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11.

Le paradigme religieux
du handicap au Moyen Âge
Bibliographie
• Henri-Jacques STIKER, Corps infirmes et sociétés. Essais d’anthropologie historique, Paris,
Dunod, 32005, p. 21-34. Edward WHEATLEY, Stumbling blocks before the blind : medieval
constructions of a disability, Ann Arbor, University of Michigan Press, 2010
(Corporealities).
• Anna RUSSAKOFF, « Miracles de la Vierge et handicap au XIIIe siècle », dans Franck COLLARD
(dir.), Handicaps et sociétés dans l’histoire : L’estropié, l’aveugle et le paralytique de
l’Antiquité aux temps modernes, Paris, L’Harmattan, 2010, p. 129-144.
• Irina METZLER, Disability in medieval Europe : thinking about physical impairment during
the high Middle Ages, c.1100-1400, London, Routledge, 2006, p. 126-186.
• Klaus-Peter HORN, « Überleben in der Familie – Heilung durch Gott. Körperlich
beeinträchtigte Menschen in den Mirakelberichten des 9. und 10. Jahrhunderts », dans
Cordula NOLTE (dir.), Homo debilis : Behinderte – Kranke – Versehrte in der Gesellschaft des
Mittelalters, Korb, Didymos-Verlag, 2009, p. 303-316.
• Pierre-André SIGAL, « Maladie, pèlerinage et guérison au XIIe siècle. Les miracles de saint
Gibrien à Reims », Annales 24, 1969, p. 1522-1539
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ahess_0395-
2649_1969_num_24_6_422186).
• Ludwig SCHMUGGE, « Klerus – wieviel Normabweichung darf sein ? », in: Bianca
Frohne, Uta Halle, Sonja Kerth, Cordula NOLTE (dir.), Disability History der
Vormoderne. Ein Handbuch / Premodern Dis/ability History. A Companion,
Affalterbach, Didymos-Verlag, 2017, p. 268-271.
• Didier LETT, Famille et parenté dans l’Occident médiéval, Paris, Hachette, 2000
• Danièle ALEXANDRE-BIDON, Didier LETT, Les enfants au Moyen Âge, Paris, Hachette
(La vie quotidienne), 1998².
• John E. BOSWELL, The Kindness of Strangers: the abandonment of children in
Western Europe from the Late Antiquity to the Renaissance, New York, Pantheon
Books, 1988.
• Y.-B. BRISSAUD, « L'infanticide à la fin du Moyen Âge, ses motivations
psychologiques et sa répression », Revue historique de droit français et étranger,
50 (1972), 229-56.
• Irina METZLER, “Responses to Physical Impairment in Medieval Europe : Between
Magic and Medicine”, Medizin, Gesellschaft und Geschichte 18, 1999, p. 9-35.
• Deborah Mark, citée par I. Metzler, Disability in medieval
Europe, p. 13 : « Au Moyen Âge, les personnes handicapées
étaient sujettes à un grand nombre d’idées superstitieuses, ce
qui conduisait à leur persécution. On croyait que l’infirmité
était le résultat d’un jugement divin, et par conséquent une
punition pour le péché. L’Église autorisait le mauvais
traitement des personnes handicapées… Pendant le Moyen
Âge, le handicap était associé au mal et à la sorcellerie. »
• Le « handicap »: pas une catégorie médiévale
• Au MA: pas de « personnes handicapées »,
mais des « sourds », des « aveugles », des
« paralytiques ».
• Fin XXe s., on applique à l’histoire les
questionnements des disability studies →
disability history.
I. La déficience, signe du péché ?

1. Déficience et malveillance divine


L’exposition dans l’Antiquité païenne: « si le
résultat est bien la mort, la signification de
l’exposition n’a rien à voir avec l’exécution de ces
enfants. Les exposer, c’est les remettre aux
dieux » (H.-J. Stiker)
I. La déficience, signe du péché ?

1. Déficience et malveillance divine


2. Le discours chrétien sur la déficience comme
punition du péché
a. Les péchés des handicapés
– Les textes bibliques
• Jean 9, 1-7 (Jésus guérit un aveugle de naissance) : En chemin, Jésus vit un
homme qui était aveugle depuis sa naissance. 2 Ses disciples lui
demandèrent : « Maître, pourquoi cet homme est-il né aveugle : à cause
de son péché, ou à cause du péché de ses parents ? » 3 Jésus répondit :
« Ce n’est ni à cause de son péché, ni à cause du péché de ses parents. Il
est aveugle pour que l’œuvre de Dieu puisse se manifester en lui. 4
Pendant qu’il fait jour, nous devons accomplir les œuvres de celui qui m’a
envoyé. La nuit s’approche, où personne ne peut travailler. 5 Pendant que
je suis dans le monde, je suis la lumière du monde. » 6 Après avoir dit ces
mots, Jésus cracha par terre et fit un peu de boue avec sa salive ; il frotta
les yeux de l’aveugle avec cette boue 7 et lui dit : « Va te laver la figure à la
piscine de Siloé ». – Ce nom signifie « Envoyé ». – L’aveugle y alla, se lava
la figure et, quand il revint, il voyait !
• Genèse 19, 9-11 [Loth échappe à la destruction de Sodome] : Ils [les
hommes de Sodome] bousculèrent Loth avec violence et s’approchèrent de
la porte pour l’enfoncer. 10 Alors les deux anges empoignèrent Loth, le
ramenèrent à l’intérieur et refermèrent la porte. 11 Quant aux hommes qui
se trouvaient devant l’entrée de la maison, ils les frappèrent tous
d’aveuglement du plus petit jusqu’au plus grand, si bien qu’ils ne pouvaient
plus trouver la porte.

• Exode 4, 10-11 [Dieu demande à Moïse de convaincre les Israélites que, lui,
Dieu, est leur dieu] : Moïse dit au Seigneur : « Ce n’est pas possible,
Seigneur, je n’ai pas la parole facile. Je ne l’ai jamais eue, et je ne l’ai pas
davantage depuis que tu me parles. J’ai beaucoup trop de peine à
m’exprimer. » 11 Le Seigneur lui rétorqua : « Qui a donné une bouche à
l’homme ? Qui peut le rendre muet ou sourd, voyant ou aveugle ? N’est-ce
pas moi, le Seigneur ? (…) ».
• Lévitique 19, 14 : N’insultez pas un sourd, et ne mettez pas d’obstacle devant un
aveugle. Montrez par votre comportement que vous me respectez. Je suis le
Seigneur votre Dieu.
• Lévitique 21, 17-20 (cas d’empêchement au sacerdoce) : Le Seigneur dit à Moïse de
communiquer à Aaron les prescriptions suivantes : « Dans les générations à venir,
aucun de tes descendants atteint d’un défaut physique ne sera autorisé à
s’approcher de l’autel pour m’y offrir ma nourriture. 18 Aucun infirme n’est admis à
ce service, que ce soit un aveugle, un boiteux, un homme défiguré ou difforme, un
homme atteint d’une fracture de la jambe ou du bras, un bossu ou un gringalet, un
homme affligé d’une tache à l’œil, un homme souffrant d’une maladie de la peau, ou
encore un eunuque. (…) À cause de son infirmité, les tâches habituelles du prêtre lui
sont interdites.
• Deutéronome 28, 27 (Menaces de malheur à ceux qui n’obéiront pas à Dieu) : Le
Seigneur vous enverra des furoncles, comme aux Égyptiens, il vous fera souffrir
d’hémorroïdes, de gale, de pustules inguérissables. Il vous frappera de folie,
d’aveuglement et de délire. 29 En plein midi, vous avancerez en tâtonnant, comme
des aveugles (…).

• 1 Samuel 4, 14-18 : Héli entendit ces cris et demanda ce que cela signifiait ;
l’homme lui dit : « je viens d’arriver du combat. Je me suis enfui aujourd’hui
même. ». – « Que s’est-il passé, mon garçon ? » demanda Héli. 17 « Les Israélites
ont pris la fuite devant les Philistins, répondit le messager ; ce fut une lourde
défaite pour notre armée. De plus, tes deux fils, Hofni et Pinhas, sont morts, et le
coffre sacré de Dieu a été emporté par les Philistins. » 18 Au moment où le
messager mentionna le coffre sacré, Héli, qui était sur son siège, tomba a la
renverse en travers de la porte du sanctuaire ; il se brisa la nuque et mourut, car il
était lourd et âgé. Il avait été à la tête du peuple d’Israël pendant quarante ans.

• 2 Samuel 4, 4 : D’autre part Jonatan, lui aussi fils de Saül, avait laissé un fils,
Mefibaal, qui était estropié des deux jambes. Mefibaal avait cinq ans lorsque arriva
de Jizréel la nouvelle de la mort de Saül et de Jonatan ; sa nourrice voulut le
prendre pour fuir, mais dans sa hâte, elle le laissa tomber et l’enfant en demeura
estropié.
• 2 Chroniques 16, 12-13 (fin du règne d’Asa) : Durant la trente-neuvième année de
son règne, Asa fut atteint d’une très grave maladie des pieds, mais au lieu de
rechercher le secours du Seigneur, il consulta des médecins. Lorsqu’Asa mourut,
durant la quarante et unième année de son règne, on l’enterra dans un des
tombeaux qu’il avait fait creuser dans la Cité de David (…).

• Zacharie 11, 17 :
Malheur au berger insensé
qui abandonne son troupeau !
Que la guerre détruise
la vigueur de ses bras
et la vivacité de ses yeux :
que son bras soit paralysé,
que son œil droit perde la vue !
I. La déficience, signe du péché ?

1. Déficience et malveillance divine


2. Le discours chrétien sur la déficience comme
punition du péché
a. Les péchés des handicapés
– Les textes bibliques
– Les textes des théologiens du Moyen Âge
• Bède le Vénérable, (672/3-735)
• IVe concile du Latran, 1215 : canon 22, « Cum infirmitas » :
« puisque parfois l’infirmité physique est causée par le péché ».

– Textes littéraires :
S'il est bossu ou s'il est borgne
boiteus, contrefait ou calorgne
Et toy ou nul autre l'encontre
l'en juge que c'est un droit monstre
et de veoir male adventure.
Et si tesmoigna l'Escripture
Que homs de membre contrefais
Est en sa pensée meffais
plains de pechiez et plain de vices.
Eustache Deschamps, Oeuvres complètes, t. IX, p. 81:
I. La déficience, signe du péché ?

1. Déficience et malveillance divine


2. Le discours chrétien sur la déficience comme
punition du péché
a. Les péchés des handicapés
– Les textes bibliques
– Les textes des théologiens du Moyen Âge
– Les textes littéraires
b. La déficience comme conséquence des péchés des
parents
• Texte attribué à saint Jérôme au Moyen Âge :
« [pendant les règles] les hommes doivent s’abstenir
des femmes parce que seront conçus des [enfants]
privés de membres, des aveugles, des boiteux, des
lépreux, afin que les parents n’ayant pas rougi de s’unir
dans la chambre conjugale, leurs péchés soient
manifestes à tous et dénoncés dans leurs petits ».
• Les huit sortes de turpitudes ; la 2e : « La deuxième
sorte est quand les hommes s’approchent des femmes
qui ont leurs règles : à propos de cette sorte, Ambroise
dit que les maris doivent éviter leurs femmes qui ont
leurs règles parce que [d’une telle union] sont
engendrés des enfants lépreux ou qui naissent avec des
démons (sont possédés) ou qui ont de l’eau dans le
corps, ou des taches sur le visage ou sont lunatiques ou
de nature colérique. »
Enfants déformés, XIVe s.
Yale, Beinecke Library, Ms. 404.
Source: John E. Boswell, op. cit., planches.
I. La déficience, signe du péché ?

1. Déficience et malveillance divine


2. Le discours chrétien sur la déficience comme punition
du péché
3. Déficience physique et condition humaine
a. La déficience ou l’humanité par excellence
b. La déficience physique comme chance
– Thérèse de Carthagène, Arboleda de los enfermos (bosquet
des infirmes).
I. La déficience, signe du péché ?

1. Déficience et malveillance divine


2. Le discours chrétien sur la déficience comme punition
du péché
3. Déficience physique et condition humaine
4. Discrimination et intégration des personnes
handicapées dans le clergé
a. Ordination et handicap : Discriminations fondées par les
textes bibliques
• Lévitique 21, 17-20 (cas d’empêchement au
sacerdoce) : Le Seigneur dit à Moïse de communiquer à
Aaron les prescriptions suivantes : « Dans les
générations à venir, aucun de tes descendants atteint
d’un défaut physique ne sera autorisé à s’approcher de
l’autel pour m’y offrir ma nourriture. 18 Aucun infirme
n’est admis à ce service, que ce soit un aveugle, un
boiteux, un homme défiguré ou difforme, un homme
atteint d’une fracture de la jambe ou du bras, un bossu
ou un gringalet, un homme affligé d’une tache à l’œil,
un homme souffrant d’une maladie de la peau, ou
encore un eunuque. (…) À cause de son infirmité, les
tâches habituelles du prêtre lui sont interdites. »
I. La déficience, signe du péché ?

1. Déficience et malveillance divine


2. Le discours chrétien sur la déficience comme punition
du péché
3. Déficience physique et condition humaine
4. Discrimination et intégration des personnes
handicapées dans le discours religieux
a. Ordination et handicap : Discriminations fondées par les
textes bibliques
b. Des pratiques plus intégratives
• Constitutions apostoliques, IVe-Ve s. (ca. 350-400), sur
les évêques : « ça n’est pas un défaut du corps qui peut
le souiller, mais la pollution de l’âme ».
• Décret de Gratien, v. 1140 (d’après lettre de Gélase,
494) : « personne ne doit ordonner les illettrés ni ceux
qui sont touchés dans quelque partie de leur corps
(imminutos), de même ceux qui sont castrés. »
• Rufinus (canoniste), vers 1164
• Simon de Bisignano (canoniste), fin XIIe s.
• Sixte IV (1471-1484) : commission de 3 évêques.
• Nicasius Voerda, aveugle de naissance : étudiant à
Louvain 1459, docteur en droit canon à Cologne 1489
I. La déficience, signe du péché ?

1. Déficience et malveillance divine


2. Le discours chrétien sur la déficience comme punition
du péché
3. Déficience physique et condition humaine
4. Discrimination et intégration des personnes
handicapées dans le discours religieux
a. Ordination et handicap : Discriminations fondées par les
textes bibliques
b. Des pratiques plus intégratives
c. Les aumônes pour les infirmes
Saint Martin partageant son
manteau avec un pauvre
Maître de Sierentz (école de Konrad Witz),
vers 1445-1450.
Bâle, Kunstmuseum
Saint Cloud fait l’aumône à des
infirmes.
Vincent de Beauvais, Miroir Historial,
1463.
Paris, BnF, ms fr 51, fol. 430.

Un riche fait l’aumône à des


pauvres
Valère Maxime, Faits et dits
mémorables, XIVe s.
Paris, BnF, ms fr 0282, fol. 173

Philippe Lorentz, Dany Sandron, Atlas de Paris au Moyen Âge : espace urbain, habitat, société, religion, lieux de pouvoir, Paris, Parigramme,
2006.
II. Handicap et miracle

1. Les sources hagiographiques et l’histoire des


handicaps
a. Quelle utilité ?
b. Les grands types hagiographiques
– Vies de saints (ex.: La Légende dorée)
– Procès en canonisation
– Livres des miracles
c. Les saints spécialisés
– Saint Gilles (estropiés, lépreux)
– Saint Gilbert de Sempringham (ca. 183-1189)
– Saint Antoine (mal des ardents)
Saint-Antoine, patron des
Antonins
Gravure sur bois, XVe s.
Extrait de : Élisabeth Clementz, Les
Antonins d'Issenheim. Essor et dérive
d'une vocation hospitalière à la lumière
du temporel, Strasbourg, 1998.
26 Cliquez ici pour modifier le titre de votre Université de
Strasbourg
II. Handicap et miracle

1. Les sources hagiographiques et l’histoire des


handicaps
2. Les types de guérison miraculeuse
Guérison d’un boiteux
Guillaume de Saint-Pathus,
Les miracles de saint Louis,
fin XVe s.
Paris, BnF, ms fr 2829
EXTRAIT DE LA LÉGENDE DORÉE : SAINT AUGUSTIN

Vers l’an du Seigneur 912, des hommes gravement malades, au nombre de quarante au moins,
avaient quitté la Germanie et la Gaule pour visiter le tombeau des apôtres à Rome. Les uns, tout
tordus, se déplaçaient à terre à l’aide d’escabeaux, certains se soutenaient sur leurs bâtons, des
aveugles se traînaient à l’arrière, d’autres avaient les bras et les pieds contractés. Ils passèrent les
montagnes et arrivèrent à un lieu nommé Aiguebelle. Ils étaient presque arrivés à Canarozzo, à trois
milles de Pavie, quand saint Augustin, revêtu de ses insignes pontificaux, sortit d’une église dédiée
aux saints Côme et Damien, apparut à la troupe et la salua en demandant où elle allait. On le lui dit,
et il ajouta : « Allez à Pavie, demandez le chemin du monastère de saint Pierre qui s’appelle Ciel-d’or,
et vous y trouverez la miséricorde que vous demandez. » Comme ils lui demandaient son nom, il dit :
« Je suis Augustin, autrefois évêque de la cité d’Hippone. » Puis il disparut soudain de leur vue, et ils
allèrent à Pavie. Ils parvinrent au monastère et apprirent que le corps de saint Augustin y reposait. Ils
se mirent alors à élever la voix, et à crier tous ensemble : « Saint Augustin, aide-nous ! » Ces clameurs
attirèrent les habitants de la ville et les moines, qui accoururent à ce spectacle extraordinaire. Ils
virent que leurs tendons se distendaient en provoquant de grandes pertes de sang, de sorte que
toute la terre en semblait couverte, depuis l’entrée du monastère jusqu’à la tombe de saint Augustin.
En arrivant au tombeau de saint Augustin, ils furent tous guéris, exactement comme si leurs corps
n’avaient jamais porté aucune lésion. Depuis ce jour, la renommée de saint Augustin se mit à croître
et les foules de malades à affluer devant son tombeau; tous ceux qui repartaient sains et saufs
laissaient des gages de leur guérison, lesquels furent bientôt si nombreux que tout l’oratoire de saint
Augustin et le portique en furent remplis, au point que les allées et venues en étaient
considérablement gênées. Aussi les moines, poussés par la nécessité, les firent-ils enlever.

JACQUES DE VORAGINE, La légende dorée, trad. du latin et éd. dirigées par Alain BOUREAU, Paris, Gallimard
(Bibliothèque de la Pléiade), 2004, p. 701.
III. Etude d’un cas particulier :
l’infanticide et le handicap
1. L’infanticide dans l’Occident chrétien
a. l’expositio dans l’Antiquité
b. Infanticide et naissance illégitime
• Hôpital du Saint-Esprit
Pécheresses noyant leurs enfants
dans le Tibre à Rome.
Fondation de l’hôpital du Saint-Esprit
de Dijon en images.
Dijon - A. h. - A H 4, fol. 7 (1450-1460)
http://www.culture.gouv.fr/public/mistral/enlumine_fr
Pêcheur ne prenant que des petits
enfants dans son filet

Fondation de l’hôpital du Saint-Esprit


de Dijon en images.

Dijon - A. h. - A H 4, fol. 10 (1450-1460)


http://www.culture.gouv.fr/public/mistral/enlumine_fr
III. Etude d’un cas particulier :
handicap et infanticide
1. L’infanticide dans l’Occident chrétien
a. l’expositio dans l’Antiquité
b. Infanticide et naissance illégitime
• Hôpital du Saint-Esprit
• Pierre Dubuis : « Enfants refusés (XIVe-XVe siècles) », in idem
(éd.), Dans les Alpes au Moyen Âge : douze coups d'œil sur le
Valais, Lausanne, Éditions d'en Bas, 1997, p. 61-78.
2. Le discours de l’Eglise sur l’infanticide d’enfants handicapés
a. Les lois scandinaves, vestiges du paganisme et leur évolution
avec la conversion au christianisme
• Juha Pentikainen, « Child Abandonment as an Indicator of
Christianization in the Nordic Countries », in Old Norse and
Finnish Religions and Cultic Place-Names, ed. Tore Ahlback, Abo,
Donner Institute for Research in Religious and Cultural History,
1990, p. 72-91.
• Loi norvégienne du roi saint Olaf (+ 1030) : interdiction
d’exposer un enfant, « sauf s’il est né difforme de telle
sorte que son visage est tourné là où l’arrière du cou
devrait être, ou que les doigts de pied sont là où les
talons devraient être. Un tel enfant doit être amené
dans l’église et converti du paganisme et placé dans
l’église et laissé là pour y mourir. » (den ældre
Gulathings-Lov)
• Magnus (fils d’Olaf, 1035-1047): « tout enfant né dans
notre pays doit être nourri ».
• loi islandaise du XIIe s. : « que tout enfant soit amené à
l’église pour y être baptisé à la première occasion,
quelle que soit la difformité qu’il puisse avoir ».
III. Etude d’un cas particulier :
handicap et infanticide
2. Le discours de l’Eglise sur l’infanticide
d’enfants handicapés
a. Les lois scandinaves, vestiges du paganisme et
leur évolution avec la conversion au christianisme
b. L’intégration dans l’Eglise des enfants
déficients
• L’amour des parents pour leur enfant
handicapé
Grégoire de Tours († 594) sur une femme berrichonne qui a mis au
monde un monstre :

« Comme c’était pour beaucoup un sujet de


moquerie de l’apercevoir, et qu’on demandait à la
mère comment un tel enfant pouvait être né d’elle,
elle confessait en pleurant qu’il avait été procréé
pendant une nuit de dimanche. Et n’osant le tuer,
comme les mères ont coutume de le faire, elle
l’élevait de même que s’il eût été conforme ».

Danièle Alexandre-Bidon, Didier Lett: Les enfants au Moyen Age : Ve - XVe siècles,
Paris, Hachette, (La vie quotidienne), 1998, p. 26.
Jacques de Vitry (vers 1160-1240)

« Comme une mère souffre beaucoup à cause


de (ou : pour) son nouveau-né si le petit n’a
pas tous ses membres, de même la mère
Église souffre quand l’âme du défunt, comme
mutilée, est dépourvue des sacrements qui
sont nécessaires pour accéder au Salut ».
Sicut autem nato puero mater ualde dolet si paruulus omnia
membra non habeat, ita dolet mater ecclesia quando anima defuncti uelut
mutilata caret sacramentis que necessaria sunt ad salutem.
III. Etude d’un cas particulier :
handicap et infanticide
2. Le discours de l’Eglise sur l’infanticide d’enfants handicapés
a. Les lois scandinaves, vestiges du paganisme et leur évolution avec la
conversion au christianisme
b. L’intégration dans l’Eglise des enfants déficients
• L’amour des parents pour leur enfant handicapé
• Le baptême des enfants handicapés
• Césaire de Heisterbach (vers 1180-après 1240), Dialogus
miraculorum, livre 10, ch. 42: De puero monstruoso post baptismum
sanato : raconte comment un certain Gottfried, maître des novices de
son monastère, baptisa un enfant “du côté duquel pendait une chair
de façon horrible”; mais lorsqu’il sortit l’enfant après l’avoir plongé
trois fois dans l’eau au nom de la sainte Trinité, il n’y avait plus rien de
monstrueux: ceux qui étaient présents, voyant ça, glorifièrent Dieu, et
prêchèrent partout la force du baptême.”
Item, le 6e jour du mois de juin audit an 1429, furent nées à
Aubervilliers deux enfants qui étaient proprement, ainsi
comme cette figure est, car pour vrai je les vis et les tins entre
mes mains, et avaient, comme vous voyez, deux têtes, quatre
bras, deux cous, quatre jambes, quatre pieds, et n’avaient
qu’un ventre et qu’un nombril, deux têtes, deux dos. Et furent
christianées, et furent trois jours sur terre pour voir la grande
merveille au peuple de Paris ; et pour vrai, du peuple de Paris
y fut les voir plus de dix mille personnes, hommes que
femmes, et par la grâce de Notre Seigneur la mère en délivra
saine et sauve. Elles furent nées environ sept heures au matin,
et furent christianées en la paroisse Saint-Christophe, et la
dextre fut nommée Agnès, la senestre Jeanne, leur père Jean
Discret, la mère Gillette, et vécurent après le baptême une
heure.
Colette Beaune (éd.): Journal d'un bourgeois de Paris de 1405 à
1449, Paris, Librairie Générale Française, 1990, p. 259-260.

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