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Les mangroves, un refuge de


biodiversité en danger
Forêt unique adaptée à l’extrême salinité du milieu marin,
puit de carbone, écosystème complexe et refuge pour les
alevins : le rôle des mangroves est multiple et essentiel pour
la survie de nombreuses espèces végétales et animales.
Pourtant, plus de 35% des mangroves ont disparu ces 20
dernières années à travers le monde.

Nous pro!tons de la présence de notre équipage en


Guadeloupe pour partager un état des lieux des mangroves
aujourd’hui et pourquoi il est urgent de les protéger. Par
Katia Nicolet, conseillère scienti!que à bord d’Energy
Observer.

Exploration de la mangrove
© Energy Observer Productions - Francine Kreiss

Raconte-moi les
mangroves
Les mangroves sont des écosystèmes composés de
palétuviers, des arbres capables de pousser dans les zones
intertidales de balancement des marées où le sol est
régulièrement recouvert de sel. Certaines espèces voient
même leurs racines immergées dans l’eau de mer deux fois
par jour. Ces palétuviers ne sont pas nécessairement
évolutivement proches, mais ont développé des adaptations
similaires pour survivre dans ces environnements riches en
sel et pauvres en oxygène.

Ces écosystèmes de mangroves occupent le littoral tropical


et subtropical principalement entre les latitudes 25˚ N et 25˚
S. Le facteur limitant leur distribution est la température, les
palétuviers ne supportant pas le gel, ne serait-ce que pour
quelques heures.

Mangroves en Guadeloupe
© Energy Observer Productions - Francine Kreiss

L’adaptation des espèces :


un problème salé
Très peu de plantes sont capables de vivre dans un
environnement à forte concentration de sel, parce que ce
dernier force les molécules d’eau à sortir des cellules
végétales, asséchant les tissus et tuant la plante. Ce
processus est l’osmose, où l’eau passe naturellement des
solutions pauvres en sel vers des solutions à forte
concentration de sel a!n d’équilibrer les deux dissolutions.
Mais les palétuviers sont capables de boire de l’eau de mer
et survivre, comment ?

Filmer dans la mangrove - Partie 1 - Journal de bord 2020


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Di"érentes espèces de palétuviers solutionnent ce problème


salé de di"érentes façons. Certaines espèces évitent l’entrée
du sel dans l’organisme, !ltrant jusqu’à 90% du sel de l’eau,
évitant ainsi les problèmes d’osmose. Néanmoins, la plupart
des palétuviers se débarrassent du sel une fois que celui-ci
est déjà dans l’organisme. Les espèces d’Avicennia par
exemple, excrètent le sel à travers des glandes spécialisées à
la base de leurs feuilles. Il est possible de voir ces cristaux de
sels à l’œil nu sur le dessous des feuilles avant que la pluie ne
vienne les emporter. D’autres espèces accumulent l’excédent
de sel dans certaines feuilles qui deviennent jaunes, et sont
!nalement sacri!ées, se détachant de l’arbre et éliminant le
sel dans le même temps.

À la recherche de l’oxygène
Le sol dans les écosystèmes de mangroves constitue un
autre challenge pour les palétuviers car il est constamment
gorgé d’eau et donc très pauvre en oxygène. Toutes les
plantes ont besoin de « respirer », c’est-à-dire de faire un
échange gazeux au niveau de leurs racines, ce qui est
impossible dans la boue anoxique des mangroves. Pour
parer à ce problème, et au fait que les racines sont
régulièrement submergées, le système racinaire des
palétuviers est très peu profond. Certaines espèces, comme
les Rhizophora, projettent des racines échasses sur les côtés
de leur tronc. Ses racines se courbent et retombent au sol,
maximisant leur surface aérienne avant d’atteindre l’eau.
Elles sont couvertes de petits pores, les lenticelles, qui
permettent l’échange gazeux et donc la respiration.

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Mangroves en Guadeloupe
© Energy Observer Productions - Francine Kreiss

D’autres espèces ont leurs racines dans le sol, mais


projettent des excroissances verticales, exactement comme
des tubas qui vont chercher l’oxygène en surface. Ces
excroissances sont appelées des pneumatophores et sont
également couvertes de lenticelles.

Une importance de taille


Les palétuviers poussent à la frontière entre le monde marin
et terrestre, et cette spéci!cité les rendent indispensables à
la protection du littoral. Les racines échasses brisent l’énergie
des vagues, rendent les eaux plus calmes à l’intérieur de la
mangrove et permettent la déposition de sédiments et
particules !nes. Les polluants et métaux lourds sont aussi
piégés avec les particules et se déposent dans la vase. Les
palétuviers absorbent également l’excédent de nutriments
provenant du ruissèlement terrestre, dépolluant l’eau et
contribuant ainsi à la bonne santé des récifs et des herbiers
marins.

Les écosystèmes de mangroves sont aussi de véritables puits


de carbone, un rôle primordial pour la régulation du climat.
Les palétuviers, comme toutes les plantes, transforment le
carbone atmosphérique en matière organique, ce qui leur
permet de pousser. Mais quand ces palétuviers meurent, leur
dépouille n’est pas décomposée, mais enfouie dans la boue
sous la surface de l’eau. Le carbone est piégé sous les
sédiments anoxiques ce qui empêche son émission dans
l’atmosphère. Il est estimé que les mangroves du monde
entier stockent 34 millions de tonnes de carbone par an.

Filmer dans la mangrove - Partie 2 - Journal de bord 2020


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En!n, les mangroves sont de véritables nurseries pour une


variété d’espèces de poissons, mais aussi un habitat pour
des centaines d’oiseaux, de reptiles, de poissons, de
crustacés et d’autres invertébrés. Cette biodiversité est une
source de richesse pour les humains qui vivent à proximité.
En plus des espèces comestibles, l’écosystème fournit du
bois de construction, du charbon, des dérivés pour la
fabrication de savon, cosmétiques et parfums ainsi que des
éléments chimiques utilisés dans la création de
médicaments. Pour tous ces services que les mangroves
fournissent, elles sont estimées globalement à plus de 1600
milliards de dollars.

Un écosystème menacé
par... les fermes à crevettes
Les mangroves disparaissent à une vitesse alarmante dans
toutes les régions du monde. Plus de 35% de toutes les
mangroves ont disparu ces 20 dernières années. La vitesse
de déforestation varie d’une région à l’autre et peut
atteindre 70% par endroits. La plus grosse problématique
actuelle est l’émergence des fermes à crevette qui, à elles-
seules, sont responsables de plus d’un tiers de la destruction
des mangroves. Les palétuviers sont coupés pour permettre
la création de bassins. Ces bassins sont asséchés pour la
récolte des crevettes tous les 6 mois environ, et les eaux
toxiques des cultures, saturées en pesticides, antibiotiques et
nutriments sont relâchées dans les eaux alentours. Au !l des
ans, l’accumulation des toxines est telle que les bassins
doivent être abandonnés. Là où trônait autrefois un
écosystème riche et diversi!é, seul un terrain pollué reste.

Cette industrie de la crevette est une réponse directe à la


demande grandissante des marchés européens, chinois,
japonais et américain. En 1990, la production mondiale de
crevettes était de 13 millions de tonnes, un chi"re qui a
depuis atteint les 74 millions (2019). Les projections sont
encore plus alarmantes : 92 millions en 2022.

Malheureusement, la pêche à la crevette sauvage n’est pas


une solution durable non plus à l’heure actuelle. Les
chalutiers raclent les fonds marins, remontant dans leurs
!lets entre 60 et 98% de “by catch” – des espèces
indésirables tels que des poissons, requins, tortues,
crustacés, bivalves et coraux. Cette technique de pêche
résulte en des dizaines de millions de tonnes d’animaux tués
et rejetés à la mer chaque année.

Quelles actions à l’échelle


individuelle ?
A!n de protéger les mangroves et leur donner un futur, il
nous faut, nous consommateurs, réaliser la valeur de la
nourriture qui !nit dans nos assiettes. La valeur marchande
de nos aliments, mais également le coût écologique
occasionné. Cela ne veut pas dire qu’il nous faut arrêter
complètement notre consommation de viandes, de poissons
et de fruits de mer, mais il nous faut enrayer ce système de
surconsommation dans lequel nous nous trouvons. Il nous
faut voir un steak, un !let de thon ou une crevette pour ce
qu’ils sont vraiment, c’est à dire un bien précieux.

Et redonner la valeur aux produits de tous les jours, pour


ré$échir à deux fois avant d’acheter des crevettes surgelées
dans une grande surface.

Photo en drone de la mangrove

La mangrove vue du ciel


© Energy Observer Productions - Fitzgérald Jégo

Pour aller plus loin


Les mangroves, des milieux très riches et menacés - Géo

Les mangroves du monde entre 1996 et 2010 : quelles


évolutions ? - Pôle tropical

La mangrove est-elle une forêt comme les autres ? - Mer-


Océan

Les mangroves de l’outre-mer français - Conservatoire du


littoral (pdf)

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