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Introduction
Présentation du marais
Situé dans le sud-ouest du département de la Seine-et-Marne, le marais de Larchant se
trouve en limite ouest de la forêt de la Commanderie, au sud de la forêt de Fontainebleau
(Fig. 1). Il est inclus dans le périmètre de la zone Natura 2000 du massif de
Fontainebleau ainsi que dans celui du Parc naturel régional du Gâtinais français.
Anciennement en Réserve naturelle volontaire, le marais est depuis le 27 novembre
2008 une Réserve naturelle régionale dans sa totalité. Sa superficie est de 118 hectares.
Sa gestion est assurée par l’Association de la Réserve naturelle du Marais de Larchant
(ARNML) avec l’aide du bureau d’études Office de Génie Ecologique (OGE).
Description physique
Sur le plan topographique, le marais se situe dans une cuvette bordée au nord, à
l’ouest et au sud par le plateau du Gâtinais.
Le site est un marais plutôt alcalin, avec des eaux au pH légèrement supérieur à 7,
mais aux marges plus acides du fait de la présence massive des sables de Fontainebleau
au-delà des limites nord-ouest, nord et nord-est (AZUELOS, 2005).
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Figure 1. Carte du marais de Larchant et des nouveaux périmètres de la Réserve Naturelle Régionale.
Méthodologie
Dans le cadre de la réalisation du plan de gestion de la réserve, des visites ont été
effectuées pour l’inventaire et le suivi de la flore et de plusieurs groupes faunistiques.
C’est en particulier le cas des Odonates, qui ont été recherchés en 2007 et en 2009.
Les limites de temps n'ont pas permis de procéder à un inventaire précis et
systématique des espèces, des individus, et de leurs comportements, ni d’évaluer
l’importance des populations. Malgré tout, quelques données ont pu être récoltées,
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parfois avec suffisamment de précision pour qu’elles puissent être présentées au chapitre
suivant.
Les déterminations ont été faites à partir d’individus capturés au filet mais aussi à vue
à l’aide de jumelles. La prudence étant de mise en ce qui concerne les observations à
distance, nous n’avons pas cherché à forcer l’identification des individus en cas de doute.
Des photos ont également été prises, en particulier pour la plupart des espèces
remarquables. C’est notamment le cas des deux espèces de Leucorrhinia trouvées dans le
marais.
Quelques exuvies ont été récoltées au gré des parcours, puis déterminées pour une
partie d’entre elles.
Sauf indication contraire, toutes les données des années 1980 proviennent d’un
rapport de la Sfo cité en bibliographie (DOMMANGET, 1995).
Aeshna grandis
En août 2009, au moins un individu a été observé, chassant au-dessus d’un canal à
l’extrémité sud-ouest du marais. Il s’agit de la seule donnée connue pour Aeshna grandis
sur le site. La présence de cette espèce à fortes capacités de dispersion ne préjuge
évidemment en rien d’une éventuelle reproduction dans le marais.
A. isoceles
Cette espèce a été observée, toujours au mois de juin, en 2007, avec trois individus, et
en 2009, avec deux individus. Les sites occupés en 2007 ont sensiblement la même
physionomie qu’en 2009. Ce sont des secteurs en eau bordés par une végétation rivulaire
herbacée dense avec notamment des formations linéaires de phragmites inondés.
Le territoire parcouru par chaque individu était de l'ordre d’une centaine de mètres
carrés. Cependant, nous ne sommes pas repassés à chacune des localisations durant les
journées de prospection pour vérifier si les individus n'avaient pas changé de secteur.
Très actifs, ils allaient et venaient à une hauteur variant de un à deux mètres au-dessus de
la surface de l'eau et effectuaient régulièrement des vols stationnaires, restant parfois
jusqu'à 15 secondes au point fixe.
Tout Odonate Anisoptère passant sur le territoire était chassé, mais jamais au-delà des
environs immédiats du circuit emprunté par l'occupant des lieux.
Aeshna isoceles est connu sur le marais de Larchant depuis au moins le milieu des
années 1980, avec une observation faite en juin 1986. Sa présence semble donc régulière
dans le marais, avec une probabilité de reproduction élevée.
A. mixta
Des individus isolés ont été observés dispersés sur l’ensemble du marais à la fin de
l’été et au début de l’automne, et ce jusqu’en octobre. L’espèce a également été observée
en 1985 et 1987. Au vu des habitats présents et de la régularité des observations, Aeshna
mixta se reproduit probablement dans le marais.
Anax imperator
L’espèce a été observée en chasse à de nombreuses reprises au-dessus des parties en
eau mais aussi des digues, des prairies et des lisières. Des observations ont également été
faites en 1986 et 1987.
A. parthenope
Au moins trois individus ont été observés en chasse en 2009. Aucune donnée
antérieure ne concerne cette espèce.
La présence d’une végétation rivulaire dense, avec notamment des phragmites,
convient à l’espèce, mais il est impossible de se prononcer sur sa probabilité de
reproduction sur site, du fait du faible nombre d’observations et des capacités
importantes de dispersion des individus.
Brachytron pratense
Au moins six individus ont été observés au printemps 2009. L’espèce n’avait jamais
été rencontrée dans le marais par le passé.
Vu le nombre relativement important d’individus observés en 2009 ainsi que la nature
des habitats présents, sa reproduction a probablement lieu sur le marais.
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Gomphus pulchellus
Quelques individus ont été observés isolément avec, au printemps 2007, un individu
ténéral prouvant la reproduction de l’espèce sur le site. Ce Gomphus avait déjà été
identifié en juin 1986.
Cordulia aenea
Cette Cordulie est fréquente dans le marais et quelques exuvies ont été collectées. La
plupart des individus ont été observés chassant à grande vitesse au ras de l’eau. Une
donnée la concernant avait déjà été faite en juin 1986.
Somatochlora metallica metallica
Un ♂ a été observé le 20 juin 2007. L'individu effectuait un parcours en boucle au-
dessus d'un canal étroit bordé de saules, dans la partie sud du marais. Il volait entre 2 et 3
mètres au-dessus de l'eau, le plus souvent au plus près ou sous le feuillage des arbres
riverains qui, en certains endroits, se rejoignent au-dessus du canal.
Cette libellule peut parfois passer inaperçue, même dans les secteurs qu’elle fréquente
régulièrement, ce qui est probable au marais de Larchant où l’espèce a également été
observée en 1987.
Les canaux et les fossés en eau ombragés des bordures ouest et sud-ouest de la réserve
semblent particulièrement favorables à sa reproduction, même si aucune preuve n’a pu
être relevée.
Crocothemis erythraea
Cette espèce est fréquente dans le marais, avec notamment des observations
d’individus ténéraux prouvant sa reproduction sur site.
L'espèce avait déjà été vue en juin 1986.
Leucorrhinia caudalis
Les premières observations de cette espèce ont eu lieu les 7 et 10 mai 2009 dans deux
secteurs éloignés de la partie nord du marais, avec deux jeunes individus fraîchement
éclos distincts. Ceux-ci étaient posés sur la végétation, restaient passifs et présentaient
des ailes brillantes, preuve d’une émergence très récente, probablement dans le marais
même. La prospection suivante du 22 mai a permis de trouver plusieurs ♂ cantonnés et
d’observer un accouplement, toujours dans la partie nord du marais. Le 12 juin, dans le
même secteur, le nombre d’individus observés atteignait son maximum avec 22 ♂
cantonnés. Par la suite, les effectifs ont décru rapidement au cours des mois de juin et
juillet.
Les habitats fréquentés par les individus étaient des secteurs d’eau libre peu profonds
occupés par des herbiers denses de Chara spp.. Cette attirance de l’espèce pour les
herbiers à characées est également connue dans les marais de la Souche situés dans
l’Aisne (BARDET & HAUGUEL, 2003). La plus forte concentration d’individus se situait
sur un espace en eau de 1200 m² environ, avec 9 ♂ cantonnés comptabilisés et un
accouplement noté.
En l’absence des characées, aucun individu n’était observé. Dans les secteurs
occupés, les ♂ se tenaient posés et isolés sur des petits radeaux flottants d’algues
filamenteuses à partir desquels ils s’envolaient momentanément pour chasser un
congénère ou d’autres libellules de taille similaire. Il est couramment admis que les ♂
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tiennent leurs territoires posés sur des feuilles de nymphéas (Nymphaea alba Linnaeus,
1758) ; en l’absence de ces derniers dans le marais de Larchant, les ♂ ont ainsi trouvé
des postes de guet de substitution. A ce détail près, les caractéristiques des habitats
occupés par l’espèce sont conformes à celles décrites dans la littérature, en particulier le
pH de l’eau légèrement supérieur à 7, ainsi que des rives formant une protection aux
vents dominants avec des arbres espacés et bordées par une bande d’hélophytes de moins
d’un mètre de large (BARDET & HAUGUEL, 2003).
L’observation au mois de mai de deux imagos ténéraux ou immatures prouve
quasiment la reproduction de l’espèce sur site durant l’année 2008 au moins, puisque la
phase larvaire semble bien être d’un an pour cette espèce. Mais au-delà… la question
reste entière, d’autant plus que l’espèce n’avait jamais été observée sur le marais.
Leucorrhinia caudalis est une espèce dont la répartition est principalement orientale
avec, depuis quelques temps, une expansion dans plusieurs régions d’Europe occidentale
(MAUERSBERGER, 2009), ce qui peut expliquer la présence de l’espèce dans le marais. En
ce qui concerne les populations situées à proximité, notons en premier lieu qu’il n’est
plus certain que l’espèce se reproduise encore en Île-de-France. La dernière population
connue se situait ou se situe encore à Forges-les-Bains en Essonne. Jusqu’en 2007, seuls
quelques individus étaient observés dans la R.N.V. de Bonnelles dans les Yvelines
(DOMMANGET, 2007). Depuis et en dehors de Larchant, l’espèce a également été trouvée
en 2009 à 50 kilomètres plus à l’est dans la Réserve naturelle nationale de la Bassée
(Fabien Branger, com. pers.). L’espèce n’avait jamais été observée auparavant dans ce
secteur où, au printemps 2009, 28 ♂ ont été localisés et un accouplement observé. A la
différence de Larchant, il n’y eut pas de jeunes individus observés. Notons également
qu’à une trentaine de kilomètres vers l’est, dans le secteur de Romilly-sur-Seine dans le
département de l’Aube, se trouve une population connue depuis quelques années.
Même si l’espèce se reproduisait très probablement dans le marais de Larchant en
2008 du fait de la présence d’individus ténéraux ou immatures en 2009, il est impossible
de savoir avec certitude si c’était le cas auparavant et dans quelles proportions. Elle
n’avait pas été vue dans les années 1980 et a pu arriver sur le marais récemment, dans un
contexte d’augmentation temporaire des populations dans la vallée de la Seine située à
l’est. D’autre part, sa dépendance aux herbiers de characées Chara spp. rend sa
population fragile, car l’abondance et la répartition de ces herbiers, dans un marais aux
fortes fluctuations pluriannuelles de niveau d’eau, sont très variables. Ces herbiers
étaient d’ailleurs bien moins représentés en 2007. Qu’en était-il alors de L. caudalis ?
L. pectoralis
Un ♂ à comportement territorial a été observé les 12 et 25 juin 2009, dans la partie
nord du marais. Son territoire était une portion de rive d’une trentaine de mètres de long
avec une centaine de mètres carrés de surface en eau. La rive était occupée par des saules
buissonnants avec un étroit rideau de phragmites par endroits. L’eau, peu profonde,
contenait quelques herbiers de characées. L’individu en question était souvent dans ou
sur les branches de saules et les feuilles de roseaux, mais passait parfois au-dessus de
l’eau et faisait des arrêts prolongés sur des branches mortes émergées. Ce ♂ était très
discret et il était nécessaire d’attendre au moins un quart d’heure pour le voir. Sa période
d’activité était essentiellement matinale, l’individu restant invisible l’après-midi.
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semaines plus tard, les individus étaient très actifs avec des poursuites incessantes au ras
de l’eau.
L'espèce avait déjà été observée sur le marais en juin 1986.
Orthetrum albistylum
En 2007, deux individus ont été identifiés avec au moins un ♂ venant à peine
d'émerger. En 2009, quatre individus ont été localisés.
Il s'agit des premières observations pour cette espèce dans le marais de Larchant avec,
de surcroît, une preuve de reproduction. L'espèce est actuellement en expansion vers le
nord. En 2006, les secteurs occupés par l'espèce étaient distants de quelques dizaines de
kilomètres plus au sud, dans le département du Loiret. L'absence de suivi odonatologique
sur la réserve de Larchant dans les années 1990 et au début des années 2000 ne permet
pas de connaître l'année précise de son installation sur le site. Ceci étant, sa présence
dans le marais n'est probablement pas antérieure aux années 2000, comme dans les autres
sites situés à latitude comparable. A titre d'exemple, l'espèce n'est notée dans le Parc
Naturel Régional de la Forêt d'Orient (Aube) que depuis 2001, avec un premier
accouplement observé en 2003 (TERNOIS, 2005).
O. cancellatum
Cette espèce très commune est présente dans l’ensemble du marais. Plusieurs
observations ont été faites en 1985, 1986 et 1987.
Sympetrum sanguineum
L’espèce a été observée à plusieurs reprises dans le marais. Elle avait également été
vue en 1985, 1986 et 1987.
S. striolatum
Cette espèce tardive est présente en nombre dans le marais. Elle avait aussi été
observée en 1985.
Statut
Liste des espèces observées de 2007 à 2009
patrimonial
Zygoptères
1 Chalcolestes viridis (Vander Linden, 1825)
2 Sympecma fusca (Vander Linden, 1820) ZNIEFF
3 Coenagrion puella (Linnaeus, 1758)
4 Erythromma lindenii (Selys, 1840) ZNIEFF
5 E. viridulum (Charpentier, 1840)
6 Ischnura elegans (Vander Linden, 1820)
7 Pyrrhosoma nymphula (Sulzer, 1776)
Anisoptères
8 Aeshna grandis (Linnaeus, 1758) IdF, ZNIEFF
9 A. isoceles (O. F. Müller, 1767) ZNIEFF
10 A. mixta Latreille, 1805
11 Anax imperator Leach, 1815
12 A. parthenope (Selys, 1839)
13 Brachytron pratense (O. F. Müller, 1764) ZNIEFF
14 Gomphus pulchellus Selys, 1840 ZNIEFF
15 Cordulia aenea (Linnaeus, 1758)
16 Somatochlora metallica (Vander Linden, 1825) ZNIEFF
17 Crocothemis erythraea (Brullé, 1832)
18 Leucorrhinia caudalis (Charpentier, 1840) DH, ZNIEFF
19 L. pectoralis (Charpentier, 1825) DH
20 Libellula depressa Linnaeus, 1758
21 L. fulva O. F. Müller, 1764 ZNIEFF
22 L. quadrimaculata Linnaeus, 1758
23 Orthetrum albistylum (Selys, 1848)
24 O. cancellatum (Linnaeus, 1758)
25 Sympetrum sanguineum (O. F. Müller, 1764)
26 S. striolatum (Charpentier, 1840)
Légende :
DH: espèce d'intérêt communautaire (directive "Habitats")
IdF: espèce protégée régionalement (en Île-de-France)
ZNIEFF: espèce déterminante ZNIEFF en Île-de-France
Tableau 1. Récapitulation des espèces observées dans le cadre de l’étude.
Discussion
Depuis l’année 2007, nos prospections ont permis de répertorier 26 espèces avec un
nombre non négligeable d’espèces à statut patrimonial élevé. Cette richesse est
évidemment tributaire du niveau des eaux du marais, soumis à d’importantes et
irrégulières variations dont la ou les causes précises restent toujours inconnues.
Tome 27, fascicule 2, décembre 2011 79
Bien évidemment, cette évolution n'est pas sans incidence sur les milieux. Lors des
phases d’assèchement, la surface d'eau libre se réduit considérablement pour se
concentrer au fond des canaux les plus profonds, ainsi que dans quelques secteurs où les
résurgences provenant de la nappe persistent. C'est exactement ce qui arriva entre 1995 et
2000. Hélas ! Les données odonatologiques publiées ne concernent pas cette période, ce
qui est particulièrement dommage car ces informations nous auraient éclairés sur les
répercussions du phénomène sur les populations d'Odonates.
Cependant et comme nous l’avons précisé, des parties restent en eau lors des phases
d’assèchement permettant nécessairement la survie de plusieurs espèces, sans qu’il soit
possible pour l’instant d’identifier celles qui restent et celles qui disparaissent.
La phase d’assèchement qui semble s’amorcer depuis 2008 permettra certainement de
localiser à l’avenir les parties en eau résiduelles et les Odonates qui s’y concentrent. Il
n’y a plus qu’à espérer qu’un maximum d’espèces parviendra à se maintenir. La
recherche et le suivi de L. caudalis et de L. pectoralis seront bien entendu prioritaires.
Du fait de la dépendance de ces deux espèces aux herbiers de characées, on assurera
également un suivi floristique. On peut déjà noter que ces herbiers se sont
particulièrement étendus en 2009 consécutivement à une baisse du niveau d’eau. Cette
dernière se poursuivant, il faudra vérifier si les secteurs encore en eau en contiennent
encore et dans quelles proportions. Si comme indiqué dans le texte nous ne saurons
probablement jamais quand les deux Leucorrhinia sont arrivées dans le marais,
l’évolution de leur population en période d’assèchement donnera des éléments quant à
leur capacité de survie sur un site soumis à de telles variations de la surface en eau… si,
toutefois, elles sont encore présentes dans le futur.
Epilogue
Depuis la soumission du manuscrit (janvier 2010), l’évolution du niveau d’eau a eu
une influence particulièrement marquée sur les Odonates du marais. Amorcé en 2008
comme indiqué en introduction, l’assèchement naturel s’est poursuivi. Si l’eau subsiste
encore dans les canaux les plus profonds, les autres espaces aquatiques n’existent plus et
plusieurs espèces n’ont pas été revues. C’est en particulier le cas des deux espèces du
genre Leucorrhinia ainsi que d’Aeshna isoceles. Il faut espérer que la prochaine phase
d’inondation permette leur retour.
Remerciements
Nous tenons à remercier ici :
- Madame Sybille Friedel, propriétaire du marais, Mademoiselle Virginie Péron et
Monsieur Bruno Armand, gardes et intendants de la réserve, et Monsieur Sylvain
Stassens chargé de l’entretien et des travaux, dont l’aide nous a permis de procéder aux
inventaires dans les meilleures conditions.
- Monsieur Philippe Bruneau de Miré, entomologiste, pour ses connaissances sur les
insectes du marais.
- Madame Nadia Vargas, chargée de mission Biodiversité et Paysage au conseil
régional de la région Île-de-France, pour ses informations sur le marais.
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Travaux cités
ARNABOLDI F., 1995. Proposition de plan de gestion de la Réserve naturelle volontaire du marais
de Larchant. Document DIREN Île-de-France. 29 p + annexes.
AZUELOS L., 2005. Bilan écologique de la Réserve naturelle régionale de Larchant (77).
Conservatoire botanique national du Bassin parisien. M.N.H.N. 47 p. + annexes.
BARDET O. & HAUGUEL J.C., 2003. Contribution à l'écologie de la Leucorrhine à large queue
(Leucorrhinia caudalis) et de la Leucorrhine à gros thorax (Leucorrhinia pectoralis) dans les
marais de la Souche (Aisne, France). In : Gestion et conservation des ceintures de végétation
lacustre - Actes du séminaire européen, Le Bourget-du-Lac, 23-26 octobre 2002.
Conservatoire du patrimoine naturel de la Savoie, p. 215-234.
[DOMMANGET J.-L., 1995. Inventaire odonatologique de la Région Île-de-France. Société
Française d’Odonatologie. Rapport 1994 pour la DIREN Île-de-France. 21 pp. + annexes :
23-73.]
DOMMANGET J.-L., 2007. La faune odonatologique du département des Yvelines : état des
connaissances (Région Île-de-France). Martinia, 23 (3) : 95-108.
MAUERSBERGER R. 2009. Nimmt Leucorrhinia caudalis im Nordosten Deutschlands rezent zu?
(Odonata:Libellulidae). Libellula 28(1/2): 69-84. (in German, with English summary)
MAUERSBERGER R. 2010: Leucorrhinia pectoralis can coexist with fish (Odonata: Libellulidae).
International Journal of Odonatology 13(2): 193-204. (in English)
TERNOIS V., 2005. Atlas préliminaire des Odonates du Parc naturel régional de la Forêt d'Orient.
Syndicat mixte pour l'aménagement et la gestion du Parc naturel régional de la Forêt d'Orient.
Courrier scientifique n°28. 84 p.
[THEVENIN P, 2010. Suivi floristique 2009. Bilan des prospections. A.R.N.M.L., Office de Génie
Écologique. Rapport d’étude disponible auprès de l’A.R.N.M.L., 20 pp. + annexes]
____________________
Tome 27, fascicule 2, décembre 2011 81
Introduction
En 2008, un Plan National d’Actions (PNA) ciblé sur les taxons les plus sensibles de
la faune odonatologique française a vu le jour sous l’impulsion du Ministère en charge de
l’écologie. Ce schéma directeur fixe les bases d’une stratégie nationale de conservation
des Odonates et a vocation à être décliné par la suite dans chaque région pour initier et
soutenir des actions de conservation des Odonates (DUPONT, 2009). Ce PNA trouve un
écho particulier en Anjou, l'une des régions françaises au réseau hydrographique le plus
important et doté de zones humides remarquables (basses vallées angevines, vallée de la
Loire…) propice au développement de communautés diversifiées d’Odonates. En 2009,
l’inventaire odonatologique angevin faisait état de 61 espèces (M. CHARRIER, comm.
pers.). Dans le cadre des prospections menées chaque année par une poignée de
naturalistes angevins, des sorties odonatologiques ont été menées au cours de l’été 2009
sur l’étang de Joreau à Gennes, un plan d’eau forestier caractérisé par la présence de
vastes herbiers aquatiques. Plusieurs naturalistes révèlent à cette occasion la présence
d’un cortège unique d’Odonates, parmi lesquels Leucorrhinia albifrons et L. caudalis,
deux taxons rarissimes dans l’ouest de la France. Ceux-ci constituent des espèces à fort
enjeu patrimonial tant leur statut de conservation s’avère être défavorable en France
(DOMMANGET et al., 2008) et en Europe (KALKMAN et al., 2010). La première espèce est
nouvelle pour l’entomofaune régionale, et la localité concernée se situe à plusieurs
centaines de kilomètres des plus proches sites de reproduction connus. La seconde espèce
n’est connue que d’une autre station dans la région des Pays de la Loire, partiellement
détruite au cours des dernières années. Un partenariat entre la LPO Anjou et le PNR
Loire-Anjou-Touraine a vu le jour et a permis en 2010 la mise en place d’une étude
approfondie du cortège d’Odonates de l’étang. Les auteurs se proposent d’en relater ici
les principaux résultats concernant la structure d’habitat et les paramètres écologiques
assurant la pérennité des espèces du genre Leucorrhinia, qui ont permis de définir les
orientations de gestion jugées favorables à leur maintien en Anjou.
Présentation du site d’étude
L’étang de Joreau occupe actuellement une superficie de 6 ha au sein du massif
forestier de Milly, au centre du département de Maine-et-Loire. Depuis sa création au
XIVe siècle, l’étang a conservé une vocation piscicole de loisir et des empoissonnements
réguliers (essentiellement par des gardons) sont encore aujourd’hui organisés par la
municipalité de Gennes, qui en est propriétaire. Le site demeure également très fréquenté
par les marcheurs et les vététistes, qui apprécient l’environnement boisé et préservé
Tome 27, fascicule 2, décembre 2011 83
autour du plan d’eau. Le site peut être scindé en deux, avec une partie nord fréquentée
par les promeneurs et les pêcheurs le long des enrochements de la digue, et une autre
partie plus naturelle comprenant deux queues d’étang et une presqu’île. Le plan d’eau est
entouré d’une boulaie humide et d’une large ceinture d’hélophytes (Phragmites australis,
Carex sp.) dans la partie sud. Les profondeurs d’eau sont globalement faibles, de l’ordre
de 1 à 1,5 m en moyenne, et atteignent 2,5 m au pied des enrochements de la digue.
L’étang est principalement alimenté par des eaux souterraines à travers deux sources
localisées dans chacune des queues d’étang. Ce type d’alimentation, le fort taux de
boisement du bassin-versant (82 %) et la nature sableuse des sols en surface sont à
l’origine d’une stabilité importante du milieu aquatique (peu de marnage, peu d’apports
extérieurs) et pourraient suffire à expliquer la clarté remarquable des eaux de l’étang.
Leur nature alcaline a en outre permis le développement d’importants massifs de
Characées (Nitellopsis obtusa, Nitella tenuissima), qui constituent un habitat d’intérêt
communautaire en Europe.
Circonstances des découvertes et contexte local
Lors d’une prospection odonatologique sur l’étang de Joreau, Kévin Barré, un jeune
naturaliste angevin, capture et photographie un couple d’Anisoptères indéterminés sur la
digue nord de l’étang, posé sur une fronde de fougère. Le cliché finit par parvenir à l’un
d’entre nous (BML), qui identifie formellement L. albifrons, inconnu jusqu’alors en Pays
de la Loire. L’information diffuse discrètement à travers le réseau naturaliste local et
incite les entomologistes angevins à mener de nouvelles prospections sur le site : les
observations qui vont suivre permettent alors de confirmer la présence de L. albifrons et
de découvrir d’autres espèces rares en Anjou telles L. caudalis (2e station régionale,
effectif local remarquable), Aeshna isoceles (2e station départementale), Coenagrion
pulchellum (3e mention angevine, population reproductrice locale d’au moins une
centaine d’individus), Sympetrum danae (moins de 5 stations dans le département) et
Anax parthenope (rare).
Dans le même temps, la municipalité de Gennes, propriétaire de l’étang, valide un
projet d’aménagement du site avec un début des travaux prévu pour l’automne 2009.
Conscients des enjeux liés à la présence de ces espèces, la LPO Anjou et le PNR Loire-
Anjou-Touraine alertent alors la commune et parviennent à repousser l’échéance des
travaux, le temps d’étudier ce remarquable cortège d’Odonates et d’évaluer l’impact
potentiel des aménagements envisagés pour en annuler les effets négatifs sur les espèces
concernées.
Méthodes
La présente étude s’intéresse à la phénologie d’émergence et à l’écologie des deux
espèces de Leucorrhines en s’appuyant sur des protocoles de suivi rigoureux durant toute
la période d’activité aérienne des individus.
Echantillonnage des exuvies
Le protocole adopté a pour but de cartographier et de caractériser les émergences
(phénologie, abondance relative, substrat préférentiel) des Leucorrhines sur l’étang. Une
récolte aléatoire des exuvies est pratiquée à intervalle régulier (2 à 3 récoltes/semaine)
84 Martinia
entre avril et juillet sur l’ensemble du linéaire des berges de l’étang, afin d’obtenir une
image fiable des zones d’émergence préférentielles. En parallèle, un échantillonnage
stratifié est pratiqué de façon systématique sur plusieurs placettes localisées au sein des
habitats rivulaires délimités au préalable, dans le but de parvenir à corréler les
abondances relatives observées avec les variables mesurées in situ : substrat de fond,
profondeur d’eau (en m), surface d’eau libre au sein de la placette (en %), surface de
végétation émergée observée en mai sur la placette (en %), surface de recouvrement de la
placette par les ligneux (en %), ensoleillement moyen (en %) et nature de la végétation
dominante. Le support et la hauteur d’émergence de chaque exuvie du genre
Leucorrhinia collectée sont systématiquement notés afin d’affiner les informations
concernant la nature et la structure de la végétation utilisée par les larves lors de
l’émergence.
Suivi des imagos
Des prospections sont menées durant la période de vol des imagos de Leucorrhines,
sur l’étang et dans les zones ouvertes en périphérie. Ce suivi a pour objectifs d’estimer la
durée de maturation, de localiser les zones de ponte des espèces prioritaires et de les
comparer à leurs sites d’émergence, et d’obtenir une idée du ratio entre les effectifs
d’exuvies et d’imagos observés. Les affinités des deux espèces envers les différentes
zones de l’étang et les types de végétaux sont systématiquement notées.
Résultats et discussion
Diversité du peuplement odonatologique
L’inventaire des espèces présentes au sein du périmètre ZNIEFF du Bois de Joreau
fait désormais état de 46 espèces d’Odonates depuis 2008, ce qui en fait le site le plus
diversifié du département. Toutes les espèces appartenant au cortège odonatologique
associé à la présence de L. caudalis et L. albifrons décrit par MAUERSBERGER &
HEINRICH (1993) se reproduisent actuellement sur l’étang, hormis Somatochlora
flavomaculata, considéré comme très rare dans le département et dont la présence sur
Joreau n’est toujours pas attestée, malgré des habitats favorables et des prospections
menées durant la période d’activité maximale des imagos (juillet).
Récoltes d’exuvies
Répartition
Les résultats montrent une répartition des exuvies très hétérogène sur le plan d’eau,
qui apparaissent majoritairement concentrées dans la partie nord et ouest de l’étang (Fig.
1). En considérant la totalité des exuvies récoltées (les deux espèces confondues), seules
16,2 % d’entre elles ont été collectées sur les hélophytes bordant la presqu’île et les
secteurs de cariçaies au sud de l’étang. Les émergences s’effectuaient majoritairement en
matinée vers 7 h (heure civile) pour peu que la température extérieure atteigne 20 °C, et
ce, quelles que soient les conditions météorologiques : plusieurs dizaines d’émergences
ont ainsi eu lieu le matin du 10 mai sous une pluie continue, provoquant une mortalité
élevée des individus dont les ailes, ne pouvant sécher, restaient molles et atrophiées.
Tome 27, fascicule 2, décembre 2011 85
Abondance relative
En considérant l’ensemble des 4 640 exuvies dénombrées entre le 22 avril et le 25
juin, L. caudalis et L. albifrons occupent respectivement la 3ème et 5ème place des espèces
d’Odonates les plus abondantes sur l’étang au printemps (tab. 1).
a b
Figure 1. Cartographie des secteurs d’émergence chez L. caudalis (a) et L. albifrons (b)
86 Martinia
anormalement long entre l’apparition des premières exuvies (3 mai) et celle des imagos
(7 juillet). La période de vol observée est très courte car elle intervient à la fin de la
période de suivi, mais il est possible que des imagos aient pu se reproduire jusqu’à la mi-
août, les dernières exuvies ayant été découvertes le 27 juillet.
a b
Figure 5. (a) Leucorrhinia caudalis (accouplement) et (b) Leucorrhinia albifrons, étang de Joreau, 2010
(clichés : S. Courant)
Estimation de l’effectif reproducteur local
En considérant simultanément la localisation des ♂ cantonnés et les conditions
météorologiques sur la période considérée, on peut estimer qu’au total un minimum de
51 ♂ de L. caudalis a occupé l’étang cette saison sur une période de vol de 45 jours.
Chez L. albifrons, seuls 9 ♂ ont été observés. Ces chiffres contrastent donc fortement
avec les effectifs exuviaux relevés durant la même période sur le site. Ce phénomène,
déjà mis en évidence par DUREPAIRE (1992) lors de son étude sur les exigences
écologiques de L. caudalis au sein de la Réserve Naturelle du Pinail (Vienne), traduit la
sélection exercée par de multiples facteurs (prédation, émigration, mortalité liée aux
aléas climatiques…) sur les imagos durant le stade critique de la maturation.
Une campagne de capture-marquage des imagos permettrait d’individualiser les
observations et ainsi peut-être de préciser le renouvellement (turn-over) au sein de la
population (pool) de reproducteurs. Cette technique semble particulièrement adaptée au
suivi des imagos de Leucorrhinia, qui se tiennent généralement en évidence sur des
supports à faible hauteur.
Localisation des cantons
Les ♂ de L. caudalis établissaient typiquement leur territoire sur les berges abritées
des vents d’ouest et comportant un éventail de supports de pose (laîches, phragmites,
nymphéas) leur permettant de surveiller leur domaine. Si 37 % des observations
d’imagos ont été effectués sur des nymphéas, d’autres types de support étaient également
régulièrement utilisés : arbres morts en berge (23 %), ligneux vivants divers (20 %), tiges
de phragmite (11 %) et de laîche (9 %) constituaient des perchoirs utilisés par les ♂, tant
pour surveiller leur territoire que pour chasser à vue. En définitive, l’attractivité des
berges semble conditionnée par l’association de perchoirs aériens et flottants, qui
entraîne souvent le cantonnement des ♂. La localisation des cantons paraît également
très dépendante de la proximité avec les herbiers aquatiques (Characées). Près de 70 %
90 Martinia
des territoires recensés étaient situés au-dessus des herbiers aquatiques ou à une distance
inférieure à 5 mètres.
Le schéma de répartition des cantons paraissait identique chez L. albifrons, bien que
le manque de données (seulement 8 territoires identifiés) ne permet pas de préciser
l’environnement autour des ♂ cantonnés. La végétation buissonnante en berge (jeunes
saules) et les tiges d’hélophytes au-dessus de l’eau constituaient des sites de pose très
fréquents, également utilisés lors des accouplements.
Territorialité
Chez les deux espèces, les ♂ sont connus pour s’approprier et défendre un territoire
de 10 à 20 m² lors de la reproduction (GRAND & BOUDOT, 2006), ce qui facilite à la fois
leur localisation (mobilité concentrée sur une surface réduite) et leur observation (pose
en évidence sur le canton). L’agressivité des ♂ s’atténue généralement chez L. albifrons
lorsque les densités sont élevées, ce qui n’est pas nécessairement le cas chez L. caudalis.
Sur l’étang de Joreau, les observations du comportement des ♂ sur leur canton étaient
parfois paradoxales. Chez L. caudalis, bien que le nombre de ♂ observés simultanément
demeure assez faible, les individus pouvaient s’avérer tour à tour très territoriaux
(attaques entre ♂, poursuites sur Orthetrum et Cordulia) et totalement indifférents. Un ♂
posé sur une souche toléra même qu’un couple vienne se reproduire à 40 cm de lui sans
réagir. En règle générale, les ♂ étaient posés en position typique d’obélisque (abdomen
relevé, ailes étalées vers le bas) sur un support stratégique de leur canton : feuilles
externes d’un massif de nymphéas, tige saillante de Carex, souche ensoleillée…
Leucorrhinia albifrons démontrait quant à lui une agressivité très réduite, sans doute liée
à des densités localement assez fortes (jusqu’à 6 ♂ cantonnés sur un linéaire de 40 m de
berge le 8 juillet).
Activité reproductrice
Lors de l’étude, les seules données de L. caudalis femelles matures ont été obtenues
lors des accouplements, observés à 5 reprises entre le 31 mai et le 7 juin. Ces
accouplements avaient lieu au sein du territoire du mâle, situé à proximité immédiate des
herbiers au-dessus desquels les femelles ont été observées en ponte. Chez L. albifrons,
les accouplements étaient également notés dans le territoire de mâles, mais la seule
action de ponte observée l’a été au centre du plan d’eau, c'est-à-dire à plusieurs dizaines
de mètres du plus proche territoire identifié. Les œufs ont alors été largués en vol au-
dessus d’un herbier dense de Characées.
ceinture végétale bien ensoleillée et abritée du vent, la présence de ces herbiers est un
élément déterminant dans le choix d’un territoire pour les ♂ de Leucorrhines.
Une gestion adaptée doit être apportée aux berges des queues d’étang afin de
contrôler le développement des hélophytes d’une part, et d’améliorer leurs capacités
d’accueil pour les Leucorrhines d’autre part. L’installation de souches d’arbres morts
disposées sur les berges augmenterait par exemple l’attractivité de certaines zones,
comme cela a été expérimenté dans les lagunes de Gironde vis-à-vis de L. albifrons
(JOURDAIN com. pers.). La présence des saules en bordure de la presqu’île demeure
favorable aux Odonates en fournissant des supports de pose, des abris et une protection
contre le vent.
Enfin, malgré toutes ces préconisations, il demeure essentiel de proposer la création
de nouvelles zones humides favorables pour offrir en particulier de nouveaux sites de
reproduction potentiels pour les Leucorrhines. La constitution d’un réseau de sites
utilisés pour la reproduction renforce la pérennité des populations isolées en permettant
aux individus de se reporter sur des sites-refuges en cas de perturbation importante du
site actuel (COTREL et al., 2007). Des expériences concluantes ont par exemple été
menées en Brenne (MALE-MALHERBE, com. pers.).
Conclusion
Ces recherches auront permis d’apporter des éléments nouveaux sur l’écologie d’un
des genres les plus sensibles de l’entomofaune angevine, en s’appuyant sur une double
approche scientifique et naturaliste indispensable à la définition de mesures de gestion
cohérentes. Ce travail met en évidence les habitats essentiels au développement de ces
espèces et à l’accomplissement complet de leur cycle de vie. L’équilibre fragile qui
semble s’être instauré depuis la dernière vidange complète de l’étang, effectuée il y a
plus d’une cinquantaine d’années, a permis le développement d’habitats aquatiques à
l’origine d’une diversité faunistique singulière.
Le maintien de la valeur écologique du site peut s’avérer compatible avec une
fréquentation touristique régulière et des pratiques piscicoles de loisir. Une attention
particulière doit néanmoins être apportée aux empoissonnements qui ne doivent en aucun
cas faire appel à des espèces exotiques phytophages (Amours blancs Ctenopharyngodon
idella, Carpes koï Cyprinus carpio), qui provoqueraient à la fois la disparition des
massifs d’hydrophytes et l’augmentation de la turbidité.
Les préconisations détaillées figurant dans le schéma de gestion proposé au terme de
cette étude permettront d’accompagner efficacement cette démarche de mise en valeur du
site, en proposant les outils scientifiques et techniques indispensables. Ces modalités de
gestion portent sur la création de mares périphériques en milieu semi-forestier et sur
l’amélioration des capacités d’accueil pour les Leucorrhines et pour la biodiversité
globale du site. L’avenir des espèces les plus emblématiques de cette zone humide
s’avère également indissociable des modes de gestion à la fois forestiers et agricoles mis
en œuvre autour de l’étang.
Cette étude sur l’écologie des Leucorrhines s’inscrit entièrement dans le cadre des
actions préconisées par le Plan National d’Action Odonates (DUPONT, 2009). La
94 Martinia
déclinaison régionale du plan devrait venir soutenir l’ensemble de ces initiatives en leur
assurant un appui technique et financier.
Remerciements
Nous souhaitons remercier tous ceux qui ont pris part à cette étude et qui ont
contribué à améliorer nos connaissances sur les Leucorrhines angevines. Nous
remercions le PNR Loire-Anjou-Touraine par l’intermédiaire de Samuel Havet, qui s’est
comme nous largement impliqué dans cette étude. Nous tenons également à remercier
l’ensemble des gestionnaires, chargés d’études et référents contactés sur la thématique
Leucorrhines en France et en Suisse, et qui ont accepté de nous communiquer des
données sur ces espèces dans leur région.
Travaux cités
[BARDET O. & HAUGUEL J.-C., 2003. Contribution à l’écologie de la Leucorrhine à large queue
(Leucorrhinia caudalis) et de la Leucorrhine à gros thorax (Leucorrhinia pectoralis) dans les
marais de la Souche (Aisne - France). Conservatoire des sites naturels de Picardie, 20 pp.]
[COTREL N., GAILLEDRAT M., JOURDE PH., PRECIGOUT L., PRUD’HOMME E., 2007. Liste Rouge
des Libellules menacées du Poitou-Charentes. Statut de conservation des Odonates et priorités
d’actions. Poitou-Charentes Nature, Fontaine-le-Comte, 48 pp.]
[DOMMANGET J.-L., PRIOUL B., GAJDOS A. & BOUDOT J.-P., 2008. Document préparatoire à une
Liste Rouge des Odonates de France métropolitaine complétée par la liste des espèces à suivi
prioritaire. Société française d’Odonatologie (Sfonat). Rapport non publié, 47 pp.]
[DUPONT P., 2009. Plan national d'actions en faveur des Odonates. Document de travail (décembre
2009). OPIE, MEEDD. 115 pp.]
DUREPAIRE P., 1992. Etude de la population de Leucorrhinia caudalis sur la réserve naturelle du
Pinail. Association de gestion de la Réserve naturelle du Pinail (GEREPI), Vouneuil-sur-
Vienne, 30 pp.
GRAND D. & BOUDOT J.-P., 2006. Les Libellules de France, Belgique et Luxembourg. Biotope,
Mèze, Collection Parthenope, 480 pp.
HEIDEMANN H. & SEIDENBUSCH R., 2002. Larves et exuvies des libellules de France et
d'Allemagne (sauf de Corse). Société française d’Odonatologie, Bois-d’Arcy, France. 415 pp.
KALKMAN V.J., BOUDOT J.-P., BERNARD R., CONZE K.-J., DE KNIJF G., DYATLOVA E., FERREIRA
S., JOVIC M., OTT J., RISERVATO E., SAHLEN G., 2010. European Red List of Dragonflies.
Publications Office of the European Union, Luxembourg. 40p.
[MALE-MALHERBE E., 2009. Les populations de Leucorrhines à large queue Leucorrhinia caudalis
du département de l’Indre. Compléments et synthèse générale 2006 à 2008. RN de Chérine,
CERCOPE, DIREN Centre, LPO, 56 pp.]
MAUERSBERGER R. & HEINRICH D., 1993. Zur Habitatpräferenz von Leucorrhinia caudalis
(Charpentier) (Anisoptera: Libellulidae). Libellula 12: 63-82.
STERNBERG K., HÖPPNER B., SCHIEL F.-J., RADEMACHER M., 2000. Leucorrhinia caudalis
(Charpentier, 1840). In: STERNBERG, K. & BUCHWALL, R. (Hrsg.): Die Libellen Baden-
Württembergs, Band 2. Ulmer, Stuttgart : 391-403.
TROCKUR B. & DIDION, A.,1999. Fortpflanzungsnachweise der Zierlichen Moosjungfer,
Leucorrhinia caudalis CHARPENTIER, 1840 im Moseltal. Abhandlungen der Delattinia 25:
57-66.
____________________
Tome 27, fascicule 2, décembre 2011 95
Introduction
Le 20 juillet 2006, sur la commune de Saint-Maurice-en-Gourgois, dans le
département de la Loire, lors de relevés portant sur les Orthoptères dans une prairie de
fauche, j’ai été surpris par la présence de nombreux Odonates. Ceux-ci voletaient ou
simplement se prélassaient au soleil. Il s’agissait principalement de Sympetrum, parmi
lesquels j’ai rapidement remarqué la présence de quelques individus des deux sexes de S.
pedemontanum (Allioni, 1766), espèce encore jamais citée dans le département, et de
plusieurs dizaines de S. depressiusculum (Selys, 1841). Ce dernier est classé comme très
rare dans le département de la Loire, où il a été redécouvert en 2002 (GRPLS). S.
depressiusculum est donné comme EN (en danger d’extinction) et S. pedemontanum
comme CR (en danger critique d’extinction) dans la liste rouge des Odonates de la Loire
96 Martinia
(DELIRY et al., 2008). Le premier est considéré VU (vulnérable) dans la liste rouge
européenne (KALKMAN et al., 2009).
Suite à la découverte de ces espèces à enjeu local fort, nous avons, avec l’appui du
Syndicat Mixte d’Aménagement des Gorges de la Loire, jugé nécessaire d’effectuer une
recherche des lieux d’émergence de cette espèce dans cette zone en 2007 et 2008.
Matériel et méthodes
En 2007, j’ai recherché les zones de reproduction de Sympetrum pedemontanum et,
dans un premier temps, j’ai prospecté l’ensemble des vallons descendant sur la rive
gauche ainsi que les zones de plateaux afin de chercher des sites potentiels. J’ai aussi
longé les rives du fleuve à pied, lorsque cela était possible. Une prospection partielle du
plan d’eau a été faite en barque.
Ces prospections m’ont permis de découvrir deux secteurs où les deux espèces
étaient présentes, parfois en nombre pour S. depressiusculum. Ces deux sites sont situés à
environ 420 mètres d’altitude, dans un méandre de la Loire, sur la commune d’Aurec en
Haute-Loire, au lieu-dit Semène, ainsi que sur les rives de ce même fleuve au niveau de
Saint-Paul-en-Cornillon, dans le département de la Loire.
Distants d’environ 1,5 km l’un de l’autre, ils sont situés en queue de la retenue du
barrage de Grangent et sont soumis au fort marnage lié au fonctionnement de ce
complexe hydroélectrique. On trouve les deux espèces dans les roselières riveraines,
(code CORINE 53.1) et dans les ourlets riverains mixtes (code CORINE 37.715). Les
roselières sont dominées par des espèces comme la Baldingère (Phalaris arundinacea L.)
et les Massettes (Typha latifolia L.), tandis que dans les ourlets riverains mixtes on
trouve des espèces comme la Salicaire (Lythrum salicaria L.), la Balsamine de
l'Himalaya (Impatiens glandulifera Royle), ou encore le Liseron des haies (Calystegia
sepium L.).
Ces milieux sont situés sous l’eau une grande partie de l’année. A partir du 15
septembre, la baisse du niveau du barrage liée à l’exploitation électrique de la retenue
fait apparaître de grandes plages.
Tome 27, fascicule 2, décembre 2011 97
a b
Figure 3. Site d’Aurec ; a) le 31 août, b) le 15 octobre 2007
Résultats
Depuis la localisation des sites (CORBIN & ULMER, 2007a) jusqu’en 2010, nous
avons réalisé deux à quatre passages par an. Ils ont été effectués, entre fin juin et mi
octobre, sur les secteurs des bords du fleuve Loire identifiés en 2007 ainsi que sur ceux
où la rive possède un ourlet de végétation de roselière. En 2007, nous n’avons pu
apporter la preuve certaine de reproduction de S. pedemontanum (CORBIN & ULMER,
2007b). Ce n’est qu’en 2008, 2009 et 2010 que nous avons rencontré des individus
fraîchement émergés (ténéraux), à peine volant, qui indiquent la reproduction fort
probable des deux espèces dans les deux sites. On peut aussi noter l’importance des
stations avec l’observation de plus de cent individus pour chacun des sites pour S.
depressiusculum. S. pedemontanum est, quant à lui, beaucoup moins abondant. Le site de
Saint-Paul-en-Cornillon semble moins favorable à cette dernière espèce. Sur ce site, en
2007, le seul individu de l'espèce rencontré a été tué sous mes yeux par un frelon.
En 2010, sur le même site, j'ai pu observer un tandem composé d'un ♂ de S.
depressiusculum et d'une ♀ de S. pedemontanum.
Discussion
La synthèse des connaissances sur ces deux espèces dans les deux départements et les
deux régions concernés permet de connaître leur statut local.
Auvergne et Haute-Loire
Dans la liste régionale des Odonates établie par la SFO Auvergne en 2007, S.
depressiusculum est cité comme peu fréquent en région Auvergne. Dans le département
de la Haute-Loire, l'espèce aurait été observée en 2005 ou 2006 par la LPO Auvergne et a
été observée en 2008 par Alain Giraud à Bas-en-Basset (com. pers.). Elle est considérée
comme disparue ou non revue par DOMMANGET (1987), BRONNEC (2006) et GRAND et
BOUDOT (2006) dans les départements du Puy-de-Dôme et de l’Allier. Cette espèce est
inscrite en liste rouge régionale comme espèce en danger d’extinction.
D’après la liste régionale 2007, S. pedemontanum était jusqu’à présent inconnu en
région Auvergne.
Tome 27, fascicule 2, décembre 2011 99
Loire et Rhône-Alpes
En Rhône-Alpes, aucune de ces deux espèces n’a été citée dans le département de la
Loire par BRUGIERE en 1999. Ensuite, GRAND et BOUDOT (2006), puis DELIRY (2008),
se fondant sur des données récentes, mentionnent la présence actuelle de S.
depressiusculum dans le département de la Loire, où il avait déjà été cité au XIXe siècle
(DOMMANGET, 1987).
Sympetrum depressiusculum est considéré comme disparu du Rhône (dernière donnée
1978) (GRAND, 2004) et est classé comme vulnérable dans la Liste Rouge de l’Ardèche
(FATON in DELIRY, 2008). Il figure en Liste Orange Rhône Alpes comme espèce rare. Il
semble montrer quelques déplacements et des observations ponctuelles ont été
enregistrées dans les années 2000, tant en Isère, qu’en Savoie et qu’en Haute-Savoie. Il
s’agissait systématiquement d’individus isolés. Dans la Loire, il a été redécouvert en
2002, puis retrouvé par Stéphane PISSAVIN (2003), avec 7 individus dans 4 communes.
Sympetrum pedemontanum est quant à lui connu en Ardèche et dans la Drôme. Il
semble également montrer quelques déplacements et des observations ponctuelles
d’individus isolés ont également été enregistrées dans les années 2000 en Isère, en Savoie
et en Haute-Savoie.
Il est classé VU en Liste rouge régionale de Rhône Alpes.
La découverte de ces deux sites a permis d’ajouter deux espèces à la liste des
Odonates de Haute-Loire et une à la région Auvergne, ainsi qu’une espèce pour le
département de la Loire. Il faut cependant noter l’importance de la population de
Sympetrum depressiusculum. Ces deux sites de reproduction révèlent leur très grande
importance (plus de 250 individus dénombrés au total en août 2008). Cette espèce est
inscrite au Plan National Odonates et est en Liste Rouge Européenne.
D’après Cyrille Deliry (com. pers.), c’est très probablement le marnage, avec mise en
eau estivale et étiage en intersaison, qui est favorable à ces deux espèces qui,
paradoxalement, doivent leur présence à des conditions de mise en eau inverses de celles
qui découleraient des rythmes saisonniers naturels. Il nous semble important de suivre
ces populations afin de bien appréhender tous les enjeux de conservation de ces deux
sites majeurs, en considérant leur fonctionnement, lié à celui du complexe
hydroélectrique de Grangent.
Remerciements
Je tiens à remercier Bruno Gillard et Alain Giraud de la SFO Auvergne, pour leurs
informations auvergnates, Cyrille Deliry du GRPLS pour celles de Rhône Alpes ainsi que
Sébastien Arnaud et Nelly Weber du SMAGL pour leur appui pour l’établissement des
campagnes. Un merci particulier à Yoann Boeglin, pour les relevés botaniques et à
Elodie Calonnier, Diane Corbin et Mickael Villemagne de la FRAPNA Loire, pour leur
appui lors des campagnes de relevés.
Travaux cités
[BRONNEC F., 2006. Cartographie des Odonates du Puy-de-Dôme. Société d’Histoire
naturelle Alcide-d’Orbigny, <www.shnao.net>].
100 Martinia
BRUGIERE D., 1999. Pré inventaire des Odonates du département de la Loire. Martinia,
15 (2) : p 47-53.
[CORBIN D., ULMER A. (FRAPNA Loire), 2007a. Site Natura 2000 (L 12) des Gorges de
la Loire, prospections entomologiques et botaniques 2006. SMAGL, 42 pages plus
annexes.]
[CORBIN D., ULMER A. (FRAPNA Loire), 2007b. Site Natura 2000 (L 12) des Gorges de
la Loire, prospections entomologiques et botaniques 2007. SMAGL, 49 pp + Ann.]
DELIRY C. (coord), 2008. Atlas illustré des libellules de la région Rhône-Alpes. Éditions
Biotope, Collection Parthénope, Mèze, 408 pp.
DOMMANGET J.-L., 1987. Etude faunistique et bibliographique des Odonates de France.
Muséum National d'Histoire Naturelle, Paris. 283 pp.
GRAND D., 2004. Les libellules du Rhône. Muséum de Lyon, 256 pp.
GRAND D. & BOUDOT J.-P., 2006. Les Libellules de France, Belgique et Luxembourg.
Éditions Biotope, Collection Parthénope, Mèze, 480 pp.
KALKMAN V.J., BOUDOT J.-P., BERNARD R., CONZE K.-J., DE KNIJF G., DYATLOVA E.,
FERREIRA S., JOVIC M., OTT J., RISERVATO E. & SAHLEN G., 2009. European Red
List of Dragonflies. IUCN, Gland, Switzerland & Cambridge, United-Kingdom &
Office for Official Publications of the European Communities, Luxembourg, 28 pp.
<http://ec.europa.eu/environment/nature/conservation/species/redlist/downloads/Eur
opean_dragonflies.pdf>
PISSAVIN S., 2003. Rapport de prospections, département de la Loire, 2003. GRPLS, 9
pp.
[SFO AUVERGNE, 2007. Liste des Odonates d’Auvergne version IV. Société française
d’Odonatologie, délégation Auvergne, version 4, 3 pp.].
____________________
Tome 27, fascicule 2, décembre 2011 101
Préambule
Boyeria irene (Fonscolombe, 1838) est une espèce de répartition atlanto-
méditerranéenne (ou pan ouest-méditerranéenne – GRAND & BOUDOT, 2006). En France,
il est commun en région méditerranéenne et en Aquitaine, puis se raréfie vers le nord. Il
est globalement absent au nord d’une ligne reliant le Calvados à la Franche-Comté.
Sa présence en région Champagne-Ardenne semble récente. Il a été découvert en
septembre 2006 en bordure de l‘Aube à Lesmont, au sein du Parc naturel régional de la
Forêt d’Orient (TERNOIS & EPE, 2007). Alors que nous pensions à l’époque avoir à faire
à la toute première donnée régionale, il nous a été communiqué depuis trois données
auboises antérieures, données qui n’avaient pas été publiées à l’époque. Boyeria irene
avait, en effet, été déjà observé le 12 juin 1995 à Bar-sur-Aube (2 larves - S. Potel, com.
pers.) et le 3 septembre 1997 sur l’Ardusson à Saint-Aubin (1 larve - Y. Séchure, com.
pers.). L’espèce a été observée à nouveau sur ce dernier cours d’eau, à Ferreux-Quincey,
en 2005 (1 larve - Y. Séchure, com. pers.). On notera que sa présence était fortement
suspectée dans le département de la Marne dès 2004 sur la Superbe à Pleurs (JLL) mais,
en l’absence de capture d’un imago observé en vol, cette donnée avait été provisoirement
mise de côté.
A compter de 2007, suite à une nouvelle découverte de l’espèce sur la Renne, à
Montheries, en Haute-Marne (TERNOIS, 2008), les auteurs se sont attachés à préciser le
statut de l’espèce dans la région. Il convenait de vérifier la validité des données
historiques et de préciser le statut de cette espèce discrète. Cet article présente les
principaux résultats collectés en 2009 et 2010 en région Champagne-Ardenne.
a b
Figures 1. Détails de l’exuvie de B. irene récoltée sur les rives de la Voire le 11 juin 2009 ; a) tête et
thorax, b) abdomen (clichés : V. Ternois).
104 Martinia
Rognon à Forcey. Finalement, une exuvie a été collectée sous un pont en aval de
Bourdons-sur-Rognon, confirmant la présence de l’espèce sur ce cours d’eau également.
Par la suite, 5 autres exuvies ont été collectées en aval d’un second pont, distant de
500 m mais toujours situé sur le finage de Bourdons-sur-Rognon. On notera que 5 ♂
adultes et 3 exuvies ont été observés sur ce second site le 19 juillet (D. Druart, com.
pers.). La poursuite des recherches menées en aval, de Cirey-les-Mareilles à
Doulaincourt-Saucourt, s’est révélée infructueuse.
Boyeria irene avait été découvert sur la Renne en 2007 (TERNOIS, 2008). Des imagos
y avaient été observés à nouveau en 2008 et 2009, mais, en l’absence d’une présence
régulière tout au long de la saison, aucune preuve fiable de reproduction n’avait pu être
mise en évidence. Le 10 juillet 2010, une recherche d’exuvies a donc été entreprise sur le
secteur supposé favorable, mais sans succès. Pourtant, le 3 août, 2 imagos volent comme
les années précédentes dans la cour d’une ancienne ferme. Des individus y sont encore
observés les 7 (2 imagos) et 13 août (1 imago)…
Deux exuvies sont ensuite découvertes le 20 juillet 2010 sur la commune de Saint-
Loup-sur-Aujon (D. Druart, com. pers.). Puis l’espèce est identifiée sur ce même cours
d’eau le 2 août avec la collecte d’exuvies à Cours-l’Evêque (1 exuvie sous le pont du
village) et Aizanville (4 exuvies collectées sur un Aulne). Ce jour-là, quelques
recherches étaient également réalisées sur le secteur amont des vallées de l’Aube et de
l’Ource. Prospections fructueuses, puisque des exuvies étaient trouvées à Aubepierre-sur-
Aube et à Dancevoir. L’espèce ne semble par contre pas présente à la source de l’Aube,
l’habitat y étant visiblement peu favorable (systèmes racinaires très peu développés).
Boyeria irene a également été observé sur la partie haut-marnaise de l’Ource (déjà
identifiée sur la partie auboise le 8 juillet) par la découverte d’une ♀ adulte à Colmier-le-
Bas. Posée sur les parois d’un pont, elle s’est envolée puis a commencé à pondre dans la
mousse située à la base du pont.
Le 4 août, de nouvelles investigations étaient menées sur le dernier secteur haut-
marnais non encore couvert de l’Aube, en particulier depuis Silvarouvres à Longchamp-
sur-Aujon. Bien que les prospections aient été plus difficiles (hauteur d’eau plus
importante limitant l’accès aux piliers des ponts), une exuvie était collectée sous le pont
de Silvarouvres et 5 autres sous le pont d‘Outre-Aube, sur la commune de Longchamp-
sur-Aujon.
Des recherches ont également été menées sur la Blaise. Les prospections réalisées le
15 juillet 2010 de Wassy à Ville-en-Blaisois puis le 4 août de Lachapelle-en-Blaisy à
Cirey-sur-Blaise n’ont pas permis de découvrir d’exuvie. Le cours d’eau semble moins
favorable à l’espèce, si ce n’est peut-être sur le tronçon intermédiaire, non prospecté
faute de temps (apparition de chevelus racinaires potentiellement favorables à Cirey-sur-
Blaise et Ville-en-Blaisois). Précisons toutefois que 2 larves ont été identifiées par le
passé sur ce cours d’eau d’après les relevés IBGN réalisés à Wassy le 29 juillet 2008
(source : DREAL).
Enfin, 3 imagos ont été découverts le 14 août 2010 sur l’Armance à Davrey (G.
Geneste, com. pers.). Suspectée la veille par l’observation d’un individu qui chassait sur
un parking en fin de journée, l’identité de l’espèce était confirmée le 14, tout d’abord par
l’observation d’un individu se posant sur une maison à la mi-journée, puis par la
106 Martinia
Répartition et biotopes
L’espèce est visiblement attachée aux cours d’eau frais et ombragés de la moitié sud
de la région, dont les faibles variations des niveaux d’eau permettent un développement
de chevelus racinaires important. La plupart des exuvies collectées en dehors des ponts
l’ont été à hauteur d’Aulnes glutineux possédant un important chevelu racinaire. Les
exuvies sont alors fixées sur les petits rejets poussant à la base des souches, ou plus
exceptionnellement sur le tronc ou même en rétroversion sous des feuilles de rejets. Dans
bien des cas, lorsque les chevelus sont peu ou pas développés, aucune exuvie ne peut être
collectée.
a b
Figures 3. Aulne en rive de l’Ardusson sur lequel 3 exuvies de B. irene ont été récoltées entre 80 et 120
cm de hauteur le 7 juillet 2010 ; a) vue générale, b) détail du racinaire immergé apprécié des larves
(clichés : J.-L. Lambert).
Au droit des sites d’émergence, le cours d’eau se caractérise par des vitesses de
courant moyennes à modérées (plats courants) et le fond est bien souvent formé de blocs.
Les herbiers sont quant à eux absents. C’est principalement le cas sur le Rognon, la
Laignes, l’Ource, l’Aube et l’Aujon.
Quelques exceptions peuvent être notées, avec des émergences constatées sur des
saules, un frêne, une ronce, des branches mortes, un iris, des blocs d’enrochement de
berge, etc. La majeure partie des exuvies a été collectée au-dessus de l’eau et jusqu’à 20-
30 cm de la rive. En général, elles se trouvaient à des hauteurs comprises entre 40 et 80
cm, mais ces valeurs sont régulièrement plus importantes sous les ponts, avec des exuvies
jusqu’à 1 m 80 de hauteur.
On notera que les prospections se sont révélées infructueuses vers les sources de
l’Aube (secteur d’Auberive) et de la Blaise, où les chevelus racinaires sont pratiquement
inexistants. Sur le Rognon, B. irene a été trouvé uniquement sur le secteur le plus
ombragé et encaissé de la vallée. En amont, la rivière circule dans des secteurs ouverts
(prairies pâturées) peu favorables alors qu’en aval le cours d’eau est caractérisé par un
régime hydraulique très fluctuant (pertes régulières sur certains tronçons et crues
printanières importantes) limitant le développement de ces chevelus.
108 Martinia
La Laignes
08/07/10 Les Riceys (10) 1 Aulne (1) 60 0 Plat courant / Graviers et
/ Site 1 sables, quelques herbiers
08/07/10 Les Riceys (10) 3 Aulne (3) 30 à 50 20 à 30 Plat courant, chenal lentique
/ Site 2 / Blocs, pierres et sables,
herbiers absents
08/07/10 Les Riceys (10) 9 Aulne (7), Iris (1), Frêne 20 à 120 60 à Plat courant / Blocs, pierres,
/ Site 3 (1) surplomb graviers, herbiers absents
08/07/10 Balnot-sur- 7 Pont (2), Aulne (5) 20 à 180 60 à 100 Plat courant / Blocs et
Laignes (10) / pierres, herbiers absents
Site 1
08/07/10 Balnot-sur- 3 Pont (1), branche morte 40 à 160 0 à 10 Plat courant / Blocs, pierres,
Laignes (10) / (1), Aulne (1) herbiers absents
Site 2
L’Ource
08/07/10 Loches-sur- 4 Pont (4) 50 à 110 25 à Plat courant / Blocs, pierres,
Ource (10) surplomb graviers, herbiers absents
08/07/10 Verpillières- 3 Pont (2), ronce (1) 70 à 110 surplomb Plat courant / Blocs, pierres,
sur-Ource (10) herbiers absents
02/08/10 Colmier-le-Bas 0 Pas d’exuvie. Une femelle pondant sur des Radier / Pierres, herbiers
(52) bryophytes à la base d’un pont absents
Le Rognon
09/07/10 Bourdons-sur- 1 Pont (1) 80 surplomb Radier / Blocs, pierres,
Rognon (52) / herbiers absents
Site 1
09/07/10 Bourdons-sur- 5 Aulne (5) 50 à 80 0 à 20 Plat courant / Blocs, pierres,
19/07/10 Rognon (52) / 3 Enrochement (2), Frêne (1) graviers, sables, herbiers
Site 2 absents
L’Aube
02/08/10 Aubepierre-sur- 1 Végétation herbacée (1) 60 surplomb Plat courant / Blocs, pierres,
Aube (52) herbiers présents
(renoncules)
02/08/10 Dancevoir (52) 1 Branche morte (1) 60 20 Plat courant / Pierres,
graviers, herbiers présents
(renoncules)
04/08/10 Silvarouvres 1 Pont (1) 40 surplomb Plat courant / Blocs, pierres,
(52) herbiers absents
Compte tenu de la distribution actuelle des données, il est possible que l’espèce soit
présente sur une grande partie de l’Aube et de la Seine, même si les micro-habitats
recherchés par B. irene y sont moins développés que sur les petits cours d’eau du sud de
la région. Les rivières du Barrois et du Tonnerois, avec leur régime hydraulique
particulier (faible marnage) sont certainement les secteurs les plus favorables à l’espèce.
Les effectifs les plus élevés semblent pour l’instant se trouver sur la Laignes.
Boyeria irene a été retrouvé sur la Superbe le 6 juillet 2010, date à laquelle deux
exuvies ont été récoltées à hauteur de la station de 2009. On notera que cette station
constitue à ce jour la seule population identifiée du département de la Marne malgré des
prospections menées depuis plusieurs années sur une douzaine de cours d’eau du sud de
ce département. A notre connaissance, c’est également le site le plus septentrional du
nord-est de la France où l’indigénat de cette espèce est actuellement certain. D’après J.-
P. Boudot (com. pers.), deux anciennes données datant de 1970 et 1976 et provenant de
naturalistes allemands font cependant état d’observations de larves de B. irene en
Lorraine sur la Meurthe au nord de Nancy. Ces observations n’ont jamais pu être
confirmées à l’époque et, depuis, des travaux lourds d’aménagements hydrauliques ont
profondément modifié les habitats de cette rivière, rendant improbable le maintien ou
l’installation de l’espèce sur ce secteur.
Période de vol
Selon HEIDEMANN & SEIDENBUSCH (2002), l’émergence de B. irene intervient dès la
mi-juin et se poursuit jusqu’au début du mois d’août. Dans le nord de la France, la
reproduction se déroule principalement en août et les imagos s’observent jusqu’aux tous
premiers jours d’octobre (GRAND & BOUDOT, 2006). Les données régionales sont
conformes à ces informations, puisqu’elles ont été enregistrées entre le 11 juin
(émergence sur la Voire à Lentilles) et le 23 septembre (1 imago sur la Renne à
Montheries).
12
10
6
Imagos
4 Exuvies
0
01-10 11-20 21-30 01-10 11-20 21-31 01-10 11-20 21-31 01-10 11-20 21-30
juin juin juin juil. juil. juil. août août août sept. sept. sept.
que les recherches d’exuvies doivent être programmées, alors que les observations
d’imagos seront plus faciles du mois d’août jusqu’aux tous premiers jours de septembre.
Discussion
L’évaluation du statut de B. irene en Champagne-Ardenne reste un exercice difficile.
La toute première donnée publiée dans le bilan du Programme INVOD (DOMMANGET et
al., 2002) s’est révélée être une erreur d’encodage. Par la suite, l’espèce est
vraisemblablement entraperçue à Pleurs en 2004, mais l’absence de capture nous a incité
à une sage prudence. Finalement, ce n’est qu’en 2006 que l’espèce a été officiellement
identifiée dans la région, grâce à la photographie d’un touriste hollandais en vacances
dans le Parc naturel régional de la Forêt d’Orient (TERNOIS & EPE, 2007). Ravis à
l’époque d’officialiser cette découverte, nous avons dû rapidement nous rendre à
l’évidence qu’il ne s’agissait pas de la première mention pour la région. En effet, après la
publication de cette donnée, S. Pottel nous a informé que l’espèce avait été découverte
dès 1995 à Bar-sur-Aube par des étudiants allemands en villégiature dans la région, et Y.
Séchure nous a fait part de ses collectes de larves sur l’Ardusson en 1997 et 2005. A la
décharge des auteurs des publications de ces dernières années portant sur B. irene en
Champagne-Ardenne, ces données historiques n’avaient été ni publiées ni transmises aux
odonatologues de la région. Depuis 2007 et la découverte de l’espèce en Haute-Marne
(TERNOIS, 2008), la présence de foyers de populations était fortement suspectée dans le
sud de la région, mais le manque de temps et de moyens n’avaient pas permis de lever les
doutes. Enfin, l’analyse début 2010 des relevés taxonomiques des IBGN consultés à la
DREAL Champagne-Ardenne, révèle que ces derniers font état de la présence de larves
de B. irene dans plusieurs prélèvements. Après plusieurs années de tergiversations et
d’interrogations, il devenait urgent de préciser le statut de l’espèce dans la région.
Les prospections de 2010 ont permis d’identifier un foyer de populations dans le sud
de la région et plus particulièrement sur les bassins amonts de la Seine et de l’Aube.
L’espèce est visiblement bien implantée sur la Laignes et l’Ource et est également
présente sur l’Aube, l’Aujon, le Rognon et l’Armance. Mais nul doute, au regard des
données de la Voire, de l’Ardusson et de la Superbe, que cette espèce se reproduit sur
d’autres cours d’eau de la région.
Ce nouveau statut pose aussi quelques interrogations. Pourquoi a-t-il fallu attendre 15
ans pour démontrer l’implantation importante de l’espèce dans le sud de la région ? Est-
ce lié à une sous-prospection odonatologique régionale et au manque d’intérêt porté aux
cours d’eau ? Est-ce dû à la grande discrétion de cette espèce au stade imaginal lorsque
les populations sont réduites, ou cette implantation est-elle récente ? Nous n’y
répondrons peut-être jamais. En effet, il est difficile de dire que l’espèce est
d’installation récente alors même que le sud de la région a été peu prospecté par le passé
et que les imagos peuvent facilement passer inaperçus. On notera tout de même les
récentes découvertes en Suisse et en Allemagne qui suggèrent une expansion de l’espèce
au nord de son aire de répartition traditionnelle (CLAUSNITZER et al., 2010 ; HERTZOG
M., 2010).
112 Martinia
Remerciements
Nous tenons à associer à cette synthèse nos collègues et amis Didier Druart (Onema,
Service départemental de la Haute-Marne), Yves Séchure (Onema, Service départemental
de l’Aube), Jean-Pierre Raulin et Ghislain Kuzemskyj (Onema, Service départemental de
la Marne) et Guillaume Geneste (Association nature du Nogentais), pour leurs
contributions aux prospections de terrain et la mise à disposition de leurs données. Merci
également à Jean-Pierre Boudot (CNRS/Université Henri Poincaré Nancy I) pour ses
informations, Emmanuelle Fradin (CPIE du Pays de Soulaines) pour l’élaboration de la
carte de distribution et Nicolas Le Normand (Onema, service départemental d’Indre-et-
Loire) pour la traduction du résumé.
Un grand merci à Marie-Georges Mercelot et Guillaume Widiez (DREAL
Champagne-Ardenne) pour nous avoir permis l’accès aux données IBGN.
Ce travail n’aurait pas eu de tels résultats sans le soutien apporté par la Région
Champagne-Ardenne et la DREAL Champagne-Ardenne à l’Observatoire des Odonates
de Champagne-Ardenne.
Travaux cités
CLAUSNITZER H.-J., HENGST R., KRIEGER C. & THOMES A., 2010. Boyeria irene in Niedersachsen
(Odonata : Aeshnidae). Libellula 29 (3/4) : 155-168.
DELIRY C. (coord.), 2008. Atlas illustré des libellules de la région Rhône-Alpes. Ed. Biotope, col.
Parthénope, Mèze, 408 pp.
DOMMANGET C, DOMMANGET T. & DOMMANGET J.-L. (coord.), 2002. Inventaire cartographique
des odonates de France (programme INVOD). Bilan 1982-2000. Martinia 18, suppl. 1, 1-68.
GRAND D. & BOUDOT J.-P., 2006. Les libellules de France, Belgique et Luxembourg. Ed. Biotope,
Coll. Parthénope, Mèze, 480 pp.
HEIDEMANN H. & SEIDENBUSCH R., 2002. Larves et exuvies des libellules de France et
d’Allemagne (sauf de Corse). Société Française d’Odonatologie, 416 pp.
HERTZOG M., 2010. Beobachtung eines frisch geschlüpften Weibchens von Boyeria irene am
Seerhein (Odonata : Aeshnidae). Libellula 29: 169-174.
MALAVOI J.-R. & SOUCHON Y., 2002. Description standardisée des principaux facies d’écoulement
observables en rivière : clé de détermination qualitative et mesures physiques. Bulletin
Français de la Pêche et de la Pisciculture 365/366 : 357-372.
TACHET H., 2006. Invertébrés d’eau douce : systématique, biologie, écologie. CNRS Editions,
Paris 587 pp.
TERNOIS V., 2008. L’Aeschne paisible Boyeria irene (Fonscolombe, 1938) : première mention
pour le département de la Haute-Marne (Odonata, Anisoptera, Aeshnidae). Bull. Soc. Sc. Nat.
Arch. Hte-Marne, N. S., 7 : 11-13.
TERNOIS V. & EPE M., 2007. Première mention de Boyeria irene (Fonscolombe, 1938) dans le
Parc naturel régional de la Forêt d’Orient et en région Champagne-Ardenne (Odonata,
Anisoptera, Aeshnidae). Martinia 23 (2) : 53-57.
[TERNOIS V. RONDEL S. & FRADIN E., 2009. Sur la présence de la Cordulie à corps fin sur la
vallée de la Voire (site Natura 2000 n° 50) – Prospections 2009. CPIE du Pays de Soulaines /
Chambre d’Agriculture de l’Aube. 9 pp.]
____________________
Tome 27, fascicule 2, décembre 2011 113
Annexe
La deuxième position, avec 11 voix (31,4 %) est occupée par Libellula fulva, photographié par
Régis Krieg-Jacquier. Cette photo avait obtenu la 14e place au Concours national nature 2009 de
la Fédération photographique de
France. Le contre-jour met en
évidence la nervation des ailes
qui, rehaussée par le fond
sombre, donne beaucoup de
lumière au cliché. On regrettera
peut-être le cadrage très serré dû
à la proximité du sujet lors de la
prise de vue.
Pour finir, la dernière couverture proposée a recueilli 9 voix (25,7 %). L’image de ce Lestes
sponsa posé en fin de journée a été prise par Philippe Lambret. Elle illustre bien le fait que les
Zygoptères choisissent pour se poser des tiges dont le diamètre est inférieur à l’écartement des
yeux, ce qui leur assure un champ de vision optimisé pour une vigilance accrue (pour en savoir
plus, voir : ASKEW R.R., 1982.
Roosting and resting site
selection by coenagrionid
damselflies. Advances in
Odonatology 1 : 1-8.). Les
couleurs de la photo offrent
cependant un effet ton sur ton
avec le reste de la couverture,
et l’ensemble paraît un peu
vide...
Introduction
Dans le cadre de l’inventaire odonatologique du département de l'Indre-et-Loire initié
en 2007, des prospections ont eu lieu sur un grand nombre d’étangs, zones humides et
cours d’eau du département. Le 8 mai 2008, l’une de ces prospections réalisées à
Ambillou, sur l'étang de la Céseraie, permettait d’apporter les premières preuves de
reproduction en Indre-et-Loire d'une espèce menacée et à forte valeur patrimoniale:
Leucorrhinia caudalis (Charpentier, 1840). Cet article fait le point sur les conditions de
la découverte et regroupe les données obtenues depuis cette date. En termes de
problématiques de conservation, les implications liées à la découverte de cette espèce
rare et menacée sur cet étang sont discutées.
116 Martinia
Matériel et méthode
À ce stade de l'inventaire départemental, aucun protocole d'échantillonnage particulier
n'avait encore été mis en place. Les recherches d'exuvies, d'individus émergents et
d'imagos ont simplement été réalisées en parcourant à pied les bordures d’étangs. Les
précautions maximales ont été prises afin d'éviter toute altération du milieu. Pour les
espèces nécessitant une identification en main, les captures ont été effectuées à l'aide de
filets de type « filet à papillons » et les individus conservés en main le moins longtemps
possible. Concernant les espèces identifiables à distance, l'utilisation de jumelles de type
10 x 42 a été privilégiée. Les exuvies récoltées ont été identifiées à l'aide d'une loupe x10
et ont été conservées au sein de boîtes en plastique translucide à petits compartiments
(type boîte d'appâts pour la pêche).
Résultats
Première observation de Leucorrhinia caudalis
Le 8 mai 2008, un petit Anisoptère était découvert piégé dans une toile d'araignée
(Araneus sp.). Celui-ci était situé à quelques centimètres de hauteur et se trouvait en
bordure d'étang. Le cadavre de l'Anisoptère était trop dégradé pour permettre son
identification. Toutefois, juste à côté, une exuvie d'Anisoptère a été récoltée et conservée
(Fig. 1, localisation 1). Un peu plus loin et toujours en bordure d'étang, un second
cadavre d’Anisoptère était ensuite découvert piégé, lui aussi, dans une toile d'araignée
(Fig. 1, localisation 2). Bien mieux conservé, presque intact, celui-ci pouvait rapidement
être identifié comme L. caudalis ♀. L'observation à la loupe de la lame vulvaire
(bifide, très échancrée, avec de longs lobes parallèles dont seules les extrémités
divergent) confirmait rigoureusement l'identification (DIJKSTRA, 2007). Enfin, après une
Tome 27, fascicule 2, décembre 2011 117
Figure 2. Mâle mature de Leucorrhinia caudalis à Ambillou le 10 juin 2008 (cliché : Eric Sansault).
Le jour de cette observation 3 autres mâles et 2 femelles étaient également présents sur le site.
Cortège d'espèces
L'étang de la Céseraie présente un cortège d'espèces assez typiques d'un étang
forestier d'Indre-et-Loire. Parmi les Zygoptères, signalons : Calopteryx splendens,
Chalcolestes viridis, Sympecma fusca, Coenagrion puella, Ceriagrion tenellum,
Enallagma cyathigerum, Erythromma najas, Ischnura elegans, Pyrrhosoma nymphula et
Platycnemis pennipes. Les Anisoptères sont représentés par : Anax imperator, A.
parthenope, Brachytron pratense, Cordulia aenea, Crocothemis erythraea, Leucorrhinia
caudalis, Libellula depressa, L. quadrimaculata, Orthetrum albistylum, O. cancellatum
et Sympetrum sanguineum. Durant la rédaction de cet article, une nouvelle espèce a été
ajoutée à la liste, il s'agit d'Epitheca bimaculata dont un imago a été observé le 30 avril
2011 (BAETA, base de données de l'A.N.E.P.E. Caudalis).
118 Martinia
Figure 3. Mâle immature de Leucorrhinia caudalis à Ambillou le 22 mai 2010 (cliché : Eric Sansault).
Cette même journée un mâle mature était également présent sur le site. Les ailes froissées sont dues à un
problème lors de l'émergence.
Discussion
En France, comme un peu partout dans l’ouest de l’Europe, les populations de L.
caudalis sont fortement morcelées et menacées (SAHLEN et al., 2004). La perte d’habitats
liée à l’eutrophisation, à l’acidification et à la gestion des milieux qui lui étaient
favorables (SAHLEN et al., 2004 ; GRAND & BOUDOT, 2006) font que cette espèce est
inscrite à l'Annexe IV de la directive Habitats (directive 92/43/CEE, 1992). Au niveau
des 27 pays membres de la CEE, elle figure en classe NT (quasi menacée) dans la récente
Liste Rouge (KALKMAN et al., 2009), mais est notée depuis peu en expansion dans
certaines régions (Allemagne, Belgique, Suisse...). Ses potentialités de dispersion ont été
très étudiées en Suisse (KELLER et al., 2010). En France, cette espèce pourrait être
considérée comme « En Danger » (DOMMANGET et al., 2009). Des découvertes récentes
en Région Centre montrent qu’elle y est désormais présente dans quatre départements.
En effet, aux populations de l'Indre et du Loiret sont venues s'ajouter de nouvelles
populations dans le Loir-et-Cher (SEMPE, en préparation) et en Indre-et-Loire (présent
article). Concernant l’Indre-et-Loire, la seule donnée antérieure à 2008 rapportait la
présence d'un ♂ erratique sur un étang de Champeigne le 10 juin 1983 (CLOUPEAU et al.,
2000). Leucorrhinia caudalis est d’ailleurs également considéré comme « En Danger »
en Région Centre (LETT et al., 2009).
Situé sur la commune d’Ambillou (37340), l'étang de la Céseraie est une Zone
Naturelle d’Intérêt Écologique Faunistique et Floristique (ZNIEFF) de type 1 (id.
Tome 27, fascicule 2, décembre 2011 119
Remerciements
L'auteur remercie Louis Sallé pour être le co-découvreur des premières preuves de
reproduction sur le site de la Céseraie. L'auteur remercie aussi Renaud Baeta, Roger
Cloupeau, Jean-Michel Lett et Julien Présent pour leurs conseils, relectures et
commentaires.
Travaux cités
CLOUPEAU R., BOUDIER F., LEVASSEUR M. & COCQUEMPOT CH., 2000. Les Odonates de Touraine
(Département d'Indre-et-Loire, France). Bilan de l'inventaire en cours. - Martinia, 16 (4) décembre
2000 : 153-170.
DIJKSTRA K.-D.B., 2007. Guide des libellules de France et d'Europe. Delachaux et Niestlé, 320 pp.
[DOMMANGET J.-L., PRIOUL B., GAJDOS A. & BOUDOT J.-P., 2009. Document préparatoire à une Liste
Rouge des Odonates de France métropolitaine complétée par la liste des espèces à suivi prioritaire.
Société française d’odonatologie (Sfonat). Document de travail non publié, 47 pp.]
DUPONT P., coordination, 2010. Plan national d’actions en faveur des Odonates. Office pour les
Insectes et leur Environnement / Société française d’Odonatologie – Ministère de Écologie, de
l’Énergie, du Développement durable et de la Mer, 170 pp.
GRAND D. & BOUDOT J.-P., 2006. Les libellules de France, Belgique et Luxembourg. Editions Biotope,
collection Parthénope, Mèze (France), 480 pp.
KALKMAN V.J., BOUDOT J.-P., BERNARD R., CONZE K.-J., DE KNIJF G., DYATLOVA E., FERREIRA S.,
JOVIC M., OTT J., RISERVATO E. & SAHLEN G., 2009. European Red List of Dragonflies. IUCN,
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European Communities, Luxembourg, 28 pp. <http://ec.europa.eu/environment/ nature/conservation
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KELLER D., BRODBECK S., FLÖSS I., VONWIL G. & HOLDEREGGER R. 2010. Ecological and genetic
measurements of dispersal in a threatened dragonfly. Biological Conservation, 143: 2658-2663.
LETT J.-M., CLOUPEAU R., MALE-MALHERBE E., PRATZ J.-L., DOHOGNE R., GARNIER P. & GRESSETTE
S., 2009. Livre Rouge. Groupe invertébrés - Odonates. Liste commentée des Odonates, Document
de travail intermédiaire- CERCOPE, 14 pp.
LETT J.-M., CLOUPEAU R., PRATZ J.-L. & MALE-MALHERBE E (coord.)., 2001. Liste commentée des
Odonates de la région Centre (Départements du Cher, de l'Eure-et-Loire, de l'Indre, de l'Indre-et-
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MAUERSBERGER R., 2009. Nimmt Leucorrhinia caudalis im Nordosten Deutschlands rezent zu?
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[Ministère de l'Environnement /IFEN /Service du Patrimoine Naturel – MNHN. Inventaire des Zones
Naturelles d'Intérêt Écologique, Faunistique et Floristique. Étang de la Céseraie. <http://
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SAHLEN G., BERNARD R., RIVERA A. C., KETELAAR R. & SUHLING F., 2004. Critical species of Odonata
in Europe. International Journal of Odonatology, 7 (2) : 385-398.
VANTIEGHEM P., DE GROOTE D., DEWOLF J., 2011. Rediscovery of Leucorrhinia caudalis (Charpentier,
1840) in Belgium after a century of absence. Libellenvereniging Vlaanderen - nieuwsbrief, 5 (2): 2-
3.
____________________
Tome 27, fascicule 2, décembre 2011 121
Brève communication
1
NDLR : dans une communication verbale à Gilles Jacquemin, Pierre Aguesse indique
toutefois G. flavipes en Camargue, entre l’étang du Vaccarès et le Rhône, au niveau du Sambuc.
122 Martinia
Les habitats favorables à l’espèce semblent fréquents le long du Rhône. Sur la seule rive
gauche du fleuve, quatorze autres sites d’émergences totalisant 53 exuvies ont été nouvellement
recensés à Arles entre le 10 et le 23 juillet 2011 du Mas de Ranchier en amont jusqu’au Mas de la
Ville en aval. La diversité des supports d’émergence paraît importante, comme en atteste la
découverte d’exuvies sur des troncs ou des branches exondées, des systèmes racinaires, des troncs
distants de plus de 3 mètres de la rive ou encore sur des enrochements de berges.
Enfin, un imago a aussi été observé au niveau de l’Île de l’Oiselet le 28 juillet 2011 à Sorgues
(Vaucluse) (G. Aubin, comm. pers.).
Par la suite, un échantillonnage des deux rives sur la basse vallée du Rhône permettra d’avoir
des éléments plus précis sur la répartition et la densité des populations de cette espèce.
____________________
Tome 27, fascicule 2, décembre 2011 123
Introduction
Les Listes Rouges (LR) évaluent le risque d’extinction d’espèces rares ou en
régression. Elles constituent un outil important permettant de définir des priorités en
matière de conservation des habitats et des espèces. Une réflexion avait été engagée à
propos des Odonates par le Conservatoire d’espaces naturels Provence-Alpes-Côte
d’Azur (ancien Conservatoire et Études des Écosystèmes de Provence), mais aucune liste
officielle n’a été validée. Dans le cadre du Plan National d’Actions en faveur des
Odonates et de la rédaction de sa déclinaison régionale, il a été nécessaire de définir la
liste régionale des espèces entrant dans cette démarche. Une LR régionale s’avérait donc
très utile. Un atelier dédié s’est tenu le 19 mars 2011 à Aix-en-Provence ; il a été suivi de
plusieurs échanges afin d’affiner le travail réalisé ce jour-là.
Par souci d’objectivité et d’homogénéité avec les autres Listes Rouges existantes,
nous avons choisi de suivre la méthodologie de l’Union Internationale pour la
Conservation de la Nature (UICN). Cependant, cette méthodologie, élaborée à l’origine
pour les vertébrés, est délicate à appliquer aux Insectes (seuils numériques
démographiques inadaptés ; manque d’informations historiques précises pour évaluer
correctement les évolutions). De plus, nous ne disposons pas pour la région PACA d’un
jeu complet de données récentes sur la répartition régionale des Odonates, ce qui n’a pas
permis d’évaluer finement les aires d’occupations et d’occurrences. Leur estimation a
néanmoins été tout a fait possible en utilisant la littérature disponible (par ex. :
DOMMANGET et al., 2002 ; GRAND & BOUDOT, 2006).
Le « dire d'expert » est fondamental pour connaître les évolutions passées et estimer
les évolutions à venir, tant en ce qui concerne les espèces elles-mêmes que la qualité des
habitats qui les hébergent. Les auteurs attirent donc l’attention des lecteurs et des
utilisateurs de cette Liste Rouge sur le fait que ce « dire d'expert » a été important et
Tome 27, fascicule 2, décembre 2011 125
Matériel et méthodes
La méthodologie suivie est celle de l’UICN dans son application à l’échelle régionale
(UICN, 2000, 2003). Une première étape consiste à examiner le cas de chaque espèce
dans la région en faisant abstraction des régions adjacentes et des autres échelles, puis à
attribuer une catégorie de menace. Une seconde étape consiste à reprendre chaque espèce
en examinant cette fois le contexte extrarégional proche tout en cherchant à savoir s’il y
a une possibilité d’immigration ou d’émigration significative, ces effets pouvant modifier
le diagnostic fait précédemment. Il convient également de savoir si les éventuels
immigrés survivent ou non dans la région, celle-ci n’étant pas nécessairement compatible
avec leur physiologie (par exemple, Hemianax ephippiger arrive moribond en Islande…).
Toute émigration importante résultera en un appauvrissement des effectifs régionaux et à
une fragilisation de l’espèce dans la région, alors qu’une immigration viable et notable
renforcera les effectifs locaux et augmentera les potentialités de conservation à l’échelle
régionale. Dans le premier cas on augmentera le degré de menace pour l’espèce d’un
niveau, dans le second on le diminuera d’autant. Dans la présente LR, si un changement
de classe de menace a été effectué, la catégorie qui lui avait été initialement attribuée
sera indiquée entre parenthèses. Dans tous les cas, l’abréviation des classes garde le
libellé anglais, alors que leur libellé entier peut être traduit.
Les espèces dont la présence en PACA ne repose que sur des données délicates et/ou
non confirmées ont été considérées comme erronées ou incertaines et n’ont donc pas été
évaluées (catégorie NE = non évalué [Not Evaluated]). Une Liste Rouge étant une
évaluation du risque d’extinction d’espèces, si la présence de l’une de celles-ci n’est en
PACA que sporadique, la méthode UICN n’est pas applicable et son risque d’extinction
ne peut être évalué. Il en est de même si sa présence n’est avérée que depuis moins de 10
ans. Seule exception : une espèce nouvellement découverte dans une région peut être
évaluée en LR si l’on connaît sa dynamique ou que l’on dispose d’éléments sérieux
permettant de ne pas douter de sa pérennité.
Quelques adaptations ont été apportées à ce protocole. Les seuils d’occupation
déterminant les classes de menace ont été modifiés afin de tenir compte de la superficie
réduite de la région PACA. Celle-ci n’a au total qu’une surface de 31400 km². Un seuil
de 5000 km2 (surface supérieure à celle d’un département) a en conséquence été substitué
au seuil de 20000 km² pour l’attribution de la classe VU (Vulnérable) (en l’absence d’un
tel changement, une espèce classée non menacée à l’échelle nationale pourrait très bien
se retrouver menacée dans toutes les régions).
Les sous-espèces ont été évaluées distinctement. Ceci est particulièrement pertinent
pour le cas de Somatochlora m. metallica et Somatochlora m. meridionalis en raison du
flou phylogénique qui existe pour ces taxons : si les odonatologues français utilisent les
sous-espèces, celles-ci sont considérées comme étant des espèces distinctes dans d’autres
126 Martinia
pays (ex. : RISERVATO et al., 2009). Par conséquent, les taxons possédant des sous-
espèces n’ont pas été globalement évalués au rang de l'espèce.
Dans les résultats, les espèces de la classe LC n’ont pas été commentées, sauf lorsque
cette évaluation résulte d’un changement de classement (cf. supra). Elles sont en
revanche reprises dans le tableau synthétique de la conclusion. Pour chaque catégorie,
l’ordre systématique plutôt qu’alphabétique a été retenu. Pour chaque espèce, plutôt que
de reprendre l’ensemble de la démarche menant à l’attribution de sa catégorie, les
critères remplis sont indiqués ; ces critères sont également visibles dans le tableau 1.
Quelques commentaires sont donnés le cas échéant. En cas de doute, le critère est retenu
selon le principe de précaution recommandé par l’UICN.
Résultats
Éteint régionalement (RE = Regionally Extinct)
- Sympecma paedisca (Brauer, 1877)
Aucune citation depuis BILEK (1964). Autochtonie inconnue mais possible au vu de
l’existence de l’espèce au pied des Alpes dans le nord de l’Italie.
En danger d’extinction (EN = Endangered)
- Lestes macrostigma (Eversmann, 1836)
Occurrence B1 < 5000 km². Occupation B2 < 10 km². Localités Ba < 5. Déclin de
l'occurrence b(i), de l'occupation b(ii) et du nombre de localités b(iv) sur la base de la
disparition de la population de l'étang du Citis. Déclin de la superficie de l’habitat b(iii)
sur cette même base, déclin de la superficie des mares temporaires et des lagunes
naturelles. Pas de fragmentation en raison des capacités raisonnablement présumées de
dispersion. Fluctuations extrêmes d’abondance faisant partie de la biologie de l'espèce
(espèce à éclipse).
- Coenagrion caerulescens (Fonscolombe, 1838)
Occupation B2 < 500 km². Fragmentation Ba due au barrage d'Aix-en-Provence et de
l'artificialisation de la Durance. Déclin de l'occupation b(ii), de la superficie de l’habitat
b(iii) et du nombre de localités b(iv).
- Cordulegaster bidentata Selys, 1843
Occupation B2 < 500 km². Fragmentation Ba : adultes observés parfois loin de tout
point d’eau mais il existe de grandes distances entre les stations ; études sur les capacités
de dispersion manquantes ; fragmentation retenue par principe de précaution. Déclin de
la qualité des habitats b(iii) qui pourrait cependant se réduire grâce à la prise en compte
de la directive cadre sur l’eau (DCE).
- Somatochlora m. meridionalis Nielsen, 1935
Occurrence B1 < 100 km². Occupation B2 < 10 km². Localités Ba < 5.
- Sympetrum depressiusculum (Selys, 1841)
Occupation B2 < 500 km². Fragmentation Ba. Déclin de la superficie de l’habitat (un
assec périodique lui est favorable, ce qui se raréfie) b(iii).
- S. v. vulgatum (Linnaeus, 1758)
Occupation B2 < 500 km². Fragmentation Ba. Déclin de l'occurrence b(i), de
l'occupation b(ii) et du nombre de localités b(iv). Déclin antérieur à une décennie.
Tome 27, fascicule 2, décembre 2011 127
Catégorie LR
Tableau 1. Liste Rouge des Odonates de Provence-Alpes-Côte d’Azur. Les pourcentages des populations
régionales par rapport aux mondiales ne sont pas indiqués (UICN, 2003) car inconnus.
Le tableau se poursuit sur la page suivante.
Tome 27, fascicule 2, décembre 2011 131
Catégorie LR
monde Europe Europe des 27 Bassin médit.
Taxon
région PACA (http://www.iucnredlist. (Kalkman et al., (Kalkman et al., (Riservato et al.,
org/apps/redlist/search) 2009) 2009) 2009)
Gomphidae
Gomphus vulgatissimus NT 2011 NE LC LC LC
G. pulchellus LC 2011 LC LC LC LC
G. simillimus NT 2011 NE NT NT NT
G. graslinii NE 2011 NT NT NT EN
G. flavipes DD 2011 NE LC LC NT
Ophiogomphus cecilia NE 2011 LC LC LC LC
Onychogomphus f. forcipatus LC 2011 NE LC LC
LC (O. forcipatus )
O. f. unguiculatus LC 2011 NE LC LC
O. uncatus NT 2011 NE LC LC LC
Cordulegastridae
Cordulegaster b. boltonii DD 2011 NE
LC (C. boltonii ) LC (C. boltonii ) LC (C. boltonii )
C. b. immaculifrons LC 2011 NE
C. bidentata EN B2 a,b (iii) NT NT NT NT
Macromiidae
Macromia splendens NE 2011 VU A4ce VU VU VU
Cordulidae
Cordulia aenea NT 2011 LC LC LC NT
Somatochlora m. metallica VU D2 LC LC LC NT
S. m. meridionalis EN B1,2 a,b (iii) 2011 NE LC LC LC
S. flavomaculata VU D2 NE LC LC LC
S. alpestris VU D2 NE LC LC NT
S. arctica VU D2 NE LC LC NT
Oxygastra curtisii NT 2011 NT NT NT LC
Epitheca bimaculata NE 2011 NE LC LC DD
Libellulidae
Libellula quadrimaculata LC 2011 LC LC LC LC
Libellula depressa LC 2011 NE LC LC LC
Libellula fulva LC 2011 NE LC LC LC
Orthetrum cancellatum LC 2011 LC LC LC LC
Orthetrum albistylum LC 2011 LC LC LC LC
Orthetrum brunneum LC 2011 LC LC LC LC
Orthetrum c. coerulescens LC 2011 LC (O. coerulescens ) LC (O. coerulescens ) LC (O. coerulescens ) LC (O. coerulescens )
Crocothemis erythraea LC 2011 LC LC LC LC
Sympetrum danae LC 2011 NE LC LC LC
Sympetrum sanguineum LC 2011 LC LC LC LC
Sympetrum depressiusculum EN B2 a,b (iii) 2011 NE VU VU VU
Sympetrum striolatum LC 2011 LC LC LC LC
Sympetrum v. vulgatum EN B2 a,b (i, ii, iv) 2011 NE LC (S. vulgatum ) LC (S. vulgatum ) NT (S. vulgatum )
Sympetrum meridionale LC 2011 NE LC LC LC
Sympetrum flaveolum LC 2011 NE LC LC LC
Sympetrum fonscolombii LC 2011 LC LC LC LC
Sympetrum pedemontanum NT 2011 NE LC LC LC
Leucorrhinia dubia VU D2 2011 LC LC LC NT
Leucorrhinia albifrons NE 2011 LC LC NT EN
Trithemis annulata NT 2011 LC LC LC LC
Pantala flavescens NE 2011 LC NE NE NE
Conclusion
Parmi les 84 taxons (espèces ou sous-espèces) signalés dans la région PACA, l'un est
régionalement éteint et six sont erronés ou incertains et par conséquent non évaluables ;
six (7 %) sont en danger d’extinction, six (7 %) sont vulnérables et treize (15 %) quasi
menacés. Les principales menaces qui pèsent sur les Odonates de la région sont la
fragmentation des habitats et l’altération de leur qualité. Cette liste rouge a été un outil
précieux afin de définir la liste régionale des espèces déterminantes et remarquables pour
les ZNIEFF. Elle a également été déterminante dans le choix des espèces prioritaires du
Plan Régional d’Actions en faveur des Odonates. Plusieurs actions de ce PRAO qui
seront prochainement mises en œuvre viseront à la réduction du risque d’extinction
régionale de ces espèces (par ex., la restauration d’habitats favorables à Lestes
132 Martinia
Remerciements
Nous tenons à remercier Jean-Pierre Boudot, expert à l'UICN, commission de la
sauvegarde des espèces, pour les Odonates, pour ses critiques et recommandations
avisées.
Travaux cités
AGUESSE P. 1968. Les Odonates de l’Europe occidentale, du Nord de l’Afrique et des îles
atlantiques. Masson, Paris. 258 pp.
ASKEW R. R., 2004. The dragonflies of Europe (revised edition) Harley Books, Colchester, 291
pp.
BILEK A., 1964. Beobachtungen über Odonaten in Südfrankreich mit besonderer Berücksichtigung
der Färbungsstadien von Anax parthenope Selys. Nachrichtenblatt der Bayerischen
Entomologen, 12 (6) : 59-64.
BLANCHON Y., DURANT E. & LAMBRET P., 2011. Redécouverte de Gomphus flavipes (Charpentier,
1825) en Provence-Alpes-Côtes d’Azur (Odonata, Anisoptera : Gomphidae). Martinia, 27
(2) : 121-122.
CHAMPEAU A. et coll., 1982. Les retenues hydro-électriques du Verdon : impact sur la rivière,
conséquences du marnage. Bulletin d’Écologie, 13 (2) : 203-239.
DELIRY C. [coord.], 2008. Atlas des libellules de la région Rhône-Alpes. Biotope, coll. Parthénope,
Mèze, 408 pp.
DOMMANGET C., DOMMANGET T. & DOMMANGET J.-L., 2002. Inventaire cartographique des
Odonates de France (programme Invod). Bilan 1982-2000. Martinia, 18, Supplément 1, 68 pp.
GRAND D. & BOUDOT J.-P., 2006. Les libellules de France, Belgique et Luxembourg. Biotope,
coll. Parthénope, Mèze, 480 pp.
IORIO E., 2011. Observation de Gomphus graslinii Rambur, 1842 dans les Bouches-du-Rhône
(Odonata, Anisoptera : Gomphidae). Martinia, 27 (1) : 39-43.
KALKMAN V.J., BOUDOT J.-P., BERNARD R., CONZE K.-J., DE KNIJF G., DYATLOVA E., FERREIRA
S., JOVIC M., OTT J., RISERVATO E. & SAHLEN G., 2009. European Red List of Dragonflies.
IUCN Red List of Threatened Species, Regional Assessments series. IUCN, Gland,
Switzerland & Cambridge, United-Kingdom & Office for Official Publications of the
European Communities, Luxembourg, 28 pp.
MORTON K.J., 1912. A collecting trip to the Camargue and the Sierra de Albaracin. The
Entomologist, 45 (587): 109-114.
MORTON K.J., 1925. Macromia splendens al least: an account of dragonfly hunting in France.
Entomologist's monthly Magazine, 61: 1-5.
[ODONATES-PACA, 2011. Atlas des Odonates de Provence-Alpes-Côte d’Azur. <http://odonates-
paca.org> (consulté le 19 mars 2011)].
[ONEM, 2011. Carte de distribution de Trithemis annulata <http://www.onem-
france.org/trithemis/wakka.php?wiki=TrithemisCarto> (accès le 19 mars 2011)].
REHFELDT G., SCHRIDDE P & SUHLING F., 1991. Inventaire et protection des Odonates du canal de
Vergières (Bouches-du-Rhône). Faune de Provence 12 : 4-9.
RISERVATO E., J.P. BOUDOT, S. FERREIRA, M. JOVIC, V.J. KALKMAN, W. SCHNEIDER, B. SAMRAOUI
& A. CUTTELOD, 2009. The Status and Distribution of Dragonflies of the Mediterranean
Tome 27, fascicule 2, décembre 2011 133
Basin. IUCN Red List of Threatened Species, Regional Assessments series. IUCN, Gland,
Switzerland & Malaga, Spain, vii + 33 pp.
SCHRIDDE P, SUHLING F, 1994. Larval dragonfly communities in different habitats of a
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STERNBERG K., BUCHWALD R. & RÖSKE W., 1999. Coenagrion mercuriale (Charpentier, 1840)
Helm Azurjungfer. Die Libellen Baden-Württenberg. K. B. Sternberg. Stuttgart (Ulmer). Bd.
1 : 255-270.
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Spektrum. Westrap, Wissenschaften. Heidelberg, Berlin, Oxford, 237pp.
THOMPSON D.J. & WATTS P.C., 2006. The structure of the Coenagrion mercuriale populations in
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Pensoft Publishers, Sofia–Moscow, pp. 239-258.
UICN, 2000. Catégories et Critères de l’UICN pour la Liste Rouge : Version 3.1. Commission de
la sauvegarde des espèces de l’UICN. UICN, Gland, Suisse et Cambridge, Royaume-Uni. ii +
32 pp.
UICN, 2003. Lignes directrices pour l’application, au niveau régional, des critères de l’UICN pour
la Liste Rouge. Commission de la sauvegarde des espèces de l’UICN. UICN, Gland, Suisse et
Cambridge, Royaume-Uni. ii + 26 pp.
[UICN, 2011. Liste rouge mondiale. <http://www.iucnredlist.org/apps/redlist/search> (consultation
le 10 septembre 2011).]
WATTS P.C., SACCHERI I.J., KEMP S.J. & THOMPSON D.J., 2006. Population structure and the
impact of regional and local habitat isolation upon levels of genetic diversity of the
endangered damselfly Coenagrion mercuriale (Odonata: Zygoptera). Freshwater Biology, 51:
193-205.
____________________
134 Martinia
Mâle de Crocothemis erythraea (Brullé, 1832) posé sur une tige de Phragmites australis
(dessin original de Cyril Girard [www.cyrilgirard.fr]).
Tome 27, fascicule 2, décembre 2011 135
Observation
Le 11 mai 2011, j’ai observé dans une jonchaie des Marais du Vigueirat (43°29'55’’ N
/ 04°48’02’’ E) une ♀ de Crocothemis erythraea dont les ailes étaient si endommagées
qu’elles étaient réduites jusqu’à environ 1/3 de leur surface (ailes postérieures, Fig. 1a).
Sa coloration était globalement assez sombre (Fig. 1b).
Discussion
Dans le sud de la France, les observations les plus précoces de cette espèce
correspondent à fin avril (GRAND & BOUDOT, 2006). En 2011, le premier immature des
Marais du Vigueirat a été vu le 19 avril. Les ailes auraient pu être endommagées par un
épisode orageux mais le dernier orage datait du 28 mars (44 mm) et nous n’avons
enregistré depuis lors que 6,2 mm de pluie entre les 23 et 29 avril (données : pluviomètre
des Marais du Vigueirat). Il paraît donc impossible que cette ♀ ait fait sa
136 Martinia
a b
Figure 1. Femelle de Crocothemis erythraea sénescente au printemps ;
a) vue latéro-ventrale, b) vue dorsale.
métamorphose en France en 2011 : les ailes auraient atteint cet état en seulement trois
semaines. L’état des ailes et la coloration de cet imago sont donc à considérer comme des
signes de sa vieillesse extrême. En 2010, les émergences les plus tardives de cette espèce
en PACA ont été enregistrées le 18 août aux Gravières de Puy-Sainte-Réparade (Y.
Blanchon, comm. pers.) et l’observation la plus tardive a été faite le 3 novembre aux
Saintes-Maries-de-la-Mer (B. Vollot, comm. pers.). L’hiver 2010-2011 a été
particulièrement clément en Camargue (Tab. 1), si bien qu’une hypothèse raisonnable est
que cet individu ait passé l’hiver à l’état d’imago dans la région. Ceci a déjà été observé
chez Sympetrum striolatum (Charpentier 1840) dans le nord-est de l’Espagne
(TORRALBA BURRIAL & OCHARAN, 2004).
L’espèce vole dès février dans la péninsule Ibérique (SANCHEZ et al., 2009) et toute
l’année au Sahara (DIJKSTRA & LEWINGTON, 2007). Crocothemis erythraea tend par
ailleurs à se disperser sur de longues distances (GRAND & BOUDOT, 2006). Si l’état des
ailes de cet individu n’a pu lui permettre de parcourir une grande distance, sa
détérioration prononcée pourrait être une conséquence – partielle – d’un long voyage.
L’origine extra-régionale, et même extra-continentale, est donc une deuxième hypothèse.
Il est difficile de retenir l’une de ces deux hypothèses plus que l’autre, d’autant qu’elles
ne sont pas incompatibles.
Tome 27, fascicule 2, décembre 2011 137
Travaux cités
DIJKSTRA K.-D. B. & LEWINGTON R., 2007. Guide des libellules de France et d'Europe.
Delachaux et Niestlé, 320 pp.
GRAND D. & BOUDOT J.-P., 2006. Les libellules de France, de Belgique et du
Luxembourg. Biotope, coll. Parthénope, Mèze, 480 pp.
SANCHEZ A., PEREZ J., JIMENEZ E. & TOVAR C., 2009. Los Odonatos de Extremadura.
Consejería de Industria, Energía y Medio Ambiante, 344 pp.
TORRALBA BURRIAL A. & OCHARAN F. J., 2004. Presencia y comportamiento invernal de
adultos de Sympetrum striolatum en el NE de España (Odonata: Libellulidae). Boletín
de la Asociación Española de Entomología, 28 (3-4) : 189-191.
____________________
Outre cet article, chaque région ou département pourrait produire articles ou brèves relatant les
faits les plus marquants et inédits de cette dispersion remarquable à l’échelle locale.
La parution d’un tome hors série au mois de juin, en plus du tome classique 28(1), ne pourra se
faire que si un nombre conséquent d’articles sur H. ephippiger, mais également sur d’autres sujets,
sont soumis à la revue.
La sortie d’un tome hors-série influera sur le budget de l’association. Afin de l’adapter au
mieux, nous vous invitons dès à présent, et jusqu’au 31 janvier 2012, à nous indiquer vos
intentions de publication pour le début de l’année.
La rédaction.
138 Martinia
Brève communication
a b
Figure 1. Femelle de Trithemis annulata dont la tête possède une coloration typique des mâles
conspécifiques ; (a) vue latérale, (b) vue frontale.
____________________
Tome 27, fascicule 2, décembre 2011 139
Brève communication
C’est dans le cadre de l’inventaire Cilif-IdF (PnAO Opie/Sfo et CG-IdF) que nous
avons prospecté en 2010 et 2011 un secteur situé sur la commune de Fontenay-le-Fleury.
A l’ouest de l’agglomération coulent plusieurs rus en contrebas de la partie nord du
plateau de Trappes. Ceux-ci se trouvent encore pour la plupart dans un contexte agricole
et sont donc généralement bien ensoleillés et peu perturbés.
Deux rus ont fait l’objet de notre attention. Le premier, dénommé ruisseau de
l’Oisemont, est situé à l’ouest du quartier des Sables en zone agricole et rejoint le ru de
Gally au nord. Le second, le ru du Fossé Paté, est situé au sud du quartier de la
Démènerie, dans un secteur nettement plus urbain, en zone pavillonnaire à 200 mètres
d'un hypermarché.
Dans ces deux milieux, nous avons eu la surprise d’observer Coenagrion mercuriale
(Charpentier, 1840) le 30 juin 2010 et lors des relevés ultérieurs. L’espèce y présentait
des effectifs de quelques individus à une centaine selon les secteurs et les dates des
relevés. Des comportements de reproduction ont été constatés (tandems et
accouplements). Coenagrion mercuriale figure à l’annexe 2 de la directive Habitats
92/43/CEE et est protégé en Europe. Il est classé quasi menacé (NT) sur la Liste Rouge
européenne publiée par l'IUCN en 2010.
Sur le ruisseau de l’Oisemont, nous avons également observé quelques individus de
Cordulegaster boltonii (Donovan, 1807), espèce protégée en Ile-de-France.
Quelques individus d’Ischnura elegans (Vander Linden, 1820) et de Coenagrion
puella (Linnaeus, 1758) sont également présents sur le ruisseau de l’Oisemont. Il est
vraisemblable que d’autres Odonates y soient aussi présents.
Ces deux sites sont situés dans la plaine de Versailles, qui jouit, pour sa partie située
dans le prolongement du Parc du château de Versailles, d’un statut particulier limitant en
particulier l’urbanisation. Il s’agit pour se secteur d’un site classé depuis 2000, au titre de
la loi du 2 mai 1930. Malheureusement, Fontenay-le-Fleury n’est concerné par ce statut
que sur sa partie est.
Malgré tout, si pour le ru du Fossé Paté, il sera sans doute difficile d’améliorer son
état actuel, il en est tout autrement du ruisseau de l’Oisemont qui se trouve encore pour
le moment en secteur agricole, bien ouvert et bordé d’hélophytes (Carex, etc.). Il est
140 Martinia
encore possible de maintenir et d'améliorer son état de conservation pour assurer ainsi la
pérennité de ces deux espèces patrimoniales.
Nous remercions Jean-Louis Dommanget et Maxime Ferrand (Sfo) pour avoir validé
nos données et pour avoir réalisé quelques observations et effectué des analyses d’eau
dans le cadre de cette découverte, ainsi que Gérard Grolleau pour les informations
relatives à la plaine de Versailles.
____________________
Tome 27, fascicule 2, décembre 2011 141
Introduction
Parmi les récepteurs sensoriels dont disposent les Insectes certains sont sensibles à
des substances chimiques. Ces chemiorecepteurs dotent ainsi les espèces qui les portent
du sens de l’odorat et/ou du goût. Les chemiorécepteurs liés au sens du goût sont le plus
souvent localisés dans la région buccale de l’Insecte, et parfois sur les antennes ou sur les
tarses (ANONYME, 2011). Les informations concernant le goût sont rares pour les
Odonates adultes. On sait cependant qu’Erythemis vasiculosa (Fabricius, 1775) rejette
Siproeta stelenes (Lepidoptera Nymphalidae) apparemment après être entré en contact
avec son hémolymphe (ALONSO-MEJIA & MARQUEZ, 1994 in CORBET, 2004). Il est
supposé que les sensilles présentes dans la bouche des Odonates renseignent sur le goût
des proies après leur capture (TEMBHARE & WAZALWAR, 1995 in CORBET, 2004).
Observation
Le 1er juillet 2009, je prenais en photo en mode « rafale » une ♀ de Lestes
macrostigma (Eversmann, 1836) qui chassait. En visionnant les photos prises, j’en
découvrais une série où l’on constate la capture d’un Coccinelidae (Fig. 1a), son maintien
alors que le vol de la ♀ se poursuit (Fig. 1b) puis l’absence de la proie (Fig. 1c). Les trois
clichés ont été pris durant un temps inférieur à une seconde.
142 Martinia
a b c
Figure 1. Femelle de Lestes macrostigma (a) capturant un Coccinelidae, puis (b-c) l’abandonnant.
Discussion
La perte de la proie pourrait être invoquée. Les Odonates sont connus pour leur
capacité à maintenir des proies parfois plus grosses qu’eux et/ou dans des conditions
difficiles (par ex. : DE KNIJF & MUUSE, 2011 ; LAMBRET, 2011). Lestes macrostigma est
capable de se nourrir de proies de taille respectable telle qu’Ishnura elegans (Vander
Linden, 1820) ou des Diptères Tipulidae (obs. pers.). Cette hypothèse paraît donc peu
probable. CORBET (2004) évoque le fait que la dureté de l’exosquelette d’une proie – qui
ne peut être évaluée avant que le prédateur ne tienne sa proie – peut être un moyen de
défense efficace. Mais L. macrostigma consomme régulièrement des Coléoptères
Dysticidae (obs. pers.) et cette seconde hypothèse ne paraît pas plus satisfaisante.
Les Coccinelidae possèdent des glandes répugnatoires (CHINERY, 1988) qui
confèrent à leur hémolymphe une odeur désagréable. Les Lestes sont des percheurs
(CORBET, 2004) et consomment leur proies lorsqu’ils sont posés. En admettant que la
proie ait été portée à la bouche avant que le Lestes n’ait atterri – ou qu’il possède des
chémorécepteurs sur les pattes – il est donc plausible que cette ♀ ait abandonné sa proie
pour des raisons chimiques ; ce qui conforterait l’hypothèse selon laquelle les Odonates
possèdent le sens du goût.
Travaux cités
ALONSO-MEJIA A. & MARQUEZ M., 1994. Dragonfly predation on butterflies in a tropical dry
forest. Biotropica 26: 341-344. In CORBET P.S., 2004. Dragonflies : Behaviour and ecology
of Odonata. Harley books, Colchester, p 354.
[ANONYME, 2011. Insect physiology. <http://en.wikipedia.org/wiki/Insect_physiology>, consulté le
2 décembre 2011.]
CHINERY M., 1988. Insectes de France et d’Europe occidentale. Arthaud, Paris, 320 pp.
CORBET P.S., 2004. Op. cit.
DE KNIJF G. & MUUSSE T., 2011. Predatie van Glassnijder (Brachytron pratense) op Viervlek
(Libellula quadrimaculata) en op Smaragdlibel (Corduliae aenea). Brachytron 14 : 54-58.
LAMBRET P., 2011. Cas d’un mâle d’Anax parthenope (Selys, 1839) se nourrissant au sol renversé
sur le dos (Odonata, Anisoptera : Aeshnidae). Martinia 27 (1) : 66-67.
TEMBHARE D.B. & WAZALWAR S.M., 1995. Mouthpart sensilla in the dragonfly Brachythemis
contaminata (Fabr.). Abstract, 13th International Symposium of Odonatology, Essen: 53, Oral.
In CORBET P.S., 2004. Op. cit.
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Tome 27, fascicule 2, décembre 2011 143
Renaud,
Tu nous as quittés ce 23 octobre, sale journée pour
nous !
Comme beaucoup d’odonatologues je t’ai connu
grâce au forum insecte.org et nous avons sympathisé
virtuellement. Puis ta passion t’a conduit vers nos
rivières ardéchoises en 2009, mais c’est l’année
suivante que Christine Juliand et moi avons pu te
rencontrer sur nos spots à Macromia splendens…Un
suisse bardé de matériel photo pataugeant comme nous
dans ces cours d’eau, belle image !
Puis l’Ardèche t’a accueilli à nouveau en 2011 et là,
tu as visité d’autres sites où se côtoient Oxygastra
curtisii, Gomphus graslinii et M. splendens. Tu as très
vite compris où et à quels moments observer au mieux
M. splendens et, sur tes trois séjours, tu as vu plus
d’individus posés que nous en 20 ans !
Et à la fin de ton séjour de 2011 je t’ai guidé sur le
site à Coenagrion lunulatum. Autre décor, autre ambiance mais là aussi, même si tu étais peu
démonstratif, je t’ai vu content d’avoir fait une coche, marchant à pas mesurés sur ce site, à l’affût
de tout ce qui volait et le Canon a bien chauffé.
Je suis honoré d’avoir pu te rencontrer, homme passionné dont les connaissances
odonatologiques auraient pu te permettre de publier sur de nombreux sujets, mais non, tu as œuvré
dans la discrétion et l’humilité, préférant mettre à disposition tes compétences à tous ceux qui le
demandaient sur le forum, n’est-ce pas Benoît…
Merci à toi
Pierre
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Que dire de Renaud que je ne connaissais pas. Avec lequel j'ai échangé tant de messages, de
mails et de photos depuis 5 ans. Je ne l'avais jamais vu, je ne connaissais ni son âge, ni son
physique, ni sa profession, rien de ce qui nous rapproche et peut créer des liens dans le monde réel.
Renaud était un ami virtuel...
Et c'est la première fois que je perds un ami réel du monde virtuel.
144 Martinia
Je ne suis pas le seul à le perdre, toute notre communauté odonatologique, en particulier notre
forum odonates d'insecte.org, se sent abandonné.
Après 30 ans de libellules, sa passion était intacte et la façon dont il savait partager la somme
de ses connaissances témoignait de son humilité; prêt pour chacun à chercher dans sa biblio, à
refaire des croquis, des scans, à travailler des photos pour expliquer, à interroger les listes
spécialisées, prêt à douter de ses connaissances. Bien que l'un des plus savants d'entre nous, il
s'enthousiasmait d'apprendre tel ou tel détail que des clichés improbables ou des observations
inattendues pouvaient révéler.
Discret, réservé, mais très présent et actif, il avait pris une place immense sur notre forum.
Il était, avec Pierre, l'un de mes soutiens dans mon rôle d'animateur.
Il nous reste le plaisir de poursuivre ce qui le passionnait : découvrir, comprendre et expliquer.
Benoît.
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