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Fabrication de quelques pagaies traditionnelles

Auteur : jfv34

Fabien, un membre du club de kayak de Palavas (PKM) ne manque pas d’idées! Il m’a mis sur la piste des
pagaies dites groenlandaises ou traditionnelles. Bon, furetage sur le net et j’ai retenu deux documents :

● une version extrêmement pédagogique, en français, de Marie-Claude Saulnier. Le document


date de 2009 et peut être chargé (http://www.w10.ca/kayakdemer/docs/pagaiegroenlandaise.pdf)
C’est la version que j’ai suivie “à la lettre” pour mes premières pagaies.
● la version de référence, en anglais, assez succincte, de Chuck Holst. On peut la trouver
(http://www.qajaqusa.org/QK/makegreen2.pdf), voire avec une version html plus imagée
(http://www.blueheronkayaks.com/kayak/paddle/article/makegreen.htm)

Le bois, Red Cedar sans second choix !


Le Red Cedar (du thuya géant) a d’excellentes propriétés pour nos pagaies: il est très léger (350
kg/m3 deux fois moins dense que le chêne), quasi imputrescible, très très très facile à travailler. Les Inuits font
leurs pagaies dans ce bois avec un couteau assez affuté. Seul défaut le bois est tendre et marque avec les
coups.

Ensuite il a fallu trouver le bois: du Red Cedar, sans nœud, veines rapprochées et dans le sens de la
longueur de la planche, dans les dimensions qui conviennent. Au tout début nous avons cherché un grossiste
en bois sur le port de Sète: Midi Bois. Il a des stocks assez monstrueux de madriers en 105 x 155 (mm) de
section et en longueurs variant de 2,50m, 2,80m et 3,10m. Pour faire nos pagaies la largeur de 105 mm est
parfaite, l’épaisseur finie rabotée, poncée est au maximum 38mm. Donc il faut recouper dans la dimension
155mm de façon à obtenir plusieurs planches. La longueur 2,50m est parfaite. Ensuite on boulègue les tas (ça
fait bien les muscles).

(Bouléguer: expression locale, veut dire bouger, remuer. Au loto on dit “boulègue collègue”, pour que le
préposé au tirage remue bien les boules restantes.)

Suivant les dimensions, une planche (= 1 pagaie) revient, en 2013, entre 30 et 43 €

Attention, en cas d’erreur du genre un nœud non diagnostiqué, une planche dont le fil n’est pas bien
rectiligne, on peut quand même “rabouter” des planches en les collant voir plus loin.

Bon, on a les planches recoupées chez le grossiste. Plus qu’à suivre le plan de manière rigoureuse.
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Les dimensions L, W, S, T
En suivant rigoureusement les guides, on apprend qu’une pagaie a 4 dimensions qui la caractérisent:
● sa longueur totale L. Sa définition varie un peu. On additionne :

Longueur totale, bras écartés tendus, de l'extrémité du doigt le plus long à l'autre extrémité du doigt le
plus long. Lequel doigt est le médius ou majeur, celui qui sert à faire des gestes déplacés.
+
Avant-bras et main tendus dans le prolongement, longueur de la pointe du coude à l'extrémité du
majeur (la coudée)

Peut varier suivant la largeur du kayak, ou suivant les goûts (pagaie puissante, ou courte pour les
vagues, ou …). Pour moi 223 cm.

● La largeur maximale d’une pale W. Normalement la largeur de la pale en bout de pagaie. Extrêmement
importante dans le maniement de la pagaie, car on doit pouvoir glisser la pagaie dans le creux de la
main, en fait entre le creux du pouce et l’index recourbé comme ci-dessous

● la longueur du manche S. La largeur des épaules, … et un peu plus (à peu près 2” soit 5cm en plus)
● l’épaisseur du manche T qui peut être de section ronde ou rectangulaire ou ovale ou … On trouve des
manches de diamètre 32mm pour les petites mains, comme de section assez rectangulaire de 32mm x
38mm. C’est affaire de goût. Ce qui compte c’est l’épaisseur maximale, par exemple 38mm quand on a
un manche de section 32mm x 38mm

Quand ces dimensions sont connues, il n’y a plus qu’à suivre pas à pas la notice !

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Découpes, et tracés
Avec nos planches en Red Cedar, en “avivé” (section rectangulaire, mais attention non rabotée) de
section un peu plus que W x un peu plus que T, on commence par découper à la longueur. (Si on ne sait pas
trop pour la longueur, on prévoit 5 cm de plus, il est très facile de raccourcir!)

Ensuite vient une étape longue: il faut tracer sur les 4 faces en utilisant les côtes du document de
référence. Je reprends ici un schéma de Marie-Claude Saulnier :

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On découpe ensuite la forme de la pagaie : on peut utiliser une scie sauteuse mais comme on n’est
pas trop certain de la verticalité de la lame il est bon de prendre un peu de marge par rapport aux bords. Pour
ma part j’utilise une scie circulaire avec guide pour les parties bien droites, je finis à la scie sauteuse pour les
épaules.

Deuxième étape: aplanissement des pales, en suivant encore les tracés. On passe de l’épaisseur du
manche à 1,5 cm en bout de pagaie. C’est plus visible sur ce schéma de Marie-Claude Saulnier:

Pour cette étape, on peut choisir différents outils: rabot électrique (utile pour faire le plus gros), rabot à
main, ou un wastringue / vastringue / spokeshave (qui est l’outil parfait pour faire des pagaies).

Pas de panique pour les débutants, le Red Cedar est vraiment tendre et il est très facile de faire des
copeaux avec un rabot à main ou un wastringue. On fera juste attention au fil du bois: si on rabote dans un
sens et que le rabot s’enfonce en arrachant, on est à contrefil, c’est pas top. On change de sens de rabotage
et voilà, ça glisse.

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Ensuite on donne aux pales leur forme définitive, il faut encore tracer, puis raboter assez finement pour
donner la forme désirée. Encore deux schémas de Marie-Claude Saulnier :

Enfin on arrondit le manche à la forme désirée, et on fait les épaules (transition entre le manche et la
pale de pagaie) au feeling (raide ou régulière).

Un peu de ponçage, et, pour finir huilage. Attention il y a un phénomène de sortie des fibres du bois
lorsqu’on huile ou peint ou mouille un bois parfaitement poli. La technique est la suivante: humidifier à
l’éponge le bois qui a été parfaitement poli au ponçage. Les fibres sortent, la surface devient rugueuse.
Attendre le séchage, et reponcer finement. Maintenant on peut passer à la couche de finition.

J’ai essayé de vernir une pagaie. Hum, pas top. Pagaie trop glissante, et lorsqu’on marque la pagaie
avec un coup, l’eau s’infiltre sous le vernis.

La technique classique est l’huilage des pagaies: on fait un mélange d’huile de lin et d’essence de
térébenthine (siccatif), 50-50. On passe une couche au pinceau, séchage, une deuxième couche, séchage,
etc … jusqu’à ce que le bois n’absorbe plus. (Environ 5 à 6 couches).

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Et voilà. De la planche brute au ponçage il faut compter 3 heures, ou un peu plus si on n’est pas
outillé. Mais le bois est si facile à travailler…

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Quelques variantes
Une pagaie en Red Cedar seul est assez tendre, et n’aime pas les rochers, les coups. Avec l’ongle on
peut marquer le bois, c’est dire. Donc on peut rendre les extrémités plus résistantes. Sur mes premières
pagaies j’ai ajouté des extrémités en frêne. Ce n’est pas forcément une excellente idée: le frêne est vraiment
très très dur. Presque impossible à raboter à la main, très long à affiner à la ponceuse électrique.

Ma dernière pagaie a des protections sur les bords d’attaque et au bout des pales. Celles-ci sont faites
en ipé (bois exotique très très très dur et dense). Elles sont ajoutées juste après les premières découpes, en
les collant avec de la colle PU (on peut aussi prendre de l’époxy densifiée à la silicate, mais la colle
polyuréthane est plus classique, résistante à l’eau, très solide).

Pour cette dernière pagaie, j’ai choisi le plan de Chuck Holst. On notera que les épaules sont moins
raides que dans mes premières pagaies. Je n’ai pas hésité aussi à affiner les bords d’attaque et les extrémités
(8mm), la pagaie est assez légère (850 g de mémoire). Une pagaie plus petite pour une petite pratiquante
pèse 700 g.

On peut aussi faire des storm paddles (pagaies tempête) qui sont identiques à la longueur du manche
près. On passe de la largeur des épaules + 5cm à la largeur de deux mains (51cm -> 24 cm pour moi). Elles
fournissent des pagaies de secours moins encombrantes sur le pont, mais requièrent un style de pagayage
très différent (voir sur internet le sliding stroke).

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Utilisation des chutes de bois
Lorsqu’on a un nœud, ou bien des restes de planches on peut utiliser deux techniques bien différentes
pour fabriquer une planche qu’on travaillera comme indiqué ci-dessus.

Si on a deux, voire 3 planches de longueur suffisante, mais d’épaisseur insuffisante on peut


reconstituer une planche utilisable par collage. D’abord on rabote bien les faces à coller qui doivent être
planes. On enduit de colle polyuréthane (PU), des serre-joints, et voilà. Attention à bien caler les planches, car
après enduction de colle ça glisse.

Dans le cas où on a des chutes trop courtes (par exemple à cause d’un nœud mal placé), on peut quand
même les abouter, mais attention, il faut le faire avec un assemblage en sifflet ou scarf. La pente est
habituellement ⅛. On découpe, on colle à la PU en bloquant bien pour éviter les glissements, par exemple
avec des agrafes, on serre jointe, et voilà !

Tiens on voit sur les images ci-dessus que le collage est réalisé à l’époxy densifiée aux silicates.

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Ensuite on procède comme habituellement, et ça donne ceci :

Une des deux pagaies est en 3 morceaux!

Voilà, bon courage à tous.

jfv34

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