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Après l’exposition So Watt ! du design dans l’énergie en 2007, la Fondation EDF Diversiterre,
accueille une initiative de la Mairie de Paris et poursuit son engagement pour le design et l’innovation
dans le champ du développement durable.
Depuis une trentaine d’années, Paris se révèle le creuset d’une génération de designers s’affirmant
clairement dans le champ de la recherche et du design prospectif. L’exposition Paris Design
en mutation présente, à l’Espace Fondation EDF, les travaux de onze designers, parmi les plus
représentatifs de cette génération. Loin des seules préoccupations esthétiques, ils composent
des objets intégrant les impacts des changements écologiques et énergétiques dans nos modes de vies.
Avec intelligence, humour et poésie, ils ouvrent de nouvelles voies, permettant à chacun d’envisager
les objets qui composeront notre cadre de vie futur : une étagère-diffuseur audio ou une porte-écran
affichant informations et images d’ambiance de Jean-Louis Fréchin, un générateur d’oxygène
pour l’habitat de Mathieu Lehanneur, un hôtel volant de Jean-Marie Massaud ou encore une multiprise Vernissage
qui symbolise le « gaspillage » des appareils en veille réalisés par les équipes de Design de la recherche le 16 avril 2009
et développement d’EDF. Espace Fondation EDF
6, rue Récamier
75007 Paris
En marge de l’exposition, un film documentaire de 30 minutes présente les témoignages
ouvert du mardi au
de directeurs d’écoles, d’institutions d’aides et de promotion du design sur leur perception et dimanche de 12h à 19h
leur analyse de ces mutations, et sur la manière dont celles-ci influencent les pratiques. (sauf jours fériés)
Entrée libre
Une exposition pour découvrir les recherches d’aujourd’hui et envisager le monde de demain.
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Il est désormais évident qu’à plus ou moins brève échéance, une révolution environnementale va
se produire à l’échelle planétaire. On peut même affirmer que celle-ci a déjà commencé. Personne,
en revanche, n’en connaît l’issue. Cette affirmation peut également s’appliquer, sans trop de risque,
à la révolution numérique en cours, autre phénomène majeur dont les effets sur les sociétés
humaines sont encore peu évalués. Les métiers de conception et de production, de ce que l’on appelle
encore les biens de consommation, seront particulièrement exposés aux ondes de chocs de ces deux
événements indépendants mais dont les destins se croisent déjà.
A Paris, un certain nombre de designers sont déjà sur le pont. Ils ont compris qu’ils étaient dans
l’obligation de repenser leur discipline qui repose encore sur les préceptes des mouvements
modernes. Cette nécessité concerne tout autant la remise à plat de ses finalités (que produire,
dans quel but et avec quoi ?), que la révision de l’ensemble de ses outils méthodologiques. Ainsi,
ces designers sont-ils en train d’abandonner les classifications par grandes fonctions et
les typologies d’objets qui en découlent pour poser un autre regard sur les activités humaines -
chacune prise dans sa globalité, en lien avec le contexte dans lequel elle se déploie - et tenter
des réponses plus raisonnées.
Cette exposition se propose de mettre en lumière quelques-unes de ces figures qui s’imposent
sur la scène parisienne et internationale. Plus conscientes de leur responsabilité, s’écartant avec
jubilation des sentiers battus, ces figures s’affirment dans des démarches exploratoires
et prospectives.
Paris incarne, ici, cet espace culturel, ce creuset, dans lequel cette génération a grandi, s’est formée
et s’est fait connaître. Nous avons souhaité associer écoles et institutions qui ont accompagné
chacune de ces personnalités dans leur parcours. Nous les évoquons par le biais de leur contribution
à notre réflexion sur les mutations, à travers l’enseignement, les politiques d’aides à la création
ou les stratégies de promotion.
Cette exposition esquisse le portrait d’une génération à travers la manière dont chacun pose
des hypothèses et leur donne forme. Ce n’est donc pas un catalogue exhaustif d’un état du monde
(ni de celui du design), mais un assemblage hétérogène de situations qui, par rapprochement,
peuvent produire du sens et faire apparaître des lignes de fuite.
Les pièces et programmes présentés sont des productions qui couvrent les six dernières années.
Elles n’ont jamais été, à ce jour, confrontées physiquement dans un même espace. Par ailleurs,
une majorité de ces pièces et programmes proposent des recherches principalement dans le domaine
de l’habitat. Ce fait n’est pas à interpréter comme une réduction du champ du design à cet unique
domaine, ni moins encore comme le reflet de l’intérêt exclusif des designers pour celui-ci.
Nous l’avons plutôt considéré, à travers le regard des designers, comme un espace d’observation
et d’expérimentation en abordant les enjeux du design à travers les pratiques quotidiennes,
partagées par l’ensemble des individus. L’habitat est posé comme une métaphore du monde :
le lieu où se jouent des tensions entre les sphères privée et publique, entre l’individu et le collectif,
entre l’archaïque et le nouveau, entre le bricolé et le technologique, entre le fonctionnel et
le symbolique. Il incarne un écosystème idéal à partir duquel il semble plausible de modéliser
des dispositifs de transformations.
© C. Filloux
2 3
© François Lacour
reproduisible ailleurs ? Cette problématique
prend une importance majeure, y compris
pour le design ; nous sommes dans une
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société où le produit diffusé mondialement
constitue la solution de facilité mais aussi
le risque d’une perte d’identité.
© Stéphane Dabrowski
© V. Huyghe
le fraisage numérique, est partie prenante
du processus de création pour constituer
une série qui opère le glissement progressif
d’une surface lisse à une surface texturée.
La série Vase#44 explore ainsi et met en
valeur le geste de la machine.
© F. Brument
© F. Brument
1 et 2. objets issus de la
collection Contenants. 3
Les tubes PVC, gaine électrique
standard et fourniture ordinaire
de la modernité industrielle,
sont transformés en objets
uniques et complexes,
riches de détails et de sens.
3 et 4. objets issus du
programme d’électroménager
Simply Invent, développé
pour Téfal : la balance,
le batteur, la bouilloire,
© Delo Lindo
© F. Magne
dans l’habitat pour communiquer à ses
occupants ses différents états et les aider 2 3
à agir en connaissance de cause. Les objets
imaginés matérialisent le fluide électrique
par la lumière afin de renseigner,
de manière sensible et intuitive, le niveau
de consommation de certains équipements
ou situations quotidiennes.
© V. Huyghe
© G. Belley
4 5
3 4
1 2
© O. Gassies
3 4
1 2
Programme présenté : Notre corps et son
environnement immédiat forment un tout
où prennent place une multitude
d’échanges thermiques, gazeux, sonores.
Le programme Eléments questionne le corps
et l’habitat. Ces cinq objets bienfaisants
et atypiques sont à la fois récepteur et
émetteur, ils améliorent les qualités de
nos espaces de vie et n’obligent plus le
corps à s’adapter. Ils se déploient selon
un principe de captation permanente des
paramètres de l’environnement domestique
et des habitants (lumière, qualité de l’air,
espace sonore, température corporelle,
déplacements) et selon un principe 3
d’émission ou de modification instantanée
de ces paramètres pour s’adapter au plus
près à nos besoins.
Ce programme développe un habitat
semblable à l’épiderme, réactif et capable
d’une sensitivité et d’une réceptivité si
aiguë de nos états qu’il peut réagir avec
précision et célérité plus vite que notre
corps. Postés en état de veille permanente, 5
© V. Huyghe
© Y. Terrer
Sionis, né en 1983, sont diplômés de
l’école Boulle et ont soutenu ensemble
un master professionnel Design à
l’école Normale Supérieure de Cachan
en 2007. Ils créent l’agence machin
machin en 2007. La même année ils
sont lauréats des aides à projet VIA.
Ils mènent des projets d’édition,
de design industriel et de recherche.
© Y. Terrer
FraîchePOT . Traduction
contemporaine du réfrigérateur
africain.
Le capitalisme repose sur un système un siècle, le nombre d’objets passe marginalisée par rapport à sa fonction
économico-politique qui s’est de 200 à 2000. Ce modèle économique historique, à ses liens disciplinaires,
imposé au point de se prétendre repose sur la profusion de l’offre. elle va gagner en notoriété auprès
modèle planétaire. Les mutations Les designers renforcent l’ingénieur des institutions et du public :
du monde contemporain sont dans l’invention de l’esthétique la critique et les médias lui portent
celles du capitalisme. Economiques, industrielle. Même s’il s’agit d’habiller un intérêt grandissant.
éthiques, esthétiques, techniques, des produits dont l’attrait est leur Cet engouement atteindra très vite
scientifiques, environnementales, valeur d’usage. les institutions et les écoles.
elles n’échappent pas à son emprise 1973, choc pétrolier : l’euphorie laisse Dans un monde qui s’interroge sur
et à sa responsabilité. L’invention place à une inquiétude qui affecte son devenir, on attend du design qu’il
du design procède de l’expansion les modèles sur lesquels repose informe de nouvelles représentations.
de ce modèle, notamment dans la consommation de masse. Quant à l’entreprise, elle s’engage
sa dimension industrielle. Durant toute la décennie suivante, dans une mue sans précédent.
La fonction du design, dès son origine, les principes même de cette économie
est d’agir sur la production des biens industrialisée sont remis en cause.
de consommation, sur l’ajustement Les designers en volontaires de MUTATION 1 – LA MARQUE
permanent des produits et des services la reconstruction, auront donné forme Jusqu’alors, la fabrication des objets
du point de vue de leur actualité, de à cet optimisme, ils ne veulent plus était le fondement même de ces
leur qualité fonctionnelle et formelle. collaborer à une production aveugle économies industrialisées, « l’évangile
et outrancière, qui s’affadit même de l’ère de la machine »1.
Pour présenter cette génération fatalement. Il y aura encore de belles Les récessions successives durant
et le monde sur lequel elle se fonde, tentatives, notamment Prisunic les années 80, et la profusion des
il est utile de revenir aux années 60, et quelques expérimentations dans produits dans laquelle disparaît
à la fin des « trente glorieuses ». le domaine de l’habitat… progressivement toute différentiation,
Durant cette période, la société Une défiance réciproque s’installe vont pousser les théoriciens du
française connaît une prospérité entre industriels et designers. management à repenser l’entreprise
et permet d’accéder collectivement Ces derniers refusent alors en inférant sur l’importance
à une vie meilleure. Ce bien-être de prendre en charge la question de l’image : son nom propre.
généralisé a été possible avec de la production et de la diffusion, « Puisque nombre des sociétés
l’accroissement du tissu industriel, pour s’aventurer dans des recherches les mieux connues ne fabriquent
créant en quantité des biens et des expérimentations libérées plus de produits et n’en font plus
de consommation dans tous des contraintes habituelles la réclame mais les achètent
les domaines : transport, équipement de la discipline. Le regard se tourne et en font le branding, ces entreprises
collectif, équipement de la maison, souvent du côté de l’Italie où sont à jamais en quête de nouvelles
loisir, culture, etc.. le design radical encore prégnant, façons créatives de construire et
puis le Nouveau Design, s’affirment de renforcer leurs images de marque »1.
Grâce à l’apport de nouvelles toujours sur le mode des avant-gardes. Le marketing prend le pas sur
technologies, les produits manifestent Une posture nouvelle voit le jour le métier de l’ingénieur. La volonté
des innovations d’usage qui facilitent qui aboutit au modèle du designer- n’est plus celle de produire mais
les activités de la vie quotidienne. artiste et qui trouve, un instant, celle de vendre. Et vendre nécessite
Ils ne remplacent pas des produits sa légitimité dans la pensée désormais de travailler les signes
déjà là, mais s’inscrivent dans un postmoderne naissante. qui donnent aux produits leur
processus nouveau d’accumulation : Paradoxalement, alors que cette valeur et leur distinction. Ainsi,
dans l’univers de l’habitat, en profession semble totalement la marque va devenir la principale
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raison d’être de l’entreprise où des images, de leur instantanéité- des cultures, des styles et de l’histoire.
les valeurs émotionnelles qu’elle immédiateté. En lui s’incarne l’idéal Rupture ensuite avec le marché
propose vont se substituer à la valeur moderne de fusionner l’éthique, de l’équipement de l’habitat qui
d’usage. Cette mue se produit dans le technique et l’esthétique. semble désormais proposer des objets
un contexte historique spécifique, Et, en postmoderne il se vit dans les inadaptés, des mobiliers incongrus
celui de l’effondrement des régimes processus de déconstruction et qui encombrent nos espaces
communistes en Europe de l’Est et de jeux sémantiques. Pour redonner du domestiques. Dans les deux cas,
du triomphe du capitalisme libéral. sens au sens, « au supplément de sens elle dénonce leur déconnection d’avec
Ce moment post-moderne, qui remet s’ajoute un détournement de sens » le réel, à la fois dans leur statut, comme
en cause les préceptes qui ont fondé (2). Les marques ne s’y trompent pas de purs signes de distinction sociale,
la modernité, est conséquence de et notamment les marques italiennes vidés de leur fonction, et d’autre part
l’effondrement des idéologies qui qui, les premières, ont compris que dans leur typologie qui se perpétue
marquent le siècle au fer rouge. « la vertu du design Starckien consiste sans tenir compte de nouvelles
Cette disparition des grands récits à amplifier la valeur perçue afin d’en manières d’être et de faire. Elle
universalistes laisse le champ libre augmenter sa valeur économique »2. Si propose de sortir des représentations
à la prolifération de nouvelles fictions Philippe Starck esthétisées, des formes figées.
plus aptes à trouver leur légitimation n’a pas besoin de la galerie c’est que A la manière des anthropologues,
dans des territoires circonscrits. ses objets amènent avec eux, dans il s’agit de revenir à l’observation
Le territoire de la marque en devient votre vie, la valeur et l’espace de des gestes, à ce qu’elle nomme les
un des supports. Un territoire la Galerie. rituels domestiques. C’est cette
d’expression et de différentiation observation des activités d’une
sur la base d’un marché mondialisé, C’est en 1993, chez Thomson communauté d’individus dans ses
où risquent de se confondre Multimédia dont il devient le directeur rapports de singularités et d’échanges,
individuation, subjectivation artistique en Europe, que Philippe au sein d’un espace de vie, qui
et régressions identitaires. Starck va avoir l’opportunité doit guider le concepteur. Il s’agit
de mettre en pratique son savoir-faire d’assujettir les objets aux usages et
Mais ces processus narratifs sont en réorganisant le design. aux pratiques réelles. Ils ne sont plus
également les moteurs créatifs Il crée le Tim Thom. Il ne s’agit plus envisagés dans leur autonomie mais
de la production des designers de de traiter d’une dimension esthétique sont pensés dans un agencement,
la décennie 80. Volontairement de l’objet mais de s’intéresser à sa dans un tout où va naître le sens.
coupés de l’industrie, ils trouvent dimension sémantique. L’ornement,
dans la galerie et les musées des le décor déshabillé dévoile sa Comme Philippe Starck,
lieux propices à la diffusion de leur simplicité archétype. Emergence Matali Crasset fait de sa personne
production. Culture et industrie ne d’un signe dans son expression qui une image. Une marque.
se mélangent pas encore. l’authentifie. Cette approche nouvelle, Mais l’identification s’arrête là.
Seul, à cette époque, un designer qui s’exprime dans la rigueur d’un Alors que Philippe Starck s’est
résiste aux appels de la galerie : grand groupe industriel, aura engagé dans une déconstruction
Philippe Starck. Il est utile de noter une influence décisive sur les designers postmoderne des signes qui codifiaient
que pour toute la génération qui lui en quête de modèle ; et de manière notre environnement matériel tout
succède, sujet de cette exposition, féconde pour Matali Crasset, en conservant l’objet au centre,
il est la référence. Celui à partir qui assure la coordination de cette Matali Crasset s’engage dans leur
duquel on se situe, constitue, définit, structure jusqu’en 1997. désacralisation. Proposant de nouvelles
distingue. Il fait corps avec son temps « On ne peut s’appuyer sur l’esthétique approches méthodologiques, elle
qu’il incarne au point d’en porter des choses. Il faut se méfier de questionne les activités humaines -
les plus extrêmes contradictions, la forme ». Le départ de Matali Crasset en puissance - indépendamment
de les faire cohabiter dans sa manière du Tim Thom marque un tournant des objets déjà là. Ils ne sont plus
d’être et de faire, de dire et de dans l’histoire de cette discipline. Issue le sujet a priori du design mais c’est la
produire. En lui cohabite d’un côté du marketing, Matali Crasset aborde vie qui les déborde et les questionne…,
le designer de la modernité dont l’apprentissage du design sans a priori, et revendique et institue des formes
l’idéal est de travailler au service mais avec une bonne connaissance nouvelles.
du grand nombre dans une démarche de l’entreprise, de ses rouages
éthique et ascétique, jusqu’à et de ses langages. Cette approche
revendiquer sa propre disparition ; singulière l’oriente et l’engage dans MUTATION 2 – LA TRACE
de l’autre, le designer postmoderne, une double rupture. D’abord, avec le Il est intéressant de constater,
exubérant, éclectique, égocentrique, design postmoderniste des années 80 : rétrospectivement, combien
qui se joue des codes, des signes, ce grand mouvement de brassage les divergences de vue entre
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André Hermant, fondateur de la Delo Lindo, Ruedi Baur et Jean Louis la notion d’auteur qui aura prévalu
section Formes Utiles au sein de l’UAM Fréchin, chacun dans leur domaine, depuis le début des années 80.
(1949) et Jacques Viénot, fondateur convergent vers une même analyse. Ce n’est pas le style, ni moins
de l’institut d’esthétique industrielle encore l’inspiration du designer
(1951) se seront soldées, au final, Delo Lindo observe les objets de notre qui produira de la singularité mais
par un paradoxe qui nous renseigne quotidien dans ce que leur forme nous la méthode par laquelle il fera émerger
sur notre présent. Le premier considère dise d’eux. L’archéologue vient épauler une situation réelle, qui, de fait,
que l’enjolivement d’un objet remet l’anthropologue. Delo Lindo, dont produira du singulier. Il s’agit
en cause l’idée que sa forme et le nom signifie en espagnol de confronter l’universalité du concept
sa structure peuvent être dissociées : « terriblement beau », pourrait à l’exemplarité des situations.
« le joli est peut être un signe, il ne aussi se traduire dans la langue du Et dans leur procès de transformation.
peut devenir un but sans être fatal romantisme par sublime. Delo Lindo, La révolution numérique en cours
à son objet » ; le second, qui marquera un nom programmatique pour ce duo a pour effet de modifier le rapport
de son empreinte les débuts et formé à l’école des arts décoratifs, entre l’espace public et l’espace privé.
le développement de l’enseignement qui interroge et l’objet sériel et l’objet Des réseaux et des flux les traversent,
du design en France, considère singulier, et le standard et l’unique, indifféremment.
qu’il faut faire progresser les produits et le commun et le rare, pour saisir
de l’industrie par une meilleure une présence irréductible des Jean-Louis Fréchin nous rappelle
conception formelle, esthétique et puissances et des forces qui le nimbe. que cette révolution est en train
commerciale. Si l’idéal épuré Tenter d’apercevoir les traces d’un de modifier les comportements
et universaliste du mouvement monde qui est le nôtre mais que l’on et les topologies que l’humanité
moderne, qu’incarne André Hermant, ne distinguerait plus. Pour cela, a développés durant toute son histoire,
s’est effondré très tôt dans l’ère Delo Lindo s’immerge dans la le proche, le lointain : c’est un rapport
de l’opulence, sa mise en garde banalité de la production industrielle nouveau aux temps et aux espaces.
en revanche reste juste. Le signe, globalisée, que ce soit dans ses Les designers qui traitent
son excès, a été fatal à l’objet. composants ou dans ses « produits » des technologies du numérique
Plus rien ne distingue aujourd’hui qui remplissent nos rayons de se retrouvent dans la même situation
les objets d’un même type, produits supermarchés. C’est de là qu’il tente que lorsque le Bauhaus, à la fin
dans les mêmes ateliers du monde, d’évaluer l’acte de conception dans de la révolution industrielle, a tenté
avec les mêmes techniques, les mêmes sa capacité à les affecter. Il s’agit de donner du sens aux formes
gestes, les mêmes matières. d’enrayer le devenir marchandisé des techniques de l’époque, vers une
Si ce n’est leur apparence de forme. objets. Le designer s’affirme comme esthétique. Jean-Louis Fréchin
un observateur engagé. Il tente de considère que les défis auxquels
Le débat qui opposait Hermant et formuler ce que sont des qualités, nous sommes confrontés sont
Vienot en leur temps paraît aujourd’hui des manières de façonner des outils du même ordre. Il s’agit de donner
désuet dans ses termes. Mais l’est-il ? pour leur donner corps. une forme à l’économie de l’immatériel
– A quoi bon des formes toujours et de l’information. Une identité.
différentes si cela ne sert qu’à masquer Pour Ruedi Baur, les processus qui Une présence au présent. Il s’agit,
le retour, toujours, d’un même ? – désaffectent les objets désaffectent à travers l’observation des
Quantités, elles révèlent un monde aussi les lieux de vies. L’expansion phénomènes, de réaliser des propriétés
sans qualités. Ce que n’avait pas sans limite des villes génère une en puissance, de les actualiser.
prévu Jacques Vienot, ce sont esthétique de l’interchangeable qui Cette mutation mérite son dessein.
les procès de la production des fait qu’un lieu, qualifié par un nom,
biens qui, un jour, échapperaient propre, n’est plus qu’espace voué Objet, espace, service, trois domaines
à l’entreprise. Et que cette dissociation à une fonction, une commodité. dans la tourmente des mutations
aboutirait à un clivage entre l’objet Ruedi Baur se positionne en que les designers questionnent
et le discours qui le porte. typographe, ce qu’il est effectivement à travers trois catégories :
Une sophistique de la rupture de par sa formation, plutôt qu’en les qualités qui sont dans les choses,
du sens et qui annonce son graphiste. Une manière de dire qu’il les singularités issues des situations
épuisement. Cet épuisement est au travaille sur le support de sens, non et les identités indissociables
cœur même des enjeux théoriques pas celui qui indique la direction mais des phénomènes. Trois termes qui
du Design. Elle est au centre des celui qui produit de la signification. renouent avec le grand projet de
préoccupations de ceux qui cherchent Le signe doit se charger de son la modernité, mais dont l’interaction
à concevoir de nouveaux modes contexte, d’un ici et maintenant, pour corrige les excès universalistes.
autant dans les domaines de l’objet, qu’il acquiert une singularité. Par ce Le design, ici, consiste à construire
de l’espace que du service. postulat Ruedi Baur remet en cause des espaces et des relations pour
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reconfigurer matériellement nulles traces sur eux qui révèlent d’autres préfèrent questionner
et symboliquement le territoire le passage du temps. Au contraire, directement les objets pour leur
du commun. Ce que Jacques une grande partie de l’énergie usage et comment interagissent
Rancière appelle le tournant consommée pour les produire est objets et comportements. C’est
éthique de l’esthétique. Une utopie mobilisée pour assurer leur finition, le cas d’Olivier Gassies qui vérifie
contemporaine modeste. trompe-l’œil d’idéalité. Pour François que la création d’un objet peut être
Azambourg les objets, au contraire, la réponse à une problématique
portent les traces du temps, disent environnementale voire en bon lecteur
MUTATION 3 – L’IMPACT la genèse de leur production. d’André Leroy-Gourhan, à des gestes
Nous vivons le moment historique Par ailleurs, l’invention n’est qui disent la vie. Car il peut orienter
où la question du pourquoi jamais autonome, indépendante des comportements adaptés aux
des objets, de leur production sans de son application. Elle ne peut circonstances. L’objet doit à nouveau
fin, commence à se poser. Chacun se déterminer sans en même temps faire signe.
perçoit les limites de produire toujours déterminer la nature d’un objet.
plus, toujours moins cher. Déjà, Dans cette relation d’interdépendance, C’est ce qu’expérimente, mais à
dans certains secteurs d’activités, objet et invention forment une autre échelle, la cellule design
des pans entiers de la distribution sont un tout indissociable qui donne EDF R&D lorsqu’elle valorise,
mis à mal par cette logique donnée une intelligence et une présence. à travers des objets inscrits dans
pour économique. Si produire répond C’est un processus complexe, notre quotidien, des attitudes plus
à l’injonction de croissance, qui a sa propre logique. Il fait économes, plus vertueuses dans
la croissance ne nous dit pas à quoi système. C’est une économie. leur relation à l’énergie et à
elle obéit. On en constate en tous A travers sa production, François sa consommation. Expérience
cas ses conséquences irréversibles sur Azambourg réfléchit au paradigme d’autant plus intéressante lorsque
l’environnement. La question sur lequel repose la production l’on constate qu’elle se développe
du progrès a été évacuée au profit industrielle. Il considère que face chez l’un des plus gros producteurs
de la performance. Le rêve prométhéen aux enjeux du temps, et notamment mondial d’énergie.
laisse la place au cauchemar de dans la perspective d’un monde
Sisyphe. sans pétrole, l’industrie reste dans C’est ce que proposent, enfin,
l’incapacité de penser une production machin machin lorsque, avec des
« La modernité, dit François économe. dispositifs d’objets qui réinterprètent
Azambourg, ne s’inscrit pas dans des techniques immémoriales,
la tradition. A un moment donné, C’est ce que tente, pour sa part, ils posent des alternatives à des
on doit activer les choses nouvelles François Brument, tout jeune outils technologiques dispendieux,
sur des principes de ruptures. » designer nourrit à la programmation la climatisation par exemple.
Une rupture qui, chez lui, ne se informatique. Relation directe Ainsi le devenir des objets, qui
manifeste ni dans la typologie, entre les outils de conception, reposait en partie sur la certitude
ni dans la forme des objets. de représentation et de fabrication, d’un renouvellement continu
Le propos est ailleurs. Ces principes il explore une mise en équation de la technique, dans un présent
de rupture reposent schématiquement qui se construit autour des sans passé, tend à être remis
sur deux pôles dynamiques, qui technologies numériques : en cause. Les processus de création
en réalité n’en font qu’un : le temps du logiciel de conception jusqu’à à l’œuvre, associés à la pensée
et l’économie. S’il est indéniable l’imprimante 3D. Ainsi, l’impact sur inquiète contemporaine, s’emploient
que l’industrie a fait du temps l’environnement serait réduit à élargir le champ de la connaissance
une préoccupation majeure, au minimum puisque l’objet est en deçà de la « modernité ». La pensée
notamment dans son obsession produit à la commande par une créatrice revendique d’intégrer
de réduire toujours plus la durée imprimante, localisée au plus près sans discrimination, tout autant
de production des objets du client. Le virtuel est ici considéré les techniques et technologies
manufacturés, elle s’est surtout comme un réel en puissance… du temps que celles engrangées
appuyée sur la notion d’espace, en attente de son actualisation durant toute l’histoire humaine.
l’espace géographique de à tout moment et en tous lieux. Mais
la mondialisation, celui des flux ce processus ne nous dit rien sur Fort de ce constat, certains
liés à l’approvisionnement et la légitimité de l’objet ainsi produit. designers n’hésitent plus à parcourir
au marché. Ainsi, hormis les processus des domaines qui jusqu’alors
programmés de l’obsolescence A travers l’intérêt avéré pour certaines ne semblaient pas de leur juridiction.
des objets manufacturés sur lesquels sciences humaines, notamment Ainsi Mathieu Lehanneur constate
reposent nos économies de marché, pour l’anthropologie et l’archéologie, que pour la science moderne
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le corps humain a toujours été du flottant. Il l’incarne dans (1) No logo – Naomi Klein –
Ed. Babel 2000
pensé indépendamment de son un dirigeable portant en son ventre (2) Le Grandesigner –
environnement. Les thérapies sont un hôtel, instrument du nomadisme Benoît Helbrunn - écrits
proposées à des corps segmentés. contemporain. Il lui donne la forme sur Starck – Ed Centre
Pompidou 2003
Or, considérant les effets placébo, d’une imposante baleine qui se
il montre que la situation (physique, déplace silencieusement au-dessus
social, psychologique) agit autant de paysages redevenus vierges.
que la pharmacopée. De plus, Etrange image que celle de cet
les personnes, face à des situations imposant cétacé, reflet d’un monde
identiques, réagissent diversement. marin qui nous renvoie aux origines
Cette constatation est importante de l’humanité, à nous-mêmes.
si on l’applique au champ du design. Jean-Marie Massaud semble établir,
Elle oblige, dans l’élaboration des à travers cette machine métaphorique,
projets, à prendre en considération à un siècle de distance, un dialogue
la diversité des comportements avec Jules Verne qui écrivit
et la complexité des situations. le Roman de la science : remplacer
Elle nécessite de porter, dans le merveilleux des fées par celui
un même mouvement de la pensée, de l’humanité savante. Spécialiste
le collectif dans ses récurrences de la prospective, Jules Verne avait
et l’individu dans ses discontinuités. su distinguer les lignes qui, de
Le design s’inscrit à la fois dans l’histoire du passé, mènent aux choix
des processus d’individuation et de l’avenir. Mais les savants ont-ils
de communauté. mieux enchanté le monde que les fées
A un rationalisme productif à qui ils succédaient ?
et planificateur qui a prévalu
depuis le début de la révolution Michel Bouisson
industrielle jusqu’à nos jours, Extrait du catalogue Paris Design en
cette génération propose mutation / hors série Intramuros, 2009
un rationalisme anthropologique
et programmatique, mieux à même
d’affronter les enjeux des temps :
anthropologique, parce que
les solutions ne sont plus à trouver
seulement du côté d’un technicisme
abstrait mais aussi en convoquant
la totalité de l’expérience humaine
dans toute l’étendue de son histoire
et de ses cultures ; programmatique,
car seule la dynamique du
programme, au sens architectural,
permet de penser et d’exprimer
une complexité réelle.
Dans le domaine culturel, la Fondation EDF Diversiterre soutient des programmes destinés à mettre
en lumière des enjeux de développement durable et les réponses des artistes qui préparent l’avenir,
comme en témoignent les expositions So watt ! du design dans l’énergie ou encore Folies végétales,
Patrick Blanc.
C’est dans cet esprit qu’elle accueillera à l’espace Fondation EDF, à partir du 17 avril, l’exposition
Paris Design en mutation. En mettant en scène les œuvres de designers innovants, la Fondation
souhaite encourager la création et sensibiliser le public aux transformations du cadre de vie.
Paris Design en mutation offre un aperçu de projets étonnants et performants qui ont su allier
esthétique et technologie.
La cellule design de la direction Recherche & Développement d’EDF est elle-même présente au
sein de cette exposition et propose un éclairage sur son programme de recherche « Matérialiser
la consommation énergétique ». Les chercheurs d’EDF apportent ici leur expertise scientifique et
s’associent aux professionnels du design pour valoriser des solutions intelligentes permettant la
réduction d’énergie.
Service de presse
Philippe BOULET
tél. 06 82 28 00 47 / boulet@tgcdn.com