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Juin 2001

206

Le bégaiement
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Sommaire Juin 2001 N° 206
Rééducation Orthophonique, 2, rue des deux gares, 75010 Paris
Ce numéro a été dirigé par Anne-Marie Simon, orthophoniste

LE BÉGAIEMENT

Editorial 3
Anne-Marie Simon, orthophoniste

1. Le bégaiement : hypothèses actuelles 5


Jean Marvaud, Neuro-psychiatre, Psychanalyste, Bordeaux
2. A propos du bégaiement 21
Jean Marvaud, Neuro-psychiatre, Psychanalyste, Bordeaux
Anne-Marie Simon, Orthophoniste, Bourg-la-Reine
3. Bégaiement acquis : une étude rétrospective 33
John Van Borsel, Praticien à l'Hôpital de l'Université de Gand, Belgique
4. Synthèse de l'étude récente de E. Yairi sur les facteurs
prédisposant à la chronicisation du bégaiement chez le jeune enfant 53
Caroline Haffreingue, Bourg-la-Reine

1. Bilan du bégaiement chez la personne adulte 63


Marie-Claude Monfrais-Pfauwadel, Phoniatre, Paris
2. Bredouillement 69
Dorte Hansen, Orthophoniste, Copenhague, Danemark
3. Troubles d'évocation de mots associés au bégaiement 83
Nadia Teitler-Brejon, Laval
4. De retour de Northwestern 93
Véronique Boucand, Orthophoniste, Paris

1
1. Elaboration du psychisme - Elaboration du bégaiement chez l'enfant 103
Claude Beaubert, Orthophoniste, Poitiers
2. Le traitement du bégaiement : son approche selon différents pays,
influences diverses et leçons générales 113
Sous la direction de David A. Shapiro, pathologiste du langage,
Western Carolina University, Etats Unis

127

2
Anne-Marie SIMON
Orthophoniste
4 rue Cécile Vallet
92340 Bourg-la-Reine
E-mail : am.simon@wanadoo.fr

C
oordonner une revue consacrée au bégaiement, c'est d'emblée accepter la
différence des points de vue, des approches thérapeutiques et accepter
surtout toutes les interrogations qu'un tel trouble suscite encore, malgré
les recherches, en particulier dans les pays anglo-saxons, depuis des décennies.
Le chapitre sur le bégaiement acquis (John Van Borsel) en est un bon exemple.
Tout ce travail de recherche qui, d'ailleurs, reste en particulier à mener en
France, est illustré ici par l'étude sur les troubles de l'évocation chez la personne
bègue, aspect presque totalement ignoré actuellement (Nadia Teitler). Ces der-
nières années, un certain nombre d'éclairages sont venus nous conforter dans
nos démarches d'aide aux personnes qui bégaient, enfants ou adultes. On en
trouvera des exemples dans ce numéro : les réflexions sur le bégaiement du
jeune enfant (Claude Beaubert, Caroline Haffreingue pour les études d'Ehud
Yairi), l'évaluation plus rigoureuse des troubles (Dorte Dorsen, Marie-Claude
Monfrais), des hypothèses d'ordre psychanalytique sur l'origine du trouble
(Claude Beaubert, Jean Marvaud).

Nous remercions vivement les auteurs. Leurs écrits nous conduisent pro-
gressivement à une meilleure compréhension de ce trouble, à des démarches
thérapeutiques plus efficaces, et à une prévention dont la valeur inestimable est
d'éviter la souffrance du bégaiement à un jeune enfant.

Rééducation Orthophonique - N° 206 - Juin 2001


3
Le bégaiement : hypothèses actuelles
Jean Marvaud

Résumé
Cet article aborde d'une manière originale une compréhension nouvelle du bégaiement.
Le corps est à la charnière entre le pulsionnel et le relationnel. Après une courte critique sur
les facteurs favorisants et les facteurs déclenchants, l'éclairage théorique sur l'enfant futur
somatisant permet de mieux comprendre l'importance de la séparation et de l'attache de
l'affect dans le corps. Le lien avec le travail de prévention et avec l'approche thérapeutique
de l'orthophoniste se fait alors.
Mots clés : symptôme, somatisation, affect, séparation, prévention, écoute

Stuttering : current hypotheses

Abstract
This article presents a new perspective on the understanding of stuttering.
The body is a bridge between two worlds : the world of drives and the relational world. After
briefly reviewing the notion of predisposing and precipitating factors, the author offers theo-
retical insight with regard to the potentially "somatizing" child. This discussion should pro-
mote a better understanding of the importance of the separation trauma and of the link bet-
ween affect and body. This perspective contributes to the convergence of speech therapy
and prevention approaches.
Key Words : symptoms, somatization, affect, separation, prevention, listening

Rééducation Orthophonique - N° 206 - Juin 2001


5
Jean MARVAUD
Neuro-psychiatre, Psychanalyste
Président de l’A.P.B.
34 rue Mexico
33200 Bordeaux

♦ Le bégaiement
Dans le DSM-IV américain, le bégaiement est classé dans les troubles de
la communication.
La définition en est claire : c’est une perturbation de la fluence et du
rythme de la parole, qui ne correspond pas à l’âge du sujet. Le bégaiement se
caractérise par un ou plusieurs des signes suivants : répétition de sons, prolonga-
tions des mots, interjections, pauses à l’intérieur des mots, substitutions obser-
vables des mots pour éviter de bloquer, et blocage audible ou silencieux. Dans
la plupart des cas le trouble débute dans l’enfance.
Il ne s’agit pas, ici, de décrire ce qu’est le bégaiement, les avis s’accordent
assez. Il est préférable d’essayer de comprendre ce qu’est le bégaiement et donc
de reprendre des questions habituelles et essentielles, laissées ou non sous silence,
pour aborder autrement ce trouble si handicapant, et pour essayer d’avancer dans
le domaine de la recherche. Cela sous-entend, même si c’est ambitieux, que des
ouvertures, aussi bien dans son installation, dans sa chronicisation, dans sa com-
préhension que dans l’abord thérapeutique, vont exister. C’est une approche autre.
La plupart des traitements modernes du bégaiement, cités dans la bible
américaine (Synopsis de psychiatrie de Kaplan et Sadok), sont basés sur la
notion que le bégaiement est un trouble du comportement, notion floue, passe-
partout, qui permet de ne pas approfondir. Ce qui est évident, c’est qu’il ne
s’agit pas dans ce livre de ce que l’école française appelle une névrose de com-
portement (et c’est dommage).
Cela nous permet d’aborder un ton critique et de travailler sur des hypo-
thèses actuelles. Elles concernent le travail de prévention, et la prise en charge
précoce, l’évolution de la séparation dans une élaboration réciproque mère-
enfant qui aboutira à la différenciation des sujets et de leur désir (désir de parler
comme…). C’est un travail de ré-union qui recouvre une activité de liaison si
importante dans le fonctionnement psychique.

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Nous aborderons également la notion de causes et de potentialités ainsi
que la fonction de communication.

♦ Le bégaiement est-il un symptôme ?


Si l’on garde cette approche, il est alors nécessaire d’accepter que le
trouble de la communication qu’il représente est à élargir dans l’au-delà du
symptôme.
Cela veut dire que pour comprendre ce corps souffrant, il faut replacer le
bégaiement dans l’histoire du sujet.
Le bègue parle dans sa dysfluence, sans le discours fluent nécessaire à
l’expression sereine de l’écoulement de la pensée par la parole. Il y a donc à
entendre, non pas uniquement des mots hâchés ou entrecoupés d’arrêts, de
pauses, de sauts, de répétitions, mais ce qui se dérobe à la compréhension psy-
chique parce que ce corps, cet être souffrant, ce sujet est ramené à sa réalité.
Cette parole s’accompagne d’une perte de sens plus ou moins importante. Elle
devient un obstacle pour la pensée. Le bégaiement est en lutte contre la pensée.
Et cette souffrance est en lutte contre le mot.
Quant à l’enfant qui bégaie, il doit renoncer, au fur et à mesure qu’il
devient plus âgé et que son bégaiement se chronicise, à la musique des mots, à
la mélodie des phrases… pour l’arbitraire du signe, pour les efforts nécessaires,
les tensions.

♦ Cause ou potentialité ?
Vous le savez, s’attaquer à la question de l’étiologie est un faux problème.
Je ne pense pas qu’il soit possible d’établir une causalité directe rendant compte
du bégaiement. Il est préférable de parler de potentialités, ce qui, nous le ver-
rons plus loin, s’articule avec la prise en charge et l’écoute. Cette potentialité
n’est pas à entendre comme un noyau présent chez tout sujet qui bégaie, mais
comme recouvrant les facteurs favorisants et les facteurs déclenchants. Ces
notions méritent quelques critiques. En effet, ces facteurs sont à comprendre
selon la conception de l’approche psychosomatique du bégaiement.
Cela s’appuie sur une notion de base : tout état affectif s’accompagne
d’un état somatique impliquant non seulement le cerveau et son fonctionne-
ment, mais le corps tout entier.
De toutes façons, ces facteurs (favorisants ou déclenchants) vont, en
général, entraîner une lutte solitaire de l’enfant, de l’adulte, contre son propre
trouble.

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Critique des facteurs favorisants
Tout le monde ne peut pas devenir bègue. Les enfants qui bégaient,
est-il très souvent expliqué, sont ceux qui continuent à faire des efforts ou à
les accroître, malgré les accidents. Oui. Mais, pourquoi certains enfants et
c e rtains adultes continuent-ils à accro î t re leurs effo rts malgré les
bégayages ?
De toutes façons, pour essayer de vaincre les accidents de parole, il faut
une certaine forme de volonté augmentée d’un rien de rigidité mentale. Et cela
ne sera possible (et nous touchons là un point essentiel envisagé plus loin) qu’à
condition que le surcroît d’excitations puisse s’écouler, et que des défenses puis-
sent se mettre en place contre ce surcroît d’excitations.
L’environnement a souvent des exigences excessives pour la correction
des troubles de la parole. Cela augmente les difficultés d‘élaboration, de trans-
formation de l’excitation, ainsi que les causes de tensions possibles, donc l’an-
crage du bégaiement. L’enfant, je le répète, mènera une lutte solitaire contre son
propre trouble d’autant plus que sa mère, ses parents ne peuvent, par leurs atti-
tudes, dédramatiser les angoisses.
Le bégaiement naît d’un effort que l’on fait, d’une tension pour que la
parole se fasse. Cette affirmation clinique est mal formulée. Si l’on peut - selon
les options - dire que le bégaiement est une conséquence d’effort, la tension est
due à autre chose, et c’est parce que cette tension (cf. plus loin) porte sur une
fonction, la fonction de la parole (donc sur certains muscles striés de la glotte
diront les organicistes) qu’il y a bégaiement. Alors, c’est vrai, les exigences
réelles, imaginaires de l’entourage favorisent ou plutôt remettent le bègue dans
la « position » où il va bégayer : le bégaiement semble alors naître d’un effort,
d’une tension pour que la parole s’écoule.

Critique des facteurs déclenchants


Le bégaiement va apparaître à l’occasion d’un événement (séparation,
départ, nouveau statut…) qui agit comme un impératif, une « contrainte », et qui
dépend du langage et de la dimension symbolique qu’il introduit et de la
manière dont le sujet va le vivre selon ce qui s’est construit. Et ce n’est pas seu-
lement une façon d’« évacuer », de se libérer, mais le seul moyen de se situer,
par rapport au choix, aux responsabilités et aux renoncements que cela
implique. (Il est bon de reparler, de reconstituer avec le sujet bègue la conjonc-
ture dans laquelle il s’est trouvé pris sans pouvoir réagir.)
Cet événement réel ou imaginaire, source de frayeur, entraîne un choc
émotionnel. Le monde pulsionnel ne peut alors s’exprimer et l’excitation ne
peut s’élaborer.

8
Mais pourquoi, et à quel moment de l’enfance, quelque chose va advenir
dans la vie de l’individu pour le mener à développer un bégaiement ? Pourquoi
une constellation brutale va-t-elle fragiliser l’élocution, la fluence d’un enfant
(qui fera partie des quatre qui bégaient ou de celui - sur les quatre - qui restera
bègue si aucun traitement n’est entrepris) ?
Lorsqu’un individu est dans un état de détresse et dans l’incapacité de
faire face à une situation nouvelle à laquelle il n’est pas préparé, deux situations
sont à distinguer :
- la situation de danger qui entraîne un travail du Moi : l’angoisse prend
valeur de signal d’alarme. Il s’ensuit la construction d’un « roman » sur
ce qui se passe, avec reprise du vécu ancien…
- la situation traumatique : il n’y a pas alors déclenchement du signal
d’alarme. Le Moi est débordé, le sujet est perdu et aucun aménagement
n’est possible. Et le sujet ne peut pas mentaliser, donc avoir des attitudes
névrotiques habituelles ou/et trouver du sens.

♦ Les qualités particulières du fonctionnement psychique


Quelles sont-elles ?
Chez certains sujets, les mécanismes de défense habituels (refoulement)
ne peuvent se mettre suffisamment en place…, et ces personnes vont avoir
recours à des comportements s’inscrivant plus ou moins dans le corps. Les exci-
tations (internes et externes) ne peuvent suffisamment se décharger dans le
corps psychisé. Elles le font dans le corps soma. En d’autres termes, les
décharges d’émotions pulsionnelles se font à travers le corps au lieu d’être
reprises dans un travail d’élaboration psychique.
Chez certains de ces sujets, avec l’ajout d’autres facteurs, le bégaiement
pourra se déclarer à l’occasion d’un événement.
Chez eux, on trouve des qualités particulières du fonctionnement psy-
chique (qui peuvent, c’est évident, être re t rouvées chez bon nombre
d’individus) :
a) des carences au niveau de l’élaboration psychique et de la mentalisa-
tion (cette notion est à entendre comme la capacité à mettre en place des
défenses mentales et à élaborer, sur un plan mental, des excitations tant
internes qu’externes), avec, en particulier, le peu d’élaboration psychique
des conflits.
b) le défaut de constitution du préconscient. Le préconscient représente
des éléments inconscients qui le sont temporairement, qui sont néanmoins

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disponibles pouvant être mis à la disposition de l’activité consciente …
en surmontant une résistance. Le préconscient, un des éléments de la pre-
mière topique (Conscient, Préconscient, Inconscient), assure les bases
même de la mentalisation.
c) une fantasmatisation réduite.
d) tout cela entraîne, outre les difficultés à utiliser les représentations (de
mots et de choses) une grande absence de refoulement et des mécanismes
de défense à type de répression en particulier des affects, des émotions et
des sensations.
Et souvent, on rencontre un mode particulier de la relation à l’autre
retrouvé en traitement : ces sujets ont une attitude, vis à vis du thérapeute, soit
de soumission et de crédulité, soit de découragement rapide. Ils peuvent donc
rompre le contrat thérapeutique, se projetant dans un « échec » thérapeutique
accompagné de honte et/ou de culpabilité le plus souvent.
Deux points importants peuvent donc apparaître :
- les qualités actuelles du fonctionnement psychique ;
- la possibilité et le désir de s’engager dans une relation avec un théra-
peute.
Le sujet bègue a-t-il une curiosité sur son fonctionnement mental et est-il
prêt à prendre les risques et le temps nécessaires ?
Quelques réflexions
a) Pourquoi la chronicisation ?
Sur un plan psychophysiologique, on peut dire qu’une fois le réflexe de
décontraction perdu, il est très difficile de le retrouver. L’approche psy-
chosomatique laisse entendre que le bégaiement est une somatisation.
La porte ouverte, c’est à dire le manque d’élaboration psychique avec
les décharges d’excitation dans le corps à travers le bégaiement, cette
somatisation se recrée plus aisément. Le chemin est tracé et les autres
voies tendent à diminuer et à s’effacer.
b) La mise au point de techniques d’aide mêlées ou non à des thérapeu-
tiques (exemple : favoriser des réflexions, des associations, créer des
liens…) permet le travail et le développement du préconscient. Les
techniques musculaires automatisées diminuent le travail du pré-
conscient. Si cela entraîne une amélioration du bégaiement grâce à
cette stéréotypie continuelle des contractions, c’est parce qu’est pro-
posé un écoulement des pulsions dans le corps par cette automatisa-
tion motrice. Mais, comment ces personnes « guéries » ou « amélio-

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rées » de leur bégaiement utilisent-elles leur fonctionnement mental
et sa richesse ?
c) Les conseils peuvent mobiliser ou non la pensée et, en conséquence,
apporter une aide ou l’inverse. L’aide « interlocuteur actif » relance le
travail d’association du préconscient.
d) Pourquoi davantage de garçons que de filles bégaient ? Certains ont pu
parler de l’influence des hormones mâles (testostérone) sur le dévelop-
pement dans le cerveau du planum temporale (chercheurs français et
écossais). Cette hypothèse semble tomber dans l’oubli.
Ne serait-ce pas plutôt le monde pulsionnel oedipien du garçon diffé-
rent de celui de la fille, qui, alors, n’a pas assez d’issue ?
Le bégaiement peut commencer dès deux ans, dès l’acquisition du lan-
gage. Il est intéressant de noter qu’il débute, sinon, pendant la période oedi-
pienne (50 % avant 4 ans, 90 % avant 7 ans) et aussi au moment de la
puberté. La prépondérance masculine ne s’établirait que pendant la phase
œdipienne.

♦ L’enfant futur somatisant


Le risque de somatisation
Françoise Dolto a pu dire que le corps est un médiateur relationnel entre
le sujet, la représentation qu’il a de lui même et les autres.
Cette situation est patente dès le début de la vie : soins, amour…
Réciproquement, l’enfant face à un milieu sourd à sa souffrance psy-
chique va utiliser sa souffrance somatique pour attirer l’attention maternelle qui
lui fait défaut (sur le plan réel ou imaginaire), et l’adulte pourra en conserver la
trace dans son corps qui deviendra le représentant de l’infans qu’il a été.
Est-ce que le corps, la matière psychosoma (où s’origine la structure psy-
chique, ne l’oublions pas) peut, dans les premiers échanges mère-enfant, être un
facteur déterminant dans la tendance, par la suite, à réagir somatiquement plutôt
que psychiquement face à toute situation de stress ?
Le risque de somatisation est plus grand pour n’importe qui dans des cir-
constances qui mobilisent une augmentation des pressions affectives. Chacun a
un seuil au delà duquel il risque de somatiser face aux traumatismes internes
ou/et externes, dont la force est parfois méconnue du sujet, et qui bouleversent
son système de défenses habituelles contre les conflits psychiques et la douleur
mentale.

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L’attache dans le corps de l’affect
La somatisation nous dit Marie-Claire Célérier, « c’est le passage par la
pathologie corporelle des affects liés à la relation à l’autre. C’est un passage
obligé par le corps des formes primitives de perceptions et d’expressions de
cette relation ».
Marie-Claire Célérier aide à comprendre et à mettre en évidence cette
attache dans le corps de l’affect lorsque cela ne peut se faire psychiquement.
Cela est lié à la structuration de chaque sujet lors des premières phases de la vie
psychique qui sont des théories du corps, et de ce qui est appelé : l’unité psy-
chosomatique.
a) Pulsion d’attachement et pulsion d’emprise
La bouche et l’oralité, selon les moments et selon les bébés, mettent en
évidence la pulsion d’attachement au sein, à la mère, et la pulsion
d’emprise pour obtenir sa présence (du sein). S’opposera l’objet fami-
lier (mère) à la masse des étrangers. construisant la première sépara-
tion. Peu à peu, le bébé acceptera un détachement qui signera l’antago-
nisme des pulsions : la pulsion d’attachement le rend dépendant d’un
objet familier recherché car source de sécurité et la pulsion d’emprise
opposée va le diriger vers l’« étranger », monde à connaître, explorer.
Cet antagonisme est à l’origine de la recherche du plaisir mais aussi de
bien des conflits ce qui entraînera une souffrance voire une lésion cor-
porelle liée à l’impossibilité ou à l’interdit de cette satisfaction.
La fonction orale (comme les autres plus tard) est l’objet d’un fort
investissement érogène par l’enfant et par sa mère. Cela définit « une
carte d’identité somatique ». Il existe donc un « étayage de l’investisse-
ment du corps » (du bébé, de l’enfant) par le désir de l’autre et d’abord
par celui de la mère. Le corps, mêlé à ce qui appartient à la structure
biologique (où entrent les notions de génétique), porte la marque de
l’histoire qu’il a traversée.
La maman investira libidinalement le corps de son enfant, traduira par
ses mots les éprouvés corporels ainsi que son désir omnipotent. Et peu
à peu, se feront des liens entre ce qui ne peut encore se détacher de la
pulsion primitive et ce qui donne naissance à la pensée, à la vie affec-
tive et à la fantasmatisation.
b) La pathologie psychosomatique
Elle traduit les difficultés qu’ont connues mère et enfant pour se déga-
ger des soins maternels et de l’antagonisme des pulsions, sans que l’on
puisse trouver une spécificité du trouble.

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- Parfois il semble que le holding a été défaillant. Le corps à corps a été
insuffisant et le sujet vit la relation à la mère dans une froideur affec-
tive. Le corps est mis dans une situation de danger et l’enfant ne pourra
lui-même devenir une « mère suffisamment bonne » pour son propre
corps.
- Parfois c’est l’inverse. La mère est trop présente et est toujours là, ne
permettant pas à son enfant d’apprendre à se protéger lui-même. Et il
est évident, alors, que le corps de l’enfant sera offert à l’agression
lorsque sa mère sera absente.
L’enfant investira son propre corps grâce à une mère suffisamment
bonne sachant jouer entre les besoins liés à la pulsion d’attachement, et
les désirs liés à la pulsion d’emprise (rôle de la mère comme conte-
nant).
c) L’absence
C’est Freud qui a décrit la fonction de l’absence de la mère dans la
structuration de l’identité. L’enfant, grâce à l’absence et au retour de la
mère, peut se détacher progressivement du corps au profit d’une acti-
vité de pensée. L’enfant va ainsi pouvoir - grâce au retour prévisible de
la mère - se rassurer contre une séparation, une perte définitive et
construire, en son absence, des représentations de sa présence (jeu du
« fort-da »). Et les objets transitionnels ainsi que l’espace transitionnel
viendront fortifier la maîtrise de l’absence.
d) L’altérité
Ensuite, l’enfant va peu à peu développer sa « capacité d’être seul »
(Winnicott) en sa présence et sa capacité de penser en dehors d’elle.
Cela nécessite un retrait de l’emprise maternelle.
L’enfant va se différencier dans ce jeu présence-absence. Cela passe
par des interdits dont celui du toucher. L’enfant, alors, pourra penser le
manque et éprouver le besoin. Sinon, le corps restera dans ses
demandes avec une seule issue à la satisfaction : l’acte, l’agir. Cette
prédilection pour l’agir plutôt que pour la pensée fait le lit des somati-
sations.
Le développement de la faculté de penser dépend des possibilités
offertes à l’enfant pour supporter les frustrations, les manques, les
séparations. Et la mère, par sa « capacité de rêverie », imagine, « sent »
et transforme par son discours les angoisses du bébé en craintes
légères. Cela favorise la création de contenus psychiques ce qui est
essentiel pour éviter les somatisations. Tout cela évitera à l’enfant
d’être livré à des décharges pulsionnelles brutes, non assimilables, car

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le corps de l’enfant n’aura pas été investi convenablement (interdit du
toucher ; refoulement du corporel au profit d’une pensée ; travail de
pensée insuffisant…).

♦ La séparation
Pourquoi le bégaiement ? N’est-il pas là pour montrer la lutte impos-
sible contre les séparations obligatoires et une tentative sans cesse renouvelée
de la ré-union de ce qui doit être séparé, donc de la ré-union avec la mère,
empreinte réelle et imaginaire ? (Le trait d’union de « ré-union » joint et
sépare à la fois).
L’insatisfaction et le manque (frustration) dans l’ordre du désir ont ten-
dance à réactiver les traces de pertes subies dans l’ordre du besoin.
Pour faire face à la perte, l’enfant a besoin de son entourage familial pour
imaginer l’absence, la séparation, pour acquérir la « capacité d’être seul » qui
n’apparaît qu’en présence de la mère suffisamment « discrète ».
Etre séparé de l’autre, c’est aussi être séparé de soi, et le Moi recourt aux
ressources de son narcissisme.
L’enfant a toujours l’espoir de ré-union. Si cet espoir vacille sous la
menace d’un événement traumatisant, cela rappelle la « privation » maternelle,
et il aura recours à un « phénomène d’union » : le bégaiement.
Le bégaiement est ainsi à la fois un symbole de ré-union et un déni de la
séparation. Le bégaiement, c’est s’accrocher à l’objet (la mère à l’origine) de
peur d’être délaissé, plutôt qu’avoir la possibilité de symboliser la ré-union à cet
objet.
Et il y a souvent (toujours sans doute, sur un plan réel ou imaginaire) un
événement précipitant qui déclenche le bégaiement. C’est une menace de priva-
tion ou une privation vécue comme traumatisante.
Et ce « recours » au bégaiement, c’est à dire cette inscription somatisée
dans le corps, permettrait de mettre le corps en avant pour qu’il agisse, plutôt
que de penser pour évoquer des expériences heureuses et rassurantes de la petite
enfance (monde pulsionnel d’attachement). Cet acte qu’est le bégaiement met le
corps en jeu à chaque instant, corps qui n’a pu perdre sa primauté dans les rap-
ports du sujet à ses objets relationnels. La fluidité de la parole n’a pu remplacer
l’action et lui devenir supérieure. Le travail de la pensée butte sur l’émission des
mots qui ne peuvent prendre assez de distance. Et cela pose une autre question :
quelle est la représentation du temps chez l’enfant bègue ? (le temps à la fois
comme durée et comme succession d’événements). Car si les mots traduisent
dans le présent le passé personnel et celui des autres, ils anticipent, en l’actuali-
sant, le futur du sujet, et celui des autres.

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Le bègue est dans la recherche illusoire du règne d’un principe de plaisir
(ré-union, attachement…) sans avoir pu laisser place au principe de réalité qui
exige que la réalité parlée et pensée soit une réalité (puis un plaisir) partagée
dans l’écoulement fluent.
Le bégaiement traduit une symbolique des mots s’alimentant à la source
pulsionnelle de l’attachement et certains éléments refusent de se détacher du corps
pour se lier aux mots. Et l’affect continue à être présent, inscrit dans le corps,
témoignant des représentations inscrites conscientes et inconscientes, traces
mêlant l’acte à la parole par la dysfluence et le trouble de la communication et la
signant. Le corps est à chaque instant langagier présent. Il révèle ses droits.
Un enfant plus fort, c’est-à-dire plus en sécurité dans ses premières rela-
tions, qui a bénéficié d’un environnement correspondant à l’adaptation dont il
avait besoin lors des séparations, ne bégaiera pas. Il s’est créé un « pont » entre
lui et sa mère « perdue », c’est à dire quelque chose qui a son origine dans l’aire
entre la mère et l’enfant où se chevauchent réalité extérieure et réalité interne,
donc la création par l’enfant d’un objet transitionnel.
L’enfant, qui ne se sent pas en sécurité et est tourmenté obsessionnelle-
ment (consciemment ou inconsciemment) par l’idée de la séparation (la perte),
la nie au moyen du bégaiement, et il n’y a pas de place pour la création.
Bien sûr, il serait bon de distinguer ce dont on se sépare et ce qui pro-
voque en nous la séparation. Les deux ont partie liée : la qualité de l’investisse-
ment de ce dont on se sépare conditionne l’état psychique consécutif à la sépa-
ration.
Pour le bègue, un mot est vécu comme une blessure. C’est la rupture
d’une sécurité et d’un espace personnel recherchés illusoirement à travers la
parole (et quelquefois le silence).

♦ La prévention : l’accompagnement parental


Il peut paraître étonnant de voir l’énorme succès du travail de prévention,
à travers l’accompagnement parental, pour les enfants jeunes qui bégaient.
1 - je vais d’abord citer Anne-Marie Simon.
« Un enfant qui bégaie ne devient pas bègue :
- si les parents bien conseillés consultent assez tôt,
- si un examen différentiel est soigneusement mené pour ne pas passer
à côté de troubles associés,
- si le praticien, convaincu de l’efficacité de cette intervention précoce,
sait convaincre,

15
- si les parents peuvent entendre les bégayages de leur enfant comme le
symptôme d’une souffrance, certes difficile à identifier,
- s’ils peuvent changer leur regard et leurs interactions, faire une autre
rencontre de leur enfant ».
Tout cela est très juste et résume bien l’efficacité de ce travail et aussi
l’approche et l’écoute de l’orthophoniste dans sa tâche thérapeutique
(donc dans la formation à ces aspects).

2 - Le bégaiement, vous l’avez compris, est une lutte impossible contre


des séparations obligatoires, une tentative de ré-union de ce qui doit être
séparé et de ce qui est dit.
La prévention permet symboliquement l’évolution de la séparation dans
une élaboration réciproque mère-enfant qui aboutira à la différenciation
du sujet et de ses désirs.
La prévention est une ré-union de l’enfant et de sa maman à travers le
conseil parental. C’est avant tout une dyade reconstruite et une ré-union
avec ce qui est dit, doit être dit, non tu, non remplacé par des stéréotypies
langagières ou/et comportementales des adultes. C’est donc une mise en
clair de ce qui doit être dit du langage de la mère pour l’enfant, de l’en-
fant pour la mère, mère « porte-parole » (la mère porte-parole se situe
comme médiatrice entre le discours ambiant qu’elle transmet sous forme
d’interdits et de demandes (pulsion d’emprise).

3 - Le bégaiement, lutte contre la séparation, peut être appelé, à cette


période, un symptôme. Le symptôme offre un moyen de ne pas penser et
de ne pas dire (c’est le corps qui agit). Il n’est pas le témoin mais ce qui
empêche l’élaboration. Le bégaiement est une solution de compromis,
une amorce de trait d’union, quelque chose qui resurgit de l’histoire per-
sonnelle du sujet. Ce symptôme consiste en une lutte symbolique de ré-
union de mots, du discours, et du discours et de la pensée.
C’est répétitif : essayer de réunir sans y arriver, phénomène d’union
contre la séparation, contre la menace d’une privation maternelle.

4 – Le travail de prévention, dans le contexte créé, va aboutir à la diffé-


renciation des sujets (mère et enfant) et de leurs désirs. Grâce à l’attitude
et à la relation transférentielle établies dans cette intervention précoce,
les positions parentales (avant tout celle de la mère avec le soutien du
père fortifié dans sa propre fonction) vont se modifier. La séparation
avec un objet aimé ne peut aboutir que parce qu’il s’accomplit à la fois

16
chez la mère et chez l’enfant. La mère, peu à peu, se libérera et pourra
offrir à son enfant (par son regard, sa posture, sa voix…) non pas surtout
ce qu’elle ressent d’elle (ou de mauvais chez lui), mais ce qu’elle ressent
de lui.
Une distance va se construire sans danger, ni pour la mère, ni pour l’en-
fant grâce à la relation transférentielle établie. L’enfant et la mère pour-
ront accepter d’être seuls - sur le plan du langage - en présence de l’autre
et les capacités d’autonomisation (dont celle du langage) fortifieront la
distanciation.
Une aire transitionnelle se construira dans son aspect de créativité. Rap-
pelons qu’un objet transitionnel est et n’est pas. L’important, ce n’est pas
tant l’objet transitionnel utilisé en tant que tel que l’utilisation qui en est
faite, donc l’investissement qu’il représente.
L’enfant, à l’âge oedipien, trouvera peu à peu sa place, le thérapeute
orthophoniste permettant que chacun se situe dans la triangulation, dimi-
nuant les conflits et tensions inutiles, autorisant les interdits nécessaires et
empêchant le langage et les attitudes incestuelles.

♦ Le travail thérapeutique
1 - La formation des orthophonistes à la compréhension et au traitement
du bégaiement devrait s’appuyer (n’est-ce pas ce qui existe parfois ?) sur une
formation personnelle à l’écoute et à l’approche psychosomatiques.
Ce qui est visé est le renouveau d’une homéostasie, la réorganisation d’un
meilleur fonctionnement mental à travers les différentes thérapies proposées.
Cela comprend le rétablissement d’une meilleure communication entre les élé-
ments de la première topique (inconscient, préconscient, conscient) à l’aide d’un
élargissement et d’un enrichissement du préconscient.
Souvent est privilégiée l’utilisation de communication sensori-motrice au
cours des techniques thérapeutiques qui ne sont pas strictement verbales.
Le cadre thérapeutique est souple. Il me semble très important que le
patient sente chez son thérapeute le maintien de l’investissement du travail thé-
rapeutique entrepris.
Il est bon d’aider le patient à verbaliser, à faire un travail d’associations, à
créer des liens dans son histoire, à travers les différents éléments de son dis-
cours, entre ses pensées et ses affects. Il faut l’aider à « rêver » et à faire un tra-
vail d’associations (c’est cela l’approche psychosomatique).
Tout cela permet la mentalisation, chemin inverse de la somatisation.
C’est une attitude présente chez le thérapeute qui investit la prise en charge, à
travers ses propres choix de traitement.

17
C’est aussi une manière de replacer le corps souffrant dans l’histoire du
sujet (comprenant l’histoire du bégaiement). Le monde émotionnel se déchar-
gera moins dans le corps soma et davantage dans le corps psychisé. Cette facili-
tation d’élaboration psychique fait partie de toutes les techniques thérapeutiques
investies et nécessaires. Le but reste une meilleure réorganisation du fonctionne-
ment mental.
2 – Quelques remarques
a) La relaxation psychothérapique reste pour moi un traitement de choix
(encore une fois l’investissement thérapeutique, l’approche et l’écoute sont les
axes les plus importants de toute technique). La relaxation psychothérapique
travaillera sur la partie de la psyché qui ne s’est pas mentalisée, donc sur tout ce
qui se déchargera dans le corps soma et non psychisé (émotions pulsionnelles).
Elle va travailler sur la répression des affects, des émotions, des sensations, sur
le développement de la fantasmatisation, sur la capacité à créer des activités de
liaison en fortifiant le Moi.
b) On pourrait se demander : dans quelle mesure de tels patients peuvent
bénéficier de tel ou tel traitement ? La question est peut-être mal posée. Comme
avec toute manifestation impliquant la souffrance psychique (connue ou désa-
vouée), il est peu prudent de conclure à partir du symptôme et d’instaurer un
seul et unique traitement. La tâche des thérapeutes, quels qu’ils soient, est, vous
l’avez compris, bien plus délicate que cela. Il faut essayer, dans les premiers
entretiens, de peser la demande du bègue et sa pertinence.
c) Les fonctions de liaison se jouent simultanément sur le terrain cognitif
et sur le terrain affectif. Cela permet de penser à une conception plus unitaire du
psychisme.
La recherche cognitive se conçoit en termes de fonctions et de méca-
nismes alors que la recherche psychanalytique ne peut se concevoir qu’en
termes de sens et de significations. Or, la fonction d’un processus est indépen-
dant de tout sens, lequel ne se construit qu’après-coup.
Le dialogue entre cognitivistes et psychanalystes est sans doute possible
si cette place d’après-coup est prise en compte dans la mise en perspective des
différents types d’approche.
d) Le bégaiement a longtemps - et encore - été classé parmi les phobies.
La phobie est étymologiquement définie comme une peur et cela fait partie du
fond du langage commun. Dans la phobie existe une expression paradoxale
autant du désir que de la crainte. Trois signes cliniques, d’importance variable
selon la personne, sont présents chez le phobique : l’évitement, la peur subjec-
tive (sans doute plus forte dans l’attente de la situation qu’en sa présence), les

18
manifestations somatiques de l’angoisse. Cela ne correspond pas au bégaiement,
trouble de la communication. Il peut cependant exister des réactions phobiques
surajoutées.

♦ Conclusion : l’écoute
« Ecouter quelqu’un, c’est entendre sa voix. Cela exige de la part de celui
qui écoute une attention qui n’enferme l’interlocuteur ni dans le dire, ni dans les
mots, ni dans le discours, ni dans le lien de son corps. La voix se situe à l’articu-
lation du corps et du discours » (Denis Vasse).
L’écoute des patients bègues est différente de l’écoute médicale, de
l’écoute orthophonique, de l’écoute psychanalytique. Elle est différente car elle
est, au sens étymologique, dramatique, c’est à dire qu’elle est destinée à dire
quelque chose comme sur une scène.
Et c’est une construction à deux. Ce n’est pas seulement la construction
de la personne bègue, c’est aussi la construction de celui ou de celle qui l’écoute
dans sa souffrance, dans son corps souffrant.
Cette écoute, cette communication entend la réalité d’une plainte : le
bégaiement, plainte d’un corps réel qui souffre réellement sans que l’on puisse
occulter la dimension métaphorique, imaginaire, de la plainte. C’est bien ça la
difficulté.
- Ce n’est pas une histoire de médecins à la recherche d’un trouble orga-
nique et surtout de causes. Car ce n’est pas une lésion d’organes et ce
n’est pas un diagnostic basé sur une étiologie. Ce n’est pas davantage à
minimiser ou à fuir.
- Ce n’est pas une histoire d’orthophoniste centrée sur des troubles du
langage et des problèmes de respiration (avec tous les conseils néfastes
qui ont pu être donnés) entraînant une technique codifiée. L’orthophoniste
non formée va entraîner le bègue dans une mythomanie technique signant
le déni du bégaiement.
- Ce n’est pas une histoire de psychanalyste nécessitant une attention flot-
tante, un cadre de neutralité bienveillante. Les bègues deviendraient alors
des « éclopés du divan ». Cela ne veut pas dire que les côtés névrotiques
ne seraient pas améliorés. Mais la cure-type ne peut-être une écoute du
sujet bègue.
L’écoute du patient bègue « travaille » sur la partie de la psyché qui ne
s’est pas mentalisée, sur celle qui n’a pas été capable de traiter les différents
conflits, ce qui a entraîné le bégaiement. Les représentations sont insuffisantes
en qualité et quantité. Et l’écoute est l’annonce de l’ouverture possible, à tra-

19
vers les traitements, d’une porte. L’évolutivité du bégaiement, sa chronicisation
vont être malmenées et les représentations vont être moins réprimées, autant les
représentations de choses (les réalités vécues d’ordre sensori-perceptif, qui peu-
vent être liées à des affects et donner lieu à des associations sensorielles, per-
ceptives ou de comportement) que les représentations de mots (se reproduisant à
partir de la perception du langage des autres, naissant dans la communication
avec la mère puis avec les autres, puis avec soi-même, et constituant la base des
associations d’idées).
L’écoute inscrit chez la personne une marque : elle peut accéder au plaisir
du fonctionnement mental (dont fait partie l’intérêt pour la langue orale). Ce
plaisir du langage, passant par l’écoute, est créatif.
La liberté d’écoute est aussi importante que la liberté de parole.

REFERENCES
A.P.B. (Association Parole-Bégaiement) : Groupe de travail.
CELERIER Marie Claire,1989, Corps et fantasmes, Dunod, Paris
KAPLAN H-I et SADOK B-J., 1998. Synopsis de psychiatrie 8e édition. Masson ed. française, Paris
LE HUCHE François, 1999. Le bégaiement, option guérison, Albin Michel Paris
MARVAUD Jean, 1999. Abord psychothérapique du bégaiement. Communication au IIe Congrès Interna-
tional du bégaiement, Paris
SIMON A-M, 1999. Paroles de parents, Ortho Edition, Paris
SIMON A-M, 2000. Bégaiement et pression temporelle in Enfance et Psy n°13 – Eres, Paris

20
A propos du bégaiement (*)
Jean Marvaud, Anne-Marie Simon

Résumé
Le bégaiement interroge les praticiens aux différentes époques où il survient et aux diffé-
rents moments de la vie de celui qui demande de l'aide. De nombreuses questions n'ont pas
encore de réponses mais peu à peu les données se rejoignent pour concevoir une préven-
tion efficace et des traitements adaptés à chaque sujet dans sa globalité.
Mots clés : bégaiement, fluence, prévention, traitements, enfant, adulte

On Stuttering

Abstract
Stuttering is a very complex issue which raises many questions for practitioners, both at the
different periods of its occurrence and at the different stages of life of those persons who
are seeking help. We do not have all the answers yet but data increasingly show us the way
towards efficient early prevention and treatment programs which are adapted to the patient
as a whole.
Key Words : stuttering, fluency, prevention, treatment, children, adults

(*) Cet article a été reproduit avec l'autorisation du Docteur Gaudeau, directeur de la publication "Tout Pré-
voir".

Rééducation Orthophonique - N° 206 - Juin 2001


21
Jean MARVAUD Anne-Marie SIMON
Neuro-psychiatre, Psychanalyste Orthophoniste
34 rue Mexico 4 rue Cécile Vallet
33200 Bordeaux 92340 Bourg-la-Reine

• Le bégaiement est un trouble de la communication affectant la parole.


• 1 % de la population est bègue, et ce dans tous les pays, soit, environ
600 000 personnes en France.
• Ce handicap touche 3 à 4 sujets masculins pour un sujet féminin.
• Le bégaiement existe aussi bien chez l’enfant que chez l’adulte. Si rien n’est
entrepris, sur 4 enfants de 2 à 5 ans commençant à bégayer, 1 restera bègue
à l’âge adulte.
• Que fait-on ? Qui en parle (études, formation continue, presse spécialisée) ?
Qui le traite ?

♦ Définition
Le bégaiement n’est jamais normal. Encore faut-il savoir ce qu’il est.
Il n’y a pas une définition du bégaiement. C’est très important à préciser.
Les différentes classifications des maladies (nationales et internationales) le
définissent différemment. Classiquement, c’est un trouble du rythme de la
parole. Actuellement, on dit que c’est un trouble de la fluence verbale. La
notion de lutte, de gêne et de souffrance est présente. La parole est ainsi pro-
duite avec trop de répétitions, de prolongations, de saccades, ou/et trop d’hési-
tations, de blocages. Le plus souvent des mouvements accompagnateurs, du
visage surtout, se joignent à la parole.
Un trait tout à fait particulier fait partie de la définition : le bégaiement
n’existe qu’en relation avec autrui. Pour bégayer, il faut être deux. On peut donc
aussi le définir comme un trouble de la communication.

22
♦ Remarques
1 - La gêne, la souffrance éprouvées par le sujet ne correspondent pas
toujours à l’importance du trouble. Tel supporte assez bien une parole remplie
d’accrocs, de répétitions de syllabes, d’hésitations, de blocages, semblant ne pas
se rendre compte de l’altération de sa parole.
Tel autre se trouve infiniment malheureux malgré une parole à peine alté-
rée. Chez l’enfant, c’est la notion d’effort, de lutte qui doit rendre ses parents
attentifs.
2 - La fluence : ce terme vient du latin : fluere = couler. Les américains et
les spécialistes anglophones du bégaiement se sont emparés de cette étymologie
pour créer le mot : Fluency qui exprime que « ça » coule de manière fluide.
Une parole est fluide lorsqu’elle s’écoule avec facilité. En s’appuyant sur
le terme américain, on pourra caractériser un énoncé, un discours comme fluent
et un autre comme dysfluent. Malheureusement, l’objectivité ne permet pas de
tracer une frontière entre parole fluente et parole bègue. Les facteurs propres au
sujet bègue ainsi que ceux de celui qui l’écoute y mêlent leurs notes subjectives.
Il existe cependant des descriptions générales de la fluence. Sont étudiés
le débit de la parole, son rythme, l’absence d’efforts laryngés ou d’articulation
et surtout cette qualité de la parole qu’est la continuité.
3 - Le bégaiement est un handicap qui peut être très sévère et vraiment
encore trop de soignants (médecins généralistes et divers spécialistes, orthopho-
nistes, psychothérapeutes) ont des réponses inadaptées, ou un déni. Il existe un
déni de ce trouble, de ce handicap, trop fréquent : déni des soignants (« cela dis-
paraîtra quand il va grandir », « cela passera à la puberté »...), et aussi déni des
familles (et parfois, surtout si un ascendant est bègue).

♦ La question de la cause
Il est classique en médecine de rechercher la cause d’un trouble, d’une
maladie. Cela ne permet-il pas de comprendre puis d’instaurer le traitement le
plus efficace ?
Il est nécessaire, en ce qui concerne le bégaiement d’envisager autrement
cette question. L’on étudie les facteurs favorisants et déclenchants ; la question
du sens n’est absolument pas rejetée. On sait de mieux en mieux assurer des
prises en charge et traiter.
1 - Dans les années écoulées, les recherches sur les sources du bégaie-
ment, marquées obligatoirement par la formation des chercheurs, leurs écoles,
l’absence ou l’insuffisance de critiques fondées de ce qui était avancé, ces

23
recherches ont entraîné des conclusions non cohérentes entre elles. Au fil des
années (des siècles même), la proposition de telle ou telle explication rassurait.
Tout a eu son heure de gloire.
Actuellement, existe un consensus considérant qu’il faut un certain
nombre de facteurs pour déclencher un bégaiement : il n’existera que s’ils appa-
raissent. Ils sont soit personnels à l’enfant (exemple : gens bègues dans sa
famille, en particulier au premier degré - père ou mère - ; enfant dont le langage
ne se développe pas bien...), soit liés à l’environnement familial, scolaire
(exemple : l’enfant vit dans un milieu particulièrement agité sur le plan affectif
ou sur le plan du rythme au quotidien), soit traumatisants (reconnus ou non
reconnus, réels ou imaginaires). Ils vont être générateurs de tension chez l’en-
fant et peuvent favoriser le bégaiement. S’ils se chronicisent, le bégaiement sera
installé.
On peut dire que les facteurs déclenchants sont connus, car, en particulier
chez le petit enfant pris en charge avant 4 ans, le bégaiement cesse dès lors
qu’on agit sur ces facteurs (6).
2 - La crainte du bégaiement augmente le bégaiement. Ce n’est pas un
phénomène simple, et l’importance des facteurs psychologiques ne peut être
niée. De nombreuses études ont été faites sur ce plan ayant entraîné des élabora-
tions théoriques. Sans doute ces études (en particulier celles des psychanalystes)
n’ont-elles pas été assez complètes.
Actuellement, en France, des études sont faites dans le domaine de la
psychosomatique, qu’il s’agisse des recherches de l’Association Parole-Bégaie-
ment (A.P.B) (1) avec l’Institut de Psychosomatique (I.P.S.O) pour étudier l’as-
pect psychosomatique de la maladie qu’est le bégaiement et proposer, pour cer-
tains types de patients, des traitements psychothérapeuthiques adaptés, ou qu’il
s’agisse d’une approche psychosomatique des sujets bègues, de techniques de
traitements et peu à peu d’une théorie. Cela permet de se rendre compte de ce
qui se joue mentalement pour le sujet qui a réagi à tout un ensemble de facteurs,
d’événements, de conflits, en étant bègue.
La théorie psychosomatique plaide en faveur de l’hypothèse selon
laquelle tout état affectif s’accompagne d’un état somatique impliquant non seu-
lement le cerveau, mais le corps tout entier.
L’« atteinte » psychosomatique se déclenche à l’occasion d’un événe-
ment (séparation, départ, nouveau statut...) qui agit comme un impératif, une
« contrainte ». Cet impératif dépend du langage et de la dimension symbo-
lique.

24
♦ Clinique
A - Le bégaiement de l’enfant
1 - Installation
Il faut replacer le langage dans le contexte de la communication.
Le bégaiement peut commencer dès 2 ans lors de l’acquisition du lan-
gage. Il se manifeste avant 3 ans pour 27 % des cas et avant 7 ans pour 90 % des
cas (5). Il peut débuter à 6 ans et même à la puberté. S’il commence parfois à
l’âge adulte, c’est généralement au moment d’un accident cérébral ou d’un trau-
matisme. La présence d’un parent au premier degré, bègue, multiplie par trois le
risque d’être bègue soi-même.
Le début est brutal dans environ la moitié des cas (d’un jour à une
semaine). Plus il est précoce, meilleur est le pronostic qui sera moins bon
s’il est brutal. Il existe donc une relation entre la précocité du trouble et sa
sévérité.
Les parents perçoivent dans la parole de l’enfant un changement - soudain
ou progressif - qu’ils repèrent comme le début du trouble et auquel ils vont
répondre le plus souvent de façon maladroite, voire pathogène. Au manque de
fluence, aux décharges émotionnelles, pleurs, colères, repli qui vont être signe
de souffrance de l’enfant, les parents vont souvent réagir, comme la plupart des
parents, mais hélas dans le sens inverse de celui qui pourrait aider l’enfant à
diminuer ses efforts de parole. Moqueries, conseils, fausse indifférence sont
également des attitudes nocives que les parents ont spontanément face à la diffi-
culté de leur enfant, surtout quand celui-ci atteint 5-6 ans. Cela aggrave le
malaise de l’enfant commençant à bégayer.
2 - L’enfant
Un enfant qui commence à parler fait de nombreuses répétitions. Elles
diminuent beaucoup au fil des ans pour disparaître, et les répétitions partielles
de mots (phonèmes, syllabes) avant celles des mots entiers. On considère la
parole normalement fluente tant que les hésitations, les arrêts ou les répétitions
n’apparaissent pas de façon répétée. Si les dysfluences apparaissent, elles doi-
vent être brèves, sans effort et ne pas interférer dans la communication en empê-
chant le message de passer. La fréquence des dysfluences et les éléments de lan-
gage qu’elles altèrent sont des critères retenus pour juger de la sévérité et du
risque encouru par l’enfant.
Tout enfant aussi petit soit-il, se rend compte qu’il ne peut pas parler
comme il le voudrait. Il se montre aussi conscient que sa difficulté entraîne chez
son interlocuteur une réaction, le plus souvent négative. Il va alors réagir en fai-

25
sant des efforts, ce qui le conduira à des réactions de colère ou de repli, d’inhibi-
tion, souvent à des comportements dépressifs sur lesquels il faudra interroger les
parents.
Le risque de chronicisation sera proportionnel à la sévérité des réactions
négatives de l’enfant.
3 - Les signaux d’alerte chez l’enfant
Les irrégularités de la parole sont des phénomènes normaux de l’acquisi-
tion du langage. Toutefois, certaines d’entre elles sont spécifiques du bégaie-
ment :
- les répétitions de sons ou de syllabes supérieures à trois : ta ... ta... ta...
tapis ;
- les prolongations de sons relativement longues : vvvvvvvoiture ;
- les blocages de syllabes accompagnés de crispations du visage, de trem-
blements des lèvres, de comportements respiratoires anarchiques, de
mouvements incontrôlés ;
- la perte du contact visuel pendant plus de la moitié de l’échange est un
signe de gravité.
Tous ces indices peuvent cependant manquer. C’est alors l’impression
subjective que l’enfant se bat contre sa propre parole qui orientera le diagnostic.
Il faudra également intervenir :
- quand existe une notion de lutte pour parler, la présence d’une tension
qui n’est pas forcément audible ;
- quand l’enfant réagit à ses difficultés de fluence, quel que soit son âge et
le moment où il a commencé à bégayer, par une modification de son
humeur : tristesse, colère... ;
- quand existe une fréquence élevée de bégayages, alternant avec des
périodes de parole fluente ;
- quand l’inquiétude des parents, face à la parole de leur enfant, se mani-
feste.
B - La prévention
Sur quatre enfants de 2 à 5 ans commençant à bégayer, trois guéri-
ront spontanément, mais le quatrième restera bègue à l’âge adulte si rien
n’est entrepris ; actuellement, on ne dispose d’aucun moyen pour prévoir
lequel. Une action de prévention autour de tous ces enfants est donc indis-
pensable.
Le conseil parental précoce, peu contraignant pour l’enfant, s’avère ici
être le mode d’intervention le mieux adapté.

26
Le traitement préventif de la chronicisation est assuré par des orthopho-
nistes bien formés. Certains phoniatres se sont intéressés également à cette
question. Malheureusement, encore maintenant, malgré toutes les campagnes de
prévention faites par l’A.P.B (1), beaucoup de praticiens disent : « attendez, ça
passera », « attendez, que ce soit sérieux »..., et bien d’autres avis qui sont tous
mauvais. L’attentisme, en matière de bégaiement du petit enfant, est le pire
conseil que l’on puisse donner. Le meilleur conseil à donner aux parents est
celui d’aller rencontrer un orthophoniste formé à ce conseil parental. C’est la
meilleure personne à consulter.
Le traitement préventif de la chronicisation consiste en un accompagne-
ment de la famille ; il s’adresse d’avantage à l’entourage des parents qu’aux
enfants. Cela se déroule sous forme d’entretiens, d’informations et de conseils
concernant :
- l’attitude à adopter au moment des accidents de parole,
- les conduites de communication dans la famille, en prenant en particu-
lier la perspective de l’enfant,
- le comportement éducatif en général, si le niveau d’exigence semble
trop élevé pour cet enfant-là.
Suffisamment précoce, cette approche environnementale s’avère très effi-
cace. Elle permet aux parents d’être les acteurs du traitement. En les aidant à
réajuster leur conduite face à la parole de l’enfant, elle induit des changements
positifs et durables dans la communication intra-familiale et dans les liens état
affectif / état somatique.
Moins longtemps un enfant a bégayé, c’est-à-dire plus tôt il est pris en
charge, plus les chances sont grandes avant 4 ans 1/2 de voir disparaître le
bégaiement. Après, l’enfant va devoir être pris en charge, les parents aussi.
L’enfant a déjà très fortement réagi à son bégaiement et l’entourage a aussi fixé
un certain nombre de comportements. Après 6 ans, une prise en charge indivi-
duelle s’imposera, plus longue, plus difficile, plus coûteuse.
Avec un recul de plus de 20 ans d’expérience, l’efficacité du conseil
parental est maintenant démontrée (près de 100% de réussite avant 4 ans).
C - Le bégaiement de l’adulte
Presque tous les adultes présentant un bégaiement l’avaient pendant leur
enfance et certains ont déjà suivi une ou plusieurs périodes de traitement plus ou
moins longues.
Le bégaiement nommé « neurologique » est une affection rare survenant
après un traumatisme, pouvant être psychologique (conséquence d’un accident
de la circulation par exemple), ou réel (traumatisme crânien ayant entraîné une

27
perte de conscience). En général, ce bégaiement disparaît en quelques semaines
ou quelques mois.
Le véritable bégaiement adulte est un phénomène complexe. François Le
Huche (3) nous indique : « il y a évidemment, dans le bégaiement, un désordre
dans la commande motrice de l’acte de parole. Cela suffit pour considérer le
bégaiement comme un trouble relevant du domaine de la neurologie au moins
autant que du domaine de la psychologie ou de la linguistique, même s’il relève
plus précisément encore du domaine de la phoniatrie et de l’orthophonie. Le
bégaiement se situe à un carrefour. »
Le bégaiement s’inscrit, ajoute-t-il, dans le domaine des « dystonies foca-
lisées ». Il en cite d’autres : crampe des écrivains, blépharospasme, torticolis
spasmodique, dysphonie spasmodique... Tous ces troubles font partie d’une neu-
rologie « dysfonctionnelle », dans la mesure « où les troubles moteurs qu’elle
regroupe concernent non pas un organe ou un membre mais une fonction parti-
culière (écriture, vue, phonation...) ».
Le développement de ces troubles suit le même ordre : chronicisation par
des réactions d’effort inadaptées entraînant dérapages et blocages. La parenté
clinique est indiscutable d’autant plus qu’ils peuvent s’associer ou se succéder.
Toutes ces dystonies semblent être ce qui était et est encore appelé, dans
le domaine de la psychosomatique, des troubles fonctionnels, maladies de la
relation s’exprimant par une souffrance corporelle.
La symptomatologie, c’est-à-dire ce que la personne montre, donne à voir
et à entendre à son interlocuteur, peut être très différente d’une personne à une
autre. Des personnes « très bègues » peuvent ne montrer aucun symptôme habi-
tuel du bégaiement. Elles sont, par contre, complètement figées sans aucune
expressivité dans leur visage, sans expression corporelle avec une voix mono-
tone. Elles ont la souffrance de la personne bègue, car la communication est,
pour elles, un fléau, et elles vivent de plus en plus isolées. La symptomatologie
peut être variée, souvent semblable à celle décrite chez l’enfant. Les attitudes
réactionnelles, les sentiments, la façon dont la personne réagit à son trouble peu-
vent être aussi très différents.

♦ Les traitements
Le traitement du bégaiement ne peut être uniforme et il doit s’adapter à
chaque personne souffrant de bégaiement, son histoire, ses attentes. Le théra-
peute, lui, tient compte de sa formation, des courants qui l’habitent, des études
et recherches actuelles. Les attitudes contre transférentielles du thérapeute
comptent également.

28
Il faut sortir du déni, du silence, du tabou, de la conspiration du silence
existant dans la plupart des familles et dans l’entourage (médical compris).
Qui aller voir ? Quel(s) traitement(s) ?
Il existe des thérapeutes formés et ils sont de plus en plus nombreux à
savoir traiter le bégaiement : des orthophonistes, des phoniatres et d’autres, tels
que les art-thérapeutes (2).
1 - Répétons-le, les seuls soignants aptes à expliquer, à conseiller, à traiter
dans un contexte de conseil parental précoce, indispensable chez l’enfant petit et
seul moyen d’intervenir tout à fait adapté, sont des orthophonistes et des pho-
niatres formés.
Si les parents s’inquiètent auprès de pédiatres, pédopsychiatres, ensei-
gnants, orthophonistes, en raison des difficultés de fluence de leur enfant, ces
derniers doivent savoir apporter les informations et les conseils adaptés à
chaque cas, pour l’orienter vers la meilleure prise en charge possible, qui entraî-
nera le meilleur pronostic, la meilleure évolution et un moindre coût pour la
société.
2 - Les traitements sont multiples et parfois plusieurs traitements peuvent
exister pour la même personne.
a) Les thérapeutes orthophonistes et phoniatres possèdent des techniques
bien codifiées, prennent en charge la personne, le trouble d’une fonction qui est
un trouble de la relation, de la communication.
L’approche est multicentrée ; il existe à la fois des démarches assez tech-
niques par rapport à la projection vocale (prendre le risque d’aller mettre sa voix
dans l’oreille de celui qui écoute), des techniques de souffle, de parole, des
méthodes de relaxation... Il existe des techniques de fluence indispensables,
sans doute rassurantes, mais bien utiles. Il y a aussi tout un travail sur les habile-
tés ou talents (4) de communication. Le cabinet d’orthophonie, par exemple, est
un espace de sécurité et aussi un espace de transition (un « espace
transitionnel » même parfois) avec le monde réel. Très vite, la personne est à
l’aise et ne bégaie plus. Mais, si c’est pour sortir et retrouver sa difficulté à la
moindre démarche à l’extérieur, cela n’a aucun intérêt. Ce qu’il faut vraiment,
c’est que les résultats soient transférés à l’extérieur.
Les thérapeutes travaillent dans trois domaines :
- le premier concerne le locuteur qu’est la personne bègue ;
- le deuxième est centré sur la relation qui s’établit entre le thérapeute et
le soigné ;
- le troisième se concentre sur l’objet de l’échange (intérêt et importance
de ce que l’on a à dire, attitudes de l’interlocuteur, échange de paroles...).

29
Le travail en groupe lutte aussi contre l’aspect phobique du bégaiement : le
fait d’avoir à prendre position, d’être capable de discuter sans agressivité, de
résoudre ensemble un problème, de bâtir en commun des échanges et de faire que
la communication passe pour celui qui parle comme pour celui qui écoute. Celui
qui a un bégaiement est très souvent devenu quelqu’un qui n’écoute pas bien, car
toujours en train de préparer sa réponse, en train de se demander comment sortir
de cette situation d’échange, et d’anticiper négativement les réactions d’autrui,
alors que pour être un bon locuteur, il faut être aussi un bon interlocuteur.
b) Si le bégaiement est en lien avec d’autres difficultés personnelles ou
s’inscrit comme trouble profond ou laisse apparaître des troubles de la person-
nalité, le traitement psychothérapique peut être indiqué.
Certains bègues ont suivi une psychanalyse et ont vu leur bégaiement
s’améliorer... mais ils ne venaient pas en analyse pour leur bégaiement.
Le choix psychothérapique tient compte de la demande du sujet et des qua-
lités actuelles du fonctionnement psychique. Il se fera entre une psychothérapie
verbale, si le patient est capable de faire des liens, de créer une relation réelle sans
doute, mais aussi imaginaire et symbolique, et entre une relaxation psychothéra-
pique, pour travailler sur la partie de la psyché qui n’est pas mentalisée, donc sur
tout ce qui se décharge dans le corps soma et non dans le corps psychisé.
c) La prise en charge thérapeutique du bégaiement nécessite formation et
ouverture quels que soient les acteurs des traitements. L’ouverture psychosoma-
tique existe chez les orthophonistes ; leur technique de la relation au patient se
situe dans cette direction. Ils sont également à l’écoute des séquences de vie qui
ont conduit à l’apparition du bégaiement (prévention par exemple).
Les psychothérapeutes connaissant le bégaiement travaillent sur les mou-
vements qui se produisent dans le fonctionnement psychique des patients et qui
s’accompagnent d’une meilleure maîtrise de leur angoisse et d’une amélioration
de leur état somatique. A travers les différentes techniques utilisées, les ortho-
phonistes travaillent dans ce sens dans la relation soignant-soigné qui fait partie
du traitement.
De toute façon il ne s’agit pas d’identifier les causes (objectives) du
bégaiement mais d’entendre et de comprendre si possible, les raisons (subjec-
tives) de l’angoisse (souffrance...).

♦ Conclusion
Une personne bègue peut grandement aider une autre personne bègue. Il
se développe de plus en plus - et c’est reconnu comme important dans une qua-
rantaine de pays - la « self-help » (s’aider soi-même à se soigner) avec la parti -

30
cipation de sujets bègues. Dans plusieurs universités américaines, les chaires de
pathologies du langage ont pour directeur et enseignant un thérapeute bègue. En
France, les candidats bègues aux études d’orthophonie sont refusés !
Cependant, la formation universitaire devient plus riche, plus longue, et
met l’accent sur la prise en charge de la personne dans sa souffrance.
Dans la publication des « lignes directives pour le traitement du bégaie-
ment » de l’A.S.H.A (Américan Speech-Language Hearing Association), il est
dit : « Les traitements du bégaiement qui ne s’adressent pas au problème dans
son intégralité, quelle qu’en soit la complexité, ne répondent pas aux critères
d’une pratique satisfaisante ».
La compétence du thérapeute et l’intervention la plus précoce possible
sont les deux éléments pronostiques essentiels du devenir de l’enfant.
Les personnes bègues ne doivent pas rester dans leur souffrance mais arri-
ver à une parole dont le bégaiement ne dirige ni la fluence ni le contenu (c’est-
à-dire ne plus éviter des mots ou des situations, ni n’écourter ce qu’elles ont à
dire) ; mais surtout le bégaiement doit cesser d’être un écran entre soi et les
autres. Etre soi sera l’objectif.

31
REFERENCES
(1) A.P.B* : Publications et documents. Laboratoire de recherches Pathologies du langage INSERM.
Hôpital de la Salpétrière Paris
(2) GAYRAUD ANDEL M, 1999 : Bégaiement et Art Thérapie. Ortho Edition Isbergues
(3) LE HUCHE F, 1998 : Bégaiement Option guérison. Albin Michel. Paris
(4) MONFRAIS PFAUWADEL MC, 2000 : Un manuel du bégaiement. Solal Marseille
(5) RUSTIN L, 1991 : Parents, families and the stuttering child ; Kibworth Far Communication. Londres.
(6) SIMON A.M, 1999 : Paroles de parents. Prévention des risques de chronicisation du bégaiement.
Ortho Edition Isbergues

* L’A.P.B. (Association Parole Bégaiement) « développe et soutient des projets matériels, intellectuels ou
scientifiques ayant pour objet la recherche sur le bégaiement et l’aide aux personnes bègues ». Elle regroupe à
parts égales des personnes bègues ou proches d’elles d’une part, des thérapeutes et des chercheurs travaillant
dans le domaine du bégaiement d’autre part.
Elle tr availle en partenariat avec le Groupe Pasteur Mutualité. (A.G.M.F.) qu’elle remercie de son aide et de
son soutien. Ensemble, ils sont décidés à faire avancer la recher che et à améliorer l’aide que l’on peut désor-
mais apporter tout en continuant à sortir le bégaiement de l’exclusion et du non-dit et à organiser la préven-
tion.
A.P.B. Bâtiment Pharmacie.
Laboratoire des pathologies du langage.
INSERM Hôpital de la Salpétrière 75013 PARIS
Minitel : 3615 BEG (1.29 F la minute)
Internet :www.begaiement.org
e-mail : contact@begaiement.org

32
Bégaiement acquis : une étude rétrospective (1)
John Van Borsel

Résumé
Le bégaiement commence généralement pendant l’enfance, entre 2 et 5 ans environ. Néan-
moins, il peut débuter plus tardivement au cours de la vie, bien au-delà des jeunes années.
Ce bégaiement qui débute bien après l’enfance, appelé alors bégaiement acquis, peut avoir
des origines variées. En conséquence différents types de bégaiement peuvent être distin-
gués.
Mots clés : bégaiement acquis, bégaiement de début tardif, bégaiement neurologique,
bégaiement psychogène, bégaiement d’origine médicamenteuse

Acquired stuttering : a retrospective study

Abstract
Stuttering usually has its onset in childhood, somewhere between the ages of two and five.
However, the first onset of stuttering may also occur later in life, beyond the typical child-
hood period. Stuttering that occurs after the typical childhood period, commonly called
acquired stuttering or late-onset stuttering, may have various causes. Different types of
acquired stuttering can be distinguished accordingly.
Key Words : acquired stuttering, late-onset stuttering, neurogenic stuttering, psychogenic
stuttering, pharmacogenic stuttering

(1) Traduit de l’anglais par A.M. Simon

Rééducation Orthophonique - N° 206 - Juin 2001


33
John Van BORSEL
Praticien à l’Hôpital de l’Université
de Gand
De Pintelaan 185
9000 Gent
Belgique

L
e terme « bégaiement » renvoie aux troubles du rythme de la parole pen-
dant lequel le sujet sait parfaitement ce qu’il veut dire mais en même
temps est incapable de le dire en raison de répétitions involontaires, de
prolongations ou blocages d’un son (OMS 1977). Le bégaiement, le plus sou-
vent, débute pendant l’enfance, entre 2 et 5 ans environ (John et Al, 1959). Van
Riper (1971) a souligné que ce fait est « un des rares éléments d’information
que nous ayons sur le bégaiement ». Ces dernières années, il est devenu évident
cependant que les troubles de la fluence pouvaient aussi apparaître pour la pre-
mière fois plus tardivement au cours de la vie, bien au-delà de la période
typique de l’enfance. Bien que l’ensemble des praticiens ne semble pas d’accord
pour que ces troubles de la fluence observés pour la première fois durant l’ado-
lescence ou l’âge adulte soient considérés comme un bégaiement (Culatta &
Leeper, 1988), il est néanmoins admis maintenant qu’un trouble de la fluence
qui a commencé après l’enfance doit être considéré comme un « bégaiement
acquis » ou parfois comme un « bégaiement de début tardif ».
Le bégaiement qui a débuté dans l’enfance est parfois appelé « bégaie-
ment de développement ».
Le bégaiement acquis peut avoir de nombreuses causes et on peut donc
en distinguer différents types. Evidemment on pourra toujours supposer que le
bégaiement acquis est en réalité une récidive d’un bégaiement de développe-
ment dont le sujet s’était débarrassé. Et quelques sujets commençant à
bégayer pour la première fois à l’âge adulte peuvent avoir été des bègues
« intériorisés » qui, sous l’effet d’un stress intense, n’ont plus pu cacher leur
trouble. En dehors de ces cas, que Van Riper (1971) avait lui-même envisagés,
il semblerait qu’il y ait quatre types différents de bégaiement acquis : le
bégaiement d’origine médicamenteuse, le bégaiement psychogène, le bégaie-
ment simulé et le bégaiement neurologique. Comparé au bégaiement de déve-
loppement, le bégaiement acquis est un trouble rare. Des quatre types men-
tionnés ci-dessus, le bégaiement neurologique est le plus fréquent. Aussi lui
consacrerons-nous plus d’attention.

34
♦ Bégaiement d’origine médicamenteuse
Le bégaiement peut être un effet secondaire de la prise de médicaments.
Dans ce cas, nous parlons de « bégaiement pharmacogénique ». Il semble qu’il
y ait principalement trois types de médicaments susceptibles de provoquer le
bégaiement : les psychotropes, les anti-convulsifs, et la theophylline, qui est un
dilatateur des bronches. Les auteurs qui ont parlé de bégaiement après ingestion
de psychotropes sont Brewerton, Markowitz, Keller et Crochane (1996), Burd et
Kerbeshian (1991), Christensen, Byerly et McElroy (1996), Ebeling, Compton
et Albright (1997), Elliot et Homas (1985), Guthrie et Grunhaus (1990), Maleka
et Sullivan (1994), Masand (1992), McCall (1994), Meghji (1994), Nurnberg et
Greenwald (1981), Quader (1977), Rentschler, Driver et Callaway (1984), San-
dyk (1986), Schatzberg, Cole et Blumer (1987), Sholomkas (1987), et Thomas,
Lalaux, Vaiva et Goudemend (1994). Les cas de bégaiement associés à l’admi-
nistration d’anticonvulsifs ont été cités par Helm, Butler et Canter (1980),
McCleanet McClean (1985) et Nissani et Sanchez (1997). Des cas d’un effet
secondaire de la théophylline ont été décrits par Gérard, Delecluse et Robience
(1998), McCarthy (1981) et Rosenfield, McCarthy, Mckinney et Viswanath
(1994).
En ce qui concerne les symptômes de bégaiement d’origine médicamen-
teuse relevés jusqu’à nos jours (Beck, 2000), il est difficile de discerner des
caractéristiques générales. Les médicaments appartenant au même groupe phar-
maceutique ou encore un même médicament peuvent entraîner des symptômes
différents selon les patients. Il est clair que les médicaments provoquent les
symptômes principaux du bégaiement (répétitions, prolongations et blocages),
là où les répétitions sont les plus fréquentes.
Il faut d’abord établir l’origine médicamenteuse du bégaiement tardif par
une reconstitution soigneuse des précédentes médications. De plus, l’influence
possible d’un médicament donné peut être prouvée par son retrait temporaire ou
en variant son dosage de façon systématique tout en en vérifiant les effets sur la
fluence de la parole.

♦ Bégaiement psychogénique
Le bégaiement qui se manifeste tardivement peut aussi être associé à un
problème psychologique ou à un traumatisme émotionnel. Cette hypothèse fut
formulée dès 1922 par Henry Head. Ce bégaiement qui trouve son origine dans
des problèmes psychologiques ou émotionnels est généralement appelé bégaie-
ment psychogène. Deal (1982) a décrit le cas d’un ancien soldat du Vietnam de
28 ans qui avait commencé à bégayer après une tentative de suicide. Ce patient

35
avait déjà eu auparavant un épisode de bégaiement, également à la suite d’une
tentative de suicide. D’autres cas de bégaiement psychogène ont été cités par
Attanasio (1987), Brookshire (1989), Deal et Doro (1987), Dempsey et Granich
(1978), Duffy (1989), Marh et Leith (1992), Peacher et Harris (1964), Roth,
Aronson et Davis (1989), Tippett et Siebens (1991), Van Borsel, Van Lierde,
Oostra et Eeckhaut (1997), Wallen (1961) et Weiner (1981).
Selon Marh et Leith, le bégaiement psychogène est mieux classé
comme symptôme de conversion (c’est-à-dire, altération d’une fonction phy-
sique qui supposerait un trouble physique mais est l’expression d’un conflit
psychologique). Les caractéristiques principales du bégaiement psychogène,
dont Deal a fait la liste sont : un départ brusque du trouble, relié dans le temps
à un événement significatif, une parole comportant surtout la répétition des
syllabes initiales ou accentuées que n’améliorent pas la lecture en choeur, le
bruit blanc, le chant ou la diversité des situations de parole. Au départ selon
Deal (1982), il n’y a aucune période de fluence (même les réponses sociales
totalement codées sont bégayées) et le patient n’exprime aucun intérêt pour
son trouble. Il n’y a pas de symptômes secondaires, ni d’évitements ou de ten-
tatives pour camoufler le bégaiement. Le même type de répétitions se mani-
feste durant une lecture en écho comme durant la conversation. Baumgartner
et Duffy (1997), dans une étude rétrospective, n’ont relevé aucun âge spéci-
fique de début de ce bégaiement psychogène, mais la plupart du temps il se
manifeste avant l’âge de 60 ans. Le sexe masculin est autant atteint que le sexe
féminin. Il n’y a pas non plus de différences de niveau culturel ou de domi-
nance latérale entre les patients présentant un bégaiement psychogène et la
population générale.
Il est difficile à dire qu’un bégaiement est ou non d’origine psychogène.
Ce type de bégaiement doit être différencié des autres types de bégaiement. En
particulier le différencier d’un bégaiement neurologique (bégaiement consécutif
à une détérioration cérébrale - voir plus loin) peut être difficile. Un bégaiement
psychogène peut survenir chez un patient ayant un trouble neurologique. Aussi
doit-on dans ces cas rechercher si le trouble neurologique est à l’origine du
trouble de la fluence ou s’il s’agit seulement d’une co-morbidité.
Selon Baumgartner & Duffy (1997), le bégaiement psychogène serait
assez fréquent chez des patients souffrant de détérioration mentale, d’attaques
cérébrales ou de lésions intra-crâniennes. Ce serait moins fréquent chez des
patients atteints d’aphasie, d’apraxie ou de dysarthrie. En d’autres termes, la
présence d’un trouble neurologique n’exclut pas le diagnostic d’un bégaiement
psychogène. En revanche l’absence de toute pathologie neurologique est un
indicateur précieux d’un possible bégaiement psychogène.

36
Une autre indication d’une possible origine psychogène est la présence
(ou des antécédents) de troubles psychiatriques ainsi qu’un comportement d’ef-
fort sans lien avec la production de la parole, produisant une impression de
« parole bizarre ». Il n’est pas rare d’observer, chez des patients présentant un
bégaiement psychogène, des schémas moteurs qui n’existent habituellement pas
dans un autre trouble de la parole. Autre observation : des tâches plus faciles qui
augmentent le trouble de la parole chez ces patients, renforce la suspicion d’un
bégaiement psychogène. Le plus convaincant des arguments en faveur d’un dia-
gnostic de bégaiement psychogène est la réversibilité du symptôme.
Il n’est pas rare de constater une amélioration considérable de la fluence
ou même un retour à la normale après seulement deux séances thérapeutiques
ou même au cours de l’établissement du diagnostic. Durant ce traitement, le thé-
rapeute explique au patient que son bégaiement n’a pas une origine organique et
qu’un changement de sa parole est possible. Dans la série de cas étudiés par
Baumgartner et Duffy (1997), 70 % des patients traités ont retrouvé une parole
normale ou proche de la normale en une à deux séances. La présence ou l’ab-
sence d’une neuro-pathologie n’a pas semblé affecter les effets positifs de la
thérapie. D’un autre côté, l’absence d’une réaction importante et rapide à la thé-
rapie comportementale n’est pas la preuve qu’il ne s’agit pas de bégaiement
psychogène. Bien qu’une partie significative des patients présentant un bégaie-
ment psychogène réponde de façon massive et rapide à la thérapie, d’autres
patients ont besoin de plus longues périodes de traitement et éventuellement
d’une prise en charge psychologique ou psychiatrique.

♦ Bégaiement simulé
Il s’agit d’un autre type. Le bégaiement simulé est probablement très rare
mais a néanmoins été cité quelquefois dans la littérature. A chaque fois, il s’est
manifesté dans le cadre d’une expertise médico-légale. Shirley (1987) a décrit le
cas d’un homme de 33 ans qui était accusé d’une série d’attaques sexuelles à
l’encontre de jeunes filles. Les résultats d’un examen du langage indiquaient
que ce sujet était probablement un bègue comme il le proclamait lui-même.
Aucune des victimes n’avait remarqué de bégaiement chez leur agresseur. Il
semble probable, cependant, que même si le violeur était un bègue sévère il
pouvait fort bien être fluent en s’adressant à ses victimes pendant l’agression.
Cet homme fut reconnu coupable de 22 crimes. Durant le procès, les témoi-
gnages et les empreintes digitales du prévenu furent des preuves plus évidentes
que son bégaiement. Bloodstein (1988) a cité le cas d’un bègue soupçonné de
vol. La confirmation du diagnostic a montré que le sujet disait vrai en ce qui
concerne son bégaiement. De là, les charges retenues contre lui ont été suppri-

37
mées. Comme le souligne Bloodstein, établir l’évidence d’un bégaiement
simulé peut être difficile ; un moyen satisfaisant de le dépister reste à trouver.

♦ Bégaiement neurogénique
C’est de loin le type le plus commun des bégaiements qui provient d’une
lésion du système nerveux central, appelé généralement bégaiement neurogé-
nique. Le terme de neurogénique qui indique la présence d’une fluence anor-
male a probablement été inventé par Canter (1971) dans un article fondateur sur
ce sujet. Un autre terme employé est celui de « bégaiement cortical » (Rosem-
beck, Messert, Collins et Wertz,1978). Comme nous le verrons plus loin ce
terme est quelque peu trompeur en cela qu’il suggère que la lésion responsable
est toujours située dans le cortex cérébral, ce qui n’est certainement pas toujours
le cas. Plus récemment, Helm-Estabrooks (1993) introduisit l’acro ny m e
« S A A N D » pour « Stuttering Associated with Acquired Neuro l ogi c a l
Disorders », c’est-à-dire un bégaiement associé à des troubles neurologiques.
Pour la définition du bégaiement de l’OMS, cet auteur décrit le SAAND
comme suit : Le bégaiement fait référence à des troubles du rythme de la parole
alors que le sujet sait précisément ce qu’il veut dire, mais en même temps est
dans l’incapacité de le dire en raison de répétitions, prolongations ou blocages
des sons. Si ce trouble se manifeste une première fois, puis s’aggrave considéra-
blement ou réapparaît en présence de problèmes neurologiques, le diagnostic de
SAAND est porté. Il est important de noter que le SAAND tel qu’il est défini par
Helm-Estabrooks englobe non seulement le bégaiement qui se manifeste pour la
première fois à la suite d’une lésion cérébrale mais aussi les cas où un bégaie-
ment de l’enfance s’aggrave en raison de la lésion cérébrale et ceux où un
bégaiement pré-existant qui avait disparu réapparaît à la suite de la lésion.
Ce bégaiement neurogénique n’est pas du tout un phénomène nouveau,
mais c’est seulement depuis les années 70 que l’on s’y intéresse de plus en plus.
La plus ancienne référence renvoie aux écrits de Franz J Gall et J.C Spurzheim
au XVIIIe siècle (Andy et Bhatnagar, 1992). Ils ont décrit le cas d’un patient,
Edward de Rampen, âgé de 26 ans, qui s’est mis à bégayer après une lésion
(blessure à l’épée) de la partie postérieure du lobe antérieur du cerveau. Le
bégaiement neurologique a aussi été cité à la fin du XIX e siècle par Arnold Pick,
un neuro-psychiatre tchèque, qui à la suite de son contemporain Adolf Kusmaul
l’appela « aphatische Stottern » ou bégaiement aphasique. Dans son article de
1899, Pick écrit un paragraphe très intéressant : « Je suis maintenant en mesure
de prouver qu’une maladie cérébrale qui peut avoir son siège dans différentes
parties du cerveau, peut donner une parole qui d’un côté a des traits semblables
à ceux d’un vrai bégaiement et d’un autre côté des liens étroits avec les troubles

38
aphasiques ». En conséquence de cette preuve, on peut peut-être espérer obtenir
une explication sur la nature du bégaiement franc. Dans ces lignes, Pick pose
des questions qui deviendront des sujets majeurs en matière de recherche sur le
bégaiement neurogénique : sa symptomatologie comparée à celle du bégaiement
développemental, son association avec l’aphasie, et la valeur potentielle des
données concernant les cas des patients atteints de bégaiement neurogénique
pour expliquer l’origine du bégaiement développemental.

♦ Bégaiement neurogénique : symptomatologie


Canter, en 1971, pensait que le bégaiement neurologique présentait cer-
tains traits qui permettaient de le différencier du bégaiement développemental.
D’autres auteurs, cependant, comme Inglis (1979), Lebrun, Leleux, Rousseau et
Devreux (1983), Rosenbek, Messert, Collins et Wertz (1978) ont plutôt souligné
les ressemblances entre ces deux types de bégaiement. Selon Lebrun, Leleux,
Rousseau et Devreux (1983), les distinguer sur la seule base de la symptomato-
logie est vraiment difficile.
Canter (1971) a écrit que dans le bégaiement neurologique « les répéti-
tions et les prolongations se produisent sur les consonnes finales ». On peut
s’interroger sur la pertinence d’une telle affirmation. D’un autre côté, en littéra-
ture, il existe vraiment peu de références sur la présence de répétitions finales
ou/et de prolongations chez des bègues neurologiques. L’exception est l’étude
de Rosenfield, Viswananth, Callis-Landrum, Dinatato et Nudelman (1991). Les
huit patients de cette étude présentaient des disfluences aussi bien sur des mots
en position initiale, médiane ou finale. Les autres chercheurs qui ont mentionné
la présence de dysfluences en position finale sont Ardila et Lopez (1986), Bijle-
veld, Lebrun et Van Dongen (1984), Lebrun et Leleux (1985). Ces derniers ont
présenté le cas d’un patient de 60 ans, droitier, avec une lésion de l’hémisphère
droit. Ils écrivent : « la plupart des itérations de sons ou de mots se produisaient
en position initiale, avec seulement un petit nombre de répétitions en position
médiane ou finale ». Une patiente de Bijleveld, Lebrun et Van Dongen (1994),
âgée de 65 ans, droitière a été suivie pendant un an : « la plupart des répétitions,
des blocages et des prolongations se produisaient en position initiale. Quelques
uns en position médiane. Lors du dernier entretien, trois répétitions de
consonnes en position finale avaient été relevées ». A côté de ces exceptions
nous n’avons pas de références explicites à des dysfluences en position finale
dans le bégaiement neurologique.
D’un autre côté, des répétitions et des prolongations ont été observées
dans un certain nombre de bégaiements développementaux (voir Van Borsel,
Van Coster et Van Lierde [1996], pour une revue de la littérature). Donc, si les

39
dysfluences en position finale ne sont pas un symptôme courant dans le bégaie-
ment développemental, elles n’en sont pas non plus un trait exclusif. Ceci est
peut être la raison pour laquelle Helm, Butler et Canter (1980) ont affaibli la
description originale de Canter (1971) en passant de : « les répétitions et les pro-
longations se produisent sur les consonnes finales » à « les répétitions et les pro-
longations ne concernent pas seulement les consonnes initiales ».
Un second trait du bégaiement neurologique, selon Canter, est qu’il se
manifeste à des moments très différents de ceux du bégaiement de développe-
ment. Dans le premier, les /r/, /l/, et /h/ auraient tendance à provoquer plus de
dysfluences. A nouveau on peut se demander si cette affirmation est vraie. Maz-
zucchi, Moretti, Carpeggiani et Parma (1981) ont présenté la plus grande série à
ce jour de patients atteints de bégaiement neurologique. Seul un patient parmi
les seize de l’étude a montré « une incidence plus élevée (des dysfluences) sur
les vélaires /k/ et /g/ et la dentale /r/ ».
Le troisième symptôme considéré comme typique du bégaiement neuro-
logique par Canter est l’absence de tout lien entre la dysfluence et la fonction
grammaticale des mots. Les conjonctions et les prépositions provoqueraient
autant les bégayages que les noms ou les verbes. Pourtant les données manquent
pour conforter cette affirmation. De plus, un lien entre dysfluence et fonction
grammaticale est-il typique du bégaiement de développement ? On suppose éga-
lement que dans le bégaiement de développement il existe une tendance à plus
bégayer sur les mots lexicaux que sur les mots fonctionnels. Mais on observe
aussi le contraire. Par exemple, Bloodstein et Gantwerk (1967) ont écrit que
chez de jeunes bègues, il existe une tendance à bégayer de façon inhabituelle sur
les pronoms et les conjonctions. Griggs et Still (1979) ont aussi observé que
certains bégaiements de développement portaient plus sur les mots fonctionnels
que sur les autres mots. Existe t-il une relation inverse entre disfluence et niveau
de propositionalité ? « La parole en choeur et la répétition sont-elles plus diffi-
ciles que la lecture orale, le langage spontané étant la forme la plus facile » ?
(Canter 1971). Il y a dans la littérature plusieurs cas de bègues neurologiques
qui bégayaient moins en lecture à voix haute ou en répétant derrière autrui,
qu’en menant une conversation. Parmi les sept patients décrits par Rosenbek,
Messert, Collins et Wertz (1978), trois d’entre eux montraient plus de dys-
fluences dans des tâches spontanées, deux bégayaient le plus en répétition et
deux ne montraient aucune différence significative entre la parole spontanée et
la parole imitée. Dans le cas relaté par Baratz et Mesulam (1981) d’une femme
de 42 ans, droitière, « la lecture à haute voix ne montrait aucun bégayage ».
Mais au cours d’un test rapide de dénomination comme au cours d’une conver-
sation, la patiente a montré de fréquentes hésitations, prolongations, répétitions
et blocages sur les sons débutant les mots. Et Mazzucchi, Moretti, Carpaggiani

40
et Parma (1981) ont mentionné que la répétition des mots et des phrases et la
lecture diminuaient le bégaiement et que c’était là une des caractéristiques du
bégaiement de leurs seize patients.
Un autre caractère du bégaiement neurologique relevé par Canter : l’effet
d’adaptation (c’est à dire la diminution de la dysfluence lors de lectures succes-
sives à voix haute d’un même texte) n’existerait pas, effet souvent observé dans
le bégaiement développemental. Ici aussi de nombreux contre exemples ont été
donnés. Koller (1983), Quinn et Andrews (1977) et Rosenfield (1972) ont tous
décrit des cas de bégaiement neurologique où l’effet d’adaptation existait. De
plus cet effet n’est pas non plus un trait caractéristique du bégaiement de déve-
loppement. La variation du degré d’adaptation (Wingate 1986) et l’homogénéité
(Bloom et Silverman 1973) de cette adaptation varient considérablement d’un
patient à l’autre dans le bégaiement de développement. Au cours de celui-ci, il y
a même un accroissement de la fréquence des dysfluences au cours de lectures
répétées du même passage (Bloom et Silverman1973 ; Newman 1963 ; Prins et
Hubbard 1990).
Les derniers traits relevés par Canter sont que le locuteur peut se montrer
ennuyé par son bégaiement mais non anxieux, même au fil du temps. Cela peut
arriver néanmoins. La patiente de Rosenfield (1972) « montrait beaucoup
d’anxiété au moment de parler et faisait de nombreuses grimaces pour sortir des
mots ». En ce qui concerne la patiente de Bijleveld, Lebrun et Van Dongen, une
femme de 65 ans, « le bégaiement était son principal souci, et en conséquence
elle se sentait malheureuse et avait de plus en plus peur de parler ». Le patient
de Lebrun, Leleux et Retif (1987) clignait constamment des yeux en parlant.
Chez le patient de Heuer, Sataloff, Mandel et Travers (1996) on notait « l’hor-
reur du regard d’autrui, une voix à l’intensité décroissante, et la fermeture des
yeux pendant les blocages ». Il est à nouveau remarquable que Helm, Butler et
Canter (1980) aient affaibli la description initiale de Canter de sa formulation
« le patient peut être gêné par son bégaiement mais ne montre pas d’anxiété »,
devenue « le patient peut être gêné par son bégaiement mais sans forcément
devenir anxieux à son sujet ». Autre modification apportée par ces auteurs : « la
symptomatologie secondaire ne se développe pas » remplacé par « il peut ne pas
y avoir de symptomatologie secondaire telle que des grimaces du visage ou le
serrage des poignets ». De plus, on peut remarquer qu’au moins dans certains
bégaiements de développement, le sujet ne montre aucune peur ni aucune symp-
tomatologie secondaire.
En conclusion, il semblerait, comme Lebrun, Leleux, Rousseau et
Devreux (1983) l’ont précisé, que la symptomatologie du patient ne nous per-
mette pas de différencier de façon certaine ces deux types de bégaiement.

41
A aucun degré il n’existe de signes pathognomoniques pour l’une ou l’autre
forme. Néanmoins, selon Ringo et Dietrich (1995) qui ont fait l’examen critique
de 79 cas publiés de bégaiement neurologique, cinq des caractères précédem-
ment cités figureraient plus fréquemment dans le bégaiement neurologique.
Ajouter aussi la tendance à bégayer autant sur les mots fonctionnels que sur les
mots lexicaux, ainsi que peu de réactions anxieuses et une tendance à des dys-
fluences non limitées aux syllabes initiales. Les auteurs admettent cependant les
limites de ces caractéristiques permettant le diagnostic différentiel : bégaiement
neurologique et bégaiement de développement. D’autres recherches à ce sujet
s’imposent.

♦ Bégaiement neurologique : siège de la lésion et sous-types


Si un accident cérébral peut engendrer un bégaiement, la question est de
savoir quelle lésion du cerveau le provoque. A première vue, il semblerait que le
bégaiement neurologique n’est lié à aucun siège particulier de la lésion. Elle
peut être bi ou unilatérale, focalisée ou diffuse, corticale ou sous-corticale,
située dans l’hémisphère droit ou gauche. Dans un même hémisphère, elle peut
se situer dans le lobe frontal, temporal ou pariétal. Aucun bégaiement n’a été
observé à la suite d’une lésion du lobe occipital.
Cela signifie-t-il que le bégaiement neurologique n’a aucune valeur dia-
gnostique ? Il est toujours possible que ses symptômes varient en fonction du
siège de la lésion, ou qu’au moins on puisse différencier plusieurs types. C’est
le cas d’autres troubles neurologiques affectant la parole et le langage. Diffé-
rents types de dysarthrie, par exemple, sont liés à différentes lésions du cerveau.
Divers types d’aphasie aussi. Quelques hypothèses dans cette direction ont été
formulées pour ce qui concerne le bégaiement neurologique.
Récemment, Ackermann, Hertrich, Ziegler, Bitzer et Bien (1996) ont
avancé l’idée que le bégaiement neurologique dû à une lésion mésio-frontale,
pourrait être associé à un ensemble spécifique de dysfluence. Ils ont étudié le
cas d’un homme de 53 ans, droitier, présentant une aphasie transcorticale après
infarctus ischémique du cortex mesio-frontal, due à l’occlusion de l’artère céré-
brale antérieure. Les répétitions de ce patient étaient limitées à des phonèmes
initiaux, et ne se produisaient pas pendant des tâches de répétition ou de lecture
à haute voix. Ces deux traits, réfutés par Ackermann, Hertrich, Ziegler, Bitzer et
Bien, ne ressemblent pas au bégaiement que l’on rencontre après la lésion
d’autres sièges, et représente donc un ensemble de symptômes spécifiques.
Apparemment Ackermann, Hertrich, Ziegler, Bitzer et Bien (1996) ont
adopté le point de vue de Canter qui situe le lieu des dysfluences sur les
consonnes finales de façon typique. Comme on l’a démontré plus haut, ce

42
point de vue n’est pas évident. Van Borsel, Van Lierde, Van Cauwenberge,
Guldement et Van Orshoven (1998) ont décrit le cas d’un homme de 69 ans,
qui après une attaque a eu une hémorragie mésio-frontale à gauche concernant
la région motrice adjacente. L’examen de langage a montré la présence de
fluences pendant les répétitions de phrase et la lecture à haute voix et il a
montré que l’apparition des dysfluences n’était pas restreinte aux seuls débuts
des mots. Ce cas montre clairement qu’un type particulier de dysfluences
n’accompagne pas une lésion de la région mesio-frontale. Koller (1983) s’est
demandé si le trouble de la fluence était un syndrome distinct de celui des
maladies extrapyramidales. Après avoir passé en revue un certain nombre de
cas, il suggéra que le bégaiement associé à un syndrome pyramidal est diffé-
rent de celui dû à une maladie vasculaire ou traumatique. Ce qui les distingue,
selon Koller, est une moindre occurence des dysfluences au cours de la lecture
en choeur ou en répétition et un effet d’adaptation plus fréquent. L’étude de
Hertrich, Ackermann, Ziegler et Kaschel (1993) n’a pas confirmé la sugges-
tion de Koller.
Ils ne trouvèrent pas, chez une patiente âgée de 65 ans et atteinte de Par-
kinson, d’effet d’adaptation positive, ni une présence d’itérations en langage
spontané plus grande qu’en répétition. Il semblerait donc que la lésion du sys-
tème extrapyramidal n’est pas systématiquement associée à un ensemble de
symptômes du bégaiement
L’existence de sous-types de bégaiement neurologique avait déjà été sug-
géré par Canter, ces sous-types reposant plutôt sur des données pathognomo-
niques que neurologiques. L’un de ces sous-types était le bégaiement dysar-
thrique dans lequel les ruptures de la fluence de la parole résulteraient
clairement d’un défaut d’exécution motrice. A ce même type, selon Canter,
appartiendrait une parole aux répétitions rapides de syllabes, mots et phrases,
parole fréquente chez les parkinsoniens et appelée « palilalie ». En dehors du
fait que les répétitions de la palilalie tendent à se produire sans effort, Canter
voyait de bonnes raisons pour les considérer comme des moments de bégaie-
ment. Pourtant il y a un certain nombre de traits qui séparent cette forme de dys-
fluence du bégaiement neurologique classiquement défini. Les répétitions dans
la palilalie affectent habituellement des fragments (mots, ou même phrases
entières) plus longs que les itérations du bégaiement neurologique. La fréquence
des répétitions tend à être plus grande.
Des cas de palilalie montrent un patient pouvant répéter jusqu’à 50 fois à
la suite un élément (Lapointe et Horner 1981) (Lebrun, Leleux et Retif 1987).
De plus, ce sont les dernières syllabes (ou segments de phrases qui sont répétés)
souvent dévoisés, phénomène rare ou inexistant dans le bégaiement neurolo-
gique.

43
Aussi, si la palilalie est d’origine neurologique (la lésion est généralement
sub-corticale) elle apparaît comme une forme distincte de dysfluence du bégaie-
ment neurologique tel qu’il se manifeste communément.
Un second sous-type de bégaiement neurologique décrit par Canter est le
bégaiement apraxique, qui résulterait des lésions affectant les centres de program-
mation motrice du cerveau. Il se produirait lors des essais répétés du sujet pour
prononcer le premier son correctement. De plus, le locuteur apraxique subirait des
blocages silencieux en raison de son incapacité à mettre en oeuvre volontairement
la motricité de la parole. Puisque les répétitions dans l’apraxie sont voulues par le
sujet, il nous semble que leur nature est différente de celle des répétitions du
bégaiement neurologique. Nous préférons en conséquence ne pas considérer les
dysfluences de type apraxique comme une forme de bégaiement neurologique.

♦ Bégaiement neurologique et aphasie


Arnold Pick (1899) avait déjà observé que le bégaiement neurologique est
souvent associé à l’aphasie, employant le terme de « bégaiement aphasique »,
en se référant aux dysfluences que certains de ses patients montraient après une
lésion cérébrale. Ceci a été corroboré par les données de Mazzucchi, Moretti,
Carpeggiani et Parme (1981) qui ont diagnostiqué une aphasie chez 10 patients
parmi leur 16 cas. Un seul patient présentait une aphasie sans difficulté de
fluence. Néanmoins, l’association du bégaiement et de l’aphasie présentait des
formes diverses : pour 4 patients, les deux troubles étaient apparus simultané-
ment et tous deux avaient persisté.
Chez un patient, le bégaiement avait précédé l’aphasie mais les deux
troubles furent transitoires. Pour trois patients, un bégaiement transitoire avait
précédé l’aphasie, laquelle persista. Enfin, il y avait deux patients chez qui
l’aphasie transitoire avait précédé le bégaiement, lequel persista.
On a suggéré que le bégaiement chez les patients aphasiques « devait être
considéré comme l’expression d’une détresse émotionnelle dans laquelle se
trouve le patient lorsqu’il prend conscience de son aphasie » (Goldstein 1948).
L’observation plaide néanmoins contre une telle interprétation : le bégaiement
peut précéder l’aphasie et peut aussi apparaître isolément. Il n’y a donc pas de
raison de douter de l’« organicité » du bégaiement neurologique.
Selon Lebrun, Leleux et Rétif (1987), le bégaiement concomitant avec
une aphasie est une partie intégrale du syndrome aphasique, en particulier en
cas d’une aphasie motrice trans-corticale. L’hypothèse est que les réitérations
chez ces patients résultent du trouble à la base de l’aphasie, à savoir une diffi-
culté à avancer dans le discours. Dans d’autres cas, la dysfluence serait seule-
ment concomitante avec l’aphasie, et n’en serait donc pas une partie intégrale.

44
Ne doivent pas être considérées comme bégaiement neurologique « les
conduites d’approche » de patients présentant une aphasie de conduction.
Comme les patients atteints d’apraxie font des approches répétées du mot, les
répétitions chez les patients ayant une aphasie de conduction sont des répéti-
tions délibérées, ce qui est différent des répétitions involontaires du bégaiement.

♦ Bégaiement neurologique : pronostic et traitement


Comme suggéré plus haut, le bégaiement neurologique n’est pas toujours
permanent. Au moins dans un certain nombre de cas, le bégaiement a été transi-
toire. Après un examen serré de leurs patients, Helm, Butler et Canter (1980) en
vinrent à la conclusion que « le bégaiement persistant était le plus communé-
ment associé à une lésion bilatérale conséquence d’un accident vasculaire ou
d’un traumatisme. Le bégaiement temporaire, d’un autre côté, était associé à des
lésions multi-focales de l’hémisphère gauche ». Néanmoins le bégaiement,
limité à une lésion cérébrale d’un seul hémisphère, peut aussi être persistant. A
ce sujet un patient de Bijleveld, Lebrun et Van Dongen (1994), hollandaise droi-
tière de 65 ans, avait présenté des attaques à répétition dans l’hémisphère
gauche : un an après l’épisode neurologique, elle bégayait toujours.
Le bégaiement neurologique semble être sensible au traitement. Market,
Buffalo, et Drummond, (1990) ont rassemblé des données auprès de cliniciens
nord américains. Sur les 81 cas de bégaiement acquis recensés, 80,2 % présen-
taient une dysfluence d’origine neurologique. Leurs résultats suggèrent que « le
traitement du bégaiement acquis a été très efficace et offre un pronostic favo-
rable pour la guérison de cette population ». Steward et Rowley (1996) ont refait
la même étude en Grande Bretagne : « les évaluations après traitement étaient
très positives ; la plupart des patients ayant présenté un bégaiement acquis
avaient augmenté leurs performances de départ ». Dans cette étude, 69,2 % des
38 sujets présentaient un bégaiement d’origine neurologique.
D’autres études montrent aussi quel type de thérapie peut être efficace.
Helm, Butleret et Canter (1980) ont souligné que les patients auxquels on avait
seulement recommandé de réduire leur débit ou d’utiliser des prolongations
pour améliorer leur fluence, n’avaient pas progressé. Une technique qu’ils ont
jugée utile pour certains patients au moins, était de taper sur une planche pour
donner un rythme. A l’origine, prévue pour contrôler la palilalie, cette planche
encourage le patient à parler syllabe par syllabe en tapant successivement sur
chaque case de la planche. Cette technique s’est montrée opérante aussi chez
des patients parkinsoniens.
Mais chez une autre patiente, une femme de 68 ans ayant présenté une
série d’attaques dans les hémisphères, le bégaiement a empiré avec ce système

45
(Helm et Butler 1977). Pour elle la stimulation au moyen d’un électrolarynx
vibrant contre la main gauche s’est montrée efficace : le nombre de blocages
durant une lecture à haute voix est passé de 38 à 8. La stimulation auditive iso-
lée ou la stimulation kinesthésique seule (par une stimulation nerveuse transcu-
tanée) étaient aussi efficaces.
On a utilisé un DAF (écoute différée) pour réduire la dysfluence dans le
bégaiement neurologique. Marshall et Starch (1984) l’ont utilisé chez un
homme de 32 ans ayant présenté un bégaiement après une lésion du cerveau.
L’usage du DAF selon les mêmes modalités que celles suivies dans les cas de
bégaiement de développement, s’est montré rapidement efficace pour rendre
fluente la lecture, la description d’images, et le monologue. Trois autres cas
(Marshall et Neuberger, 1987) ont été étudiés après une lésion cérébrale. Pour
eux aussi, les résultats montraient la valeur potentielle du DAF : leur bégaie-
ment était considérablement réduit. On ne sait pas encore clairement si les effets
du DAF sont durables.
Dans une communication brève, Downie, Low et Lindsay (1981) ont
décrit comment un homme de 60 ans, présentant un Parkinson, avait utilisé
l’Aberdeen Speech Aid, un DAF de poche porté sur le corps. « Cet homme
montrait des festinations de la parole avec des hésitations approchant les
bégayages ». Le patient a bénéficié de cet appareil pendant un an, puis il a sem-
blé s’y accoutumer et l’efficacité a disparu. Un autre patient, avec pourtant un
trouble de fluence sévère, a bénéficié de l’aide constante du DAF pendant deux
ans.
Chez un patient décrit par Baratz et Mesulam (1981), le bégaiement neu-
rologique avait été contrôlé avec succès par des anticonvulsifs (phénytoine, phé-
nobarbital et carbamazépine). Le patient avait eu un accident de moto lui ayant
causé des dégâts cérébraux multi-focaux et une activité EEG paroxystique. Par
la suite, il présenta une aphasie et un bégaiement. Les troubles de la communi-
cation diminuèrent lorsque les crises d’épilepsie furent sous contrôle.
Il existe quelques références à la relaxation et au biofeedback pour traiter
le bégaiement neurologique. Rubow, Rosenbek et Shumaker (1986) ont utilisé
des techniques de réduction du stress pour accroître la fluence pour un patient
qui présentait un bégaiement neurologique à la suite d’un accident vasculaire
cérébral. Le traitement comprenait « une combinaison de respiration abdomi-
nale, une relaxation progressive par tension et relâchement musculaire, et un tra-
vail cognitif de re fo rmulation des pensées génératrices de stress chez ce
patient ». La question de l’efficacité du traitement n’est pas abordée. Helm-
Estabrooks (1986) a décrit brièvement une approche qui repose sur le travail de
Kalotkin (1978). Elle combine la relaxation avec un biofeedback visuel et/ou
auditif. Avec cette approche, un patient présentant un bégaiement modéré à la

46
suite de courtes attaques cérébrales, se montrait relativement fluent après un
traitement de quatre mois à raison de deux séances hebdomadaires. Par contre
un patient parkinsonien n’a pas répondu avec succès à ce programme.
Finalement Andy et Bhatnagar (1992) ont décrit une stimulation méso-
thalamique par l’implantation d’une électrode comme une possible intervention
thérapeutique.
Sur quatre patients qui souffraient de douleurs chroniques, de crises
d’épilepsie et de troubles sensoriels, en même temps que de troubles imprévi-
sibles et incontrôlables de la parole, avec des blocages spasmodiques, cette sti-
mulation fut utilisée comme traitement de dernière ressource. Non seulement la
stimulation a soulagé les douleurs et les symptômes associés, mais elle a amé-
lioré la parole. On ne sait pas si cette même technique peut aider des patients
atteints d’un bégaiement neurologique isolé.
En conclusion, si le bégaiement neurologique ne s’améliore pas spontané-
ment, il existe assurément des possibilités thérapeutiques d’amélioration de la
parole. Mais, comme en matière de bégaiement développemental, on ne peut en
garantir le succès.

♦ Lésions cérébrales et bégaiement de développement


Nous avons jusqu’à maintenant traité du bégaiement consécutif à une
lésion cérébrale chez des sujets ayant antérieurement une parole fluente. Parfois
des situations plus complexes se présentent. Ainsi le cas d’un patient ayant pré-
senté un bégaiement développemental antérieur à une lésion cérébrale à l’âge
adulte qui l’avait fait momentanément disparaître, a vu, par la suite, son bégaie-
ment préexistant réapparaître ou s’aggraver. Dans de tels cas, on ne peut réelle-
ment appeler bégaiement la dysfluence apparue après l’épisode neurologique.
On ne peut pas non plus parler de bégaiement de développement. Sans lésion, la
parole du patient ne se serait pas modifiée.
Un petit nombre seulement de récidives ou d’aggravation du bégaiement
de développement consécutives à une lésion cérébrale, ont été décrits dans la lit-
térature. Une raison en est sa rareté. De plus, Van Riper (1971) avait souligné
que pour des bégaiements ayant commencé à l’âge adulte, on pouvait toujours
penser à la récurrence d’un problème antérieur, ou penser que le patient était un
bègue intériorisé ne pouvant plus à ce moment-là cacher son trouble. Probable-
ment en accord avec l’avertissement de Van Riper, la plupart des auteurs rendant
compte de cas de bégaiement neurologique ont eu le souci d’exclure une his-
toire antérieure de bégaiement de développement et d’étudier des « cas purs »
de bégaiement neurologique. De toute façon, aucune étude n’a été faite systéma-
tiquement. Pourtant ces cas de lésion cérébrale chez des sujets atteints de

47
bégaiement de développement sont très intéressants; ils pourraient donner
quelques clés permettant de comprendre les mécanismes sous-tendant ce
bégaiement.
L’image suivante émerge des quelques cas d’aggravation ou de récidive
du bégaiement de développement consécutifs à une lésion cérébrale (voir Grant,
Biousse, Cook et Newman, 1999 ; Helm-Estabrooks, Yeo, Geschwind, Freed-
man et Weinstein, 1986 ; Mazzucchi, Moretti, Carpeggiani et Parma, 1981 ;
Quinnet, Andrews, 1977 ; Riggs, Nelson et Lanham, 1983 ; Osenbek, Messert,
Collins et Wertz, 1978 ; Van Borsel et Cappaert, 1997).
L’aggravation ou la récidive d’un bégaiement pré-existant se produit le
plus souvent à la suite d’un accident vasculaire cérébral donnant une lésion uni-
latérale. Le bégaiement est parfois concomitant avec une aphasie et s’installe
généralement en même temps que l’épisode neurologique. Très souvent, il s’agit
d’un bégaiement durable et les cas rapportés concernent tous des sujets mascu-
lins.
Il est remarquable de constater que la lésion cérébrale peut modifier la
dysfluence dans deux directions : contrairement aux cas de récidive ou d’aggra-
vation d’un bégaiement antérieur, certains bègues deviennent, au moins tempo-
rairement, plus fluents après la lésion cérébrale. Ainsi, un patient décrit par
Helm-Estabrooks, Yeo, Geschwind, Freedman et Weinstein (1986), a commencé
à bégayer à l’âge de 8 ans, et ne bégayait plus quand il est sorti du coma,
10 jours après son accident. Cooper (1983) a observé la rémission d’un bégaie-
ment sévère chez une jeune femme de 25 ans. A la suite d’une contusion céré-
brale, cette patiente eut une période de fluence normale de 6 semaines. Puis elle
garda une parole relativement fluente pendant 6 mois, jusqu’au moment où son
bégaiement est redevenu le même qu’avant. Miller (1985) a fait état de deux
patients présentant de multiples scléroses et dont le bégaiement avait cessé. Le
bégaiement de ces patients a diminué au moment où d’autres formes de troubles
de la parole (dysarthrie) apparaissaient. On a suggéré que les lésions cérébrales
étaient à l’origine de la rémission du bégaiement. Pour un homme de 66 ans,
droitier, cas rapporté par Muroi, Hirayama, Tanno, Shimizu, Watanabe et Yama-
moto (1999), un bégaiement qu’il avait toujours eu, a disparu après un infarctus
de la région para-médiane du thalamus.
L’amélioration de la parole a aussi été observée chez un certain nombre
de patients qui ont subi une neuro-chirurgie. Jones (1966) a décrit le cas de
quatre bègues chroniques qui ont eu besoin d’une neuro-chirurgie. L’un en rai-
son d’une tumeur, les trois autres pour anévrisme. Après l’opération ces patients
ne bégayaient plus. Des cas semblables ont été décrits par Guillaume, Mazars et
Mazars (1957), Mazars, Hecaen, Tzavaras et Merienne (1970). Dans ces études
la chirurgie a toujours comporté une lobectomie temporale.

48
♦ Quelques hypothèses
Donc une lésion cérébrale peut soit provoquer la réapparition d’un bégaie-
ment de développement soit l’accentuer ; elle peut au contraire le diminuer ou le
faire disparaître. Plusieurs hypothèses ont été formulées pour expliquer ce phéno-
mène. L’une est que l’aggravation ou la récidive du trouble antérieur est d’ordre
émotionnel. On peut, en effet, envisager que le stress apporté par l’atteinte neuro-
logique puisse faire ré-émerger ou aggraver une dysfluence ; mais pas dans tous
les cas. Pour le patient de Riggs, Nelson et Lanham (1983), par exemple, la réap-
parition d’un bégaiement de l’enfance que le patient avait réussi à contrôler, était
le seul symptôme neurologique et la seule plainte du patient. Dans un tel cas, on
ne peut parler de réaction émotionnelle à l’atteinte neurologique. Selon Riggs,
Nelson et Lanham (1983), le bégaiement de leur patient est réapparu après 40 ans
à la suite d’une petite lésion qui aurait interféré avec des circuits cérébraux per-
mettant auparavant au patient de garder le contrôle de sa parole.
Pourquoi un choc émotionnel aurait-il chez certains patients l’effet exac-
tement contraire à celui constaté chez les personnes ayant un bégaiement déve-
loppemental, choc conduisant à le faire décroître ou disparaître ? De plus, on a
constaté que certains patients subissant une neuro-chirurgie sous anesthésie
locale cessaient de bégayer au moment même où était pratiquée une incision
d’une quelconque partie du cerveau (Mazars, Hecaen, Tzavaras et Merienne,
1970). Une telle observation évidemment milite contre une explication psycho-
logique du changement observé.
Une autre hypothèse est celle d’Helm-Estbrooks, Yeo, Geschwind, Free-
man et Weinstein (1986). Ils se référaient à la théorie d’Orton-Travis (Orton,
1927 ; Travis, 1931, 1978) selon laquelle le bégaiement résulterait d’une insuffi-
sance de dominance latérale ; cela créerait une erreur de programmation tempo-
relle motrice des muscles de la parole innervés bilatéralement.
Ces auteurs supposent que chez les personnes ayant bégayé enfants et
cessé de bégayer, la dominance d’un des hémisphères s’est installée ; lorsque
cette dominance n’existe plus dans cet hémisphère en raison d’une lésion céré-
brale, le bégaiement reprend. Une lésion dans l’hémisphère non dominant, d’un
autre côté, renforcerait seulement la dominance unilatérale et le bégaiement ne
réapparaîtrait pas. Chez les personnes n’ayant pas cessé de bégayer depuis leur
enfance, il y aurait toujours une compétition inter-hémisphérique, avec une
dominance latérale non clairement établie. Chez ces patients, une lésion unilaté-
rale de l’hémisphère gauche ou droit éliminerait un conflit inter-hémisphérique :
le bégaiement cesserait alors.
Récemment Lebrun (1997) a émis une autre théorie psycholinguistique
qui pourrait expliquer à la fois la récurrence ou l’aggravation et la diminution ou

49
la disparition du bégaiement de développement. Dans cette théorie, on suppose
que dans des conditions normales, le système pyramidal se charge des aspects
les plus routiniers de la parole tels que l’articulation et le débit ; cela se ferait
sous le contrôle du cortex. On suppose aussi que dans le bégaiement de déve-
loppement les sujets, pour parler, ont un contrôle cortical sur le système pyrami-
dal qui n’est pas achevé. Dans le bégaiement neurologique il pourrait y avoir
soit une dysfonction du système extrapyramidal due à une lésion sous-corticale,
soit un hyper-fonctionnement de ce système dû à la lésion sous-corticale qui
empêcherait le cortex d’exercer un contrôle adéquat.
Dans les cas de récurrence ou d’aggravation d’un bégaiement de dévelop-
pement préexistant, on peut supposer une réduction du contrôle cortical sur le
système extra-pyramidal. En cas de diminution ou de disparition de ce bégaie-
ment développemental consécutif à une lésion cérébrale, on peut supposer, au
moins en cas de traumatisme, qu’en raison de la concussion ou contusion, le sys-
tème extrapyramidal résiste moins au contrôle du cortex. Dans les cas de diminu-
tion ou de disparition du trouble à la suite d’une intervention chirurgicale, on
peut supposer que cette chirurgie a rendu le fonctionnement plus normal du cor-
tex : celui-ci peut alors exercer un meilleur contrôle du système extrapyramidal.
Les hypothèses de Helm-Estbrooks, Yeo, Geschwind, Freeman et Wein-
stein (1986), Lebrun (1997), sont intéressantes car elles comportent en même
temps une explication possible du bégaiement de développement. Ce faisant, ils
en sont arrivés aux déductions de Pick que celui-ci avait formulées un siècle
auparavant.

♦ Conclusion
Bien que le bégaiement débute habituellement durant l’enfance entre 2 et
5 ans, il est possible qu’il surgisse plus tard au cours de la vie. Il peut alors être
d’origine médicamenteuse, ou simulé. Le plus souvent cependant, le bégaiement
qui débute tardivement est d’origine neurologique. Ce trouble montre quelques
ressemblances frappantes avec le bégaiement de développement. La symptoma-
tologie de l’un et l’autre apparaît très semblable, et le bégaiement neurologique
se montre très sensible aux mêmes traitements que le bégaiement de développe-
ment. A considérer ces ressemblances, il est très tentant d’imputer ce dernier
aussi à un dysfonctionnement neurologique. Ce sont les recherches à ce sujet
qui permettront de justifier une telle étiologie. Les résultats des études sur le
bégaiement neurologique, conjointement avec l’imagerie cérébrale chez les
sujets présentant un bégaiement de développement (voir Logan 1999 pour une
revue de la littérature) suggèrent que dire « bégaiement neurologique » est
devenu un pléonasme.

50
REFERENCES
L’abondante bibliographie, indexée par John Van Borsel, est référencée dans le cha-
pitre « Ressources » du présent ouvrage et pourra être consultée in extenso, en per-
manence, sur le site Internet de la Fédération Nationale des Orthophonistes « Réseau
Orthophonie France » : http//www.orthophonistes.fr

51
Synthèse de l’étude récente de E. Yairi et col. (1)
sur les facteurs prédisposants
à la chronicisation du bégaiement
chez le jeune enfant
Caroline Haffreingue

Résumé
Cette enquête évalue les habiletés de langage expressif de 84 enfants en âge préscolaire
qui bégayent, regroupés en trois classes d’âge ; une série de mesures du lexique, de la
morphologie et de la syntaxe a été collectée pour examiner le langage expressif des enfants.
Le but était de comparer les habiletés de langage expressif entre les enfants dont le bégaie-
ment persiste, ceux pour lesquels il a disparu et la norme. Les enfants qui sont entrés les
plus jeunes dans l’étude montrent des habiletés de langage expressif au-dessus de la
norme et ce, pour les deux groupes d’enfants.
Mots clés : bégaiement, habiletés de langage, jeune enfant, chronicisation

Summary of a recent study by E. Yairi et al. on predisposing factors


in the persistence of stuttering in young children
Abstract
This investigation evaluated the expressive language abilities of 84 preschool-age children
who stuttered; they were grouped into three age intervals. A range of lexical, morphological
and syntactic mesures were used to examine the children’s expressive language skills. The
purpose was to compare the expressive language abilities of both the persistent and recove-
red groups with standard norms. Those children who entered the study at the youngest age
level demonstrated expressive language abilities well above normative expectations, and
this for both persistent and recovered groups.
Key Words : stuttering, language skills, young children, chronicization

(1) Ehud Yairi, Nicole Gringer Ambrose, E.P Padden, R.V. Watkins - Résultat d’une recherche menée à l’Uni-
versité d’Urbana, Champaign, en Illinois USA.

Rééducation Orthophonique - N° 206 - Juin 2001


53
Caroline HAFFREINGUE
Orthophoniste
4 bis, rue Cécile Vallet
92340 Bourg-La-Reine

L
a relation entre les variables linguistiques et le bégaiement chez le jeune
enfant a été le sujet de nombreuses recherches (voir Nippold, 1990 ; Rat-
ner, 1997) ; on peut désormais relier certains aspects du développement
du langage et le bégaiement, dans la mesure où :
a) Certains enfants qui bégaient suivent un chemin atypique dans le déve-
loppement de leur langage. (Byrd et Cooper, 1989 ; Murray & Reed, 1977 ;
Ryan, 1992 ; Watkins & Yairi, 1997).
b) Les épisodes de bégaiement ne sont pas indépendants des variables lin-
guistiques telles que la complexité syntaxique et les formes grammaticales
(Gaines, Runyan, & Meyer, 1991 ; Kadihanifi & Howell, 1992 ; Logan &
Conture, 1995, 1997 ; Ratner & Sih, 1987 ; Wall, Starkweather & Cairns, 1981).
c) Le développement du bégaiement a lieu pendant les années présco-
laires, un temps où les habiletés linguistiques des jeunes enfants sont en pleine
expansion (Ratner, 1997 ; Yairi, 1983).
Il est important de noter que la majeure partie de cette recherche s’inté-
resse à l’association des variables linguistiques et des facteurs de bégaiement,
plutôt qu’à identifier des relations de cause entre les capacités langagières et le
bégaiement chez le jeune enfant.
Malgré les précédentes recherches, qui ont examiné les relations entre les
variables linguistiques et les facteurs de bégaiement chez le jeune enfant, plu-
sieurs questions restent encore sans réponse ; Yairi en 1997 posait la question
cruciale de savoir quel rôle pouvaient jouer les variables linguistiques dans la
prédiction d’un éventuel bégaiement.
La majorité des jeunes enfants qui commencent à bégayer pendant une
période relativement brève récupère, tandis qu’une minorité continue à bégayer.
(Andrews & Harris, 1964 ; Yairy & Ambrose, 1998).
Les études passées font allusion à des différences potentielles de la per-
formance langagière entre les enfants qui continuent à bégayer et ceux qui ont
cessé. Yairi, Ambrose et Troneburg (1996) trouvent que les enfants qui conti-

54
nuent à bégayer ont un score plus bas que leurs pairs qui ont cessé de bégayer
au test PLS (Preschool Language Scale Revised : versants réceptif et expressif
Zimmerman, Steiner & Pond, 1979).
Bien que les tests standardisés fournissent une information normative pré-
cieuse, ils sont décontextualisés et ne peuvent pas fournir une idée de la compétence
linguistique des enfants dans les interactions. Les mesures provenant d’échantillons
de langage spontané donnent de meilleures informations sur les habiletés de langage.
Lors de l’analyse détaillée du langage spontané des enfants de l’étude de
Yairi et al. (1996), Watkins et Yairi (1997) ont montré que les enfants dont le
bégaiement persistait démontrent une plus grande variabilité dans leurs produc-
tions langagières que leurs homologues dont le bégaiement a cessé.
Pourtant, dans l’étude de Yairi et al. (1996), ni les enfants dont le bégaiement
persiste, ni ceux dont le bégaiement a disparu ne montrent de retards de langage.
Récemment un nombre de comptes rendus psycholinguistiques sur le
bégaiement précoce de l’enfant ont été écrits : (cf. Adams, 1990 ; Postma &
Kolk, 1993 ; Ratner, 1997 ; Starkweather, 1997 ; Wingate, 1988). Bien que ces
modèles varient considérablement, le raisonnement général est qu’il y a un lien
entre la compétence d’un enfant dans la production du langage et son habileté à
produire un discours fluent. Plusieurs études ont montré que des énoncés conte-
nant des éléments bégayés sont probablement grammaticalement plus complexes
lorsqu’ils sont mesurés par un index syntaxique comme le DSS : Developmental
Sentence Score (Lee, 1974) que les énoncés sans bégayages (voir Gaines et al.,
1991 ; Logan et Conture, 1995, 1997 ; Ratner, 1997 ; Weiss & Zebrowski, 1992).
Watkins et Yairi (1997) ont comparé les habiletés de langage des enfants
dont le bégaiement persiste ou a disparu : les enfants qui sortaient de leur bégaie-
ment avaient tendance à être plus performants pour leur âge par rapport au niveau
moyen des enfants du même âge, comme par exemple pour la longueur des
phrases. Au contraire, les enfants dont le bégaiement persiste avaient tendance à
avoir des résultats plus proches de la moyenne des enfants du même âge. Ce qui
est un résultat surprenant ; cela peut suggérer différents modèles d’association
entre les facteurs psycho-linguistiques et le bégaiement pour les enfants dont le
bégaiement est transitoire par rapport à ceux dont le bégaiement est persistant.
Dans l’enquête présentée ici, sont évaluées les habiletés de langage
expressif de deux groupes d’enfants d’âge préscolaire qui bégaient : un groupe
dont le bégaiement a persisté et l’autre dont le bégaiement fut transitoire.

♦ Population
- 84 enfants qui n’ont eu aucune prise en charge thérapeutique ;
- au départ les enfants avaient entre 25 et 59 mois (2 ans 5 et 4 ans 11) ;

55
- 58 garçons et 28 filles : soit 67 % de garçons et 33 % de filles ;
- la grande majorité a été examinée dans les 6 mois qui ont suivi l’appari-
tion du trouble ;
- sexe : dans le groupe « persistent » : 4,5 garçons pour une fille ; dans le
groupe « guéris » : 1,8 garçons pour une fille ;
- durée avant guérison : de 6 à 35 mois pour la plupart (filles entre 12 et
30 mois), (les garçons entre 32 et 36 mois), avec quelques enfants qui ont
bégayé pendant 3 ou 4 ans.
Des segments de langage spontané ont été collectés chez les participants
durant leur première visite, relativement proche du début de leur bégaiement. Ils
ont été analysés par les indicateurs généraux de compétence du langage expres-
sif, plus certains indices détaillés sur les compétences morphologiques et syn-
taxiques. Le premier objectif était d’évaluer si les similarités linguistiques et/ou
les différences pouvaient être identifiées chez les enfants dont le bégaiement a
finalement persisté ou disparu.
Les analyses permettent de considérer deux voies de travail :
a) dans quelle mesure le bégaiement, persistant ou ayant disparu, a été
associé à un retard de langage expressif dans les années préscolaires ?
b) s’il existe des liens entre le langage des participants et leur développe-
ment phonologique, comme évalué par Paden et al. (1999).

♦ Méthode
Ces 84 enfants participent au Programme de Recherche sur le Bégaie-
ment de l’Université de l’Illinois ; rappelons que chaque participant bégayait à
l’époque de l’entrée dans l’étude et a été suivi pendant une période de 48 mois.
Après 48 mois d’observation :
- 22 continuaient à bégayer (26 %) ;
- 62 ne bégayaient plus (64 %).

Tableau récapitulatif : nombre de participants et âge moyen en mois pour les différents
groupes d’âge au moment de la visite initiale et à un an d’intervalle

Intervalle Bégaiement persiste Bégaiement a cessé Total


2 à 3 ans 3 (29) 27 (32) 30 (31)
3 à 4 ans 11(41) 25 (41) 36 (41)
4 à 5 ans 8 (51) 10 (53) 18 (52)
Total 22 62 84

56
♦ Procédure
Un échantillon de langage d’environ 1000 mots (250 énoncés pour la plu-
part des participants) a été collecté pour chaque participant pendant les deux
séances initiales à une semaine d’intervalle chacune, au cours d’échanges lors
d’un jeu avec de l’argile (Yairi et Ambrose, 1999).

♦ Transcription des échantillons de langage et analyses


Les échantillons de langage ont été transcrits orthographiquement par un
étudiant diplômé de l’Université engagé dans le Projet de Recherche sur le
Bégaiement.
- Dans un second temps, des contradictions occasionnelles ayant été notées
dans les transcriptions, des modifications en conséquence ont été faites.
- Les transcriptions ont été rentrées dans l’ordinateur avec le programme
SALT (Systématic Analysis of Langage Transcripts, Miller et Chapman,
1995).
Dans cette enquête, une importance particulière a été portée à l’utilisation
correcte des morphèmes grammaticaux (omissions ou erreurs).

♦ Les analyses de langage


Les trois mesures basiques des compétences langagières ont été analysées
par le procédé SALT, pour chaque transcription :
MLU : mesure des compétences du langage général : longueur moyenne
des énoncés
NDW : nombre de mots différents
NTW : nombre total de mots
MLU était calculé sur la totalité des transcriptions alors que NDW et
NTW étaient calculés sur les 100 premières syllabes de chaque transcrip-
tion.

♦ Analyse syntaxique
DSS (score pour l’habileté à élaborer une phrase) a été utilisé pour exa-
miner les habiletés de production grammaticale des participants. Les points sont
accordés selon la complexité grammaticale de chacune de ces 8 catégories : pro-
noms indéfinis, pronoms personnels, verbes principaux, verbes secondaires,
conjonctions, négations, formes interrogatives et questions réversibles ; de plus,
chaque énoncé bien construit est primé d’un point.

57
♦ Résultats
Mesures du langage
MLU : dans chaque cas les moyennes concernant le MLU étaient proches
ou dépassaient les attentes ; pour les plus jeunes des deux groupes, ceux qui
continuent à bégayer et ceux qui ont arrêté, la moyenne excède de façon mar-
quée la norme.
NDW et NTW : pour les deux groupes des enfants les plus âgés, les
moyennes concernant NDW et NTW étaient proches ou dépassaient les attentes
de développement comme dans l’étude de Leadholm et Miller de 1992.

♦ Mesures syntaxiques
La moyenne au DSS obtenue pour les deux groupes d’enfants était proche
des attentes pour les enfants les plus âgés. Pour les 2, 3 ans, le score DSS était
bien au-dessus des attentes.
Comparaison du score obtenu pour les paroles fluentes et non fluentes au
DSS pour les deux groupes et à chaque niveau d’âge :
La moyenne obtenue sur les énoncés non fluents est meilleure indiquant
une meilleure complexité grammaticale que pour les énoncés fluents.

♦ Mesures morphologiques
- Les enfants dans les deux groupes atteignent les attentes ;
- Il n’y a pas de différences systématiques dans l’acquisition des patterns
pour les deux groupes ;
- Il y a une tendance à une augmentation des compétences pour les
enfants plus âgés par rapport aux plus jeunes pour les deux groupes de
participants.

♦ Discussion
Le point principal de cette étude était de s’intéresser aux habiletés de lan-
gage pendant les années préscolaires en recherchant une différence entre les
enfants qui ont un bégaiement persistant et ceux dont le bégaiement a disparu.
Les capacités de langage chez les enfants dont le bégaiement persiste
et ceux pour lesquels il a disparu

L’examen des habiletés de langage au moment où ils ont commencé à


bégayer chez les deux types d’enfants, ne révèle pas une différence systéma-

58
tique de leur performance linguistique en expression entre ces deux groupes
d’enfants.
Les enfants les plus jeunes de cette étude, qu’ils aient continué à bégayer
ou non, ont montré de façon constante des aptitudes linguistiques bien au dessus
des attentes pour leur âge.
Pour les participants les plus âgés, les performances sont plus proches des
normes. Cela démontre que dans l’étude de Yairi et al (1996) la différence des
aptitudes linguistiques entre le groupe des enfants dont le bégaiement a cessé est
plus en lien avec les différents âges concernés qu’avec l’évolution du bégaie-
ment. D’autre part, ces études offrent des différences entre les mesures retenues
et le nombre de participants.
Pour les enfants dont le bégaiement persiste et ceux pour lesquels il a dis-
paru, à tous les niveaux d’âge, le DSS calculé pour les segments fluents était
inférieur au DSS calculé pour les segments non fluents. Ce résultat suggère que
les mécanismes opérant dans le sens d’un risque de bégaiement, en conjonction
avec une complexité croissante des énoncés sont similaires chez les enfants dont
le bégaiement a disparu et chez les enfants dont le bégaiement persiste.
Les aptitudes générales de langage
Les résultats de cette étude montrent globalement que les jeunes enfants
qui bégayent ne sont pas considérés comme des enfants présentant un retard de
langage expressif. Ce résultat est notable car il est similaire à ceux d’autres
études (Cf. Watkins & Yairi, 1997 ; Yairi et al, 1996)
Toutes les mesures des habiletés des langages analysées à tous les intervalles
d’âge pour les enfants dont le bégaiement persiste comme pour ceux pour lesquels
il a disparu, situent leurs habiletés proches ou au-dessus des attentes normales.
Seulement quelques exceptions ont été notées dans cette étude.
En premier lieu, le groupe d’enfants qui ont commencé à bégayer jeunes
(2 - 3 ans) a montré que leurs capacités de langage étaient au dessus des attentes
pour la plupart des cas et proches des attentes pour les enfants de 4 ans. Par
contre le groupe des enfants qui sont entrés dans les études à l’âge de 4 - 5 ans
et qui se sont identifiés comme ayant un bégaiement persistant, atteint des résul-
tats au-dessous des résultats du groupe « guéri ».
Ce groupe plus âgé, d’autre part, a montré de légères différences de com-
pétence dans le maniement des morphèmes qui se développent plus tard (auxi-
liaires, temps passé ) (cf. Watkins & Yairi, 1997).
Ces résultats soulèvent des questions intéressantes, par exemple : Est-ce
que les habiletés de langage précoces, au moins les habiletés qui se développent
tôt peuvent être un facteur de risque de bégaiement ?

59
Quelques jeunes enfants semblent avoir des idées et des concepts à expri-
mer qui excèdent leur habileté à formuler rapidement et à produire couramment
des phrases. Cette observation a déjà été suggérée dans d’autres études (Watkins
& Yairi, 1997).
Au niveau théorique, Ratner (1997) suggère qu’un décalage entre le déve-
loppement de différentes compétences peut contribuer au développement du
bégaiement ; cette étude ne peut répondre à cette idée mais montre néanmoins
que les enfants qui continuent à bégayer peuvent avoir des compétences qui ne
seraient pas en phase avec les autres secteurs de développement. Chez les
enfants plus âgés, les habiletés linguistiques tendraient à être plus synchrones.
Ce résultat suggère que les relations entre le langage et le bégaiement
peuvent être différentes ou changer au cours du développement.
Comparaison du langage et des habiletés phonologiques
En premier lieu Paden et Yairi en 1996 ont montré que les enfants dont le
bégaiement est persistant, obtiennent des résultats plus bas que les enfants dont
le bégaiement a disparu : ils auraient un retard dans le développement phonolo-
gique. Cela contraste nettement avec les résultats obtenus au niveau du langage
expressif.
Ensuite, Paden et Al., en 1999, n’ont pas mis en évidence d’habiletés
phonologiques précoces chez les enfants les plus jeunes (de 24 à 29 mois et de
30 à 35 mois) ni dans aucun des autres groupes de participants. Cela est encore
différent de ce qui a été relevé pour les habiletés linguistiques de très jeunes
enfants de la même étude.
Comment interpréter cette différence entre bégaiement et capacités de
langage et bégaiement et capacités phonologiques ?
- les capacités de langage au niveau de la sémantique et syntaxe sont dif-
férentes du développement phonologique ;
- les capacités pour chaque aspect du langage sont différentes pour
chaque enfant ; et ces observations sont aussi applicables aux enfants qui
bégaient ;
- il y a des habiletés dans des domaines qui demandent plus d’efforts que
dans d’autres, ce qui entraîne un déséquilibre favorisant l’installation
d’un bégaiement.
Par exemple Nelson et Bauer, en 1991, ont mis en évidence que pour les
enfants qui utilisaient des combinaisons de mots de plus en plus complexes, la
complexité phonétique des mots diminuait.
Dans un système aux capacités limitées, une complexité qui devance
celles des autres domaines, peut entraîner une limitation de leur développement.

60
Un déséquilibre entre le langage et la phonologie peut influencer l’appari-
tion d’un éventuel bégaiement.
La recherche future pourra indiquer que le retard des habiletés phonolo-
giques précède ou annonce un bégaiement chronique et que des capacités pré-
coces de langage indiquent une probable sortie du bégaiement.

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62
Le bilan chez l’adulte bègue
Dr Marie-Claude Monfrais-Pfauwadel

Résumé
Le bilan chez l’adulte comporte un temps thérapeutique qui permet de faire la part du
bégaiement et de son retentissement sur la personne bègue. Il est le temps premier et pri-
mordial de toute stratégie de traitement ; il sert aussi d’état des lieux pour mesurer lors des
évaluations suivantes les progrès (ou non) et réorienter la thérapie. Il comporte également
un temps éthique où l’alliance thérapeutique entre le patient et son thérapeute va se fonder
sur confiance et respect réciproques.
Mots clés : bilan, bégaiement, adulte, bégayage, fluence, dysfluence

Evaluaton of the adult stutterer

Abstract
The evaluation process can be therapeutic for the adult stutterer as it permits the teasing
out of the stuttering itself from its psychological impact. This evaluation process is the requi-
red first step of any therapeutic approach to stuttering. This initial evaluation also serves as
a useful baseline for further assessment of progress and for reorienting therapeutic efforts;
it also involves the development of a therapeutic alliance based on mutual trust and respect.
Key Words : evaluation, stuttering, adult, fluency, dysfluency

Rééducation Orthophonique - N° 206 - Juin 2001


63
Dr Marie-Claude MONFRAIS-PFAUWADEL
Consultation du bégaiement
Hôpital Georges Pompidou
20-40 rue Leblanc
75015 Paris
01.56.09.34.53

L a pratique du bilan dans le domaine des bégaiements de l’adulte est un


temps thérapeutique et un temps éthique.
Un temps thérapeutique car il va permettre d’évaluer l’étendue du pro-
blème de cette personne bègue, ses ramifications et ses retentissements. Chez
l’enfant, le bilan sert à faire la part entre le bégaiement et les problèmes
connexes ; chez l’adulte il doit servir à faire la part entre le bégaiement et son
retentissement sur la vie et la personnalité du patient. Quels sont les tenants et
les aboutissants de ce bégaiement, de quoi est-il fait, comment est-il vécu par
cette personne bègue, quel est son retentissement affectif, émotionnel, social,
psychologique : voilà quelques-unes des questions que l’on aura à se poser.
C’est également un temps éthique car on s’y occupe d’une personne et
de son vécu, et surtout on crée le climat de mutuelle confiance et de réciproque
intérêt nécessaire à l’installation de la relation thérapeutique ; les fondations du
« contrat de travail thérapeutique » vont pouvoir être creusées.
Faire le bilan, c’est explorer à travers l’histoire d’une personne la géogra-
phie de son problème et de sa problématique. Dans le cas du bégaiement de
l’adulte, il faudra faire la distinction entre la nature apparente du problème et sa
nature profonde, mais aussi faire la différence entre ce que la personne est et ce
qu’elle croit être, entre son bégaiement et ce que son bégaiement lui a fait, enfin
faire le tri entre les urgences et les priorités.
L’écoute sera à deux, voire à plusieurs niveaux : une centrée sur la per-
sonne, une à l’affût des faits et des signes. La passation se fera au calme, avec le
temps devant soi.

♦ L’histoire clinique
C’est l’histoire d’une personne avant que d’être l’histoire d’un bégaie-
ment. Elle est à replacer dans un contexte, dans un vécu familial. La constitution

64
de l’identité, la mise en place du narcissisme, les lignes de fractures psychiques
apparaîtront au fil du récit ; tout en le notant ou en l’enregistrant, le clinicien
peut commencer l’observation.
L’histoire des rééducations et des prises en charge sera probablement
longue et fastidieuse, certains s’acharnant à constituer un « guide des théra-
peutes » avec étoiles à l’appui !
Mais il faut faire préciser : dire « j’ai fait ou j’ai eu de l’orthophonie » ne
renseigne pas sur les moyens qui ont été proposés, sur la fréquence des séances,
sur l’observance et l’assiduité etc., hélas ; de même, il faudra faire préciser aussi
l’assiduité et l’observance et estimer l’engagement du patient dans ses rééduca-
tions précédentes.

♦ Le tableau clinique
Un bégaiement, cela se regarde : syncinésies, tics et spasmes, perte du
contact visuel, laryngospasmes, dilatation des ailes du nez, mouvements accom-
pagnateurs, utilisation ou non de la mimique, importance ou non de la gestuelle
coverbale devront autant être notés (s’ils ne sont pas enregistrés en vidéo) dans
le premier bilan que les différentes formes de dysfluences et leurs patterns.
Le bégaiement n’affecte pas que la parole : on appréciera les qualités de
communication du patient qui se présente, ainsi que ce qu’il montre par ses atti-
tudes corporelles, sa mimique et sa gestuelle de son appétence à communiquer,
de son ouverture à autrui.

♦ La forme apparente et la forme profonde


Il s’agit de faire le distinguo entre ce que la personne montre ou laisse
échapper de son bégaiement et ce qu’elle est en train de vivre vraiment ; par
exemple, ne pas croire non bègue une personne qui fait trois évitements par
phrase ; ce n’est peut-être plus une parole bégayée, mais c’est toujours une
parole infirme.
Le temps moteur : il convient d’enregistrer, voire de filmer la séquence
qui servira de support à l’analyse fine des bégayages (Shapiro nomme cette ana-
lyse, l’analyse « moléculaire »). Un échantillon significatif de 200 syllabes est
le minimum à recueillir. Il paraît souhaitable d’obtenir de la parole spontanée,
même si avec certaines personnes bègues cela peut relever de l’exploit. L’échan-
tillon recueilli sera écouté ou visualisé plusieurs fois pour la retranscription, et,
après des années de pratique de ce genre de retranscription, je suis toujours
étonnée de ce que je peux encore entendre de nouveau à chaque audition. Le

65
problème sera d’ailleurs de ne pas multiplier les étiquettes lorsque l’on fera
l’analyse qualitative des dysfluences (bègues et non bègues) ; cependant il sera
aussi important de noter les manifestations non verbales (syncinésies, tics, mou-
vements anormaux, perte du contact visuel) et les manifestations langagières
(changements de messages, remarques parenthétiques incongrues, ainsi que ce
qui est de l’ordre de la paraphonétique (rires nerveux).
Certes, il faut prendre le temps de retranscrire, c’est long, mais c’est le
meilleur moyen de se plonger dans le bégaiement de son patient et de voir quel
est son style oral de bégaiement. Ce temps qui semble perdu au départ procure en
fait une connaissance précieuse à l’établissement de la stratégie de traitement.
Le repérage des cascades de dysfluences propres à ce patient, de son
emploi de conjonctions d’appui, de stéréotypies, de la présence ou non de chan-
gements de message complétera l’analyse et permettra d’établir un score pon-
déré, ou note globale finale de sévérité de l’atteinte motrice incluant comporte-
ments moteurs verbaux et extraverbaux affectés d’une note d’autant plus élevée
qu’ils sont de nature « bègue » (SDA).
Le temps langagier : chez l’adulte, il ne sera pas question de se lancer
dans un test de langage comme on peut le pratiquer chez l’enfant, mais il est
bon d’avoir, dès le départ, une idée de la complexité syntaxique et de la richesse
lexicale du patient ; le moyen le plus efficace me semble être de faire passer
l’épreuve de « la chute dans la boue » du test Chevrie et Simon qui donne un
bon échantillon, mais qui sera à compléter par du récit libre et des réponses à
des questions ouvertes.
On aura noté si dans les antécédents il a été fait mention de problèmes de
DL/DO dans l’enfance et s’il existe toujours une aversion à l’emploi de l’écrit.
Il est indispensable d’explorer l’évocation et l’accès au lexique, chaque
personne bègue présentant en fait un plus ou moins grand problème d’évocation
(Teitler).
Les attitudes réactionnelles handicapantes : le test de Cooper est le
meilleur : fort de 25 items dans sa forme adulte, il est de passation aisée (d’ac-
cord, pas d’accord), il est un bon indicateur global de la « quantité » ou plutôt
de la gravité du processus réactionnel chez le patient, et il permet de poser
directement certaines questions qui n’auraient peut-être pas été abordées d’em-
blée (rôle majorant de l’anxiété, attitudes trop volontaristes, etc.).
Le temps communicationnel : il explorera quels sont les réels talents de
communication de cette personne, son aptitude à exposer clairement ce qu’elle
veut dire, son aptitude à écouter l’autre, à répondre vraiment aux questions
qu’on lui pose, son utilisation du téléphone, son vécu de la parole en groupes ou

66
devant des groupes, son aptitude à faire valoir son point de vue, à répondre à
une critique, à marchander, etc.
Le temps émotionnel et le locus de contrôle émotionnel sont difficiles
à tester, c’est plus une affaire d’écoute de la part du clinicien, mais on pourra
s’aider des inventaires de personnalité ; le test d’affirmation de soi de Rathus
rentre dans cette catégorie. Ce test est un excellent indicateur de la reprise de
confiance en soi lors de la rééducation. Il est étalonné, pertinent et fiable.
Débusquer les idées irrationnelles est un temps primordial de la partie « préven-
tion de la récidive » dans le traitement : le test d’Albert Ellis pourra y aider,
mais il faut savoir que les personnes bègues ont, en ce domaine, beaucoup de
créativité. Mais le bilan est justement le premier moment où l’on pourra s’atta-
quer à quelques-unes de ces idées irrationnelles.
Les questionnaires de qualité de vie vont bientôt être à la mode, comme
dans les maladies chroniques ou les cancers (Yaruss est en train d’en élaborer un), ils
reprennent en fait pas mal d’items déjà explorés au moment du temps émotionnel.
Le vécu du bégaiement est le mieux relaté par les auto questionnaires
(questionnaire dit « APB » entre autres).
Aucun bilan ne peut donc prétendre être complet ; il dépend des buts et
des moyens que l’on veut se donner. Entre ce qui est souhaitable et ce qui est
réalisable, il faut choisir ce qui est pertinent pour la suite des événements, en
particulier l’efficacité du traitement. L’évaluation permet de dresser un certain
état des lieux, de faire la part entre les urgences ressenties par le patient et les
priorités qui vont se dégager, il permet et permettra de « sous-catégoriser » la
forme de bégaiement dont est atteinte la personne bègue et sa sévérité. Elle
devrait pouvoir être aussi un outil de pronostic.

C’est aussi un temps éthique car il permet au patient et à son futur théra-
peute de se fixer des buts réalistes, de passer des contrats de traitement au
besoin, de poser la pierre angulaire de ce qui sera une alliance thérapeutique.
Et si le temps du bilan le permet, cela pourrait déjà être un premier temps
de travail, avec des essais de parler-relax, de parole fluide, de phrasé, et la distil-
lation de certains conseils avisés.
Enfin, il n’y a pas de test sans retest : c’est presque son plus grand intérêt,
celui de pouvoir objectiver, voire mesurer l’évolution, mais aussi de pouvoir
évaluer le thérapeute, de pouvoir évaluer la thérapie.
C’est pour cela qu’un bilan soigné et approfondi, faisant l’objet d’un rap-
port écrit au besoin, reproductible, étalonné sur un grand échantillon est le pre-
mier outil de travail du thérapeute du bégaiement.

67
REFERENCES
MONFRAIS-PFAUWADEL, M-C., 2000 : Un manuel du bégaiement, Solal edit., Marseille.
SHAPIRO, D-A., 1999 : Stuttering intervention, Pro-Ed edit., Austin.
Van HOUT, A et coll. : Les bégaiements, Masson édit., Paris.

68
Bredouillement
Dorte Hansen

Résumé
La parole est une des façons les plus importantes dans lesquelles une personne peut com-
muniquer ses idées et ses sentiments aux autres. La capacité à pouvoir faire un « timing »
exact entre les pensées et la parole est importante pour que la communication « coule ». Le
bredouillement - ainsi que le bégaiement - est provoqué par des difficultés de « timing ». Le
bredouillement et le bégaiement sont difficiles à décrire et ont souvent été conçus comme
un seul et même ensemble de problèmes. Le bredouillement a été dans l’ombre du bégaie-
ment. On a manqué de littérature adéquate, d’examens et de recherches sur le bredouille-
ment et sur les problèmes rencontrés par les personnes atteintes de bredouillement, ce qui
a eu pour conséquence que les spécialistes ont manqué de descriptions précises du bre-
douillement - d’où les problèmes de diagnostic et de traitement. Dans cet article, nous
allons essayer de donner des exemples, d’une part de la conception du bredouillement au
cours des temps, de l’examen et du diagnostic différencié, d’autre part de propositions pour
le traitement de jeunes et d’adultes atteints de bredouillement.
Mots clés : bredouillement, diagnostic, traitement, jeunes et adultes

Cluttering

Abstract
Speech is one of the most important instruments which people use to communicate
thoughts and feelings. The ability to make thoughts and speech coincide exactly in time is
important for the flow of communication. Cluttering reflects a problem in timing, just like
stuttering. Both cluttering and stuttering are difficult to describe and are often conceptuali-
zed as belonging to the same set of disorders. For many years stuttering has overshadowed
cluttering. One of the problems is that we have lacked relevant literature, evaluations and
research on cluttering. As a consequence, speech and language therapists have not had
access to precise descriptions of cluttering, a lack which has generated diagnostic and
treatment problems. In the following discussion, we shall try to give examples of the diffe-
rent ways cluttering has been conceptualized throughout the centuries, its evaluation and
differential diagnosis, and make suggestions for the treatment of children and adults.
Key Words : cluttering, diagnosis, treatment, children, adults

69
Dorte HANSEN
Orthophoniste et collaborateur spécial au
Centre danois de la science de bégaiement
Emdrupvej 101
2400 Copenhague
Danemark

♦ La conception du bredouillement au cours du temps


Le bredouillement est un trouble de la parole et du langage, connu depuis
plus de 2000 ans. Hippocrate, le philosophe grec, est le premier à le décrire.
Selon lui, « le bredouillement est le résultat d’un dérangement de l’équilibre
entre la pensée et la parole » (Weiss 1964).
David Bazin l’a décrit, il y a presque 300 ans, de cette manière : « le bre-
douillement est une mauvaise habitude, contractée dans l’enfance et non corri-
gée par les parents. Une disposition agitée et trop labile qui fait que, soit la
langue a git avant la pensée, soit plusieurs pensées et idées sont exprimées à la
fois. Quand le sujet parlant s’efforce de les exprimer toutes au seul et même ins-
tant, il ne peut pas les séparer et se trompe dès la première syllabe... Il faut aussi
mentionner une accélération du débit de la parole quand ces personnes, à cause
de leur besoin excessif de parler, ne prennent pas le temps de prononcer les
mots correctement. Chez de telles personnes, le débit de la parole est souvent
plus rapide que la pensée et elles essaient d’exprimer des idées qui ne sont
qu’incohérentes et chaotiques » (ib.).
C’est seulement au début du 19e siècle que le bredouillement a été différen-
cié du bégaiement. Marc Colombat d’Isérel en 1830 et le docteur Serre d’Alais en
1841 ont décrit les différences de débit et d’articulation, ainsi que le phénomène
de parler en rond sans pouvoir en venir au fait. A. Liebmann, vers 1900, a pensé
qu’on devait regarder les causes du bredouillement comme des capacités dimi-
nuées dans le système sensoriel et le système moteur. En conséquence, il l’a
nommé « paraphrasia præceps » (ib.). Comme terminologie internationale on uti-
lise le mot latin « paraphrasia » ainsi que le mot grec « tachyphémia ».
En résumé, on peut dire que les diverses conceptions du bredouillement
dans les temps qui ont suivi, parlent de symptômes tels que :
• débit de la parole trop rapide ;
• hésitation ou rupture de la parole à cause d’une capacité diminuée de
trouver le mot juste ;

Rééducation Orthophonique - N° 206 - Juin 2001


70
• articulation vague ;
• parler en rond sans pouvoir en venir au fait ;
• répétition de mots et de phrases ;
• sons de remplissage tels que « ah », « euh », « he » ;
• inconscience chez la personne elle-même de ses propres problèmes de
parole.
En Europe on a, pour ainsi dire, toujours considéré le bredouillement
comme étant indépendant des autres troubles de la parole et du langage, avec ses
propres symptômes. Aux États-Unis par contre, on a considéré le bredouillement
comme faisant partie du bégaiement et/ou d’autres troubles de la parole et du lan-
gage, même si Weiss (1964) dans son travail a plaidé pour qu’on mette l’accent
sur le bredouillement et le reconnaisse comme un trouble de la parole en soi. A
cause du peu de recherches, il est difficile de le discerner du bégaiement en même
temps que, avec son ampleur de symptômes, il implique aussi d’autres problèmes
de la parole comme par ex. l’aphasie légère, la dyslalie et la dysphasie et les
autres problèmes d’apprentissage du langage. Cette différence de conception
entre les États-Unis et l’Europe a eu pour résultat que la catégorie qu’on appelle
aujourd’hui bredouillement est si grande et si large qu’il est difficile de la cerner.
Depuis quelques années, l’intérêt pour le bredouillement s’est accru, et
beaucoup de chercheurs et d’orthophonistes s’y sont intéressés. Aux États-Unis,
il y a aussi un sentiment croissant sur le fait que le bredouillement doit être
reconnu comme un trouble indépendant. C’est surtout grâce à St. Louis et Myers
(1992) qui, outre d’avoir revu la littérature existante, ont aussi eux-même fait des
recherches sur le bredouillement et proposé la façon de l’identifier et de le traiter.
Plusieurs chercheurs pensent que le bredouillement vient fréquemment
d’une disposition héréditaire et qu’il y a souvent un développement retardé du
langage chez les personnes atteintes de bredouillement et leurs parents. Comme
avec d’autres troubles de la parole et du langage, ce sont surtout les garçons qui
sont atteints. Il existe plusieurs études de la fréquence qui montrent que le taux
du bredouillement est d’environ 1,5 % dans un groupe ordinaire de la popula-
tion, tandis qu’il est plus élevé dans les groupes comprenant d’autres troubles de
la parole et du langage. Par ex., Becker et Grundmann (Preuss, 1987) ont trouvé
un taux de 1,5 % dans un groupe ordinaire d’enfants âgés de sept ans, tandis que
le taux était de 11,5 % chez les enfants d’une école spécialisée pour les enfants
atteints de retards du langage.
En conséquence, beaucoup de chercheurs et de thérapeutes ont com-
mencé à qualifier le bredouillement comme un syndrome, justement parce qu’il
consiste souvent en un ensemble de différents symptômes. Ces symptômes peu-
vent, mais ne doivent obligatoirement pas être présents en même temps.

71
♦ Descriptions et définitions
Bien que le bredouillement ait été dans l’ombre du bégaiement, beaucoup
d’orthophonistes s’y sont intéressés à un niveau théorique. Ci-dessous, je vais
présenter quelques contributions.
Plusieurs chercheurs, comme par ex. Luchsinger et Arnold, pensent que
le bredouillement commence toujours par un développement gravement
retardé du langage et que l’incapacité de s’exprimer peut aboutir au bre-
douillement (Myers et St. Louis 1992). Daly trouve qu’il comprend plusieurs
dérangements dans les processus à la fois de la parole et du langage, lesquels
se manifestent par un langage incompréhensible et par un débit arythmique et
accéléré. La capacité à s’exprimer est souvent défectueuse. Chez la même per-
sonne, on voit fréquemment du bredouillement et du bégaiement (Daly, 1992).
D’autres chercheurs pensent que le bredouillement implique aussi des fac-
teurs caractériels. Freund, par ex., pense qu’il ne peut se manifester que si ces fac-
teurs sont présents (Preuss 1987). Selon Seeman, le caractère des personnes atteintes
de bredouillement est ordinairement agité et hyperactif (Grohnfeldt 1992). Schmidt
trouve que ce sont des personnes impulsives, impatientes et hyperactives. Et puis
d’après Preuss, on manque d’études psychologiques systématiques, et la littérature
du bredouillement est pleine de stéréotypes sur le caractère de ces personnes.
Un des progrès les plus importants de la théorie des difficultés de la
parole est une reconnaissance du fait que le bredouillement a beaucoup de rela-
tions étroites et compliquées avec le bégaiement. Ils semblent tous deux appar-
tenir à la même famille, mais le bégaiement, étant le trouble de la parole le plus
grave, a dominé le bredouillement à tel point que beaucoup d’orthophonistes
auront du mal à faire un diagnostic différencié.
Un des chercheurs qui a eu la plus grande importance dans ce domaine
est Deso Weiss (1964). Selon lui, le bredouillement doit être regardé comme un
trouble de la parole qui est indépendant, mais apparaît souvent avec le bégaie-
ment et/ou d’autres troubles du langage. Weiss pense qu’on doit chercher les
causes du bredouillement dans un défaut fondamental du contrôle central des
processus du langage, dans une coordination défectueuse, ainsi que dans une
faiblesse sensorielle et motrice.
Ici, les problèmes de la parole et du langage sont le résultat d’un défaut
fondamental du contrôle central des processus du langage.
Afin de pouvoir faire un diagnostic différencié, Weiss a dressé une liste
assez vaste des symptômes du bredouillement :
• débit rapide de la parole, mais seulement en relation avec des difficultés
de l’articulation et de la formulation ;

72
Fig. 1

• capacité diminuée pour reproduire le rythme et l’accentuation naturels


du langage ;
• voix monotone ;
• respiration marquée d’essoufflement. Les personnes pensent et parlent
en phrases courtes et hachées ;
• articulation insuffisante et indistincte, avec omission de phonèmes, syl-
labes et mots entiers, insertion de faux phonèmes, interversion, anticipa-
tion et postposition de phonèmes ;
• insertion de « ah », « euh », « he », mais seulement pendant qu’on
cherche le mot suivant ;
• répétitions, mais seulement si elles se trouvent avec d’autres symp-
tômes, comme par ex. un débit accéléré et une agitation générale ;
• arrêt sur la voyelle initiale qui est une hésitation et non causée par peur
de bloquer ou de bégayer ;
• difficultés à lire. Il s’agit à la fois de dyslexie proprement dite, de lec-
tures erronées et de mal compréhensions du texte causées par une concen-
tration défaillante ;
• difficultés grammaticales qui tiennent à un processus diffus de la
pensée ;
• problèmes de concentration et d’attention, qui ont pour résultat un
caractère superficiel et une incapacité à concevoir les détails. C’est pour-
quoi les enfants atteints de bredouillement, bien qu’ils soient d’intelli-
gence normale, réussissent mal en classe ;
• l’écriture peut être compromise. On voit répétitions, omissions et
ratures qui ne sont pas nécessairement un signe de dyslexie proprement
dite ;

73
• hyperactivité et agitation. Il faut en chercher la cause dans une immatu-
rité du système nerveux ;
• inconscience de ses propres difficultés ;
• l’électro-encéphalogramme montre qu’il peut y avoir des altérations.
Beaucoup plus tard, Myers et St. Louis (1992) ont remis les théories de
Weiss à l’étude. Ils ont trouvé que sa définition et son diagnostic différencié
étaient très vastes et difficiles à utiliser en pratique.
Ils pensent que le bredouillement est un complexe de problèmes dans le
domaine de la parole et du langage et qu’il existe soit isolé, soit accompagné
de bégaiement et d’autres problèmes de parole et de langage. Selon Myers et
St. Louis (ib.) la fluence, le débit, l’articulation et la maîtrise du langage - et
les faiblesses éventuelles dans ces domaines - sont fonctionnellement liés,
c’est-à-dire que s’il y a des problèmes dans un des domaines, les autres seront
aussi atteints.
D’après Myers, outre des problèmes de débit et de fluence anormale, le
bredouillement comprend aussi des problèmes d’articulation et une capacité
diminuée à organiser les pensées et les phrases. St. Louis (1992), par contre,
maintient qu’il est important de pouvoir isoler le bredouillement proprement dit.
Après cela, il sera possible d’y prendre son point de départ pour faire un dia-
gnostic différencié et ainsi discerner les éléments des autres domaines de la
parole et du langage. Dans ce but, St. Louis a élaboré une définition simple pour
le travail pratique des orthophonistes. Le bredouillement, proprement dit, est
caractérisé par une fluence anormale qui n’est pas un bégaiement, ainsi que par
un débit accéléré et/ou irrégulier de la parole. Pour faire un diagnostic, l’ortho-
phoniste n’a que trois questions à se poser : la personne a-t-elle un problème de
fluence anormale ? Est-elle bègue ? A-t-elle un débit accéléré et/ou irrégulier ?
Si les réponses sont « oui », « non » et « oui », la personne est atteinte de bre-
douillement.
A. Teigland (1997) a examiné la communication des jeunes atteints de
bredouillement. Elle indique que ceux-ci ont surtout des problèmes de pragma-
tique, et elle décrit comment une défaillance de la pragmatique affecte tous les
domaines de la communication. Avant tout, il s’agit de la concentration et de la
capacité d’écoute, ainsi que de la correction de sa propre parole et de la capacité
à approfondir une conversation et à suivre une pensée.
Chez la plupart des chercheurs, les définitions du bredouillement sont
basées sur des observations cliniques parce que c’était la seule chose possible.
Par suite, il est difficile d’être plus précis et tout á fait d’accord sur la délimita-
tion. Il manque encore des recherches empiriques et approfondies pour s’appro-
cher des causes et d’une définition univoque.

74
Fig. 2

En résumé on peut dire qu’il y a deux groupes de définitions : la


définition brève qui désigne le bredouillement proprement dit, et la défi-
nition large qui comprend des éléments à la fois de la parole, du langage et du
comportement. St. Louis défend la définition brève et Weiss la définition large.

♦ Comment examiner le bredouillement ?


Nous avons donc une image complexe du bredouillement dont les symp-
tômes s’étendent d’un dérangement modéré de l’articulation jusqu’à un trouble
grave du langage. Il apparaît assez simple d’examiner le bredouillement d’après la
définition brève. Il s’agit seulement des problèmes du débit et de l’articulation, et
ceux-ci sont faciles à observer et à décrire. Il est beaucoup plus difficile, par contre,
si le bredouillement du patient est combiné à des problèmes à la fois de langage et
de comportement, parce qu’alors il faut l’examiner d’après la définition large.
Chez les jeunes enfants, un comportement agité peut constituer le premier
avertissement à son entourage. Il se peut que l’enfant ait du mal à se concentrer,
à être attentif, à dominer une situation et à structurer sa pensée. S’il a en même
temps un débit rapide/indistinct et semblable à du bégaiement, voici un enfant
qui va être envoyé chez l’orthophoniste qui se demandera si cet enfant présente

75
un cas de bredouillement. Dans ces circonstances un psychologue peut suppléer
l’examen, en particulier pour éclaircir les problèmes éventuels de la perception
et évaluer quelles seront les conséquences des difficultés du langage pour la per-
sonne dans l’avenir, en ce qui concerne le caractère, le métier et la socialisation.
Il peut être difficile de diagnostiquer et d’évaluer le bredouillement chez
les petits enfants où le développement du langage n’est pas encore terminé, et
surtout où il y a aussi du bégaiement. Or, il est important de traiter les enfants le
plus tôt possible. Les résultats seront bien meilleurs, les complications plus
rares et le travail de l’orthophoniste plus facile parce qu’il n’aura pas encore à
lutter contre de vieilles habitudes impropres.
Chez les jeunes et les adultes, c’est surtout le débit et l’inintelligibilité de
la parole qui attirent l’attention de l’entourage, parce que ces défauts constituent
le problème le plus grand et le plus audible, et parce que beaucoup de monde
croit que c’est ce qui rend la communication difficile. Voici une remarque fré-
quemment entendue par l’orthophoniste : « Ils me disent qu’il faut que je parle
lentement et distinctement. C’est ce que je fais, mais seulement pendant
quelques instants, et puis j’oublie ! ». Mais il semble que ce soit plutôt la com-
munication qui est problématique, puisque le patient a du mal à écouter, à suivre
une pensée, à négliger ses associations et à en venir au fait.
Pour trouver les éléments du bredouillement, il faut examiner a) la forme,
b) le contenu et c) l’usage du langage. Bloom et Lahey décrivent comment ces
domaines du langage sont liés les uns aux autres, et comment tous les domaines
du langage sont plus ou moins affectés. La compétence du langage ne viendra
que lorsque les trois domaines collaboreront et se développeront ensemble.
Donc, si un problème surgit dans seulement un de ces domaines, ils seront
atteints tous les trois (Teigland 1994).
a) La forme du langage décide comment sera le contenu du parler. Elle
reflète les systèmes et les normes du langage :
• phonologie : fonction et combinaison des phonèmes ;
• morphologie : structure de la langue ;
• syntaxe : combinaison des mots dans les phrases ;
• prosodie : rythme, pauses, timbre et hauteur des sons dans les phrases ;
• emphase : force expressive ;
• fluence : phrases fluides/non-fluides.
L’orthophoniste peut examiner le débit et la fluence de la parole et
observer s’ils sont influencés par la complexité des phrases et, si oui, de
quelle manière. On peut par ex. enregistrer la parole spontanée et comparer la
complexité des phrases les plus rapides et les plus indistinctes avec celle des
phrases d’un débit lent et d’une articulation distincte. On peut examiner la for-

76
mulation, l’articulation et la phonologie, et observer s’il se produit des altéra-
tions dans les phrases, par ex. si elles sont prononcées plus vite, ou bien si
leur longueur est augmentée, ou encore si elles deviennent plus complexes.
Quand on examine la forme du langage, il faut se rappeler que c’est toujours
dans la parole spontanée et surtout dans les situations où la personne se perd
dans le contenu de la parole que le bredouillement se révèle plus clairement.
Cela ne se produit jamais au cours de reproductions, ni dans des circonstances
contrôlées. C’est pourquoi il est difficile d’appliquer les tests du langage sur
les personnes atteintes de bredouillement. Il vaut mieux les examiner en iden-
tifiant, analysant et cataloguant les défauts d’après les enregistrements de la
parole spontanée. Le bredouillement peut se montrer comme fragments dis-
persés dans la parole normale.
b) Le contenu du langage est identique à la sémantique. Ici il faut exa-
miner la compréhension du langage et observer s’il y a des difficultés de la per-
ception.
c) L’usage du langage est identique à la pragmatique et comprend les
intentions et les sens cachés des mots. La pragmatique exige une disponibilité
de mots, une aptitude à interpréter les situations et les idées, et la connaissance
des règles écrites et non-écrites. De ces qualités dépendent la compétence du
langage et la métacognition. Les éléments non-verbaux, tels que le langage cor-
porel, le contact visuel, les mimiques et les gestes, sont aussi compris dans la
pragmatique. Il est aussi important d’évaluer la capacité d’écoute et l’aptitude à
distinguer l’essentiel du non-essentiel, l’attention, la mémoire, la concentration
et la ténacité, ainsi que l’interaction de la communication, et enfin de remarquer
si le patient est conscient de ses problèmes.
D’abord, l’orthophoniste doit faire un grand travail pour découvrir les dis-
tinctions entre la non-fluence normale (anglais : normal dys-fluency) et le bre-
douillement. Alors seulement on peut voir en quoi consiste le bredouillement.
Pendant cette phase, on peut profiter de la check-list de Daly (Daly 1996) pour
l’examen des enfants et des adultes en vue d’un diagnostic différencié.
Ensuite on cherche une stratégie pour un traitement qui tient compte éga-
lement d’un bégaiement éventuel.
Teigland (1994) dit que les jeunes patients ont des problèmes à la fois
pour donner et pour comprendre des informations. Quand ils transmettent des
informations, celles-ci sont souvent fausses ou peu exactes. Une analyse plus
profonde montrera qu’il y a des difficultés à trouver les mots justes et à organi-
ser les mots en phrases cohérentes et correctement formulées. Elle montrera
aussi que souvent la personne a du mal à suivre une idée et à approfondir ce qui
n’est pas immédiatement compréhensible. Ceci implique des conséquences pour

77
le traitement des jeunes et des adultes, puisqu’il est évident qu’il ne suffit pas de
traiter la parole proprement dite. Comme il faut intégrer l’élément pragmatique
dans le traitement, on doit aussi le prendre en compte lors de l’examen.

♦ Comment traiter le bredouillement


Weiss a écrit sur le traitement du bredouillement : plus le traitement com-
mence tôt, meilleures seront les chances pour remédier aux problèmes du lan-
gage.
De même, Daly (1992) a écrit sur le rôle difficile de l’orthophoniste : « il
faut un orthophoniste fort et persévérant pour élaborer un plan de traitement et
pour le réaliser. Il faut être bien préparé, positif et tenace ». Il dit aussi qu’il faut
que les buts du traitement soient tout à fait clairs, intelligibles et à court terme
pour que l’orthophoniste et son patient parviennent au bout du traitement.

♦ Traitement des jeunes et des adultes


Le groupe de personnes atteintes de bredouillement est un groupe très
mixte où le bredouillement, le bégaiement et les autres problèmes de la parole et
du langage se trouvent mêlés dans des proportions et des degrés différents. Il
revient à chaque orthophoniste de se rendre compte comment ces problèmes
sont liés et comment il faut les traiter. Il est compréhensible que les orthopho-
nistes se tiennent sur la réserve pour traiter le bredouillement. Premièrement, il
est difficile à diagnostiquer de sorte que tous ses éléments se présentent claire-
ment et distinctement. Deuxièmement, le patient est souvent peu motivé. Et troi-
sièmement, il se trouve être difficile de préparer un traitement de manière qu’il
soit satisfaisant pour les deux parties, puisque le but du traitement est souvent
plus clair pour l’orthophoniste que pour son patient.
Ci-après, j’ai choisi de présenter quelques idées pour montrer comment
on peut planifier le traitement du bredouillement chez les jeunes et les adultes.
Ces idées sont surtout inspirées par Myers et Bradley (1992) et Daly (1992).
D’abord, on doit faire prendre conscience au patient de ses propres pro-
blèmes de parole et de langage au moyen d’enregistrements sur cassettes audio
et vidéo. C’est important, non seulement parce que la motivation du patient
dépend de sa conscience, mais aussi parce que de tels problèmes sont souvent
accompagnés de problèmes émotionnels. Il est vrai qu’on dit que les personnes
atteintes de bredouillement n’ont aucune conscience de leurs problèmes et que
pour cette raison elles ont du mal à les décrire. Mais « quiconque a des pro-
blèmes sera toujours troublé, même s’il les ignore et fait comme s’ils n’exis-
taient pas » (Myers et St. Louis, 1992).

78
Il faut travailler pour créer un changement d’attitude de sorte que le patient
soit encouragé à s’occuper de lui-même, de ses attitudes et de ses difficultés de
parole et de langage, et qu’il comprenne qu’il est possible de modifier la parole et
la communication. Dans le changement d’attitude, il s’agit d’oser regarder ses
problèmes en face et d’arriver à se concentrer sur les auditeurs en dialogue et en
communication. Il faut aussi que le patient sache comment le bredouillement peut
se manifester différemment chez d’autres personnes, afin qu’il acquière un senti-
ment clair et une connaissance de son problème et de l’ampleur de ce dernier.
Certains chercheurs pensent que les jeunes peuvent tirer profit d’un traite-
ment de groupe, justement pour créer un changement d’attitude. Dans le groupe
il peut être plus facile de se motiver et de s’entraider, surtout dans le domaine
cognitif. Les recherches de Teigland indiquent en effet que les jeunes ont surtout
des difficultés de communication. Avant tout, ce qui pose des problèmes c’est la
faible capacité à écouter, à interpréter, et à pouvoir exprimer ses idées et pensées
brièvement et clairement, ainsi qu’à changer de stratégie suivant les besoins de
l’auditeur (Teigland 1994). C’est pourquoi on peut s’imaginer que précisément
le traitement de groupe avec des personnes dans la même situation peut être
utile, parce que le patient aura la possibilité de prendre conscience des règles de
la communication et d’améliorer sa capacité d’écouter activement. Par là les
patients s’entraînent à parler à tour de rôle, à écouter, à réfléchir, à éclaircir, à
commenter et à reprendre la parole, ainsi qu’à s’occuper de leur langage corpo-
rel, de leurs mimiques et de leurs gestes. Généralement, le fait d’être dans un
groupe produit un effet positif puisqu’on peut se refléter dans les problèmes des
autres et parler plus librement.
On peut alors commencer à s’occuper du langage, proprement dit, et de
sa structure. D’abord on peut faire une analyse du langage et de la communica-
tion du patient en utilisant des enregistrements. Il a souvent besoin d’apprendre
comment les différents phonèmes sont liés et s’organisent en mots, et comment
les différences entre les phonèmes et syllabes accentués et non-accentués se
manifestent. Ensuite il doit prendre connaissance des terminaisons, du nombre
des syllabes dans les mots, de la structure des phrases, et des règles grammati-
cales.
Le débit de la parole doit toujours être jugé sur la base de la complexité
des phrases et des pensées. Certains orthophonistes rapportent qu’ils obtiennent
de bons résultats avec la normalisation du débit de la parole en expérimentant
entre autres DAF (delayed auditory feedback). Dans ce cas, DAF est utilisé
d’une part pour se concentrer sur ce qu’on dit, même s’il y a des perturbations,
d’autre part pour différencier les débits et trouver à quel niveau de lenteur la
parole devient intelligible. DAF doit être utilisé d’une telle manière qu’on com-

79
mence par avoir la distance la plus grande possible entre le parler et l’écho, car
dans ce cas il sera facile d’éviter que la parole s’embrouille. Puis on peut
réduire la distance graduellement. Il semble que DAF peut surtout aider la per-
sonne atteinte de bredouillement à améliorer sa capacité à écouter et à analyser
son propre débit de la parole.
Puis il est recommandé de compter des syllabes et d’essayer de ne pas
omettre les syllabes non-accentuées. C’est souvent ces dernières qui disparais-
sent dans la parole rapide. Par ex., on peut trouver de longues polysyllabes et les
utiliser en conversations, dialogues et même en conversations téléphoniques et
dans les magasins. D’autres orthophonistes recommandent de faire des répéti-
tions de syllabes faciles dans de longs mots difficiles, ce qui renforce la
conscience à la fois du débit et de l’articulation. Des exercices de prolongation
des voyelles des syllabes accentuées en récitations et en discours ont le même
effet.
Quand on travaille avec l’articulation, on doit toujours la mettre en rap-
port avec le débit et la longueur de la phrase. Plus les phrases sont longues,
accélérées et compliquées, plus nombreux sont les problèmes d’articulation.
On peut aussi essayer de se concentrer sur le mouvement des lèvres, de sorte
que le patient voie quand les lèvres sont larges, rondes, serrées, ouvertes - et
comment la consonne suivante aura la même forme que la voyelle. On peut
exagérer l’articulation par des mouvements grands et distincts, puis remarquer
où les différents phonèmes sont articulés, les regrouper et les organiser dans
une suite.
Quand on a travaillé avec les éléments qui constituent la structure de la
phrase, on peut s’attaquer à des phrases entières. Faire une pause à la fin de la
phrase et prendre conscience de la respiration à la fin de la phrase. Il faut parler
de la prosodie, essayer de la changer, par ex. en changeant de place le mot
accentué et faire remarquer que le sens se modifie.
Quand on veut améliorer le langage, il est bon d’augmenter le savoir
sémantique par ex. en rangeant les mots par catégories, en parlant de notions
particulières et de notions générales et en élargissant le vocabulaire ; en commu-
niquant des règles grammaticales de sorte qu’il soit plus facile de comprendre
comment un langage est construit d’éléments. Alors seulement, on peut com-
mencer à choisir des mots courts et faciles, longs et difficiles, les composer en
phrases, et puis augmenter progressivement le débit et l’articulation, jusqu’à ce
qu’on atteigne la limite où la phrase s’embrouille.
La prochaine démarche peut être, par ex., de formuler des phrases correc-
tement construites d’après des pensées et idées différentes et puis d’essayer de
terminer les phrases sans faire ni d’interruptions, ni de paraphrases, sans intro-

80
duire de mots de remplissage et avec une belle prosodie et d’une bonne articula-
tion. Si la suite des phrases pose des problèmes on peut utiliser une stratégie,
comme de trouver les mots-clefs des sections, compter le nombre de sections ou
laisser les gens utiliser leurs propres méthodes mnémotechniques.
On peut renforcer la mémoire en utilisant des exercices d’écoute où l’on
suit la même stratégie pour se rappeler des détails et des traits caractéristiques.
Il peut être nécessaire de discuter les règles écrites et non-écrites de la commu-
nication, comme par ex. comment parler et écouter à tour de rôle, comment
devenir un auditeur actif, comment comprendre le contenu et le sens d’une dis-
cussion et comment on pourra modifier la manière de s’exprimer, si l’interlocu-
teur ne comprend pas dès la première fois le contenu d’une phrase.
Une partie importante du traitement est l’utilisation de cassettes audio et
vidéo, afin que le patient puisse se regarder et s’écouter lui-même, comme l’in-
terlocuteur le fait. Ce procédé est excellent pour augmenter l’attention sur sa
propre parole, en ce qu’on peut analyser, discuter et corriger jusqu’à ce qu’on
soit satisfait.
Pour améliorer la capacité de communication il ne suffit pas de savoir
interpréter les gestes, les mimiques et le contact visuel, il faut aussi améliorer la
capacité à savoir utiliser ces moyens d’expression non-verbaux.
Le dernier point du traitement du bredouillement sera d’apprendre com-
ment on peut se concentrer sur son interlocuteur et poser des questions qui assu-
rent que le message est compris, par ex. : « Est-ce que vous avez compris ce que
je viens de dire, ou voulez-vous que je le répète d’une autre manière ? ».

♦ Conclusion
Le bredouillement est un défi pour les spécialistes. Il faut que l’orthopho-
niste sache l’identifier et le traiter d’une telle manière que la personne atteinte
de bredouillement prenne conscience de son problème, qu’elle obtienne une
fonction améliorée du langage et soit capable de mieux communiquer dans sa
vie quotidienne. Pour l’orthophoniste, il peut être difficile d’acquérir assez de
connaissance pratique sur le bredouillement. Peut-être parce que, d’une part, les
personnes atteintes du bredouillement n’éprouvent pas le besoin d’être traitées,
et pour cela elles ne font pas le démarche nécessaire pour demander de l’aide.
D’autre part, le bredouillement n’est pas très reconnu dans les écoles et les insti-
tutions, ni par le public. C’est pourquoi beaucoup de personnes atteintes de bre-
douillement ne sont envoyées chez un spécialiste que s’il s’agit aussi de bégaie-
ment, de problèmes de l’articulation ou de difficultés à orthographier ou à lire.
Le bredouillement ne sera souvent pas repéré ou sera sous-estimé comparé aux
autres problèmes de la parole et du langage.

81
Les études qui ont été faites dans le domaine du bredouillement ont sur-
tout mis l’accent sur la forme plus que sur la fonction. Mais comme le langage
est justement un instrument de rapports sociaux, il sera nécessaire à l’avenir de
faire encore des recherches où le bredouillement sera considéré dans un aspect
communicatif.

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82
Troubles d’évocation de mots associés
au bégaiement
Nadia Teitler-Brejon

Résumé
Les personnes bègues se plaignent souvent d’avoir du mal à « trouver leurs mots ». Divers
auteurs ont montré que les locuteurs souffrant de bégaiement avaient en effet un trouble de
langage souvent concomitant : celui de l’évocation de mots. Ceci est à prendre en considé-
ration dans la prise en charge de ces patients, puisque la lenteur dans l’évocation des mots
peut contribuer à la fois aux disfluences verbales et à la souffrance dont ils témoignent.
Mots clés : bégaiement, dysfluences, évocation de mots

Word-finding impairment associated with stuttering

Abstract
Stutterers frequently complain that they have problems « finding their words ». Various
authors have shown that stutterers indeed display language difficulties which are frequently
associated with their speech defects, and more precisely word-finding impairment. This
problem must be taken into consideration in the treatment of such patients, since the slow-
ness in the word-finding process contributes to the occurrence of dysfluencies.
Key Words : Stuttering, fluency, dysfluencies, word-finding

Rééducation Orthophonique - N° 206 - Juin 2001


83
Nadia TEITLER-BREJON
34 rue Crossardière
53000 Laval

D
ans une situation de communication normale, nous parlons et nous
comprenons facilement ce que nous disent les interlocuteurs. « Nous
traduisons nos pensées en mots et en phrases pour communiquer avec
autrui sans que cela nous coûte beaucoup d’effort conscient » (Matthei et Roe-
per, 1988, p.1). Pourtant, la parole est généralement produite à une vitesse très
rapide (environ 150 mots par minute pour un locuteur normal dans une situation
banale) et les mots utilisés sont sélectionnés à une vitesse surprenante parmi les
dizaines de milliers de mots du lexique mental. D’après Levelt (1989), un locu-
teur normal qui veut sélectionner un mot effectue un choix parmi 30 000 possi-
bilités de son répertoire, et ce choix est effectué de deux à cinq fois par seconde,
rythme qui peut être maintenu sans limite temporelle mesurée. D’après cet
auteur, il n’existerait aucun autre processus cognitif présentant un rythme aussi
soutenu.
L’échange conversationnel, habituellement si aisé et quasi-automatique,
n’est pourtant pas effectué de manière aussi facile lorsqu’un des communicants
souffre d’un trouble de parole ou langage. Souvent, l’échange verbal ne se fait
alors pas de façon aussi fluide. Nous verrons ici que pour les locuteurs bègues,
cet échange conversationnel peut devenir pénible et laborieux.
Les difficultés articulatoires, perturbant le discours des personnes bègues,
sont universellement reconnues. Cependant, contrairement à Van Hout (1999)
qui affirme que « les caractéristiques propres au langage lui-même (élaboration
syntaxique, évocation de mots, agencement des phonèmes), ne sont, en général,
pas altérées », nous pensons que les personnes qui souffrent de bégaiement
souffrent souvent, parallèlement à leurs troubles articulatoires, de troubles lan-
gagiers.
Les personnes bègues se plaignent en effet souvent du fait qu’elles ont du
mal à « trouver leurs mots » et qu’elles sont sans cesse obligées de jongler d’un
mot à un autre. Ceci est sans doute une des conséquences de leur crainte de

84
bégayer sur tel mot, mais pourrait être également lié à une difficulté moins sub-
jective à évoquer le mot approprié. Pendant les séances de rééducation ortho-
phonique ou phoniatrique, ces patients se plaignent souvent qu’ils savent ce
qu’ils veulent dire mais n’y arrivent pas. Le fait qu’ils peuvent immédiatement
répéter le mot lorsqu’il leur est soufflé indique bien que le problème n’est pas
moteur, comme on l’a souvent pensé. Il impliquerait au contraire quelque per-
turbation au niveau de la représentation de l’image du mot.
Il existe actuellement peu d’études scientifiques visant à évaluer objecti-
vement la capacité des locuteurs bègues à « trouver leurs mots ». Nous tenterons
ci-dessous d’exposer succinctement les résultats de ces études, avant de discuter
de l’importance d’inclure l’évaluation et la rééducation du trouble d’évocation
dans la prise en charge orthophonique de ces patients.

♦ Troubles d’évocation des personnes bègues : revue de littérature


Quoique les avis des spécialistes du bégaiement concordent généralement
sur le fait que les adultes bègues présentent des difficultés de langage (le pro-
blème du trouble d’évocation était déjà décrit par Pichon et Borel-Maisonny,
1937), il existe peu d’études qui le démontrent scientifiquement. Parmi celles-ci,
il y a celle de Watson, Freeman, Chapman, Miller, Finitzo, Pool et Devous
(1991) dont les résultats ont pu permettre aux auteurs de confirmer qu’il existe
un sous-groupe de bègues qui présente des performances linguistiques dimi-
nuées, et ceci sans rapport avec l’âge, le niveau d’éducation ou la sévérité du
bégaiement. En 1988, Wingate a également testé le niveau linguistique de per-
sonnes bègues grâce à un test standardisé et a trouvé des performances plus
faibles chez les sujets bègues à l’épreuve de vocabulaire, malgré le fait que les
définitions de mots aient été données à l’écrit. Les personnes bègues utilisaient
plus de mots mais avaient des scores inférieurs, ce qui montrait une utilisation
moins efficace des mots.
Wingate (1967, 1988) et Newman, Fawcett et Russon (1986) ont égale-
ment conduit des études évaluant les capacités langagières des personnes bègues
et non-bègues à accéder à leur lexique interne, à choisir les mots, ainsi qu’à
manipuler des caractéristiques suprasegmentales et segmentales du langage. Les
sujets bègues se sont révélés significativement moins compétents que les non-
bègues dans ces exercices, que ce soit en présentation visuelle ou auditive. Ces
auteurs en conclurent que les personnes bègues ont des difficultés au niveau du
traitement cognitif du langage.
Dans des tâches de décision lexicale, Rastatter et Dell (1987b) ont trouvé
que les personnes bègues étaient plus lentes que les personnes non-bègues à

85
déterminer si un stimulus visuel était un mot, et ceci quel que fut le mode de
réponse : vocalique (production de /a/) ou manuel (en appuyant sur une touche).
Dans le même esprit, Van Lieshout, Hulstijn et Peters (1991) ont comparé les
productions fluentes d’adultes bègues et non-bègues dans une tâche de dénomi-
nation d’images et de lecture de mots. Dans cette dernière épreuve, les deux
populations produisaient des réponses identiques, ce qui n’était pas le cas dans
la première. Ils conclurent que les sujets bègues demandaient plus de temps que
les non-bègues pour l’élaboration de la phase « recherche lexicale » de leur dis-
cours.
Wingate (1988) a élaboré un test de fluence verbale afin de mesurer la
rapidité des personnes bègues à effectuer le retrait d’informations sémantiques.
Cet exercice consiste à évoquer des mots isolés à une vitesse accélérée : le sujet
doit dire ou écrire le plus de mots possibles qui présentent certains critères défi-
nis à l’avance (par exemple, les mots commençant par telle lettre) et ceci dans
un temps donné. Les résultats ont montré des performances significativement
supérieures chez les sujets qui ne bégayaient pas que chez ceux qui bégayaient.
D’après l’auteur, cette différence indique que les seconds auraient des difficultés
pour extraire rapidement de leur lexique interne les mots appropriés et seraient,
par conséquent, moins aptes à maintenir une parole conversationnelle fluente.
Les tests d’association ont également été utilisés afin d’étudier l’accès au
lexique des individus bègues. Il y a plusieurs décennies, Adams et Dietze (1965)
ont réalisé une étude visant à comparer les temps de réaction de sujets bègues et
non-bègues lors d’une tâche d’associations de mots à connotation affective
variée (joie, peur, agressivité, culpabilité, dépression et neutre). Les résultats ont
montré une différence significative des temps de réponse entre les sujets bègues
et les sujets non-bègues pour chaque catégorie de mots. Wingate (1988) a égale-
ment réalisé un test d’association de mots et trouva que les personnes bègues
donnent un nombre élevé d’associations peu communes, ou personnelles.
Plus récemment, Bosshardt et Fransen (1996) suggèrent qu’il y aurait des
difficultés d’encodage sémantique rencontrées chez les locuteurs bègues et que
ces difficultés viendraient d’une lenteur de traitement des informations séman-
tiques. Teitler (2000) a également étudié la difficulté dans l’évocation de mots
dont témoignent les personnes bègues grâce à diverses tâches psycholinguis-
tiques. Le but de ces expérimentations était de quantifier objectivement la pré-
sence de troubles dans différents domaines de l’évocation, tels la sélection des
mots appropriés (tâches de dénomination d’images, de recherche d’antonymes,
de catégorie lexicale), la reconnaissance des mots du lexique (tâche de décision
lexicale) ou encore l’association sémantique des mots (tâche d’appariement), en

86
comparant les réponses de 12 sujets bègues à celles de 13 sujets témoins, appa-
riés selon l’âge et le niveau socio-professionnel. Toutes les épreuves étaient
administrées par écrit (soit par le biais d’un clavier informatique, soit par écri-
ture manuelle) afin d’éliminer toute possibilité de biais moteur. Les résultats ont
montré une différence quasi-systématiquement significative entre bègues et non-
bègues, toujours en défaveur des premiers. La lenteur dans l’évocation de mots
est un facteur concomitant au bégaiement (au moins chez une partie de la popu-
lation bègue) et la présence de ce trouble d’évocation n’est pas liée à la sévérité
du bégaiement proprement-dit. Des recherches supplémentaires seraient néces-
saires afin de tenter d’obtenir des précisions sur qui sont les locuteurs bègues
qui souffrent le plus de ce trouble.

♦ Impact du trouble d’évocation sur la qualité de la parole


D’après les résultats des diverses études citées ci-dessus, nous pouvons
donc affirmer que les personnes qui souffrent de bégaiement souffriraient paral-
lèlement (au moins dans certains cas) d’un trouble d’évocation de mots. Il est
sans doute nécessaire de prendre cela en considération pour l’évaluation et la
rééducation de ces patients. Regardons plus en détail l’impact du trouble d’évo-
cation sur la qualité de la parole, afin de mieux comprendre l’intérêt d’inclure
des exercices destinés à améliorer la rapidité d’évocation de mots. Ensuite, nous
pourrons nous pencher sur des propositions concrètes d’évaluation et de réédu-
cation du trouble.
a) La fluidité du discours
En ce qui concerne la fluidité du discours et le côté esthétique de la
parole, les personnes bègues sont déjà pénalisées en raison de leurs difficultés
articulatoires. Ces troubles articulatoires induisent une incapacité motrice à pro-
duire une parole fluente. Or, si les locuteurs bègues ont des difficultés pour
extraire rapidement de leur lexique interne les mots appropriés, ils seront, par
conséquent, également moins aptes que les non-bègues à maintenir une parole
conversationnelle fluente. Les manques du mot, ou simplement les retards
d’évocation de mots, accroîtront les pauses et les hésitations dans un discours
déjà martelé. Par conséquent, la fluidité de leur parole sera détériorée et leur
conversation, déjà parfois pénible à écouter pour l’interlocuteur, sera encore
plus altérée par ces « dysfluences de langage » (Monfrais-Pfauwadel, 2000).
b) La vitesse de parole
Si nous considérons la vitesse de parole des locuteurs bègues, nous
savons déjà qu’ils sont plus lents que les locuteurs non-bègues à émettre un

87
message parlé, ceci étant vrai sur des échantillons de parole bégayée ou fluente.
A message identique, les individus bègues sont donc plus lents que les non-
bègues, pour des raisons motrices, même s’ils parlent sans instance de bégaie-
ment. Lorsqu’ils bégaient, le temps d’émission est encore rallongé, et ceci par-
fois de manière extrêmement pénible, lorsque les blocages ou répétitions durent
dans le temps. Or, il faut également prendre en compte le fait que les personnes
bègues sont encore une fois pénalisées par leur lenteur d’évocation de mots.
Nous savons que leur vitesse de parole sera encore réduite à cause de la diffi-
culté de ces locuteurs à trouver le mot adéquat à la formulation de leur message.
Dans une époque où les informations se transmettent à une allure accélérée et
que le gain de temps est précieux, nous pouvons penser qu’écouter une per-
sonne qui émet son message si lentement est aussi gênant pour la personne
bègue que frustrant pour l’interlocuteur. Il est donc nécessaire d’aider ces
patients à améliorer non seulement la qualité de leur parole, mais également à
accroître leur débit. Sachant qu’il existe une lenteur dans l’évocation de mots
qui contribue nécessairement au ralentissement du discours, il paraît essentiel
d’intégrer cette contrainte dans la remédiation du trouble.

♦ Implications du trouble d’évocation pour l’évaluation


du bégaiement
Il paraît important de ne pas oublier la possibilité d’un trouble d’évoca-
tion de mots lorsque nous recevons les patients bègues en bilan pour effectuer
une évaluation de leur pathologie. Le bilan orthophonique n’est pas seulement
destiné à mesurer la sévérité du trouble, mais également à en étudier la nature,
avec les différentes caractéristiques propres à chaque patient. Il semble fonda-
mental d’intégrer la notion d’évocation dans cette évaluation initiale, et ceci
pour plusieurs raisons. D’abord, il faudrait savoir si le patient souffre réellement
d’un tel trouble, et dans ce cas, s’il en est conscient. Avec quelle intensité en
souffre-t-il ? Ensuite, il serait idéal de pouvoir quantifier ce trouble en début de
rééducation afin de déterminer si des progrès se manifestent en cours de traite-
ment.
Malheureusement, aucun test d’évaluation de la vitesse d’évocation de
mots n’existe actuellement sur le marché. Nous trouvons des tests d’évocation
de mots destinés aux patients aphasiques ou aux enfants présentant des troubles
de parole ou de langage, mais ceux-ci sont peu adaptés aux patients bègues
(images souvent infantilisantes) et sont élaborés afin d’étudier spécifiquement
des perturbations dans le choix des mots ou dans leur articulation. La vitesse de
réponse n’est jamais mesurée. Ceci paraît être une lacune certaine dans notre

88
profession. En attendant qu’un tel test soit élaboré, avec un matériel adapté à la
population bègue et une méthode d’évaluation permettant d’instaurer le facteur
temps, c’est sans doute à chaque orthophoniste de tenter d’évaluer le plus préci-
sément possible la présence de ce trouble chez chacun de ses patients bègues.
De façon idéale, il faudrait pouvoir mesurer des temps de réponse dans un test
de dénomination d’images, avec une sélection de matériel qui 1) aiderait à la
quantification du trouble, afin de concrètement mesurer les éventuels progrès et
2) permettrait de mieux localiser le trouble pour chaque individu. Quelles sont
les caractéristiques de mots qui induisent le plus de difficultés ? Sont-ce les
mots rares ou fréquents ? les mots longs ou courts ? les verbes, les noms, ou
bien les adjectifs ? Y a-t-il un schéma particulier ou le trouble apparaît-il de
façon aléatoire ? Répondre à toutes ces questions serait certainement un atout
non-négligeable pour la rééducation du trouble d’évocation des patients bègues.

♦ Implications du trouble d’évocation pour la rééducation


du bégaiement
Nous avons vu ci-dessus qu’il n’existait actuellement aucun test d’évalua-
tion du trouble d’évocation destiné aux personnes bègues. Il en est de même
pour la rééducation d’un tel trouble. Le matériel commercialisé est ici aussi des-
tiné à accroître le vocabulaire des enfants à difficultés de parole ou de langage,
ou bien à aider les patients aphasiques à améliorer leurs capacités d’évocation
(diminuer le nombre de manques du mot ou de paraphasies). Ce matériel est
donc peu adapté au trouble du bégaiement et c’est au rééducateur de développer
son propre matériel thérapeutique. Nous présenterons ci-dessous quelques sug-
gestions, adaptées des divers ouvrages concernant les rééducations d’enfants
(McGregor et Windsor, 1996 ; Estienne-Dejong, 1991 ; Celerier, 1991 ; German
et Simon, 1991 ; McGregor et Leonard, 1989) et d’aphasiques (Rosenbek,
LaPointe et Wertz, 1989 ; Eustache et Lechevalier, 1993 ; Lantery, 1995 ;
Mysak et Guarino, 1986). Cette liste est loin d’être exhaustive. Elle consiste
simplement en une proposition de quelques exercices possibles destinés à
accroître les performances d’évocation des patients bègues.
a) Exercices d’évocation : le sujet doit donner un maximum de mots en
un temps imposé. La recherche mentale peut être sémantique (mots appartenant
à un même champ sémantique, comme les légumes, les métiers, les vêtements,
etc.), phonémique (mots commençant par tel phonème), ou orthographique
(mots commençant par telle lettre). Ces exercices peuvent être effectués à l’écrit
ou à l’oral, selon qu’on veut inclure ou non les composantes articulatoires ou se
limiter à un exercice purement évocatoire.

89
b) Exercices de dénomination d’images : le patient doit, le plus rapide-
ment possible, dénommer des images présentées successivement à un rythme
soutenu. Afin de pouvoir procéder rapidement malgré un bégaiement sévère
ralentissant peut-être la parole de manière considérable, le thérapeute pourrait,
par exemple, passer à l’image suivante dès l’amorce verbale du mot, et non
lorsque l’articulation du mot cible serait terminée. Ainsi, si l’image à dénommer
est « courgette », le rééducateur passe à l’image suivante dès que le patient a
énoncé le phonème /k/, même s’il n’arrive pas à accéder aux phonèmes suivants.
Une autre manière d’éviter les perturbations motrices serait, ici aussi, d’effec-
tuer ces exercices à l’écrit.
c) Exercice du dessin dicté : cet exercice est précisément créé pour les
patients bègues et proposé par Le Huche (1998). Le patient réalise sur une
feuille un dessin relativement simple et doit faire reproduire le même dessin par
le rééducateur qui tient le crayon sur une autre feuille et ne voit pas le dessin
original. Ainsi, ce sont les directives du patient qui impliquent l’action de son
interlocuteur par des instructions extrêmement précises (exemple : « Placer le
stylo au centre gauche de la feuille et tracer un cercle d’environ 3 cm de dia-
mètre »). Il est nécessaire ici de choisir les mots adéquats de manière très pré-
cise. Des erreurs dans le choix des mots ont des conséquences directes : elles
induisent en cascade des erreurs dans la réalisation du dessin, et font l’objet de
rectifications ultérieures. Cet exercice paraît tout à fait propice à la remédiation
du trouble d’évocation des patients bègues. Il oblige à rapidement sélectionner
les mots extrêmement précis et à les utiliser de manière tout à fait appropriée.
d) Exercices d’évocation de synonymes ou d’antonymes : ici, le sujet doit
donner des synonymes ou antonymes de mots proposés par le rééducateur. Ces
exercices peuvent également se faire oralement ou par écrit, si nous décidons de
contourner les difficultés articulatoires qui viendraient perturber les réponses.
Le thérapeute peut proposer des mots faciles au départ pour accroître la diffi-
culté et le rythme de présentation au fur et à mesure des progrès.
e) Exercice consistant à compléter des phrases : le patient doit compléter,
le plus rapidement possible, des phrases proposées par le rééducateur (par
exemple, « on se rase avec un ... »). Les mots à évoquer peuvent varier de fré-
quents à très rares, en fonction du vocabulaire du patient.

♦ Conclusion
Ainsi, nous pouvons valider et comprendre la plainte fréquente qu’émet-
tent les patients bègues, d’avoir « du mal à trouver leurs mots ». Ils souffri-
raient, parallèlement à leur trouble de parole, d’un trouble d’évocation de mots

90
qui serait une entrave supplémentaire à la fluidité de leur discours. Il paraît
nécessaire de prendre ceci en considération lorsqu’on rééduque les personnes
atteintes de cette pathologie.
Cependant, même si nous pensons que le trouble d’évocation mériterait
d’être soigné, il faut relativiser son importance face au bégaiement proprement
dit. En effet, dans les cas de bégaiement très sévère où le patient présente des
difficultés massives à enchaîner les mots et les syllabes pour des raisons articu-
latoires, rééduquer le trouble de l’évocation semblerait d’un intérêt limité. Si le
patient vient consulter parce qu’il a du mal à se faire comprendre à cause de son
bégaiement, la priorité est d’aider le patient à améliorer ses capacités de com-
munication globales, avec un travail de restauration des échanges verbaux,
autant du point de vue comportemental qu’articulatoire. La lenteur dans l’évo-
cation de mots, chez ces patients, semble alors tout à fait secondaire (en effet, la
lenteur d’accès au lexique ne détériorerait sans doute pas de manière percep-
tible, dans ce cas, une parole déjà extrêmement martelée). Cependant, il paraî-
trait tout à fait justifié de tenter d’objectiver la présence de ce trouble et de ten-
ter de le rééduquer chez des patients moins sévères, ou chez des patients en fin
de rééducation.

91
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92
De retour de Northwestern
Véronique Boucand

Résumé
Récit d’une expérience vécue en juillet 2000, aux Etats-Unis, à l’Université de Northwestern,
près de Chicago où, depuis quinze ans, est organisé par Hugo Gregory et financé en grande
partie par la Fondation Américaine du Bégaiement, un séminaire. Celui-ci a lieu tous les ans
et s’adresse aux orthophonistes travaillant dans le domaine des troubles de la fluence ver-
bale.
Ce séminaire m’a permis de rencontrer plusieurs chercheurs étrangers dont Edward
Conture. Je n’exposerai ici qu’un résumé des techniques utilisées à Northwestern et la mise
en pratique de certaines habiletés utilisées par Kristin Chmela.
Mots clés : bégaiement, Northwestern University, Erasm, habiletés de communication,
transfert

Coming back from Northwestern University

Abstract
This article gives an account of the experience I had last July at Northwestern University
(near Chicago in the United States), where for the last fifteen years, yearly workshops have
been organized by Hugo Gregory and sponsored by the Stuttering Foundation of America.
This workshop is attended by specialists in fluency disorders and was held for the first time
in1985.
This workshop gave me the opportunity to meet researchers such as Edward Conture. I will
only give a selective summary of some of the techniques used at Northwestern University
and of the ways some of the communication skills used by Kristin Chmela are applied.
Key Words : Stuttering, Northwestern University, Erasm, communication skills, transfer

Rééducation Orthophonique - N° 206 - Juin 2001


93
Véronique BOUCAND
Orthophoniste
243 boulevard Raspail
75014 Paris

A
près ce séminaire passionnant, véritable expérience de vie, qui m’a
beaucoup apporté sur le plan de ma pratique mais aussi sur un plan plus
personnel, je voudrais pouvoir partager quelques unes de mes impres-
sions et de mes découvertes.
Northwestern est une université, située sur les bords du lac Michigan près
de Chicago. La « clinique du langage » est l’une des plus grandes du monde. Le
séminaire y est organisé par Hugo et Carolyn Grégory et financé en grande par-
tie par la Fondation Américaine du bégaiement (Stuttering Foundation of Ame-
rica). Il dure deux semaines.
Vingt personnes participaient cette année à ce séminaire : quinze améri-
cains de plusieurs états différents et cinq étrangers (une anglaise, une suédoise,
une lithuanienne, une argentine, une française), ce qui a permis de nombreux
échanges très enrichissants sur la façon dont sont envisagées les thérapies du
bégaiement dans ces différents pays.
Ciblé sur la pratique, l’enseignement y est remarquable. Des enregistrements
vidéo, des témoignages de patients, enfin la pratique sur soi de techniques motrices
et l’entraînement aux habiletés de communication sont fréquemment utilisés.
La clinique possède une salle avec des glaces sans tain, ce qui permet
d’assister à des séances sans que les enfants ou les adultes bien qu’informés de
notre présence, ne soient gênés par les stagiaires qui les voient.
Le professeur Hugo Gregory (PHD) est un ancien bègue qui prend plaisir
à raconter son parcours. Comme la plupart des professeurs américains, il a pu
faire de très longues études sur le langage avec une forte implication person-
nelle, étant bègue lui-même, ce qui lui a permis d’essayer de nombreuses tech-
niques avant de les intégrer dans sa pratique.
Aux Etats-Unis, les études d’orthophonie correspondent à des cycles uni-
versitaires ; on peut donc travailler de 7 à 10 ans sur la pathologie du langage.

94
Des programmes différents de thérapie sont proposés aux personnes bègues sui-
vant les lieux, mais ces programmes ont de nombreux points communs.
A l’Université de Northwestern, on procède très progressivement. On uti-
lise des techniques de relaxation, des techniques motrices de fluence, des habi-
letés de communication. Le patient devra transférer par la suite, avec l’aide du
thérapeute, ses nouveaux comportements grâce à la mise en pratique de
contrats, de jeux de rôle. Enfin, les groupes de parole vont l’aider à faire le pont
avec l’extérieur. Ayant discuté avec de nombreux patients en fin de thérapie, j’ai
pu constater à quel point les progrès étaient notables.

♦ La thérapie de l’adulte
Lors du bilan, une évaluation précise est effectuée :
• Examen de la fluence, (évaluation des bégayages, test de Northwestern).
• Examen du débit, des capacités d’évocation, du langage, des mouve-
ments accompagnateurs.
• Evaluation des attitudes et comportements réactionnels au bégaiement
grâce à des échelles et à des discussions avec le patient.
Les techniques motrices
Celles-ci visent à faire prendre conscience au sujet de ce qu’il fait avec sa
parole pour lui permettre de pouvoir la contrôler. Ces techniques visent à une
réassurance. A Northwestern, on pratique surtout :
L’ERASM (easy relax approach smooth movement).
Avec l’ERASM, on essaie de remplacer un conditionnement mal adapté
par un autre plus adapté, l’ERASM doit permettre un changement lors de la
prise de parole.
La transition des deux premiers phonèmes va s’effectuer dans un mouve-
ment plus doux, plus détendu, et un peu plus lent. Le reste du mot est émis avec
une intonation, une intensité et une allure normales. L’accent va être porté sur la
transition et non plus sur la première lettre du mot. Les personnes bègues ont
tendance, par crainte de bégayer, à anticiper la position de certaines lettres avant
de les prononcer. Elles vont penser par exemple au « P » et déjà augmenter la
pression au niveau de leurs lèvres pour dire ce « p » au lieu de penser à la transi-
tion. La position de la langue change pour chaque phonème en fonction de la
voyelle qui va suivre. L’ERASM est pratiqué très progressivement, d’abord sur
des mots, sur des fragments de phrases puis sur des phrases et dans une implica-
tion progressive du sujet dans ce qu’il dit.

95
Cela va permettre à la personne d’avoir un certain contrôle sur sa parole
et de pouvoir s’en servir comme « bouée de secours » dans des situations ou sur
des mots difficiles pour elle. De plus, ce contrôle lui redonne confiance dans sa
manière de parler.
Le bégaiement inverse ou bégaiement volontaire
Le patient est encouragé à imiter son bégaiement, reproduire volontaire-
ment ce qu’il fait involontairement quand il bégaie. La personne bègue va
apprendre à mettre son bégaiement « sur la table », à en faire un objet d’étude
pour se désensibiliser et pouvoir mieux le contrôler. L’important est de pou-
voir contrôler les sensations qui entraînent la tension du bégaiement et d’être
capable progressivement de faire baisser cette tension sans viser d’emblée à la
fluence.
Par la suite, on pourra utiliser l’ERASM et le bégaiement volontaire en
jouant sur les sensations produites par les augmentations et les baisses de ten-
sion.
Changer sa manière de parler et sa manière d’être va se révéler très diffi-
cile pour la personne bègue et cela donnera lieu à de nombreuses discussions
avec le thérapeute.
Les dysfluences volontaires
Quand le patient a bien avancé dans la maîtrise de sa fluence, il va pou-
voir produire volontairement les dysfluences qui sont dans la parole de tout un
chacun. Ce n’est pas la même chose que le bégaiement volontaire, ce sont des
dysfluences que tout le monde fait en parlant comme des répétitions de syllabes
ou des hésitations. Le patient bègue est souvent à la recherche de la parole par-
faite qui n’existe pas.
« L’annulation » qui consiste à lâcher la tension au milieu d’un blocage, s’arrê-
ter et reprendre son mot en ERASM.
La flexibilité du langage
Le patient apprend à modifier son débit verbal, son intensité, son intona-
tion, la façon dont les pauses sont placées pour améliorer ses habiletés de com-
munication.
Ces techniques sont basées sur une meilleure kinesthésie de la parole.
La personne va pouvoir exercer le contrôle de son bégaiement à un
moment donné ou dans une situation précise, puis dans d’autres de plus en plus
difficiles pour lui. Elle peut alors commencer à maîtriser sa peur de bégayer
puisqu’elle a un moyen de contrôle sur sa parole.

96
La relaxation ou plutôt prise de conscience des tensions.
Le patient apprend à contrôler sa tension musculaire en l’augmentant et
en la faisant diminuer volontairement dans les différents muscles du corps, ce
qui va lui permettre par exemple de prendre conscience de son degré de tension
quand il devra affronter une situation de parole difficile.

Les habiletés de communication


L’utilisation des réponses différées
La pression du temps est particulièrement ressentie par les personnes
bègues lors des situations de communication.
Quand une personne bègue parle, elle sent que son interlocuteur est en
train d’attendre son tour de parole. Elle ressent une pression due au fait de
devoir répondre rapidement et aussi une certaine peur, due à des expériences
antérieures nocives, de bégayer ou de bloquer au début de la phrase si elle
attend avant de répondre.
Cette peur est réactivée à chaque fois qu’elle prend la parole.
La personne bègue a souvent peur du silence et l’impression que si elle
attend, l’autre ne va pas l’écouter à cause du bégaiement.
L’investissement de la parole est trop important au détriment de la com-
munication. Elle doit parler avant tout...
Au fur et à mesure que la personne va reprendre confiance dans sa
manière de parler et savoir comment contrôler ses débuts de phrase, elle va pou-
voir résister à cette pression et attendre avant de répondre.
Aux Etats-Unis, on demande souvent aux patients de compter jusqu’à
deux dans la tête avant de reprendre la parole.
L’utilisation du regard, etc.
Simultanément, la personne bègue devra prendre conscience des réper-
cussions que le bégaiement a ou a eu sur son comportement.
Nos comportements influent sur nos sentiments et vice versa. En modi-
fiant petit à petit, avec l’aide du thérapeute ses comportements, la personne
bègue modifie ses sentiments.
La compréhension de son trouble et le désir de changer vont permettre à
la personne bègue de sortir de son bégaiement, pour cela il faudra d’abord l’ac-
cepter et ne plus le cacher.

97
Enfin, il sera très important que le sujet puisse utiliser ces modifications
dans le monde réel, il faudra faire le pont avec l’extérieur en utilisant des jeux
de rôle ou encore en faisant participer les personnes bègues à des groupes théra-
peutiques de paroles où on travaille en milieu sécurisant de nombreuses interac-
tions sociales utiles à la communication.
Ces groupes sont très importants tout au long de la thérapie et particuliè-
rement à la fin pour pouvoir, entre autre, continuer à discuter des situations nou-
velles qui peuvent déstabiliser et provoquer des rechutes.
Cette prise en charge de l’adulte demande le plus souvent du temps et une
forte implication. Elle exige aussi du thérapeute d’être un modèle compétent,
donc d’avoir acquis une bonne maîtrise des techniques et habiletés.

♦ La thérapie de l’enfant
Pour les enfants d’âge préscolaire, très souvent, quelques séances de
conseils avec les parents suffisent s’il n’y a pas d’autres troubles du langage
associés. Le thérapeute aidera les parents à avoir des réponses adaptées au
symptôme de leur enfant ; les parents vont pour quelque temps essayer de modi-
fier leur comportement de manière à diminuer les tensions, essayer de faire bais-
ser les pressions extérieures et utiliser un langage plus approprié au niveau de
leur enfant, tout en privilégiant la communication. L’application de ces conseils,
adaptés pour chaque famille, va empêcher la chronicisation du bégaiement.
Certains enfants plus à risque devront quand même être suivis, les tech-
niques utilisées alors à Northwestern sont le parler tout doux, le respect des
temps de parole, un travail sur l’écoute et la communication. En modélisant
pour l’enfant, on incite l’enfant à parler de la même manière.
La prise en charge de l’enfant d’âge scolaire nécessite aussi une implica-
tion importante des parents quant à la prise de conscience des changements à
effectuer pour que la pression exercée sur cet enfant puisse baisser ainsi qu’une
remise en questions des interactions langagières familiales. L’enfant, par la
suite, est conduit à mieux comprendre son trouble pour pouvoir l’assumer et à
pouvoir identifier ses sentiments et ses réactions en rapport avec le bégaiement
comme par exemple : ne plus lever le doigt en classe de peur de bégayer. Pour
quelques uns, l’ERASM et certaines techniques motrices pourront être utilisées.
Des discussions en accord avec les parents vont lui permettre de transférer sa
parole détendue à l’extérieur du cabinet.
Kristin Chmela a exposé ses idées sur les habiletés de communication du
thérapeute avec l’enfant (d’âge scolaire) qui bégaie et sur la façon d’aider l’en-
fant à s’affirmer et à identifier ses sentiments à l’aide de questions, d’échelles et

98
de dessins (par exemple : en lui demandant d’écrire sur une échelle en haut ce
qui l’inquiète le plus, en bas ce qui l’inquiète le moins etc.). Cette approche est
d’autant plus intéressante que l’enfant de cet âge là semble souvent peu
concerné par son trouble.

Fig. 1. Habiletés de communication : thérapeute, enfant


(Kristin Chmela, adaptation française de l’auteur)

L’écoute miroir
L’interlocuteur reprend le message à la fin du discours du locuteur. Celui-
ci va pouvoir ainsi vérifier que son interlocuteur a bien compris le message.
Pour nous, en France, il semble plus important de reformuler pour que le
locuteur bègue devenu interlocuteur sache qu’il a été compris.
La reconnaissance des sentiments de l’enfant.
De nombreux enfants expriment des sentiments négatifs à l’encontre de
leur bégaiement à un moment ou à un autre.
Reconnaître leurs sentiments encourage l’expression de futures émotions.
Les enfants apprennent à baisser leur niveau de tension si les adultes proches
apprennent à reconnaître, nommer et approuver leurs sentiments.

99
- écouter attentivement en acquiesçant par un mot et en redisant ce que
l’enfant vient de dire « hum... je vois...», « tu es en train de me dire
que... », ...
- valider le sentiment « C’est normal de sentir... ».
ex : l’enfant : « Je n’aime pas parler pendant le cours de sciences et
quand le professeur m’interroge, je ne veux pas répondre ».
le thérapeute : « je vois, tu dis que tu n’aimes pas parler pendant le
cours de sciences, je me demande si tu ne veux pas répondre parce que
tu ne connais pas la réponse ou parce que tu as peur de rester bloqué ou
parce que... » ?
l’enfant : « c’est parce que si je réponds et que je reste bloqué, les
autres vont se moquer de moi et ça me fait mal. De plus, si je ne parle
pas tout de suite, le professeur en interroge un autre ».
Le thérapeute : « c’est gênant ... ou frustrant ? ».
L’enfant : « c’est vraiment frustrant et ça me fait mal ».
Le thérapeute : « c’est normal de se sentir frustré et mal à ce moment
là ».
Utiliser les encouragements et les compliments
L’adulte reconnaît les efforts et les améliorations de l’enfant sans effec-
tuer de jugements. Cela permet aussi à l’enfant de s’évaluer et de se rendre
compte s’il est content de ses propres efforts.
- l’adulte décrit ce qu’il voit « je vois juste que... ».
- l’adulte décrit ce qu’il ressent « quand tu... je sens que... »
- l’adulte résume avec un mot « tu es ... ».
ex : Une adolescente de 13 ans raconte une histoire pendant une théra-
pie et elle bégaie énormément alors qu’auparavant elle faisait de nom-
breux évitements de mots et ne bégayait pratiquement pas. Elle se sent
nerveuse et tendue.
Le thérapeute « tu m’as raconté une longue histoire et j’ai senti que tu
étais tendue et que tu es restée bloquée sur certains mots. Je suis
contente que tu aies bien voulu partager ton bégaiement avec moi. Tu
es courageuse ».
Résolution de problèmes
L’enfant va avec l’aide du thérapeute identifier un problème spécifique
pour trouver des solutions appropriées.
Apprendre à pouvoir résoudre un problème est quelque chose de très
important pour l’enfant qui bégaie de façon à ce qu’il puisse gérer son bégaie-

100
ment. Ce procédé pourra être utilisé dans de nombreuses situations comme la
peur de parler, la moquerie ou le non respect des contrats à faire à la maison (en
vue d’un transfert).
L’adulte et l’enfant sélectionnent un problème à venir ou survenu pendant
la semaine ; ils en discutent et cherchent des solutions, tout cela est écrit.
- le problème est...
- Je sens... parce que... et je veux...
- solutions possibles
- meilleurs choix
- date d’évaluation
ex : problème
- Je dois faire un exposé et je vais peut-être bégayer.
- J’ai peur de bloquer devant toute la classe.
- Solutions possibles : s’exercer ;
en parler à mon professeur ;
vous demander d’écrire un mot pour le professeur ;
y aller en premier ;
accepter mes bégayages.
- Si je m’exerce, je serai plus à l’aise.
- Si j’improvise, j’aurai peur et bégayerai plus.
- Si j’en parle à mon professeur, je serai moins inquiète.
- Si j’y vais en premier, j’aurai moins le temps d’avoir peur.
Evaluation pendant la thérapie suivante.
Faire des observations sur le langage de l’enfant
Ces observations peuvent être en rapport avec des aspects positifs ou
négatifs du langage de l’enfant mais elles ne doivent pas être des jugements.
Faire des observations sur le langage de l’enfant permet à l’adulte de faire
du bégaiement un sujet de discussion. Ce n’est pas la même chose que de dire à
l’enfant de changer sa façon de parler.
Réponses différées
Utiliser des réponses différées ou résister à la pression du temps en atten-
dant deux secondes avant de répondre à l’interlocuteur.
Les tours de parole
Les tours de parole permettent de moins ressentir la pression du temps en
parlant.

101
Exemple : on peut dire « as-tu fini de parler ? » avant de prendre la
parole. On peut aussi prendre un objet comme une balle ou une cuillère avant de
prendre la parole et le reposer quand on a fini de parler.

♦ Conclusion
Ces thérapies demandent, sans doute, à être adaptées à notre culture.
Les Américains sont plus disciplinés et plus aptes à suivre un protocole,
ce qui leur permet d’avoir des modèles de thérapie plus structurés. Les relations
soignant soigné sont moins conventionnelles ; les relations d’amitiés paraissent
plus superficielles qu’en France. Les comportements de communication sont
différents. Pour ma part, il me semble difficile de suivre un programme, chaque
thérapie demande à être adaptée aux difficultés de chaque patient.
Certains aspects comme la place de l’autre dans la communication ont été
peu abordés pendant ce séminaire. Il est évident qu’en cours de thérapie, la per-
sonne bègue aura besoin de réapprendre à pouvoir s’appuyer sur la parole de
l’autre, être à l’écoute, gérer l’échange en fonction de l’autre qui est en face. Le
fait de résister à la pression du temps en comptant dans sa tête ne laisse pas de
place à l’élaboration interne d’un message conçu en fonction de l’autre.
Aux Etats-Unis, on parle plus ouvertement du bégaiement qu’en France
où ce sujet est encore trop souvent tabou, le sentiment de honte éprouvé par les
personnes bègues me semble plus fort en France. La Stuttering Foundation of
America (SFA) existe depuis 70 ans aux Etats-Unis. Elle a été et est toujours
très efficace. En France, l’Association Parole Bégaiement, bien que beaucoup
plus récente, a lancé plusieurs campagnes au niveau de la prévention du bégaie-
ment chez le jeune enfant et diffuse de nombreuses informations. Les mentalités
concernant ce trouble sont donc en train d’évoluer dans notre pays.

102
Elaboration du psychisme
Elaboration du bégaiement chez l’enfant
Claude Beaubert

Résumé
Le langage structure le Monde mais aussi le monde psychique interne de l’enfant. De la
qualité de cette structuration dépendra la capacité de l’enfant bègue à surmonter son
trouble. Dans cette problématique, la référence à l’Autre et la référence à soi-même devien-
nent des points forts de la thérapie.
Mots clés : bégaiement de l’enfant, élaboration du psychisme, référence à l’Autre et/ou
référence à soi-même

The process of structuring the psychic world


Development of stuttering in the child
Abstract
Language structures the world which surrounds the child, but it also structures his/her inter-
nal psychic world. The quality of this structuring process will determine the young stutterer’s
ability to overcome his/her language disorder. In this context, the systems of reference to
Others and to Oneself become key points in the therapeutic process.
Key Words : Childhood stuttering, structuring of the psychic world, reference systems (to
others and/or to oneself)

Rééducation Orthophonique - N° 206 - Juin 2001


103
Claude BEAUBERT
Orthophoniste
8 avenue de Verdun
85000 Poitiers

L
e bégaiement peut n’être qu’un incident charmant qui, pendant quelques
jours, chahute la parole d’un bambin mais il peut aussi broyer, seconde
après seconde, une vie entière de parole crucifiée. Peu de troubles neuro-
psychologiques de la petite enfance perdurent ainsi jusqu’à l’âge adulte. Peu de
troubles ont un éventail de manifestations aussi large ! Qui plus est, la lecture
qui en est faite - lecture des structures psychologiques soutenant le bégaiement -
fluctue, elle aussi dans un éventail encore plus vaste (ou plus flou ?) allant par-
fois jusqu’à la frontière de la psychose ou des mécanismes défensifs très primi-
tifs. Dans notre clinique, au contraire, pour 95 % des petits enfants bègues que
nous voyons, ce bégaiement n’est qu’un petit aléa dans la construction somme
toute assez réussie de leur toute jeune personnalité. En s’appuyant sur cette cli-
nique, nous chercherons à poser quelques balises dans cette immensité.
Au fil des années de la vie d’un orthophoniste, s’additionnent les souve-
nirs de cas très concrets : la lente amélioration de M. X, les rechutes de Y, la
guérison rapide du petit C. Cette réalité quotidienne permet de remodeler, d’affi-
ner la théorisation. Chaque séance est une action concrète mais l’enchaînement
des séances trace, souvent assez limpidement, une ligne structurée sur laquelle
peut s’étayer une réflexion plus théorique. Ainsi, cet article utilise le travail des
adultes bègues qui remonteront le cours de l’histoire de leur bégaiement en
retrouvant peu à peu des souvenirs de plus en plus anciens et le cheminement de
très jeunes bègues qui évolueront le plus souvent vers la guérison mais malheu-
reusement, aussi parfois, vers un statut de personne bègue. Cette double expé-
rience : 1) d’adultes se penchant sur « l’enfance » de leur bégaiement, 2) d’en-
fants bègues devenant des adultes (bègues ou pas), permet d’esquisser une
comparaison entre la structuration progressive du psychisme, celle du langage et
celle du bégaiement. Ce retour sur l’histoire primitive de ces trois registres est
relativement fructueuse sur le plan thérapeutique.
« Au commencement était le Verbe ». Même pour le plus athée d’entre
nous, cette parole a été vraie : au commencement était, non pas mon verbe mais

104
le Verbe de l’autre, celui qui parle déjà de moi alors que « je » existe à peine. Ce
Langage sur moi - et sur le monde - ne va cesser de m’accompagner pour nom-
mer ma vie et le monde. Mais pour l’instant je suis encore tout petit ; je n’ai
aucune conscience réflexive du fait d’exister. Je suis de la matière vivante et mon
but est de vivre encore plus. Si ma structure biologique est déjà très élaborée, par
contre mes structures psychiques ou intellectuelles ne sont pour l’essentiel que
des potentialités. Je dépends totalement du monde qui m’entoure. Heureuse-
ment, peu à peu, je vais développer des moyens d’actions (puis de pouvoir ?) sur
ce monde. Manques, exigences et satisfactions rythment l’aube de ma vie. Bien
vite, je vais utiliser une plus grande exigence en espérant une plus grande satis-
faction. Et les forces qui alimentent mes exigences sont énormes, démesurées
même. Ce sont par exemple : la faim, la soif, la douleur, l’angoisse, la terreur,
autant de violences qui peuvent me déformer sous leurs maux. Mais je ne suis
pas simplement un petit animal exigeant, je ne veux pas simplement manger et
être repus, je veux parfois dévorer, c’est à dire je veux du pouvoir sur l’Autre et
en premier, le Pouvoir Absolu, celui de créer et /ou de détruire cet Autre. Plus
concrètement en restant toujours dans l’oralité : je mange physiquement mais je
jouis de dévorer. Ces pulsions d’emprise, par ex de dévoration font partie d’un
« monde pulsionnel » qui est le magma psychique primitif ou, comme l’écrit
J.D. Nasio « la jungle pulsionnelle ». Les dangers, les douleurs liés à ce monde
anarchique et d’une vitalité brutale sont tels qu’il est vital pour moi, petit enfant,
de le maîtriser, de le structurer au plus vite. Et c’est cette Parole de l’Autre à
mon sujet qui va me le permettre, c’est elle qui me fait entrer dans le Symbo-
lique, qui me permet d’utiliser la représentation symbolique. Grâce à la Parole je
vais pouvoir nommer, c’est à dire représenter hors de mon corps une partie de ce
qui se vit à l’intérieur. Cette représentation en dehors de moi est manipulable
avec beaucoup moins d’effort et de risque que ce que j’en vis à l’intérieur de
moi. Nommer mes craintes, mes violences, mes désirs fous m’est indispensable
pour élaborer mon psychisme. Bien entendu, nommer le monde qui m’entoure
est, symétriquement, tout aussi indispensable ; mais oublier que le Langage sert
avant tout à structurer le monde intérieur de chacun est une lacune qui coûte cher
à l’enfant dont les parents ne se soucient pas de cette structuration. Il coûte tout
aussi cher au petit patient dont l’orthophoniste l’oublie.

Pour l’instant, il n’est pas encore question de bégaiement. Mon langage


se développe normalement ou presque, de même que mon psychisme, psy-
chisme et langage s’étayant l’un l’autre. Et c’est justement parce que je vais
encore beaucoup progresser que le bégaiement deviendra possible ! Maintenant,
non seulement comme me le disait mon entourage depuis le début : je suis quel-
qu’un et j’ai des désirs, mais surtout j’ai conscience d’être quelqu’un, parce que

105
j’ai conscience de l’Autre et de ses désirs. Conscient de l’Autre et de moi, je
peux donc être de plus en plus autonome. Comme l’écrit C. Halmos : « Par le
fait même de parler, l’enfant signifie - je suis moi, tu es toi et nous sommes
séparés - ». Cet acquis remarquable n’est pas suffisant pour pouvoir bégayer, il
doit, de plus, exister chez l’enfant le sentiment d’une conscience symétrique
chez son interlocuteur. Je sais que mon interlocuteur sait que je suis une per-
sonne autonome, j’ai une opinion sur ce que dit mon interlocuteur, et je sais
qu’il a une opinion sur ce que je dis. Mais là encore la frontière entre ce que je
dis et ce que je suis n’est pas très nette (le sera-t-elle un jour ?), pas plus que ne
l’est celle entre ce qu’il dit et ce que je pense qu’il est !
Maintenant je suis un grand (deux ans et demi ou plus) je peux enfin
BEGAYER ! Mon langage a largement dépassé le stade du mot-phrase et je dois
me soucier de la construction linéaire de mon message sur l’axe du temps de
l’articulation : « Jean mange un petit poisson - est plus agréable que - un pois-
son mange petit Jean », d’autant plus si je me prénomme Jean ! Je sais aussi que
si manger est agréable, dévorer est plus jouissif mais que l’un et surtout l’autre
sont parfois mal vus ! Il est donc beaucoup plus simple et néanmoins plaisant de
jouer à la dînette et au loup ! J’ai cru deviner aussi que - théoriquement - je ne
pouvais pas être poursuivi pour délit d’opinion mais qu’en pratique « papa est
con » ne relevait pas de la même jurisprudence que « maman est la plus belle
des mamans ». En conséquence j’adapte ou tout au moins j’essaye d’adapter ce
que je dis à qui je le dis. Et voilà, JE BEGAIE !
Les orthophonistes ou autres thérapeutes auprès de qui l’on m’a conduit
illico ne semblent pas penser que du mal de moi : mes repères spatio-temporels
semblent corrects, j’ai bien accédé à la symbolisation grâce à la première castra-
tion symbolique-symboligène de Mme Dolto. La LOI est en place, de plus un
amendement à cette Loi me fait comprendre que la parole elle-même ne peut
pas devenir un Phallus tout puissant. Bref, tout va bien mais j’ai quand même un
petit problème : je bégaie. Le comble est que, si je fonctionne de façon plus
simpliste, par exemple sans tenir compte de mon interlocuteur, tout simplement
parce que cet interlocuteur est négligeable (par ex : mon tout petit frère), mes
risques de bégayer diminuent considérablement ; il en est de même si je n’ai
plus tout à fait conscience que c’est moi qui parle parce qu’en effet ce n’est pas
tout à fait moi qui parle mais plutôt la voix de Donald ; que j’imite remarquable-
ment bien, reconnaissez le !
Mais peut-on dire sérieusement que c’est cette relative maturité psy-
chique langagière et relationnelle qui fait bégayer ? Oui dans le sens où pour
tomber de vélo il faut un vélo et être monté dessus avant de pouvoir en tomber.

106
Non dans le sens où ce n’est pas le vélo qui me fait tomber mais ma façon de
l’utiliser. Cette maladresse dans l’utilisation relationnelle de la parole peut être
liée au fait que je suis en train d’en faire l’apprentissage, ou au fait que, cet
apprentissage étant effectué, un fait néfaste me fait régresser en deçà de cet
apprentissage et de cette maîtrise fraîchement acquise. Nous n’étudierons ici ni
les mécanismes de régression pouvant provoquer un bégaiement ni les erreurs
d’apprentissage liées à l’entourage et déjà remarquablement traitées par d’autres
auteurs. Nous resterons strictement dans le cadre défini par le titre de cet article.
Nous pointerons les maladresses ou les impasses dans les apprentissages néces-
saires à l’élaboration du psychisme qui nous semblent être les causes les plus
fréquentes d’apparition du bégaiement chez l’enfant.

Chronologiquement, la première maladresse tient au fait que l’entourage


d’un très jeune enfant (mais souvent aussi les orthophonistes eux-mêmes) s’oc-
cupe surtout de nommer et de faire nommer à l’enfant son monde extérieur en
oubliant de nommer peu à peu, avec lui, les ombres de son monde interne. Et
pourtant, même adulte, alors que notre psychisme est structuré, il suffit d’un
accident d’âme pour que nous retrouvions ce besoin impérieux de nommer le
confus, de tenter de dire l’indicible ou l’innommable. Et à ce moment-là, il est
indispensable que quelqu’un entende notre balbutiement informe. Souvenez-
vous de ce texte si humble et si vrai de C. Rogers : « Pendant une certaine
période j’ai même été certain de sombrer dans la maladie mentale (...) J’ai eu la
chance de trouver des personnes qui ont pu entendre plus profondément que
moi-même le sens de ce que je disais. Ceux-là m’ont écouté sans me juger, sans
porter de diagnostic sur moi ni m’évaluer. Ils ont clarifié ce que je disais et
m’ont répondu à tous les niveaux où j’essayais de communiquer (...). Quand j’ai
été écouté, je deviens capable de percevoir d’un œil nouveau mon monde inté-
rieur et d’aller de l’avant ». Sylvie Le Huche, en s’appuyant sur les travaux de
Bion, a traité le rôle de la métaphorisation des affects par la mère dans la genèse
du langage et du bégaiement. Ces textes judicieux tracent les contours de l’ac-
tion thérapeutique possible avec le petit enfant. Je proposerais volontiers d’éta-
blir avec l’enfant une relation comportant beaucoup d’espaces relationnels un
peu vides, des temps d’écoute d’un langage corporel ou verbal qui n’est pas
encore advenu. C’est dans l’écoute bienveillante et quasi silencieuse de l’ortho-
phoniste que l’enfant va mettre sur la scène de la relation son monde personnel
encore si peu élaboré donc si peu gérable. Dans ce monde intime, l’enfant et
l’orthophoniste vont se promener, l’orthophoniste nommant et jouant. Mais si
l’orthophoniste parle trop du monde réel, l’enfant essayera de parler du monde
réel ou désinvestira la relation. Très progressivement, l’enfant va se rencontrer
lui-même. C’est un peu lui ce loup terrible et invincible ... c’est un peu lui aussi

107
cette poupée qui vient de se faire dévorer pour la dixième fois par le ci-devant
loup ! Comme le souligne J. Leclerc « Si l’on ne s’est pas rencontré soi-même,
jusqu’à l’aveu, avec douceur et sans amertume, pour s’accueillir soi (...) il n’y a
guère d’espoir de rencontrer l’autre. » Cette double articulation de la connais-
sance de soi avec le repérage de l’autre est une étape fondamentale pour préve-
nir le bégaiement. Nous aurons l’occasion d’en reparler longuement dans
quelques lignes.
A cette première difficulté s’accole le risque d’intrusion. Admettons que
l’enfant accède à un bon refoulement de ses pulsions. Celles-ci prendront une
forme socialement acceptable sinon valorisée : je ne rêve plus d’avoir par tous
les moyens tous les jouets de ma sœur et plus tard, je serai gendarme ! Je ne
veux plus faire disparaître papa, me marier avec maman et pour sa fête je lui
offre un magnifique vase en pot de yaourt décoré de nouilles peintes ! Cette
capacité à sublimer ou plus simplement à représenter mes pulsions de façon
acceptable sous une forme symbolique est toute fraîche et fragile. Il n’est pas
souhaitable qu’un adulte, le plus souvent bien intentionné comme un orthopho-
niste, un enseignant (ou pire un parent qui serait l’un ou l’autre !) viennent
remettre à nu la pulsion si difficilement habillée de « socialement correct ».
Chercher à comprendre ce qu’il y a derrière la parole d’un enfant - et d’un
adulte - est très mal vécu par l’enfant qui est ainsi dévoilé. L’interprétation du
sens « caché » de la parole de l’interlocuteur n’est acceptée qu’exceptionnelle-
ment, par exemple en thérapie ( et encore !). Le bègue a déjà bien trop le senti-
ment que son bégaiement le trahit, le dévoile pour que l’entourage n’alimente
encore plus ce sentiment de trahison.
La seconde maladresse peut s’enchaîner directement avec la première !
Elle me semble concerner le temps nécessaire à la symbolisation puis à la socia-
lisation des pulsions, des affects. Ce temps me parait toujours ultra rapide dans
la vie des enfants qui m’entourent ... et interminable dans les rééducations !
Tout se passe comme si le mécanisme qui permet, par la répétition, d’acquérir le
sentiment de permanence de l’objet était répété, réutilisé lors de la mise en place
du symbolique et du langage. Ce ne sont que par de multiples répétitions de say-
nètes quasi identiques les unes aux autres que l’enfant aménage un fantasme,
accède à une représentation plus riche. L’acceptation de la Loi semble assez
rapide dans la pratique : « tu ne peux pas manger ton petit frère » est une règle
rapidement appliquée ! Mais l’intégration psychique de cette notion est extrê-
mement lente et progressive. La tentation est donc grande pour l’orthophoniste
de vouloir passer à autre chose après qu’une émotion enfantine ait été jouée une
ou deux fois, nommée par le thérapeute, renommée par l’enfant. Mais c’est sans
doute une erreur. L’enfant a besoin de vérifier de séance en séance que la possi-

108
bilité de symbolisation (par exemple de rejouer la même saynète ou de refaire le
même dessin ) reste bien identique à elle-même. C’est comme s’il s’agissait au
cours d’une évolution, de vérifier que l’on reste identique à soi-même ou
presque, d’un jour sur l’autre. Ce n’est que parce qu’il y a continuité et perma-
nence qu’un changement devient possible et autorisé. Ce trait enfantin est sans
doute plus particulièrement développé chez les enfants bègues. Nous verrons
plus loin comment il rejoint la prise en compte de soi-même et de l’interlocuteur
pour engendrer du bégaiement en cas d’harmonisation difficile.
Une autre hypothèse peut être proposée pour justifier ce long temps
nécessaire à la métamorphose de la vie pulsionnelle en vie psychique puis
sociale. Nous savons que le nourrisson, au cours de sa première année explore
dans tous les sens l’ensemble de ses possibilités sonores et que parallèlement il
sélectionne et perfectionne les sons propres à sa langue. Il ne serait pas impro-
bable que le processus soit le même sur le plan psychique ; l’enfant explorant
tous les possibles de sa vie fantasmatique tout en sélectionnant ceux qui s’intè-
grent aussi à la vie psycho-sociale de son milieu pour ne conserver que ce qui
est accepté et confirmé par sa famille.
Que peut-on tirer de ces constatations, sur le plan thérapeutique ? Que la
frontière est ténue dans la rééducation du bégaiement, entre des répétitions de
dessins ou de jeux symboliques qui sont bénéfiques et des répétitions qui tradui-
sent plus un blocage phobique ou obsessionnel. Mais si le risque d’erreur existe
à partir de la période de latence, il est faible avec les tout-petits. Mieux vaut
donc prendre le temps, tout le temps, de les aider à bâtir des structures stables
sécurisantes à partir desquelles des changements seront possibles et bénéfiques.
Les parents savent bien qu’il ne faut pas hésiter à raconter vingt fois le même
livre. Même si ces lectures n’apportent aucune information nouvelle et juste-
ment parce qu’aucune information nouvelle n’est apportée, l’enfant est ravi. Il
peut vérifier la permanence de l’histoire, bien que la forme soit légèrement dif-
férente d’une fois à l’autre. Il y vérifie aussi la permanence de sa pensée et de
ses sentiments : il constate que son identité tient aussi au fait qu’il soit identique
d’une fois sur l’autre !
La troisième difficulté est liée à ce que l’on pourrait nommer « le second
niveau de castration symbolique ». Mais avant de parler de second niveau, autant
être au clair avec la notion même de castration symbolique. F. Dolto en donne
une explication riche de conséquences pour l’orthophoniste : la satisfaction
immédiate, totale et réelle de tous les désirs n’est ni possible ni autorisée. Par les
refus et les interdits qu’ils posent, les parents soumettent l’enfant à une interdic-
tion de jouissance-absolue. Cette impossibilité d’obtenir satisfaction dans le réel

109
facilite l’avènement du Symbolique. Puisque je ne peux pas dévorer réellement
mon petit frère, et bien, je vais jouer au loup ! C’est pourquoi Dolto affine la
notion en parlant de castration symbolique - il ne s’agit bien entendu pas de cas-
tration réelle - et symboligène - qui permet d’accéder à la représentation symbo-
lique. Ainsi l’interdit oblige dans un premier temps à passer par une perte mais
offre ensuite des bénéfices secondaires immenses ! De plus, cette Loi qui stipule
que je ne peux pas obtenir tout de l’Autre me protège aussi contre l’emprise du
désir venant de l’Autre : je ne peux pas être celui qui satisfait totalement l’Autre.
Je ne peux pas être le Tout de ma mère (Et nous savons bien, nous orthopho-
nistes, que si c’est presque le cas, le langage se met difficilement en place).
Admettons que la Loi ait permis l’accession au langage ; une seconde limite doit
être posée. Le langage, qui permet de rêver tout ce que la réalité ne permet pas de
faire, ne peut pas être non plus la nouvelle jouissance-absolue. La parole n’est
pas tout (contrairement à ce que pensent certains bègues) ; elle ne permet pas
tout et elle ne peut pas tout se permettre ! La parole doit rester dans un certain
lien avec la réalité. Et quand ce lien est trop distendu, je me dois de le signaler, le
plus souvent par un méta-langage : « c’était pour rire ; comme c’est poétique ; il
était une fois... ». Si le lien est absent et que je ne le signale pas, alors comme
disent les enfants « t’es qu’un menteur, tu triches et je joue plus avec toi ! ». De
nombreux enfants bègues ont de grandes difficultés avec cette pseudo-toute-puis-
sance du langage. Soit qu’ils n’arrivent pas à renoncer à ne pas posséder ce pou-
voir supposé, soit qu’ils imaginent que l’autre est détenteur de ce pouvoir, soit
peut-être même qu’ils pensent que le langage en lui-même a un pouvoir que cha-
cun subit. J’aurais tendance à penser que certains enfants se heurtent à ces diffi-
cultés car ils sont arrivés trop précocement dans un langage d’un haut niveau de
socialisation alors que leur « maturité fantasmatique » est encore très faible. La
confusion entre le réel et l’imaginaire est chez eux encore trop grande et les pro-
jections fantasmatiques, sur la réalité de la relation parlée, encore trop nom-
breuses pour permettre au langage de passer harmonieusement le cap de cette
seconde castration et d’en tirer les bénéfices relationnels qui en découlent.

La thérapie doit-elle s’orienter vers une guidance parentale qui prendrait


en compte l’investissement que l’enfant et ses parents font sur le langage ? Ou
doit-elle permettre de retravailler le premier niveau de castration pour éviter que
le second ne soit happé par les lacunes du premier ? Faut-il au contraire quitter
le monde des fantasmes et de l’imaginaire pour s’ancrer dans la réalité et la
socialisation ? Quel équilibre doit-on chercher entre un langage qui se voudrait
l’expression vraie de la réalité soit disant objectivable et un langage de pure
rêverie ? Doit-on travailler en situation duelle ou utiliser le groupe ? Autant de
questions qui vont nous passionner encore quelque temps !

110
La quatrième zone de fragilité m’a été à nouveau expliquée par un adoles-
cent bègue alors que j’avais commencé la rédaction de cet article. Elle nous
conduit au cœur même du mécanisme du bégaiement. Mais avant, redisons
quelques données de base : je bégaie parce que quelqu’un m’écoute et parce que
j’ai conscience de cette écoute. Si cette conscience disparaît, le bégaiement fait
de même. Il n’apparaît pas non plus si je me sais écouté par « quelqu’un » dont
l’écoute et le jugement m’indiffèrent : ma petite nièce de trois mois, mon chien,
mon doudou. La délicate intégration de l’écoute de l’Autre est le facteur déclen-
chant du bégaiement. Nous avons pu penser que la rééducation du bégaiement
serait nettement améliorée si l’on y intégrait des exercices visant à mieux gérer
l’écoute de l’interlocuteur. De fait, ceci améliore très sensiblement la thérapie.
Mais cette amélioration est fragile, incomplète ; elle nécessite sans cesse un
étayage complémentaire sous forme de séances de consolidation ou d’accompa-
gnement en groupe de self-thérapie. C’est alors que, compatissant envers son
p a u v re orthophoniste dans le désarroi, ce jeune homme bien ve i l l a n t
m’explique : « Je bégaie souvent quand il y a des imprévus. Je n’aime pas les
changements ... parce que je n’ai plus de repères ». Au fil des séances suivantes,
ces repères se révèlent être les exigences d’une mère devenue perfectionniste
jusqu’à l’obsessionnalité. « Avant qu’elle ne devienne comme ça, je ne bégayais
pas, j’étais un enfant sage sans problème. Peu à peu il a fallu que je fasse très
attention à ses demandes ; j’essayais même de les anticiper pour être plus tran-
quille. » - Vous avez dû mettre de côté votre propre point de vue pour agir
essentiellement en fonction de son point de vue - commentais-je judicieuse-
ment ! « Oui, je me suis défié de ce que je pouvais penser ... Actuellement ma
mère n’est plus là pour me dire ce que je devrais faire. Je bégaie beaucoup
moins sauf quand je suis interrogé par surprise ou quand il y a une modification
inopinée au programme de la journée. » Ceci me permit d’ajouter - toujours
aussi adéquatement - : « Quand le contexte change, la seule chose qui ne change
pas, c’est soi-même. Mais ce repère là n’est peut-être plus très simple à
utiliser ? ». Doit-on en conclure que travailler sur la gestion que l’on fait de la
conscience que l’on a de son vis-à-vis n’est pleinement rentable que si dans le
même temps s’étaye, se renforce la confiance que l’on a en soi ? Sans doute,
sinon nous risquons d’accentuer le déséquilibre en travaillant un registre qui
certes doit l’être mais uniquement en coordination avec son versant complémen-
taire. Une autre illustration de ce problème central dans la rééducation nous est
donné par les critères des choix des textes en Scéno-thérapie. Nous expliquons
au patient qu’il doit choisir le texte en fonction des émotions qu’il a éprouvées
en le parcourant. Nous ajoutons que lors de la lecture à haute voix il suffit de se
laisser porter par ses sentiments sans s’occuper du bégaiement car ce n’est en
aucune façon un exercice pour lire sans bégayer. Cependant, très régulièrement

111
les premiers choix qui sont faits le sont en fonction de critères de brièveté du
texte ou des phrases, ou pour une syntaxe répétitive supposée plus facile à lire
sans bégayer. Ces choix sont clairement expliqués par le patient comme des
moyens de moins bégayer (donc ils n’ont pu tenir aucun compte de la règle du
jeu que nous avions énoncée). En fait, les raisons fournies sont sincères mais
parcellaires ; les choix sont plus vraisemblablement guidés par deux raisons
complémentaires et indissociables : 1) Je ne peux pas échapper à la tyrannie du
jugement de l’Autre, 2) Je ne peux pas m’appuyer sur les sentiments que
j’éprouve en Moi... car je pense ne pas éprouver d’autre désir que d’échapper au
bégaiement ! Apprendre à gérer l’écoute de l’interlocuteur et son impact sur soi
n’est possible que si l’on a d’autres repères que des repères extérieurs, étrangers
à soi. Il faut aussi des repères internes stables, pertinents et sécurisants.
Nous constatons qu’au terme de notre réflexion, nous retrouvons la pre-
mière nécessité que rencontrait le petit enfant : élaborer son monde intérieur au
moins dans le même temps et avec la pleine plénitude que le monde extérieur.
Sinon, jusqu’à l’âge adulte, il sera aspiré par les lacunes d’une élaboration
enfantine trop précocement consciente des buts à atteindre. Buts d’autant plus
tyranniques que les moyens pour y parvenir se faisaient attendre.

REFERENCES
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BEAUBERT C. 1992, Le Bègue et l’intrusion, Expansion Scientifique, Entretiens d’Orthophonie.
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DOLTO Françoise, 1971, Psychanalyse et pédiatrie, Editions du Seuil.
FABRE Nicole, 1986, Des cailloux plein la bouche, Fleurus, Pédagogie psychosociale.
GARAUD Mireille, 2000, Bégaiement et art-thérapie, Ortho Edition, Collection Bégaiement.
GOLSE Bernard, 1997, Le développement affectif et intellectuel de l’enfant, Editions Masson.
GOLSE Bernard, 1998, Penser, parler, représenter, Editions Masson, Médecine et psychothérapie.
KLEIN Mélanie, La psychanalyse des enfants, P.U.F/ Bibliothèque de psychanalyse.
LAPLANCHE J., 1978, Vocabulaire de la psychanalyse P.U.F.
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base.
WINNICOTT, 1975, Jeu et réalité, Gallimard, Connaissance de l’inconscient.

112
Le traitement du bégaiement :
son approche selon différents pays,
influences diverses et leçons générales (1)
David A. Shapiro, Lawrence F. Molt, Anders Lindberg, Isabella Reichel,
Yoshiko Ohashi, Anne-Marie Simon, Margaret Marks

Résumé
Cette communication exprime l’engagement de cliniciens dans sept pays différents et de
deux générations à partager leurs approches dans le traitement du bégaiement, en expri-
mant les différents facteurs intervenant dans le choix de leurs méthodes de traitement, de
leurs objectifs ainsi que la leçon globale qu’ils en ont tirée, au delà de la seule considération
de la fluence de la parole.
Mots clés : bégaiement, traitements, cultures, fluence

The treatment of stuttering in different countries :


different approaches, diverse influences and general implication
Abstract
Speech and language pathologists representing seven countries and two generations have
shared the various clinical methods they use to treat stuttering. They also discussed the
various factors and personal assumptions that uniquely impact their selection of treatment
methods and determine their objectives and conclusions, well beyond their immediate inter-
est for speech fluency problems.
Key Words : stuttering, therapeutic approaches, cultural context

(1) Table ronde tenue lors du IIIe Congrès International de l’IFA (International Stuttering Association), le 9
août 2000 à Nyborg au Danemark. L’initiative a été prise par David Shapiro auprès de collègues qui avaient
participé avec lui à l’Atelier de formation d’Hugo Gregory à NorthWestern University. Cette table ronde a été
longuement préparée par ses soins. Elle a procuré des rencontres ou des retrouvailles très riches : il faut recon-
naître que ces congrès ne sont pas intéressants seulement sur un plan professionnel mais aussi enrichissants
sur le plan humain.

Rééducation Orthophonique - N° 206 - Juin 2001


113
Sous la direction
Lawrence F. MOLT (Etats Unis)
de David A. SHAPIRO (2)
Anders LINDBERG (Suède)
Pathologiste du langage
Isabella REICHEL (Etats Unis /Russie)
Western Carolina University
Yoshiko OHASHI (Japon)
Etats Unis
Anne-Marie SIMON (France)
Margaret MARKS (Afrique du Sud - Australie)

T rois hypothèses sous-tendent ces exposés :

♦ Le monde est devenu une gigantesque salle de classe


La profession d’orthophoniste est un microcosme : concernant le traite-
ment du bégaiement, notre discipline nous offre la possibilité de dresser des
ponts pour une compréhension générale du trouble.
Nous sommes vraiment dans une société mondiale et notre communauté
professionnelle s’agrandit ; la vision de notre pratique (ASHA 1996) s’élargit.
Les images étranges évoquées par le Petit Prince (Saint Exupéry 1943, p 24-26)
sont devenues réalités :
« J’aime bien les couchers de soleil. Allons voir un coucher de soleil...
- Mais il faut attendre...
- Attendre quoi ?
- Attendre que le soleil se couche
Tu as eu l’air très surpris d’abord, et puis tu as ri de toi-même. Et tu m’as
dit :
Je me crois toujours chez moi !
En effet, quand il est midi aux Etats Unis, le soleil, tout le monde le sait,
se couche sur la France.
Il suffit de pouvoir aller en France en une minute pour assister au cou-
cher de soleil. Malheureusement la France est bien trop éloignée. Mais
sur ta si petite planète, il te suffisait de tirer ta chaise de quelques pas. Et
tu regardais le crépuscule chaque fois que tu le désirais...
Un jour, j’ai vu le soleil se coucher quarante quatre fois ».

(2) Traduction : A.M. Simon

114
La technologie nous permet de déplacer notre chaise de quelques pas
pour nous sentir chez nous, pour être virtuellement présent n’importe où, à
n’importe quelle époque. Nous ne pouvons plus dire avec confiance : « Le ciel
est la limite ». Il n’est pas rare d’échanger directement avec des collègues de
pays étrangers plus régulièrement qu’avec des collègues qui habitent à notre
porte. Nous travaillons avec des professionnels du monde entier et nous appre-
nons beaucoup grâce à eux.
Le congrès de l’International Fluency Association (IFA) offre une occa-
sion unique d’étudier ce que chacun fait et pourquoi il le fait, dans différentes
parties du monde. Et ces études vont au-delà de l’insight sur nous-mêmes et au
delà de notre exercice, car elles rassemblent dans l’espace et le temps les
diverses personnalités. Nos possibilités comme individus, voués à la communi-
cation et à l’aide d’autrui peuvent se réaliser grâce à ces rencontres.

♦ Les cliniciens doivent examiner la validité


de leurs pratiques cliniques
Il est vrai que les cliniciens travaillant avec les personnes qui bégaient et
leurs familles ont à faire face à une myriade de défis. L’un de ces défis est de
juguler l’incessante fragmentation de la pratique et de la recherche (Kent 1989-
1990). Bien que cette question ne soit pas nouvelle (Klingbeil 1939 ; Lewis
1900 ; Van Riper 1973, 1982) de plus récentes communications ont examiné les
limites de la science en matière de troubles de la communication ; (Costello
1979, Siegel 1987, Siegel & Ingham 1987, Siegel & Spradlin 1985) et décrit des
stratégies qui peuvent combler le vide entre la pratique clinique et la recherche
en matière de bégaiement (Ratner & Healey 1999). Heureusement des cliniciens
de premier ordre, qui sont aussi des chercheurs de premier plan, démontrent
qu’il est possible d’intégrer ces deux perspectives pour traiter le bégaiement de
personnes de tout âge (Guitar 1998, 1999, Manning 1996, 1999, Yaruss 1997,
1999).
Néanmoins, la question demeure concernant l’efficacité des traitements.
Cooper (1990) écrivait que « des procédures thérapeutiques sont proposées avec
peu ou pas de données pouvant prouver leur efficacité ». Plus récemment,
Ingham et Cordes (1999) s’inquiétaient que « des traitements soient recomman-
dés sans le moindre essai pour évaluer leur efficacité au sein d’un programme
thérapeutique en s’appuyant sur des bases de données ».
Le fait que la construction mentale ou modèle, sous jacente à la métho-
dologie soit centrale pour déterminer l’efficacité de la méthode pourrait être
discuté. Messick (1980) considère la validité de cette construction comme
essentielle lors de l’éva l u ation, re m a rquant que « toutes les mesure s

115
devraient se référer au modèle utilisé ». De même, Muma (1986) indiquait
que la validité du modèle était une obligation impérative pour une évaluation
compétente, remarquant « que la mesure avec laquelle la théorie prévoit et
explique une évaluation, ainsi que la congruence des résultats avec cette
théorie, est celle que lui donne sa validité de modèle » et « Il y a une relation
étroite entre la validité du modèle et l’aspect éthique de l’évaluation ».
Malgré la valeur du contenu, des critères et du modèle validé, Shapiro
(1999) a souligné l’importance de la démarche des cliniciens examinant la rela-
tion entre ce qu’ils savent, ou croient vrai, et ce qu’ils font, ou encore comment
ils décrivent et entreprennent les évaluations et traitements de leurs patients. En
fait, une conscience claire des différents facteurs et hypothèses qui influencent
la démarche de chacun permet aux cliniciens de considérer d’autres perspec-
tives, et en conséquence de faire des choix plus délibérés parmi d’autres
approches. L’objectif essentiel de cette communication est de permettre cette
conscience, et de partager cet enseignement avec d’autres collègues venus
d’autres parties du monde.

♦ Apprendre est un processus de toute la vie,


et une des voies pour apprendre est le dialogue
De nos jours, on nous rabâche notre obligation en tant que cliniciens de
poursuivre notre formation tout au long de notre carrière (ASHA 1994, 1995).
Alors que la formation universitaire était censée préparer un clinicien pour toute
sa vie professionnelle, Kellum et Fagan (1992) ont montré qu’après 10 à 12 ans
d’exercice, les professionnels se montraient approximativement deux fois moins
compétents que lors de l’obtention de leur diplôme. Ils écrivaient « En raison de
l’explosion des nouvelles connaissances, des progrès technologiques dans les
domaines de la pathologie du langage et de l’audiologie, une licence tous les
deux ou trois ans au cours de la vie professionnelle pourrait bien devenir une
nécessité ».
L’accès au savoir peut emprunter de nombreuses voies, mais encore faut-
il rester ouvert à ce savoir. Pour rester ouvert, une façon est de s’engager régu-
lièrement dans des dialogues avec les autres. Le dialogue comprend l’écoute et
la compréhension de toutes les parties, en identifiant à la fois les perspectives de
chacun comme les siennes propres (Shapiro 1994).
Le but précis de cette table ronde est d’engager un dialogue informel
entre les orateurs et un public dont les origines sont probablement encore plus
diverses que celles des orateurs.

116
♦ Objectifs
Pour chaque orateur, il a été demandé de répondre aux questions sui-
vantes :
A - Comment est-ce que je procède pour examiner et traiter le bégaie-
ment d’un patient ?
Cette question devait être traitée brièvement pour servir seulement de
tremplin aux deux autres questions ;
B - Quels facteurs m’ont influencé en tant que clinicien ?
En d’autres mots, pourquoi faites-vous ce vous faites ? De quelle manière
ce que vous faites est influencé par des facteurs culturels, politiques, sociaux,
éducatifs, économiques ou géographiques ?
C - Ma pratique peut-elle avoir une influence autre que je puisse inter-
préter ?
En réalité beaucoup de nos efforts portent sur les aspects affectif, comporte-
mental et cognitif jouant sur la fluence de la parole. Cette troisième question doit
pourtant s’élargir pour laisser la place à de beaucoup plus vastes questions. Par
exemple, on peut penser que nos efforts tournés vers les familles, les patients et
nos collègues, démontrent que la communication avec eux est chose possible, et
qu’en vertu du progrès dans le domaine de la communication, nous prenons notre
part à des relations invitant à partager les points de vue, ce qui au final pourra
contribuer à une compréhension mutuelle générale et à la paix dans le monde.
Les orateurs représentent sept pays et deux générations.
Les questions posées renvoyaient les intervenants à la philosophie de leur
pratique et le temps qui leur était imparti était bien court pour l’exposer. Voici
les réponses qu’ils ont données (A.M. Simon).
Lawrence F. Molt (Etats Unis)
A - J’utilise des batteries standard, et d’autres évaluations si nécessaire.
Cela comprend une anamnèse qui relate le développement du bégaiement et des
facteurs contributifs (environnemental, médical, ou constitutionnel, psychoso-
cial, universitaire ou professionnel), une évaluation physiologique (respir ation,
phonation, articulation, adiadocosynécie) une évaluation psycholinguistique et
phonologique (pour les enfants), un examen de la fluence (types de bégayages,
débit, la variabilité en fonction des situations et les symptômes associés) et une
évaluation des attitudes. Ma prise en charge des patients est une approche indi-
vidualisée au sein d’un programme où se joignent des objectifs spécifiques, tout
en travaillant simultanément sur les attitudes et croyances, et aboutissant à un
entraînement à l’autocontrôle et aux décisions personnelles.

117
B - Il y a cinq facteurs qui m’influencent dans mon exercice :
1) J’ai reçu une formation d’orthophoniste et en neuro-physiologie, aussi
suis-je tournée vers les méthodes scientifiques (recueillir les données de base, for-
mer des hypothèses sur les facteurs favorisants, élaborer un traitement qui tient
compte de ces facteurs, évaluer les progrès de façon régulière, modifier mes tech-
niques et ré-examiner mes hypothèses). De plus, mon intérêt pour la production et
le contrôle de la parole m’a conduite à mettre en évidence les déficits potentiels et
à recentrer le traitement pour réduire les exigences du patient ou l’aider à déve-
lopper des stratégies compensatoires ; ma formation en neurologie m’incite à
simplifier les situations de communication, pris comme outils cliniques, pour
mettre en relief combien les attitudes affectent le contrôle de la parole, et com-
bien la planification et l’entraînement moteur de la parole font progresser.
2) Etant une personne qui bégaie moi-même, mon exercice est bien sûr
imbibé de mes propres expériences. Pourtant je reconnais la nature hautement
individualisée de chaque trouble. La mise en place que je fais d’un traitement
est différente de celle des cliniciens qui ne bégaient pas, et je suis consciente de
ma propre insatisfaction à l’égard de certaines thérapies que j’ai suivies, et
d’autre part de la difficulté de certaines tâches demandées aux patients.
3) Grâce à mon expérience professionnelle comme pathologiste du lan-
gage, grâce à ma participation au National Stuttering Project et enfin grâce au
courrier électronique, j’ai écouté plus de 2000 personnes qui bégaient. Leurs
observations ont donné forme à ce que je fais en thérapie et à la façon dont je le
fais.
4) Mon engagement professionnel en matière de bégaiement (spécialiste
et donnant des conférences sur ce sujet) m’a permis une meilleure appréciation
des différentes théories et des approches qui en découlent, ainsi que de la contri-
bution des autres disciplines à notre niveau actuel de compréhension du trouble.
5) Mon tr avail avec des patients divers a accru ma sensibilité aux moeurs
dans des cultures différentes (communication, handicap et nature des interac-
tions) et à l’importance de ces facteurs pour la mise en place du traitement.
C - L’acceptation de soi et des autres est ce que j’enseigne.
Ceci résulte :
1) de la conscience des peurs et des fragilités inhérentes à la condition
humaine, de nos similitudes plus nombreuses que nos différences, même quand
on dépasse les frontières sociales ou culturelles.
2) de l’importance de la communication, en évaluant à la fois la douleur
et la souffrance qu’une incapacité à communiquer provoque, et à la fois en com-
prenant les facteurs qui influencent chaque individu dans sa capacité à commu-
niquer.

118
Depuis former l’interlocuteur à l’écoute jusqu’à entraîner son patient à
devenir quelqu’un qui communique bien, nous nous éloignons de la seule préoc-
cupation de la fluence de la parole pour mettre l’accent sur l’efficacité de la
communication, ce qui profite à tous les participants de l’échange.
Anders Lindberg (Suède)
A - Ce que je fais lors de l’évaluation et du traitement est basé sur l’op-
tique de Van Riper, en combinaison avec l’enseignement et le conseil dispensés
aux praticiens à l’Université de Goteberg.
Je ne travaille pas sur le bégaiement mais avec des personnes qui bégaient
et avec leur entourage. J’offre ma compétence et mon savoir qui émanent de dif-
férentes sources : l’enseignement que j’ai reçu (incluant la littérature portant sur
l’approche privilégiant le non-évitement), mon expérience et mes caractéris-
tiques personnelles, afin de répondre aux besoins de chaque personne en face de
moi.
B - J’ai été grandement influencé par des personnalités telles que Charles
Van Riper, Frank Robinsion, Paul Czuchna et Courtney Stomata, en particulier
lorsque j’étais étudiant à Western Michigan University. De plus, je suis euro-
péen, scandinave, suédois, j’ai 52 ans, j’ai deux enfants, je suis un psychologue
clinicien (formé à la fois dans une perspective cognitiviste et comportementale)
et je suis un sujet qui bégaie. La théorie du « non-évitement » qui est une théo-
rie relativement dominante à notre congrès, est une théorie qui s’accorde de
façon satisfaisante avec le cadre de pensée scandinave. Je crois que le bégaie-
ment, pour la plupart des gens qui bégaient, n’est peut être pas autant stigmati-
sant qu’il peut l’être dans d’autres pays. De plus, les gadgets électroniques pour
réduire ou éliminer le bégaiement ne trouvent pas aussi fréquemment acqué-
reurs dans nos pays (scandinaves). Nous ne voulons à peu près rien payer pour
nos traitements (puisque nous considérons qu’il est normal que la société en
assume le coût) ; il est rare d’avoir plus d’un rendez-vous par semaine avec son
thérapeute. L’image habituellement offerte des personnes qui bégaient et de
leurs familles, ainsi que leur prise en charge sont trop souvent biaisées dans une
optique anglo-américaine, aussi ne sont-elles pas représentatives des familles
que nous rencontrons. Malgré la variabilité du bégaiement et la souffrance qui
lui est attachée, notre culture est devenue plus tolérante à l’égard de ce trouble,
ce qui peut entraîner un moins grand besoin de modifier la forme de la parole.
C - Je ne suis pas certain qu’il faille rechercher un impact de notre travail
au delà de nos objectifs thérapeutiques, même si nous nous réjouissons de voir
nos patients progresser dans des domaines que nous n’avons pas abordés en thé-
rapie. Comment savoir ce qui fonctionne le mieux ? Bien que j’aie cru savoir ce

119
qui était efficace, certains patients m’ont dit des années plus tard que c’était
autre chose, un mot ici, une perspective là, une réaction vive, une idée évoquée
lors d’une séance qui en entraîne une autre, une fois à l’extérieur du cabinet :
toutes choses dont je n’avais pas décelé l’importance au moment même mais
qui en fait étaient réellement importantes.
Nous pouvons seulement espérer que nos patients deviennent des sujets
bien informés et intérieurement forts, menant une vie telle qu’ils l’espèrent pos-
sible, qu’ils deviennent plus heureux. Etre une personne qui dit ce qu’elle veut,
au bon moment, à l’interlocuteur auquel elle veut s’adresser, qui l’accepte
joyeusement, voilà la meilleure façon de s’épanouir. C’est à ce stade que je
m’arrête et m’en déclare satisfait.

Isabella Reichel (Etats Unis /Russie)


A - Je commence comme clinicienne par gagner la confiance de mon
patient. J’utilise une imagerie forte (par exemple comme l’enfermement du
patient dans une forêt) et je lui fais comprendre que je serai celle qui lui montre
le chemin pour aller de l’obscurité à la lumière. Au cours du voyage, quand mon
patient a la force de quitter ma main, je l’aide à se débarrasser de ses idées fixes
sur le bégaiement et de ses pensées défaitistes. Je prépare mon patient à savou-
rer chacune de ses victoires, petite ou grande, et d’assumer progressivement une
plus grande responsabilité dans la conduite de son traitement.
Afin de maintenir la confiance de mon patient, le cheminement ensemble
doit être une expérience la plus agréable possible, c’est à dire où nous sommes
remplis d’énergie, d’un état d’esprit ouvert, afin de bénéficier d’une réalisation
de soi à travers une communication réussie. J’oppose les convictions défavo-
rables de mon patient à ce qu’il a déjà réussi, et je l’aide à supporter les réci-
dives de son trouble en le recentrant sur ses propres ressources. Le patient amé-
liore ses techniques de fluence en recherchant sa propre manière d’être fluent ;
en conséquence, il contrôle sa fluence non seulement dans sa parole mais aussi
dans sa tête. Aussi le patient expérimente t-il sécurité et confiance dans toutes
les situations qu’il affronte.
B - Ma formation dans l’ex Union soviétique a été influencée par « la per-
suasion autoritaire ». L’idée était que seule une persuasion forte et puissante
(projection énergique d’idées constructives) pouvait conduire une personne qui
bégaie à des changements durables. Après plusieurs années de formation sup-
plémentaire, et après avoir essayé plusieurs formes de prises en charge aux Etats
Unis, j’ai appris combien il était important de modifier ce que vous dites, com-
ment et quand vous le dites en fonction de chaque patient. J‘ai appris l’impor-
tance de comprendre chaque patient dans l’instant, de le réassurer, de l’engager

120
dans un voyage en commun vers le changement et de l’importance extrême
d’une attitude souple et créative.
C - L’histoire a montré que toute société qui brime les droits individuels
et la capacité pour chacun de communiquer librement se décompose et meurt.
Sur une plus petite échelle chaque sujet qui ne peut communiquer se
montre moins performant et moins productif. En améliorant la possibilité des
personnes bègues de communiquer nous améliorons non seulement la condition
humaine mais aussi la qualité de la vie au sein de la société et en conséquence la
société elle-même. En continuant à nous communiquer nos idées, nous réussi-
rons sûrement à repousser les limites actuelles du syndrome bégaiement.
Yoshiko Ohashi (Japon)
A - Notre formation à l’Université nous prépare à devenir des ensei-
gnants. Aussi, je travaille essentiellement avec des enfants. Le bégaiement n’est
pas seulement un trouble de la communication qui se manifeste par les dys-
fluences. Il s’agit plutôt d’un trouble qui concerne la façon de percevoir, de res-
sentir, de penser et de s’exprimer à la fois de celui qui parle et de celui qui
écoute. Lors du bilan, je recherche l’information nécessaire (entretiens avec les
parents, les maîtres, et les autres cliniciens ; tests cliniques) avant d’observer les
interactions de l’enfant avec les parents et le clinicien. Ensuite, toute cette infor-
mation sert à établir un portait de l’enfant en communication dans différentes
situations. Enfin, j’analyse les données pour relever les facteurs intervenant dans
la difficulté de l’enfant, en particulier en m’attachant aux différentes demandes
pouvant peser sur les capacités actuelles de l’enfant.
Dans une perspective développementale, l’objectif de l’intervention la
plus précoce possible est que l’enfant possède une fluence normale. Pour ce
faire, j’emploie une parole lente et adoucie, dans des contextes de jeux qui
induisent la fluence.
Je ne parle des pensées et des sentiments attachés à la communication
qu’aux enfants plus âgés. J’implique les parents directement dans la conduite du
traitement et m’assure que parents et enfants se sentent bien et en progrès.
B - Au Japon, le bégaiement est considéré comme un trouble d’ordre psy-
chologique et incurable. Aussi apprend-on à la plupart des enfants atteints de
bégaiement à vivre avec leur trouble, à s’intégrer, à parler avec plus de facilité et
moins de bégayages. C’est très différent en ce qui me concerne, et donc en ce
qui concerne ma méthode. Je considère le bégaiement comme un problème de
développement, sur la base de la plupart des observations (l’âge de début, le
développement concomitant du langage, la modification qu’on peut obtenir de
la fluence, le pronostic positif avec de rares récidives). L’évidence empirique

121
peut aussi suggérer une interprétation développementale (la période critique de
l’apprentissage et de la stabilisation de la parole, la stabilité et l’organisation des
séquences motrices de la parole, les études cérébrales par scanner sur l’activité
neuronale pendant la production de la parole). Pour ces raisons, je centre mon
traitement sur les facteurs de développement et d’apprentissage en lien avec
l’acquisition de la fluence ; sans nier les mérites d’autres formes de traitement.
Malheureusement, beaucoup d’enfants qui bégaient au Japon ne sont pas soi-
gnés. La plupart des cliniciens travaillent dans des hôpitaux de rééducation ; la
plupart d’entre eux n’ont pas d’intérêt ou le savoir nécessaire pour travailler
avec des enfants qui bégaient. L’uniformité relative des différents traitements
révèle probablement que, jusqu’à une période récente, le Japon était une société
d’une même culture, sur les plans géographique, ethnique, linguistique, poli-
tique, éducatif, socio-économique, religieux, ayant les mêmes moeurs et styles
de vie. Aujourd’hui, le Japon change rapidement dans un monde qui n’a plus de
frontières et se globalise.
C - Nous vivons dans un monde qui est devenu incroyablement tolérant
des différences individuelles, y compris les troubles de la fluence. La mise en
place de l’Année Internationale du Handicap illustre cette remarque. La parole
est l’outil d’une communication efficace. L’humanité s’est approprié la parole et
le langage en se développant physiquement et psychologiquement. Pourquoi les
enfants ne seraient-ils pas les bénéficiaires d’une telle évolution, faisant l’expé-
rience du même bénéfice et de la même liberté dont jouissent tant de gens ?
Les enfants peuvent apprendre à parler sans efforts : il nous appartient de
leur faire atteindre un tel but. De même, devons-nous écouter nos patients, nous
préoccuper non seulement de leur parole mais aussi de leurs sentiments, de leurs
attitudes et de leurs désirs. Les aider à améliorer leur communication et à avoir
une vie meilleure, voilà notre mission.

Anne Marie Simon (France)


A - Je m’adresse à un patient comme à une personne unique et de façon
globale. Aussi je n’utilise pas de programme pré-établi. Je décide avec mon
patient, après lui avoir exposé toutes les approches possibles de son problème,
par où commencer et comment nous procéderons.
Ou bien, si une autre démarche thérapeutique nous semble préférable -
psychothérapie, sophrologie, relaxation de type analytique, thérapie comporte-
mentale stricte, entraînement à la prise de parole en public dispensé par certains
organismes - je l’adresse alors à mon correspondant répondant à cette demande.
Si nous décidons de travailler ensemble, une longue période d’investiga-
tion faite en commun va nous conduire à considérer le bégaiement, certes,

122
comme un trouble affectant la fluence de la parole mais altérant aussi de nom-
breux aspects chez ce patient, ses sentiments, ses attitudes, sa façon de réagir au
quotidien à son trouble, tout un style de vie, aussi bien dans le privé qu’au tra-
vail (analyse des situations de parole, mécanismes de défense tels que les évite-
ments, les temporisations, certaines croyances et cognitions).
B - Je crois que le bégaiement débute comme un trouble moteur de la pro-
duction de la parole, chez un sujet exposé pour des raisons qui ne sont pas
encore claires, génétique, perturbations relationnelles de la période pré-langage.
Cette incoordination neuro-motrice devient très vite, en fonction des réactions,
non seulement de l’entourage mais de l’enfant à sa difficulté, un trouble de la
communication.
Aussi, l’entraînement à des techniques motrices est-il complètement intri-
qué avec la préoccupation d’une meilleure communication : cela signifie se cen-
trer sur l’interaction verbale, en accroissant le confort de l’interlocuteur pour une
meilleure compréhension de tous les aspects du message (respect des unités de
sens, prosodie, capacités métalinguistiques, etc.). Ce travail augmente chez le
patient son sentiment de contrôle, non seulement de sa fluence mais de sa capa-
cité à exprimer les nuances de sa pensée, en quittant ce comportement qui consis-
tait souvent à vite se débarrasser de ce qu’il avait à dire ; tous les « exercices cli-
niques » et les situations de communication seront travaillés du point de vue du
locuteur et de l’interlocuteur (jeux de rôle, talents sociaux de communication).
Dans les groupes que je mène avec les adultes bègues, j’essaie d’équilibrer le plus
possible les différences sociales et culturelles (âge, statut économique, culture).
Nous n’avons pas en France de contraintes de temps ou de prise en charge
par l’assurance maladie. Ce qui laisse au patient le temps d’évoluer au rythme
qui lui est possible d’assumer. La thérapie individuelle dure environ une année,
le travail en groupes de parole une année supplémentaire, parfois deux. Cette
durée permet une relation profonde et chaleureuse avec nos patients, ce qui est
une pierre de base pour que s’affirment une estime de soi et une confiance en
soi croissantes chez nos patients.
Le thérapeute est un agent essentiel pour que la prise en charge soit béné-
fique. Il doit avoir à la fois le savoir nécessaire mais aussi les compétences rela-
tionnelles pour permettre à son patient de sortir du bégaiement.
C - En France, très peu de recherches ont été consacrées au bégaiement et
d’autre part, il y a peu d’orthophonistes le prenant en charge, la plupart pensant
ne pas être suffisamment formés.
Mais il faut dire que j’ai appris de mes patients plus que dans aucun livre.
Ce qui ne veut pas dire que les résultats des recherches ne devraient pas être pris
en considération : au contraire il faudrait une collaboration plus étroite entre cli-

123
niciens et chercheurs, et j’ajouterai, et personnes qui bégaient ; de cette collabo-
ration pourront peut-être venir des lumières nouvelles sur un trouble encore très
méconnu !
J’ai été formée par des thérapeutes américains, en particulier en ce qui
concerne l’aspect comportemental du traitement ; en particulier auprès d’Hugo
Gregory à Northwestern, et auprès d’Ed. Conture et Woody Starkweather. J’ai
rencontré à ces occasions des praticiens du monde entier et le partage de nos idées
m’a conduit à beaucoup nuancer des affirmations sur les méthodes ou théories.
Ceci est certainement une des raisons pour lesquelles j’ai eu envie de me
tourner vers l’Afrique noire, démarche de globalisation de nos savoirs : les
sociétés animistes ont certainement beaucoup de choses à nous apprendre. Une
association de personnes qui bégaient a été créée à Cotonou au Bénin et cela
participe de ce mouvement large de partage des idées, permettant certainement
une société humaine meilleure.
Margaret Marks (Afrique du Sud - Australie)
A - Mon approche se dessine comme un modèle ayant six cercles concen-
triques, dont A est le cercle du milieu : la parole qui bégaie, B les attitudes à
l’égard de la parole et du bégaiement, et C l’adaptation personnelle : A, B et C
concernant directement chaque personne qui bégaie ; D représente l’environne-
ment familial, E l’environnement social, et F l’environnement culturel : D, E et
F font référence directement à des influences externes.
Mon expérience est plus grande avec les adultes et les adolescents
qu’avec les enfants qui bégaient. L’évaluation et le traitement s’adressent à cha-
cun de ces domaines (A-F). Néanmoins, plus d’attention est porté à A, B et C
chez les adultes ; avec les enfants D et E sont d’une importance particulière.
Mon intervention comprend la modification des bégayages, la mise en place de
la fluence ou une combinaison des deux approches.
B - J’ai été influencée par mes professeurs et d’autres personnalités
comme Alan Clemons et Wendell Johnson, qui a établi une approche scienti-
fique du bégaiement incluant la sémantique. Charles Van Riper, dont les
concepts demeurent mes références et mon guide. Joseph Wolpe qui a interrogé
la théorie psychanalytique et contribué au développement des technique de
modification de la parole. Arnold Lazarus, Gene Brutten et Hugo Gregory
m’ont aussi influencée personnellement.
Je suis née et ai été élevée en Afrique du Sud. Alors que j’enseignais et soi-
gnais dans un cadre reposant sur des traditions occidentales, j’étais consciente que
de nombreux concepts et pratiques n’étaient pas forcément adaptées : la culture en
Afrique du Sud est différente ; les ressources financières et personnelles sont res-

124
treintes et peu de données concernent l’impact de ce facteur sur notre population
multiculturelle. Par exemple, alors que traditionnellement on considère que les
parents réagissent à des dysfluences ordinaires comme s’il s’agissait de bégaie-
ment, des thérapeutes travaillant dans des communautés noires pensent que ce
n’est pas le cas pour ces communautés (en raison de pratiques éducatives diffé-
rentes ou de privations rendant la difficulté de parole moins importante). Pour des
raisons financières ou de distance, le traitement n’est souvent pas possible ou
accessible. Des différences culturelles et linguistiques existent souvent entre
patient et thérapeute. Une réorganisation - plus qu’un traitement - devient souvent
le point central où l’on se préoccupe plus des cercles externes (familial, groupal
ou culturel) dans l’espoir que cette démarche aura un impact sur le sujet qui
bégaie. Des avancées ont eu lieu grâce à des gens qui se sont impliqués, et par la
création de l’association sud africaine Speakeasy. Depuis que j’ai déménagé en
Australie, je suis étonnée par toute l’énergie dépensée pour les personnes qui
bégaient. J’ai encore à accepter des philosophies et des approches qui sont très
différentes de celles que j’ai reçues et enseignées pendant de nombreuses années.
Je veux rendre hommage à Mark Onslow dont le travail courageux et imaginatif
avec les jeunes qui bégaient a retenu l’attention partout dans le monde.
C - Ceux qui cherchent à « dénouer les langues emmêlées » sont confron-
tés à des tâches impressionnantes. Ni la cause, ni le traitement ne sont détermi-
nés actuellement. La recherche est souvent incertaine ; les définitions donnent
lieu à controverses. Obtenir une fluence durable chez l’adulte est rare. Je pense
que certains patients, un jour ou l’autre, ont perdu courage. Mais je crois aussi
que nous travaillons une question qui est intellectuellement séduisante et pose
un défi à notre pratique clinique. En 50 ans, je ne me suis jamais ennuyée. J’ai
travaillé avec des gens extraordinaires dans de nombreux pays. Je rends hom-
mage non seulement à mes professeurs mais aussi à mes étudiants et à mes
patients ; j’ai beaucoup appris d’eux et j’ai aimé ce que j’ai appris. Les clini-
ciens et les enseignants ne peuvent voir jusqu’où les vagues de leurs efforts vont
aller. Un de mes patients m’a dit : « Ce que vous avez fait est très important
pour moi ». Je ne peux pas espérer plus.

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injuries, and causes of death (Volume 1). Geneva : World Health Organizaton.

131
♦ Autres ouvrages
GAYRAUD ANDEL M, 1999 : Bégaiement et Art Thérapie. Ortho Edition Isbergues
LE HUCHE F, 1998 : Bégaiement Option guérison. Albin Michel. Paris
MARVAUD Jean, 1999 : Abord psychothérapique du bégaiement. Communication au IIième Congrès
International du bégaiement, Paris
MONFRAIS PFAUWADEL MC, 2000 : Un manuel du bégaiement. Solal Marseille
RUSTIN L, 1991 : Parents, families and the stuttering child ; Kibworth Far Communication. Londres.
SIMON A.M, 1999 : Paroles de parents. Prévention des risques de chronicisation du bégaiement. Ortho
Edition, Isbergues

♦ Adresses
A.P.B. (Association Parole Bégaiement) « développe et soutient des projets matériels, intellectuels ou
scientifiques a yant pour objet la recherche sur le bégaiement et l’aide aux personnes bègues ». Elle
regroupe à parts égales des personnes bègues ou proches d’elles d’une part, des thérapeutes et des cher-
cheurs travaillant dans le domaine du bégaiement d’autre part.
Elle travaille en partenariat avec le Groupe Pasteur Mutualité (A.G.M.F.) qu’elle remercie de son aide et
de son soutien. Ensemble, ils sont décidés à faire avancer la recherche et à améliorer l’aide que l’on
peut désormais apporter tout en continuant à sortir le bégaiement de l’exclusion et du non-dit et à orga-
niser la prévention.

A.P.B.
Bâtiment Pharmacie.
Laboratoire des pathologies du langage
INSERM Hôpital de la Salpêtrière
75013 PARIS
Minitel : 3615 BEG (1.29 F la minute)
Internet : www.begaiement.org
e-mail : contact@begaiement.org

Aucun article ou résumé publié dans cette revue ne peut être reproduit sous forme d’imprimé, photocopie,
microfilm ou par tout autre procédé sans l’autorisation expresse des auteurs et de l’éditeur.

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DERNIERS NUMÉROS PARUS
N °2 02 : L’ÉDUCATION PRÉCOCE EN ORTHOPHONIE - Rencontre : Bases neurologiques des apprentissages
(L. VALLÉE) — Données Actuelles : Acquisition du langage chez l’enfant à risque biologique et social : le
cas des enfants prématurés (M.-T. LE NORMAND, C. PARISSE) - Accompagnement familial en prise en
charge précoce de l’enfant porteur de handicap (C. BÉLARGENT) - Retard de la phonologie articulatoire à
3 ans et demi, chez des enfants nés très prématurément (M.-J. DELFOSSE, M.-T. LE NORMAND,
D. CRUNELLE) - Temps - langage - audition (S. VINTER) - Intérêt du dépistage précoce de la surdité per-
manente néonatale (SPN) (G. DUVAL) — Examens et interventions : Le partenariat parents/orthophoniste
dans l’éducation langagière d’un enfant porteur d’un handicap (N. DENNI-KRICHEL) - Troubles précoces
de la communication infra-verbale chez les enfants porteurs de trisomie 21 (A.-M. BIGOT) - La prise en
charge précoce des autistes (I. FENAUX) - Pour une entrée en communication de l’enfant sourd
(B. COLLETTE) - Education précoce en orthophonie et IMC (D. TRUSCELLI, J. CHAILLEY) —
Perspectives : Enfants victimes d’un traumatisme crânio-cérébral grave : expérience clinique (A. LAURENT
VANNIER, D. BRUGEL, P. MEYER)
N °2 03 : L’ACCOMPAGNEMENT FAMILIAL - Rencontre : L’accompagnement familial : formation des parents
et des intervenants (S. MARTIN) — Données Actuelles : PACT : Collaboration avec les familles et les ensei-
gnants en rééducation phonologique (C. BOWEN) - Le rôle des parents dans le traitement du bégaiement
(J. FORTIER-BLANC, M. BEAUCHEMIN) - Participation parentale à un programme d’intervention précoce
sur le développement du langage : efficacité du programme parental de Hanen (L. GIROLAMETTO) -
Imitation, reformulation et questionnement : trois procédures d’étayage dans l’appropriation du langage par
l’enfant sourd (S. VINTER) — Examens et interventions : Apprendre le langage en ayant du plaisir - Le pro-
gramme de Hanen pour éducateurs de jeunes enfants : une formation interne dans les crèches, visant à facili-
ter le développement des compétences sociales et du langage oral et écrit (E. WEITZMAN) - L’intervention
centrée sur l’interaction familiale dans le cas de troubles graves du développement du langage (M. MON-
FORT, A. JÙAREZ SANCHEZ) - Essai d’adaptation d’un programme familial à la pratique en libéral
(A. BO) — Perspectives : L’accompagnement des parents en milieu scolaire multiethnique (L. LESSARD)
N °2 04 : REPÉRAGE ET DÉPISTAGE DES TROUBLES DU LANGAGE - Rencontre : Nécessité du dépistage
et du traitement précoce en orthophonie (P. FERRAND) — Données Actuelles : Prédire et dépister préco-
cement les dyslexies de l’enfant : quelques questions théoriques et méthodologiques (S. CASALIS) -
Influence des compétences phonologiques, mnésiques et syntaxiques sur l’apprentissage de la lecture et son
dysfonctionnement. Etude longitudinale de la grande section de maternelle au CP (M. PLAZA) — Examens
et interventions : Le D.P.L. 3 : mises en perspective (F. COQUET) - ERTL4 et ERTLA6, des outils de repé-
rage à l’usage des médecins (B. ROY, C. MAEDER, A. KIPFFER-PIQUARD, J.-P. BLANC, F. ALLA) -
Du PEL 92 au TDP 81, une action de prévention et de dépistage en Guadeloupe (E. EZELIN) - Des outils
pour le dépistage et le diagnostic précoces des troubles d’acquisition du langage : le Questionnaire
« Langage et Comportement 3 ans 1/2 », la Batterie d’Évaluation Psycholinguistique (BEPL-A et B)
(C. CHEVRIE-MULLER) - La BREV : une batterie clinique d’évaluation des fonctions cognitives chez les
enfants d’âge scolaire et préscolaire (C. BILLARD, S. VOL, M.O. LIVET, J. MOTTE, L. VALLÉE,
P. GILLET, A. GALLOUX, AG. PILLER) — Perspectives : TDP 81 dans le département de la Somme
(C. ADJERAD, M. BARBIER, L. LESECQ) - Le dépistage des troubles du langage chez l’enfant. Une
contribution à la prévention de l’illettrisme (C. BILLARD)
N °2 05 : LES MALADIES RARES - Rencontre : Génétique et troubles du langage : dans quelles circonstances
adresser un enfant au généticien (A. MUNNICH, S. JACQUEMONT) — Données Actuelles : Les maladies
monogéniques (M.-L. BRIARD) - Disomies uniparentales (S. LYONNET) - Syndromes microdélétionnels
(A. MONCLA) - Expansions instables de répétitions de trinucléotides (J. AMIEL) — Examens et inter-
ventions : Syndrome de Prader-Willi (A. MONCLA) - Syndrome de Prades-Willi : prise en charge médico-
socio-éducative (A. POSTEL-VINAY) - La prise en charge orthophonique du jeune enfant Prader-Willi
(I. BARBIER) - Syndrome de Moebius (M. LE MERRER) - Conduite orthophoniste dans la rééducation de
l’enfant atteint d’un syndrome de Moebius (I. EYOUM) - Micro-délétion 22q11, Syndrome de DiGeorge
(N. PHILIP) - Bilan des troubles du langage chez l’enfant avec une délétion du 22q11 (C. COUTANCEAU)
- Syndrome de Rubinstein-Taybi (D. LACOMBE) - Prise en charge orthophonique de l’enfant avec un syn-
drome de Rubinstein-Taybi (C. TOFFIN) - Syndrome de Robin (ou séquence de Robin) (V. ABADIE) -
L’oralité perturbée chez l’enfant avec Syndrome de Robin (C. THIBAULT, C. BRÉAU) - Syndrome de
Franceschetti-Klein (P. EDERY, Y. MANACH) - Prise en charge de l’enfant aplasique auriculaire majeur
bilatéral (C. TOFFIN) - Dystrophie musculaire de Duchenne de Boulogne (M.-L. BRIARD) - Dystrophie
myotonique de Steinert (S. MANOUVRIER, M.-L. BRIARD) - Maladie de Steinnert. Troubles cog,itifs chez
l’enfant (M. GARGIULO, N. ANGEARD) - Prise en charge des troubles de déglutition de l’enfant présen-
tant une pathologie neuro-musculaire (M.-F. ABINUN, C. GOLOVTCHAN) - Syndrome de l’X fragile
(A. POSTEL-VINAY, M.-L. BRIARD) - Prise en charge médico-socio-éducative (M.L. BRIARD) —
Perspectives : La communication augmentée : un système original, le programme Makaton (S. FRANC) -
Expérience belge du dépistage du syndrome X fragile : questionnaire X fragile (J.P. FRYNS, M. BORGH-
GRAEF) - Importance de la guidance parentale (I. BARBIER) - Les troubles du langage oral des enfants
atteints d’anomalies héréditaires du métabolisme des protéines (I. PASQUIER, G. TOUATI, M. TOUZIN)

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