TE HNIQUE

Expansion : les spécificités

de l'eau chaude sanitaire
solaire
Serge GROSSI*
En solaire, le dimensionnement de
l'installation d'eau chaude sanitaire
requiert des modes de calcul
et des adaptations particuliers ;
les méthodes d'autres sources
d'énergie ne sont pas directement
transposables du fait
de phénomènes propres
de dilatation et de pression.
Voici l'exemple d'un complexe
d'habitat collectif rénové.
Son réseau d'eau chaude sanitaire
utilise l'énergie solaire.
Ce chantier présente les étapes
du cheminement et des contraintes
menant à une installation
qualitative et fiable.

À
l'occasion de la rénovation des
200 logements collectifs gérés par
Paris-Habitat (nouvelle identité de
l'OPAC) au 30-40, rue Rébeval,
dans le 19ème arrondissement de
Paris, le maître d'ouvrage a choisi d'ins-
taller des capteurs solaires thermiques
pour produire de l'eau chaude sanitaire.
Ce projet faisait partie d'un plan d'études
préalables d'ensemble de grande enver-
gure sur les nombreux bâtiments à réha-
biliter dans la capitale. Ces recherches
portaient sur la faisabilité d'un change-
ment d'énergie, avec calculs prévisionnels
de retour sur investissement. La société
d'installation CRAM Ile-de-France et le
bureau d'études technique TCEP furent
sélectionnés. Ils établirent les notes de
calcul et les plans d'installation.
Site de Rébeval - Paris 19ème arrondissement.
Rénovation et choix solaire :
où placer les équipements ?
Les bases du projet étaient posées :
● un environnement incitatif par la grande
hauteur de l'immeuble ;
● le choix de la source solaire thermi-
que ;
● le besoin à satisfaire : la production
d'eau chaude sanitaire ;
● un contexte de rénovation ;
● une application en logements collectifs.
Les premières difficultés apparurent à la
prise en considération de la taille de l'ins-
tallation. L'approche, en solaire, corres-
pond à un regard et à des besoins
différents (figure 1). De plus, dans le cas
d'une rénovation, l'adaptation au contexte
existant est incontournable : le bâti, les
locaux et les habitants ne peuvent en
aucun cas être modifiés ou perturbés.
Ici, la toiture devait pouvoir accepter, tant
en surface, qu'en poids, tous les élé-
ments constitutifs de l'installation. Soit :
300 m2 de panneaux solaires, 5 ballons
de stockage d'ECS d'une contenance
de 3 000 l chacun, totalisant donc
15 000 l - tout simplement 15 t d'eau
hors ballons et vases d'expansion - et
3 vases d'expansion.
De plus, les raccordements aux habita-
tions devaient s'intégrer avec efficacité et
sans gêne.
*Société Pneumatex.

66 CHAUD ● FROID ● PLOMBERIE ● N°717 - Novembre 2008

 Expansion : les spécificités de l'eau chaude sanitaire solaire TE HNIQUE

Orienter convenablement 300 m2 de cap-

teurs solaires sur une toiture existante a
déjà représenté quelques contraintes de
faisabilité.
Aussi, il a été décidé de ne laisser que les
capteurs en toiture-terrasse ; les élé-
ments lourds et volumineux, ballons de
stockage et système d'expansion,
seraient posés en local technique. Mais
ici aussi, il a fallu composer avec l'exiguïté
de ce volume.

Dimensionnement : comment
maintenir la pression ?
Placer 15 000 l de stockage ECS en locaux
techniques provoque une forte contrainte.
Les installations solaires demandent, de
surcroît, une attention particulière quant au
maintien de la pression. Dans cette confi-
guration, le calcul de dimensionnement
met en évidence l'inadaptation d'une solu-
tion classique pour maintenir la pression
dans une installation solaire.
En effet, un circuit solaire connaît d'impor-
tants écarts de température entre le jour
et la nuit, engendrant ainsi de fortes varia-
tions de dilatation. La présence de glycol
les augmente grandement. Le risque de
surchauffe - et le passage en phase
vapeur - est aussi à prendre en compte
dans le calcul. Le seul et unique organe
capable d'absorber la dilatation et de
maintenir la pression est le vase d'ex-
pansion : c'est son rôle au cœur de l'ins-
tallation.
Panneaux solaires en toiture.
En solaire, cette fonction est primordiale car
le point haut de l'installation est le capteur,
c'est-à-dire le générateur de chaleur ; si la
pression en point haut n'est pas correcte,
le rendement du capteur va chuter.
En cas d'installation des systèmes en
toiture-terrasse, pressions et calculs dif-
Comment remplacer 3 vases d’expansion de 1000 l
par un vase de 500 l avec un compresseur ?
300 m2 de capteurs
Surface
Soit 130 capteurs de 2,32 m2
Vk : 322 litres au total
2,48 litres par capteur
Volume
Va : 2 200 litres (installation, y compris capteurs)
Pourcentage de glycol : 30 %
fèrent, les démarches ne peuvent donc
pas être systématisées.
Philippe BAUDUIN, directeur du bureau
d'études TCEP, face à cette double pro-
blématique, espace réduit et forte pres-
sion, s'est appuyé sur les compétences
de PNEUMATEX pour ajuster les besoins
Selon la norme
EN 12977-1, prévoir
une majoration
de 10 %

Tmax : température maximale 110 °C ; > 3 vases d'expansion

Hst : hauteur statique 36 m ; d'une capacité de
PSV : tarage de la soupape 6 bar ; 1000 l chacun théori-
Températures e : dilatation de l'eau glycolée à 30 % et à 110 °C : quement nécessaires
& pression 60 l/m3 : > 1 groupe de maintien
Ve : volume de dilatation Va. e = 132 l de pression choisi :
Vv : volume de réserve Va. 0,5 % = 11 l - 1 compresseur 6 bar
Vn : volume net Ve + Vv + (Vk + 10 %) = 497,2 l - 1 vase de 500 l

Figure 1. Schéma d'une installation

type en ECS sanitaire. Tableau 1. Ce choix technique offre un gain de place et une plus grande efficacité.

déterminés par les calculs et bénéficier

Fiche technique d’une préconisation adaptée.
Les premiers calculs mènent à la configu-
Le Compresso : maintenir la pression à +/- 0,1 bar ration évoquée dans le tableau 1.
Ce calcul déterminait la mise en place de
Le matériel Compresso exploité sur ce chantier de rénovation du 3 vases d'expansion. S'il avait été pos-
réseau d'ECS assure un maintien de pression de l'ordre sible de positionner l'installation com-
+/- 0,1 bar. plète en terrasse, avec des volumes plus
Disponibles pour des volumes nominaux de 200 à 5 000 l (sous faibles, des vases d'expansion classi-
6 bar de 200 à 800 l et sous 6-10 bar de 300 à 5 000 l), les vases ques auraient peut-être pu être conseil-
s'utilisent avec la régulation TecBox. Celle-ci assure la surveil- lés. Ici, cette approche est rejetée : il
lance d'appoint d'eau, supporte une température de départ de faut trouver une solution moins encom-
110 °C, et pilote un ou deux compresseurs. Cet équipement brante et plus performante. Ensemble,
convient pour des installations d'une puissance maximale de bureau d'études et fabricant ont construit
13 MW. la juste solution : le maintien de pres-
sion.
●●●

CHAUD ● FROID ● PLOMBERIE ● N°717 - Novembre 2008 67

TE HNIQUE Expansion : les spécificités de l'eau chaude sanitaire solaire
Le choix du maintien
de pression
Qu'est-ce que le maintien de pression ?
Le système de maintien de pression se
substitue au vase d'expansion en aug-
mentant le rendement d'un vase tradition-
nel.
Quand le rendement d'un vase d'expan-
sion classique est de 28 %, celui d'un
système de maintien de pression est de
100 %. Cela veut dire que dans un vase
d'expansion classique de 100 litres, on ne
peut rentrer que 28 litres de fluide ; avec
un système de maintien de pression, du
fait de son rendement de 100 %, il est
possible d'utiliser la capacité totale du
vase : c'est la différence entre un vase à
charge de gaz fixe (vase statique) et un
vase à pression constante.
De ce fait, dans le cas d'une installation
constituée de 400 m2 de capteurs et de
2 000 l de réseau, le volume de vase
nécessaire serait de 1 735,71 l ; celui
d'un système de maintien de pression
de 500 l.
Le fonctionnement est totalement dis-
tinct puisque automatique : le système
inclut un compresseur et une régulation.
Pourquoi le maintien de pression plutôt
que les vases d'expansion traditionnels ?
Système de maintien de pression
“Compresso” de PNEUMATEX.
Tout d'abord, son choix est lié à une
notion de gain. Celui-ci est notable
puisqu'il est double : encombrement
considérablement réduit et économie
réelle. En effet, à Rébeval, d'une hypo-
68 CHAUD ● FROID ● PLOMBERIE ● N°717 - Novembre 2008
thèse de départ à 3 vases d'expansion,
le maintien de pression permet de passer
à un seul vase avec 1 compresseur. Ceci,
tout en améliorant le service rendu du
système (voir l’encadré page précédente).
Le choix est avant tout technique. Ainsi,
dès l'instant où l'installation présentait
des dysfonctionnements liés à la pres-
sion, il était admis que l'eau glycolée
serait déchargée dans des bacs de récu-
pération. Pour éviter les réenclenche-
ments manuels de pompe, nécessités
pour la remise en circulation de liquide
dans le réseau primaire de l'installation
- et par conséquent réduire la sollicitation
de la soupape de sécurité -, le maintien
de pression a été choisi parce qu’il est
capable d'absorber la totalité du volume
des capteurs. Dans ce cas, 1 seul bac de
récupération a suffit au lieu des 8 initia-
lement envisagés : la soupape de sécu-
rité n'est plus utilisée comme organe de
régulation et il n'y a plus d'intervention
manuelle.
Une sécurité d'installation
améliorée
Le maintien de pression procure à l'ins-
tallation un degré de sécurité complé-
mentaire et supérieur. Le réseau solaire
comprend déjà une soupape de sécu-
rité qui protège l'ensemble du système ;
il bénéficie de différents réglages selon les
hauteurs statiques. Cependant, si une
coupure électrique survient et qu'une
montée en pression est détectée, le sys-
tème de maintien de pression réagit :
c'est sa propre soupape air qui va s'ou-
vrir avant celle du réseau. Le maintien
de pression se révèle être une “sur-sécu-
rité”.
Une installation type comporte :
● des capteurs,
● des ballons de stockage,
● un échangeur,
● un système d'expansion,
● des pompes,
● une régulation,
● une chaudière.
Le site de Rébeval a obligé à adapter la
configuration aux spécificités d'une ins-
tallation solaire et au contexte des lieux.
Le choix du maintien de pression en
substitution des vases d'expansion clas-
siques s'impose ici, tant pour des rai-
sons techniques que pratiques.
L'installateur opte pour le schéma d'ins-
tallation représenté sur la figure 2.
L'avis du bureau d'études
Le BET TCEP, spécialiste des fluides,
intervient principalement en Ile-de-France.
Depuis environ 6 à 7 ans, son activité
solaire s'est beaucoup développée. Elle
compte désormais plus d'une centaine
d'études de faisabilité à son actif.
Vue du local technique.
Philippe BAUDUIN rapporte que la solu-
tion n'est pas apparue instantanément,
BET et fabricant ont réfléchi ensemble à
l'optimisation du site et les compétences
mutuelles additionnées ont transformé
ce qui aurait pu être un simple choix pro-
duit en solution adéquate et sur mesure.
“Dans une installation, explique Philippe
BAUDUIN, nous avons besoin de gérer
2 points : la dilatation des fluides dans
les capteurs, ainsi que la pression des
fluides pour l'irrigation. La mise en place
d'un simple vase d'expansion n'est pas
suffisante. En solaire, je propose systéma-
tiquement un groupe de maintien de pres-
sion pour ces 2 raisons : la gestion de
dilatation et la gestion de pression. Nous
connaissons tous des contre-performan-
ces notoires là où ce choix n'a pas été
effectué. Dans le cas particulier de Rébe-
val, cette solution confère aussi un gain
de place. Et c'est un contexte fréquent !”
En solaire, de l'étude de faisabilité à l'ana-
lyse du retour sur investissement, en pas-
sant par le choix des matériels et des
implantations, il serait judicieux qu'une
analyse d'ensemble, concertée, puisse
exister. À savoir :
● Le choix de l'énergie, outre les montants
liés aux capteurs, subventions et crédits
d'impôts, dépend de la quantité de CO2
économisée.
● Aujourd'hui, nous pouvons qualifier les
besoins en ECS du terme de “confort” et,
le seul moyen de maintenir, voire de déve-
lopper ce niveau de confort, donc de
consommer toujours davantage d'électri-
cité, passe par l'utilisation d'énergies renou-
velables. Ce qui implique la maîtrise des
technologies et spécificités qui y sont liées :
le maintien de pression en fait partie.
● Les nouvelles pratiques nous bouscu-
lent et nous devons apprendre à les maî-
triser :
- de nouvelles problématiques telles que
les charges sur toitures et le besoin de
faire appel à des bureaux d'études struc-
tures ;
- de nouveaux coûts obligeant à étudier
précisément faisabilité et mise en œuvre,
TE HNIQUE Expansion : les spécificités de l'eau chaude sanitaire solaire

Ensemble de 305 m2 de 11 batteries de 4 panneaux solaires plans vitrés inclinés à 45 ° et orientés sud (10 ° S-SE)

Canalisations Cu 20 x 22
avec LdR 30 mm + Isoxal

Terrasse

Local technique ECS en sous-sol

Régulateur

Cu 40x42 TSS
Cu 40x42

Cu 40x42

TSA
Cu 40x42

Cu 40x42

Cu 40x42

Cu 40x42

Ballon Ballon Ballon Ballon Ballon Ballon

appoint solaire solaire solaire solaire solaire
500 l
3 000 l 3 000 l 3 000 l 3 000 l 3 000 l

Cu 40x42
TEE
Cu 40x42

Ø 50 Ø 50 Ø 50 Ø 50 Ø 50
Cu 40x42
Cu 40x42

Échangeur
TEF
GRS

Préparateur semi-instantané
Cu 40x42 EF

Figure 2. Schéma d'installation - Document CRAM.

ou à établir les seuils en dessous des- groupes de maintien de pression sont aux professionnels : le Guide de conception
quels le solaire n'est pas encore renta- encore parfois délaissés par méconnais- des installations collectives relatif à la pro-
ble... ; sance et défaut de concertation. duction d'eau chaude sanitaire solaire. Cet
- des techniques non transposables d'une outil aborde les études d'opportunité, de fai-
énergie à une autre : il faut donc oser Pour conclure sabilité et de projet et présente clairement
aller au-delà des habitudes et établir un l'aspect ECS solaire en contexte collectif.
échange entre les acteurs d'un site cumu- À la demande de l'Ademe, ICO (l'associa- Ce document est téléchargeable sur le site
lant expérience, méthodologie et techni- tion d'Ingénierie du Confort et de l'eau) a d'ICO. Un chapitre détaillé et complet est
ques adéquates. À titre d'exemple, les rédigé un document collaboratif destiné réservé à l'expansion. ■

70 CHAUD ● FROID ● PLOMBERIE ● N°717 - Novembre 2008