élargi


de r entreprise, cc qui relève plus particulièrement de la communication
institutionnelle. Pour de nombreuses PME, cette préoccupation est souvent
inexistante, soit qu'elles estiment ne pas avoir les moyens de s'engager dans
cette direction, soit qu'elles n'en perçoivent pas l'intérêt. Dans une pers-
pective de hiérarchisation des problèmes, ces choix sont en général judi-
cieux. Tout dépend en pratique des liens qui s'établissent entre la firme et
cet environnement entenùu au sens large. Si une interaction existe, par exem-
ple à travers une fonction jugée de service public ou par le fait de la création
de nuisances générales, le traitement de l'image élargie peut au contraire
s'imposer. L'engouement incontestable pour le management environnemen-
tal (ISO 14001) n'est évidemment pas étranger à ce type de préoccupations.
De même, l'image de l'entreprise sur le marché du travail peut-être un fac-
teur clé de succès, notamment dans la perspective de ressources rares sur
ce marché (forces de vente de haut niveau, informaticiens, etc.).

La communication peut alors s'exprimer à travers des publications, des ac-


tions générales ou des manifestations destinées au grand public. Parmi les
publications les plus classiques, on citera les rapports annuels, le bilan so-
cial.

Les actions générales peuvent relever du sponsoring, du mécénat ou encore


ùe la participation à des grandes causes (protection de l'environnement, cau-
ses humanitaires ... ).

Des manifestations destinées au grand public peuvent se traduire par des


journées portes ouvertes ou des visites d'entreprises et d'établissements.

Dans tous les cas, \' auditeur essaiera d'identifier le contenu essentiel des
messages adressés à l'environnement, leur fréquence, leur volume et leur
coût.
176 L'audit stratégique

Au terme de l'étude des trois catégories d'images, les dysfonctionnements,


s'il en existe, doivent apparaître clairement.

6.2.2 Dysfonctionnements et première analyse des causes


L'auditeur a pu déterminer les images perçues par les différentes cibles, le
contenu des images voulues, et la nature des images diffusées. La fi-
gure 6-17 résume les grands types de dysfonctionnements pouvant être en-
registrés et leurs causes majeures.

Dysfonc- Perception d'une image négative


Pas ou peu d'image perçue
tionnement ou non voulue
Indicateurs • Notoriété très faible · Opinions négatives dominantes
Image
Voulue
· Pas de volonté stratégique
de développer une image globale de
• Pas de volonté stratégique de
développer une image globale
l'entreprise et pas d'éléments de l'entreprise et de maîtriser des
valorisants dans les émissions émissions d'images incontrôlées
incontrôlées d'images dévalorisantes
· Absence d'avantages concurrentiels
significatifs: soit dans les produits,
• Image voulue en contradiction avec
les faits perçus
soit au niveau du groupe (les divisions
sont perçues séparément)
Image voulue inaccessible compte
tenu de la concurrence
(communication des firmes sur un
même thème ou dimensions relatives
très différentes)
· Image voulue en inadéquation avec
les attentes des cibles
Image
diffusée
• Insuffisance des moyens mis en
œuvre · Mêmes causes qu'en l'absence
d'image mais les émissions
· Budgets mal répartis entre les
différents émetteurs
incontrôlées (passées et présentes)
sont négatives
· Incohérence des messages par non-
homogénéité dans le temps ou entre
les émetteurs
• Incohérence des messages avec
l'image voulue

Figure 6-17 Qualité de l'entreprise: analyse des causes profondes de défaillances.

Plusieurs de ces causes relèvent en fait de l'absence de politique d'image


globale. On analysera plus particulièrement celles qui soulèvent des problè-
mes de cohérence.

• Les dysfonctionnements « images voulues-images déposées»


On est confronté dans ce cas, soit à des choix stratégiques en matière d'ima-
ges non cohérentes avec les perceptions des parties prenantes (problème de
pesanteur des images déposées), soit à des choix non susceptibles de
L'audit relationnel de l'entreprise 177

déboucher sur une reconnaissance de la part des parties prenantes (problème


des limites du positionnement).
Une première source de difficultés peut tenir à l'existence d'images dépo-
sées très fortes auprès d'une ou plusieurs cibles qui soient incompatibles
avec les images voulues. Comme nous l'avons rappelé à propos de la qualité
du produit global, un positionnement ne se modifie qu'à long terme et des
messages qui seraient en contradiction avec une image perçue n'auraient
aucun effet. Les avatars du fameux slogan: «Avec la SNCF c'est possible»
illustreront encore longtemps ce type de situation. T. Peters lO résume le
problème en écrivant: « En résumé, la formulation de votre spécificité doit
être relativement correcte, tenir sur la durée, être succincte, pouvoir se
mémoriser facilement, être crédible et stimulante pour tous. » Ici, c'est plus
particulièrement la crédibilité qui est en cause même si elle est dépendante
d'une formulation relativement correcte. Cette difficulté peut avoir plusieurs
types de causes.
Elle peut provenir d'une mauvaise analyse ou d'une absence d'étude des
images déposées. Ainsi, une enquête conduite auprès des clientèles d'un
grand magasin spécialisé de centre ville avait montré que le premier facteur
d'identification était la proximité associée à une image prix assez négative
alors que les dirigeants défendaient depuis des années une politique de prix
bas, notamment dans leur communication. Tout le problème de l'image avait
été mal posé. Les principaux concurrents, localisés en périphérie et prati-
quant la même politique, avaient en fait accaparé l'image prix, alors que
cette entreprise, de par sa position urbaine traditionnelle, supportait dans cc
domaine un préjugé défavorable que son action ne parvenait pas à infléchir.
Elle peut aussi résulter d'une confusion entre les images voulues et ce qu'il
conviendrait d'appeler les « images souhaitées ». L'image voulue est celle
qui se traduit en politiques immédiates dont on analysera les effets d'une
façon quasi continue. Elle se décompose ainsi en cibles successives qui
feront l'objet de contrôles de réalisation. L'image souhaitée est celle que
l'on désirerait atteindre dans le long terme et qui a en quelque sorte valeur
de but stratégique. Par définition, communiquer sur la base de l'image sou-
haitée ne permet pas de convaincre puisque l'on transmet un message qui
n'est actuellement ni correct, ni crédible.
Une deuxième source de difficultés tient à l'impossibilité de se faire recon-
naître sur une image voulue, alors même que celle-ci est perçue par une
partie prenante mais pas avec suffisamment de force pour devenir une source

ltt. T. Pcters. I.e l'hallS /I}(/I/(/gl'Illei/i. InterÉditions. Pans 1988.


178 L'audit stratégique

de positionnement. C'est, une fois de plus tout le problème de la capacité


d'un public à mémoriser plusieurs entreprises à travers un même avantage
concurrentiel recherché. Rappelons que, suivant l'expression de T. Peters,
il s'agit de «forger le caractère unique de l'entreprise », ce qui suppose
de façon évidente la mise en avant de facteurs réellement distinctifs. L'ana-
lyse comparée des images déposées de la concurrence devrait permettre de
situer ce type de dysfonctionnement.

• Les dysfonctionnements «images voulues-images diffusées»


On est placé ici devant des choix en matière de politique de communication
qui ne sont pas cohérents avec les images voulues.
L'hypothèse la plus simple est celle qui correspond à la communication
involontaire, c'est-à-dire la communication incontrôlée. L'exemple de Peu-
geot, souhaitant développer une image de qualité avec le lancement d'un
haut de gamme dans le contexte des grèves très dures de 1989, est tout à
fait significatif de cette situation et montre bien les limites d'une politique
de qualité de l'entreprise dans un environnement peu favorable.
Dans une seconde hypothèse, c'est l'inadéquation des moyens qui est en
cause et, dans la majorité des cas, on sera confronté à un problème orga-
nisationnel. Celui-ci peut provenir d'une absence de liaison entre le ou les
responsables de la communication et la direction générale, d'une imprécision
dans les choix stratégiques et, probablement de façon plus fréquente, d'un
manque de coordination entre les différents diffuseurs: publicité, promotion,
communication institutionnelle. Une manifestation fréquente de ce type de
situation apparaîtra sous la forme d'une incohérence dans la répartition des
différents budgets.

6.3 Synthèse, risques et recommandations


Quels que soient les dysfonctionnements enregistrés, on constate que trois
séries de causes vont dominer ces situations.
À la base, et comme dans la plupart des problèmes de Qualité Totale, on
trouvera souvent une absence de volonté et d'implication du noyau straté-
gique et de la direction générale. L'entreprise opère alors dans un contexte
d'image aléatoire ayant peu de chances de se transformer en avantage con-
currentiel. Ce qui est vrai pour ses publics externes l'est évidemment pour
son personnel et elle se prive ainsi d'un outil essentiel pour sa stratégie en
affaiblissant sa capacité de mobilisation.
L'audit relationnel de l'entreprise 179

Même si une volonté existe, l'absence de structures et d'organisation spé-


cifique la rendra probablement inopérante. Parce que la qualité de l'entre-
prise est globale, elle ne peut pas être gérée par un système cloisonné dont
plusieurs éléments seraient décideurs et émetteurs autonomes. Pour ne citer
que des sources évidentes, la publicité, la promotion, les relations publiques,
mais aussi la gestion des ressources humaines sont des sources simultanées
d'émission d'images qui impliquent une coordination transfonctionnelle.

La méconnaissance des caractéristiques objectives des images déposées est


un troisième facteur de dysfonctionnement. Une fois encore, comme dans
tous les problèmes de qualité, la question des mesures, c'est-à-dire des in-
dicateurs, s'avère essentielle: combien de PME disposent d'une information
aussi élémentaire qu'un indice de notoriété spontanée et assistée?

Dans la perspective de recommandations, la difficulté tient à ce que l'ap-


préciation des risques d'une absence ou d'une mauvaise politique de qualité
de l' entreprise est étroitement liée à l'idée que le noyau stratégique se fait
de l'impact d'une qualité globale sur les performances de la firme. Si le
rôle de la qualité du produit est généralement admis, la notion de produit
global n'a souvent fait l'objet que d'approches superficielles et celle de la
quaI ité de l'entreprise n'est perçue que de façon très vague, en partie par
\e fait d'une insuffisance des moyens de mesure mis en œuvre. C'est pour
cette raison que la première recommandation de \' auditeur consistera le plus
souvent à préconiser la mise en place d'un système d'information précis sur
les images de l'entreprise.
Si, comme ce sera fréquemment le cas, \' entreprise n'en est qu'à l'ébauche
de cette approche de la qualité globale, l'auditeur aura à recommander une
hiérarchisation des actions. Toutes choses égales par ailleurs, la politique
d'images internes devrait se situer au premier plan car elle touche à toutes
les composantes de la qualité globale comme nous le verrons à nouveau à
l'occasion de l'audit de la satisfaction du personnel. Les images destinées
à l'environnement commercial devraient constituer la seconde priorité, quitte
à privilégier, suivant les cas, la cible des clients ou celle des fournisseurs.

À ce stade, l'auditeur a analysé \es facteurs visibles et déterminants de la


qualité globale et de la performance stratégique que nous lui avons associée:
le produit, le produit global et l'entreprise. Plusieurs thèmes sont apparus à
l'occasion de chacun de ces audits particuliers qui sc situent, en quelque
sorte, en amont de ces facteurs et jouent de ce fait un rôle de causes ma-
Jeures.
Les processus stratégiques vont ainsi occuper une position privilégiée, dont
l'importance est clairement indiquée par les modèles d·autoévaluation.
180 L'audit stratégique

Le préalable stratégique, les structures et l'organisation, la qualité de la


gestion des ressources humaines ont aussi constitué une trame permanente
dans cette perspective, synonyme de conditions nécessaires pour son obten-
tion. C'est sur ces sujets que l'audit stratégique va donc logiquement se
poursUivre.
L'analyse des causes

Au stade où nous sommes parvenus, l'auditeur a exploré les dysfonction-


nements caractéristiques d'une stratégie. Dans un premier temps, et d'une
façon tout à fait classique, il s'est arrêté sur les écarts qui pouvaient exister
entre les buts et objectifs poursuivis et les résultats obtenus (cf chapitre 4).
Ensuite, ces dysfonctionnements ont été précisés par des mesures de satis-
faction des clientèles et du personnel, ou d'intégration dans la société. Cet
ensemble de démarches peut être considéré comme caractéristique de la
première phase de tout audit qui vise à identifier les dysfonctionnements.
On doit penser qu'à ce niveau une hiérarchie des défaillances a pu être
établie et que les plus importantes d'entre elles pourront désormais faire
l'objet d'une analyse des causes.
Dans le modèle EFQM, ces causes sont identifiées comme les facteurs de
la performance stratégique et sont au nombre de cinq. Parmi celles-ci, les
processus occupent une place privilégiée.
7

L'audit des processus stratégiques

RÉSULTATS
LEADERSHIP
OPÉRATIONNELS

FACTEURS RÉSULTATS
~.C-----------------------~.------.~~ ~.'---.----------------~~
MODELE EUROPEEN DE LA QUALITE TOTALE

Au regard du problème de l'audit stratégique et, plus généralement, de l'éva-


luation des stratégies, cette question des processus est probablement l'une
des plus importantes. Elle est aussi l'une des approches les plus récentes
retenues par les modèles stratégiques et elle a fait, à ce titre, l'objet d'une
présentation sommaire au cours du chapitre }1.

1. Une large part de ce chapitre reprend des éléments d'une communication présentée à l'occasion de
la 4' Conférence internationale de management stratégique organisée à Paris du 2 au 4 mai 1995, sous
l'intitulé: ÉvaluatiolJ de la stratégie et Qualité Totale.
184 L'audit stratégique

7.1 Le référentiel
La prise en compte des processus dans l'analyse stratégique correspond à
une évolution récente au niveau des diagnostics qui a conduit à minimiser
la traditionnelle approche fonctionnelle au profit d'une analyse de type trans-
versal, et à constater qu'il y avait là un terrain d'amélioration considérable.
On décrira successivement la notion de processus et les problèmes soulevés
par l'identification des processus stratégiques.

7.1.1 Du processus élémentaire au processus stratégique

• Définitions et typologies
On peut évoquer plusieurs définitions d'un processus.
La norme internationale ISO 8402 décrit le processus ou le procédé comme
un « ensemble de moyens ef d'activités liés qui transforment des éléments
entrants en éléments sortants» et le texte ajoute que « ces moyens peuvent
inclure le persollllel, les installations, les équipements, les techniques et les
méthodes2 ».
Selon P. Candau et C. Mayeur1 : «un processus est non seulement une
chaÎne de traitement d'activités, avec des intefjaces entre postes et dépar-
tements pouvant être mesurées, mais également une chaÎne de responsabi-
lités impliquant des actellrs et des compétences divers .. il a une jïnalité
client, des objectifs à atteindre ef des fonctions à assurer ». Cette définition
met l'accent sur l'aspect organisationnel du processus (chaîne de responsa-
bilité) et par conséquent sur des incidences structurelles. Par ailleurs, en
faisant référence à une possibilité de mesures, la définition illustre le prin-
cipe de contrôle du processus et accessoirement d'amélioration.
La figure 7-1 complète utilement cette définition en présentant le contenu
informationnel du processus et les voies d'amélioration qui en sont l'acces-
soire naturel.

2. AFNOR. Gerer el assurer la qualité, 1996.


3. P. Candau. C Mayeur, L'évaluatioll de la qualité de projets tertiaires: fIlodèle el appllcatiolls, IAE
d'Aix-en-Provence, mai 1993.
L'audit des processus stratégiques 185

Figure 7-1 Schéma d'amélioration d'un processus.

Pour la Fondation Européenne pour le Management par la Qualité: «un


processus se définit comme une succession d'étapes ql/i ajoutent de la valeur
à des produits/services sortants, réalisés à partir de produits/services en-
trants. Dans toute entreprise, il y aura ainsi un réseau de processus qui,
tous, doivent être gérés et améliorés. Parmi ceux-ci, certains seront d'une
importance cruciale pour le succès de l'activité. Enfin, ces processus, qui
doivent être identifiés et nécessitent une attention particulière, traversent
souvent les frontières des départements et des fonctions 4 ».
Il existe donc une hiérarchie des processus dans une organisation, COITes-
pondant aux différents types d'objectifs poursuivis. Certains sont à priori
strictement opérationnels tandis que d'autres sont étroitement liés à la stra-
tégie de l'entreprise.
H. J. Harrington propose une classification très simple impliquant quatre
niveaux). Au sommet, il place le macroprocessus défini comme réalisant
une activité clé pour l'organisation, telle que la mise au point d'un nouveau
produit. Celui-ci se décompose alors en sous-processus composés d'activités
liées, souvent de façon séquentielle, en vue de la réalisation du processus
principal. Viennent alors les activités elles-mêmes, un ensemble d'actions
visant à produire un certain résultat dans le cadre du sous-processus. Ces
activités peuvent à leur tour être découpées en tâches élémentaires qui cor-
respondent à la vision la plus fine du processus. Pour Harrington, le ma-
croprocessus est l'objet normal d'une opération d'amélioration, celui qui
justifiera de la création d'une équipe spécialisée dans cette perspective (pro-
cess improvement team). L'attribution du caractère de macroprocessus

4. EFQM. AlIIoévall/llIion, /995, Directi,'es.


5, H. J. Harrington, Busilless ['mass improvement. McGraw-Hill. 1991.
186 L'audit stratégique

revient à un comité de cadres supérieurs qui, à terme, pourrait être mis en


place sur la base de cette fonction spécifique (executive improvement team).
Dans un premier temps, ce pourrait être le « noyau stratégique» ou un co-
mité pour la Qualité Totale si l'entreprise était dotée de ce type de structure.

Ph. Lorino insiste sur la transfonctionnalité lorsqu'il définit le processus


comme « un ensemble de tâches et d'opérations, généralement réalisées au
sein de fonctions et de directions différentes, qui débouchent sur un résultat
global commun (processus de développement d'un nouveau produit, pro-
cessus commande/livraison, processus d'approvisionnement, processus de
facturation, processus d'assemblage ... l ». Il ajoute enfin, ce qui rejoint no-
tre propos, « la traduction d'un objectif stratégique dans une série de mé-
canismes opérationnels internes passe donc logiquement par l'identification
du processus correspondant à cet objectif stratégique ».
Là encore, la qualification de stratégique attribuée à un processus relève
d'une appréciation du noyau stratégique qui dispose toutefois d'une base
méthodologique consistant à se fonder sur les objectifs assignés à la stratégie
pour identifier les processus correspondants.

• Enjeux et finalités
L'approche de l'évaluation stratégique par les processus s'inscrit incontes-
tablement dans la continuité des travaux de M. Porter et dans l'évolution
actuelle des démarches de la Qualité Totale. Du point de vue de la stratégie,
les enjeux sont tout à fait considérables.
Bien que cela ne corresponde pas au but poursuivi ici, il est clair que l'ana-
lyse des processus critiques peut constituer une base de renouveau du dia-
gnostic stratégique, en fournissant une trame systématique à des démarches
qui ont été longtemps empiriques. À cet égard, le « toyotisme », c'est-à-dire
une production sans stock, à flux continu tiré par le client, traduit un exem-
ple remarquable de processus stratégique transfonctionnel et donne en même
temps une idée de ce que peut apporter une généralisation de la démarche.
L'exemple du toyotisme invite à ne pas considérer les processus stratégiques
sous le seul angle de l'analyse interne de l'entreprise. Dans de très nombreux
cas, ces processus naissent en amont chez les différents fournisseurs et se
poursuivent en aval chez des intermédiaires ou même chez le client final.
L'isolement d'une partie de ces processus inter-entreprises priverait alors

6.Ph. Lorino. Le /louveau (,o/ltrûle de Rcstio/l par les processus. Qualité en mouvement. n" 3. octobre-
novembre 1991.
L'audit des processus stratégiques 187

l'analyse de son contenu véritable. L'approche par les processus constitue


par conséquent l'ébauche d'un véritable audit de la filière comme cela avait
été annoncé en présentation de la troisième partie, dans la description du
« vecteur stratégique ». On notera que, d'un point de vue méthodologique,
cette intégration de composantes externes des processus ne modifie en rien
la démarche de l'auditeur. Elle suppose par contre une évolution non né-
gligeable des comportements des différents partenaires associés sur le canal,
évolution que l'auditeur devra bien entendu apprécier.

L'évaluation d'une stratégie devient possible autrement que par une analyse
des moyens fonctionnels mis en œuvre (diagnostic interne classique). C'est
une remise en question radicale des modèles de diagnostic utilisés jusqu'à
présent qui entraînera, dans la majorité des cas, une révision profonde des
indicateurs de performance. Le client est replacé au premier rang des préoc-
cupations de l'entreprise et, surtout, l'ensemble des processus qui participent
à sa satisfaction est identifié, rendant possible leur amélioration et l' élimi-
nation des activités qui ne créent pas de valeur véritable 7 • Enfin, l'évaluation
de la stratégie est amenée à prendre en compte des processus jusque-là jugés
opérationnels et, par conséquent, délaissés dans l'analyse, ce qui va enrichir
considérablement son référentiels. La stratégie n'est plus seulement destinée
à conduire à des choix classiques comme la diversification, la différencia-
tion, ou le développement international, pour ne citer que quelques exem-
ples, mais aussi à proposer des axes de reformulation des processus à la fois
internes et externes de l'entreprise.

La conduite d'une évaluation de la stratégie sur la base de processus stra-


tégiques laisse espérer des réorganisations présentant une assez large am-
pleur pour répondre aux attentes des consommateurs, aux aspirations du
management et aux performances des concurrents. De même, les activités
de soutien, au sens de M. Porter, telles que les définitions de rôles et de
responsabilités, les mesures, la stimulation, l'organisation et les structures,
le système d'information, ont d'assez fortes chances d'être modifiées.

7. On notera que cette approche par les processus permet de réfuter un argument souvent employé.
suivant lequel ces démarches fondées sur la valeur privilégieraient les activités strictement productives
au détriment de fonctions que l'on pourrait qualifier de « service ». Mes excellents collègues. contrôleurs
de gestion, par exemple. trouveront ainsi leur vraie place dans la création de valeur et pourront se
réconcilier avec M. Porter. La transfonctionnalité permet au contraire de montrer comment une activité,
administrative. par exemple, concourt à la création de valeur dans le cadre d'un processus réaliste.
8. Les facteurs de «stratégie émergente» (Mintzberg) sont ainsi intégrés dans l'évaluation alors qu'ils
avaient toutes chances d'être ignorés dans une démarche fonctionnelle classique.
188 L'audit stratégique

Nous sommes ainsi placés dans les conditions les plus favorables pour la
réussite d'une opération de reengineering 9 •
Ce qui précède conduit naturellement à identifier les risques d'une absence
de prise en compte des processus dans l'évaluation des stratégies. L'éva-
luation strictement fonctionnelle ne permet effectivement pas de repérer les
dysfonctionnements transversaux et condamne à une « myopie stratégique»
grave. Surtout, elle ne permet pas de saisir toutes les causes d'une non-
réalisation des objectifs et tend à concentrer les efforts de correction sur les
fonctions el1es-mêmes, alors que, bien souvent, e11es ne peuvent pas apporter
de solutions adaptées. Au-delà du contrôle, c'est toute la réflexion stratégi-
que qui est pénalisée par la prise en compte d'un référentiel non satisfaisant
n'autorisant pas une appréciation correcte des forces et faiblesses. Enfin, la
vision fonctionnel1e conduit au maintien de structures elles-mêmes inadap-
tées qui amplifieront à leur tour les dysfonctionnements stratégiques.

7.1.2 L'identification des processus stratégiques


Toute démarche fondée sur les processus stratégiques impliquera que l'on
vérifie l'existence d'une identification préalable de ces processus et, qu'à
défaut, on procède à leur repérage. Dans la plupart des cas, cette identifi-
cation des processus stratégiques pertinents restera à conduire. Elle consti-
tuera l'une des étapes initiales de toute évaluation. La question se pose de
savoir qui procédera à l'identification et comment.
Les processus stratégiques devant permettre la bonne réalisation de la stra-
tégie de J'entreprise, il semble logique d'en confier le repérage, au moins
en première analyse, au « noyau stratégique ». Si l'on raisonne à un niveau
qui n'est pas celui de J'entreprise totale, une division par exemple, il con-
viendra de rechercher la structure la plus à même de remplir ce rôle. Ce
peut être un comité stratégique ou encore un comité de direction, si ils
existent. À défaut, il faudrait constituer un groupe de cadres représentatifs
des diverses fonctions assumées.
Ces propositions ne valent que dans la mesure où le « noyau stratégique»
est lui-même représentatif des fonctions de l'entreprise et qu'il est ainsi
capable d'apprécier de façon relativement objective la réalité des processus
transversaux. Sinon, il conviendrait de procéder rapidement à un élargisse-
ment de ce groupe. Dans tous les cas, cette non-représentativité du noyau
stratégique serait une source de dysfonctionnement qu'il faudrait apprécier.

9.G. Hall, J. Rosenthal, J. Wade, How (0 Irlilke reenl?ineerinl? relllly work, Harvard Business Review,
novembre-décembre 1993.
L'audit des processus stratégiques 189

Enfin, si l'encadrement supérieur participant à l'évaluation n'est pas formé


à la pratique d'une gestion des processus, il sera probablement utile de
recommander une formation de base qui servira, de toute manière, lorsque
l'on abordera une phase d'amélioration.

Dès lors qu'une identification de l'ensemble des processus stratégiques est


nécessaire, il conviendra, pour des raisons d'efficacité, de partir des perfor-
mances stratégiques de l'entreprise ou de ses divisions (degré de réalisation
des objectifs), pour repérer plus spécifiquement les séquences d'activités qui
pourront être considérées comme critiques. La figure 7-2 reprend 1'hypo-
thèse déjà envisagée de non-réalisation d'un objectif de rotation des actifs
(cf figure 4-8) et évoque quelques processus qui pourraient en être respon-
sables.

Indicateurs Causes immediates Processus

Immobilisations Mauvaise appréciation des équipements Ingénierie


excessives nécessaires. Surcapacité des locaux de
stockage, de production ou administratifs

Stocks Insuffisance de suivi (interne). Produits Approvisionnement


excessifs commandés par erreur ou inexploitables. Gestion de la qualité
Produits refusés par les clients. (non Gestion des commandes
conformes, hors délais, etc.). Augmentation Analyse de la clientèle
des stocks morts de produits finis (erreurs de (marketing)
prévision, produits obsolètes, inadéquation à
la demande, mauvais enregistrement des
commandes, produits repris aux clients)
Sur-stocks volontaires pour risque de Gestion des fournisseurs
défaillance de la filière, sur-stocks par excès Gestion du portefeuille
de diversification en cours de produits

Crédit client Insuffisance du suivi (interne). Dégradation de Gestion des clients


mal maîtrisé la capacité de négociation
Reports d'échéance liés à: non-qualité des Gestion de la qualité
produits, non respect des délais, livraisons Processus facturation -
partielles non-facturables, mauvaise gestion de trésorerie
coordination de la facturation
Augmentation des contentieux
Sélection insuffisante des clients

Trésorerie Non-qualité de la gestion de trésorerie. Gestion des clients


excessive Réserves pour risques de défaillances Gestion de la trésorerie

Figure 7-2 L'objectif de rentabilité: la contribution de la rotation des actifs


(Chiffre d'affaires/Actif).

Un raisonnement similaire pourrait être proposé pour la plupart des objectifs


stratégiques habituels: marge, part de marché, productivité, qualité, etc.
190 L'audit stratégique

L'observation des dysfonctionnements de base (démarche d'audit) a ainsi


conduit à l'identification de processus et de sous-processus jugés stratégi-
ques. Des éléments d'information de type benchmarking devraient permettre
d'estimer le degré de spécificité de cette contre-performance. Un volume
tout à fait anormal de stocks, par rapport aux concurrents, indiquerait peut-
être que ceux-ci ont adopté une politique de flux tendus et remettrait en
cause l'ensemble de notre processus, sans exclure toutefois une recherche
de corrections limitées, à court terme.
En dehors de ces remises en cause globales, on sera conduit à identifier des
sous-processus critiques par référence à d'autres critères stratégiques. Tou-
jours sur la base des objectifs de Qualité Totale, ces critères devraient être:
l'existence de motifs d'insatisfaction du client externe;
- la présence de coûts de non-qualité et plus généralement de surcoûts.
On remarquera que l'insatisfaction du client interne est laissée de côté, à la
différence de ce qu'impliquerait une analyse strictement opérationnelle. Si
toutefois cette insatisfaction se répercutait clairement sur le client externe,
elle devrait être réintégrée.
D'autres critères stratégiques pourraient être évoqués. On pourrait ainsi se
référer à la productivité du processus, à la durée de sa réalisation ou encore
à son aptitude à être amélioré (adaptabilité). Ces critères peuvent être utiles
comme guides de rétlexion, mais on observera qu'en pratique, et s'agissant
des deux premiers, ils aboutissent soit à une insatisfaction du client, soit à
un coût de non-qualité.
H. J. Harrington lO propose que l'on demande à chaque membre du comité
en charge de l'amélioration des processus de fournir une liste de processus
estimés critiques. L'animateur du comité combine alors ces différentes pro-
positions avant d'en rediscuter avec le groupe. Le noyau stratégique peut
parfaitement jouer ce rôle et un débat collectif devrait permettre d'opérer
des tris et des agencements de processus. Il ne faut d'ailleurs pas perdre de
vue le fait que, à un certain niveau de globalisation, le nombre de processus
réellement stratégiques est limité. Sur ce point, Ph. Lorino écrit: « S'il peut
y avoir cent, voire deux cents activités dans l'entreprise, il n 'y a guère plus
de vingt ou trente processus significatifs 1 1. » En revanche, le débat pourra
utilement porter dans un second temps sur des sous-processus critiques au
regard du processus stratégique et, à ce stade, une procédure de sélection
devra intervenir.

HI. H. J. Harrington. Op. ct/.


11. Ph. Lonno. 01'. cil.
L'audit des processus stratégiques 191

Si, dans une optique d'audit, une sélection doit s'opérer par référence à des
dysfonctionnements enregistrés, il est utile, dans un premier temps, de
hiérarchiser l'importance des processus. Pour cela, on dispose de nombreux
critères parmi lesquels la présence d'interfaces «processus-client» consti-
tuera souvent un bon indicateur de criticité (cf figure 7-3).

Éléments de la criticité d'un processus Exemples de processus

Résultats du processus en interface directe Gestion de l'accueil


avec le client

Résultats du processus directement visibles Gestion du service après-vente


par le client

Résultats du processus associés Gestion des approvisionnements et de


à un processus critique la sous-traitance (*j, gestion de la conception
(*j, gestion de la qualité du produit, gestion
de la fabrication (*j

NB: les exemples notés (*j sont présents dans l'énumération des processus critiques proposée par
l'EFQM.

Figure 7-3 La relation client/processus.

Cette relation « client-processus» présente l'intérêt de montrer comment des


sous-processus, d'apparence parfois secondaire, peuvent affecter profondé-
ment la stratégie d'une entreprise. Comme on commence seulement à le
comprendre, la gestion de l'accueil, par exemple téléphonique, peut ainsi
s'avérer essentielle, voire stratégique.

7.2 La démarche d'audit des processus


7.2.1 Conduite de l'audit: processus et dysfonctionnements
L'audit des processus suivra ensuite une démarche classique que nous avons
synthétisée dans la figure 7-4 et que l'on va brièvement résumer avant d'en-
trer dans le détail de sa mise en œuvre .

• Le préalable à l'identification des processus critiques


L'analyse des processus est trop nouvelle dans la plupart des cas pour
qu'une approche directe des dysfonctionnements soit envisageable. En pra-
tique, )' auditeur aura donc souvent intérêt à faire procéder au recensement
des processus jugés stratégiques.
192 L'audit stratégique

Phases Opérations Méthodes

1. Identification des 1. Recensement Entretiens, liste des buts et objectifs


processus critiques stratégiques: processus impliqués
Application de la même démarche aux
principaux concurrents
liste des processus en interface client

II. Recherche des 1. Recensement Entretiens avec l'encadrement et


dysfonctionnements les principaux acteurs

2 Évaluation des risques Identification ou/et création d'indicateurs.


Risques immédiats et prévisibles

3. Hiérarchisation Entretiens

III. Recommandations Entretiens

Création d'équipes ad hoc (cf. 8.2.2)

Figure 7-4 Schéma de déroulement de l'audit.

L'existence d'une stratégie formalisée permettrait ainsi de dégager les pro-


cessus associés aux buts et objectifs stratégiques de l'organisation. À défaut,
l'observation de la concurrence pourrait permettre de lister des objectifs
caractéristiques de la profession. Plus simplement encore, l'auditeur pourrait
être amené à construire une liste de buts et d'objectifs en association avec
les dirigeants. Sur cette base, et à l'aide d'entretiens avec l'encadrement,
les processus stratégiques devraient être isolés sans difficulté. De même, des
listes de processus généralement réputés stratégiques pourraient être con-
sultées dans la littérature des prix qualité.
L'auditeur suggérera enfin qu'une attention toute particulière soit portée aux
processus présentant une interface forte avec la clientèle. On est ici dans la
catégorie de processus stratégiques par leur capacité d'impact et donc de
création d'image (i chapitre 6).
Au total, on va aboutir généralement à une dizaine de processus critiques
dans une perspective stratégique.

• La recherche des dysfonctionnements


Cette seconde phase de la démarche devrait être relativement simple, dans
la mesure où l'on va s'intéresser à des dysfonctionnements majeurs et,
comme tels, visibles. Une fois de plus, des entretiens avec l'encadrement,
mais aussi avec les acteurs concernés par les processus clés, autoriseront la
mise en évidence des principales défaillances.
L'audit des processus stratégiques 193

L'objectif étant de hiérarchiser ces défaillances, il sera souhaitable de pro-


céder au recensement des indicateurs disponibles. Si ceux-ci s'avéraient
insuffisants, l'auditeur serait conduit à préconiser la mise en place d' instru-
ments de mesure appropriés. Là encore, on sera confronté à un nombre
limité d'indicateurs: on doit rappeler que l'objectif immédiat n'est pas de
traiter les processus observés mais seulement de classer les dysfonctionne-
ments par ordre d'importance. La notion de « risque» sera déterminante de
ce point de vue. En pratique, le risque existe à priori du fait même de la
définition du processus stratégique, mais il se peut que cette situation soit
aggravée par les perspectives de développement de la défaillance (dysfonc-
tionnement cumulatif).

Des dysfonctionnements sérieux impliqueraient des recommandations de la


part de l'auditeur. Il est probable que celles-ci reposeront sur une mise en
place de structures ad hoc en charge du traitement des défaillances. L'au-
diteur aura à apprécier, en fonction du type de management de l'organisa-
tion, le choix entre une structure plus ou moins formelle, plus ou mOllls
soumise à la hiérarchie et plus ou moins pérenne (cf § 8.2.2).

7.2.2 Les modèles

Le dysfonctionnement de base, dans une perspective d'évaluation stratégi-


que, reste la non-réalisation des objectifs fixés. C'est elle qui doit attirer
l'attention sur d'éventuelles défaillances après que l'on se sera assuré que
ce dysfonctionnement n'était pas d'origine externe et imprévisible, ce qui
modifierait, à l'évidence, l'analyse des causes.

Il est par ailleurs souhaitable de ne pas s'en tenir à la réalisation des seuls
objectifs et d'intégrer la description des buts stratégiques dans cette recher-
che des processus significatifs. Si l'entreprise dispose d'une base stratégique
détaillée, la réflexion pourra s'appuyer utilement sur la définition des buts
stratégiques exprimés - que Ph. Lorino appelle des facteurs clés de succès
(FCS). Ainsi, dans une stratégie orientée vers la Qualité Totale (but straté-
gique), des sous-objectifs (facteurs clés de succès) pourraient concerner les
délais de livraison, la qualité du service après-vente, l'assistance technique.
Le groupe en charge de la détermination des processus critiques aurait alors
intérêt à recenser les activités correspondant à ces objectifs et par consé-
quent, les processus pertinents. Parmi toutes ces activités, certaines sont sans
194 L'audit stratégique

effet sur l'objectif poursuivi, elles seront laissées de côté pour ne retenir
que les activités « effectives », c'est-à-dire agissantes. Ces dernières seraient
à leur tour hiérarchisées pour identifier les seules activités « critiques ».
Le modèle peut être affiné et il peut être souhaitable de renforcer la mise
en évidence de ce qui a trait à la fois au client et à l'implication de la
direction. C'est ce que font trois enseignants de la Harvard Business School,
en proposant une application particulièrement intéressante de la démarche
à l'évaluation d'un processus tertiaire: le cycle de gestion des commandes
CGC ((f figure 7_5)12.
Activités

Client Direction Étape du CGC Ventes Marke- Service Ingé- Achats Finance Opéra- Logis·
ting client nierie tlon5 tique

Envisage Coordonne 1. Planification des 5 P 5 S 5 S P s


d'acheter commandes

Lance Participe 2. Génération de la P s s


la commande parfois commande

Négocie Participe 3. Estimation du coût s P 5 S 5 S 5 S


parfois et fixation du prix

Commande Ignore 4. Réception, s s P 5 S s


l'étape enregistrement
commande

Attend Participe 5. Sélection, ordre s P s s S 5 S


parfoIs de priorité com-
mande

Attend Ignore 6. Ordonnancement s s s s S P s


l'étape

Attend Ignore 7. Exécution s s 5 P s


l'étape

Paye Ignore 8. Facturation s s s P s


l'étape

Négocie Participe 9. Retour et P s 5 S S s


parfois réclamation

Se plaint Ignore 10. Service s P s s s


l'étape après-vente

Le CGC (Cycle de Gestion de la Commande) concerne toutes les activités mais le chevauchement des
responsabilités et l'absence d'implication de la direction aboutissent à une confusion, à des retards et à
des réclamations de la part du client.
P : Rôle primordial; s : Rôle de soutien

Figure 7-5 « Pourquoi les commandes prennent du retard»


(Sourct' : Shapiro, Kasturi Rangan, Sviokla).

12, B, Shapiro, v. Kastun Rangan et J. Sviokla, Trale: le parcours d'une cOllllllallde, Harvard-
L'Expansion, 1992.
L'audit des processus stratégiques 195

Les colonnes « étapes du CGC» et « Activités» mettent en évidence l'ana-


lyse interne classique du processus. Elle peut être conduite dans la perspec-
tive d'un diagnostic à partir d'une observation des différentes phases, ou
dans celle d'un audit à partir des dysfonctionnements observés.

La seconde colonne situe la position de la direction par rapport au processus.


Elle met l'accent sur une faible implication malgré le caractère clé attribué
à ces activités. Par référence à la chaîne de valeur, elle montre que les activités
de soutien, au sens de M. Porter, ont toutes chances d'être mal assumées.

La première colonne suggère enfin de replacer le processus dans l'optique


du client en s'interrogeant sur la perception qu'il en a au cours des diffé-
rentes étapes, celle-ci pouvant être très différente de la perception interne.
On sait en effet que cette perception ne peut s'apprécier qu'à partir de la
chaîne de valeurs du client et il est peu probable que l'attente importante,
identifiée sur le schéma, soit génératrice de valeur !

7.2.3 Conduite de l'évaluation: risques, causes


et recommandations
Avant tout, on pourra utilement se reporter aux préconisations du modèle
européen d'auto-évaluation u. Celui-ci examine la problématique des pro-
cessus à travers cinq sous-critères qui se succèdent dans une logique d'ap-
profondissement (cf figure 7-6).
Rang Risques de défaillance Niveau de risque

OUI Les processus critiques de l'organisation sont identifiés Maximum se donner les
NON -+ moyens d'une stratégie
.j.
orientée processus
Ces processus sont systématiquement gérés Moyen: mise en place d'un
OUI
.j. ... NON -+ tableau de bord « processus»

La gestion des processus est orientée vers l'amélioration


3 OUI
.j. ...
L.:innovation et la créativité sont stimulées
NON-+
Moyen: une démarche
qualité et ressources
humaines favonsera ce résultat
4 OUI dans cette perspective
.j. ... NON-+
Idem

OUI les processus sont effectivement modifiés et évalués Minimum l'entreprise a les
.j. moyens d"une efficacité
NON -+
stratégique
Boucle d'amélioration

Figure 7-6 La séquence de traitement des dysfonctionnements des processus.

13, EFQM, AUlo-évalliUlioll, /995. Directives.


196 L'audit stratégique

Un premier niveau de risque tient donc à l'absence de repérage des proces-


sus critiques. La fréquence de cette défaillance sera d'autant plus importante
que la démarche est récente et que les dirigeants d'entreprise tendent donc
toujours à raisonner en termes fonctionnels. Dans ces conditions, le suivi
d'un processus particulier tend à s'arrêter aux frontières de la fonction. À
titre d'exemple, pour un responsable de la gestion commerciale, le processus
de gestion des commandes-clients s'arrête au moment où un bon de com-
mande est transmis à l'administration des stocks. Outre le phénomène de
« saucissonnage » de ce processus, qui fera perdre de vue sa globalité, on
risque de passer complètement à côté des problèmes d'interfaces qui se
trouvent constituer l'une des causes de base des dysfonctionnements.

Les processus critiques sont définis Les processus critiques ne sont pas définis

Suivant quelle méthode ou démarche et, Mais leur impact sur la stratégie est reconnu
notamment, comment l'accent est-il mis sur la
Leur prise en compte semble pouvoir être
transfonctionnalité?
facilement acceptée
Les interfaces sont-elles identifiées et leur
Dans tous les cas, des preuves de leur
rôle est-il mis en évidence?
importance devront être apportées
Les processus font-ils l'objet d'une désignation pour convaincre les décideurs
de responsables de l'amélioration (propriétaires
de processus) ?

Figure 7-7 L'identification des processus critiques.

À cela s'ajoute le sentiment souvent très fort d'une connaissance à priori


des processus, surtout lorsqu'ils sont de type tertiaire et, de ce fait, une
attitude réservée à l'égard de toute démarche visant à en approfondir les
conditions de fonctionnement.
Si les processus critiques sont reconnus et utilisés, il s'agit de voir par quels
moyens cet usage est rendu opérationnel au point de pouvoir parler de pro-
cessus maîtrisés.
On pourra déjà considérer le cas de l'entreprise certifiée ou tout au moins
engagée dans la mise en œuvre des normes ISO 9000. Cette démarche de-
vrait assurer un minimum de maîtrise des processus. On regarderait ensuite
la disponibilité et la qualité d'un tableau de bord relatif à ces mêmes pro-
cessus.
L'exploitation des données relatives aux processus est-elle assurée
(cf figure 7-8) ?
L'audit des processus stratégiques 197

Les processus font l'objet Les processus ne font pas l'objet


de mesures d'amélioration de mesures d'amélioration

Des méthodes d'amélioration (continues ou Mais l'impact de ces mesures est accepté
ponctuelles) sont prévues et justifiées et elles peuvent donc être rapidement mises en
Tout un système d'information converge vers œuvre
des objectifs d'amélioration Dans tous les cas, des preuves de leur
importance devront être apportées pour
convaincre les décideurs

Figure 7-8 Le traitement des processus.

Une dynamique de l'amélioration est-elle entretenue (cf figure 7-9) ?

Une dynamique de l'amélioration existe Il n'existe pas de dynamique de l'amélioration

Des formes collectives (éventuellement Des modèles voisins existent dans l'organisation
inspirées des méthodes de la qualité) ont été et pourraient être utilisés
mises en œuvre: cercles, groupes de réflexion L'impact d'une telle dynamique est reconnu et
Les structures ont été adaptées à ces nouveaux une décision favorable de mise en place peut
besoins étre raisonnablement envisagée

Figure 7·9 La gestion dynamique de l'amélioration.

Les changements sont-ils organisés de façon structurée (cl figure 7-10) ')

Les changements sont mis en œuvre Les changements sont mis en œuvre
de façon structurée de façon" aléatoire»

Une méthodologie du changement est reconnue Il n'existe pas de processus systématique de


et spécifiée (rôle du benchmarking par exemple mise en œuvre et de contrôle du changement
ou encore référence des meilleures pratiques L'impact de tels modèles est reconnu et une
internes) mise en place est envisageable
Les changements mis en œuvre font l'objet
d'une expérimentation systématique
Le personnel est formé à la gestion
de ce changement (des groupes de progrès,
par exemple, et une méthodologie détaillée)

Figure 7-10 Le processus de gestion du changement.

Une attitude globale à l'égard des processus a été identifiée, des dysfonc-
tionnements sont apparus et l'on peut maintenant en rechercher les causes,
Cette recherche des causes constitue un élément essentiel de la démarche,
l'auditeur devant par ai lieurs se souvenir qu'il existe toujours un risque de
s'en tenir aux causes apparentes sans remonter jusqu'aux causes réelles.
198 L'audit stratégique

Sur le plan méthodologique, on pourra utiliser les outils développés dans


les analyses de qualité. Le diagramme d'Ishikawa, les arbres des causes sont
autant de supports utiles à l'identification des causes réelles dans la mesure
où ils permettent de remonter depuis des causes apparentes vers les causes
fondamentales. Il est effectivement vraisemblable que seul un petit nombre
d'entre elles contribue à provoquer la majorité des dysfonctionnements. Au-
delà de cette hiérarchie, il ne faut jamais perdre de vue que l'on aura intérêt
à traiter \es causes les plus en amont de l'arbre si l'on ne veut pas se
contenter d'agir sur les seuls symptômes.
La figure 7-11 propose une schématisation de cette démarche. Comme nous
aurons l'occasion de le préciser, l'implication des acteurs dans cette démar-
che devrait faciliter considérablement cette identification et, dans un second
temps, la mise en œuvre de mesures correctives.

1. Recherche 1. Le management Normalement cause dominante: stratégie informelle,


des causes manque d'implication, objectifs irréalistes, structure
inadaptée, absence de contrôle
2. L'organisation Procédures inadaptées, absence de reconnaissance
de la transfonctionnalité ...
3. Les ressources Moyens de production inadaptés, faiblesses
matérielles et du système d'information, problèmes de transport et
l'information de logistique ...
4. Le personnel Manque de motivation, de compétences, d'effectif ...
II. Hiérarchisation Analyse de Pareto ou hiérarchisation conduite avec
le niveau responsable

Figure 7-11 Procédure de traitement des causes.

Calquées généralement sur la hiérarchie des causes, les recommandations


devraient donc émerger d'une démarche participative qui a dû caractériser
toute l'évaluation. Cette phase fera d'autant plus l'objet de nombreuses con-
certations qu'eJ1e risque d'entraîner d'importantes modifications de procé-
dures et, surtout, de remettre en question des choix essentiels de politique
générale.
On laissera de côté l'hypothèse d'une définition non satisfaisante de la stra-
tégie au regard de processus par ailleurs correctement mis en œuvre. Dans
ce cas, l'évaluation ne pourra conduire qu'à une reformulation du pro-
gramme stratégique.
Dans une seconde hypothèse, les dysfonctionnements stratégiques sont li-
mités et la position de l'entreprise au regard de son environnement est
bonne. Il faudra évaluer la source, transfonctionnelle ou non, de ces défail-
L'audit des processus stratégiques 199

lances. Si cette source est principalement transfonctionnelle, un projet de


traitement du processus devra être engagé dans un cadre spécifique, ce qui
sera pour l'entreprise l'occasion d'introduire les premiers éléments de ges-
tion des processus dans une perspective d'amélioration. L'intérêt de cette
situation de crise partielle tient à ce qu'elle autorisera une action limitée
compatible, le plus souvent, avec la structure existante et qui pourra servir
d'opération pilote pour une généralisation progressive.

Une action d'amélioration devra généralement s'inspirer des méthodes


éprouvées dans les démarches de Qualité Totale, notamment au travers des
actions collectives (groupes de progrès par exemple). Le caractère stratégi-
que et la transfonctionnalité du problème impliqueront certaines recomman-
dations:
Il est d'abord nécessaire que la gestion du projet soit supervisée par le
comité stratégique. Lui seul garantira à terme un support de la direction
générale et du haut encadrement pour une éventuelle généralisation de la
démarche.
La gestion du projet devra être confiée à un cadre responsable du pro-
cessus (process manager). Celui-ci sera sélectionné en fonction des res-
sources qu'il pourra engager dans l'opération, de son niveau hiérarchique
lui conférant une autorité sur les responsables des activités visées et de
son aptitude à diriger une équipe.
La gestion opérationnelle du projet sera assurée par une équipe d'amé-
lioration formée de représentants des différentes activités, chargés de con-
duire le changement dans chacune de celles-ci.

L'amélioration devra alors s'inspirer des recommandations de l'auditeur qui


aura présenté (et éventuellement discuté) les résultats de ses travaux à
l'équipe responsable.

Enfin, l'analyse des processus critiques aura souvent permis de mettre en


évidence le décalage entre la stratégie et les moyens pour la conduire. Si
la transfonctionnalité des processus s'avère forte, voire amplifiée par l'in-
terdépendance avec des processus externes, un programme de management
de ces processus sera généralement nécessaire et impliquera probablement
une action elle-même généralisée rendant impossible une expérimentation
progressive de la démarche d'amélioration. L'expérience des difficultés de
mise en place des politiques de QuaUté Totale conduirait l'auditeur à ap-
précier le degré d'implication de la direction générale et du haut encadre-
ment face à une politique de remise en question des méthodes, des structures
et des outils de management.
200 L'audit stratégique

7.2.4 Application
La méthodologie décrite ici a fait notamment l'objet d'une expérimentation
dans le cas d'une société de gros opérant dans le domaine de biens de
consommation non alimentaires, avec un réseau de représentants ayant le
statut de VRP. La description proposée ne sera pas exhaustive, elle mettra
essentiellement l'accent sur la chronologie de la démarche, sur les problèmes
rencontrés et sur les implications pratiques.
Une approche préliminaire conduite avec les dirigeants a permis d'identifier
les objectifs stratégiques fixés. Pour cette entreprise en crise, l'intensité con-
currentielle de la branche n'autorisait pas un objectif d'amélioration de la
marge sur l'ensemble de la collection proposée et l'on avait choisi de pri-
vilégier deux axes complémentaires. Globalement, la rotation des actifs et
donc principalement, dans cette activité, celle des stocks, constituait l'ob-
jectif central. Accessoirement, le développement de produits sous marque
de distributeur (private label) autorisait une politique de relèvement de
marge sur une partie des collections.
L'analyse des résultats conduisait à considérer que cette dernière activité
remplissait la mission assignée mais qu'aucune réduction sensible des stocks
de produits traditionnels n'apparaissait. Cette évolution fut considérée par
l'ensemble des cadres de direction comme le dysfonctionnement majeur du
programme stratégique.
Un groupe de projet fut mis en place pour analyser l'ensemble des processus
ayant une influence sur le niveau de stockage. Sa gestion fut confiée au
responsable de l'entrepôt de stockage qui devait rendre compte directement
au noyau stratégique. Le choix de cet animateur tenait à son rôle jugé pré-
pondérant dans les processus impliqués, ainsi qu'à sa personnalité et à la
qualité de ses relations avec l'ensemble du personnel.
La gestion des commandes auprès des fabricants européens et asiatiques fit
l'objet d'une analyse détaillée, de même que les achats à des super-grossistes
européens. Dans les deux cas, il n'a pas semblé possible d'améliorer sen-
siblement les performances pour des raisons essentiellement externes. La
crise qui affecte le marché depuis plusieurs années conduit en effet les fa-
bricants et les intermédiaires à réduire leurs stocks de façon importante et
à renouveler en permanence leurs collections pour multiplier les mises en
place. Dans ce contexte, l'entreprise ne peut pratiquement qu'envisager un
alignement.
L'analyse des réclamations de la clientèle et des observations de la force
de vente va alors permettre l'identification de dysfonctionnements internes,
L'audit des processus stratégiques 201

théoriquement maîtrisables, pouvant être considérés comme des causes im-


portantes du dysfonctionnement stratégique. Une enquête auprès de clients
significatifs conduit alors à relever deux reproches principaux:
- des livraisons tardives (souvent plus de quinze jours après la visite du
représentant) ;
- des reliquats (fréquents et importants) maintenus mais dont les livraisons
ultérieures sont très incomplètes et imprévisibles (absence d'information
du client).

Des entretiens avec les VRP permettent d'isoler deux griefs majeurs à
l'égard de la société:
- de nombreux produits disponibles au siège ne sont pas dans leur collec-
tion;
- les changements de prix leur parviennent avec retard et provoquent des
différences de prix facturé dont les clients se plaignent.

Il revint alors à l'équipe en charge du projet de chiffrer les conséquences


réelles de ces dysfonctionnements, ce qui fut fait par sondage parmi les
opérations conduites au cours des trois derniers mois. Il se confirma qu'il
s'écoulait en moyenne dix-huit jours entre les dates de prise de commande
et celles d'expédition, que 10 % de la valeur des commandes faisait l'objet
d'un reliquat dont plus de la moitié n'était jamais livrée et que 2 à 3 % des
produits référencés n'étaient pas expédiés aux représentants. Il fut jugé né-
cessaire d'entamer une procédure d'amélioration au regard de la perfor-
mance stratégique visée.

Les activités incriminées relèvent ainsi de processus dont il va falloir iden-


tifier les frontières. Le groupe décide alors de retenir un processus de fac-
turation élargi, considérant qu'il constitue une trame logique pour analyser
l'ensemble des activités mises en cause.

Il décide notamment d'en fixer le point de départ à la réception des mar-


chandises et de l'observer jusqu'à la résolution d'éventuels problèmes de
202 L'audit stratégique

Facteurs clés
de succès
Activités basiques Sous-actlvités Nature des défaillances W~~:.:...+--~~~::!~--+~~~
Client Client
externe interne

RECEPTIONNER Contrôler qualité,


marchandises quantité, prix, conditions

RÉFÉRENCER Fixer conditions Erreurs d'identification


marchandises générales de vente. Iden-
tifier, étiqueter, localiser
Produit le stock
et VRP
attendent INCRÉMENTER Comparer avec
les stocks conditions antérieures
ÉCHANTILLONNER Expédier, modifier Marchandises non
les V.R.P. information VRP sur échantillonnées, erreurs
conditions générales, d'imputation
incrémenter stocks VRP Application de tarifs et
conditions périmées
REMPLIR le bon de Vérifier information Erreur de codification,
commande client sur client. Faire signer erreur de prix, erreur de
BC au client, Laisser quantité. Information sur
double au client le client non mise à jour
ADRESSER le bon
de commande
RÉCEPTIONNER le
bon de commande
TRAITER le bon de Refus, client liste noire
commande Établir bon de livraison

GÉRER les reliquats Décider de commander


ou non. Lancer comman-
des spécifiques. Récep-
tionner livraisons
FACTURER Vérifier concordance prix VRP non informé des
la livraison tarif, prix BC. Décrémenter changements
stock physique de conditions
Commander réassort.
Déclencher durée
garantie. Déclencher
échéancier. Calculer
commissions VRP
EXPÉDIER Adresse fichier erronée,
la marchandise adresse livraison
différente de celle de
de commande
TRAITER les retours Faire avoir, supprimer Marchandises non
commissions VRP, conformes à commande,
incrémenter les stocks. quantité et prix non
Redéfinir échéancier conformes. Délai non
respecté
TRAITER Débiter stock pièces Durée SAV
les produits détachées. Commander
défaillants réassort. Identifier taux de
défaillance. Informer
fournisseurs, renégocier
conditions
Établir date fin de garantie

=
Notes: L'identification des fonctions concernées est simplifiée. On utilisera les abréviations suivantes: (OF) =
finance dont Ad C. administration
comptable; (DC) = commercial, dont Ad. V. = administration des ventes, FV = force de vente, et stock = gestion des stocks et de l'entrepôt;
(SAY) = service après-vente.
On a noté P les activités principales et s, les activités de soutien

Figure 7-12 Analyse du processus de facturation dans une société de gros.


L'audit des processus stratégiques 203

services après-vente (cf figure 7-12). C'est sur ce tableau que seront posi-
tionnées les sources de dysfonctionnement. S'il y a lieu, des sous-processus
pourront être identifiés et décrits.
La figure 7-12 appelle immédiatement plusieurs observations importantes.
On observera tout d'abord que l'essentiel des activités qui jalonnent ce pro-
cessus et participent ainsi à la réalisation d'un objectif stratégique est assuré
par un personnel d'exécution ou, tout au plus, de niveau maîtrise. C'est le
cas des activités placées sous \' autorité du responsable du SAV, du respon-
sable d'entrepôt ou de l'administration des ventes. On a ici une illustration
de la responsabilité des opérationnels dans un processus critique pour l'or-
ganisation, dont on devra s'assurer qu'il est correctement maîtrisé par la
hiérarchie, notamment par le biais d'un système de mesure d'efficacité.
L'observation du processus et de ses points critiques permettra déjà d'im-
pliquer plus complètement la direction commerciale, ne serait-ce qu'au ni-
veau du suivi.
La figure 7-12 devrait être complétée par une description du système d'in-
formation qui accompagne les activités. Il est déjà frappant de constater
qu'au regard des insatisfactions de la cl ientèle, aucun système d'information
sur les ruptures de stock prévisibles - ou effectives - n'est mis en place,
afin que les produits concernés soient retirés de la vente à temps. D'une
façon générale, il semble qu'il y ait peu d'éléments d'information en dehors
des bons de livraison qui accompagnent l'échantillonnage.
L'observation détaillée des dysfonctionnements montrera un certain nombre
d'activités critiques au regard de la défaillance stratégique «rotation des
stocks ».
L'activité « adresser le bon de commande» est généralement différée en
fin de semaine par le représentant qui expédie les bons en une seule fois,
le samedi ou le lundi suivant. Au moment de la réception au siège, ces
bons ont ainsi, en moyenne, cinq à sept jours d'ancienneté.
- Le traitement du courrier demande en moyenne une journée, la direction
commerciale souhaitant parcourir toutes les commandes pour s'informer
de l'état du marché.
Le traitement du bon de commande commence ainsi au huitième jour et
donne lieu à établissement d'un bon de livraison et d'un état des reliquats.
Une copie de ce bon est adressée à la direction commerciale qui peut
décider de différer une livraison si celle-ci est trop incomplète.
Dans la meilleure des hypothèses, la livraison est autorisée au neuvième
jour et le bon est transféré à l'administration comptable pour facturation.
On constate alors que, compte tenu des congés hebdomadaires, la factu-
204 L'audit stratégique

ration s'opère en moyenne au douzième jour ce qui correspond à une


réception finale par le client au quinzième jour, sauf incidents et dans
l'hypothèse de reliquats limités ayant autorisé une livraison «immé-
diate ».
Tout ceci illustre l'exemple d'un sous-processus générateur d'un stockage
anormal et d'une insatisfaction des clients pouvant être assez facilement
compensés par une expédition quotidienne des bons de commande par fax,
ou messagerie, et par la mise en place d'une procédure de traitement des
reliquats qui permette de déléguer l'essentiel de la décision au service de
préparation des commandes.
D'autres sous-processus s'avéreront utiles à la correction du dysfonctionne-
ment stratégique. La gestion des collections des représentants pourra être
mieux maîtrisée à partir d'un système de contrôle informatisé, la gestion
des reliquats pourra être simplifiée et éviter notamment la génération de
certaines commandes dont la réception tardive aurait pour effet de créer des
stocks de marchandises non commercialisables après refus du client pour
délai de livraison non respecté.
En l'occurrence, dans cet exemple, la gestion des reliquats deviendra une
procédure d'exception, réservée aux seuls clients en ayant fait la demande
expresse.

7.3 Synthèse, risques et recommandations


L'ensemble de ce chapitre a conduit à développer une approche stratégique
inhabituelle car fondée sur des éléments essentiellement opérationnels. Tout
un courant de pensée caractéristique de ces dernières années confirme en
effet l'importance des processus dans la réalisation plus ou moins complète
d'une stratégie souhaitée.
Ne pas donner toute leur importance aux processus dans une évaluation de
la stratégie aurait incontestablement des effets pervers. On peut penser ici
à ces assemblées d'experts qui traitent d'un problème sans jamais descendre
aux niveaux de la mise en œuvre opérationnelle, considérant que celle-ci
n'est pas de leur domaine et ne devrait d'ailleurs pas créer de difficultés.
Ils ont ainsi de fortes chances de ne jamais s'apercevoir que c'est pourtant
à ce niveau que tout va se bloquer.
De même, s'en tenir à une évaluation essentiellement fonctionnelle, c'est
considérer les ressources potentielles de l'entreprise sans accepter l' hypo-
L'audit des processus stratégiques 205

thèse que leur agencement soit de nature à modifier profondément leur


efficacité.
On ne peut enfin que recommander de laisser une très large place aux opé-
rationnels tant dans la conduite des analyses associées à l'audit des processus
que dans la réflexion finale sur leur amélioration. Nous sommes ici dans
une situation où les opérateurs maîtrisent généralement mieux le problème
que l'encadrement et où leur aptitude aux mesures correctives est maximale.
L'auditeur doit ainsi jouer principalement un rôle de catalyseur dans la mise
en place du changement mais il sera presque toujours plus efficace de laisser
une dynamique interne s'exprimer dès lors que celle-ci n'est pas contradic-
toire avec la culture de l'organisation.
Il sera fréquemment utile de prolonger les processus en amont chez les
fournisseurs et/ou en aval chez les clients. Certains dysfonctionnements se-
ront ainsi mieux mis en évidence et surtout plus facilement corrigés dans
une approche globale.
8

L'audit des facteurs clés

~ -1 ~
Gestion du Gestion du
H personnel personnel

1 1

LEADERSHIP H Politique & Stratégie ~ PROCESSUS


---1 Client ~ OPÉRATIONNELS
Satisfaction du
RÉSULTATS

1 1
---1,vieIntégration
~
dans la, ~
ri Ressources
de la collectivité

... FACTEURS
...
MODÈLE EUROPÉEN DE LA QUALITÉ TOTALE
RÉSULTATS

« Un de /lOS enquêteurs a passé une journ ée entière ch ez General Motors,


dans les bureaux de l'ingénierie, à s'entretenir avec 1111 cadre qui ch er-
chait à meUre la main sur un chef de projet. 1/ a fini par découvrir qlle
c 'était lui-m ême, »
Robert Ludlum, La conspira/ion Treva\'lJe, Larfont, 1997,
208 L'audit stratégique

Ce chapitre développe plusieurs facteurs du modèle EFQM tout en le com-


plétant par une réflexion sur les structures qui servent de support à la stra-
tégie. Son domaine est donc très large et, de ce fait, plusieurs points ont pu
être partiellement abordés à l'occasion d'autres développements.

8.1 L'audit du leadership


Ce passage appelle avant tout la remarque désormais classique relative aux
problèmes soulevés par une analyse qui n'a pas vocation fonctionnelle l . Les
ressources humaines ont ainsi déjà été prises en compte en tant que cible
d'image diffusée dont on a reconnu J'importance dans une perspective d'ad-
hésion et donc d'efficacité stratégique (cf chapitre 6). C'est dans une di-
rection voisine, celle de leur relation particulière avec l'équipe dirigeante,
que va se situer cette nouvelle démarche de l'auditeur. Le leadership cor-
respond à ce thème et il peut être résumé dans la proposition de l'EFQM :
«Leadership: comment, par leur attitude et leurs actions, {'équipe diri-
geante et tous les autres cadres inspirent, soutiennent et assurent la pro-
motion d'une culture du management par la Qualité Totale 2 . »
Le même texte précise quatre directions possibles pour l'expression de ce
leadership:
« L' organisatio/l devra démontrer comment scs di rigcants :
1a. s'impliquent de manière visible dans la culture de management par la
Qualité Totale;
1h. soutienncnt l'amélioration et l'implication en fournissant des ressources
et une aide appropriée;
1c. s'impliquent vis-à-vis des clients, des fournisseurs et d'autres organi-
sations externes;
1d. reconnaissent et apprécient les efforts et les réalisations du personnel. »
Ces propositions comportent plusieurs dimensions sur lesquelles il convient
de s'arrêter.
D'un premier point de vue, le texte fait essentiellement référence à «la
promotion d'une culture du management par la Qualité Totale ». Il est évi-
dent que notre préoccupation est ici élargie au thème plus global d'une

1. On exclura notamment des questions telles que l'audit du syst~me d'information relatif aux ressources
humaines. de b conformité légale. des effectifs. des frais de personne!. des compétences. de la formation.
etc. (ct. Candau. Al/dil d/'s associaliofls. Éditions d·Organisation. l'NO).
2. EFQM. Le l'IIX t'l/WI'Ùfl de la qualité. Brochure d'information. 1')97.
L'audit des facteurs clés 209

culture du management à partir de la stratégie, même SI, en pratique, les


résultats doivent être souvent voisins.

On remarquera ensuite que le leadership n'est pas seulement le fait d'un


personnage providentiel, charismatique, dont les traits de caractère provo-
queraient \' adhésion. Il est avant tout un comportement volontaire de toute
une équipe tendant à associer l'ensemble des ressources humaines à une
vision. Pour cela l'encadrement doit s'impliquer sans réserves et soutenir le
personnel. L'adhésion qui en résulte peut avoir un prix (vision objective) et
l'on aura un leadership qualifiable de transactionnel, résultant d'une sorte
de négociation. Elle peut aussi s'appuyer sur une satisfaction plus qualita-
tive, conduisant à la réalisation de l'individu ou du groupe, dans un contexte
de leadership « transformationnel» au sens où il induirait une certaine mo-
dification des rapports vécus au sein de l'organisation. Le lecteur reconnaîtra
dans cette seconde hypothèse les bases du courant des « cercles de qualité ».

Enfin, le leadership ne s'applique pas aux seules composantes de l'entreprise


mais à \' ensemble de son environnement actif. Les fournisseurs, les clients
et, d'une façon générale, ce qu'il convient d'appeler les parties prenantes
(stakeholders) sont associés à ce courant. De là l'importance de l'image de
l'entreprise qui a fait l'objet du chapitre 6. De là aussi le caractère essentiel
de la prise en compte des processus interentreprises (Lj chapitre 7).

Ceci étant, il n'est pas possible de fixer uniformément le rôle du leadership


dans la conduite d'une stratégie. Dans certains cas, comme dans l'hypothèse
d'une démarche de Qualité Totale, il semble acquis qu'il soit incontournable,
ce qui justifie une référence systématique dans les modèles d' autoévaluation.
Dans d'autres, son rôle peut être des plus limités et son audit n'aurait alors
aucun sens. Toutefois, une tendance très nette se développe actuellement en
faveur d'une réévaluation de la place du leadership dans le système Qualité
Totale de l'entreprise. Déjà acquise dans l'évolution de la pondération du
prix Baldrige en 1997, elle est aussi très perceptible dans les propos des
spécialistes européens .

• Conduite de l'audit
Les révélateurs de dysfonctionnement sont présumés s'être manifestés au
cours de l'observation de la qualité de l'entreprise. On se propose désormais
d'évaluer la composante leadership dans cette performance. On admettra
que l'auditeur puisse concentrer son attention sur cinq types d'interrogations
caractéristiques du phénomène (A) tout en reconnaissant que la satisfaction
du personnel en est une mesure incontournable (B).
210 L'audit stratégique

A. Indicateurs caractéristiques du leadership

La visibilité du comportement. Le leadership doit s'exprimer clairement à


la fois dans des documents spécifiques et dans les comportements de
l'équipe dirigeante. La figure 8-1 reprend quelques-uns des points à partir
desquels l'auditeur pourra appréhender sa réalité.

Critères Indicateurs
1. Leadership et comportement visible de l'équipe dirigeante
Place de cet aspect du management dans les messages Fréquence des contacts directs
officiels de l'équipe dirigeante de la direction et
Présence de l'équipe dirigeante sur les sites de l'entreprise de l'encadrement avec
Présence de l'équipe dirigeante, participation à le personnel, les clients, les
des manifestations périodiques du type convention qualité fournisseurs
Taux de participation à
des manifestations
caractéristiques des valeurs
clés
2. Leadership et comportement perçu de l'équipe dirigeante
Entretiens avec les personnels concernés. Mise en évidence des Crédit accordé par le personnel
évolutions de comportement aux déclarations et écrits
relatifs aux thèmes clés
de la stratégie
3. Leadership et communication
Présence dans un projet d'entreprise, affirmation dans le plan Mesures d'impact des supports
stratégique, dans une charte Qualité Totale de communication
Existence de journaux d'entreprise orientés leadership, mis en œuvre.
supports des cercles de qualité ou de progrès

Figure 8-1 Visibilité du leadership.

Actions en faveur du développement du leadership. Elles sont résumées dans


la figure 8-2.

Critères Indicateurs
1. Actions en faveur de l'amélioration
Présence de programmes et systèmes favorisant l'amélioration Évolution quantitative des
sur une base individuelle (suggestions) ou collective (cercles, groupes, des projets traités,
groupes de progrès, etc.) des propositions retenues ...
2. Formation
Présence et traitement privilégié des valeurs clés dans Pourcentage des heures
les programmes de formation (niveaux concernés, pourcentage de formation liées aux valeurs
du personnel concerné ... ) clés

Figure 8-2 Développement de moyens en faveur du leadership.


L'audit des facteurs clés 211

Évaluation et rémunération. L'efficacité du leadership repose pour partie


sur sa prise en compte par l'équipe dirigeante. Celle-ci peut s'exprimer par
des «valorisations pécuniaires» ou « non pécuniaires ».

Critères 1 Indicateurs
1. Intéressement pécuniaire
Place des valeurs clés dans la rémunération et dans ses critères 1 Pourcentage des primes lié aux
d'évolution (fiche de notation, par exemple) valeurs clés
2. Intéressement non pécuniaire
Existence et degré de généralisation d'un système de distinction 1 Pourcentage d'employés "re-
connus )

Figure 8-3 Reconnaissance de la participation.

Leadership et filière. Le leadership s'exerce suivant plusieurs axes comme


indiqué dans la figure 8-4.

Critères Indicateurs
Leadership et relations amont & aval
Place des rencontres verticales (clients & fournisseurs) Fréquence et nature
et horizontales (partenaires) dans les stratégies des rencontres fournisseurs
Type de relations (partenariat équilibré ou non) et perception de et/ou clients
la relation par le fournisseur Nombre d'actions collectives
Existence d'actions communes en relation avec les valeurs clés (évolution)

Figure 8-4 Dimension filière du leadership.

Dimension sociétale du leadership. Il est difficile d'apprécier le rôle réel de


l'engagement de l'entreprise dans des activités qui relèvent de la profession
(adhésion à un mouvement en faveur de la Qualité Totale) ou plus généra-
lement de la société (implication, par exemple, dans une démarche de dé-
fense de l'environnement). Toutefois, l'évolution de cet engagement pourrait
fournir des indications intéressantes sur les transformations de la culture
d'une organisation (cl figure 8-5).
212 L'audit stratégique

Critères Indicateurs
1. Implication dans des organisations professionnelles
Adhésion à des organisations correspondant à la culture Nombre d'adhésions
privilégiée par l'entreprise (Qualité Totale par exemple) Fréquence et nature
de la participation
aux manifestations (passive
ou active)
2. Implication dans la société
Assistance à la collectivité (domaines de l'hygiène, de la sécurité, Niveaux de performance face
de la protection de l'environnement), implication de l'entreprise aux exigences réglementaires,
dans les actions de conversion liées aux problèmes d'emploi, légales et éthiques.
participation à des vies associatives Temps alloué à des employés
pour participer
Sommes allouées
à des fondations diverses

Figure 8-5 Dimension sociétale du leadership.

B. La satisfaction du personnel, reflet du leadership


L'existence et la nature d'un leadership peut donc être révélée par toute une
série d'indicateurs tels que nous venons de les énumérer. Il reste qu'en
dernier ressort il se traduira par une satisfaction du personnel, à laquelle il
doit contribuer. La figure 6-11 proposait quelques pistes pouvant permettre
à l'auditeur de préciser le contenu du leadership dans une organisation don-
née et le lecteur est invité à s'y reporter: il est évident que l'on rejoint ici
la problématique de l'image de l'entreprise perçue par le personnel (cf cha-
pitre 6).

• Synthèse, risques, recommandations


Comme nous l'avons indiqué, un leadership efficace n'est pas forcément
une condition de réussite de la stratégie. Une première question porte ainsi
sur la nature et le rôle réel du leadership dans la performance stratégique
de la firme.
S'agissant de la nature du leadership, si on le définit comme associe a un
individu (ou à un groupe), on peut être conduit à minimiser les effets qu'il
induit. On a ainsi pu montrer le rôle déterminant d'une sorte de leadership
du système que constitue l'entreprise en dehors de la personnalité de ses
cadres'. Une culture ancienne et forte peut alors induire un leadership in-
dépendant des dirigeants du moment.

3. M. Pages et al .. L't'llll'rise de /'ol'lianisatiofl, PUF. 1979


L'audit des facteurs clés 213

Plus généralement, s'agissant de son rôle, il est certain que celui-ci est for-
tement variable d'une entreprise à l'autre sous l'influence de nombreux fac-
teurs d'environnement tant internes (niveau de formation des personnels,
qualifications exigées par les tâches, technologies mises en œuvre, style de
management, etc.) qu'externes (environnement social, économique, techno-
logique, concurrence, modèles de gestion dominants, etc.). Il est ainsi tentant
de considérer que toute entreprise oscille entre deux modèles de manage-
ment (cf figure 8-6).

• Aversion pour les risques • Acceptation des risques


• Peur du changement • Désir de changement
• Immobilisme • Dynamisme
• Orientation court terme • Orientation long terme
• Bureaucratique • Informel
• Fermé, réservé aux membres • Ouvert à tout public
• Autocratique • Qémocratique
• Acceptation de l'inégalité de pouvoir • Egalité de pouvoir
• Centralisation • Décentralisation
• Refus de l'exclusion • Acceptation des exclusions
• Groupe, clan • Individu
• Refus de l'erreur • Acceptation des erreurs sans sanctions
• Ancienneté • Mérite

Figure 8-6 Exemples de dimensions et orientations de la culture


(Source: P. Candau et L. Tougard).

Trois hypothèses peuvent alors être retenues. Dans un premier cas, la pro-
blématique du leadership peut être considérée comme hors de question (A).
Dans un second cas, le choix d'un modèle ne s'impose pas à priori (B).
Dans une troisième hypothèse, l'entreprise gère une activité qui implique
un minimum de leadership (C).

A. Le leadership exclu
Dans une entreprise relevant de la première catégorie (type bureaucratique),
une référence sérieuse à la notion de leadership est à priori exclue. Elle
serait totalement incomprise par les personnels, génératrice de désordre et
probablement de refus de tous risques. Cette situation n'est pas nécessaire-
ment négative: tout va dépendre en pratique du type d'activité de l'orga-
nisation et des méthodes de la concurrence.
214 L'audit stratégique

On considérera cependant que cette premlere situation tend à devenir ex-


ceptionnelle: l'élévation du niveau de formation des hommes comme
l'agressivité des concurrences rendent difficile la survie des bureaucraties
« primaires» dans nos pays industriels.

B. L 'hypothèse de liberté de choix


Dans de nombreux cas, l'orientation plus ou moins affirmée entre l'une ou
l'autre des options dépend de l'histoire de l'entreprise et des choix de ses
dirigeants sans que l'on puisse affirmer qu'une solution l'emporte en termes
d'efficacité. Cependant, une option retenue impliquera une cohérence des
politiques sans laquelle le personnel n'aurait aucune compréhension de la
conduite des affaires. Si le leadership devait devenir une base de fonction-
nement, il faudrait en tirer toutes les conséquences et notamment la néces-
saire continuité d'une telle démarche au risque, sinon, d'un rejet ultérieur.

C. L'hypothèse d'un leadership nécessaire


Dans bon nombre de cas, un leadership fort s'impose à l'entreprise indé-
pendamment des options personnelles de ses dirigeants. La figure 8-7
recense quelques-unes de ces situations.

1. Le niveau d'exigences requis en ressources humaines


• Recherche et développement dominants, technologies importantes et évolutives
• Structure des emplois (qualifiés). pyramide des âges
• Exigences des clients-fournisseurs

2. Pratiques antérieures de gestion


• Précédent d'un rnanagement participatif
• Exigences d'une gestion avancée de la qualité

3. Le leadership est une pratique dominante dans la branche


L'entreprise peut être contrainte à un rninimum d'imitation dès lors que ces pratiques sont l'objet
de revendications plus ou moins explicites des personnels, y compris de l'encadrement

4. Absence d'autres moyens de mobilisation des ressources humaines


• Absence de réelle liberté de fixation des rémunérations (rigidité des grilles du secteur public)
• Impossibilité de recourir aux primes et avantages divers

Figure 8-7 Quelques facteurs de leadership imposé.

Dans ces différentes hypothèses, les défaillances en matière de leadership


peuvent faire courir à l'entreprise des risques importants susceptibles de
remettre en cause des orientations stratégiques.
L'audit des facteurs clés 215

Il reste enfin l'hypothèse des organisations du secteur public dans lesquelles


l'absence d'incitation par le statut oblige au développement de moteurs plus
subtils très largement fondés sur les relations humaines 4 .

8.2 L'audit des ressources humaines


On rappellera à nouveau qu'il ne s'agit en aucun cas de procéder à un audit
de nature fonctionnelle mais à une approche des aspects stratégiques de la
gestion des ressources humaines. Cette hypothèse est correctement décrite
par la définition que l'EFQM donne de cette gestion: «Comment l'orga-
nisation libère la totalité du potentiel de son personnel pour améliorer son
activité de façon permanente. » On se place ainsi dans une approche parti-
cipative en dehors de laquelle la gestion des ressources humaines n'aurait
pas lieu de figurer dans un audit stratégique.

• Le référentiel
Il est évident que toute une fraction de l'analyse stratégique moderne s' ap-
puie sur l'implication des individus. De même, un courant essentiel de la
démarche qualité repose sur cette hypothèse d'un rôle décisif des ressources
humaines .

• La conduite de l'audit
Le référentiel du prix européen de la qualité conduit à privilégier cinq cri-
tères relatifs à la gestion des ressources humaines:
planification et amélioration des ressources humaines;
- gestion des compétences par le recrutement, la formation et l'avance-
ment;
évaluation du personnel et des performances;
participation à \' amélioration permanente;
- modalités du système de communication.

A. La place des ressources humaines dans la stratégie


La question soulevée ici est celle du type de prise en compte des ressources
humaines dans la définition de la stratégie. L'auditeur aura à observer, dans

4. H. Scrieyx. Le ëéro II/épris. InterÉditions. 19R9.


216 L'audit stratégique

les documents internes, comment cette problématique est développée. Il sera


notamment intéressant de vérifier dans quelle mesure ces ressources font
l'objet d'une programmation tant quantitative que qualitative. Un projet
d'entreprise pourrait s'avérer révélateur des intentions du management à
l'égard des ressources humaines sous réserve que l'on puisse s'assurer de
la réalité de sa mise en œuvre.
Ceci étant, il n'est pas certain que ce type d'information soit inscrit dans
un document à finalité stratégique. L'auditeur devrait alors rechercher auprès
de la DRH des éléments qui permettent de situer la préoccupation à son
juste niveau. Des entretiens avec la direction et l'encadrement permettront
de compléter ces informations.

B. La gestion des compétences (recrutement, formation


et avancement)
La pratique quotidienne de l'entreprise est évidemment révélatrice de la
réalité du rôle des ressources humaines dans un contexte stratégique.
La définition des compétences requises à l'occasion du recrutement est ainsi
significative et il en est de même pour l'avancement. Enfin, comme]' indi-
quent les auteurs du modèle EFQM, les modalités de redéploiement sont
elles-mêmes riches en indicateurs.
À un autre niveau, le contenu et la gestion des plans de formation permettent
de situer la réalité des préoccupations en matière de ressources humaines.
Au-delà de la formation, son impact sur les carrières est intéressant à ana-
lyser.

C. Les objectifs et l'évaluation du personnel


Les objectifs individuels et collectifs sont-ils négociés et leur correspon-
dance avec ceux de l'organisation est-elle satisfaisante? Avec quelle pério-
dicité sont-ils revus et quelles sont les modalités de l'évaluation? Dans
quelle mesure cette évaluation va-t-elle influencer la situation de chaque
employé?
Ces quelques questions correspondent à des indicateurs précieux si l'on sou-
haite estimer la réalité d'une stratégie fondée sur les ressources humaines.
L'auditeur pourra se pencher sur la problématique générale de la carrière
des employés (fiche d'évaluation des personnels, par exemple) ou sur des
aspects plus spécifiques des démarches qualité: valorisation pécuniaire ou
non des actions individuelles (systèmes de suggestions) ou collectives (grou-
pes de progrès, cercles de qualité, etc.).
L'audit des facteurs clés 217

L'attitude de la direction et de la hiérarchie vis-à-vis de ces groupes, si ils


existent, constituera un bon révélateur de la prise en compte des ressources
humaines dans une stratégie participative.

D. Les modalités de participation à ['amélioration permanente


Nous nous sommes placés dans une optique de gestion participative et il
importe par conséquent que nous soyons en mesure de juger le niveau d'or-
ganisation mis en œuvre dans ce but.
L'auditeur aura donc à apprécier quelles démarches individuelles et collec-
tives sont favorisées et quel est leur historique de fonctionnement. Au titre
des démarches, on retiendra les actions telles que:
- les réunions et conférences vulgarisant les thèmes de la participation et
de l'amélioration;
- les modalités individuelles et collectives de la participation et de \' amé-
lioration (groupes de progrès par exemple) ;
- les actions de type «empowerment» traduisant une volonté de gestion
stratégique qualitative dans le domaine des ressources humaines.
L'auditeur s'intéressera tout particulièrement aux modalités d'évaluation des
contributions du personnel. Ainsi et par exemple, il sera utile d'identifier
les moyens mis en œuvre pour juger les projets des cercles de qualité, les
délais de réponse de la hiérarchie face à ces mêmes projets et le type d'in-
téressement associé à une acceptation d'un projet.

E. Les modalités du système de communication


S'il est indiqué que la gestion des ressources humaines a un contenu stra-
tégique, il sera important d'identifier les modalités de circulation de l'in-
formation « topdown - bottom up» dans l'entreprise. En particulier, il sera
révélateur de voir qui est destinataire des informations relatives à la mesure
et à l'efficacité de la participation des hommes aux objectifs stratégiques.
De façon encore plus précise, il serait intéressant de savoir, s'il y a lieu,
jusqu'à quel niveau du système hiérarchique remonte l'information des grou-
pes de progrès et des cercles de qualité.

• Synthèse, risques, recommandations


On touche avec cet audit de la gestion stratégique du personnel un point
essentiel de notre propos. C'est aussi un point sur lequel un jugement clas-
sique n'est pas possible: un type de gestion des ressources humaines est
218 L'audit stratégique

étroitement lié à la culture d'une organisation et, plus précisément, au style


de son management. L'auditeur est ainsi condamné au pragmatisme le plus
total, ses préconisations en la matière ne pouvant aller à l'encontre du mo-
dèle de gestion propre à chaque entreprise.
Ceci étant, certaines entreprises ont fait le choix de privilégier une gestion
dynamique des ressources humaines et surtout, d'autres interviennent dans
des secteurs où il est difficile de ne pas s'engager dans cette voie. Il faut
ajouter aussi que l'on s'est orienté, depuis les années 80, vers une dimension
d'enrichissement des tâches qui impose une gestion stratégique des ressour-
ces correspondantes.
En conséquence, et après avoir redit le rôle essentiel de l'équipe dirigeante
dans le choix d'un modèle de gestion des ressources humaines, il nous faut
mettre l'accent sur les risques qu'il y aurait à ne pas tenir compte d'une
évolution générale des organisations, rendue nécessaire par le système con-
currentiel mais aussi par la véritable explosion des formations. Le risque
encouru à nier cette tendance serait de s'engager dans une véritable impasse
stratégique.
L'auditeur pourra ainsi être placé dans deux types de situations.
Dans un premier cas, le plus fréquent, il sera confronté à une entreprise
ayant opté pour une gestion stratégique des ressources humaines et c'est sur
les modalités de cette gestion qu'il aura à formuler des recommandations
qui devraient être accueillies positivement puisqu'elles s'inscrivent dans un
contexte favorable.
Dans une seconde hypothèse, l'auditeur se heurtera à une détermination
stratégique particulière, l'entreprise ayant choisi de ne pas faire de ses em-
ployés un facteur privilégié de son développement. Il lui faudra alors con-
fronter ce choix à celui des concurrents principaux afin d'apprécier les ris-
ques réels, notamment à moyen et long terme. La mise en évidence de ces
risques n'entraînera pas pour autant une réaction favorable des dirigeants et
l'auditeur pourrait être amené à rechercher un niveau d'acceptabilité de ce
mode de gestion compatible avec le style de gestion de l'entreprise.

8.3 L'audit de la stratégie, de l'organisation


et des structures
Déterminer une stratégie, puis la faire évoluer en fonction des résultats ob-
tenus et des transformations de l'environnement constitue l'un des grands
processus auxquels est confrontée toute entreprise.
L'audit des facteurs clés 219

Activités Nature des défaillances


Sous-activités
basiques potentielles

1. Construire Repérer et conforter les facteurs clés de succès Absence totale de vision. Mauvaise évaluation
une (( vision» des facteurs clés de succès
Identifier les valeurs de référence de l'entreprise Sous-estimation de leur rôle notamment
en interne. Absence de consensus sur ces
valeurs de référence
Communiquer la vision en interne et en externe Absence de communication interne et/ou externe
(sur ce thème)

2. Fixer des buts Préciser qualitativement l'avenir souhaité Absence totale de référence aux buts

3. Chiffrer Sélectionner des objectifs pertinents Non pertinence des objectifs


à travers Nombre d'objectifs trop élevé
des objectifs

4. Conduire Apprécier les facteurs sociopohtiques Absence de prise en compte ou mauvaise


un diagnostic appréciation
interne Identifier les processus stratégiques Absence plus ou moins totale d'approche par les
processus tout au moins en
élaboration stratégique
Apprécier les forces et les faiblesses Absence ou médiocrité du système d'information

Apprécier les facteurs de stratégie émergente Facteurs non reconnus

5. Conduire Apprécier les facteurs sociopolitiques Absence de prise en compte ou mauvaise


un diagnostic appréciation
externe Identifier les éléments d'un système de valeur Démarche inhabituelle, méconnaissance du
système de valeur propre à l'entreprise
Conduire une démarche de Benchmarking Démarche inhabituelle ou mauvaise identification
des références
Impliquer le personnel dans cette démarche et. Démarche inhabituelle
notamment, les forces de vente et interfaces
clients
Apprécier les opportunités et les contraintes Absence ou médiocrité du système d'information

6. Élaborer Identifier des politiques Vision unique


des choix Apprécier leur degré de substituabilité
alternatifs

7. Sélectionner Identifier l'équilibre des forces Vision erronée de cet équilibre


une stratégie Les reconnaître, en peser les poids immédiats et
futurs
Choisir entre une solution négociée ou imposée Mauvaise appréciation de l'équilibre ou approche
purement hiérarchique

Communiquer le choix en interne Absence ou médiocrité du système


d'information
Communiquer le choix aux partenaires externes Absence ou médiocrité du système
d'information. Mauvaise évaluation du secret

8. Déployer Niveau global de l'entreprise Approche trop fonctionnelle


des politiques Privilégier J'approche par les processus
stratégiques
Niveau unité opérationnelle. Privilégier les Vision des processus centrée sur une structure
contributions aux processus stratégiques traditionnelle, non prise en compte des interfaces
et notamment les interfaces fonctionnelles
Absence de recherche d'une appropriation des
Niveau individuel. Responsabiliser processus par des groupes d'opérateurs

9. Évaluer les Élaborer un tableau de bord stratégique efficace Indicateurs essentiellement fonctionnels
résultats .. Déployer le tableau de bord aux différents Absence d'analyse aux différents niveaux en vue
niveaux (hiérarchiques et transversaux) d'une action corrective globale

10. Recommencer Analyser les défaillances, rechercher les causes,


améliorer

Figure 8-8 Analyse du processus stratégique.


220 L'audit stratégique

C'est ce processus particulier qui va être abordé ici et l'accent sera donc
mis sur son mode de gestion, plutôt que sur la pertinence des décisions
stratégiques, lesquelles ont fait l'objet du chapitre 4.

8.3.1 L'audit du processus stratégique

• Le référentiel: le processus stratégiqueS


Les conditions de l'élaboration de la stratégie sont l'un des domaines pri-
vilégiés de l'analyse théorique et nous avons résumé les grandes lignes de
leur évolution au cours du premier chapitre.
La figure 8-8 offre une présentation synthétique de ce processus (cf cha-
pitre 2, figure 2-3). On en a volontairement éliminé les boucles de rétroac-
tion qui, à chaque niveau, conduiraient à s'assurer de la cohérence globale
du modèle.
Cette « check-list» n'est en rien révolutionnaire. Elle ne fait que rappeler
les étapes reconnues d'une construction stratégique en y intégrant certaines
évolutions comme la prise en compte des facteurs sociopolitiques ou celle
des stratégies émergentes. De même, les acquis d'un raisonnement en termes
de processus sont-ils introduits dans les diagnostics tant internes qu'externes.
Enfin, on ne sera pas étonné que la stratégie ait été elle-même considérée
comme un processus qui, de surcroît, est par nature profondément transversal.

• Conduite de l'audit

A. Les informations nécessaires à ['auditeur


Il est difficile de préciser une liste prétendant à \' exhaustivité dans ce do-
maine où les modalités de la stratégie sont extrêmement nombreuses. Les
auteurs de Strategor s'efforcent de les recenser et confirment cette diversité
d'ailleurs rarement abordée dans la littérature stratégique 6 . La figure 8-9
énumère quelque-unes des sources d'informations auxquelles l'auditeur
pourra reCOUrIr.

5. Le processus stratégique auquel il est fait référence ici ne doit pas être confondu avec les processus
stratégiques (dans leur contenu et leurs effets) qui ont fait l'objet du chapitre 7. On s'interroge ici sur
le processus d'élaboration, de mise en œuvre et d'évaluation de la stratégie.
6. StrateRiIl', 2' édition, InterÉditions.
L'audit des facteurs clés 221

Objet de l'information Sources des informations

Structures intervenant dans la préparation Organigramme


de la stratég ie Entretiens
Structures intervenant dans la détermination
de la stratég ie
Structures intervenant dans la mise en œuvre
de la stratégie
Structures intervenant dans le contrôle
de la stratégie

Modalités de fonctionnement des structures Règlements intérieurs


ci-dessus: Procédures
- Composition (représentative ou non, Entretiens
équilibrée ou non.)
- Fréquence des réunions et modalités
de fonctionnement
- Niveau de publication/diffusion des travaux
relatifs à la stratégie
- Communication des comptes rendus

Point de vue des différentes catégories Entretiens


d'acteurs:
- Membres des structures ad hoc
(cf. ci-dessus)
- Membres significatifs du CA
- Direction générale
- Membres de la haute hiérarchie
- Membres de la hiérarchie intermédiaire
- Représentants du personnel

Figure 8-9 Informations nécessaires à J'auditeur.

B. Les étapes de l'audit


L'auditeur qui va s'interroger sur la pertinence de ce processus aura prin-
cipalement à répondre à quatre questions:
les grandes étapes d'une prise de décision sont-elles respectées?
le système d'information stratégique est-il adapté?
la nécessaire communication, interne et externe, associée à la stratégie
est-elle réalisée?
Le processus et la stratégie font-ils l'objet d'une procédure d'amélioration
continue?

Les étapes du processus stratégique. Elles ont été partiellement abordées à


l'occasion du prédiagnostic (cf chapitre 4). A ce niveau, il s'agissait plus
précisément de vérifier l'existence d'un système de valeurs, et surtout de
buts et d'objectifs pour s'assurer qu'ils étaient atteints. Cette remarque con-
duit de ce point de vue à observer les conditions de développement de la
222 L'audit stratégique

stratégie, puis celles de son déploiement. Les figures 8-10 et 8-11 reprennent
quelques axes de cette analyse.

Niveaux de l'audit Objets de mesures et moyens


1. Préalables stratégiques

Visions, buts, objectifs .. Cf. chapitre 4

2. Structures et personnes impliquées


• Degré d'implication interne dans la construction • Degrés hiérarchiques impliqués, pourcentage
stratégique de fonctions concernées
• Degré d'implication externe (fournisseurs, clients) • Modalités de l'implication
3. Stratégie et durée

• Échéance du programme • I;lorizons stratégiques


• Prise en compte des attentes futures • ~tudes prévisionnelles des segments
des clientèles • Etude des cornpétences clés à maîtriser
• Estimation des ressources futures de l'entreprises
4. Stratégie et concurrence
• Estimation des programmes stratégiques de la • Benchmarks disponibles
concurrence et comparaisons

Figure 8-10 Audit du développement de la stratégie.

La figure 8-11 recense quelques points essentiels relatifs à l'élaboration du


programme stratégique. On y fait peu référence à des indicateurs au sens
habituel du terme car les mesures sont essentiellement d'ordre qualitatif.
L'essentiel de l'information sera recueilli à l'occasion d'entretiens.
L'analyse du déploiement de la stratégie conduit à des remarques similaires
(cl figure 8-12).

Niveaux de l'audit Objets de mesures et moyens


1. Déploiement des principales orientations

• Mise en œuvre effective des buts et objectifs Observation de ces différents points au cours
• Cohérence entre les segments et dans le ternps de la mise en œuvre de la stratégie. Entretiens
• Cohérence avec les facteurs clés de succès
• Objectifs des employés rattachés à la réalisation
stratégique
2. Communication des principales orientations
Degré de généralisation dans la communication Modalités de la communication et niveaux
aux employés hiérarchiques concernés. Entretiens
3. Communication périodique des résultats
Fréquence et contenu de la communication Modalités de la communication et niveaux
stratégique hiérarchiques concernés. Entretiens

Figure 8-11 Audit du déploiement de la stratégie.


L'audit des facteurs clés 223

Le système d'information du processus stratégique. La qualité du processus


stratégique dépend pour une part essentielle de la façon dont ce processus
est renseigné, tant sur les conditions de fonctionnement internes de l' entre-
prise, que sur son environnement.
Le tableau de bord stratégique réduit aux objectifs est à l'évidence l'un des
éléments de ce système (cf chapitre 4). De même, et fondamentalement, les
objectifs de Qualité Totale sont-ils eux aussi des éléments tout à fait prio-
ritaires du système d'information (cf chapitres 5 et 6). Enfin, l'information
interne est à la fois présente dans les tableaux de bord fonctionnels et dans
le système d'information des processus stratégiques (cf chapitre 7).
L'information externe peut alors provenir de quatre sources principales: les
clients, les employés, notamment en situation d'interface avec la clientèle,
les fournisseurs et, enfin, la concurrence à travers des procédures de type
benchmarking.

La médiatisation du processus stratégique et de la stratégie. Là encore, nous


abordons une question qui a fait l'objet de développements importants au
cours des chapitres 5 et 6. Cette médiatisation n'est pas indépendante du
leadership existant ou recherché.

L'amélioration continue de la stratégie. Abordée comme un processus, la


stratégie doit naturellement inclure son propre système d'amélioration. L' au-
diteur sera ainsi amené à observer les conditions d'évolution de la stratégie
tout au long de son déploiement. Il s'attachera tout particulièrement à l'ana-
lyse des variations de buts et d'objectifs et à leur cohérence (cf chapitre 4).

• Synthèse, risques, recommandations


Tant à l'occasion de la mise en œuvre du processus stratégique qu'à celle
de sa médiatisation, le besoin d'une organisation ad hoc apparaît tout à fait
évident. Est -il besoin d'ajouter que, dans une perspective d'audit stratégique,
celle-là même développée dans cet ouvrage, l'hypothèse de risques lourds
liés à l'absence de processus correct en matière stratégique est pour le moins
implicite.
On peut alors évoquer quelques risques majeurs.

A. Les risques liés à ['absence de transversalité dans le processus


stratégique
L'expérience conduit effectivement à donner une place prioritaire à ce risque
qui correspond à un déséquilibre, plus ou moins volontaire, dans l'élabora-
224 L'audit stratégique

tion stratégique. Dans une telle hypothèse, la stratégie devient le reflet hy-
pertrophié d'une fonction dominante, ce qui est en contradiction avec ses
caractéristiques normalement admises. La fonction « recherche et dévelop-
pement» bénéficie souvent de ce statut dans les entreprises placées à la
pointe de la technologie, mais ce peut aussi être, par exemple, le marketing
ou la production, pour ne citer que ces hypothèses.

Peu importe d'ailleurs la fonction bénéficiaire: dès lors que l'on admet la
transversalité de la stratégie, la situation est naturellement préjudiciable. Elle
est enfin extrêmement fréquente dans la pratique, y compris dans les grandes
entreprises. Elle tend ainsi à pérenniser des dominantes culturelles qui fi-
niront immanquablement par générer une dangereuse «myopie» dont
P. Drucker s'est fait l'écho en d'autres temps.

B. Les risques liés à l'absence d'un système d'information performant

Plus que toute autre activité, la stratégie repose sur l'information, celle-ci
permettant d'établir les diagnostics internes et externes. C'est même l'un des
reproches que lui font les responsables de PME, en affirmant que la gestion
de cette information représente un coût qu'elles ne peuvent pas supporter.

Il est évident que de la qualité de ce système d'information dépendra la


valeur d'une stratégie mais aussi son aptitude à l'amélioration continue. Ce
dernier point représente clairement un enjeu essentiel pour la firme, quelle
que soit d'ailleurs sa taille.

8.3.2 L'audit de l'organisation et des structures

On aborde ici un problème central de l'évolution contemporaine des entre-


prises, sachant que l'organisation et la structure doivent en effet assumer
plusieurs missions stratégiques essentielles. On attend notamment d'elles:
l'implication effective de tous dans une dynamique stratégique,
une double circulation rapide de l'information stratégique (montante et
descendante) compatible avec le système hiérarchique et décisionnel,
- une nécessaire circulation transversale de l'information relative aux pro-
cessus (interfonctionnelle) associée à un système «hiérarchique» d'un
type nouveau.
L'audit des facteurs clés 225

Ces missions devront évidemment être accomplies dans un contexte de coût


optimisé.

Le domaine de l'organisation et des structures est donc à la fois vaste et


divers. Pour simplifier, on considère généralement qu'il recouvre deux gran-
des dimensions. La première correspond à l'analyse de la structure formelle
et porte alors sur l'étude des fonctions et des tâches. On peut la considérer
comme étrangère à notre propos. La seconde étudie le processus de décision
et de contrôle en y développant une analyse des rôles mais aussi des ins-
tances concernées. Pour s'en tenir à des exemples directement liés à notre
propos, la stratégie est ainsi partiellement conditionnée par la nature du
comité stratégique ou de ce qui en tient lieu; de même, la qualité est dif-
ficilement séparable d'instances comme \es groupes de progrès ou les cercles
de qualité. Tel est l'objet de ce que nous qualifions d'audit de l'organisation
et des structures dans la perspective stratégique que nous nous sommes fixés.

• Le référentiel: structures et stratégie

Une première difficulté provient de ce que, en dehors de règles générales,


la problématique des structures est relativement peu normée. Il convient
donc de clarifier \e sens attribué aux termes d'organisation et de structures
dans ce qui va suivre. De nombreux éléments d'organisation ont en effet
été abordés avec \' audit des processus et c'est alors plus précisément sur
les composants de la structure liés à la stratégie que l'audit va désormais
porter en distinguant, de façon classique, la structure formelle et la structure
informelle 7 •

De ce point de vue, la structure formelle traduit un système d'autorité gé-


néralement reflété par l'organigramme. La structure informelle illustre « les
liens spontanés et flexibles établis entre les membres de l'organisation sur
la hase de sentiments et d'intérêts personnels indispensables au fonction-
nement de la partie formelle de l'organisation, mais qui sont trop fluides
pour être contenus dans le cadre former ».

7. P. Candau. L. Tougard, Audil des associalions, Les Éditions d'Organisation, 1990.


H. M. Dalton. Meil Who Manal(e. Wiley. 1959. Cité par H. Mintzberg. Structure et Dynamique des
()/'Kanisalions. Les Éditions d'Organisation, 1982.
226 L'audit stratégique

Il faut alors préciser quelles sont les composantes structurelles qui vont faire
l'objet de cet audit. Celles qui nous intéressent ici sont caractérisées par
leur contribution à la stratégie et principalement à travers trois orientations:
il s'agit de s'assurer successivement de l'adéquation des structures à la
stratégie (A) ;
- de vérifier, s'il y a lieu, l'existence d'une structure compatible avec la
gestion de processus transfonctionnels (B) ;
de mesurer \' aptitude de la structure à favoriser une nécessaire implication
des hommes dans une stratégie participative, intégrant par exemple la
notion de Qualité Totale (C).

A. L'adéquation des structures et de la stratégie


La question de l'adéquation des structures et de la stratégie ne peut pas être
séparée de la conclusion classique de Lawrence et Lorsch (1967) estimant
qu'il n'y avait pas de structure d'organisation s'imposant à priori dans une
situation donnée. Dès lors, l'idée de référentiel devenait difficile à concevoir
avec l'implication que l'on imagine sur la perspective de l'auditeur.

Le problème de l'adéquation des structures peut cependant être posé à la


fois en termes d'efficacité et en termes d'efficience.

Dans la perspective de ]' efficacité, on peut s'interroger sur l'opportunité


d'une structure fonctionnelle, divisionnelle ou matricielle dans une situation
donnée (pour s'en tenir à ces grandes catégories). Cette approche reste cc-
pendant hautement subjective, ne serait-ce qu'en raison du rôle de facteurs
d'environnement dont ]' évolution est parfois imprévisible. L'auditeur ne
pourra probablement pas développer cette problématique, sauf les cas de
dysfonctionnements évidents.

Du point de vue de l'efficience, en dehors de toute proposition d'une struc-


ture particulière, la question sera celle de l'appréciation des conditions d' ob-
tention d'une performance stratégique donnée. C'est cette seconde approche
qui sera privilégiée ici.

B. La recherche d'un équilibre des hiérarchies

Très globalement, la situation peut être en partie illustrée par la figure 8-12.

Il s'agit en pratique de gérer une contradiction croissante entre, d'une part,


un système historiquement hérité du fordisme et fondé sur une approche
L'audit des facteurs clés 227

Système
hiérarchique
d'information
et de
contrôle

Figure 8-12 Gestion transversale des processus et système vertical


d'information et de contrôle
(Source : M. Weill, Le management, Armand Colin, Cursus, 1994).

verticale du pouvoir, du contrôle et de l'information et, d'autre part, une


gestion horizontale des processus impliquant de nouveaux pouvoirs et de
nouveaux vecteurs de contrôle et d'information.

Deux questions peuvent être développées dans ce contexte. D'un premier


point de vue, il convient de considérer l'existence d'une base de structure
horizontale correspondant à la gestion des processus . Ensuite, il faut estimer
le niveau d'équilibre qui permette de gérer la difficile situation d'une double
hiérarchie plus ou moins développée suivant les cas .

Une structure croisée. Les structures matricielles ' semblent apporter une ré-
ponse lorsque les processus en cause sont du type projets (cas de l'industrie
automobile par exemple). La pratique peut cependant être profondément
différente dans le cas d'entreprises où des processus stratégiques essentiels
sont indépendants du produit ou du service proposé tout en étant répétitifs.
La pratique conduira à élaborer des structures souples s'inspirant du mode
matriciel. Elle sera grandement facilitée par l'existence d'un mode de rai-
sonnement qui privilégie les processus, celui-ci conduisant naturellement à
une approche transversale du management et de la stratégie.

Une structure équilibrée. Dans tous les cas, la situation que nous venons
de décrire et, de ce fait, l'existence d'une double hiérarchie plus ou moins
affirmée, pose un problème d'équilibre difficile à résoudre. C'est ainsi qu'il
a fallu de nombreuses années chez Renault pour affirmer la position des
responsables de projets face aux responsables fonctionnels 9 .

9.J-C Moi sdon . 13. Weil. Grill/l'es IIw/S\'erSill/X et morditllltion techniql/e dans la concel'tion d'un
nouveau \·éhicl/le. Revue française de gestion Indu strielle . N" 2. 1992.
228 L'audit stratégique

Les moyens pour y parvenir sont divers: on peut assurer leur nomination
au niveau de la direction générale, leur donner une autorité budgétaire, les
associer dans la notation annuelle des personnels, leur conférer une autorité
de pilotage et de contrôle notamment au niveau des interfaces fonctionnelles
et la liste n'est bien entendu pas exhaustive.

C. La recherche d'une organisation « impliquante »


L'idée n'est certes pas nouvelle: elle était déjà omniprésente dans l'expan-
sion des cercles de qualité de la fin des années 70. Cependant, l'implication
du personnel dans la stratégie de l'entreprise, quel que soit son niveau hié-
rarchique, est une approche relativement récente. P . Jocou et P. Meyer il-
lustrent cette hypothèse à travers le schéma reproduit en figure 8-13 10 :

Encadrement supérieur ....

....
La stratégie
//
Enca drement intermédiaire

....
//
Maîtrise

Opérateurs ....
// Le progrès

// Permanent

Figure 8-13 Les contributions à la stratégie et au progrès


(Jocou, Meyer).

Cette illustration attribue aux opérateurs à la fois un rôle décisif dans une
contribution au progrès permanent et un apport réel au domaine de la stra-
tégie. Seul un aménagement de l'organisation (gestion des processus) et de
la structure permettra d'atteindre ce résultat.
L'auditeur aura ainsi à apprécier les éléments de l'organisation et des struc-
tures dans la perspective d'une contribution au progrès en général et à la
stratégie.

La contribution au progrès permanent. Elle est favorisée par la mise en


place d'instances participatives, accompagnées d'un système efficace d'éva-
luation. Dans leurs formes contemporaines, ces démarches s'appuient géné-
ralement sur ce que l'on appellera souvent un Plan d'Action Qualité (PAQ).
Le caractère éminemment stratégique d'un tel plan suppose un engagement

IH. P. Jocou . P. Meyer, La lo!!.ique de la valeur, Dunod. 1996.


L'audit des facteurs clés 229

de la direction générale se traduisant ensuite par la création d'instances aux


différents niveaux de la structure. La première démarche sera la mise en
place d'un comité qualité ou comité de pilotage, souvent présidé par le
directeur général lui-même, chargé de piloter l'action collective.

De façon moins précise, la fonction pourrait être assumée par un comité de


direction ou encore par le comité stratégique. L'auditeur aura à rechercher
parmi ces différentes instances les lieux d'exercice de cette responsabilité
collective avant d'analyser la composition du groupe et notamment son de-
gré de transversalité, ses missions précises, la fréquence des réunions, l'as-
siduité des membres, sa diffusion d'informations, sa perception par les dif-
férentes catégories de personnel, etc.
À l'autre extrémité de la ligne hiérarchique, l'auditeur aura à se pencher sur
les instances représentatives d'une gestion participative. Les groupes de pro-
grès et surtout les cercles de qualité constituent des illustrations classiques
de ces situations. L'auditeur aura à apprécier la réalité de leur action, leur
évolution, leur taux de pénétration, etc.

La contribution à la stratégie. C'est un second aspect de ce que nous avons


appelé « l'organisation impliquante ». La structure de l'instance en charge
de la préparation de cette stratégie sera évidemment révélatrice de sa trans-
versalité. Le degré de centralisation de l'approche sera aussi révélateur. Le
système d'information stratégique permettra de prévoir certains dysfonction-
nements et notamment d'apprécier l'aptitude de l'organisation à suivre des
manifestations de stratégie émergente.
S'il est devenu classique de s'intéresser aux formes d'implication des opé-
rateurs ou de l'encadrement intermédiaire, il est encore relativement rare de
se poser le même type de question avec les cadres supérieurs. Pourtant, la
problématique n'est pas très différente. L'organisation est-elle impliquante
de leur point de vue?

• Conduite de l'audit

A. L'adéquation des structures


L'audit des structures va être éclairé par l'ensemble des audits qui l'a pré-
cédé ainsi que par la nature de l'entreprise étudiée. On peut ajouter que,
dans la plupart des cas, une PME ne justifiera pas cette analyse dès lors
que l'organisation aura été détaillée à travers l'observation des processus
stratégiques.
230 L'audit stratégique

Le problème de l'adéquation des structures se posera lorsque leur efficacité


se sera avérée discutable. La figure 8-14 énumère quelques-unes des prin-
cipales défaillances pouvant être liées à une cause structurelle.

Critères Défaillances
Sources
d'efficacité associées Prédiagnostic des causes
d'information
de la structure et indicateurs

Coût Surcoût Nombre d'échelons hiérarchiques Organigramme


xtrop important Benchmarking
Nombre de divisions ou de centres de profit Entretiens.
trop élevé analyse des
Nombre de comités ou autres structures de processus (AP)
coordination
Structure informelle complexe, lourde.
contradictoire. inadaptée

Aptitude Surcoût. délais Structure formelle ambiguë. conflictuelle. Entretiens


à assurer non respectée
l'autorité Imprécision des liaisons hiérarchiques.
insuffisances de définition des fonctions

Aptitude Délais, non Nombre déchelons hiérarchiques Organigramme,


à véhiculer réalisation trop important entretiens
la décision Défaillance du système d'information" top
down»

Aptitude Absence Absence de système d'information" bottom AP, système


à acheminer d· engagement up,. dinformation
l'information des opérateurs

Aptitude Non qualité des Absence ou dysfonctionnement du comité Organigramme


à choisir choix, échec de directeur. Déséquilibre du noyau Entretiens
une stratégie la stratégie stratégique. Conflits entre les fonctions.
Objectifs non Dépendance du noyau stratégique par
atteints rapport à des acteurs externes

Aptitude à Conflits entre Excès de cloisonnement fonctionnel Organigramme,


coordonner les fonctions Absence d·autorité et de contrôle transversal entretiens avec
activités du Conflits chefs de projet
centre entre services
opérationnel Délais
Aptitude à Faible Structure formelle trop centralisée, absence Organigramme
impliquer les productivité, de système de consultation, de participation, Entretiens
hommes absence de de valorisation ou échec antérieur de ces
participation systèmes
aux actions
collectives,
pas ou peu
e suggestions

Figure 8·14 Défaillances structurelles et prédiagnostic des causes.

Comme on peut le voir, l'organigramme est un élément essentiel de cette


analyse. Il permettra à l'auditeur d'identifier le type de structure retenu, le
nombre de niveaux hiérarchiques, l'importance relative des fonctions et des
services. Complété par des entretiens et des définitions de postes, il devrait
aussi informer sur d'éventuels sureffectifs, notamment dans les activités
L'audit des facteurs clés 231

purement administratives. Une réflexion sur les différentes fonctions assu-


mées permettra généralement de préciser les idées quant à la cohérence de
mise en œuvre de la stratégie.

B. La recherche d'un équilibre des hiérarchies


L'auditeur va s'efforcer d'apprécier ici la justification et, dans ce cas, l'exis-
tence, formelle ou non, d'une approche transversale, ce qui n'exclut pas
pour autant la présence d'une structure classique, fonctionnelle ou division-
nelle pour s'en tenir aux cas les plus connus.

L'hypothèse d'une gestion sur la base d'une structure «classique» n'est


mentionnée que pour mémoire. Elle ne peut en effet concerner qu'une petite
entreprise (ou division) dans laquelle les tâches sont suffisamment simples
pour ne nécessiter aucune transversalité des processus. L' expérience montre
que cette situation est en pratique très rare, la simplicité des processus de
production n'excluant pas une complexité des processus managériaux. Cette
remarque vaut aussi pour les acti vités de services.
À partir de là, deux situations sont concevables.

Dans un premier cas, l'activité de l'entreprise ne justifie pas une véritable


structure transversale ou mixte (matricielle par exemple). Les conclusions
de l'auditeur seront alors dépendantes du repérage des processus stratégiques
et de leur degré de transversalité. On est ainsi ramené aux situations décrites
au chapitre 7.
Dans un second cas, lorsque les processus dominants sont de type « projet »,
une structure matricielle peut s'avérer adaptée. C'est la situation que l'on
rencontre dans l'industrie automobile et qui a permis une évolution profonde
du processus de développement des produits nouveaux (ingénierie simulta-
née). Enfin, dans toutes les activités, des processus transversaux existent et
doivent donc être maîtrisés.
Dans ces hypothèses, l'auditeur devra apprécier l'équilibre des pouvoirs en-
tre la hiérarchie fonctionnelle classique et la nouvelle responsabilité trans-
versale. Cette appréciation pourra s'appuyer sur des éléments tels que:
-- l'analyse de la description des fonctions du responsable transversal;
- le rôle du responsable transversal dans l'évaluation et la notation du per-
sonnel ;
le rôle du responsable transversal dans les engagements financiers liés à
l'activité.
232 L'audit stratégique

C. La recherche d'une organisation «impliquante»


Rares sont aujourd'hui les organisations qui peuvent faire l'économie d'une
forte implication des hommes. Cette implication s'appuie généralement sur
un ensemble de facteurs d'intéressement (pécuniaires ou non) qui relèvent
de la gestion des ressources humaines et sur des éléments organisationnels.
Ces derniers font l'objet de cette réflexion. Le nombre de formules est évi-
demment considérable. Nous avons choisi de retenir quatre situations (cf
figure 8-16)

Implication Implication
dans un cadre hiérarchique hors hiérarchie

Implication Relève des procédures de gestion Système de suggestions


individuelle des ressources humaines

Implication Çlroupes de progrès Cercles de qualité


collective Equipes process
(process innovation/process
improvement teams)

Figure 8-15 Éléments organisationnels de l'implication.

De nombreux indicateurs de fonctionnement pourront alors être retenus, tels


que:
le nombre d'éléments en fonctionnement (instantané, historique) ;
le nombre de dossiers traités par période;
- l'ancienneté moyenne des groupes hors hiérarchie.

• Synthèse, risques, recommandations


Il est difficile de parler de schéma idéal en matière d'organisation et de
structures et la notion même d'audit en est rendue d'autant plus délicate.
Toutefois, la figure 8-15 invite au repérage de quelques points clés, en l' oc-
currence résumés à travers sept critères d'efficacité (aptitude à maîtriser les
coûts, à assurer l'autorité, à véhiculer la décision, à acheminer l'information,
à choisir une stratégie, à coordonner les activités, à impliquer les hommes).
L'auditeur devra apprécier ces différents points, de façon essentiellement
qualitative, en se rappelant que la structure et J'organisation sont des résul-
tantes de l'historique de la firme, ce qui implique une capacité limitée de
modifications dans le court terme (en dehors évidemment d'une démarche
de rupture brutale de type reengineering).
L'audit des facteurs clés 233

En revanche, les risques majeurs liés au maintien d'une organisation et d'une


structure inadéquates devront être clairement mis en avant. Il est ainsi évi-
dent qu'une structure non appropriée peut à elle seule bloquer toute tentative
d'évolution stratégique et décourager toute forme d'implication.

On traite probablement ici de la problématique la plus impliquante pour les


dirigeants. La structure et l'organisation représentent en effet l'expression
de leur pouvoir dans l'entreprise et la marge de manœuvre de l'auditeur
devra être soigneusement appréciée au moment de ses recommandations. Le
cas le plus favorable est celui d'une entreprise fortement (et judicieusement)
décentralisée, dans laquelle les initiatives sont par principes retenues pour
analyse. À l'inverse, une structure fortement centralisée risque de rejeter à
priori toute forme de réflexion sur son évolution.

8.4 L'audit des ressources

Dans l'approche traditionnelle du modèle EFQM, les ressources compren-


nent essentiellement quatre types de facteurs: les ressources financières, les
ressources en matière d'information, les ressources matérielles (incluant les
relations avec les fournisseurs) et les ressources technologiques.

On peut discuter ce choix qui, dans tous les cas, devra être adapté aux
situations particulières de chaque entreprise. II faut enfin préciser que la
gestion de ces ressources doit être entendue sous l'angle de son aptitude à
soutenir la stratégie de \' organisation.

8.4.1 L'audit des ressources financières


La question soulevée ici est donc celle des ressources disponibles pour con-
duire la stratégie de l'organisation et, bien entendu, celle de leur affectation.

• Le référentiel : ressources financières et stratégie


Trois questions sont privilégiées dans les modèles d'autoévaluation. Il s'agit
d'abord de s'assurer que les paramètres financiers autorisent la stratégie
engagée. Il s'agit ensuite de vérifier l'acceptation des choix par les diffé-
rentes parties prenantes et notamment les actionnaires. Il faut enfin que la
maîtrise des coûts conduise à une optimisation des ressources.
234 L'audit stratégique

A. La cohérence politique financière-stratégie


La première question consiste à s'interroger sur l'aptitude de la politique
financière à assurer le programme stratégique retenu. Cette question impli-
que le respect de certains paramètres qui sont généralement, par ailleurs,
des objectifs poursuivis par la stratégie (cf § 4.2). Elle suppose enfin qu'aux
buts et objectifs stratégiques soit associé un plan financier à moyen terme,
doublé de plans annuels. Le programme stratégique, décliné en déploiement
des politiques, ne peut être indépendant de la planification financière et du
contrôle de gestion. Il n'est pas jusqu'à la gestion de la trésorerie qui ne
participe elle aussi à cette cohérence contribuant à la capacité de réalisation
de la stratégie.

B. L'acceptation des choix


Le financement du programme stratégique implique des choix financiers
notamment en matière de répartition des résultats. Ces choix conduisent
logiquement à des compromis entre les différentes parties prenantes et J'au-
diteur devra s'interroger sur leur degré de pérennité.
De ce point de vue, les actionnaires doivent être intégrés au système de
décision afin d'éviter des incompréhensions brutales qui pourraient aVOIr
des conséquences graves sur le déploiement de la stratégie.

C. L'optimisation des ressources


L'ensemble des paramètres financiers doit ainsi être géré dans une perspec-
tive d'amélioration. De même, les décisions d'investissement doivent être
préparées avec rigueur, en incluant des analyses de risque. Enfin, la maîtrise
des coûts est une priorité qui peut se traduire par des approches du type
« coût d'obtention de la qualité », mais aussi par une gestion performante
des relations « client-fournisseurs », celles-ci étant prises en compte au titre
des ressources matérielles par le modèle EFQM (Lf § 8.4.3) .

• Conduite de l'audit
On est ici dans un domaine classique qui peut être articulé autour de quatre
axes:
la maîtrise des stratégies et pratiques financières,
- la maîtrise des paramètres financiers (et amélioration),
- la maîtrise des décisions d'investissement,
- la maîtrise des coûts.
L'audit des facteurs clés 235

A. Maîtrise des stratégies et pratiques financières

On entend par là les composantes de la politique de financement de l'en-


treprise: ressources internes d'autofinancement ou de désinvestissement,
ressources externes telles qu'augmentation de capital, financements par em-
prunts, leasing ou lease back. Au-delà des conditions de ces accès aux res-
sources, se posent des questions comme le risque, l'indépendance, etc.

Au-delà des ratios, nécessairement disponibles, l'auditeur s'intéressera tout


particulièrement aux tendances historiques. La structure de l'actionnariat
sera considérée de façon tout à fait particulière en tant que source d'équilibre
ou, au contraire, de conflits relatifs aux choix stratégiques de l'organisation.

B. Maîtrise des paramètres financiers

Là encore, l'auditeur sera confronté à l'analyse d'une batterie classique de


ratios surtout significative sur la durée (marge brute d'autofinancement, ro-
tations d'éléments d'actif, marges, etc.). Le caractère classique de cette dé-
marche justifie qu'on ne lui consacre pas ici une place particulière.

C. Maîtrise des décisions d'investissement

On entend par là les conditions d'évaluation et leur compatibilité avec les


choix stratégiques. Les avantages potentiels de chaque investissement ma-
jeur sont-ils analysés? Les coûts et les risques associés sont-ils observés
systématiquement, le retour sur investissement est-il calculé? Enfin, les ré-
sultats concrets sont-ils confrontés aux prévisions initiales et les problèmes
éventuels analysés ')

Toutes ces questions pourront notamment être soulevées à l'occasion d'en-


tretiens avec les responsables de quelques projets d'investissement récents.

D. Maîtrise des coûts

Aucune stratégie n'est concevable sans une maîtrise des coûts. L'analyse
de la qualité du produit puis celle des processus clés ont nécessairement
introduit cette référence. Ce sera ici l'occasion de vérifier l'efficacité du
recours à des outils comme le coût d'obtention de la qualité. Ce dernier
permettra en particulier de planifier des démarches d'amélioration dans un
meilleur contexte d'anticipation des performances.
236 L'audit stratégique

• Synthèse, risques, recommandations


Les ressources financières occupent une place importante dans l'audit stra-
tégique mais dont on est tenté de dire qu'elle n'est pas originale en ce qu'elle
relève pour une large part de modes d'observation désormais classiques.
Deux types de situations peuvent être rencontrés.
Dans un premier cas, on se trouve confronté à des paramètres qui se dé-
gradent. L'observation est simple, de même que son interprétation et l'au-
diteur n'aura aucune difficulté à mettre en avant les risques associés à cette
évolution. De même, il devrait être relativement facile de préconiser des
recommandations probablement corroborées par \' ensemble de la démarche
d'audit stratégique.
Dans un second type de situation, éventuellement complémentaire de ce qui
précède, les dysfonctionnements sont plus subtils parce que plus qualitatifs.
C'est le cas lorsque les assemblées générales révèlent des conflits d'action-
naires ou encore des désaccords entre actionnaires et dirigeants. C'est encore
le cas lorsqu'une concentration des sources de financement rend l'entreprise
dépendante d'établissements bancaires ou de groupes d'actionnaires in-
fluents. C'est aussi l'hypothèse dans laquelle des conflits internes reposent
sur des problèmes de financement et d'appréciations divergentes des risques
associés à diverses stratégies.
Dans ces situations, le travail de l'auditeur est infiniment plus complexe. Il
reposera sur des entretiens avec les dirigeants, qu'il conviendra évidemment
de valider. En raison du caractère probablement politique des problèmes
soulevés, les recommandations risquent fort d'être réduites au minimum et
l'on peut se demander si, dans ces situations, l'auditeur ne devrait pas avoir
surtout un rôle de médiateur.

8.4.2 L'audit des ressources en matière d'information


Tout le monde s'accorde à reconnaître que le système d'information d'une
entreprise est aujourd'hui une pièce maîtresse de sa stratégie. Ce système
doit assurer en interne une circulation de l'information descendante (top
down) et montante (bottom up). L'amélioration des ressources informati-
ques, tant matérielles que logicielles, en rend théoriquement l'usage courant.
Il doit aussi, en externe, assurer une base d'information clients/fournisseurs .

• Le référentiel: le système d'information


Dans le domaine de l'information descendante, il est de plus en plus fréquent
de trouver des accès directs à partir de terminaux. Ainsi, dans de nombreuses
L'audit des facteurs clés 237

entreprises, le manuel qualité et le guide des procédures sont-ils souvent


directement accessibles depuis les sites de travail. Des documents permettent
aussi d'assurer une base d'information sur certains aspects de la politique
de l'entreprise. Les livrets d'accueil sont parfois l'occasion de présenter ce
type d'information.
Dans le domaine de l'information remontante, certains logiciels sont tout à
fait significatifs. Ils permettent à l'ensemble du personnel de s'exprimer dans
les domaines touchant à la performance de l'entreprise, en considérant que
les employés sont souvent les mieux placés pour identifier les problèmes et
proposer des solutions. Dans de très nombreuses entreprises, des procédures
permettent d'acheminer les suggestions individuelles et les propositions col-
lectives vers la hiérarchie concernée.
L'information clients/fournisseurs est souvent associée à la chaîne logisti-
que. Les systèmes de traçabilité des grands transporteurs en fournissent un
exemple type. Ainsi, Federal Express dispose-t-il d'un système informatique
qui lui permet de suivre tout colis pratiquement en temps réel et d'assurer
par ce biais un supplément de service essentiel. De même, Rank Xerox a-t-il
généralisé un système d'EDI (Echange de données informatisé) en interne,
qui accompagne sa logistique. Ce type de procédure est aujourd'hui incon-
tournable dans des secteurs comme la grande distribution ou l'industrie au-
tomohile .

• Conduite de l'audit
La description, même succincte, du rdérentiel montre à quel point cet aspect
de l'audit stratégique peut être vaste. On se bornera à en évoquer quelques
aspects particulièrement significatifs ((f figure 8-16).
On vérifiera tout d'abord l'existence même d'une politique de l'information
au sein de l'organisation et ]' on constatera fréquemment que le système
d'information disponible n'est rien d'autre que l'addition des systèmes pro-
pres à chaque fonction avec les effets d'incohérence que l'on imagine. L'au-
diteur devra alors apprécier les risques réels de cette situation tout en sachant
que préconiser une reconstruction du système d'information pourrait dépas-
ser le cadre de sa mission (ampleur, délai, coût et risques).
238 L'audit stratégique

Objet Sources des informations


Système d'information" descendant»
Système d'information associé au modèle Projet d'entreprise, comptes rendus du CA,
stratégique (type projet d'entreprise et ses publications internes
actualisations) Manuel qualité, guide de procédures,
Système d'information associé à la politique publications internes
qualité (manuel qualité d'entreprise, guide de Entretiens
procédures)
Système d'information" remontant»
Système automatisé d'information sur le Descriptions des procédures de transmission
fonctionnement des processus (type Texas des informations, logiciels et bases de données
Instruments) Manuels d'organisation des groupes
Système d'information associé aux actions de progrès, charte des cercles de qualité
collectives (cercles, groupes de progrès) ou
individuelles (suggestions)
Système d'information client/fournisseur
Information et logistique type EDI (qualité et coût Logiciels, modalitès des actions
du service) collectives mixtes avec fournisseurs et/ou clients
Procédures d'échange d'informations non
strictement commerciales

Figure 8-16 Informations nécessaires à l'auditeur.

Au-delà de ce problème général, les principaux dysfonctionnements qui vont


concerner l'auditeur sont de trois ordres:
Existe-t-il des informations stratégiquement importantes et non disponi-
bles (degrés d'exhaustivité et d'actualisation du système) ?
Existe-t-il des informations à saisies multiples donc à la fois redondantes
(coût) et éventuellement divergentes (pertinence du système) ?
Existe-t-il des problèmes d'accès aux informations pour les acteurs
concernés (accessibilité du système) ?

Ces dysfonctionnements seront recherchés dans un premier temps sur les


processus clés (rf chapitre 7) .

• Synthèse, risques, recommandations


Paradoxalement, malgré toute la place faite aux systèmes d'information dans
la littérature de gestion contemporaine, on aborde là un des sujets les moins
développés dans la pratique. Il y a alors une situation tout à fait contradic-
toire avec l'idée d'amélioration chère aux qualiticiens et, d'une façon plus
générale, avec le principe de « mesurabilité» qui accompagne l'observation
des processus.
L'audit des facteurs clés 239

Le risque le plus élémentaire est tout simplement celui de l'incohérence


stratégique fondée sur des successions de mesures correctives, éventuelle-
ment contradictoires puisque non appréciables dans leurs effets.

Les recommandations de l'auditeur pourraient se développer à deux niveaux.

À court terme, un système d'information minimal pourrait être préconisé


dans la perspective du contrôle des processus stratégiques. Il aurait pour
objectif de renseigner sur la performance des processus clés. Si une volonté
d'implication des personnels était clairement affirmée, un système d'infor-
mation spécifique sur les aspects de cette implication devrait aussi être dé-
veloppé. À partir de là, une base d'information remontante deviendrait in-
contournable.

À plus long terme, une remise en question plus globale pourrait être envi-
sageable. Il faut toutefois en signaler la di fficulté : l'efficacité des techno-
logies de l'information suppose que, dans un premier temps, les processus
auxquels elles vont s'appliquer aient été révisés en fonction des capacités
spécifiques de ces méthodes. En d'autres termes, il ne saurait être question
de greffer le système d'information sur une organisation inchangée au risque
de voir l'efficacité globale du système se dégrader ll . De ce point de vue,
les technologies de l' information entrent bien dans un contexte stratégique
avec les précautions qui en résultent naturellement.

Enfin, on se méfiera de la construction d'un système lourd, coûteux et pour


finir peu utile. Le rôle de l'auditeur consistera à éviter le passage d'une
absence de système à un excès d'information qui risquerait de n'être satis-
faisant que pour les concepteurs des bases de données nécessaires.

8.4.3 L'audit des ressources matérielles

Les ressources matérielles recouvrent l'ensemble des facteurs dont l' entre-
prise peut disposer, étant entendu que dans une perspective d'audit straté-
gique, seuls ceux générateurs d'avantage compétitif seront pris en compte.
De même, des composantes relationnelles associées à ces ressources pour-
ront aussi être retenues sous cette rubrique (relation client/fournisseur).

Il. On lira notamll1ent ,ur cc point: T. H. Davenport. Process Illl/or(}l/o/l Ret'I/gil/eeril/g lI'ork Ihrol/gh
intiml/lIlioll lee/m%gv. Harvard Business School Press. 1yen.
240 L'audit stratégique

• Le référentiel
Dans l'analyse qu'en propose l'EFQM, ces ressources matérielles recouvrent
les flux de matières associés au processus de production de l'entreprise et
les moyens techniques mis en œuvre pour assurer ce processus y compris
les relations qui s'établissent avec les fournisseurs en interne et qui carac-
térisent la stratégie poursuivie (gestion des flux, par exemple). On notera
qu'il y a de fortes chances pour que ces points aient été abordés à l'occasion
du traitement des processus clés.

Quelques-uns des éléments probables de ce référentiel seront:


les conditions de gestion des relations clients/fournisseurs externes;
les conditions d'optimisation des en-cours, des stocks et des flux;
les conditions de gestion des installations et machines.

A. La gestion des relations clients/fournisseurs externes


C'est l'une des originalités fortes de la démarche Qualité Totale, que d'en-
visager la stratégie d'entreprise dans une perspective globale de compétition
entre canaux et non plus entre firmes. Dans ce cas, les relations clients/
fournisseurs externes deviennent une composante essentielle de la nouvelle
donne concurrentielle. Les partenariats sur ces canaux apparaissent ainsi
commc des facteurs clés de succès (meilleure maîtrise des flux, meilleure
répartition des tâches ct optimisation des coûts). Une forme courante réside
dans l'intervention d'un partenaire en vue d'élever le niveau de compétence
de fournisseurs ou de clients afin de renforcer l'efficience du système. Cette
gestion conduit en pratique à considérer les processus stratégiques en dehors
des frontières classiqucs de l'entreprise, pour les appréhender dans la pers-
pective du canal considéré dans son ensemble (de la matière première au
produit fini).

B. L'optimisation des en-cours, des stocks et des flux


Cette optimisation constitue l'un des aspects les plus concrets de la gestion
des relations clients/fournisseurs externes. La pratique des flux tendus en
offre la forme la plus connue aujourd'hui. On notera seulement qu'elle peut
concerner des flux de services ou encore des flux de ressources financières
et que, par conséquent, ce domaine d'optimisation est très large.

C. Les conditions de gestion des installations et machines


Il s'agit à la fois d'une optimisation de l'exploitation de ces ressources et
d'ulle gestion de leur renouvellement. L'optimisatioll de l'exploitation peut
L'audit des facteurs clés 241

se traduire par des décisions d'externalisation d'activités ou par des modi-


fications dans les techniques de production (par exemple, le recours à des
techniques dites d'assemblage souple permettant d'améliorer la rentabilité
des locaux d'exploitation).

• Conduite de l'audit
Une grande partie des informations recherchées par l'auditeur tourne autour
des fonctions achat, production, stocks et investissement. L'audit pourra re-
prendre le schéma adopté pour la présentation du référentiel et ses grandes
lignes seront résumées sous la forme de tableaux.

A. La gestion des relations client/fournisseurs externes


L'auditeur s'attachera à vérifier les éléments clés indiqués dans la figure 8-17.

Objet Sources des informations

Existence d'audits systématiques des fournisseurs Services production, qualité


et de procédures d'achat maîtrisées et achats. Services juridiques
(contrats de sous-traitance)
Existence de réunions, rencontres systématiques avec échange Direction générale et services
d'informations stratégiques/opérationnelles
Existence de prévisions de ventes, plans de charge, analyses Services commerciaux
d'écarts et production-planning

Figure 8-17 Informations nécessaires à l'auditeur:


informations systématiques sur la connaissance du réseau.

On notera que, pour l'essentiel, l'auditeur abordera le sujet dans la pers-


pective des actions collectives engagées sur le canal. Plusieurs des infor-
mations utilisées ici auront déjà été collectées à l'occasion du travail sur les
processus stratégiques.

B. L'optimisation des en-cours, des stocks et des flux


Les investigations porteront sur les points indiqués dans la figure 8-18.

Objet Sources des informations


Existence d'un schéma descriptif des processus Services production, méthodes
de production et des méthodes
Connaissance, chiffrage et analyse des stocks matière Comptabilité, contrôle de gestion
et d'en-cours
Connaissance des processus et des coûts des concurrents Service en charge du benchmarking

Figure 8-18 Informations nécessaires à l'auditeur :


informations systématiques sur le coût du réseau.
242 L'audit stratégique

Là encore, des données interentreprises caractéristiques de la gestion du


canal seront au cœur de l'observation.

C. Les conditions de gestion des installations et machines

Il s'agit de recueillir les informations systématiques sur l'outil (cf figure 8-19).

Objet Sources des informations

Existence d'un programme périodique d'évaluation Service production


du matériel de production

Existence de programmes de maintenance préventive idem

Figure 8-19 Informations nécessaires à l'auditeur:


informations systématiques sur l'outil.

On s'est volontairement tenu ici aux thèmes abordés dans le cadre du prix
européen. Ces observations sont évidemment adaptables aux activités de
services .

• Synthèse, risques, recommandations


Comme cela a été indiqué, cet audit des ressources matérielles touche à
plusieurs composants essentiels d'une stratégie de Qualité Totale: gestion
des partenariats et gestion des flux en constituent des axes majeurs. Les
risques inhérents à une défaillance du management dans ces domaines sont
donc élevés, d'autant que les manifestations à court terme peuvent être in-
sidieuses.
Par exemple, le coût des stocks de matières premières ou d'en-cours n'est
bien souvent qu'une donnée analysée une fois l'an à l'occasion des inven-
taires. L'opportunité d'une maintenance préventive peut ne pas apparaître à
un échelon stratégique. L'intérêt d'un renouvellement de machines peut ne
pas être évident tant ses causes peuvent être nombreuses en dehors d'une
simple préoccupation de coût: flexibilité de l'outil, maîtrise accrue de la
qualité, etc.
L'auditeur aura donc intérêt à apprécier avec beaucoup de rigueur la dis-
ponibilité des indicateurs ct, dans bien des cas, à vérifier sur le terrain, avec
les opérateurs, les premières conclusions issues d'entretiens avec les res-
ponsables fonctionnels.
L'audit des facteurs clés 243

8.4.4 L'audit des ressources technologiques


Les ressources technologiques constituent à priori l'un des facteurs clés de
l'avantage concurrentiel. Leur analyse peut être abordée sous cinq rubri-
ques:
- l'état des avantages technologiques antérieurement développés;
- le suivi et l'identification des technologies émergentes;
- la gestion des compétences relatives à ces technologies;
- l'exploitation des technologies dans la maîtrise des processus;
la protection des savoirs technologiques.
Les deux derniers points de cette liste peuvent probablement être mis de
côté. L'exploitation des technologies dans la maîtrise des processus fait no-
tamment référence aux technologies de l'information qui ont été développées
abondamment en 8.3.2. De même, la protection des savoirs technologiques
pose le problème des brevets et s'analyse de façon très variable suivant le
secteur (notamment la durée de vie des produits) et le type d'entreprise
(taille par exemple). Une approche globale serait donc peu significative.

• Le référentiel
Trois questions seront donc plus particulièrement développées.

A. L'état des avantages technologiques antérieurement développés


Dans un grand nombre de secteurs, la position compétitive de l'entreprise
est largement dépendante d'avantages concurrentiels liés à l'existant en res-
sources technologiques. C'est à cet état des lieux qu'il convient de procéder.
Pour reprendre le schéma de M. Porter, on rappellera que la technologie
peut contribuer à un avantage concurrentiel par le biais d'une diminution
des coûts ou par celui d'une différenciation.
L'hypothèse d'une diminution des coûts rejoint les phénomènes d'expé-
rience ou les économies d' échelle. La technologie peut y avoir deux types
d'influences: soit elle agit de façon indirecte en autorisant une plus grande
qualité qui amplifiera les volumes vendus et autorisera des économies
d'échelle, soit elle agit directement, en permettant de diminuer les coûts
unitaires de production. Le thème est classique dans les deux cas en raison
d'une littérature abondante et chacun a présent à l'esprit les ruptures de
courbes d'expérience présentées par le Boston Consulting Group dans ses
différents ouvrages 12.

12. Boston Consullmg Group. Expérience et stratégie. Th~ Boston Consulting Group. Ine. 1971.
244 L'audit stratégique

On a une assez bonne illustration de ce mécanisme et de ses effets futurs


avec la classique loi de Moore, décrite chez Intel, et selon laquelle le nombre
de transistors que l'on parvient à intégrer sur un processeur double tous les
deux ans. Comme avait pu le dire Albert Y. C. Yu, un vice-président de la
société, «la loi de Moore n'est pas un argument commercial, mais un guide
pour les ingénieurs ». En d'autres termes, cette augmentation des perfor-
mances n'existe que parce que les ingénieurs de la société en font une
référence pour leur travail. En revanche, l'évolution des coûts en devient en
partie prévisible, fournissant à l'entreprise un outil précieux d'analyse de
son futur statut concurrentiel.

Les effets de la technologie sur une stratégie de coûts restent cependant


assez limités et largement orientés vers des firmes en position de leader.
Plus intéressants sont les effets en termes de différenciation. En pratique,
cette différenciation va naître à la fois d'une technologie exclusive et d'une
perception de ce facteur d'exclusivité. On entend par là le fait que l'entre-
prise ait à jouer simultanément sur une réalité technologique et sur une
communication de cette réalité susceptible de l'amplifier mais aussi de l'ap-
pauvrir dans la perception du client.

B. Le suivi et l'identification des technologies émergentes

L'entreprise auditée peut-elle prouver son engagement dans des technologies


d'avenir et son aptitude à y figurer en bonne place? Elle peut y parvenir à
partir de ses propres budgets de recherche et développement mais aussi par
une stratégie d' acquisition de licences ou encore par la croissance externe.

C. La gestion des compétences relatives aux technologies émergentes

L'entreprise investit-elle en formation pour se préparer à l'usage optimal


des nouvelles technologies?

• Conduite de l'audit

L'audit portera donc sur les trois points que nous venons de décrire.
L'audit des facteurs clés 245

A. L'audit des technologies actuelles


Cette audit pourra s'appuyer sur les démarches suggérées à la figure 8-20.
Il reste que la grande majorité des auteurs jugent qu'il est extrêmement
difficile de mesurer l'efficacité technologique d'une entreprise, ce qui ex-
plique aussi la difficulté d'en faire un objectif stratégique non critiquable.

Objet Indicateurs

Existence d'un processus Nombre de brevets déposés, nombre de publications dans des
de suivi de ces technologies revues spécialisées, nombre de projets de produits nouveaux
et de leur évolution. étudiés, nombre de projets de produits nouveaux soumis à
l'autorité compétente

Figure 8-20 Informations nécessaires à l'auditeur :


audit de l'exploitation des techniques existantes.

B. L'audit de suivi et d'identification des technologies émergentes


On est dans une situation qui reste relativement imprécise, comme dans
l'hypothèse précédente. Il est en effet assez difficile d'identifier et de suivre
la progression des technologies émergentes, surtout si l'on espère une ap-
proche chiffrée, dans un domaine où le qualitatif domine. La figure 8-21
recense quelques pistes d'informations utiles qui seront confirmées à partir
d'entretiens, principalement au niveau de la direction générale ou du dépar-
tement Recherche & Développement.

Objet Nature des informations

Existence d'un processus Existence de relations formalisées avec les clients,


de veille technologique les foumisseurs, les concurrents, les milieux de la recherche.
Participations aux manifestations scientifiques
Disponibilité de presse spécialisée
Banques de données, revues de brevets.

Existence d'une revue Existence d'un" comité technologie" en charge de faire un bilan
périodique des projets périodique de la recherche
technologiques au niveau
de la direction

Existence de structures Existence d'espaces de "liberté" accordés aux chercheurs,


et d'une organisation structures souples (skunks) plus ou moins codifiées
favorables à la recherche (intrapreneurs) .
et développement Existence de structures interentreprises plus ou moins
formalisées (de la coordination à l'association)

Figure 8-21 Informations nécessaires à l'auditeur:


audit d'identification des techniques émergentes
(Source: notamment P. Dussauge el B. Ramanantsoa. Technologie et stratégie
d'entreprise, McGraw-Hill, 1987).
246 L'audit stratégique

C. Audit de la gestion des compétences relatives aux technologies


émergentes

Objet Nature des informations

Existence d'un processus de Prise en compte de l'innovation technologique dans les carrières
suivi de formation à la veille (avantages pécuniaires ou non, promotions).
technologique et aux nouvelles Indicateurs de mesures d'investissement en formation continue
technologies technologique
Indicateurs de mesure des participations à des rencontres
à contenu technologique
Perception de cette gestion des compétences par les personnels
intéressés (entretiens)

Figure 8·22 Informations nécessaires à l'auditeur:


audit de la gestion des compétences technologiques.

L'auditeur s'efforcera d'apprécier ici le contenu et les retombées de la po-


litique de gestion des compétences technologiques ((f figure 8-22).

• Synthèse, risques, recommandations


Le traitement des ressources technologiques est fortement dépendant du sec-
teur d'activité de chaque entreprise. Dans ces conditions, une approche
monolithique du problème n'aurait aucun sens. Bien plus, le débat entre les
tenants de « l'avantage à l'attaquant» et ceux de l'avantage aux « suiveurs
technologiques» prouve, s'il en était besoin, qu'il n'existe pas, là non plus,
de « voie royale» faisant l'objet d'un consensus minimal.
Pour autant, dans de nombreux secteurs, l'enjeu technologique est incon-
testable. L'entreprise devra s'assurer qu'elle investit en la matière avec une
efficacité et une efficience au moins comparables à celles des leaders du
marché. L'auditeur aura aussi intérêt à vérifier que les moyens humains sont
disponibles, correctement formés et surtout qu'ils opèrent dans un contexte
structurel favorable.
Conclusion

Rare dans les années 70, la littérature relative à la stratégie d'entreprise est
aujourd'hui particulièrement abondante à un moment où, de façon para-
doxale, certains n'hésitent pas à parler de crise à son propos. Il en va bien
différemment dans les domaines du contrôle et de l'audit de cette stratégie
qui sont pourtant inséparables de celui de la formulation. Là, c'est la rareté
qui aujourd'hui encore l'emporte, même si cette situation est peut-être en
train de se modifier.
Il est vrai que la notion d'audit reste floue pour beaucoup de gestionnaires
dès lors que l'on s'éloigne des domaines traditionnels d'application de cette
méthodologie. Beaucoup de responsables ont le plus grand mal à distinguer
entre une action de conseil classique, une démarche de contrôle de gestion
ou une mission d'audit.
Notre objectif était déjà de clarifier une fois de plus ces différentes appro-
ches avant de se consacrer plus spécifiquement à celle de l'auditeur. Méfions
nous malgré tout du dogmatisme: l'auditeur est là pour résoudre un objectif
qui est de s'assurer, dans le cas présent, que la stratégie d'une organisation
est sous contrôle et c'est cette finalité qui doit nous guider tout en carac-
térisant l'importance de la mission.
On admettra sans peine que notre démarche était ambitieuse et donc néces-
sairement critiquable: la multiplicité des approches de la stratégie condam-
nait naturellement à une vision partielle de la méthodologie d'audit pouvant
248 L'audit stratégique

lui être appliquée. La seule justification de l'auteur tient dans le sentiment


de la nécessité à côté duquel l'imperfection méthodologique perdait de son
importance. Ne doutons pas que d'autres approches viendront ensuite pré-
ciser ce travail et corriger ses imperfections les plus critiquables.
Aujourd'hui, nous souhaitons seulement nous replacer dans quelques-unes
des situations que nous évoquions initialement:
- pensons par exemple à ce responsable de grande entreprise soucieux de
l'efficacité de ses filiales ou de ses divisions ayant fait l'objet d'une
véritable délégation stratégique;
- imaginons les inquiétudes de cet autre responsable qui doit prendre le
contrôle d'un concurrent dans un délai maximal de quelques semaines;
- observons tout simplement ce chef d'entreprise, grande ou petite, qui sou-
haiterait un avis extérieur synthétique sur \' état stratégique de son orga-
nisation.
Voilà quelques exemples simples pour lesquels nous avons la faiblesse de
croire que la démarche décrite ici apportera des solutions acceptables. Si tel
devait être le cas, l'audit stratégique aurait probablement un avenir impor-
tant.
Au vu de cet exposé, même volontairement ciblé sur \' essentiel, le lecteur
pourra aussi penser que \' économie de temps et de moyen s associée à cette
approche n'est peut-être pas évidente. Ce serait compter sans la caractéris-
tique clé de cette procédure qui veut que \' audit s'appuie sur des dysfonc-
tionnements repérés, eux-mêmes sources de risques sérieux. En pratique et
dans la majorité des cas, une partie seulement des développements que nous
avons décrits sera utile au traitement d'un cas réel. Nous avons ainsi eu
l'occasion, dans une situation de PME, d'être confronté à un audit straté-
gique qui n'avait eu à considérer qu'un processus critique défaillant et qui
avait permis une avancée importante en quelques jours de travail, ce qui
aurait été impensable dans une démarche de diagnostic classique.
Un dernier avantage mérite d'être rappelé: il est dans la nature de l'audit
de correspondre à une démarche participative. L'appliquer à la stratégie,
c'est favoriser une certaine appropriation de celle-ci par \' ensemble des ac-
teurs de l'entreprise. Dans une société où l'élévation des connaissances est
devenue la règle, l'approche se trouve confortée sinon même incontournable.
Elle devrait conduire à des progrès importants tant dans l'élaboration que
dans la mise en œuvre de cette stratégie.
-
Photocomposition et impression

31240 L'UNION (Toulouse)


Tél. 05 61 3764 70
Dépôt légal: décembre 1999
Imprimé en France

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