Académique Documents
Professionnel Documents
Culture Documents
Que sais-je ?
COLLECTION FONDÉE PAR PAUL ANGOULVENT
ISBN 978-2-13-080469-7
ISSN 0768-0066
I. – La définition introuvable ?
Depuis une vingtaine d’années, les chercheurs, les praticiens, les
observateurs semblent avoir renoncé à définir le design. Le sens du mot
design serait trop variable d’une culture à l’autre, la notion serait trop
complexe, les métiers seraient trop divers. Au point où certains se
réjouissent de ce renoncement, prônant que le design n’a ni définition ni
frontières. Même le Design Dictionary s’avoue vaincu :
En 1953, l’influence de Viénot est telle que celui qui est le mieux placé
de tous pour faire le pont entre l’Amérique et la France, l’expatrié Raymond
Loewy, revient au pays et lui emboîte le pas. Adoptant pour le marché
français l’expression « esthétique industrielle », Loewy fonde à Sèvres une
Compagnie d’esthétique industrielle (CEI), dirigée au départ par Harold
Barnett, qui introduit en France le corporate design américain, c’est-à-dire
la conception globale de l’image de marque d’une entreprise. Avec près de
250 collaborateurs au début des années 1960, la CEI de Raymond Loewy
crée notamment les logos des biscuits LU (1957), de la marque New Man
(1969) ou encore des enseignes Monoprix et L’Oréal.
Il ne manque alors plus qu’une seule pierre à l’édifice de Viénot, la plus
difficile, celle qui va à la fois consacrer son œuvre et lui faire perdre la
bataille des mots. En 1953, lors du congrès international d’Esthétique
industrielle de Paris, qui réunit 13 pays et dont Jacques Viénot est le
commissaire, l’idée est lancée de créer un regroupement international des
organismes d’esthétique industrielle. Des désaccords apparaissent,
notamment entre Américains et Français. Réalistes et pragmatiques, les
premiers y voient avant tout un moyen de défendre la profession,
d’organiser des expositions, de créer un annuaire, un code
déontologique, etc. Réaliste et idéaliste, Jacques Viénot souhaite « défendre
non seulement une profession, mais surtout les principes mêmes de
l’esthétique industrielle 43 » en tant que « discipline de pensée 44 ». En 1955,
un « Comité de liaison international d’Esthétique industrielle » est créé et
présidé par l’Américain Peter Muller-Munk : son papier à lettres indique
trois désignations entre lesquelles un choix doit être fait : Esthétique
industrielle, Industrial Design, Formgebung. En 1957, l’assemblée
constituante tranche en faveur de la langue anglaise et donne naissance à
l’International Council of Societies of Industrial Design (ICSID).
L’organisme est fondé à Londres le 29 juin 1957, mais officiellement
enregistré à Paris alors que le compte bancaire l’est à New York. Tout un
symbole. Comme l’écrit fort bien Jocelyne Le Bœuf, ces tensions « révèlent
la volonté de Jacques Viénot de défendre une spécificité française de la
création industrielle, telle qu’elle était définie par la notion d’esthétique
industrielle. Il reproche aux Américains d’avoir fait du “beau une tactique”.
L’expression esthétique industrielle traduit ce “supplément d’âme, que
réclamait Bergson, pour que notre civilisation devienne digne de nous 45” ».
Mais il est trop tard, la victoire sémantique appartient déjà aux Anglo-
Saxons :
1. H. Van Doren, Industrial design : a practical guide to product design and development
(1940), New York, McGraw-Hill, 1954, 2e éd., p. 17.
2. J.-P. Boutinet, 2002, p. 224.
3. J.-P. Boutinet, 1990, p. 13, 116.
4. J.-P. Boutinet, 1993, p. 9.
5. Ibid., p. 10.
6. A. Hatchuel, B. Weil, 2008.
7. A. Hatchuel, « Deconstructing meaning : industrial design as adornment and wit », 10 th
European Academy of Design Conference : Crafting the Future, Gothenburg (Suède), 2013.
8. Le sens restreint moderne de « industrie » apparaît dans les années 1760 au sens de
« machinisme ». L’industrie se caractérise par deux critères conjugués : le recours à la machine
et la production en série.
9. A. Midal, 2009, p. 33-34. Voir aussi D. Quarante, 1994, p. 15.
10. Littéralement, « Arts et Artisanats ».
11. H. Foster, 2008, p. 27.
12. D. Huisman, G. Patrix, 1961, p. 15.
13. D. Quarante, 1994, p. 60.
14. Voir L. Cayla, « Behrens Peter (1868-1940) », Encyclopædia Universalis, en ligne
(juillet 2014).
15. A. Findeli, « La tradition du Bauhaus peut-elle nous instruire aujourd’hui ? », in G. Hickey
(dir.), Common Ground : Contemporary Craft, Architecture and the Decorative Arts, Canadian
Museum of Civilization, 1999, p. 33.
16. Ibid.
17. A. Findeli, op. cit., p. 36 et suiv.
18. D. Quarante, 1994, p. 251.
19. A. Findeli, op. cit., p. 41.
20. Pour les mêmes raisons, les activités du Werkbund cessent en 1934.
21. Devenu l’actuel « Institute of Design » à l’Illinois Institute of Technology, en ligne
(juillet 2014) : http://www.id.iit.edu
22. A. Findeli, 1995.
23. À la différence du New Bauhaus, qui a subsisté jusqu’à aujourd’hui, l’école de design
d’Ulm (HfG) ferme en 1968.
24. D. Huisman, G. Patrix, 1961, p. 21.
25. R. Loewy, 2005, p. 26.
26. Fortune, vol. 9, no 2, février 1934, « Industrial Designers », p. 40.
27. R. Loewy, « About », en ligne (août 2014) : http://www.raymondloewy.com/about.html
28. Time, 31 octobre 1949, « Up from the Egg », p. 68 et suiv. ; la couverture est sous-titrée
« Raymond Loewy, le designer qui aérodynamise la courbe des ventes ».
29. Jeu de mots anglais qui revient à dire : « Le mieux n’est jamais l’ennemi du bien ».
30. R. Loewy, 1953, p. 26.
31. Voir J. Le Bœuf, 2006, p. 21 et suiv. ; p. 139.
32. J. Le Bœuf, 2006, p. 44, note 77 ; p. 45, 53.
33. C. Leymonerie, 2010, p. 155.
34. Esthétique industrielle, no 1, 1951 ; cité dans J. Le Bœuf, 2006, p. 13, 91.
35. J. Viénot, « Productivité de l’esthétique industrielle », Esthétique industrielle, no 15, avril-
mai 1955 ; cité par C. Leymonerie, 2010, p. 170, 171.
36. D. Huisman, G. Patrix, 1961, p. 36-37.
37. C. Leymonerie, 2010, p. 171-172.
38. D. Huisman, G. Patrix, 1961, p. 34 ; J. Le Bœuf, 2006, p. 93.
39. Voir le site de l’Institut français du design, qui a succédé en 1984 à l’Institut d’esthétique
industrielle, en ligne (juillet 2014) : http://www.institutfrancaisdudesign.fr
40. J. Le Bœuf, 2006, p. 144, 147.
41. C. Leymonerie, 2010, p. 577.
42. Pour la version intégrale, voir J. Le Bœuf, 2006, p. 105 et suiv. ; et D. Huisman, G. Patrix,
1961, p. 36 et suiv.
43. J. Le Bœuf, « La contribution française à la création d’une organisation internationale du
design après la Deuxième Guerre mondiale », Design et histoires, 19 août 2009, en ligne :
http://blogs.lecolededesign.com/designethistoires/2009/08/19/hello-world-2/
44. La formule est de Peter Muller-Munk, qui affirme avoir cette idée en commun avec
J. Viénot : J. Le Bœuf, 2006, p. 154.
45. J. Le Bœuf, « La contribution française… », art. cit.
46. J. Le Bœuf, 2006, p. 124.
47. Depuis que l’International Council of Societies of Industrial Design a changé de nom en
2017 et s’appelle World Design Organization, une nouvelle définition du design a été proposée,
voir en ligne : http://wdo.org/about/definition.
48. Voir aussi D. Quarante, 1994, p. 10 ; J. Le Bœuf, 2006 (ouvrage), p. 154.
49. « History of the RCA 1837-2013 », Royal College of Art, en ligne :
https://www.rca.ac.uk/more/about-rca/our-history/college-history/history-1837-2013/
CHAPITRE II
« Ce qui nous importe d’abord, c’est que nous ayons pu résoudre les
problèmes spéciaux de nos clients […]. La beauté s’impose, cela se
comprend – mais que nous importe la beauté si nos fabriques
subissent le chômage afin que nous puissions nous féliciter de notre
goût artistique 4. »
Dans la mesure où, dès le début des années 1960, les Américains sont
« les leaders d’une profession déjà largement implantée dans les entreprises
et confrontées au marché 5 », on comprend que cette philosophie mercatique
du design soit celle qui va dominer le monde pendant les décennies
suivantes. Comme l’a montré Jocelyne Le Bœuf, « le passage de
l’esthétique industrielle au design industriel marque la disparition de la
domination d’une philosophie qui devait garantir l’amélioration des
conditions de vie des hommes 6 ». Si le combat de Viénot pour le beau et le
vrai semble oublié, il n’est pas certain que l’amélioration des conditions de
vie soit si étrangère à la vision mercatique du design. Cette dernière se
fonde elle aussi sur une philosophie, celle du libéralisme économique, selon
laquelle : quand chacun cherche son propre gain et son intérêt personnel, il
est comme « conduit par une main invisible à remplir une fin qui n’entre
nullement dans ses intentions » car « tout en ne cherchant que son intérêt
personnel, [chaque individu] travaille souvent d’une manière bien plus
efficace pour l’intérêt de la société, que s’il avait réellement pour but d’y
travailler » 7. De fait, au cours de la seconde moitié du XXe siècle, malgré les
travers de la « société de consommation 8 », « la production en série de
biens et d’objets a constitué une conquête importante pour l’amélioration de
la vie 9 », et le design industriel y est pour quelque chose.
Ce triomphe du modèle mercatique se manifeste concrètement dans les
entreprises par la fusion entre le design et le marketing. Ce dernier émerge
progressivement aux États-Unis en tant que théorie et méthode à partir des
années 1930 (c’est-à-dire en même temps que l’Industrial Design) et
s’impose comme fonction majeure dans l’entreprise dès les années 1950 10.
Dès lors, entre design et marketing, la différence ne tient plus qu’à un fil :
« Le design est une activité créatrice dont le but est de définir les
multiples qualités des objets, procédés, services et des systèmes
dans lesquels ils sont intégrés au cours de leur cycle de vie. C’est
pourquoi le design constitue le facteur central d’humanisation
innovante des technologies et un moteur essentiel dans les échanges
économiques et culturels 15. »
« Le design est l’un des principaux agents qui nous enferment dans
le système quasi total du consumérisme contemporain 36. »
Mais alors, que faire face à ce qu’il faut bien appeler une « crise
d’identité du design 37 » ?
III. – Le dépassement du design industriel :
le tournant sémantique (2000)
Klaus Krippendorff a étudié de 1956 à 1961 à l’école de design d’Ulm
(HfG), où il a fait son mémoire de diplôme sur la sémantique des objets
sous la direction de Horst Rittel, avant de s’orienter vers les sciences de la
communication et d’émigrer aux États-Unis, où il enseigne à l’université de
Pennsylvanie. Dans The Semantic Turn : a New Foundation for Design,
paru en 2006, il confirme que l’idée de design véhiculée par le design
industriel n’est plus d’actualité :
Selon lui, les grands mouvements intellectuels qui ont nourri le design
au cours du XXe siècle ont disparu et le grand consensus de l’esthétique
industrielle fonctionnaliste s’est effondré, laissant la place à des
« préoccupations plus sociales, politiques et culturelles, telles que la
durabilité écologique et l’identité culturelle ». Fondées sur la promesse des
nouvelles technologies, de nouvelles conceptions du monde (intelligence
artificielle, sciences de la communication, etc.) et de nouvelles approches
(design management, design d’interaction, etc.) sont apparues, faisant
apparaître une société nouvelle :
Selon lui, il ne s’agit pas seulement pour les designers d’« être sensibles
aux problèmes écologiques d’ordre général » mais de « proposer des
scénarios écologiques réalisables et convaincants », dans le but d’aboutir à
« la production d’un environnement artificiel doté de qualités plus
profondes et plus stables » 21. Quinze ans plus tard, cette ambition s’incarne
dans le réseau international DESIS (Design for Social Innovation and
Sustainability), qu’il préside depuis sa création en 2009. Constitué de
laboratoires de design intégrés à des écoles ou des universités, le réseau
DESIS encourage et promeut le changement durable par l’innovation
sociale, hors des sentiers battus du design industriel : des projets associatifs
d’innovation sociale durable se développent au niveau local à travers le
monde, par exemple en Europe, au Brésil, en Chine. Grâce au regroupement
de personnes qui n’arrivent pas à résoudre leurs problèmes seules, ces
projets se concentrent sur la conception de services moins polluants centrés
sur le bien-être collectif (co-habitat, groupes d’achats, partages
d’équipements, jardins partagés, etc.). À ce titre, le design durable selon
Manzini est une forme de design social.
« Lorsque vous avez des problèmes avec des objets – savoir s’il faut
pousser ou bien tirer une porte pour l’ouvrir, ou si vous faites face
aux caprices arbitraires de l’ordinateur moderne et l’industrie
électronique – ce n’est pas de votre faute. Ne vous blâmez pas :
blâmez le concepteur. C’est la faute de la technologie, ou, plus
28
précisément, de la conception . »
C’est pourquoi :
V. – Le design social
L’expression « design social » ressemble, de prime abord, à une
tautologie. Comme le soulignait déjà Roger Tallon en 1971, le design est
destiné à « intervenir dans les domaines du quotidien vécu à l’échelle
humaine : la production de biens ou de systèmes d’équipements abordés
sous l’angle modeste de leur utilisation ». De là provient « la nature
authentiquement sociale de sa démarche » 52. Cette essence sociale du
design est probablement la seule chose (mais non la moindre) qui le
distingue de l’art, comme le souligne justement Paola Antonelli :
Cette deuxième approche est présentée plus en détail par Nynke Tromp
dans sa thèse de doctorat intitulée Design social : comment les produits et
les services peuvent nous aider à agir en faveur de la société 58. Dans ce cas,
entrent dans la catégorie du design social des pratiques telles que le design
durable, le design de services non marchands, le design des politiques
publiques et, plus généralement, toutes les formes de design qui favorisent
« l’innovation sociale ».
En effet, on peut dire que la notion de design social dérive directement
de celle d’innovation sociale, dont l’OCDE donne la définition suivante :
3. Quelles sont les grandes étapes d’un projet de design social à la 27e Région ?
Dans la plupart de nos projets, plusieurs phases se succèdent voire se chevauchent :
des phases d’immersion inspirées par l’ethnologie, durant lesquelles nous passons par
exemple plusieurs semaines dans un lycée, un quartier ou une administration pour mieux
comprendre les pratiques des populations ; des phases de conception, durant lesquelles
nous associons les utilisateurs à la production de maquettes, à la réalisation de tests ; les
tests les plus prometteurs peuvent ensuite faire l’objet d’une phase de prototypage, avec à
la clé la réalisation d’un service ou d’un processus utilisable en version bêta. Mais il faut
ajouter à cela des phases d’évaluation ou encore de documentation : nous passons en effet
beaucoup de temps à publier en temps réel le déroulement du projet, pour le rendre visible
à tous.
1. T. Brown, « Designers – think big ! », TED Global 2009, Oxford, juillet 2009, en ligne :
http://goo.gl/R9WvnL
2. D. Schulmann, 1995, p. 7.
3. R. Tallon, « Propos sur la pratique du design et sur son avenir en France », in L’architecture
d’aujourd’hui, no 155, avril-mai 1971, p. 24-25.
4. Voir chap. IV, section 4.
5. Design Industrie, no 94, janvier-février 1969, éditorial ; cité par J. Le Bœuf, « Marque et
image de firme dans la France des années 60 », Design et histoires, 13 décembre 2011, en ligne :
http://blogs.lecoledede sign.com/designethistoires/2011/12/13/marque-et-image-de-firme-dans-
la-france-des-annees-60-lexemple-de-merlin-gerin/
6. A. Branzi, op. cit., p. 356, 354.
7. D. Huisman, G. Patrix, 1961, p. 34 ; J. Le Bœuf, 2006, p. 93.
8. A. Hatchuel, « Quelle analytique de la conception ? Parure et pointe en design », op. cit.,
p. 147.
9. S. Vial, 2014, p. 37, 38, 76, 77.
10. B. Stiegler, Ars Industrialis, Ré-enchanter le monde, Paris, Flammarion, 2008.
11. P.P. Verbeek, Moralizing Technology : Understanding and Designing the Morality of Things,
University of Chicago Press, 2011.
12. V. Papanek, Design pour un monde réel, op. cit.
13. A. Findeli, R. Bousbaci, « L’éclipse de l’objet dans les théories du projet en design », The
Design Journal, vol. 8, no 3, 2005, p. 35-49.
14. Ibid., p. 42.
15. Ibid., p. 43.
16. V. Papanek, Design pour un monde réel, op. cit.
17. J. Thackara, 2005 ; trad. fr. 2008, p. 22-23, 34.
18. V. Papanek, 1971 ; in A. Midal, 2013, p. 278.
19. « William McDonough and Michael Braungart », Time, 17 octobre 2007, en ligne :
http://goo.gl/XLslMF
20. Éd. Alternatives, trad. fr. Alexandra Maillard.
21. E. Manzini, 1991, in A. Midal, 2013, p. 404-405.
22. D. Norman, 2013, préface à l’édition révisée.
23. « Making Web Sites More “Usable” Is Former Sun Engineer’s Goal », The New York Times,
13 juillet 1998 : http://goo.gl/m3B1zY
24. Nielsen Norman Group, « History », en ligne (août 2014) :
http://www.nngroup.com/about/history/
25. Norman, 2002, p. 188.
26. Norman, 2002, préface, p. XI, XII.
27. Ibid., p. 188.
28. Ibid., préface, p. X.
29. Windows, Icons, Menus, Pointing device.
30. Larry Tesler, ingénieur en interaction homme-machine au Xerox Parc, in
Cringely Robert X., Triumph of the Nerds, documentaire vidéo, 1996.
31. E. Tracy, Apple and the History of Personal Computer Design, « The Design Revolution :
1983-85. Part 1 – frogdesign », en ligne (août 2014) : http://goo.gl/ZEw0Xy
32. S. Laurent, 2008, p. 179.
33. D. Saffer, 2009, p. 2.
34. B. Moggridge, 2007, premières pages.
35. D. Saffer, 2009, introduction, p. XIV.
36. « Remy Bourganel, le bondissant français de chez Nokia », Le Monde, 15 mai 2008, en ligne
(août 2014) : http://goo.gl/A8ISYk
37. S. Vial, L’Être et l’Écran, Paris, Puf, 2013, chap. VI.
38. Interaction Design Association, « About > IxDA Mission », en ligne (août 2014) :
http://www.ixda.org/about/ixda-mission
39. Propos recueillis le 2 juin 2009, à l’occasion des 10 ans de l’Atelier de design numérique à
l’Ensci, en ligne (mai 2010) : http://www.ensci.com/donner-a-
lire/entretiens/entretien/news/detail/News/17654/
40. Designers interactifs, « À propos », en ligne (août 2014) : http://goo.gl/oV3Jyq
41. B. Drouillat, N. Pignier, « Design interactif », in Designers interactifs (dir.), Le Design des
interfaces numériques en 170 mots-clés, Dunod, Paris, 2013, p. 42.
42. Voir le guide « Les métiers du design interactif » publié par l’association Designers
interactifs, en ligne : http://www.designersinteractifs.org/metiers/
43. D. Saffer, 2009, p. 4.
44. B. Mager, « Service Design », in M. Erlhoff, T. Marshall (dir.), op. cit., p. 354.
45. Ibid., p. 355.
46. Daumal, 2012, p. 185, 11.
47. S. Daumal, 2012, p. 12-13.
48. J.-L. Frechin, « Design de service ou Design d’expérience ? », No Design Blog, 1er octobre
2009, en ligne (août 2014) : http://goo.gl/aMubba
49. L. Løvlie, « From products to people », Touchpoint, vol. 1, no 1, 2009, p. 40.
50. Ibid, p. 41.
51. L. Kimbell, « From user-centred design to designing for service », Design Management
Conference, London, 2010.
52. R. Tallon, « Propos sur la pratique du design et sur son avenir en France », op. cit., p. 24-25.
53. « Paola Antonelli interview », The Conversation, 5 décembre 2013, en ligne (août 2014) :
http://goo.gl/LmrNB9
54. S. Vial, 2014, p. 31, 41.
55. Ibid., p. 31.
56. A. Shea, 2012, quatrième de couverture.
57. E. Ernst, N. Tromp, Social Design Community, « About », en ligne :
http://web.archive.org/web/20140103182752/http://www.socialdesign community.com/
58. N. Tromp, 2013.
59. OCDE, « LEED Forum on Social Innovations », en ligne :
http://www.oecd.org/cfe/leed/forum-social-innovations.htm
60. H.-W. Franz, J. Hochgerner, J. Howaldt, 2012, p. 3, 22.
61. Ibid., p. 2.
62. Ph. Gauthier, S. Proulx, S. Vial, « Manifeste pour le renouveau social et critique du design »,
épilogue du présent ouvrage.
63. La 27e Région, en ligne : http://www.la27eregion.fr
CHAPITRE IV
Principe 8 : un bon design est rigoureux jusque dans les moindres détails.
Principe 9 : un bon design est respectueux de l’environnement.
« Moins, mais mieux » (Less, but better) est l’une des formules que Dieter Rams aime
employer pour rappeler que le bon design doit se concentrer sur l’essentiel en privilégiant
la pureté et la simplicité. La marque Vitsœ, qui incarne ses idées minimalistes en matière
de mobilier, tient à jour une très belle page Web qui illustre ces 10 principes en images 54.
La recherche en design
I. – Les origines
Dès les années 1920, le mouvement De Stijl (centré sur la structure et
l’orthogonalité) et les idées de Le Corbusier sur l’architecture moderne (qui
défend l’idéal rationaliste de la machine) font souffler un vent de rigueur
scientifique dans la manière de faire du design 2. Plus tard, en 1947, dans un
texte publié aux États-Unis dans le Magazine of Art, Walter Gropius pose la
question : « Existe-t-il une science du design (is there a science of
design) 3 ? » Mais c’est sous l’influence du New Bauhaus de Chicago et
surtout de l’école de design d’Ulm (HfG), qui accorde une place centrale
aux sciences et aux méthodes, que la tentative pour faire du design une
discipline scientifique prend réellement forme, dans les années 1960, avec
le mouvement des Design Methods 4.
Il n’est pas possible de rendre compte ici de l’intégralité de l’évolution
du champ de la recherche en design depuis cinquante ans. Notons
simplement que ce champ s’est développé jusqu’à ce jour principalement
dans les pays anglo-saxons (Royaume-Uni, États-Unis, Canada, Australie,
Nouvelle-Zélande), mais aussi aux Pays-Bas, en Italie, en Scandinavie, en
Turquie, au Japon, en Corée, ou encore au Brésil. En 2005, a été créée
l’International Association of Societies of Design Research (IASDR), qui a
vocation à regrouper les sociétés savantes de design du monde entier 5. En
outre, au fil des décennies, plusieurs dizaines de revues de recherche
scientifique en design sont apparues, principalement en langue anglaise :
Ken Friedman a dénombré 173 titres dont 44 particulièrement populaires
chez les chercheurs 6, tandis que Gerda Gemser en a classé 14 comme
particulièrement influentes du point de vue de la qualité perçue 7. On peut
citer, pour les plus anciennes et souvent les plus influentes, Design Studies
en 1979, Design Issues en 1984, mais aussi Journal of Design History en
1988, Research in Engineering Design en 1989, Journal of Engineering
Design et Journal of Design Management en 1990, ou Languages of Design
en 1993 8. En 1994, est fondée l’Académie européenne de design (EAD),
qui publie à partir de 1997 The Design Journal et compte dans son comité
de rédaction deux Français, Brigitte Borja de Mozota et Alain Findeli. Plus
récemment, on peut citer également : Journal of Design Research, en 2001 ;
Codesign, en 2005 ; Artifact, en 2006 ; International Journal of Design, en
2007 ; Design and Culture, en 2009. Cette diversité de supports de
publications, qui réunissent à ce jour des milliers d’articles, atteste que le
champ de la recherche en design est devenu riche et multiforme :
« Dans les années 1960, quand une poignée de théoriciens ont lancé
le mouvement des Design Methods, il semblait que les contours
d’une théorie singulière du design allait être construite et qu’elle
deviendrait un cadre de référence pour tous les travaux théoriques
ultérieurs. Mais cela n’a pas eu lieu. À la place de cela, ce qui s’est
produit, c’est l’émergence d’un champ de recherche en design
hautement pluraliste, sans point fixe central, avec un large éventail
de thèmes et de questions en évolution permanente. À partir de ce
champ multipolaire, a surgi une communauté active de chercheurs
qui tentent d’inventer un cadre d’enquête au fil de l’eau. Plutôt que
de rechercher une théorie globale du design, ils ont cultivé des
centres d’intérêt particuliers, qui forment de nouveaux nœuds
d’investigation 9. »
Dunne et Raby insistent sur le fait qu’ils font « du design, rien que du design et
seulement du design 27 », et ils qualifient leur démarche de « design critique » (critical
design). Par-là, ils entendent un travail de « design spéculatif » qui cherche à « contester
les idées étroites, préconçues et toutes faites sur le rôle des produits dans la vie
quotidienne », dans la tradition du design radical italien. Ils l’opposent au « design
affirmatif », c’est-à-dire le design qui renforce le statu quo. Le but est « principalement de
nous faire réfléchir » mais également « d’élever notre niveau de conscience, d’exposer des
hypothèses, de provoquer à agir, de susciter le débat, et même de nous divertir
intellectuellement, un peu comme la littérature ou le cinéma 28 ». La parenté assumée avec
l’art est claire, mais la
démarche est subtile et brouille habilement les frontières. Dunne et Raby parviennent en
effet à ériger le design au rang d’art, un art vivant, brillant et drôle, qui renoue avec la
critique sociale. La différence entre ce « design d’art 29 » et d’autres formes artistiques tient
au médium utilisé : ce n’est pas le texte (littérature) ou l’image animée (cinéma), mais le
produit (design industriel). Les deux complices le disent eux-mêmes :
« Nous cherchons à utiliser le design comme un médium, pour poser des questions,
provoquer et stimuler les gens, les designers et l’industrie 30. »
Pour toutes ces raisons, une pratique du design authentique ne peut être
autrement que sociale et critique. Elle est sociale par nature et critique par
nécessité. Telle est la voie de l’unité renouvelée du design pour le
e
XXI siècle.
Montréal – Nîmes,
26 août 2014.
1. Le texte de cet épilogue, à la différence du reste de l’ouvrage, est publié sous licence Creative
Commons BY-NC-ND.
2. Université de Montréal, groupe Design ∩ société.
3. The Ohio State University, Columbus.
4. Université de Nîmes, PROJEKT (EA 7447).
BIBLIOGRAPHIE
Une synthèse comme celle que propose ce livre n’aurait pas été possible
sans l’aide précieuse de plusieurs collègues et amis, que je tiens à remercier
chaleureusement.
En premier lieu, Alain Findeli, dont le travail, largement cité, m’a
grandement nourri et éclairé. En second lieu, les contributeurs et les
relecteurs : Philippe Gauthier, Sébastien Proulx, Stéphane Vincent, Remy
Bourganel, Bernard Darras, Jocelyne Le Bœuf, Lysianne Léchot-Hirt,
Georges Schambach, Benoît Drouillat, Jean-Louis Frechin, ainsi que les
chercheurs internationaux de la liste de diffusion « PHD-Design ». En
troisième lieu, Geoffrey Dorne et ses dessins. Enfin, un remerciement
spécial pour Laetitia Fière, ma primo-lectrice.
S. V.
Barcelone-Nîmes,
27 octobre 2014.
I. – La définition introuvable ?
V. – Le design social
I. – Les origines
ÉPILOGUE - Manifeste pour le renouveau social et critique du design - par Philippe Gauthier,
Sébastien Proulx, Stéphane Vial
BIBLIOGRAPHIE
REMERCIEMENTS
www.quesaisje.com