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marges peu profondes permettent aux larves de trouver des micro-habitats chauds, avec
une végétation dense composée de joncs et de laîches (DIJKSTRA, 2007 ; GRAND &
BOUDOT, 2006). En Île-de-France, elle se retrouve tout particulièrement dans les mares
forestières parfois assez fermées (DOMMANGET, 2013). Le réseau de mares du massif
forestier de Rambouillet semble constituer un « bastion » de l’espèce pour le quart nord-
ouest de la France (HOUARD et al., 2013).
L’espèce est protégée et déterminante de ZNIEFF en Île-de-France (DOMMANGET,
2009). Elle est considérée comme « En danger » en Île-de-France notamment à cause des
menaces sur son habitat (comblement, eutrophisation, curage excessif, etc.) (HOUARD et
al., 2013). De plus, L. dryas est considéré comme « quasi menacé » en région Centre
(BAETA et al., 2012), « en danger » en Picardie (PICARDIE NATURE, 2009) et n’était pas
connu de Haute-Normandie avant sa découverte en 2012 dans la Forêt de Brotonne
(SIMON et al., 2013).
Description du site
Le marais de Frocourt fait partie du site Natura 2000 de la vallée de l’Epte. En 2004,
il est classé en « Espace naturel sensible » (ENS). Le site est constitué d’une ancienne
prairie hygrophile ayant été plantée de peupliers dès 1953.
En 1997, le Pnr du Vexin français entame des travaux de restauration du marais
(coupe de peupliers, fauchage et pâturage extensif). Puis en 1999, la création d’une mare
a permis le développement d’une végétation typique des bas-marais alcalins (Fig. 1a).
Largement ensoleillée et de faible profondeur, elle semble principalement alimentée par
des suintements issus des coteaux adjacents (JOLIVET, 2005). Une phase d’exondation
estivale succède à une phase d’inondation hivernale. Le groupement de bas-marais alcalin
se développe sur un sol gorgé d’eau en permanence, de pH compris entre 6 et 8. Il est
caractérisé par la présence et la dominance d’un cortège constitué de petits hélophytes
(cypéracées et joncacées). Bien que relativement pauvre, ce groupement demeure rare en
Île-de-France (PERRIAT, 2005).
Des travaux de déblaiement du bourrelet, avec régalage sous peupleraie, ont donc été
effectués en septembre 2008, dans le but de rétablir une végétation de prairies humides et
d’augmenter les surfaces inondées lors des hautes eaux.
Il semble que ces travaux d’étrépage autour de la mare associés à un assec temporaire
aient favorisé le développement d’une flore de petits hélophytes propice aux conditions
de vie de L. dryas.
Figure 1. (a) Mare restaurée du marais de Frocourt, propice au développement de Lestes dryas ;
(b) tandem observé le 02 juillet 2013 dans la végétation favorable (© F. Swoszowski)
(a) Restored pond in the Frocourt marsh where L. dryas was recorded;
(b) tandem observed on 2013 the 2nd of July in favorable vegetation.
44 Martinia
Faisant suite à cette découverte, des inventaires suivant la même démarche ont été
effectués en 2013 dans quatre autres ENS du Val-d’Oise bénéficiant de conditions
analogues. Ainsi, le marais de Boissy-Montgeroult, le Moulin de Noisement à Chars,
l’étang de Vallière à Santeuil, et enfin le marais du Rabuais ont été prospectés. Cependant
aucun nouvel individu de L. dryas n’a pu être observé.
Observations
2012-2002
2001-1992 Boisements
Antérieure à 1992 Urbanisation
SfO - Opie 2013
Conclusion
L’observation de L. dryas reste pour l’instant isolée dans le département du Val-
d’Oise, mais sa présence nouvelle au marais de Frocourt est très encourageante d’un point
de vue de la gestion écologique mise en place sur le marais. La colonisation de cette
nouvelle localité offre des perspectives de restauration des habitats de cette espèce
menacée en Île-de-France, notamment par la mise en place d’opérations concrètes de
gestion dans le cadre de la déclinaison régionale du Plan national d’actions (PNA) en
faveur des Odonates.
Au marais de Frocourt, de nouvelles mares et zones d’étrépage expérimental (paliers
de 10 à 60 cm de profondeur) ont été réalisées en novembre 2013 dans le cadre d’un
contrat Natura 2000. La mise en place du STELI permettra de suivre la dynamique de
cette espèce sur ce nouveau site d’implantation.
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Travaux cités
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des données naturalistes de la butte de Hutrel, Proposition de mesures d’aménagement et
de gestion. Conseil général des Yvelines, 112 pp.]
[BAETA R., SANSAULT E. & PINCEBOURDE S., 2012. Déclinaison régionale du Plan National
d’Actions en faveur des Odonates en région Centre 2013-2017. Association Naturaliste
d’Étude et de Protection des Écosystèmes « Caudalis » / Institut de Recherche sur la
Biologie de l’Insecte / Direction Régionale de l’Environnement, de l’Aménagement et du
Logement Centre, 112 pp.]
[BIRCKEL S., 1999. Marais de Frocourt. Premier aménagement forestier 1999 - 2013. Office
national des forêts, 30 pp.]
DIJKSTRA K.-D. B., 2007. Guide des libellules de France et d’Europe. Delachaux et Niestlé,
Paris, 320 pp.
[DOMMANGET J.-L. Famille des Lestidae (Zygoptères). In : Société française d’Odonatologie.
http://www.libellules.org/fra/fra_index.php ; consulté le 22/07/2013.]
[DOMMANGET J.-L. (coord.). Liste et statuts des Odonates de la région Île-de-France. Société
française d’Odonatologie. www.libellules.org - document pdf, version du 15/05/2009, 3
pp.]
[DOMMANGET J.-L., 2011. Les Odonates de la région Île-de-France. État des connaissances,
diversité et originalité, évolution et menaces. Rapport non publié. Conseil régional d’Île-
de-France et Société française d’Odonatologie, Bois d’Arcy, 11 pp.]
GRAND D. & BOUDOT J.-P., 2006. Les Libellules de France, Belgique et Luxembourg.
Biotope (Collection Parthénope), Mèze, 480 pp.
[HOUARD X., MERLET F., LYX D. & PORTE É, (2013). Déclinaison régionale Île-de-France du
Plan national d’actions en faveur des Odonates (2013-2017). Office pour les insectes et
leur environnement, Société française d’Odonatologie, Direction régionale et
interdépartementale de l’environnement et de l’énergie d’Île-de-France, 67 pp + ann.]
[JOLIVET S., 2005. Espace naturel sensible du marais de Frocourt - Inventaire
Odonatologique. Office pour les insectes et leur environnement, Parc naturel régional du
Vexin français, 23 pp.]
[MARTIN C., 2006. Etude hydraulique et topographique du marais de Frocourt. Centre
d’ingénierie aquatique, Conseil général du Val d’Oise, 75 pp.]
[PERRIAT F., 2005. Espace naturel sensible du marais de Frocourt. Inventaire botanique et
phytosociologique. Conservatoire botanique national du bassin parisien, 43 pp.]
[PICARDIE NATURE, 2009. Référentiel de la faune de Picardie. Référentiel odonates. 1 p.
http://www.picardie-nature.org/IMG/pdf/ref_odonates.pdf ; consulté le 22/07/2013.]
[ROUX F., 1995. Bilan écologique préalable à l’élaboration d’un plan de gestion sur le
marais de Frocourt. Parc naturel régional du Vexin français, 27 pp.]
SIMON A., ROBERT L. & MONTAGNER S., 2013. Bilan cartographique 2012. État des
connaissances intégrant les données transmises au 01/01/2013. Le Bal du CERCION
8-9 : 2-11.
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Brève communication
Le 14 juin 2013, un odonate retenait mon attention en bordure d’un petit étang sur la
commune de Monfort (Gers [32]). Celui-ci, une femelle de Gomphus pulchellus Selys, 1840, était
empalé sur la partie sommitale d’une tige de Juncus inflexus L., 1753 par l’aile antérieure gauche.
L’individu était visiblement mort depuis assez peu de temps, son cadavre, relativement intact,
n’ayant pas été détérioré par les conditions
météorologiques ou les prédateurs.
Plusieurs cas de capture accidentelle par des
végétaux ont été relatés dont l’un assez similaire
(LAMBRET P., 2010 : Un mâle de Lestes
macrostigma (Eversmann, 1836) (Odonata :
Lestidae) prisonnier de Juncus maritimus.
Martinia, 26 (1) : 49-51). Diverses hypothèses
avaient alors été avancées. Parmi celles-là,
l’influence du vent est plausible, des rafales assez
fortes ayant soufflé les jours précédents (11 et 12
juin). En outre, l’individu en question présentait
des ailes chiffonnées et encore relativement
brillantes, présumant une émergence peu de temps
avant l’incident et une fragilité des ailes. Ce
facteur, combiné ou non à l’épisode venteux,
pourrait expliquer un accident de vol. Nous ne
pouvons exclure toutefois d’autres causes, bien que
moins vraisemblables, telles que la fuite face à un
prédateur ou des congénères (LAMBRET, op. cit.) et
seules des observations directes, quoique peu
probables, pourraient nous éclairer sur cette
mortalité bien singulière. Figure 1. Gomphus pulchellus mort prisonnier
Je tiens à remercier Pierre-Olivier Cochard de Juncus inflexus (© J.-M. Catil). Gomphus
pour son aide lors de la détermination de Juncus pulchellus dead prisoner of Juncus inflexus.
inflexus.
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several rivers: Tarn, Aveyron, Lot and Célé. To improve knowledge of the
geographical distribution of this species, targeted surveys were conducted by
the Office pour les insectes et leur environnement de Midi-Pyrénées
(Opie-MP) in 2012 and 2013, in partnership with the Ligue pour la protection
des oiseaux du Tarn (LPO81). One hundred forty exuviae and at least 15
adults were observed during these two years, which demonstrates the
presence of the species on several portions of the Lot and Célé rivers and on
a significant part of the Aveyron River and its main tributary, the Viaur. The
species was found in its classical substitution habitats (dams, including those
linked to old mills), but also in a surprising anthropogenic habitat (fishing
pond). However, M. splendens could not be found on the Tarn River,
between Saint-Rome-de-Tarn and Ambialet, where it was known until 2009.
__________
Introduction
Macromia splendens (Pictet, 1843) est une espèce emblématique de l’odonatofaune
européenne. Décrite à partir d’un spécimen collecté dans les environs de Montpellier,
cette espèce a attiré l’attention du célèbre biologiste Pierre GRASSE qui en a décrit la larve
en détail (GRASSÉ, 1930). Elle a aussi suscité l’intérêt de plusieurs odonatologues
étrangers qui, venus rechercher des spécimens en France, nous ont permis d’hériter de
précieuses données historiques (MORTON, 1925 ; LIEFTINCK, 1965 ; BILEK, 1969 ; BELLE,
1983). En dehors de la région Languedoc-Roussillon, elle a été découverte en Poitou-
Charentes (DELAMAIN, 1868 ; JOURDE, 2005), en Aquitaine (TIBERGHIEN, 1985) et en
Rhône-Alpes (JOURDAIN, 2004). En Midi-Pyrénées, elle est signalée sur le Lot près de
Cahors par MORTON (1925), puis dans diverses localités de ce cours d’eau et sur
l’Aveyron (Tab. 1). Elle est ensuite observée sur le Tarn en 1972 où une importante
population a permis à Jean-Louis Dommanget d’initier une étude de longue haleine sur
cette espèce en particulier (DOMMANGET, 2001). Depuis, bien que les naturalistes midi-
pyrénéens estiment probable qu’elle se soit maintenue dans les Gorges de l’Aveyron et
soit présente sur les cours de la Vère (ROBIN et al., 2007), du Viaur et de l’Agout, elle n’a
été observée que très sporadiquement (Fig. 1). Sa présence sur le Lot et le Célé a été
vérifiée en 2005 par l’association Lot Nature (Muriel Dubray, com. pers) et des imagos de
cette espèce ont été observés à Bruniquel sur l’Aveyron, en 2006, et à proximité de la
Vère en 2008 (ROBIN & FUSARI, 2009). Sur le Tarn et ses affluents, en dépit de
prospections ciblées effectuées en 2011 par le Conservatoire des espaces naturels de
Midi-Pyrénées (COSTES, 2011) et l’un de nous (LP) en compagnie d’Adolfo Cordero-
Rivera, spécialiste de cette espèce en Galice, une seule observation a été réalisée (sur le
cours du Dourdou). Au total, une douzaine d’observations de l’espèce a été recueillie dans
la région depuis 2005 (COSTES, 2011 ; base de données SfO).
Dans un contexte de mobilisation en faveur des Odonates concrétisé par le Plan
National d’Actions (DUPONT, 2010), l’Office pour les insectes et leur environnement de
Midi-Pyrénées (Opie-MP) s’est engagé à améliorer les connaissances concernant cette
espèce, en partenariat avec le groupe « albistylum » de la Ligue pour la protection des
oiseaux du Tarn (LPO81) et en collaboration étroite avec les associations naturalistes de
Midi-Pyrénées (Association des Naturalistes de l’Ariège ; Amis des Sciences Naturelles
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Méthodes de prospection
Si les berges des cours d’eau ont ponctuellement été prospectées à pied, la recherche
des exuvies de M. splendens à partir d’une embarcation a été privilégiée, à l’instar de
DOMMANGET (2001) et de HENTZ & BERNIER (2009). Pour cela, deux canoës une place –
modèle Mojito, commercialisés par la société Rotomod – ont été achetés avec le soutien
financier de la fondation Nature et Découvertes. Ce modèle relativement court et solide
permet d’explorer les berges rocheuses et de rechercher sous les branches de la ripisylve
sans risque. Cette technique présente également l’avantage d’éviter le piétinement des
berges et la perturbation du biotope. Plusieurs tronçons ont ainsi été parcourus sur huit
grands cours d’eau de la région (Aveyron, Viaur, Lot, Célé, Tarn, Agout, Dadou,
Dourdou), parfois sur des linéaires importants (descente de l’Aveyron entre Saint-
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Résultats et discussion
Cent-quarante exuvies (82 en 2012, 58 en 2013) de M. splendens et au moins 15
adultes (12 en 2012, trois en 2013) ont été inventoriés en Midi-Pyrénées au cours de ces
deux années de prospections. Ces découvertes permettent d’identifier plusieurs localités
nouvelles pour l’espèce, notamment sur le Viaur, et actualisent des données anciennes sur
l’Aveyron, le Lot et le Célé (Fig. 2). Des exuvies ont pu être récoltées de début juin à fin
juillet en 2012 et de début juin à mi-juillet en 2013. Au cours de ces deux années, des
adultes ont été observés de début juin à fin juillet (Tab. 3). Ces résultats sont concordants
avec ceux obtenus sur le Tarn par DOMMANGET (2001), qui rapporte que les émergences
ont lieu du 25 mai au 20 juin et que les adultes sont visibles du 25 mai au 15 août. Ils
correspondent aussi à la situation en Ardèche méridionale où des exuvies ont été récoltées
le 2 et 3 août 2012 (Pierre Juliand, com. pers.).
52 Martinia
Sur la majorité des sites où M. splendens a pu être observé, les exuvies ont été
découvertes sur des zones présentant un faciès semblable à celui décrit par DOMMANGET
(2001) et LEIPELT & SUHLING (2005) à savoir des tronçons profonds au courant lent,
souvent liés à la présence d’une retenue ou d’un seuil. La ripisylve était abondante et les
émergences pouvaient avoir lieu sur des troncs d’arbres ou des parois rocheuses de la
berge. Un cortège d’espèces typiques a également pu être mis en évidence, regroupant
Oxygastra curtisii (Dale, 1834), Gomphus graslinii (Rambur, 1842), Onychogomphus f.
forcipatus (Linnaeus, 1758), O. uncatus (Charpentier, 1840), Boyeria irene
(Fonscolombe, 1838) et Somatochlora metallica (Vander Linden, 1825).
prospections menées par l’Opie-MP et la LPO81 en 2012 et 2013 ont permis de confirmer
la reproduction de l’espèce sur la majorité des stations historiques sur ces deux cours
d’eau.
Sur le Célé, la présence de M. splendens a été notée en 2012 avec la découverte de
sept exuvies sur deux tronçons, l’un en amont du moulin de Cabrerets (une exuvie),
l’autre en amont du pont de Monteils (six exuvies). En 2013, ce sont 12 exuvies qui ont
pu être récoltées au niveau de ce dernier secteur, ainsi que cinq exuvies en aval de Saint-
Sulpice.
Sur le Lot, l’espèce a été retrouvée sur plusieurs tronçons entre les communes de
Calvignac et de Vers. En revanche, des prospections menées en aval de Larroque-des-
Arcs et au niveau de Cahors, deux secteurs de présence historique (MORTON, 1925 ;
LIEFTINCK, 1965 ; BILEK, 1969), n’ont pas permis de la retrouver. De la même manière,
des recherches sur des portions plus en amont du cours d’eau (Saujac, Montbrun,
Bouillac) n’ont donné aucun résultat malgré un faciès d’apparence favorable à l’espèce et
la persistance d’un cortège typique des zones à Macromia. Les communes de Golinhac et
d’Estaing ont également été prospectées en juin 2012 sans que M. splendens n’ait pu être
observé.
Cours du Tarn et affluents
Le Tarn fait figure de station historique de l’espèce au niveau national en raison des
travaux importants conduits par Jean-Louis Dommanget, qui signale des populations
importantes jusqu’en 2000 (DOMMANGET, 2001). Pourtant, depuis, ce sont moins de dix
données qui ont été acquises sur ce cours d’eau, par Jean-Louis Dommanget lui-même
(base de données SfO). Hormis une observation par l’un des co-auteurs (LP) en
compagnie de Adolfo Cordero-Rivera sur le Dourdou (affluent du Tarn) en 2011, les
prospections effectuées par le CEN-MP et l’Opie-MP en 2011, 2012 et 2013 sur plusieurs
portions du Tarn n’ont pas permis de retrouver M. splendens. Elles ont par ailleurs montré
que les autres Odonates étaient peu abondants. Cette situation mériterait d’être étudiée
avec attention car Jean-Louis DOMMANGET fait part d’une vive inquiétude au sujet des
populations qu’il observait, émettant l’hypothèse que la présence d’écrevisses allochtones
pouvait nuire à M. splendens (Jean-Louis Dommanget, com. pers.). Les écrevisses sont
effectivement abondantes sur ce cours d’eau (obs. pers.) (LP). Elles sont accompagnées
d’une autre espèce allochtone potentiellement impactante, la moule zébrée, Dreissena
polymorpha connue pour pouvoir se fixer sur les larves d’Anisoptères (FINCKE et al.,
2009) et former par endroits un tapis compact sur le substrat. Il paraît important de
réactualiser le statut de M. splendens sur le cours du Tarn entre Saint-Rome-de-Tarn et
Ambialet et de chercher à comprendre les causes de la raréfaction des Odonates en ayant
des données précises sur la qualité biologique du Tarn (paramètres chimiques et espèces
invasives).
Au cours des campagnes 2012 et 2013, plusieurs des affluents principaux du Tarn ont
également été prospectés de manière plus ponctuelle. Des recherches en canoë ont ainsi
été effectuées sur le Dourdou, où l’espèce avait pu être observée dans les années 90, ainsi
que sur l’Agout et le Dadou, un de ses affluents. Bien que certains secteurs présentent des
caractéristiques potentiellement favorables à M. splendens et abritent plusieurs espèces
compagnes (O. curtisii par ex.), sa présence n’a pu être confirmée. Il pourrait cependant
être intéressant d’y mener à l’avenir des investigations plus poussées.
56 Martinia
Conclusion et perspectives
La validation de la présence de M. splendens sur l’Aveyron, le Viaur, le Lot et le Célé
est a priori rassurante pour le statut de conservation de cette espèce en Midi-Pyrénées et
en France. Cependant, les niveaux de population observés sont bas et semblent inférieurs
à ceux qui ont été observés au cours des années 60 (BILEK, 1969), ou bien à celui qui a pu
être constaté sur le Chassezac, affluent de l’Ardèche, par l’un d’entre nous (LP).
Concernant le Tarn, la situation est inquiétante. Les campagnes de 2012 et 2013 viennent
confirmer ce qu’indiquaient déjà les prospections de 2011, à savoir l’impossibilité de
redécouvrir l’espèce sur des stations où elle était abondante il y a peu, et le constat d’une
odonatofaune très appauvrie et peu abondante. Il sera nécessaire dans les années à venir
de poursuivre la surveillance de cette espèce vulnérable afin d’identifier les causes de
cette régression. Sur le terrain, de nombreuses atteintes aux habitats de M. splendens ont
pu être constatées, telles que la présence d’espèces invasives potentiellement délétères,
l’aménagement des berges par les particuliers (terrassement, construction de pontons et
plans de pêche bétonnés), la multiplicité des pompages à vocation domestique et agricole,
l’abattage de la ripisylve ou son remplacement par la populiculture. Si le soutien d’étiage
et la sensibilisation des agriculteurs voire le contrôle des prélèvements d’eau font
légitimement partie intégrante des contrats de rivière concernant l’Aveyron – pour des
objectifs essentiellement piscicoles – il serait important que la conservation de M.
splendens devienne aussi une priorité locale.
La poursuite des prospections et, au-delà, le soutien à l’étude de l’écologie de M.
splendens, doivent être des priorités pour la conservation de l’espèce, pour laquelle la
région Midi-Pyrénées a une responsabilité élevée. Ces actions seront intégrées à la
déclinaison en Midi-Pyrénées du Plan national d’actions en faveur des Odonates en cours
d’élaboration.
Enfin, dans un contexte national de réhabilitation des cours d’eau passant par le
rétablissement des « connectivités écologiques » (suppression des ouvrages hydro-
électriques et chaussées liées à l’ancienne minoterie), il est utile d’attirer l’attention sur le
fait que les aménagements mentionnés génèrent à leur amont un habitat favorable à
plusieurs espèces protégées comme M. splendens et O. curtisii. Un tel habitat n’est certes
pas naturel et ne constitue qu’un habitat de substitution mais, au vu du statut de l’espèce,
il est préférable de le considérer avec intérêt et de réfléchir à des solutions de compromis,
permettant le maintien d’un niveau d’eau élevé et la libre circulation des espèces
piscicoles.
Remerciements
Nous adressons nos remerciements à la Fondation Nature et Découvertes pour son
soutien financier dans l’achat des canoës ayant permis de mener à bien ces inventaires.
Nous remercions la SfO, l’Opie, la LPO12 et les différents contributeurs qui ont mis leurs
données à notre disposition pour la construction de cet article. Merci également à Jean
Laurent Hentz pour son initiation à la recherche des exuvies de Macromia splendens à
l’occasion d’une sortie sur le Vidourle en 2011. Enfin, un grand merci à tous les
bénévoles de l’Opie-MP et de la LPO81 qui ont pris part aux prospections durant ces
deux années.
Tome 30, fascicule 2, décembre 2014 57
Travaux cités
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Entomologische Berichten, 43: 93-95.
BILEK A., 1969. Ergänzende Beobachtungen zur Lebensweise von Macromia splendens
(Pictet 1843) und einingen anderen in der Guyenne vorkommenden Odonata-Arten.
Entomologische Zeitschrift, 79: 117-124.
[COSTES A., 2011. État des lieux des connaissances des populations de trois libellules
d’intérêt communautaire en Midi-Pyrénées : Macromia splendens, Oxygastra curtisii
et Gomphus graslinii. Conservatoire d’espaces naturels de Midi-Pyrénées, 33 pp.]
DELAMAIN J., 1868. In : Sélys-Longchamps. Observations sur les habitudes d’un odonate
de la famille des Libellulidae nommé Macromia splendens Pictet. Assemblée mens.
1er août 1868. Compte Rendu de la Société Entomologique de Belgique, 11 : 92-93.
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Odonatologicae, 1 (7) : 120-121.
[DOMMANGET J.L., 2001. Étude de Macromia splendens (Pictet, 1843) dans la vallée du
Tarn (Tarn, Aveyron) et statut national de l'espèce (Odonata, Anisoptera,
Macromiidae). Ministère de l’aménagement du territoire et de l’environnement.
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la flore sauvages, 136 pp.]
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insectes et leur environnement / Société Française d’Odonatologie – Ministère de
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[HENTZ J.L. & BERNIER C., 2009. Macromia splendens, une libellule remarquable dans le
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Cordulie splendide Macromia splendens (Pictet, 1843) (Odonata, Anisoptera,
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chez Macromia splendens (Pictet, 1843) dans le centre-ouest de la France (Odonata,
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TIBERGHIEN G., 1985. Macromia splendens (Pictet, 1843) : additions faunistiques,
biologiques, et récapitulation des principales données connues. (Odon. Anisoptera
Corduliidae). Bulletin de la Société Entomologique de France, 90 : 8-13.
____________________
Tome 30, fascicule 2, décembre 2014 59
Brève communication
Gomphus graslinii Rambur, 1842 est une espèce endémique du sud-ouest de la France et
de la péninsule Ibérique. Elle n’est actuellement bien représentée que dans quelques
départements français et s’est fortement raréfiée depuis un siècle (GRAND D. & BOUDOT J-P.,
2006 : Les Libellules de France, Belgique et Luxembourg, Biotope, col. Parthenope, Mèze,
480 pp.). Sa larve se développe durant deux à quatre ans au sein des dépôts sableux des
rivières ; l’extraction de granulats du lit mineur des cours d’eau constitue très
vraisemblablement la cause première de sa raréfaction en détruisant les gîtes larvaires. Étant
donné son endémisme et le morcellement de ses populations sur l’ensemble de son aire de
répartition, des protections réglementaires ont été mises en place et l’espèce figure aux
annexes II et IV de la directive Habitats. Elle figure par ailleurs en catégorie NT (quasi
menacée) sur les listes rouges européennes et mondiale de l’IUCN (BOUDOT J.-P., 2010 :
Gomphus graslinii. The IUCN Red List of Threatened Species. Version 2014.3
<http://www.iucnredlist.org/details/59728/0>, consulté le 12 novembre 2014). La
préservation de G. graslinii constitue par conséquent un enjeu mondial et une responsabilité
nationale pour notre pays et ceux de la péninsule Ibérique, si bien que toute nouvelle
observation de l’espèce se doit d’être signalée.
En région Centre, l’espèce ne présente de populations pérennes que dans l’extrême sud du
Loir-et-Cher (41), le sud de l’Indre-et-Loire (37) et dans l’Indre (36). Elle est par conséquent
signalée comme « espèce en danger » dans le livre rouge des habitats naturels et des espèces
menacés de la région Centre (NATURE CENTRE ; CONSERVATOIRE BOTANIQUE NATIONAL DU
BASSIN PARISIEN, 2014. Faune : Libellules et Demoiselles. Livre rouge des habitats naturels
et des espèces menacés de la région Centre, Nature Centre, 504 pp.). Une femelle adulte avait
été trouvée en juillet 2012 dans le département du Cher (18) sur la commune de Saint-Hilaire-
en-Lignières (SPEH E. & LAMY A-M., 2013 : Découverte de Gomphus graslinii Rambur,
1842 dans le département du Cher, France (Odonata, Anisoptera, Gomphidae). Martinia 29
(1) : 47-48). Toutefois, en l’absence de larves ou d’exuvies, la preuve de la reproduction de
l’espèce dans ce département était encore à apporter. C’est maintenant chose faite depuis
l’observation rapportée ci-dessous.
Une larve de G. graslinii a en effet été collectée sur le cours d’eau du Portefeuille à Saint-
Pierre-les-Bois le 23 juillet 2013, sur une station suivie dans le cadre de la surveillance des
cours d’eau pour la directive cadre européenne sur l’eau (DCE). Il s’agit d’une capture
accidentelle survenue lors d’un prélèvement de macro-invertébrés benthiques réalisé selon la
norme française XP T90-333 dans le cadre du programme de surveillance DCE (pour plus
d’informations, se rapporter à la circulaire du 31 décembre 2012 relative aux missions des
laboratoires d’hydrobiologie de DREAL). La larve a été capturée en prélevant les macro-
Tome 30, fascicule 2, décembre 2014 61
c
a
e d
b
Figure 1. Larve de Gomphus graslinii capturée sur le Portefeuille et critères utilisés pour son
identification : (a) partie proéminente du palpe labial pointue, (b) masque de forme davantage carrée
que rectangulaire, (c) absence d’épine latérale sur le segment 6, (d) segment 10 plus large que long ;
(e) dents du crochet prononcées. Larva of Gomphus graslinii captured along the Portefeuille river:
(a) pointy part of the labial palp, (b) labium rather square, (c) no lateral spine on segment 6, (d) segment
10 wider than it is long; (e) well marked teeth on labial hook.
Remerciements
Nous remercions vivement Antoine Dionis du Séjour, Chafika Karabaghli, Julie
Marcinkowski et Francis Olivereau pour leur aide lors de la rédaction de cette brève.
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62 Martinia
Brève communication
Lors d’une sortie du Groupe Odonates Bourgogne (GOB) réalisée le 26 juillet 2014
dans le cadre de prospections pour un futur atlas régional des Libellules, plusieurs
observations d’Onychogomphus uncatus (Charpentier, 1840) ont été réalisées par les trois
auteurs sur la commune de Charny, sur la marge ouest du département de l’Yonne
(Fig. 1). Encore inconnu dans l’Yonne jusqu’ici, le Gomphe à crochets est la 64e espèce
observée dans ce département.
Des adultes d’Onychogomphus ont tout d’abord été observés à proximité de l’étang
de pêche communal sans qu’aucune capture ne soit possible. Quelques minutes plus tard,
une exuvie caractéristique de l’espèce a été ramassée par le premier auteur sur la berge de
l’Ouanne (Fig. 2a), rivière passant à proximité immédiate de l’étang (Fig. 3). Cette
observation motivant la capture d’adultes, cette dernière fut concrétisée rapidement par
un mâle attrapé par les deux autres auteurs (Fig. 2b). Les critères d’identification des
mâles ont été contrôlés à l’aide du Guide des libellules d’Europe (DIJKSTRA K.-D.B. &
LEWINGTON R., 2007 : Guide des Libellules de France et d'Europe. Delachaux et Niestlé
SA, Paris, 320 pp.). Le même jour et sur la même commune, 2 km en aval, plus de cinq
adultes mâles ont ensuite été observés le long de l’Ouanne. Cette rivière prend sa source
dans le département de l'Yonne et est confluente du Loing (un affluent de la Seine) dans
le Loiret.
Le Gomphe à crochets est en limite nord-est de répartition en Bourgogne, et il n’était
jusqu’alors noté que de deux cours d’eau de sa marge occidentale (partie ouest du
département de la Nièvre) ainsi que sur leurs affluents directs (GROUPE ODONATES
BOURGOGNE & RUFFONI A. (Coord.), 2014 : Atlas préliminaire des Odonates de
Bourgogne (Odonata), version 2014. Société d’histoire naturelle d’Autun, Société
française d’Odonatologie. 43 pp + annexes). Il n’est donc que très rarement observé dans
la région, et reste à confirmer ou à rechercher sur certains secteurs favorables.
Suite à cette observation, des renseignements sur la répartition de l’espèce dans les
régions adjacentes ont été recherchés. Une larve de l’espèce avait déjà été observée en
2010 sur la même rivière mais plus en aval, dans le département du Loiret (obs. Michel
Chovet, Jean-Louis Pratz, com. pers.). Un certain nombre d’autres cours d’eau en limite
du domaine biogéographique océanique, atteignant l’ouest de la Bourgogne (la Nièvre, le
Branlin, le Loing, la Vrille, le Bouza, le Lunain...), pourraient être favorables à cet
anisoptère. Une attention particulière doit être portée à la recherche sur ces secteurs.
Tome 30, fascicule 2, décembre 2014 63
Figure 3. Première station d'observation d’Onychogomphus uncatus sur l'Ouanne à Charny (© R. Itrac-
Bruneau). First observation locality of Onychogomphus uncatus along the Ouanne River at Charny.
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64 Martinia
Brève communication
Le Lac des Pises se trouve sur la commune de Dourbies, dans l’ouest du département
du Gard, au sein du massif du Lingas et dans le Parc national des Cévennes. Situé à une
altitude de 1 260 m, entre Pins à crochets, hêtraies, prairies humides, landes à Callunes et
tourbières, ce lac-barrage aux eaux cristallines est bien connu des promeneurs et des
pêcheurs. Ses environs sont également connus pour abriter une faune et une flore
remarquables d’affinité boréo-alpine (ZNIEFF de type 1 « Lac des Pises et Montagne du
Lingas – 910011844 »). C’est lors d’une sortie naturaliste le 14 juillet 2013 que les trois
auteurs ont pu y observer un mâle de Coenagrion hastulatum (Charpentier, 1825) en
queue d’étang au nord du lac (44,04467 N / 3,50798 E). Cette zone se prolonge par des
habitats tourbeux à environ 200 m plus au nord.
L’individu se trouvait parmi plusieurs individus de C. puella (Linné, 1758) et
d’Enallagma cyathigerum (Charpentier, 1840) et n’a été détecté (R.I.-B.) qu’après un
examen attentif de plusieurs Coenagrionidae. Un cliché de l’espèce a été pris afin
d’attester de l’observation (Fig. 1) tandis qu’une identification minutieuse a été réalisée
directement sur le terrain à l’aide du livre de DIJKSTRA & LEWINGTON (2007 : Guide des
Libellules de France et d'Europe. Delachaux et Niestlé SA, Paris, 320 pp.), d’autant plus
qu’il s’agissait d’une première observation de l’espèce pour deux des auteurs (R.I.-B. &
F.M.). Les brèves recherches qui s’ensuivirent, incluant les habitats tourbeux plus au
nord, n’ont pas permis de trouver d’autres individus de cette espèce.
Figure 1. Coenagrion hastulatum photographié au Lac des Pises le 14 juillet 2013 (© R. Itrac-Bruneau).
Coenagrion hastulatum at the Pises lake (14 July 2013).
Tome 30, fascicule 2, décembre 2014 65
Le Lac des Pises se situe non loin de la Lozère où l’espèce est déjà connue et
régulièrement observée (1986 à 2014) selon l’Atlas du Languedoc-Roussillon
<atlas.libellules-et-papillons-lr.org>. Les stations les plus proches sont localisées au nord-
est, à plus de 45 km sur la commune de Saint-Étienne-du-Valdonnez (48). L’espèce a
également été découverte en 2003 dans l’Aveyron, à environ 80 km (LEROY T., 2003 :
Coenagrion lunulatum (Charpentier, 1840) et Coenagrion hastulatum (Charpentier,
1825) : espèces nouvelles pour le département de l’Aveyron (Odonata, Zygoptera,
Coenagrionidae). Martinia, 19 (4) : 154-157). L’observation du Lac des Pises constitue
ainsi l’observation la plus méridionale du Massif central. Il serait intéressant de mener
des recherches complémentaires afin de préciser l’importance de cette potentielle
population locale et de prospecter les habitats favorables situés entre le Lac des Pises et
les stations lozériennes et aveyronnaises.
Coenagrion hastulatum est une espèce discrète et relativement localisée. Elle peut
facilement passer inaperçue parmi d’autres Coenagrionidae. Cette brève note illustre
l’importance d’échantillonner convenablement le groupe des agrions. D’autre part, elle
souligne les grandes richesses entomologiques du plateau du Lingas et montre que la
répartition de nombreuses espèces d’Odonates mérite encore largement d’être affinée
dans le cadre des atlas, et en particulier C. lunulatum en Lozère.
Nous remercions l’association Gard Nature, particulièrement vigilante dans le cadre
de l’Observatoire du patrimoine naturel du Gard <naturedugard.org>, qui a très justement
remarqué qu’il s’agissait d’une première observation départementale.
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66 Martinia
Taschenlexikon der Libellen Europas. Alle Arten von den Azoren bis zum
Ural im Porträt de Hansruedi Wildermuth et Andreas Martens.
Confirmation de l’autochtonie de
Somatochlora metallica en Basse-Normandie
(Odonata : Corduliidae)
Par Étienne IORIO
Groupe d’Étude des Invertébrés Armoricains (GRÉTIA), 5 rue du Général Leclerc,
F-44300 Nort-sur-Erdre ; e.iorio@gretia.org
Introduction
Dans le cadre de la déclinaison bas-normande du Plan national d’actions en faveur
des odonates (PNAO), une action prévoyait d’améliorer les connaissances régionales sur
Somatochlora metallica durant les années 2013 et 2014 (action AC 2.9) (GRETIA, 2012).
En Basse-Normandie, l'espèce semble bien se cantonner à la partie ouest du
département de l'Orne (LECOCQ, 1995 ; SIMON & MONTAGNER, 2014). Si des imagos y
68 Martinia
Matériel et méthodes
Sept journées de terrain ont été dédiées à la prospection d’une vingtaine de sites
potentiellement propices à S. metallica. Cinq ont été effectuées par l’auteur et deux par
Ladislas Biégala (GRETIA). En fonction de la phénologie connue de l’espèce et des
informations reçues de prospections antérieures (GRAND & BOUDOT, 2006 ; PICARD,
2013 ; IORIO, 2014a), la seconde quinzaine de juillet apparaissait comme très favorable à
la recherche tant des exuvies que des imagos. Les prospections ont donc été réalisées
durant les 16, 17, 23, 24 et 31 juillet (É. Iorio), puis les 18 et 24 juillet 2014 (L. Biégala).
Ces journées ont été choisies en fonction des conditions météorologiques attendues, à
savoir un bon ensoleillement, un vent faible à nul et des températures comprises entre
24 °C et 30 °C.
Le choix des sites a été réalisé à partir des bases de travail et des perspectives posées
en 2013 (PICARD, 2013), mais aussi grâce aux éléments synthétisés depuis sur cette
espèce (IORIO, 2014a), à un repérage éco-paysager via le « Géoportail »
(http://www.geoportail.gouv.fr/accueil) et à des échanges oraux avec un propriétaire
privé. En raison des observations publiées (JOURDE, 2005 ; ROUILLIER, 2009 ;
TOURNEUR, 2013) ou inédites émanant de régions voisines (D. Angot, F. Herbrecht, com.
pers. ; obs. pers. en Loire-Atlantique), nous avons tenu compte du fait que ce taxon
affectionne potentiellement tant les milieux stagnants forestiers à semi-forestiers, que les
rivières boisées calmes de largeur modérée, comme la Varenne, où un imago avait peut-
être été vu en 2013 (PICARD, 2013). Parmi les étangs se trouvaient ceux de l’Ermitage,
explorés par nous-même et antérieurement par M. Ameline (com. pers.) puis par PICARD
(2013).
Nos prospections ont été prioritairement axées sur la recherche d’exuvies pour tenter
de fournir des preuves d’autochtonie. Toutefois, au vu des difficultés que pose la
détection des exuvies de S. metallica, souvent discrètes et/ou peu accessibles, nous avons
décidé de ne pas négliger l’observation des comportements des imagos, ceux-ci pouvant
constituer, à défaut de preuve formelle, des indices d’autochtonie probants. L’option
d’une recherche à partir d’une embarcation n’a pas été possible pour des raisons
logistiques. Les prospections ont donc été faites en cuissardes le long des berges, et
celles-ci n’ont donc pas pu être examinées en totalité en raison d’une accessibilité limitée.
Les exuvies prélevées ont été identifiées sous loupe binoculaire avec les références de
HEIDEMANN & SEIDENBUSCH (2002) et DOUCET (2011).
Tome 30, fascicule 2, décembre 2014 69
Résultats
Douze observations de S. metallica, incluant au moins huit imagos répartis dans
quatre sites, ont été obtenues en juillet 2014 dans le département de l’Orne :
- étang ouest de l’Ermitage à Champsecret : au moins quatre imagos à chaque fois les
17 et 24 juillet, une exuvie le 24 juillet (Fig. 1) (É. Iorio) ;
- étang est de l’Ermitage à Champsecret : deux imagos le 17 juillet (É. Iorio) ;
- étang sud de la Briquetterie à Perrou : un imago le 24 juillet (É. Iorio) ;
- étang de Goult à la Lande-de-Goult : un imago à chaque fois les 18 et 31 juillet
(L. Biégala et É. Iorio).
Deux de ces sites sont nouveaux pour l’espèce : l’étang est de l’Ermitage et l’étang
sud de la Briquetterie.
a b c
Figure 1. Exuvie de Somatochlora metallica provenant de l’étang ouest de l’Ermitage : (a) vue ventrale
de l’ensemble du masque avec sillon médian à la base, (b) vue ventrale de la marge latérale des
segments 8 et 9 avec épines de longueur subégale, (c) vue latérale partielle de l’abdomen montrant les
épines dorsales, notamment celle du segment 9, bien développée (© É. Iorio /GRETIA).
Exuvia of Somatochlora metallica from the western Ermitage pond: (a) ventral view of the labium with a
medium furrow at the basis, (b) ventral view of the lateral margin of segment 8 and 9 with hooks of almost
equal length, (c) lateral view of the abdomen showing the dorsal hooks, especially that of segment 9.
a b
c d
Figure 2. Étang ouest de l’Ermitage : (a) anse boisée où était cantonné un mâle territorial, (b) débris
végétaux sur le fond dans une des anses boisées, (c) vue de l’anse boisée où se trouvait l’exuvie de
Somatochlora metallica (endroit précis fléché) et (d) vue de l’exuvie in situ (© É. Iorio /GRETIA).
L’Ermitage western pond: (a) one of the woody places, (b) layer of decayed leaves at the bottom of water,
(c) place where the Somatochlora metallica exuvia was found (red arrow), and (d) the exuvia itself in situ.
À l’instar des précédents, l’étang sud de la Briquetterie est en contexte forestier, dans
le sud de la Forêt Domaniale des Andaines. Il est de faible superficie (0,29 ha) et est
presqu’entièrement entouré de feuillus bien que de vastes surfaces soient plantées de
conifères au sud et à l’est dès que l’on s’en éloigne. Ses berges proprement dites sont
donc bien arborées (chênes, jeunes saules, quelques bouleaux, pins sur la rive sud) et
quelques anses ombragées de faible ampleur existent, dont le fond est modérément
couvert de débris végétaux (feuilles et/ou aiguilles de conifères). Ses eaux sont turbides,
et bien que l’étang soit assez petit, celui-ci semble devenir assez profond lorsque l’on
s’éloigne un peu des berges, globalement assez abruptes. Bien qu’un mâle de S. metallica
ait été observé restant relativement cantonné dans l’une des anses (côté feuillus), aucune
exuvie lui correspondant n’a pu y être trouvée. Les autres espèces d’odonates inventoriées
étaient peu nombreuses (C. puella, I. elegans et C. aenea).
72 Martinia
Discussion
En Basse-Normandie, on est aujourd’hui certain qu’au moins un milieu stagnant,
l’étang ouest de l’Ermitage à Champsecret dans l’Orne, permet à S. metallica d’effectuer
sa reproduction et son cycle larvaire complet.
Concernant cette localité, il est intéressant de noter des analogies avec les
caractéristiques exposées par la British Dragonfly Society (BDS, 2004) au sujet de
l’écologie de cette espèce. Dans le sud de l’Angleterre, les deux types d’habitats (étangs
et rivières/canaux lents) où vit cette espèce doivent comporter des baies abritées par des
arbres et des buissons surplombants ; les rives comportent souvent de l’aulne et
secondairement du chêne ou du hêtre (BDS, 2004). La clarté de l'eau est variable ; elle
peut être brune opaque sur des sites très argileux, où il peut y avoir une épaisse couche de
détritus de feuilles. Parfois, des sites plus ouverts sont aussi utilisés mais ils comportent
au moins une partie ombragée par de grands arbres. Les supports d’émergence anglais
peuvent être constitués de touffes de Carex pendula, ce que nous n’avons pas observé
pour l’instant. Une trop vaste surface d’hélophytes ou d’hydrophytes est réputée rendre
l’habitat impropre à l’espèce, tandis qu’inversement, une surface d’eau suffisamment
ombragée par les arbres lui est indispensable (BDS, 2004 ; CHAM et al., 2014). Au vu de
sa distribution eurasiatique globale et des divers habitats dans lesquels elle est
autochtone, cette espèce, qui reste partout cantonnée aux eaux fraîches (STERNBERG &
SCHMIDT, 2000 ; WILDERMUTH, 2008 ; WILDERMUTH & MARTENS, 2014), semble donc
bien être sciaphile dans l’ouest de son aire et plus largement dans les régions tempérées
chaudes. Les eaux le plus généralement colonisées par S. metallica en conditions
naturelles sont acides, même si des pH franchement alcalins ont parfois été rapportés
Tome 30, fascicule 2, décembre 2014 73
(STERNBERG & SCHMIDT, 2000 ; BDS, 2004 ; IORIO, 2014a). Partout dans la zone
tempérée, les larves vivent parmi les débris végétaux sur substrat tourbeux ou vaseux, et
évitent le sable nu et le gravier. Elles apprécient la pénombre des arbres et fuient la
lumière du soleil (BDS, 2004 ; STERNBERG & SCHMIDT, 2000 ; WILDERMUTH, 2008).
Dans l’étang ouest de l’Ermitage, nous avons vu que l’anse où a été trouvée l’exuvie de
cette espèce, de même que les anses voisines, correspondaient très bien à cette
description.
Malgré nos prospections dans plusieurs tronçons lents et boisés de rivières,
notamment de la Varenne à Dompierre et en aval de Torchamp, nous n’avons pas trouvé
S. metallica. Cette rivière, souvent envasée et entourée de nombreux pâturages et cultures
avec accès des troupeaux à l’eau, apparaît comme de médiocre qualité, ce que confirme
un rapport de l’AGENCE DE L’EAU LOIRE-BRETAGNE (2007). Elle n’apparaît donc
globalement que médiocrement propice à la présence d’espèces écologiquement
exigeantes ; elle l’était peut-être davantage il y a plus d’une vingtaine d’années au regard
de certaines citations (VOTAT, 1993).
En l’état actuel des connaissances régionales, même si on ne peut évidemment
généraliser la description de l’unique habitat larvaire trouvé à toutes les localités en eau
stagnante où S. metallica pourrait être reproductrice, elle offre en revanche de sérieuses
pistes de recherche pour l’avenir.
Remerciements
Les recherches de S. metallica ont pu être réalisées grâce aux financements de
l’Europe (fonds Feder), de l’Agence de l’eau Seine-Normandie et de la DREAL de
Basse-Normandie dans le cadre de la déclinaison régionale du PNAO. Nous tenons à
vivement remercier tous les collègues odonatologues qui nous ont fait part de leurs
observations, de même que M. Vuitton pour son aimable autorisation d’accès à ses sites
et M. Dissler pour son accueil et ses renseignements utiles.
Travaux cités
[AGENCE DE L’EAU LOIRE-BRETAGNE (coord.), 2007. La qualité des rivières dans votre
département entre 2003 et 2005. Mayenne et sud de l’Orne. Agence de l’Eau Loire-
Bretagne & Aquascop : 103 pp.]
BDS, 2004. Habitat management fact file - The Brilliant Emerald Somatochlora metallica
(Vander Linden). British Dragonfly Society <http://www.british-dragonflies.org
.uk/sites/british-dragonflies.org.uk/files/somatochlora%20metallica.pdf>.
CHAM S., NELSON B., PARR A., PRENTICE S., SMALLSHIRE D. & TAYLOR P., 2014. Atlas of
Dragonflies in Britain and Ireland. Field Studies Council, Telford, 200 pp.
DOUCET G., 2011. Clé de détermination des exuvies des odonates de France – 2e édition.
Société française d’odonatologie, Bois-d’Arcy, 68 pp.
GADEAU DE KERVILLE H., 1905. Les insectes Odonates de Normandie. Bulletin de la Société
des Amis des Sciences Naturelles de Rouen, 1904 (2) : 165-174.
GRAND D. & BOUDOT J.-P., 2006. Les Libellules de France, de Belgique et du Luxembourg.
Biotope, Mèze (collection Parthénope) : 480 pp.
GRETIA, 2010. Synthèse des connaissances préalable à la déclinaison régionale du Plan
national d’actions Odonates en Basse-Normandie. DREAL Basse-Normandie, 148 pp.
74 Martinia
[GRETIA, 2012. Déclinaison régionale du Plan national d’actions en faveur des Odonates.
Basse-Normandie - 2011-2015. DREAL Basse-Normandie, 81 pp.]
HEIDEMANN H. & SEIDENBUSCH R., 2002. Larves et exuvies des libellules de France et
d’Allemagne (sauf de Corse). Société française d’odonatologie, Bois-d’Arcy, 415 pp.
[IORIO E., 2014a. Les habitats des espèces de la déclinaison régionale bas-normande du Plan
national d’actions en faveur des Odonates : La Cordulie à taches jaunes (Somatochlora
flavomaculata) et la Cordulie métallique (Somatochlora metallica). Fiche GRETIA pour
la DREAL Basse-Normandie, l’Europe et l’Agence de l’Eau Seine-Normandie, 18 pp
<http://www.gretia.org/dossiers_liens/nosact/pna_odonates/
pna_odonates_bn%20-%20ressources.html>.]
[IORIO E., 2014b. Prospections menées en 2014 dans le cadre de la déclinaison régionale
bas-normande du Plan national d’actions en faveur des Odonates : bilan pour la
Cordulie métallique (Somatochlora metallica). Rapport GRETIA pour la DREAL Basse-
Normandie, l’Europe et l’Agence de l’Eau Seine-Normandie, 36 pp.]
JOURDE P., 2005. Les libellules de Charente-Maritime. Bilan de sept années de prospection et
d’étude des odonates : 1999-2005. Annales de la Société des sciences naturelles de la
Charente-Maritime, suppl. décembre 2005 : 1-144.
LECOCQ S., 1995. Contribution à l'inventaire des Odonates du département de l'Orne.
Martinia 11 (4) : 79-88.
LIVORY A., SAGOT P., SCOLAN P. & LACOLLEY E. (coord.), 2012. Atlas des Libellules de la
Manche. Les Dossiers de Manche-Nature, 9 : 1-192.
[PICARD L., 2013. Bilan des prospections 2013 pour Somatochlora metallica – PNA Odonates
de Basse-Normandie. GRETIA, rapport inédit.]
ROBERT L., AMELINE M., HOUARD X. & MOUQUET C., 2013. Liste Rouge des odonates de
Basse-Normandie. Nouveaux statuts de rareté. Liste des espèces déterminantes de
ZNIEFF. Le Bal du Cercion, 8-9 : 19-21.
ROUILLIER P., 2009. Cordulie métallique Somatochlora metallica. In : Libellules du Poitou-
Charentes. Poitou-Charentes Nature, Fontaine-le-Comte : 164-165.
SIMON A. & MONTAGNER S., 2014. Bilan cartographique 2013. État des connaissances
intégrant les données transmises au 01/01/2014. Le Bal du Cercion, 10 : 2-12.
STERNBERG K. & SCHMIDT B., 2000. Somatochlora metallica. In: K. Sternberg &
R. Buchwald, Die Libellen Baden-Württembergs. Band 2: Großlibellen (Anisoptera). E.
Ulmer GmbH, Stuttgart, 712 pp.
TOURNEUR J., 2013. Somatochlora metallica (Vander Linden, 1825), la Cordulie métallique.
In : Charrier M. (coord.), 2013. Les Libellules de Maine-et-Loire, inventaire et
cartographie. Anjou Nature, 4 : 69.
VOTAT P.-P., 1993. Les Odonates du nord-est de la Mayenne, du sud-ouest de l’Orne et du
nord-ouest de la Sarthe (suite). Notes sur quelques espèces remarquables ou rares.
Martinia, 9 (2) : 35-41.
WILDERMUTH H., 2008. Die Falkenlibellen Europas. Corduliidae. Die Neue Brehm-
Bücherei, Vol. 653, Westarp-Wissenschaften, 160 pp.
WILDERMUTH H. & MARTENS A., 2014. Taschenlexikon der Libellen Europas. Quelle &
Meyer Verlag, Wiebelsheim, 824 pp.
____________________
Tome 30, fascicule 2, décembre 2014 75
Introduction
Depuis plus de 10 ans, le travail et le dynamisme de la Société française
d’Odonatologie (SfO) et de son Groupe Outre-mer ont permis de réunir une somme
importante d’informations sur l’odonatofaune de la Guyane française, grâce notamment
aux recherches bibliographiques, aux consultations de collections et aux nombreuses
campagnes de prospection réalisées. Ainsi, de 96 espèces référencées en 1971 (GEIJSKES,
1971), nous sommes passés à 217 en 1993 et finalement à 254 en 2012 (DOMMANGET &
PAPAZIAN, 2000 ; PAPAZIAN & DUQUEF, 2002 ; MACHET, 2004 ; MEURGEY et al., 2006).
Parallèlement, une riche collection de référence a été constituée.
Aujourd’hui, le rythme de découverte de nouvelles espèces s’est considérablement
ralenti malgré des efforts d’inventaire croissants.
76 Martinia
Matériel et méthode
Sites d’étude
Les sites qui ont été inventoriés sont visibles sur la figure 1.
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Méthode
Les captures et les observations ont été effectuées par deux d’entre nous (ML et TL).
Les déterminations ont été effectuées par le troisième d’entre nous (JFD) et par
P. Machet. Les spécimens collectés sont actuellement conservés en Guyane dans la
collection de TL et en métropole dans les collections de JFD et de P. Machet.
Pour chaque espèce rencontrée, l’habitat a été relevé et caractérisé selon la typologie
établie par la nomenclature « CORINE biotopes » (HOFF, 1997) (Tab. 1).
Code Habitat
11.133 Formations littorales psammophiles arbustives et sous arbustives de Guyane
11.53111 Mangrove à Avicennia germinans
21 Lagune
22.1 Eau douce (eau dormante, lac, étang et mare)
22.11 Eau dormante oligotrophe
22.463 Végétation aquatique tropicale à hydrophytes immergées ou flottantes de Guyane
22.5 Eau temporaire
24.11 Ruisselet de montagne
24.19 Lit des rivières et des criques tropicales
24.193 Eau courante et ruisseau des marais
3A.1 Savane herbacée
3A.12 Savane herbacée et pelouses mésophile et méso-hygrophile
46.1 Forêts hygrophile et méso-hygrophile primaire (forêt de pluie) de basse altitude
46.2311 Forêt dégradée
46.2312 Forêt secondaire
46.2314 Forêt dégradée ripicole
46.2324 Lisière de forêt marécageuse
46.2331 Bord de route forestière
46.2332 Bord de piste forestière
46.2333 Layon forestier
46.234 Chablis de forêt dégradée ou de forêt secondaire
46.414 Forêt côtière sur cordon sableux
46.542 Forêt des cascades sur blocs de latérite
4A.2311 Marécage boisé
4A.51 Forêts inondables des berges des rivières et des fleuves
56.231 Marécage boisé dense à Pterocarpus officinalis
56.24 Pripri
62.91 Savane roche
84.1 Alignement d'arbres
86.1 Ville
87.2 Zone rudérale et terrain vague
87.23 Cours et abords des maisons
89.2 Lagune industrielle et canal d'eau douce
Tableau 1. Désignation des habitats prospectés en Guyane française de 2003 à 2009 selon
« CORINE biotopes ». Investigated habitats in French Guiana between 2003 and 2009 according
to the “CORINE biotopes” nomenclature.
78 Martinia
Résultats
Au total, 369 spécimens ont été collectés sur l’ensemble des sites prospectés,
représentant 12 familles, 49 genres et 81 espèces (Tab. 2).
1
Zone Naturelle d’Intérêt Ecologique, Faunistique et Floristique ». Une ZNIEFF de type 1
correspond à un espace écologique homogène qui abrite au moins une espèce et/ou un habitat
rare(s) et/ou menacé(s), d’intérêt local, régional, national, communautaire ou à un espace d’un
grand intérêt pour le fonctionnement écologique local.
2
Convention adoptée en 1971 sur la conservation et la protection des zones humides d’importance
mondiale notamment comme sites de reproduction de certaines espèces d’oiseaux aquatiques et
comme étapes ou zones d’hivernage en période de migration. Y sont reconnues leurs fonctions
écologiques fondamentales et leurs valeurs économique, culturelle et scientifique.
Tome 30, fascicule 2, décembre 2014 81
Physico-chimie
D’une température moyenne annuelle de 25 °C, les eaux de la Mare Agami sont
modérément acides (pH = 5,7). Leur conductivité étant généralement de 60 µS.cm-1, elles
ne renferment que de rares éléments nutritifs (i.e. eaux hyper-oligotrophes) immobilisés
au sein d’une très importante biomasse macrophytique flottante et immergée (GUIRAL,
2003).
Cependant, au cours de la saison des pluies, l’immense colonie d’oiseaux est
responsable d’une importante fertilisation des eaux du fait des déjections avicoles. Ceci
conduit à la création d’un nouvel environnement aquatique à productivité élevée et
propice à la vie de multiples autres espèces qui séjournent plus ou moins longuement
dans la mare.
Au cours de la saison sèche, après le départ des oiseaux et en situation de fort
éclairement (ensoleillement : 12,25 h.j-1 ; rayonnement maximum : 2 000 à
2 500 J.cm-2.j-1), ce potentiel nutritif exagéré est à l’origine d’une très forte eutrophisation
des eaux de la mare (GUIRAL, 2003).
Habitat
La zone centrale de la Mare Agami est occupée par une végétation aquatique à
hydrophytes immergées et flottantes enracinées ou non sur le fond.
Cette zone regroupe diverses unités (GUIRAL, 2003) :
- le groupement à Nymphaea rudgeana, Cabomba aquatica et Salvinia auriculata
(22.4631) dont la biodiversité floristique est faible ;
- le peuplement monospécifique à Eleocharis interstincta (55.2324) ;
- les petits îlots flottants de tourbe essentiellement colonisés par des Cyperaceae
(Fuirena umbellata, Cyperus haspan) et parfois des Poaceae (Panicum
parvifolium, Sacciolepis striata) (55.231). On y observe Xyris laxifolia et
l’orchidée Habenaria laugicauda.
En périphérie de la mare, le marais d’eau douce à Cypéracées et fougères (55.2322)
constitue la zone la plus étendue et le plus riche groupement en termes de diversité
floristique. Á ce groupement, se mêlent des espèces d’un autre groupement : celui des
marais à Montrichardia arborescens faciès à Crinum erubescens (56.251). Le nord et le
sud étant constitués de forêts marécageuses, on observe à l’est et à l’ouest de la mare une
flore intermédiaire entre ces deux groupements. La végétation y est dense et basse,
dominée par Rhynchospora gigantea, Sagittaria lancifolia et les fougères Thelypteris
interrupta et Blechnum serrulatum (GUIRAL, 2003). Plus hautes que la plupart des
espèces végétales, deux espèces d’herbacées à fleurs jaunes (Ludwigia nervosa et
L. torulosa) y sont abondantes. Enfin, en bordure de l’eau libre, fleurit C. erubescens
dans les zones les moins denses. D’autres informations sont données dans LUGLIA
(2009).
Discussion
De nos inventaires ressortent 14 espèces qui ne figuraient pas au bilan du Groupe de
Recherche des Organismes de Guyane (GROG) (DELASALLE, 2007) : H. gallardi,
D. percubitale, E. nehalennia, P. tenuissima, A. minutum, L. aculeatum, Telebasis sp.1,
A. concolor, G. auricularis, T. septima, B. travassosi, D. dimidiata, R. cardinalis et
R. geijskesi. On remarquera particulièrement A. minutum, espèce nouvelle pour le
82 Martinia
département bien que déjà connue du Pérou, Bolivie, Venezuela, Brésil, Colombie et
Argentine (LEONARD, 1977 ; LENCIONI, 2006 ; HECKMAN, 2008 ; MUZÓN et al., 2008 ;
PAULSON, 2009). Ceci porte l’odonatofaune de la Guyane française à 254 espèces.
Il n’existe pas d’outil d’identification adapté à la Guyane française et, pour effectuer
les déterminations, nous devons acquérir les nombreux articles et ouvrages souvent
onéreux publiés sur l’odonatofaune des autres pays d’Amérique du Sud. De plus, nous
sommes peu nombreux à savoir déterminer sur place les espèces, ce qui nous oblige bien
souvent à prélever les individus et à les transmettre pour identification à des personnes
compétentes en métropole. Pour remédier à ces difficultés, nous prévoyons d’élaborer une
clé de détermination propre à cette région, enrichie des espèces des pays limitrophes
susceptibles d’y être rencontrées et confondues avec les espèces locales. Cet outil
permettrait d’élargir nos champs de compétences (aujourd’hui essentiellement axés sur la
systématique) et de mener in situ des études portant sur une meilleure connaissance des
espèces, de leur biologie, de leurs exigences écologiques et de leur statut. In fine, cela
nécessitera l’étude des larves et des exuvies.
Les Odonates étant des bio-indicateurs reconnus, leur prise en compte dans
l’actualisation des ZNIEFF guyanaises rendrait ces dernières encore plus pertinentes.
Enfin, pour renforcer la dynamique d’étude et mutualiser les informations concernant
les Odonates de Guyane française, nous avons mis en place en 2009 un « Groupe
Libellule Guyane » informel qui existe par l’intermédiaire d’une liste de discussion
<http://groups.yahoo.com/group/odonateguyane>.
Remerciements
Nous tenons à remercier Philippe Machet pour son aide précieuse concernant la
détermination des individus et la relecture de l’article.
Travaux cités
DELASALLE J.-F., 2007. Les Odonates de Guyane. Bulletin du Groupe de Recherche des
Organismes de Guyane, 3 : 1-57.
DOMMANGET J.-L. & PAPAZIAN M., 2000. Liste provisoire des Odonates de Guyane
française. Martinia, 16 (3) : 138-141.
GEIJSKES D.C., 1971. List of Odonata known from French Guyana, mainly based on a
collection brought together by the mission of the “Muséum national d’histoire
naturelle”, Paris. Annales de la Société entomologique de France (N.S.), 7 (3) : 655-
677.
[GUIRAL D., 2003. Plateforme de Kaw, le bilan à un an. Institut de Recherche pour le
Développement, Cayenne, 17 pp.]
HECKMAN C.W., 2008. Encyclopedia of South American Aquatic Insects: Odonata –
Zygoptera. Springer, Berlin, 687 pp.
HOFF M., 1997. Typologie provisoire des habitats naturels des départements d’outre-mer
français, basée sur CORINE biotopes et la « classification of palearctic habitats » du
Conseil de l’Europe. Service du patrimoine naturel, Muséum national d’histoire
naturelle, Paris, 40 pp <http://herbier.unistra.fr/flores/flore-et-vegetation-de-guyane/
code-corine-biotopes-de-guyane-francaise/>.
Tome 30, fascicule 2, décembre 2014 83
Pierre Juliand gagne le concours de la couverture du fascicule 30 (2) avec une photo
d’accouplement d’Orthetrum brunneum dont la majorité des abonnés (47 voix sur 73
vote, soit 64,4 %) ont apprécié la netteté, le piqué et la correspondance entre la couleur de
l’abdomen du mâle et celle de la couverture.
La rédaction.
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Imprimé par Chevillon IMPRIMEUR, 26 boulevard Kennedy, F-89100 Sens
Dépôt légal : 4e trimestre 2014