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Rôle des chercheurs et ONGs dans la gestion des risques naturels; passé,
présent et futur

Conference Paper · December 2019

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Fida Medina
Moroccan Association of Geosciences
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Journée Thématique: Les risques naturels au Maroc: le rôle des chercheurs et des ONGs
Rabat, Institut Scientifique, le 21 décembre 2019

Rôle des chercheurs et ONGs dans la gestion des risques naturels;


passé, présent et futur
Fida MEDINA

Ex_Professeur à l’Université Mohammed V


Président de l’Association Marocaine des Géosciences, f_medina@geoscimar.org

1. Rôle historique
La recherche scientifique moderne au Maroc a été fondée par Louis Gentil au début du
XXème siècle sous le Protectorat avec la création en 1914 de l’Institut Scientifique Chérifien,
qui avait pour mission initiale d’inventorier les ressources naturelles du Maroc.
Les premières stations météorologiques furent installées très tôt lors du Protectorat et le
réseau météorologique constitué de 166 stations fut rattaché en 1921 à l’ISC et devenu
opérationnel à cette date. La création en 1933 de la Section de Physique du Globe et de
Météorologie à l’Institut Scientifique Chérifien sous la direction de Georges Roux fut une
étape capitale dans la recherche météorologique, marine et sismologique au Maroc.
La première station sismologique fut installée à l’Observatoire Averroës en 1933 et les
rapports étaient préparés et adressés au BCIS de Strasbourg entre 1934 et 1954 et publiés aux
Annales du SPGM. Après l’Indépendance, l’ISC installa la station IFR en 1964 puis jusqu’à
17 stations à travers le Maroc dans les années 1980.
En parallèle, l’ISC vit la création en 1949 du Laboratoire de Géographie physique sous
la direction de Fernand Joly. Le laboratoire avait comme projet l’établissement de l’Atlas du
Maroc, et plusieurs feuilles ont été publiés de 1954 à 1972 grâce aux contributions de G.
Maurer, J. Martin, A. André et A. El Gharbaoui. Ces cartes, dressées avant l’apparition des
premières images spatiales, sont encore d’une importance capitale pour repérer les structures
superficielles et les zones à risque de glissement de terrain.
Le Service Géologique du Maroc a joué également un rôle primordial dans l’étude des
risques grâce à l’élaboration des innombrables cartes géologiques dirigées par Georges
Choubert et Anne Faure-Muret, qui ont permis de repérer les failles « sismiques » et les
glissements de terrain.

2. Rôle sub-actuel

Dans les années 1990 après la période de marocanisation des cadres, la création de
nouvelles universités et laboratoires avec des départements de géologie et de génie géologique
et civil a conduit à des recherches avec des volets consacrées aux risques, souvent suite à un
événement local ou régional (séismes, inondations, glissements de terrain et tempêtes
notamment).
C’est ainsi que de nombreux laboratoires se sont penchés sur des problèmes tels que les
inondations du Gharb des années 1970, la grande sécheresse des années 1980, les séismes
d’Al Hoceima, les glissements de terrain du Rif, les crues de l’Ourika comme exemples. Mais
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Rabat, Institut Scientifique, le 21 décembre 2019

ce sont les tsunamis de 2004 et de 2011 et l’alerte générale au réchauffement climatique qui
ont orienté les recherches vers l’étude des risques, besoin accentué par les effets des tempêtes
marines et de l’érosion des plages à vue.
La nouveauté de cette période a été l’apport des nouvelles technologies, en particulier
les technologies spatiales (imagerie satellite, systèmes d’information géographique et GPS)
qui ont permis d’effectuer un saut qualitatif et quantitatif dans la cartographie des risques. Les
résultats des recherches sont consignés dans des articles, des mémoires de thèse, des rapports
et souvent présentés dans des congrès nationaux ou internationaux. Des exemples sont : les
études des risques côtiers (tempêtes et tsunamis) ; les études du risque sismique ; l’élaboration
de cartes de glissements de terrain.
Bien qu’une partie des études se fasse avec les acteurs locaux (Régions, communes,
agences de développement…), la plupart des projets partent d’initiatives émanant des
laboratoires propres ou suite à l’établissement de projets internationaux de coopération avec
les universités à l’étranger.
Il faudrait rappeler qu’au cours des années 1980, le Service Géologique du Maroc
orientait la recherche universitaire en Sciences de la Terre par l’acceptation ou non des sujets
de thèse, mais son rôle s’est progressivement effacé face aux projets internationaux. L’appui
logistique aussi était capital à travers le prêt de véhicules, les Centres de la Géologie
etc…L’arrivée du Plan National de Cartographie Géologique a donné un nouveau souffle
aux géologues universitaires qui ont contribué à de nombreuses cartes.
Il est évident que la recherche universitaire au Maroc est soit libre (projet du « patron
de la thèse», cas presque disparu) soit semi-libre ou semi-orientée (appel d’offres à projets,
évalués par des pairs ou experts). Il en est de même pour l’étude des risques, qui en plus, est
peu coordonnée puisque les chercheurs se sont peu regroupés entre eux.
Néanmoins, les différentes réunions tenues dernièrement au Maroc et à l’étranger ont
permis d’avoir une idée assez concrète de l’état des lieux, du « qui fait quoi » et aussi sur la
nécessité de collaboration dans un domaine qui contrairement à la recherche libre, n’admet
pas les rivalités. Cette collaboration devrait dépasser les frontières et actuellement, elle est soit
formelle (quelques projets) ou bien informelle (entre chercheurs) entre les laboratoires des
pays à risque commun. Un exemple en est la récente collaboration entre les chercheurs
marocains, espagnols et portugais dans le domaine des études océanographiques,
sismologiques ou de risque de tempête et tsunamis.

3. Rôle futur : le Cadre d’Action de Sendai


Pour le futur, les grandes lignes ont été bien consignées dans plusieurs documents, dont
les plus importants sont le Cadre d’Action de Sendai 2015-2030 (CAS) élaboré par l’ONU et
le Rapport de l’OCDE sur la gestion des risques naturels au Maroc.
Sur les 50 recommandations du CAS, la recherche et l’université ont une place
privilégiée dans la gestion des RN, notamment à travers :
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Rabat, Institut Scientifique, le 21 décembre 2019

1. La compréhension des risques et le recueil et le traitement de l’information des


différents thèmes publiés (articles, livres) ou de littérature dite grise (thèses, rapports
de CEA et Master, notes…)
Point 20 (sous IV-Actions prioritaires) : Priorité 1 : comprendre les risques de catastrophe.
Point 24 (sous IV-Actions prioritaires): Pour parvenir à ces objectifs, il importe: …(c) De
recueillir et de mettre régulièrement à jour, selon que de besoin, des informations relatives
aux risques de catastrophe liés à certains sites, notamment des cartes des zones à risques, et
de les diffuser auprès des décideurs, du grand public et des populations exposées aux
catastrophes, sous la forme qui convient et en faisant appel, le cas échéant, à la technologie
d’information géospatiale .

Sur le plan national


2. Participation plus active aux projets nationaux
3. Lancement de projets et de structures de recherche spécialisés en risques naturels
Point 36 (sous IV-Actions prioritaires). […] les États devraient encourager l’ensemble des
parties prenantes publiques et privées à prendre les mesures suivantes : […] (b) Institutions
et réseaux universitaires ou scientifiques et instituts de recherche :
- accorder la priorité aux facteurs et aux scénarios liés aux risques de catastrophe, y
compris les risques de catastrophe nouveaux, à moyen et à long terme ;
- intensifier la recherche applicable à l’échelle régionale, nationale et locale ;

Enseignement – Formation
4. Création de filières (futur BSc) et des Troisièmes cycles spécialisés en RN
5. Participation à la formation continue et au renforcement des capacités des cadres en
place (enseignants, fonctionnaires, docteurs,…) par des conférences, des ateliers, des
sorties sur le terrain...
Point 24 (sous IV-Actions prioritaires). […](g) D’améliorer les connaissances des
représentants des pouvoirs publics à tous les niveaux, de la société civile, des collectivités et
des bénévoles ainsi que du secteur privé, grâce au partage des expériences, des
enseignements et des bonnes pratiques et au moyen de programmes de formation et
d’éducation axés sur la réduction des risques de catastrophe, notamment grâce aux
mécanismes existants de formation, d’enseignement et d’éducation par les pairs ;

- encourager l’action menée par les populations et les autorités locales ;


- et assurer le lien entre les politiques et la science aux fins de la prise de décisions.
6. Auto-formation par la participation aux ateliers de renforcement des capacités
nationaux et internationaux

Sur le plan international

Point 25 (sous IV-Actions prioritaires) […] (g) D’approfondir les travaux scientifiques et
techniques relatifs à la réduction des risques de catastrophe et d’accroître la mobilisation
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Rabat, Institut Scientifique, le 21 décembre 2019

grâce à la coordination des réseaux et des instituts de recherche scientifique existant à tous
les niveaux et dans toutes les régions, avec l’appui du Groupe consultatif scientifique et
technique du Secrétariat inter-institutions de la Stratégie internationale de prévention des
catastrophes
Pour être plus efficaces et faciliter leurs études, les chercheurs et laboratoires ont besoin de
plusieurs actions provenant de l’extérieur:

Collaboration
La collaboration est un point essentiel dans la gestion des RN, que ce soit entre
chercheurs, laboratoires, universités, associations et services administratifs spécialisés. De
même, la collaboration internationale est nécessaire pour la gestion des risques communs
comme par exemple avec l’Espagne et le Portugal pour les risques de tempête et de tsunami
en Alboran et dans le Golfe de Cadix.
Point 7 (sous I- Avant-propos). [….] Il faut que les secteurs public et privé, les
organisations de la société civile, les universités, les établissements scientifiques et les
instituts de recherche conjuguent davantage leurs efforts et créent des occasions de
collaborer.

Contraintes
Pour se tourner vers les projets nationaux, il faudrait avoir moins de contraintes :
1- Le système du Doctorat et de promotion actuel est très contraignant et lent car il exige
1 ou 2 publications dans des revues indexées ; la plupart de ces revues sont en anglais ;
le processus éditorial peut durer parfois >1 année ; les manuscrits sont souvent rejetés
à cause de leur sujet local. Tout cela provoque un grand retard lié à la recherche
2- Difficulté d’obtention des données brutes des institutions nationales (météorologie,
hydrographie, sismologie)
Point 23 (sous IV-Actions prioritaires). […](e) De favoriser le libre accès à des
informations ventilées, à caractère non sensible, concernant l’exposition aux dangers, la
vulnérabilité, les risques, les catastrophes et les pertes subies, selon qu’il convient ;
3- Absence d’un Institut Océanographique National pour les études océanographiques
(missions sur des bateaux étrangers de l’IFREMER, du GFZ ou du IEO). Par
conséquent, les chercheurs s’adressent aux agences des pays voisins pour des données
de modèles, rarement mesurées (IGN, AEMET, Puertos del Estado).
4- Carence d’équipements comme l’analyse des échantillons (géochimie, datations…).
5- Des fonds suffisants pour développer les laboratoires, rémunérer les étudiants et les
missions, payer les frais complémentaires et de publication…l’abandon des doctorants
pour l’enseignement secondaire est aussi une cause inquiétante pour la recherche.

En conclusion, le futur des recherches scientifiques devrait s’inspirer du Cadre de Sendai


pour intégrer les études des RN à la recherche fondamentale, moyennant des actions
progressives afin d’arriver à une gestion efficace des RN.
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Rabat, Institut Scientifique, le 21 décembre 2019

Documents à consulter :
Cadre d’Action de Sendai https://www.unisdr.org/files/4329.pdf
OCDE (2016), Étude de l'OCDE sur la gestion des risques au Maroc, Éditions OCDE, Paris,
https://doi.org/10.1787/9789264267145-fr.

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