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VaillancourtAudrey E P
VaillancourtAudrey E P
Audrey Vaillancourt
Le présent essai (projet) porte sur la conception d’un quartier mixte d’habitation. C’est une
réflexion et une exploration sur la façon d’habiter. Plus qu’un simple projet d’habitation, il s’agit
d’une proposition d’ensemble, la vision d’une communauté de proximité et d’échanges. Cet essai
(projet) est développé en deux volets. Il propose d’abord d’approfondir les notions du « chez-soi »
et de l’approbation de l’espace présentes dans la vie quotidienne de chaque individu ou ménage.
Plus précisément, l’exploration et la compréhension des liens entre ces notions et l’architecture
permettront de mettre en place un environnement approprié pour l’individu : un quartier d’habitation
mixte où l’usager occupe une place de choix dans un environnement flexible et appropriable. Le
second volet de cet essai (projet) est donc la création, le projet d’aménagement urbain et
d’architecture de ce quartier. La démarche de recherche-création développée ici aspire à créer un
milieu de vie de qualité dans lequel l’individu se sentira chez lui, la planification et l’aménagement
des espaces étant déterminants pour l’équilibre entre l’intimité et l’esprit communautaire de chacun
de nous (Friedman, 2003a).
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ÉQUIPE D’ENCADREMENT
MEMBRES DU JURY
M. Jan-B Zwiejski
Professeur, École d’architecture de l’Université Laval
M. Étienne Bernier
Architecte, Hatem+D Architecture
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AVANT PROPOS
Ayant toujours eu un intérêt particulier pour l’individu dans la société ainsi que pour sa plus simple
demeure, son habitation, cet essai (projet) représente l’aboutissement de mon cheminement
universitaire. La réalisation de celui-ci a été possible grâce au soutien et à l’appui de nombreuses
personnes. J’aimerais, dans un premier temps, remercier mon superviseur, Éric Pelletier, pour son
précieux temps alloué à nos rencontres. Merci pour son aide et ses conseils éclairés tout au long
de cette expérience à la fois stressante, fatigante, mais particulièrement passionnante.
Je tiens également à dire merci à mon entourage, à ma famille et particulièrement à Dany Morency
qui a su être mon pilier moral constant malgré les hauts et les bas de cette expérience importante.
Merci à vous tous de m’avoir aidé à grandir et à m’épanouir en tant que future architecte, mais
également en tant que personne. Au terme de ces cinq dernières années passées à l’école
d’architecture de l’Université Laval, je salue aussi mes collègues et ami(e)s qui ont partagé avec
moi les joies et les moments plus difficiles dans les ateliers de l’École d’architecture du Vieux
Séminaire de Québec. Un merci particulier va à Sophie, Maude, Élyse, Emmanuelle, Marie-
Alexandrine, Claudie et Mélissa pour ces bons moments passés ensemble.
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TABLE DES MATIÈRES
ix
2.3.1 L’espace transitionnel .................................................................................................................. 11
x
5.4.3 La démarche méthodologique...................................................................................................... 35
xi
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LISTE DES FIGURES
Figure 22 : Ambiance place centrale avec fontaines (précédent de YueHawain Com. D.) 43
xiii
Figure 24 : Schéma des pôles urbains 45
xiv
Figure 52 : Élévation de la cour avec matérialité 59
xv
1.0 INTRODUCTION
La société d’aujourd’hui est de plus en plus mobile et changeante, que ce soit par la mobilité des
biens, des humains ou de l’information. À l’opposé, « la grande majorité de l’architecture
occidentale est statique, monofonctionnelle, avec un mobilier et des équipements standardisés »
(Kronenburg, 2007 :16). Les structures des ménages et les besoins des individus changent et se
complexifient. Ne faisons que penser aux familles nucléaires, éclatées, reconstituées ou
monoparentales qui font partie intégrante des réalités nord-américaines actuelles. Ces
changements rapides et inconstants liés au cycle évolutif des ménages et des individus se
transcrivent à l’échelle du bâti résidentiel par de multiples déménagements ou mécontentements. À
cette nouvelle réalité s’ajoute une augmentation considérable du fardeau financier liée à l’accès à
une propriété (Friedman 2003a). Les besoins de personnalisation et d’adaptabilité des espaces,
ainsi que d’accessibilité à la propriété, sont donc grandissants, engendrant par le fait même un
repositionnement des systèmes habitables conventionnels.
Cet essai (projet) tente d’explorer une nouvelle façon d’habiter au Québec, une proposition
pouvant répondre aux besoins des individus et des ménages, ceux-ci étant variés et évoluant
au fil du temps. Plus qu’un simple projet d’immobilier, c’est la vision d’un ensemble, d’une
communauté de proximité et d’échanges : un quartier d’habitation mixte où l’usager occupe
une place de choix dans un environnement flexible et appropriable.
1
variété implique une tout aussi grande diversité du logement et ce, tant pour ce qui est du
coût et de sa dimension que de son type et de son aménagement. » (Friedman, 2003b :
5). Les systèmes conventionnels d’habitation doivent être questionnés par rapport à leur
pertinence dans la société actuelle. En effet, les habitations offertes au Québec sont pour
la plupart rigides et restrictives entraînant des déménagements ou des mécontentements
des usagers. Selon chaque étape de son cycle de vie, l’individu essaie ainsi de trouver
« chaussure à son pied ». Cette diversification des ménages entraîne, par le fait même,
une plus grande diversité des modes de vie, même au sein d’un seul ménage (Friedman,
2003b). Cette impossibilité de prédire comment les habitants utiliseront l’espace est
évidente selon Friedman : il voit les notions de souplesse et d’adaptabilité de la maison
comme solution à cette problématique.
« Nous vivons dans une époque d’excès étonnant, quand avoir et vouloir plus est un
mandat culturel. […] La grande maison ou appartement est la récompense visible pour nos
efforts » (Traduction personnelle de Gauer, 2004 :12). Bien que de plus en plus d’études
ou d’écrits démontrent un besoin de changer et d’évoluer vers une habitation plus
minimale, l’architecture fait face à une culture qui met de l’avant la beauté du « grand ».
Même s’ils peuvent être satisfaits de modestie et de simplicité, les gens ont tendance à
choisir des maisons plus grandes qui sont un fardeau par leur excès et leur complexité
(Gauer, 2004). En effet, même si elles sont de moins en moins accessibles, elles
demeurent, encore aujourd’hui, un symbole de réussite sociale et professionnelle ainsi
qu’un épanouissement personnel. Cette quête, selon laquelle la qualité d’un espace
s’évalue selon sa richesse matérielle et sa taille, mène à un fardeau financier qui réduit la
qualité de vie des individus et des ménages. Pour de nombreux québécois, le coût des
maisons est l’obstacle le plus important à l’accession à la propriété et celles-ci deviennent
de plus en plus inabordables pour une grande partie de la population (Friedman, 2003b).
Les paiements de ces grandes maisons représentant souvent entre 30% et 40% des
revenus du ménage, cela oblige ceux-ci à se priver d’autres choses et à être endettés
sans aucun pouvoir financier ni épargne possible (Gauer, 2004).
2
1.2.3 Hypothèse
Devant cette culture bien présente dans la société actuelle et la rigidité du système
résidentiel conventionnel, plusieurs solutions peuvent être envisagées. Comment
l’architecture et l’aménagement urbain peuvent-ils créer un sentiment d’appartenance, un
« chez-soi » aux individus et aux ménages, par la création d’un milieu de vie de qualité, un
nouveau quartier mixte? En s’intéressant aux différentes notions de la flexibilité spatiale et
de l’appropriation de l’espace par l’individu, cet essai (projet) a pour objectif de proposer
un milieu de vie sain qui mise sur la qualité plutôt que la quantité, et ce à travers une
architecture adaptable et appropriable, ainsi que par la recherche d’un équilibre entre les
besoins d’intimité et de sociabilité de chaque individu. Plutôt que de forcer l’humain à
s’ajuster à un espace inapproprié pour lui, ce projet veut que l’espace s’adapte à son
occupant en fonction de ses besoins, de sa personnalité et de ses désirs. Ces espaces
adaptables, transformables, appropriables et interactifs pouvant évoluer et être modulés
au fil du temps au cœur d’une société en mouvement constant. Plus concrètement, cet
essai (projet) tente de définir la flexibilité et l’appropriation de l’espace à différentes
échelles et de l’appliquer dans une nouvelle image de quartier mixte, dans une recherche
de qualité de vie.
3
2.0 LE « CHEZ-SOI » : ENTRE SOCIABILITÉ ET INTIMITÉ
2.1 La sociabilité
L’être humain est un être sociable qui a un besoin primaire d’échanger et d’être avec les autres
(Thibault, 2009). Bien que l’individu ait un besoin de sociabilité, celui-ci est directement relié
avec les besoins d’intimité, tous deux faisant partie intégrante des comportements de chaque
individu. Le langage de l’espace, exploré par Lawson (2001), permet à la fois d’exprimer notre
solidarité et notre individualité, l’architecture ayant le pouvoir de créer des occasions, pour les
occupants d’un lieu, de rencontrer, d’interagir et d’échanger. Ce sont ces échanges qui
viennent créer, selon lui, un sentiment de communauté, d’appropriation à un groupe. La
sociabilité ne venant jamais seule sans l’intimité, cet équilibre peut donc être développé sous
divers angles à travers l’aménagement urbain et l’architecture. Cet essai (projet) se concentre
sur les relations humaines et la notion de distance, ainsi que sur le pouvoir de l’aménagement
comme catalyseur de sociabilité.
« La distance est critique et cruciale, car elle détermine comment nous allons interagir »
(Traduction personnelle de Lawson, 2001 : 110). La notion de distance introduite ici par
Lawson est fondamentale dans la compréhension de la sociabilité des espaces, et ce,
autant dans le domaine de la sociabilité privée que publique. Un quartier étant un lieu de
sociabilité dans lequel on a de multiples occasions de rencontrer des visages connus et
d’échanger, c’est cette interaction qui donne le sentiment d’appartenir à une communauté
(Bernard, 1993). Hall (1971) accorde lui aussi une grande importance à la distance dans le
langage de l’espace. Il définit la notion de celle-ci selon quatre thèmes : la distance intime, la
distance personnelle, la distance sociale et la distance publique. Le croquis de Lawson 2001
(figure 2) permet d’illustrer ces différentes distances entre les individus et les interrelations
entre celles-ci.
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Figure 1 : Échelle des distances. Source : Lawson (2001 :115)
Cette analyse des distances permet de créer des interactions à différents niveaux dans
l’espace et d’arriver à un équilibre entre les besoins de sociabiliser et de se retirer des
individus de la société. Hall (1971) analyse également ces distances avec son principe de
« proxémie » qui représente selon lui la distance physique qui s’établit entre des personnes
prises dans des interactions. De ces notions diverses par rapport à la distance découle
l’espace de proximité : « le bon espace de proximité est celui où on peut se tenir un
moment, se reposer et choisir de mettre une distance entre les autres et soi » (Harle, 1993 :
409). Toujours selon Harle (1993), les abords du logement sont l’espace premier de la
socialisation, celui où prennent forme et commencent les relations de voisinage et
l’interaction entre les individus. L’espace public de proximité venant ensuite stimuler de
nouveaux comportements entre chez-soi et le travail, entre le privé et le public.
Les espaces publics sont considérés comme des lieux importants pour la sociabilité et
l’identité d’une communauté ou d’un quartier. Le fait de passer du temps sur la terrasse d’un
café ou de déambuler le long d’une rue commerciale est plus qu’une distraction plaisante.
En effet, selon la psychothérapeute Joanna Poppink, c’est un élément nécessaire à une vie
urbaine saine, car ces activités engendrent des rencontres fortuites avec les gens du
voisinage, qui ne sont souvent pas du tout un groupe de gens homogène. Les espaces
publics affirment une centralité dans leur milieu et deviennent un point de référence dans
l’environnement immédiat. Étant donné que la perception que l’individu se fait de l’espace
est centrée sur lui-même, cette notion de centre peut être étendue et externalisée. Celui-ci
5
comprend donc son environnement comme une hiérarchie de centres qui se superposent et
s’entrecroisent, allant du monde urbain jusqu’à la maison. « C’est la conception, la définition
physique ou le renforcement de ces centres, qui est au cœur des disciplines de
l’architecture, du design et de la planification urbaine » (Moughtin, 2003 : 89).
Figure 2 : Illustration des rôles de caractérisation des situations spatiales : confrontation, collaboration, conversation, coexistence.
Source : Lawson (2001 :141)
Figure 3 : Illustration des concepts sociofuge et sociopète : exemple du parc Güell conçu par Gaudi.
Source : Lawson (2001 :142)
7
principes d’aménagement sont acteurs de sociabilité mais également d’intimité, l’équilibre
étant nécessaire pour la qualité de vie des individus et des ménages.
2.2 L’intimité
L’habitat demande un équilibre complexe entre le besoin de communiquer avec les autres et
le besoin de s’en protéger (Bernard, 1993). Toujours selon Bernard (1993), l’intimité est un
besoin fondamental, le besoin de posséder un espace privé, que l’homme éprouve
temporairement et de manière plus ou moins forte selon sa nécessité de prendre des
distances avec les autres ou de couper la relation avec l’environnement physique et social.
Serfaty-Garzon (1999 :25) vient confirmer cette coupure en décrivant les « expressions de
l’intime » comme « se dérober au regard et au toucher d’autrui, constituer autour de soi un
territoire exclusivement personnel, séparer son corps de celui des autres ». Elle vient
également ajouter le fait que les besoins d’intimité se retrouvent autant dans la sphère
publique qu’à l’intérieur de l’habitat lui-même. Altman (1975), en se basant sur l’analyse de
différents auteurs tels que Rappoport et Westin, définit l’intimité comme étant le contrôle
sélectif de l’accès à l’individu ou à un petit groupe permettant ainsi d’organiser, selon les
désirs de chacun, les interactions avec les autres.
À travers ces différentes définitions, il est possible de remarquer que des dimensions sont à
privilégier lorsqu’on tente de procurer l’intimité : le contrôle, l’appropriation et la notion de
territoire.
La notion de contrôle est une dimension importante qui permet de lier l’architecture et
l’intimité. La définition d’Altman (1975) plus haut démontre que cette dimension est une
partie prenante dans la compréhension globale de l’intimité. Bernard (1993) abonde dans
le même sens en voyant le contrôle comme un élément déterminant dans le sentiment de
possession d’un espace privé. L’architecture est très importante dans la notion du contrôle
de l’espace car elle peut faire intervenir différents éléments de l’environnement bâti, par
exemple en travaillant les éléments architecturaux tels que le mur, la porte ou la fenêtre.
8
Bernard (1993) introduit ces éléments comme des façons de contrôler la relation entre
l’espace privé et le monde extérieur, et ce à différents niveaux. Le mur est alors une
barrière physique qui transforme l’habitation en une limite en soi, en un univers borné
(Serfaty-Garzon, 1999). Bernard (1993) et Lawson (2001) suggèrent que la fenêtre a une
place importante dans l’intimité des gens. Les fenêtres « mettent l’individu à l’abri […] tout
en lui ménageant un accès visuel sur l’extérieur » (Bernard, 1993 :369). Elle devient
élément de perméabilité à l’intérieur de la rigidité des murs (Thibault, 2009). La fenêtre sert
donc à contrôler l’environnement, tout en donnant un sentiment de sécurité, et ce, selon la
nature des pièces. Finalement, Serfaty-Garzon (1999 : 78) introduit la porte dans la notion
de contrôle de l’espace et de limite en citant les paroles de Simmel :
« La porte se fait côtoyer le limité et l’illimité, mais pas sous forme morte,
géométrique d’une simple cloison. Il y a au contraire possibilité d’échange
constant […] les frontières (que l’homme) se fixe ne trouvent leur sens et leur
dignité que grâce au symbole que représente la mobilité de la porte, grâce à la
possibilité d’échapper à tout instant à cette limitation ».
Pour traiter l’intimité, il est impératif de glisser un mot sur la notion de territoire et de
possession de l’espace. Altman (1975) parle du comportement territorial des individus
comme une sorte de mécanisme utilisé pour atteindre un niveau d’intimité désiré. Ce
comportement se définissant par la personnalisation ainsi que le marquage d’un territoire
ou d’un/des objets se référant au sentiment de propriété. Pour Lawson (2001), la
territorialité n’est pas seulement lié à un espace donné, une propriété, mais évoque aussi
un phénomène social. Segaud (2010), de son côté, introduit la notion de frontière entre les
territoires individuels. Ainsi, chacun essaie de créer ses propres frontières plus ou moins
rigides afin de subvenir à ses besoins de possession et d’intimité. La territorialité est donc
directement liée avec les notions de contrôle et d’appropriation. Chaque individu trouve
donc son équilibre entre l’intimité et la sociabilité à travers un jeu entre le contrôle de son
espace et son appropriation de celui-ci à travers l’établissement de limites et de frontières
sur son territoire.
10
2.3 Vers un « chez-soi » flexible et appropriable : les espaces de transition
« L’intimité c’est se sentir chez soi » (Bernard, 1993 :367). L’équilibre entre les besoins de
socialisation et d’intimité des individus se retrouve dans la notion du « chez-soi », celui-ci se
situant entre le lieu et l’identité. « Le chez-soi est la demeure, le foyer, l’abri, le lieu de l’intime.
Il est à la fois l’objet, l’endroit bâti et l’expérience du lieu que cet objet fonde » (Serfaty-
Garzon, 1999). Le sentiment d’être chez soi est d’abord vécu dans l’espace du logement mais
peut être également ressenti dans un espace public, un quartier ou encore dans une ville ou
un pays lorsqu’on en est éloigné (Bernard, 1993). Serfaty-Garzon (1999) évoque l’importance
du chez-soi dans l’équilibre de l’individu lorsqu’elle le voit comme l’ancrage, la stabilité qui
permet d’aller au dehors, vers le monde. Le chez-soi est le sentiment d’adéquation de la
personne à sa maison. C’est cet espace qu’on peut revendiquer comme le sien propre, celui
qui permet de se construire une image vis-à-vis des autres et de soi-même, car sa maison,
son quartier et son style d’habitation donnent une position identifiable dans la société
(Maugard et Cuisinier, 2010).
« L’architecture apparaît comme une mise en ordre de l’espace, pour le rendre à la fois
compréhensible et maîtrisable » (David, 2003). C’est la relativité des espaces intérieurs et
extérieurs qui vient renforcer à la fois l’appropriation de l’environnement et le sens de
l’intimité (Moley, 2006). Afin de trouver son équilibre entre sociabilité et intimité, l’individu
doit pouvoir traiter les frontières entre le privé et le public. L’espace architectural a donc un
caractère transitionnel qui permet d’aller d’une étape à une autre. C’est le passage obligé
de l’espace personnel à l’espace social (David, 2003 : 143). L’espace intermédiaire naît de
l’inévitable dualité entre l’intérieur et l’extérieur, engendrés par n’importe quel point de
rencontre ou limite entre deux environnements (Ballesteros cité par Gausa, 2003).
Certaines zones telles que les porches, les terrasses, les balcons et les seuils semblent
spécialement affectées à cette fonction. L’optimisation de ces éléments transitionnels
permet l’harmonie, l’équilibre entre les besoins d’intimité et de sociabilité des individus et
des ménages. Ceux-ci sont donc des endroits où l’usager a le choix et dans lesquels il peu
créer une distance entre les autres et lui-même. Ces espaces doivent avoir le pouvoir de
11
proposer une diversité et une variation d’émotions et d’expériences (Harle, 1993). Il s’agit
de traiter les notions de passage progressif de l’échelle urbaine à l’échelle domestique et
de créer des séquences enchaînées et hiérarchisées menant peu à peu de l’extérieur à
l’intérieur, ou l’inverse (Moley, 2006).
David (2003) voit l’espace transitionnel comme un élément donnant l’accès, lorsqu’on y
pénètre, à des figures sans cesse nouvelles qui se développent selon la progression de
l’individu dans l’espace architectural. Cette progression à dimensions multiples ne devant
pas avoir de limite préétablie. Tous ces espaces d’entre-deux, de chevauchements ou
d’interpénétrations, permettent l’intimité et la sociabilité, et ce, autant par le contrôle,
l’appropriation de l’espace ou les notions de frontière et de limite. Cette large catégorie
d’espaces transitionnels peut se diviser en deux selon Harle (1993), soit les espaces
d’approches et les espaces de prolongements. L’échelle apparaît comme un facteur relatif
dans la définition des espaces architecturaux. Une diminution d’échelle représentant pour
l’individu une augmentation de son pouvoir personnel. Cet effet sécurisant peut souvent
être ressentis dans l’espace architectural de l’édifice par rapport à l’espace urbain (David,
2003).
Selon Bachelard, il existe chez l’individu une quatrième dimension qui est celle de
l’intimité. Cette dimension de l’architecture permet de distinguer le dedans du dehors.
« L’architecture commence par poser les limites qui séparent un espace clos d’un espace
ouvert. Entre les deux il existe un faisceau de rapports fonctionnels de nature duale :
séparation/liaison, différenciation/transition, interruption/continuité, frontière/passage »
(David, 2003 : 158). En lien avec cette notion de limite, David (2003) vient définir le seuil
comme une zone d’une nature particulière ayant des habits multiples (marches, perrons,
avant-toits, portails, porches, terrasses, balcons, fenêtres, etc.) qui partagent la même
fonction essentielle de contrôler le passage à travers la limite. L’individu peut ainsi y
décider des éléments permis et ceux interdits en ayant une fonction de filtrage. Le seuil
apparaît plus comme un dispositif psychologique qu’architectural.
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La différenciation entre les espaces dynamiques et statiques est également primordiale
dans la définition de l’espace architectural transitionnel. « Un espace n’est pas dynamique
ou statique par ses qualités propres mais par celles que nous voulons bien lui conférer »
(David, 2003 : 185). Deux caractères semblent donc jouer un rôle sur les qualités
perceptibles d’un espace soit le confinement et les proportions. La verticalité apparaît donc
comme la dimension dynamique représentant la découverte et le mouvement, tandis que
l’horizontalité est plus liée au caractère statique par ses notions de sécurité et de réconfort
(David, 2003). L’espace transitionnel est donc un espace où l’on s’arrête un peu pour
s’acclimater aux conditions nouvelles de l’espace qu’on prévoit pénétrer. Il est également
un lieu où on ressent le temps et il apparait dynamique en ce sens qu’il ne se contente pas
de susciter le déplacement des sujets qui les franchissent mais qu’il manifeste lui-même
une mobilité quasi-permanente, au gré de son environnement physique et sociologique
(David, 2003). Le balcon, pour sa part, représente le prolongement de l’espace intérieur,
mais confère à l’individu une notion d’intimité et de contrôle différente de la terrasse au
sol. Il devient poste d’observation sur les autres ce qui manifeste une position dominante à
l’observateur. La terrasse quant à elle est l’introduction au monde de la liberté, le
prolongement de la salle de séjour qui se fait emporté à l’extérieur (David, 2003). La
séparation par une grande paroi vitrée permettant ainsi d’unifier l’espace de vie intérieur
de celui extérieur plus que les diviser.
Définir les différents espaces transitionnels permet de mieux comprendre et interpréter leur
importance relative les uns par rapports aux autres et ainsi de pouvoir mettre en place une
hiérarchie polyvalente des espaces permettant à l’individu et au ménage de le moduler
selon ses besoins et envies. Faire cohabiter les lieux de sociabilité avec ceux d’intimité par
l’utilisation de ce type d’espace permet ainsi la flexibilité d’utilisation et met donc de l’avant
la qualité de vie des individus.
13
14
3.0 LA FLEXIBILITÉ ET L’ADAPTABILITÉ
La flexibilité et l’adaptabilité sont des notions souvent présentes dans le discours architectural.
Elles peuvent cependant avoir plusieurs significations. Même si ces notions partagent des bases
communes, il est important de les distinguer. La flexibilité, dans un premier temps, suggère la
qualité de quelque chose qui peut s’adapter aux circonstances; c’est l’aptitude d’un espace à se
plier à une utilisation évolutive ou différente. L’espace physique flexible a donc la capacité d’être
altéré au fil du temps. Selon Steven Groak (1992), plusieurs échelles de flexibilité existent. Ainsi,
elle permet la juxtaposition d’espaces pouvant s’étendre les uns dans les autres, sortant de leur
cadre initial (Groak, 1992). Il introduit également la différenciation entre la flexibilité et l’adaptabilité
en voyant cette dernière comme la capacité d’un espace à être aménagé de plusieurs façons. Il
s’agit donc plus d’une polyvalence à l’intérieur de cadres rigides. Ces changements peuvent être
tantôt externes, tantôt internes, temporaires ou permanents, toujours au choix de l’usager qui
contrôle son environnement (Barabé-Pépin, 2010). Un habitat flexible peut donc également être
adaptable.
15
définissent l’espace public flexible plutôt que des environnements individuels. La flexibilité des
espaces est donc un élément important dans l’aménagement, car elle favorise une plus grande
variété de comportements sociaux, créant ainsi des espaces qui répondent aux besoins d’une
plus grande clientèle (Lawson, 2001).
« Le lieu de rencontre étant la quintessence de l’espace flexible. Il doit satisfaire aux besoins
multiples des usagers […] Une place de ville peut servir de parc de stationnement pendant la
semaine, de marché le samedi, d’emplacement pour un concert public le dimanche […] C’est
un espace adaptable, dont les limites sont bien définies, mais d’accès néanmoins ouvert. »
(Kronenburg 2007 : 58)
Comme il a été défini plus haut, la flexibilité c’est la capacité de s’adapter, de se transformer et
d’évoluer afin de répondre aux besoins des usagers : « L’architecture flexible s’adapte au lieu
de stagner, se transforme plutôt qu’elle ne limite, est motrice plutôt que statique, interagit avec
ses utilisateurs au lieu de les restreindre à une utilisation prédéfinie » (Kronenburg, 2007 : 11).
Plus à l’échelle de l’architecture de l’habitation et de sa parcelle, la flexibilité est une notion tout
aussi importante que pour les espaces publics; le contexte de la société actuelle et les besoins
changeants engendrent la nécessité de créer des systèmes habitables facilement
assemblables et modifiables. Une habitation flexible, c’est une habitation qui s’adapte aux
besoins humains et aux changements personnels, pratiques ou technologiques (Barabé-Pépin,
2010). Cette flexibilité est donc autant spatiale, perceptuelle que matérielle et optimise
l’habitabilité de la parcelle : « peut-être un bâtiment qui répond à vos besoins individuels au
moment présent, mais que vous pouvez investir au cours de votre vie pour ensuite le diviser à
vos enfants pour qu’ils puissent avoir chacun un habitat de départ lorsqu’ils en auront besoin »
(Kronenburg, 2007 :11). En se basant sur les analyses de ce dernier auteur, cet essai (projet)
se concentre sur les capacités de transformation et d’évolution de l’architecture flexible.
16
3.2.1 Capacité de transformation
Figure 4 : « The Drop House », précédent démontrant la capacité de transformation de l’architecture (Source :
http://d3architectes.fr/drophouse01.htm).
17
Ainsi, cuisine, salle de bain, espace d’entrée et chambre sont des modules qui s’ouvre une
fois l’habitation implantée sur le sol. L’occupant peut donc moduler l’espace selon ses
besoins et ses envies. Il peut ainsi jouer avec son degré d’intimité ou de transparence ou
complètement fermer la résidence pour des absences plus longues. Le plan et les images
en annexe démontrent la capacité de transformation et la possibilité d’appropriation de
cette résidence par l’individu. Cette action physique simple de pouvoir transformer son
habitat peut non seulement modifier l’espace, mais aussi intensifier la relation de l’usager
avec le bâtiment et son environnement changeant (Kronenburg, 2007).
18
3.3 L’adaptabilité des espaces intérieurs
« Il semble que dans la société post-moderne ce sont moins les caractéristiques du logement
comme forme construite qui ont de l’importance, mais plutôt la manière dont les sujets
prennent la liberté de l’aménager » (Bernard, 1993 : 370). La capacité d’adaptation des
habitations est donc primordiale lors de la conception. Brown (2005) abonde dans ce sens en
introduisant que le petit « plus » d’une habitation sans compromis est la possibilité d’adapter la
superficie du logement en fonction de ses besoins. « Concevoir une architecture adaptable,
c’est reconnaître que l’avenir n’est pas défini, que le changement est inévitable, mais qu’un
cadre est un élément important pour permettre à ce changement d’advenir » (Kronenburg,
2010 : 115). Un édifice adaptable est donc celui qui sait répondre à différentes fonctions,
modes d’usage et exigences des usagers. Kronenburg introduit également les notions de
l’« open building » comme moyen de faire une architecture souple qui peut s’ajuster. Ce
concept, introduit initialement par Habraken (1976), est une méthode de conception qui
combine adaptabilité et répétition par l’élaboration de principes de planification selon lesquels
on retrouve une flexibilité de configuration des espaces intérieurs tout en conservant une
structure constante (Friedman, 2003a). Ces stratégies d’aménagement proposent que l’espace
s’adapte à l’occupant, cela permettant à celui-ci de marquer son individualité et de s’approprier
son « chez-soi ». Certaines dimensions de l’adaptabilité sont mises de l’avant dans cet essai
(projet) soit la multifonctionnalité et l’interaction des espaces intérieurs, et ce, par l’utilisation
d’un mobilier intégré flexible, de cloisons amovibles et d’espaces en formule aire ouverte dans
les habitations.
3.3.1 La multifonctionnalité
Tel qu’il a été introduit plus haut par Kronenburg (2010) et Friedman (2003A), les concepts
d’ « open building » mettent de l’avant une multifonctionnalité des espaces. « Chaque
espace dans un petit logement doit gagner sa superficie en jouant plusieurs rôles »
(Traduction personnelle de Gauer, 2004 : 160). Toujours selon Gauer, les notions de
« plan libre » ou d’ « open building » sont directement liées avec la multifonctionnalité car
offrant plusieurs façons d’obtenir le maximum fonctionnel de l’espace minimal : «c’est une
19
opportunité de faire plus avec moins » (Gauer, 2004 : 163). Comme espace limité vient
souvent de pair avec compromis, la multifonctionnalité permet une flexibilité du lieu qui
réduit ces compromis par une meilleure optimisation de l’espace le rendant plus habitable
et confortable pour l’occupant. Brown (2005) dans son ouvrage « The very small home »
introduit de nombreuses solutions efficaces aux petits espaces en intégrant des fonctions
« tiroirs » ou en utilisant des cloisons amovibles. Ces différentes options permettent de
créer une intimité lorsque nécessaire en fermant temporairement des espaces ouverts.
L’itHouse conçue par Taalman Koch Architecture est une illustration de la flexibilité du lieu
par la multifonctionnalité.
En effet, il s’agit d’un intérieur flexible dans une structure rigide et constante. Des mobiliers
intégrés en bloc sont ainsi insérables pour organiser l’espace et des systèmes de couches
filtres pour l’intimité peuvent être ajoutées et déplacées sur les parois vitrées selon les
besoins des occupants.
20
3.3.2 L’interaction : entre transparence et hiérarchie
21
22
4.0 L’ESSAI EN RÉSUMÉ : LA CARTE DES CONCEPTS
23
24
5.0 INTIMITÉ À PROXIMITÉ : LE PROJET
Cet essai (projet) comprend plusieurs échelles et s’appuie sur divers précédents de projets
faits au Québec et à l’international afin d’élaborer un programme final réaliste et approprié aux
besoins du site d’implantation du projet. Le présent projet mise sur des espaces individuels
minimaux au profit de grands espaces communs, et ce, à toutes les échelles en se basant sur
les notions de ville durable de Maugard & Cuisinier (2010). Il se composera de :
Place publique centrale interactive (pouvant accueillir spectacles, marchés, festivals, etc.);
Commerces accessibles (épicerie, restaurants, cafés, boulangerie, dépanneur, garderie,
etc.);
Pôle de transport en commun et gare intermodale;
Espaces à bureaux;
Grands espaces verts avec jeux d’enfants multifonctionnels et flexibles;
Parcs;
Espaces de jeux d’eaux et bassin de rétention;
Piscines publiques intérieures et extérieures;
25
Espaces locatifs communautaires;
Centre récréatif
En s’appuyant sur le cadre théorique discuté et élaboré plus haut et la mission du projet, cet
essai (projet) sera basé sur des objectifs de design qui guideront le développement de
chacune des étapes de réalisation de celui-ci. Ces objectifs d’avant-projet permettent de fixer
les bases et les volontés qui permettront d’intégrer les notions théoriques au projet final, et ce
à toutes les échelles de celui-ci. Le projet se transcrit à travers trois échelles distinctes mais
complémentaires passant de l’échelle urbaine à l’échelle de l’individu et de son « chez-soi ».
C’est à travers la mise en pratique du cadre théorique élaboré dans la première section et
l’interaction constante entre les différentes échelles que cet essai (projet) prend place.
[1] Créer des espaces publics flexibles et stimulants pour les habitants par la perméabilité
et l’interaction.
Afin de créer un esprit de communauté fort, cet essai (projet) mise sur une mixité autant
fonctionnelle que sociale, et ce à différentes échelles. En se basant sur les notions
introduites par Friedman (2003a et 2003b), l’ensemble de la communauté s’inspire des
habitations étroites et rapprochées, d’une organisation autour de noyaux commerciaux et
des transports en commun, d’une mixité sociale et fonctionnelle, d’une variété de
possibilités d’habitations, des nombreux espaces communs et d’un environnement où les
résidents sont indépendants de l’automobile. Pour créer une mixité sociale, plusieurs
typologies d’habitation sont donc proposées et la distribution de ces typologies et fonctions
se fait selon une densité décroissante à partir du centre vers les extrémités. « Les
nouvelles communautés doivent offrir […] un environnement qui rejoint leurs préférences
et qui leur apporte des avantages significatifs pour compenser la densité plus élevée »
(Friedman, 2003a :2). Le nouveau quartier de cet essai (projet) se base sur les stratégies
de ce dernier pour la densification des nouvelles communautés :
27
5.3.2 Échelle « méso » : la collectivité et l’échelle humaine
Le développement des typologies d’habitations de cet essai (projet) est fait dans un souci
d’unité visuelle et identifiable de la communauté. Avec l’élaboration d’une architecture
flexible et adaptable, l’occupant peut choisir et transformer son habitation selon son
parcours, son cycle de vie. Des options de superficies et de composants permettront de
répondre aux besoins autant spatiaux qu’économiques des différents types de ménages et
ce toujours dans une volonté de ne pas interférer avec l’unité visuelle de la communauté.
Ainsi, des configurations et hauteurs moins contrastantes entre les différentes typologies
assurent une plus grande harmonie. De plus, la conception de modules est faite mettant
de l’avant un système de proportions entre les vides et les pleins, la transparence et
l’opacité. Finalement, un traitement avec la matérialité vient lier la communauté en lui
donnant une unité visuelle collective à laquelle les occupants s’associeront.
[3] Réinterpréter la notion de cour arrière pour créer une diversité d’espaces privés et
semi-privés appropriables par l’individu et les ménages
Afin de permettre à chacun de trouver son « chez-soi », son équilibre, une diversité
d’espaces sont développés dans cet essai (projet) permettant ainsi des lieux d’échanges
28
et de proximité. Une cour arrière privée est quand même toujours traitée pour les
différentes variétés d’habitations afin de permettre à l’occupant de se sentir chez lui. Des
espaces de transition divers sont également mis en place afin que l’individu puisse
s’approprier son espace, que ce soit du côté de la cour et des espaces semi-privés que de
l’espace d’interstice entre les habitations. Plusieurs espaces de prolongements de l’habitat
sont donc développés pour que l’occupant puisse moduler ses besoins d’intimité et de
sociabilité. Il peut ainsi contrôler son environnement extérieur immédiat.
[1] Créer une augmentation de la qualité de vie des occupants par la proposition d’une
variété de typologies d’habitations flexibles et appropriables par l’individu ou le ménage.
Cet essai (projet) propose une variété de typologies d’habitations allant de la maison
unifamiliale aux petits édifices locatifs permettant de répondre à la diversité des ménages,
des budgets et des besoins. Ces habitations sont basées sur les principes de flexibilité et
d’appropriation de l’espace afin de donner l’autonomie à l’occupant de faire évoluer sa
maison avec lui selon ses besoins et usages. De plus, le développement de plusieurs
typologies unifamiliales permet d’explorer les notions d’intimité et de maximisation de
l’espace intérieur, et ce, afin de proposer une diversité pour les individus et les ménages.
[2] Aménager l’espace de l’habitat pour créer un équilibre entre les besoins d’intimité et de
sociabilité des occupants par une hiérarchisation des espaces et l’élaboration d’espaces
multifonctionnels et modulables.
Les notions d’espace de transition entre le privé et le public, décrites plus tôt, sont
intégrées à la conception des typologies d’habitations. Plusieurs systèmes sont donc
développés afin que l’occupant puisse contrôler son environnement (ouverture et
fermeture de pièces, contrôle de la transparence et de la fenestration, etc.). Il peut
également s’approprier son espace intérieur en le transformant selon ses besoins et
usages grâce à une conception priorisant l’adaptabilité des espaces et la
multifonctionnalité. Afin de pousser les notions d’intimité de l’habitat plus loin, une réflexion
sur les hauteurs de planchers intérieurs et extérieurs est faite à travers le développement à
cette échelle de l’essai (projet).
29
5.4 Mise en contexte et site d’implantation
Étant donné la nature et les objectifs du projet, plusieurs sites potentiels ont été envisagés.
Une analyse des sites éventuels et le choix final a été fait en coordination avec le
directeur/superviseur de ce projet. Le site d’implantation choisi est situé au coin du boulevard
d’Estimauville et du boulevard Saint-Anne. Ce site est au cœur du Programme Particulier
d’Urbanisme de la Ville de Québec prévu pour le secteur d’Estimauville.
Le projet proposé s’implante précisément à l’endroit même où est prévu un quartier résidentiel
et se veut une alternative à celui-ci. Il s’agit donc du site prévu pour la phase 1 du projet d’éco
quartier proposé par la Ville de Québec et en cours de développement par LeBoeuf Société
Immobilière, mais auquel est ajouté le terrain de l’entrepôt Caron & Guay (figure 7). Dans le
cadre de cet essai (projet), ce dernier terrain est inclus pour améliorer la connexion avec les
quartiers existants et unifier le tissu urbain. La relocalisation de cet entrepôt dans un secteur
plus approprié à son usage est ici suggérée. Central dans le plan d’ensemble du PPU du
secteur d’Estimauville, ce site offre plusieurs opportunités s’avérant pertinentes pour le
30
développement de cet essai (projet). Étant donné sa localisation et la restructuration du
secteur prévue, ce site semble pertinent pour la mise en pratique du cadre théorique
développé plus tôt. Le présent projet questionne donc le plan d’ensemble de cette phase,
reprend plusieurs principes de base du PPU et y intègre les objectifs et enjeux visés par le
cadre théorique* .
Cet essai (projet) s’appuie donc sur la vision globale du PPU ainsi que sur l’analyse du site
et du secteur afin de développer un projet qui fait une mise en application des principes
théoriques présentés sur le site d’implantation de l’éco quartier prévu.
32
Réseaux de transport en commun existants
Il s’agit d’un secteur bien desservi par le
transport en commun. Plusieurs parcours
(métrobus, expres et réguliers) sont présents
et le terminus Beauport est à proximité. Par
contre, les installations pour les usagers sont
déficientes et réduisent le confort des
Figure 10 : Réseaux de transport en commun existants
(Source : Ville de Québec – PPU).
utilisateurs (peu d’abris, pas de mobilier
urbain, etc.)
33
5.4.2 Préférences résidentielles de la population : élaboration du projet
34
5.4.3 La démarche méthodologique
Cet essai (projet) s’inscrit dans une démarche particulière comprenant plusieurs échelles
telles que le quartier et des espaces communs, l’architecture de l’habitation et
l’implantation sur la parcelle ainsi que l’aménagement intérieur. Se basant sur les enjeux
développés dans le cadre théorique, il s’agit, dans un premier temps, d’une démarche
d’élaboration de propositions d’aménagement urbain. Celle-ci sera basée sur des analyses
de précédents et des études de cas de quartiers ou communautés de même échelle ou
ayant un programme similaire. Il est certain qu’à cette étape l’utilisation de croquis sera
mise de l’avant afin de concevoir la ligne directrice du projet. Ces propositions et croquis
de recherche d’ambiances seront fondés sur une analyse de site et de sa connexion avec
les environs (typologies du bâti, transports en communs, PPU de la ville de Québec, etc.)
ainsi que d’une évaluation des parcours des usagers dans le quartier du site en question.
Cette démarche permettra d’implanter la communauté sur des bases solides dans un souci
constant de connexion avec la ville et les abords du site. L’établissement de parcelles
types d’implantation pour le bâti résidentiel, ainsi qu’une proposition du positionnement des
différentes typologies d’habitations, seront développées en même temps que
l’aménagement urbain global du quartier. La démarche de développement des unités
d’habitation se développera quant à elle beaucoup avec l’utilisation des maquettes et de
modélisations virtuelles afin de tester toutes les opportunités que peuvent proposer les
typologies d’habitations. L’aménagement intérieur sera conçu en dialogue constant avec
les unités dans leur ensemble, l’un n’allant pas sans l’autre. Il est certain qu’à la plus petite
échelle, les modélisations virtuelles et les croquis seront mis de l’avant pour comprendre et
bien ressentir les ambiances.
Cet essai (projet) applique donc les principes de flexibilité et d’adaptabilité, ainsi que les
notions du « chez-soi » et de l’appropriation de l’espace dans le projet de design, et ce à
toutes les échelles, allant du design urbain du quartier à la conception intérieure des
typologies d’habitation. De plus, cet essai (projet) envisageant de s’intégrer en lien avec le
PPU de la Ville de Québec pour le secteur d’Estimauville, une démarche de recherche et
d’information constante sur ce sujet est également développée. Une assistance aux
consultations publiques et autres présentations sur ce sujet d’actualité est primordiale afin
de mener à bien ce projet d’envergure.
35
5.5 Développement du projet : de la théorie au quartier d’habitation
Bien que cet essai (projet) se veut une proposition de quartier mixte, il mise avant tout sur les
relations entre le « chez-soi » (l’habitation) et le milieu de vie extérieur, ainsi que sur leur
dialogue constant. Il se concentre donc plus précisément sur les relations humaines, la notion
de distance et les espaces de transitions, ainsi que sur le pouvoir de l’aménagement comme
catalyseur de sociabilité. En réfléchissant le quartier à l’échelle de l’individu et de ses besoins,
cet essai (projet) se veut un quartier où l’usager occupe une place de choix dans un
environnement flexible et appropriable.
36
5.5.1 L’échelle du quartier et de ses espaces urbains
Cet essai (projet) se voulant une exploration d’une façon d’habiter au Québec à travers un
quartier mixte, une communauté de proximité et d’échanges, l’échelle du quartier et des
espaces urbains est primordiale. Intimité à proximité est donc un projet d’ensemble
priorisant des espaces publics et urbains forts et rassembleurs à travers une
programmation proposant une mixité de fonctions. En désirant mettre constamment
l’intimité et la sociabilité en relation, le projet à l’échelle urbaine du quartier priorise
l’interrelation entre les espaces et le dialogue constant entre l’aménagement et
l’architecture.
37
Lignes directrices à la base de la forme et de l’organisation du quartier
Afin de consolider le tissu urbain, des liens connecteurs avec le quartier existant sont mis
en place (figure 14). Une porte d’entrée piétonne au quartier est donc créée afin de lier
l’axe récréatif du boulevard Montmorency en étant son prolongement. De plus, cette porte
d’entrée publique mène à une place publique et crée une brèche entre l’axe d’affaire de
l’avenue d’Estimauville et le centre névralgique du nouveau quartier qui permet un
dialogue entre les deux et un espace public stimulant. Un axe nord-sud est créé partant de
la place de la gare multimodale et traversant le quartier. Cet axe lie le transport en
commun avec le cœur du quartier et donne accès aux différentes zones de celui-ci. Cet
axe peut être prolongé pour une phase 2 d’expansion du quartier. Finalement, le
prolongement d’une rue résidentielle existante permet l’accès au cœur du quartier et vient
consolider le nouveau quartier avec l’environnement existant.
38
2) Renforcement bâti le long des axes principaux
Renforcer les limites du quartier le long des axes publics principaux vient cintrer le quartier
d’habitation (figure 15). Une densification en forme de « L » est donc mise en place afin de
créer une mixité le long de l’avenue d’Estimauville et du boulevard Saint-Anne. Ces axes
d’affaire et de commerce représentent la « sociabilité intense », soit des espaces publics
très passants où l’intimité individuelle est peu possible. La densification et le renforcement
bâti crée ainsi une première barrière et hiérarchisation de l’espace transformant l’axe nord-
sud en un espace semi-public. On y retrouve alors une densité plus élevée et une mixité
avec des commerces grande surface et de proximité, des restaurants, des bars, des cafés,
des espaces à bureaux, des organismes publics et de transport en commun ainsi que des
habitations en condominiums et en locations.
39
3) Densification décroissante du bâti
Figure 16 : Schéma conceptuel du principe de densification allant des limites jusqu’au cœur du quartier.
40
4) Perméabilité piétonne à travers le quartier
42
La place publique et les liens piétons
Figure 20-21 : Ambiance de la Place Publique tirée du projet de revitalisation de la Ville d’Andenne.
Figure 22 : Ambiance de la place centrale avec fontaines tirée du projet YueHawain Commercial District.
43
habitants et utilisateurs du secteur ce qui en confirme sa fonction d’échange, d’interaction
et de rencontres. Tel que développé dans le cadre théorique tout individu a besoin d’un
point de référence afin de comprendre et de s’approprier son environnement. En plus de la
sculpture, un plan d’eau avec des fontaines est placé en son centre créant ainsi le pôle
public et le départ de l’esplanade verte qui donne accès au reste du quartier. Cette grande
place publique flexible devient donc un élément primordial du projet et ouvre ses portes
aux divers liens piétons qui pénètrent et parcourent le quartier.
44
Les pôles urbains
Dans le projet ont été intégrés deux pôles majeurs qui créent une interaction et un
dialogue constant entre le haut et le bas du quartier d’habitation (figure 24). Au nord, le
pôle du transport en commun avec la gare intermodale crée une porte d’entrée et un
mouvement constant à travers le quartier. La gare intermodale consolide celui-ci en
permettant un transport rapide et accessible pour se rendre au centre-ville et partout dans
la ville de Québec. La gare est en lien avec la place du transport sur le boulevard Saint-
Anne d’un côté et avec la grande place publique piétonne de l’autre. Un rez-de-chaussée
en transparence permet un dialogue constant entre la rue publique et active et la place
publique du quartier. Le deuxième pôle, situé au sud du quartier, est un centre récréatif.
Celui-ci en lien direct avec les pistes cyclables, le domaine Maizerets et l’accès à la Baie
de Beauport devient une centralité des activités
récréatives. Ayant une fonction opposée mais
complémentaire au pôle de transport en commun au
nord, cette centralité crée un mouvement continu à
travers le quartier et une consolidation du tissu
urbain. Chaque individu ou ménage se déplace vers
le pôle qui lui convient selon ses besoins et ses
activités. Une famille pourra ainsi aller travailler la
semaine en transport en commun en laissant leurs
enfants à la garderie, faire leurs commissions au
retour aux différents commerces du quartier et faire
des activités récréatives la fin de semaine, le tout
sans avoir à utiliser leur voiture. Ces deux pôles
permettent une mixité d’usage et de fonction
importante et un flux d’échanges et de vie sociale. Ils
sont également les points focaux qui créent la
richesse de l’esplanade verte et la vie urbaine active
du quartier.
Figure 24 : Schéma des pôles urbains.
45
L’esplanade verte
L’interaction des deux pôles urbains rend possible le développement d’une esplanade
verte stimulante. Il s’agit d’une diversité d’espaces semi-publics qui s’additionnent et
s’unissent à travers un grand espace vert qui traverse le quartier et trouve sa finalité au
nord par la place publique et la gare intermodale et au sud par le pôle récréatif (figure 25).
C’est sur cette esplanade qu’on trouve une diversité d’ambiances et de types d’espaces
ainsi que plusieurs services de proximité allant des commerces aux espaces
communautaires. Parsemée de terrasses,
de parcs, de plans d’eaux, de jeux
extérieurs, d’espaces de détente, d’un grand
bassin de rétention d’eau, de jardins et de
potagers reliés par une grande promenade,
cet immense espace semi-public crée une
intensité à l’intérieur du quartier. En y
trouvant tout ce qu’il a besoin, l’individu peut
s’approprier ce grand espace en se fixant
ses points de références et ses préférences
à travers la multitude de lieux que permet
cet axe vert et récréatif. Il s’agit donc du
développement d’un lien interactif et
unificateur du quartier qui consolide la
perméabilité piétonne. Bordé du côté de
l’avenue d’Estimauville par l’axe d’affaire
avec des bâtiments denses et mixtes,
l’esplanade verte mène aux espaces semi-
privés plus intimes du quartier. Elle est donc
le lien entre le public et le privé dans la
hiérarchisation des espaces extérieurs et
profite à toute la communauté.
Figure 25 : Zoom urbain : l’Esplanade verte.
46
L’échelle de l’espace semi-public du quartier a été développée en fonction de la hauteur
des bâtiments et des proportions appropriées permettant un espace à l’échelle humaine,
c’est-à-dire un espace où l’individu se sent à sa place, où il ressent l’envi d’y passer du
temps et qui augmente sa qualité de vie. Cette esplanade n’étant pas le sujet principal de
cet essai (projet), l’utilisation d’images de certains précédents analysés lors des études
préliminaires du projet permet de mieux cerner les volontés d’aménagement et d’espaces.
Les axes principaux qui cintrent le quartier sont primordials et doivent permettre une
intensité urbaine. Un dialogue entre le quartier et ceux-ci est mis en place par des
percements permettant des accès autant piétons que motorisés. Le bâti le long est
densifier et permet une consolidation du tissu urbain par l’implantation de bâtiments mixtes
allant de 4-5 étages jusqu’à 7-8 étages. Selon le contexte et les bases du PPU de la Ville
de Québec l’axe de l’avenue d’Estimauville n’a pas la même échelle et fonction que celui
du boulevard Saint-Anne et les expériences qui y sont vécus par l’individu sont différentes.
47
Sur l’axe d’affaire de l’avenue d’Estimauville on retrouve donc une circulation automobile
accrue avec des bâtiments de plusieurs étages dans lesquels se trouvent en grande
majorité des espaces à bureaux du gouvernement et de compagnies privées. Celui du
boulevard Saint-Anne est par contre développé à une échelle plus humaine. En effet, la
présence forte du transport en commun amène une circulation piétonne importante et un
dynamisme de quartier (figure 32).
Sur cet axe, des bâtiments mixtes
comportant des commerces de
proximité au rez-de-chaussée et de
l’habitation aux 3 ou 4 étages au-
dessus créent une densité et un
niveau de confort plus grand pour
l’individu qui y circule et/ou y vit.
Figure 32 : Perspective du bâti le long du boulevard Saint-Anne.
Le traitement architectural des bâtiments de cet axe et la matérialité sont donc traités de
façon à ouvrir le dialogue entre les habitations aux étages, les commerces au rez-de-
chaussée et les utilisateurs de la rue. De plus, comme la rue d’accès menant au quartier
donne sur cet axe, le traitement de l’intersection s’avère très important. Ainsi, cette entrée
est un prolongement d’une rue existante et y est donc placé une épicerie et un
restaurant/café ce qui vient créer une vie urbaine active à ce point focal (figure 33).
48
La mixité des fonctions et la distribution typologique
Tel qu’introduit précédemment, une mixité des fonctions est mise de l’avant afin de créer
une intensité de quartier par une proximité et un dialogue entre les individus et les
ménages de la communauté. Ce projet propose donc une diversité de commerces de
proximité permettant une accessibilité piétonne à tous les services nécessaires à une
qualité de vie chez l’individu. Les différentes fonctions sont mises en dialogue et disposées
à travers le quartier selon l’intensité et le niveau de sociabilité recherché (figure 34). Les
commerces de grandes surfaces, les bureaux et les organismes gouvernementaux se
retrouvent donc le long de l’axe d’Estimauville et près de la place publique. Les petits
commerces de proximité tels que fruiterie, café du coin, dépanneur, boulangerie, etc., se
retrouvent plus près du transport en commun et de l’intersection d’accès au quartier. La
mixité des fonctions est donc faite en tenant compte de l’échelle humaine, des notions de
distances et de déplacements ainsi que de l’ambiance désirée dans l’aménagement.
Figure 36 : Élévation conceptuelle démontrant le concept de distribution typologique par densité décroissante.
50
La rue d’accès et la circulation interne du quartier
La hiérarchie d’échelle s’opère autant au niveau des accès motorisés que des espaces de
vie extérieurs collectifs. La rue d’accès du quartier se trouve donc à être à une échelle plus
humaine que le boulevard Saint-Anne. Lorsqu’on passe l’intersection de ces deux rues,
l’ambiance change alors graduellement pour mener à l’échelle de la rue d’accès. Cette rue
asphaltée permet la circulation dans les deux sens ainsi que du stationnement sur rue d’un
côté. Des bandes de végétation sont disposées de chaque côté de la rue afin de séparer
la circulation piétonne donnant accès aux résidences de l’allée d’accès automobile.
Cette rue principale mène aux rues secondaires qui permettent une circulation complète à
travers le quartier. Ces rues secondaires étant à sens unique, un système de circulation a
été mis en place qui se distribue à travers le quartier. Ces petites rues se relient par des
voies d’accès qui passe sous des sections des bâtiments locatifs. L’accès au
stationnement souterrain pour les résidents, situé sous la section des bâtiments locatifs et
des condominiums se fait également par ces rues secondaires avec l’utilisation de
51
d’entrées et de sorties ponctuelles qui dirigent vers différentes sections souterraines. Le
quartier est ainsi divisé en zones qui ont des emplacements spécifiques pour un accès
pratique et dans un rayon de marche raisonnable. Des sorties piétonnes ponctuelles à
travers des halls sont donc placées afin de permettre à chacun d’atteindre son habitation
dans un rayon de marche de 150 mètres. Ce système permet une bonne distribution tout
en ayant une échelle locale de rue plus intime pour les résidents.
52
5.5.2 Les espaces de vie extérieurs et l’échelle architecturale
Cet essai (projet) est une exploration d’une façon d’habiter au Québec par le
développement de l’architecture de l’habitation et des espaces de vie extérieurs. Intimité à
proximité étant un projet à la base de développement d’une communauté de proximité et
d’échanges, cet essai (projet) mise avant tout sur les relations entre le « chez-soi » et le
milieu de vie extérieur et leur dialogue constant. Une zone du quartier a donc été choisie et
développée plus en profondeur à l’échelle de l’architecture et des espaces de vie
extérieurs semi-privés et privés. Cette échelle du projet se concentre sur les relations
humaines, les espaces de transitions ainsi que le pouvoir de l’aménagement dans
l’appropriation de l’espace par l’individu.
53
La rue partagée
La rue partagée est un système qui a été appliquée aux rues secondaires du quartier car
elle représente une réponse pertinente aux notions d’appropriation de l’espace et de
contrôle de l’environnement du cadre théorique. Cette rue à sens unique a un traitement
différent de la voie d’accès en étant pavée.
La voie est déviée aléatoirement afin de ralentir la circulation. Des stationnements sur rue
sont instaurés pour permettre un accès facile aux habitations pour les visiteurs ainsi que
pour les nécessités. Des traitements au sol différents pour les espaces sont les seuls
limites de l’espace de la rue contrairement à une rue habituelle nord-américaine où le
trottoir est divisé de la rue. Une végétation est également très présente afin de donner une
échelle plus intime à la rue partagée. De plus, afin de créer un dynamisme, la marge de
recul avant des maisons a été réduite ce qui renforce le contact et le dialogue entre
l’habitation et la rue. Cette
échelle de rue locale permet
donc une plus grande intimité
et une relation différente de
l’individu avec celle-ci. Il peut
donc se l’approprier selon
ses besoins et désirs.
Figure 42 : Perspective de la rue partagée.
54
La cour et les espaces semi-privés
Figure 43 : Espace semi-privé avec aménagement potentiel des espaces collectifs (entre des habitations).
Figure 44 : Espace semi-privé avec aménagement potentiel des espaces collectifs (entre habitation et axe commercial).
Dans ces espaces se trouvent plusieurs petits lieux communs à petite échelle. En étant à
une échelle plus petite que l’esplanade semi-publique, ils proposent des espaces collectifs
plus intimes et qui sont fréquentés uniquement par ceux qui résident autour. Y sont
intégrés des potagers, des espaces de rencontres, des jeux d’enfants, des petits parcs,
des jeux d’eaux et autres afin que l’individu et les ménages puissent y trouver tout ce dont
ils ont besoin. L’individu peut donc s’approprier son espace par un aménagement flexible
et diversifié. Il s’agit ici de l’idée d’une ruelle verte où tout le monde du voisinage se
55
rencontre et passe de bons moments, où les enfants se réunissent et jouent ensemble et
où il fait bon prendre l’air et cultiver son petit coin de jardin. Prônant des espaces
individuels réduits au profit d’espaces communs généreux, ces cours semi-privées
prennent tout leur sens et deviennent le prolongement de la cour privée, et ce, à différents
niveaux selon les besoins d’intimité et de sociabilité de chacun.
Fig. 45 : Coupe schématique démontrant la relation entre la cour, la maison et la rue ainsi que leur échelle relative.
Fig. 46 : Perspective des espaces semi-privés vus du sol. Fig. 47 : Perspective des espaces semi-privés vus d’un balcon.
56
Ces espaces semi-privés viennent se refermer au contact de la rue d’accès par des
constructions secondaires tel que cabanons/rangements ou pièces annexes pour les
unités de coin de rue. La présence d’une topographie et de végétation vient également
cintrer l’espace. Cette fermeture renforce le caractère semi-privé de l’espace. Ainsi en
n’étant pas ouvert, cela renforce aussi l’ambiance sécurisante car aucun jouet, ballons,
enfants ne peut se retrouver en plein milieu de la rue d’accès.
La cour privée, quant à elle, n’est pas physiquement délimitée dans l’espace. C’est par
l’aménagement des espaces communs et la topographie douce que la cour privée apparaît
pour l’individu qui la possède. Elle est le lien primordial dans cet essai (projet) entre
l’intérieur de la maison et le monde extérieur. Espace de transition pour l’occupant de
l’habitation, elle est l’intermédiaire qui permet à celui-ci de s’adapter à l’environnement
externe. Toujours dans l’optique de mettre de l’avant des espaces communs riches au
détriment d’espaces individuels réduits, la notion de cour se transforme plutôt en grande
terrasse extérieure appropriable et contrôlable afin de maximiser son utilisation par
l’aménagement. Pour l’individu, la cour privée extérieure est le prolongement de l’espace
de vie intérieur. Elle doit donc être confortable et permettre un sentiment de sécurité pour
l’occupant. Il est proposé ici d’aménager cet espace avec des revêtements chaleureux et
malléables tels que le bois afin d’optimiser son utilisation et marquer une différence entre
l’espace semi-privé communiquant. Cette terrasse peut être implantée à des niveaux
différents selon la hauteur du niveau du rez-de-chaussée et ainsi créer des relations plus
57
ou moins intimes avec les espaces communs. Elle peut également être plus refermée ou
plus ouverte selon les besoins et le mode de vie des occupants de l’habitation, et ce, à
différentes périodes de la journée ou de l’année. Bien qu’une proposition d’aménagement
soit faite dans cet essai (projet), une flexibilité de l’aménagement est également possible
pouvant utiliser d’autres manières d’utiliser le sol de façon à répondre adéquatement à
chacun.
Fig. 50 : Ambiance
conceptuelle cour
privée et relation avec
espace semi-privé.
58
Dynamisme des façades et matérialité
59
5.5.3 La typologie d’habitation et l’aménagement intérieur
- Typologie #1
La typologie #1 est une unité d’habitation avec un escalier droit à une seule volée. Par ce
choix d’escalier, l’unité d’habitation se trouve à être plus près sur sol. Un palier d’entrée du
côté de la rue est mis en place afin d’augmenter le niveau d’intimité de l’occupant par
rapport à la circulation extérieure. Un changement de niveau s’opère à l’intérieur de l’unité
afin de permettre une terrasse extérieur directement au sol du côté de la cour. Étant donné
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la présence de topographie naturelle et de végétation, l’intimité est plus grande du côté de
la cour privée arrière. Le changement de niveau à l’intérieur de l’unité permet de jouer
avec les hauteurs de plafond et le niveau de sécurité de l’occupant. Un plafond plus bas
pour les pièces du salon et du vestibule d’entrée renforce le sentiment de confort et de
sécurité de l’individu. Un plafond plus haut dans la salle à manger et la cuisine permet une
meilleure relation avec la lumière et l’environnement invitant l’individu à passer à
l’extérieur. De plus, un rangement est intégré dans la section haute de la cuisine
permettant une optimisation de l’utilisation de l’espace ainsi que la possibilité d’utiliser un
éclairage plus adéquat pour la cuisine. Des mobiliers intégrés ont été conçus et des
panneaux coulissants ont également été utilisés dans l’objectif de maximisation de
l’espace habitable.
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- Typologie #2
La typologie #2 est une unité d’habitation avec un escalier à palier et dans laquelle l’entrée
se fait sur le niveau entre le rez-de-chaussée et le sous-sol. Ce type d’entrée élève le
niveau du rez-de-chaussée par rapport au sol ce qui augmente l’intimité de l’intérieur par
rapport à la rue. Cette hauteur nuit à l’intimité du côté de la cour étant donné que la
terrasse se retrouve à être surélevée par rapport au sol. Les gens dans l’espace semi-
privé ont donc plus une vue directe sur ce qui se passe sur la terrasse. L’individu habitant
cette unité sentira peut-être plus le besoin de contrôler son intimité avec des systèmes et
éléments architecturaux par rapport à celui implanter au sol. Un changement de niveau à
l’intérieur de l’habitation permet de réduire cette sensation, mais on peut ressentir l’effet
quand même. Selon les envies et besoins du ménage, il peut ainsi choisir sa préférence
entre les deux types d’escaliers, chacun ayant ses avantages et inconvénients. L’intérieur
soutient les mêmes principes d’aménagement que la typologie #1.
Figure 56 : Plan du rez-de-
chaussée
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- Typologie #3
La typologie #3 est une unité d’habitation particulière car elle se trouve à être inversée par
rapport à l’aménagement classique. Les pièces de vie sont donc placées à l’étage. Cette
inversion crée des espaces de vie plus intime car plus élevés que les autres. Au rez-de-
chaussée on retrouve donc l’entrée et les chambres. Une fenestrations en bandeaux
horizontaux en hauteur permet de conserver l’intimité dans les chambres. L’étage est en
retrait par rapport au rez-de-chaussée ce qui permet une terrasse extérieure cachée de
l’espace semi-privé et plus intime. En lien avec la notion de balcon vue plus tôt dans le
cadre théorique, l’individu qui se trouve sur cette terrasse se sent sécurisé car il a une
situation dominante sur l’environnement.
Figure 59 : Plan du rez-de-
chaussée
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- Typologie #4
La typologie #4 a été développée pour créer une unité d’habitation particulièrement
pensée pour la situation de coin de rue. Étant donné que l’intimité est plus difficile à
trouver pour l’individu dans une unité de coin de rue, elle a certaines dispositions
différentes. Dans un premier temps, l’escalier à palier a été privilégié pour son niveau
d’intimité par rapport à la rue. Plus grande en superficie, cette habitation s’ouvre sur deux
terrasses extérieures (une sur rue et une sur cour). Une petite pièce annexe qui peut servir
de rangement ou de petit bureau a également été ajoutée à l’unité de manière à venir
encadrer et refermer sa cour privée. Le même jeu de niveau à l’intérieur permet que la
terrasse du côté de la cour soit plus en connexion directe avec le sol que celle du côté de
la rue d’accès. L’aménagement intérieur a quand même été développé selon les mêmes
principes que les autres typologies.
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Figure 64 : Perspective intérieure typologie #2
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Figure 66 : Perspective intérieure typologie #4.
Dans un premier temps une structure en bois vient encadrer et protéger la terrasse
extérieure. Des lattes de bois inclinables (brises-soleils) sont intégrées sur le toit afin que
l’individu puisse les moduler comme il le souhaite et contrôler l’apport de lumière naturel et
son contact avec l’environnement. À cette structure peuvent venir s’ajouter des panneaux
coulissants sur rail. Ces panneaux sont conçus avec des lattes de bois disposées de façon
ajourée sur un cadre en aluminium. Un système ajouré permet ainsi à l’occupant de se
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sentir en sécurité tout en percevant l’environnement. En étant mobiles, ce système peut
répondre aux besoins changeants des usagers selon la période de la journée ou de
l’année, la température, l’activité qui y est pratiquée, etc. Ce mécanisme de panneaux
ajourés coulissants est également repris au niveau des fenêtres extérieures permettant
ainsi aux occupants de contrôler le regard des autres vers l’intérieur de l’habitation ainsi
que l’apport de lumière naturelle.
Afin de créer une entrée principale intime pour l’habitation, des panneaux semblables
ajourés mais cette fois fixes sont installés de manière à cacher la porte d’entrée tout en
permettant un regard sur le palier et l’adresse de la maison. Ce traitement se poursuit à
l’intérieur au niveau du vestibule d’entrée en séparant celui-ci des aires de vie afin de créer
une progression dans la découverte de l’habitation. Cette séparation intérieure permet
également à l’occupant de contrôler l’accès à son habitation et ne laisser entrevoir que ce
qu’il désire au visiteur qui franchit sa porte.
Figure 67: Ambiance espace intermédiaire entre les habitations. Figure 68 : Ambiance systèmes de contrôle de l’intimité.
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Multifonctionnalité et mobilier intégré
Afin de développer la flexibilité et de l’espace et son appropriation totale par l’occupant,
l’aménagement intérieur a été réfléchi dans un souci de multifonctionnalité. Chaque pièce
peut ainsi avoir plusieurs fonctions et être utilisés selon les besoins du ménage qui y
habite. Cette multifonctionnalité s’est transcrite par l’élaboration de plusieurs mobiliers
intégrés à la maison et ceux-ci ont sont utilisés dans les diverses unités d’habitation.
L’élément du foyer, symbole de réconfort et de chaleur à l’intérieur de l’habitation permet
également un rangement intégré en devenant un buffet dans la salle à manger, celle-ci
étant en contrebas par rapport au salon. Au foyer peut également être adossé une
banquette-rangement dans laquelle des tiroirs sont insérés ainsi que des petits bancs
transportables pouvant accueillir les invités ou les enfants. La table de salle à manger,
quant à elle, peut être intégrée de deux manières différentes. Elle peut donc être intégrée
à l’intérieur d’un mobilier vaisselier ou dans le comptoir de cuisine. Elle s’ouvre également
en plusieurs sections pouvant être utilisée soit pour 2 à 3 personnes ou soit pour 6 à 8
personnes. Du côté du salon, un mobilier multifonctionnel a également été élaboré. On y
retrouve donc une bibliothèque, un espace bureau, un divan et même un lit double.
Chacune des fonctions pouvant être rangée, cette pièce peut donc autant servir de bureau
de travail que de salon ou de chambre pour des invités temporaires. Plus qu’un
aménagement intérieur conventionnel, tous ces mobiliers permettent une flexibilité et une
multifonctionnalité efficace des pièces qui enrichissent l’appropriation son espace par
l’individu. La qualité de l’espace prend donc le devant par rapport à la quantité et invite
l’individu à changer sa mentalité culturelle.
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69
6.0 CONCLUSION ET REGARD CRITIQUE
Quelques interrogations ont tout de même été soulevées et pourraient mériter plusieurs
développements, ce projet n’étant pas la seule alternative possible d’aménagement. Notamment,
70
une réflexion sur la notion de porte principale a été introduite par rapport à la relation à la rue et à
la cour, ainsi qu’une interrogation sur le besoin d’aménagement des espaces communs semi-
privés.
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7.0 BIBLIOGRAPHIE
Ouvrages
ALTMAN, Irwin (1975), The environment and social behaviour. Monterey: Brooks / Cole Publication
Company.
BENTLEY, Ian (1985), Responsive Environments: A Manual for Designers. Londres: Architectural
Press.
BROWN, Azby (2005), The very small home. Tokyo: Kodansha International.
FRIEDMAN, Avi (2003a), Les maisons et les communautés de l’âge de l’information : stratégies
pour une croissance rationnelle. Montréal : Société d’habitation du Québec.
FRIEDMAN, Avi (2003b), Maisons à coût abordable et communautés viables : projets d’une
décennie de transition. Montréal : Société d’habitation du Québec.
GAUER, James (2004), The New American Dream: living well in small homes. New York:
Monacelli Press.
GAUSA, Manuel et al. (2003), The metapolis dictionary of advanced architecture. Actar.
GROAK, Steven (1992), The idea of building: thought and action in the design and production of
buildings. London: E & FN Spon.
HABRAKEN, N.J. (1976), Variations: the systematic design of supports. Cambridge, Mass:
Laboratory of Architecture and Planning at MIT.
KRONENBURG, Robert (2007), Flexible: une architecture pour répondre au changement. Paris :
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MASTELAN, Patrick (2005), L’ordre et la règle : vers une théorie du projet d’architecture.
Lausanne : Presses Polytechniques et Universitaires Romandes.
MAUGARD, Alain & CUISINIER, Jean-Pierre (2010), Regard sur la ville durable : vers de
nouveaux modes de vie. Paris : Éditions CSTB.
72
MOLEY, Christian (2006), Les abords du chez-soi, en quête d’espaces intermédiaires. Paris :
Éditions de la Villette.
WALLIS, Allan D. (1997), Wheel estate: The rise and decline pf mobile homes. Baltimore: Johns
Hopkins University Press.
Périodiques
BERNARD, Yvonne (1993), « Les espaces de l’intimité ». Architecture & comportement. Volume 9
numéro 3 : 367-372.
HARLE, Nicole Eleb (1993), « Rôles et significations des espaces de transitions : quelques
orientations de réflexions ». Architecture & comportement. Volume 9 numéro 3 : 409-415.
Essais (projets)
BARABÉ-PÉPIN, Chloé (2010), Diver cité : habitat flexible. Québec : Université Laval.
BOUCHER, Olivier (2010), Maison mobile et utopie : l’habitat transposable 2.0 dans le parc
vertical. Québec : Université Laval.
Sites internet
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8.0 ANNEXES
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ANNEXE II – PHOTOS DE LA MAQUETTE URBAINE CONCEPTUELLE
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79
ANNEXE III – PHOTOS DE LA MAQUETTE FINALE – TRANCHE D’HABITATIONS
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