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Découverte de Lestes dryas dans le Val-d’Oise

suite à la mise en œuvre de travaux de restauration


d’une mare (Odonata : Lestidae)
Par Florie SWOSZOWSKI
Parc naturel régional du Vexin français, Maison du parc, F-95450 Théméricourt ;
f.swoszowski@pnr-vexin-francais.fr

Reçu le 12 décembre 2013 / Revu et accepté le 24 septembre 2014

Mots-clés : ÎLE-DE-FRANCE, LESTES DRYAS, RESTAURATION, VAL-D’OISE


(95).
Keywords: ÎLE-DE-FRANCE REGION, LESTES DRYAS, RESTORATION, VAL-
D’OISE DEPARTMENT.

Résumé - Nous relatons la première observation en 2012 de Lestes dryas


dans le département du Val-d’Oise puis la confirmation de son autochtonie
en 2013. Ces observations interviennent suite à la mise en œuvre de travaux
de restauration d’une mare en secteur alluvial.
Lestes dryas new species to Val-d’Oise department occurring after a pond
restoration (Odonata: Lestidae).
Summary - The first record of Lestes dryas in the Val-d’Oise department in
2012 is related. Autochthony was confirmed in 2013. This discovery occurs
after the implementation of the restoration of a pond in an alluvial sector.
____________

La première observation de Lestes dryas Kirby, 1890 établissant sa découverte pour le


département du Val-d’Oise, a eu lieu le 14 juin 2012 au marais de Frocourt sur la
commune d’Ammenucourt (Parc naturel régional du Vexin français). Deux imagos y ont
été observés en tandem près d’une mare de type bas-marais alcalin avec une importante
végétation de plantes hélophytes.

Statuts régionaux de l’espèce


Lestes dryas était jusqu’alors connu de quatre départements en Île-de-France : les
Yvelines, le Val-de-Marne, l’Essonne et la Seine-et-Marne (DOMMANGET, 2011 ; GRAND
& BOUDOT, 2006). En 2012, L. dryas est la 43e espèce d’odonate répertoriée dans le
département du Val-d’Oise.
Communément appelé le Leste des bois, L. dryas est une espèce largement répandue
dans l’hémisphère nord, de l’Europe au Japon mais également en Amérique du Nord
(DIJKSTRA, 2007). L’espèce est citée dans la quasi-totalité des départements français à
l’exception de quelques départements méridionaux (DOMMANGET, 2013). Elle se
développe dans les eaux stagnantes des points d’eau souvent asséchés l’été, ou dont les
42 Martinia

marges peu profondes permettent aux larves de trouver des micro-habitats chauds, avec
une végétation dense composée de joncs et de laîches (DIJKSTRA, 2007 ; GRAND &
BOUDOT, 2006). En Île-de-France, elle se retrouve tout particulièrement dans les mares
forestières parfois assez fermées (DOMMANGET, 2013). Le réseau de mares du massif
forestier de Rambouillet semble constituer un « bastion » de l’espèce pour le quart nord-
ouest de la France (HOUARD et al., 2013).
L’espèce est protégée et déterminante de ZNIEFF en Île-de-France (DOMMANGET,
2009). Elle est considérée comme « En danger » en Île-de-France notamment à cause des
menaces sur son habitat (comblement, eutrophisation, curage excessif, etc.) (HOUARD et
al., 2013). De plus, L. dryas est considéré comme « quasi menacé » en région Centre
(BAETA et al., 2012), « en danger » en Picardie (PICARDIE NATURE, 2009) et n’était pas
connu de Haute-Normandie avant sa découverte en 2012 dans la Forêt de Brotonne
(SIMON et al., 2013).

Description du site
Le marais de Frocourt fait partie du site Natura 2000 de la vallée de l’Epte. En 2004,
il est classé en « Espace naturel sensible » (ENS). Le site est constitué d’une ancienne
prairie hygrophile ayant été plantée de peupliers dès 1953.
En 1997, le Pnr du Vexin français entame des travaux de restauration du marais
(coupe de peupliers, fauchage et pâturage extensif). Puis en 1999, la création d’une mare
a permis le développement d’une végétation typique des bas-marais alcalins (Fig. 1a).
Largement ensoleillée et de faible profondeur, elle semble principalement alimentée par
des suintements issus des coteaux adjacents (JOLIVET, 2005). Une phase d’exondation
estivale succède à une phase d’inondation hivernale. Le groupement de bas-marais alcalin
se développe sur un sol gorgé d’eau en permanence, de pH compris entre 6 et 8. Il est
caractérisé par la présence et la dominance d’un cortège constitué de petits hélophytes
(cypéracées et joncacées). Bien que relativement pauvre, ce groupement demeure rare en
Île-de-France (PERRIAT, 2005).

Description des travaux réalisés en 1999


L’objectif initial était de favoriser les groupements temporairement inondés et la
végétation aquatique, par la création d’une mare de faible profondeur permettant la
restauration de milieux de bas-marais alcalins (ROUX, 1995). La zone d’intervention a été
déterminée en raison de son niveau topographique bas permettant des inondations
hivernales fréquentes, et de la nature du substrat identifié comme sol profond tourbeux
(BIRCKEL, 1999).
La mare créée occupe une surface d’environ 500 m², pour une profondeur maximale
de 80 cm, avec des pentes douces et des rives sinueuses. Les travaux ont été effectués
avec une mini pelle en octobre 1999, en période d’étiage, permettant de limiter les
problèmes de tassement du sol. Il s’agit également d’une saison de moindre sensibilité
pour la faune et la flore. Ces travaux ont fait l’objet d’une déclaration en mairie, et n’ont
pas nécessité de déclaration au titre de la loi sur l’eau (surface inférieure à 1000 m²).
Les déblais ont dans un premier temps été régalés sur place tout autour de la mare,
créant un bourrelet d’une trentaine de centimètres. Or, ce bourrelet a généré le
développement d’une végétation essentiellement composée de rudérales (MARTIN, 2006).
Tome 30, fascicule 2, décembre 2014 43

Des travaux de déblaiement du bourrelet, avec régalage sous peupleraie, ont donc été
effectués en septembre 2008, dans le but de rétablir une végétation de prairies humides et
d’augmenter les surfaces inondées lors des hautes eaux.
Il semble que ces travaux d’étrépage autour de la mare associés à un assec temporaire
aient favorisé le développement d’une flore de petits hélophytes propice aux conditions
de vie de L. dryas.

Retour sur les observations


La découverte du 14 juin 2012 a été mise en évidence à travers la mise en œuvre des
protocoles d’inventaire « INVOD et CILIF » de la Société française d’Odonatologie. La
poursuite de cet inventaire a permis d’observer deux imagos supplémentaires les 2 et 17
juillet 2012. En 2013, la mise en place du Suivi temporel des libellules (STELI) a permis
l’observation de plusieurs imagos. Le 2 juillet 2013, deux pontes en tandem ont pu être
observées dans les joncs (Fig. 1b). De plus, deux exuvies récoltées le 18 juin 2013 ont pu
être identifiées, permettant ainsi de prouver l’autochtonie de l’espèce sur le site.
La station connue la plus proche est située à environ 10 km du marais de Frocourt, sur
l’ENS de la butte du Hutrel (Fig. 2b) à Saint-Martin-la-Garenne dans les Yvelines, où
plus de 1000 individus de L. dryas ont été comptabilisés en 2006. Du fait de leur
configuration topographique, les mares de ce site ne sont alimentées que par les
précipitations et sont pour la plupart temporaires (ALISEA, 2006). La proximité de cette
population aura vraisemblablement permis la colonisation de la mare du marais de
Frocourt.

Figure 1. (a) Mare restaurée du marais de Frocourt, propice au développement de Lestes dryas ;
(b) tandem observé le 02 juillet 2013 dans la végétation favorable (© F. Swoszowski)
(a) Restored pond in the Frocourt marsh where L. dryas was recorded;
(b) tandem observed on 2013 the 2nd of July in favorable vegetation.
44 Martinia

Faisant suite à cette découverte, des inventaires suivant la même démarche ont été
effectués en 2013 dans quatre autres ENS du Val-d’Oise bénéficiant de conditions
analogues. Ainsi, le marais de Boissy-Montgeroult, le Moulin de Noisement à Chars,
l’étang de Vallière à Santeuil, et enfin le marais du Rabuais ont été prospectés. Cependant
aucun nouvel individu de L. dryas n’a pu être observé.

Lestes dryas 103 données


de 1982 à 2012
a

Observations
2012-2002
2001-1992 Boisements
Antérieure à 1992 Urbanisation
SfO - Opie 2013

Figure 2. Répartition de L. dryas en région Île-de-France (d’après HOUARD et al., 2013) :


(a) Marais de Frocourt, (b) Butte du Hutrel, (c) Massif forestier de Rambouillet.
Location of L. dryas populations in the Île-de-France region (after HOUARD et al., 2013).
(a) Frocourt marsh, (b) Hutrel hill, (c) Rambouillet forest.

Conclusion
L’observation de L. dryas reste pour l’instant isolée dans le département du Val-
d’Oise, mais sa présence nouvelle au marais de Frocourt est très encourageante d’un point
de vue de la gestion écologique mise en place sur le marais. La colonisation de cette
nouvelle localité offre des perspectives de restauration des habitats de cette espèce
menacée en Île-de-France, notamment par la mise en place d’opérations concrètes de
gestion dans le cadre de la déclinaison régionale du Plan national d’actions (PNA) en
faveur des Odonates.
Au marais de Frocourt, de nouvelles mares et zones d’étrépage expérimental (paliers
de 10 à 60 cm de profondeur) ont été réalisées en novembre 2013 dans le cadre d’un
contrat Natura 2000. La mise en place du STELI permettra de suivre la dynamique de
cette espèce sur ce nouveau site d’implantation.
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Travaux cités
[ALISEA, 2006. Expertises écologiques sur des espaces naturels sensibles. Réactualisation
des données naturalistes de la butte de Hutrel, Proposition de mesures d’aménagement et
de gestion. Conseil général des Yvelines, 112 pp.]
[BAETA R., SANSAULT E. & PINCEBOURDE S., 2012. Déclinaison régionale du Plan National
d’Actions en faveur des Odonates en région Centre 2013-2017. Association Naturaliste
d’Étude et de Protection des Écosystèmes « Caudalis » / Institut de Recherche sur la
Biologie de l’Insecte / Direction Régionale de l’Environnement, de l’Aménagement et du
Logement Centre, 112 pp.]
[BIRCKEL S., 1999. Marais de Frocourt. Premier aménagement forestier 1999 - 2013. Office
national des forêts, 30 pp.]
DIJKSTRA K.-D. B., 2007. Guide des libellules de France et d’Europe. Delachaux et Niestlé,
Paris, 320 pp.
[DOMMANGET J.-L. Famille des Lestidae (Zygoptères). In : Société française d’Odonatologie.
http://www.libellules.org/fra/fra_index.php ; consulté le 22/07/2013.]
[DOMMANGET J.-L. (coord.). Liste et statuts des Odonates de la région Île-de-France. Société
française d’Odonatologie. www.libellules.org - document pdf, version du 15/05/2009, 3
pp.]
[DOMMANGET J.-L., 2011. Les Odonates de la région Île-de-France. État des connaissances,
diversité et originalité, évolution et menaces. Rapport non publié. Conseil régional d’Île-
de-France et Société française d’Odonatologie, Bois d’Arcy, 11 pp.]
GRAND D. & BOUDOT J.-P., 2006. Les Libellules de France, Belgique et Luxembourg.
Biotope (Collection Parthénope), Mèze, 480 pp.
[HOUARD X., MERLET F., LYX D. & PORTE É, (2013). Déclinaison régionale Île-de-France du
Plan national d’actions en faveur des Odonates (2013-2017). Office pour les insectes et
leur environnement, Société française d’Odonatologie, Direction régionale et
interdépartementale de l’environnement et de l’énergie d’Île-de-France, 67 pp + ann.]
[JOLIVET S., 2005. Espace naturel sensible du marais de Frocourt - Inventaire
Odonatologique. Office pour les insectes et leur environnement, Parc naturel régional du
Vexin français, 23 pp.]
[MARTIN C., 2006. Etude hydraulique et topographique du marais de Frocourt. Centre
d’ingénierie aquatique, Conseil général du Val d’Oise, 75 pp.]
[PERRIAT F., 2005. Espace naturel sensible du marais de Frocourt. Inventaire botanique et
phytosociologique. Conservatoire botanique national du bassin parisien, 43 pp.]
[PICARDIE NATURE, 2009. Référentiel de la faune de Picardie. Référentiel odonates. 1 p.
http://www.picardie-nature.org/IMG/pdf/ref_odonates.pdf ; consulté le 22/07/2013.]
[ROUX F., 1995. Bilan écologique préalable à l’élaboration d’un plan de gestion sur le
marais de Frocourt. Parc naturel régional du Vexin français, 27 pp.]
SIMON A., ROBERT L. & MONTAGNER S., 2013. Bilan cartographique 2012. État des
connaissances intégrant les données transmises au 01/01/2013. Le Bal du CERCION
8-9 : 2-11.
___________________
46 Martinia

Brève communication

Une femelle de Gomphus pulchellus morte empalée sur une tige de


Juncus inflexus (Odonata : Gomphidae)
Par Jean-Michel CATIL
CPIE Pays Gersois, Au Château, F-32300 L’Isle-de-Noé ; jmcatil@yahoo.fr

Reçu le 1er décembre 2014 / Revu et accepté le 11 décembre 2014

Le 14 juin 2013, un odonate retenait mon attention en bordure d’un petit étang sur la
commune de Monfort (Gers [32]). Celui-ci, une femelle de Gomphus pulchellus Selys, 1840, était
empalé sur la partie sommitale d’une tige de Juncus inflexus L., 1753 par l’aile antérieure gauche.
L’individu était visiblement mort depuis assez peu de temps, son cadavre, relativement intact,
n’ayant pas été détérioré par les conditions
météorologiques ou les prédateurs.
Plusieurs cas de capture accidentelle par des
végétaux ont été relatés dont l’un assez similaire
(LAMBRET P., 2010 : Un mâle de Lestes
macrostigma (Eversmann, 1836) (Odonata :
Lestidae) prisonnier de Juncus maritimus.
Martinia, 26 (1) : 49-51). Diverses hypothèses
avaient alors été avancées. Parmi celles-là,
l’influence du vent est plausible, des rafales assez
fortes ayant soufflé les jours précédents (11 et 12
juin). En outre, l’individu en question présentait
des ailes chiffonnées et encore relativement
brillantes, présumant une émergence peu de temps
avant l’incident et une fragilité des ailes. Ce
facteur, combiné ou non à l’épisode venteux,
pourrait expliquer un accident de vol. Nous ne
pouvons exclure toutefois d’autres causes, bien que
moins vraisemblables, telles que la fuite face à un
prédateur ou des congénères (LAMBRET, op. cit.) et
seules des observations directes, quoique peu
probables, pourraient nous éclairer sur cette
mortalité bien singulière. Figure 1. Gomphus pulchellus mort prisonnier
Je tiens à remercier Pierre-Olivier Cochard de Juncus inflexus (© J.-M. Catil). Gomphus
pour son aide lors de la détermination de Juncus pulchellus dead prisoner of Juncus inflexus.
inflexus.
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Tome 30, fascicule 2, décembre 2014 47

Nouvelles observations de Macromia splendens en


région Midi-Pyrénées (Odonata : Macromiidae)
Par Gaël DELPON1, Aurélien COSTES2, David ALQUIER3, Évelyne HABER4,
Pascal POLISSET5 & Laurent PELOZUELO6
1
17 route de Foix, F-09400 Amplaing ; gael.delpon@yahoo.fr
2
Gervais Rodelle, F-12340 Bozouls ; costes.aurelien@gmail.com
3
110 rue de la Madeleine, F-81600 Gaillac ; david.alquier@sfr.fr
4
400 route de Parisot, F-81800 Couffouleux ; e.haber@orange.fr
5
94 place Jean Moulin, F-81600 Gaillac ; pascal.polisset@gmail.com
6
Université de Toulouse, Laboratoire ECOLAB UMR 5245 CNRS-INPT-UPS, Campus de Rangueil,
118 route de Narbonne, Bât. 4R1, F-31062 Toulouse Cedex 09; laurent.pelozuelo@univ-tlse3.fr

Reçu le 11 avril 2014 / Revu et accepté le 24 septembre 2014

Mots clés : COLLECTE D’EXUVIES, MACROMIA SPLENDENS, ODONATOFAUNE,


PLAN NATIONAL D’ACTION EN FAVEUR DES ODONATES, REPARTITION.
Keywords: EXUVIAE COLLECTION, MACROMIA SPLENDENS, ODONATOFAUNA,
NATIONAL ACTION PLAN, RANGE.
Résumé - Macromia splendens est une espèce emblématique de
l’odonatofaune européenne. Endémique du sud-ouest de ce continent et
reconnue comme vulnérable dans son aire de répartition, elle fait partie des
espèces concernées par le Plan national d’actions en faveur des Odonates
(PNAO). En région Midi-Pyrénées, cette espèce est connue sur les cours du
Tarn et de l’Aveyron, ainsi que dans les vallées du Lot et du Célé. Afin
d’améliorer les connaissances relatives à la distribution géographique de cette
espèce dans la région, des prospections ciblées ont été conduites par l’Office
pour les insectes et leur environnement de Midi-Pyrénées (Opie-MP) en 2012
et 2013, en partenariat avec le groupe « albistylum » de la Ligue pour la
protection des oiseaux du Tarn (LPO81). Cent-quarante exuvies et au moins
15 adultes ont été observés au cours de ces deux années, permettant d’attester
de la présence de l’espèce sur plusieurs portions du Lot et du Célé ainsi que
sur une bonne partie du cours de l’Aveyron et de son principal affluent, le
Viaur. L’espèce a été trouvée dans ses habitats de substitution classiques
(retenues d’eau, notamment liées à l’ancienne minoterie) mais aussi dans un
habitat d’origine anthropique plus surprenant, à savoir une base nautique
dédiée à la pêche, la voile et la natation. En revanche, M. splendens n’a pu
être retrouvée sur le Tarn, entre Saint-Rome-de-Tarn et Ambialet, où elle était
connue jusqu’en 2009.
New observations of Macromia splendens in the Midi-Pyrénées region,
Southern France.
Summary - Macromia splendens is an iconic dragonfly species of the
European fauna. Endemic to South-West of the continent and recognized as
vulnerable in its range, it is one of the species taken into account by the
French national action plan for Odonata. In the Midi-Pyrénées administrative
region (South-Western France), this species was known to reproduce on
48 Martinia

several rivers: Tarn, Aveyron, Lot and Célé. To improve knowledge of the
geographical distribution of this species, targeted surveys were conducted by
the Office pour les insectes et leur environnement de Midi-Pyrénées
(Opie-MP) in 2012 and 2013, in partnership with the Ligue pour la protection
des oiseaux du Tarn (LPO81). One hundred forty exuviae and at least 15
adults were observed during these two years, which demonstrates the
presence of the species on several portions of the Lot and Célé rivers and on
a significant part of the Aveyron River and its main tributary, the Viaur. The
species was found in its classical substitution habitats (dams, including those
linked to old mills), but also in a surprising anthropogenic habitat (fishing
pond). However, M. splendens could not be found on the Tarn River,
between Saint-Rome-de-Tarn and Ambialet, where it was known until 2009.
__________

Introduction
Macromia splendens (Pictet, 1843) est une espèce emblématique de l’odonatofaune
européenne. Décrite à partir d’un spécimen collecté dans les environs de Montpellier,
cette espèce a attiré l’attention du célèbre biologiste Pierre GRASSE qui en a décrit la larve
en détail (GRASSÉ, 1930). Elle a aussi suscité l’intérêt de plusieurs odonatologues
étrangers qui, venus rechercher des spécimens en France, nous ont permis d’hériter de
précieuses données historiques (MORTON, 1925 ; LIEFTINCK, 1965 ; BILEK, 1969 ; BELLE,
1983). En dehors de la région Languedoc-Roussillon, elle a été découverte en Poitou-
Charentes (DELAMAIN, 1868 ; JOURDE, 2005), en Aquitaine (TIBERGHIEN, 1985) et en
Rhône-Alpes (JOURDAIN, 2004). En Midi-Pyrénées, elle est signalée sur le Lot près de
Cahors par MORTON (1925), puis dans diverses localités de ce cours d’eau et sur
l’Aveyron (Tab. 1). Elle est ensuite observée sur le Tarn en 1972 où une importante
population a permis à Jean-Louis Dommanget d’initier une étude de longue haleine sur
cette espèce en particulier (DOMMANGET, 2001). Depuis, bien que les naturalistes midi-
pyrénéens estiment probable qu’elle se soit maintenue dans les Gorges de l’Aveyron et
soit présente sur les cours de la Vère (ROBIN et al., 2007), du Viaur et de l’Agout, elle n’a
été observée que très sporadiquement (Fig. 1). Sa présence sur le Lot et le Célé a été
vérifiée en 2005 par l’association Lot Nature (Muriel Dubray, com. pers) et des imagos de
cette espèce ont été observés à Bruniquel sur l’Aveyron, en 2006, et à proximité de la
Vère en 2008 (ROBIN & FUSARI, 2009). Sur le Tarn et ses affluents, en dépit de
prospections ciblées effectuées en 2011 par le Conservatoire des espaces naturels de
Midi-Pyrénées (COSTES, 2011) et l’un de nous (LP) en compagnie d’Adolfo Cordero-
Rivera, spécialiste de cette espèce en Galice, une seule observation a été réalisée (sur le
cours du Dourdou). Au total, une douzaine d’observations de l’espèce a été recueillie dans
la région depuis 2005 (COSTES, 2011 ; base de données SfO).
Dans un contexte de mobilisation en faveur des Odonates concrétisé par le Plan
National d’Actions (DUPONT, 2010), l’Office pour les insectes et leur environnement de
Midi-Pyrénées (Opie-MP) s’est engagé à améliorer les connaissances concernant cette
espèce, en partenariat avec le groupe « albistylum » de la Ligue pour la protection des
oiseaux du Tarn (LPO81) et en collaboration étroite avec les associations naturalistes de
Midi-Pyrénées (Association des Naturalistes de l’Ariège ; Amis des Sciences Naturelles
Tome 30, fascicule 2, décembre 2014 49

du Tarn ; Centre Permanent d’Initiative pour l’Environnement du Gers ; Conservatoire


des Espaces Naturels de Midi-Pyrénées ; Ligue pour la protection des oiseaux de
l’Aveyron ; Lot Nature ; Société des sciences naturelles du Tarn-et-Garonne). Ainsi, une
première campagne de prospections ciblées a été organisée en 2012, en vue d’identifier
de nouvelles localités pour l’espèce et d’actualiser son statut dans les stations connues.
Après la découverte de trois exuvies de M. splendens sur les berges d’une base de loisirs
du nord du Tarn le 02 juin 2012, les prospections ont principalement concerné les cours
de l’Aveyron et de la Vère proches de ce site, ainsi que le Viaur, affluent de l’Aveyron. Le
Tarn, le Lot et le Célé ont également été prospectés de manière plus ponctuelle. Afin de
compléter ces données et de réactualiser les anciennes localités, de nouvelles recherches
ont été menées en 2013, principalement sur le Viaur, le Tarn, le Lot et le Célé.

Lieu Date Observation Références


Aveyron
Albias 20/06/1966 ƃ en vol BILEK, 1969
Montricoux – St-Antonin 20/06/1966 ƃƃ, Ƃ BILEK, 1969
Montricoux – St-Antonin 15/07/ 1967 Adultes BILEK, 1969
Célé
Cabrerets 6 au 25/06/1966, 1967 Exuvies BILEK, 1969
Liauzu Environ 29/06/1964 ƃƃ, ƂƂ, ponte LIEFTINCK, 1965
Sauliac-sur-Célé 6 au 25/06/1966, 1967 Exuvies BILEK, 1969
Lot
Bouzies 6 au 25/06/1966, 1967 Exuvies BILEK, 1969
Cahors 7 au ?/07/1923 ƃƃ, Ƃ MORTON, 1925
29 au 30/07/1924 5 ƃƃ collectés MORTON, 1925
Crégols 19/06/1961 2 ƃƃ collectés LIEFTINCK, 1965
St-Cirq-Lapopie - Bouzies 25/06/1967 Adultes BILEK, 1969
Laroque-des-Arcs 6 au 25/06/1966, 1967 Exuvies BILEK, 1969
10/06/1967 1 ƃ émergeant BILEK, 1969
20/06/1961 Ailes LIEFTINCK, 1965
28/06/1964 4 exuvies LIEFTINCK, 1965
St Géry 6 au 25/06/1966, 1967 Exuvies BILEK, 1969
Savanac 6 au 25/06/1966, 1967 Exuvies BILEK, 1969
Vers 6 au 25/06/1966, 1967 Exuvies BILEK, 1969
Tarn
HAMON
15/07/1972 1ƃ
In DOMMANGET, 1981
mi-juillet 1979 1 exuvie, adultes DOMMANGET, 1981
début juillet 1980 Larves, exuvies DOMMANGET, 1981
Vallée de l’Amitié 29/06 au 16/07/1982 11 ƃƃ, ƂƂ, pontes BELLE, 1983
Tableau 1. Données concernant Macromia splendens en Midi-Pyrénées publiées antérieurement à 1985.
Observations of Macromia splendens in the Midi-Pyrénées region which were published before 1985.
50 Martinia

Figure 1. Localisation des observations de Macromia splendens en Midi-Pyrénées antérieures aux


inventaires de l’Opie-MP et de la LPO81 (sources : base de données SfO/Opie, tableau 2).
Les données antérieures à 1970 sont représentées à l’échelle communale (MORTON, 1925 ; LIEFTINCK,
1965 ; BILEK, 1969). Location map of Macromia splendens observations in the Midi-Pyrénées region
before the Opie-MP & LPO81 surveys (SfO/Opie database, table 2). Data before 1970 are represented at
the communal scale (MORTON, 1925; LIEFTINCK, 1965; BILEK, 1969).

Méthodes de prospection
Si les berges des cours d’eau ont ponctuellement été prospectées à pied, la recherche
des exuvies de M. splendens à partir d’une embarcation a été privilégiée, à l’instar de
DOMMANGET (2001) et de HENTZ & BERNIER (2009). Pour cela, deux canoës une place –
modèle Mojito, commercialisés par la société Rotomod – ont été achetés avec le soutien
financier de la fondation Nature et Découvertes. Ce modèle relativement court et solide
permet d’explorer les berges rocheuses et de rechercher sous les branches de la ripisylve
sans risque. Cette technique présente également l’avantage d’éviter le piétinement des
berges et la perturbation du biotope. Plusieurs tronçons ont ainsi été parcourus sur huit
grands cours d’eau de la région (Aveyron, Viaur, Lot, Célé, Tarn, Agout, Dadou,
Dourdou), parfois sur des linéaires importants (descente de l’Aveyron entre Saint-
Tome 30, fascicule 2, décembre 2014 51

Antonin-Noble-Val et Cazals). Les microhabitats favorables ont été systématiquement


examinés. Ils correspondent à des zones de courant lent, assez profondes (entre 80 cm et
150 cm en étiage) et souvent abritées par de gros arbres ou à l’aplomb de rochers ou de
berges abruptes (rocheuses ou terreuses) (DOMMANGET, 2001 ; LEIPELT & SUHLING,
2005). Les berges et les arbres ont été examinés sur une hauteur importante, les larves de
M. splendens étant capables de grimper jusqu’à 3 ou 4 m. En 2012, les prospections ont
débuté le 2 juin et se sont achevées le 29 juillet. En 2013, plusieurs journées de recherche
ont été organisées entre le 8 juin et le 8 août. Les différents observateurs ayant contribué à
récolter des données sur l’espèce durant ces deux campagnes d’inventaire sont
mentionnés dans le tableau 2.

Contributeurs Struct. Année Contributeurs Struct. Année


Adriaens Tim 8 2008 Heaulmé Vincent 9 1990, 1996
Alquier David 6, 7 2012, 2013 Henniaux Clément 3 2013
Anonyme 1 2012 Iribar Amaia 7 2012
Archimbeau Christophe 8 2003 Jacquemin Gilles 8 1988
Boudot Jean-Pierre 8 1988 Kéry Marc 8 1993
Bourguoin Laurent 7 2013 Kemp Bob 8 1983
Calvignac Romain 7 2012 Krejci Eric 8 1982
Chaussadas Jean-Claude 8 1989 à 1991 Levasseur Marc 8 1983
Costes Aurélien 7 2012, 2013 Male Eric 8 1986, 1987
Danflous Samuel 4 2013 Musseau Camille 7 2012
Datchary Romain 7 2013 Nicouleau Jean-Louis 8 2007
Deconchat Marc 8 1982 Pelozuelo Laurent 7 2012, 2013
Deffort Thomas 8 1999 Polisset Pascal 7 2012
Delpon Gaël 7 2012, 2013 Robin Jérôme 2, 10 2008
Denis Alice 7 2013 Rudelle Rémi 5 2012
Dommanget Jean-Louis 8 1979 à 2009 Sagouis Alban 7 2012
Duvot Guilhem 7 2012 Schaub Mickael 8 1993
Fiers Evelyne 8 2008 Tellez David 8 2008, 2009
Guilmet Martine 8 2009 Toustou Laure 7 2013
Hamon Jacques 8 1972 Tussac Hubert 8 1984
Tableau 2. Observateurs ayant contribué aux observations de Macromia splendens en Midi-Pyrénées et
leur structure (1 : ASNAT, 2 : Biotope, 3 : CEN-A, 4 : CEN-MP, 5 : LPO 12, 6 : LPO 81, 7 : Opie-MP,
8 : SfO, 9 : SNL, 10 : SSNTG). Contributors to the observations of Macromia splendens in the Midi-
Pyrénées region and the structure they belong to.

Résultats et discussion
Cent-quarante exuvies (82 en 2012, 58 en 2013) de M. splendens et au moins 15
adultes (12 en 2012, trois en 2013) ont été inventoriés en Midi-Pyrénées au cours de ces
deux années de prospections. Ces découvertes permettent d’identifier plusieurs localités
nouvelles pour l’espèce, notamment sur le Viaur, et actualisent des données anciennes sur
l’Aveyron, le Lot et le Célé (Fig. 2). Des exuvies ont pu être récoltées de début juin à fin
juillet en 2012 et de début juin à mi-juillet en 2013. Au cours de ces deux années, des
adultes ont été observés de début juin à fin juillet (Tab. 3). Ces résultats sont concordants
avec ceux obtenus sur le Tarn par DOMMANGET (2001), qui rapporte que les émergences
ont lieu du 25 mai au 20 juin et que les adultes sont visibles du 25 mai au 15 août. Ils
correspondent aussi à la situation en Ardèche méridionale où des exuvies ont été récoltées
le 2 et 3 août 2012 (Pierre Juliand, com. pers.).
52 Martinia

Sur la majorité des sites où M. splendens a pu être observé, les exuvies ont été
découvertes sur des zones présentant un faciès semblable à celui décrit par DOMMANGET
(2001) et LEIPELT & SUHLING (2005) à savoir des tronçons profonds au courant lent,
souvent liés à la présence d’une retenue ou d’un seuil. La ripisylve était abondante et les
émergences pouvaient avoir lieu sur des troncs d’arbres ou des parois rocheuses de la
berge. Un cortège d’espèces typiques a également pu être mis en évidence, regroupant
Oxygastra curtisii (Dale, 1834), Gomphus graslinii (Rambur, 1842), Onychogomphus f.
forcipatus (Linnaeus, 1758), O. uncatus (Charpentier, 1840), Boyeria irene
(Fonscolombe, 1838) et Somatochlora metallica (Vander Linden, 1825).

Figure 2. Carte de localisation des observations de Macromia splendens en Midi-Pyrénées effectuées


par l’Opie-MP et la LPO 81 au cours des campagnes 2012 et 2013. Location map of Macromia
splendens observations in the Midi-Pyrénées region during Opie-MP & LPO81 surveys in 2012 and 2013.
Tome 30, fascicule 2, décembre 2014 53

Cours de l’Aveyron et du Viaur


Plus de quarante ans après les observations de BILEK (1969) et après deux
observations isolées à Bruniquel en 2006 et Larroque en 2008 (ROBIN & FUSARI, 2009),
les saisons 2012 et 2013 ont permis de confirmer la persistance de M. splendens sur la
majeure partie du cours de l’Aveyron et de découvrir cette même espèce sur son affluent
principal, le Viaur. Soixante-dix-neuf exuvies et plusieurs adultes ont été observés sur
sept tronçons du cours de l’Aveyron, depuis Najac jusqu’à Montricoux. À notre
connaissance, M. splendens est découvert ici pour la première fois en amont de Saint-
Antonin-Noble-Val. Bien qu’il soit difficile de comparer les résultats de recherches
d’exuvies effectuées à des dates différentes, il est intéressant de noter que c’est le tronçon
situé à Montricoux qui a permis de récolter le plus grand nombre d’exuvies de l’espèce
lors des deux campagnes d’inventaire (Tab. 3). La zone concernée se situe en amont
d’une retenue liée à un ancien moulin et présente des berges constituées de parois et de
blocs calcaires.
Sur le Viaur, ce sont 15 exuvies et plusieurs adultes qui ont été observés sur quatre
tronçons, à l’amont du Pont de Thuriès et au niveau des ponts de Cirou et de la Vicasse.
Cette espèce se reproduit donc très clairement sur plusieurs secteurs du Viaur. On notera
que cette dernière avait pu être observée en 2009 sur le Lézert, un des affluents du Viaur
(Martine Guilmet, com. pers.). La Vère, rivière affluente de l’Aveyron, a également été
prospectée de manière ponctuelle dans sa partie aval. Malgré la présence occasionnelle
d’habitats a priori favorables (ripisylve importante, tronçons à courant lent, vasques
profondes), l’espèce n’a pas pu être repérée.
Base de Vère-Grésigne
La base de loisirs de Vère-Grésigne est constituée de quatre plans d'eau d'importances
et d'utilisations différentes, en surplomb du cours de la Vère. Le bassin de baignade est
alimenté par pompage dans la nappe phréatique sous-jacente. Les autres plans d'eau
récupèrent les eaux pluviales et le débit variable de quelques sources et sont utilisés pour
la pêche (présence de carpes, black-bass…). Ces bassins sont reliés entre eux par des
buses de mise à niveau. Des prospections réalisées sur le site en juin 2012 ont mené à la
découverte d’une quinzaine d’exuvies et à l’observation d’une femelle en ponte,
démontrant le développement de M. splendens dans au moins deux des plans d’eau à
usage piscicole (alimentation pluviale et sources). Ces premières observations ont pu être
confirmées le 08 juin 2013 par la collecte de deux nouvelles exuvies sur les berges des
mêmes étangs. Les plans d'eau aux abords desquels les exuvies de M. splendens ont été
trouvées sont bordés d’une dizaine de saules espacés de 5 à 10 m, sur des berges dont la
végétation est régulièrement tondue. Cet habitat est de prime abord surprenant pour M.
splendens mais celui-ci était déjà connu pour abriter quelques espèces lui étant souvent
associées, dont O. curtisii. D’autres observateurs ont par ailleurs déjà mentionné la
présence occasionnelle d’imagos de M. splendens et de comportements de ponte dans des
habitats lentiques du même type, sans que l’on puisse savoir si ces observations avaient
trait à des zones de chasse, à des comportements « aberrants » ou à des zones de
reproduction effectives (JOURDE & LALUQUE 2006 ; Stéphane Jaulin, com. pers.).
54 Martinia

Cours du Célé et du Lot


Le Célé et le Lot sont connus pour héberger M. splendens depuis de nombreuses
années (LIEFTINCK, 1965 ; BILEK, 1969) et la présence de l’espèce sur ces deux cours
d’eau a été actualisée par l’association Lot Nature en 2005. La reproduction de l’espèce a
également pu être prouvée en 2012 sur la partie amont du Lot par la découverte de trois
exuvies sur la commune d’Estaing, entre fin juillet et début août (RUDELLE, 2012). Les

Date Tronçons Méthode Exuvies Adultes


02/06/2012 Base de Vère-Grésigne (Castelnau-de-Montmiral) À pied 3 0
03/06/2012 Base de Vère-Grésigne (Castelnau-de-Montmiral) À pied 0 1
09/06/2012 Aveyron (Penne) À pied 2 0
14/06/2012 Base de Vère-Grésigne (Castelnau-de-Montmiral) À pied 3 0
20/06/2012 Base de Vère-Grésigne (Castelnau-de-Montmiral) À pied 8 0
21/06/2012 Célé (Monteils) Canoë 6 0
21/06/2012 Célé (Cabreret) Canoë 1 0
24/06/2012 Viaur (Pampelonne) Canoë 3 1
07/07/2012 Aveyron (St-Antonin-Noble-Val - Cazals) Canoë 7 1
13/07/2012 Aveyron (Montrosier) Canoë 2 0
18/07/2012 Aveyron (Bruniquel) Canoë 11 1
19/07/2012 Aveyron (Monteil) Canoë 0 1
19/07/2012 Aveyron (Laguépie) Canoë 5 0
19/07/2012 Aveyron (Najac) Canoë 0 3
21/07/2012 Viaur (Bor et Bar) Canoë 0 1
21/07/2012 Viaur (Crespin) Canoë 1 2
23/07/2012 Aveyron (amont Montricoux) Canoë 20 0
24/07/2012 Aveyron (amont Montricoux) Canoë 3 1
24/07/2012 Aveyron (aval Montricoux) Canoë 2 0
24/07/2012 Aveyron (Penne) Canoë 5 0
08/06/2013 Base de Vère-Grésigne (Castelnau-de-Montmiral) À pied 2 0
23/06/2013 Lot (Bouzies) Canoë 1 0
30/06/2013 Célé (Saint-Sulpice) Canoë 5 0
30/06/2013 Célé (Monteils) Canoë 12 1
06/07/2013 Viaur (Crespin) Canoë 7 0
07/07/2013 Viaur (Bor-et-Bar) Canoë 3 0
07/07/2013 Viaur (St-André-de-Najac) Canoë 1 0
12/07/2013 Aveyron (amont Montricoux) Canoë 23 0
21/07/2013 Lot (Cenevières) Canoë 2 0
21/07/2013 Lot (Calvignac) Canoë 2 0
21/07/2013 Lot (St Géry) Canoë 0 2
Tableau 3. Tronçons de cours d’eau prospectés (et leur commune) ayant permis d’observer Macromia
splendens en 2012 et 2013. Parts of rivers where Macromia splendens was observed in 2012 and 2013.
Tome 30, fascicule 2, décembre 2014 55

prospections menées par l’Opie-MP et la LPO81 en 2012 et 2013 ont permis de confirmer
la reproduction de l’espèce sur la majorité des stations historiques sur ces deux cours
d’eau.
Sur le Célé, la présence de M. splendens a été notée en 2012 avec la découverte de
sept exuvies sur deux tronçons, l’un en amont du moulin de Cabrerets (une exuvie),
l’autre en amont du pont de Monteils (six exuvies). En 2013, ce sont 12 exuvies qui ont
pu être récoltées au niveau de ce dernier secteur, ainsi que cinq exuvies en aval de Saint-
Sulpice.
Sur le Lot, l’espèce a été retrouvée sur plusieurs tronçons entre les communes de
Calvignac et de Vers. En revanche, des prospections menées en aval de Larroque-des-
Arcs et au niveau de Cahors, deux secteurs de présence historique (MORTON, 1925 ;
LIEFTINCK, 1965 ; BILEK, 1969), n’ont pas permis de la retrouver. De la même manière,
des recherches sur des portions plus en amont du cours d’eau (Saujac, Montbrun,
Bouillac) n’ont donné aucun résultat malgré un faciès d’apparence favorable à l’espèce et
la persistance d’un cortège typique des zones à Macromia. Les communes de Golinhac et
d’Estaing ont également été prospectées en juin 2012 sans que M. splendens n’ait pu être
observé.
Cours du Tarn et affluents
Le Tarn fait figure de station historique de l’espèce au niveau national en raison des
travaux importants conduits par Jean-Louis Dommanget, qui signale des populations
importantes jusqu’en 2000 (DOMMANGET, 2001). Pourtant, depuis, ce sont moins de dix
données qui ont été acquises sur ce cours d’eau, par Jean-Louis Dommanget lui-même
(base de données SfO). Hormis une observation par l’un des co-auteurs (LP) en
compagnie de Adolfo Cordero-Rivera sur le Dourdou (affluent du Tarn) en 2011, les
prospections effectuées par le CEN-MP et l’Opie-MP en 2011, 2012 et 2013 sur plusieurs
portions du Tarn n’ont pas permis de retrouver M. splendens. Elles ont par ailleurs montré
que les autres Odonates étaient peu abondants. Cette situation mériterait d’être étudiée
avec attention car Jean-Louis DOMMANGET fait part d’une vive inquiétude au sujet des
populations qu’il observait, émettant l’hypothèse que la présence d’écrevisses allochtones
pouvait nuire à M. splendens (Jean-Louis Dommanget, com. pers.). Les écrevisses sont
effectivement abondantes sur ce cours d’eau (obs. pers.) (LP). Elles sont accompagnées
d’une autre espèce allochtone potentiellement impactante, la moule zébrée, Dreissena
polymorpha connue pour pouvoir se fixer sur les larves d’Anisoptères (FINCKE et al.,
2009) et former par endroits un tapis compact sur le substrat. Il paraît important de
réactualiser le statut de M. splendens sur le cours du Tarn entre Saint-Rome-de-Tarn et
Ambialet et de chercher à comprendre les causes de la raréfaction des Odonates en ayant
des données précises sur la qualité biologique du Tarn (paramètres chimiques et espèces
invasives).
Au cours des campagnes 2012 et 2013, plusieurs des affluents principaux du Tarn ont
également été prospectés de manière plus ponctuelle. Des recherches en canoë ont ainsi
été effectuées sur le Dourdou, où l’espèce avait pu être observée dans les années 90, ainsi
que sur l’Agout et le Dadou, un de ses affluents. Bien que certains secteurs présentent des
caractéristiques potentiellement favorables à M. splendens et abritent plusieurs espèces
compagnes (O. curtisii par ex.), sa présence n’a pu être confirmée. Il pourrait cependant
être intéressant d’y mener à l’avenir des investigations plus poussées.
56 Martinia

Conclusion et perspectives
La validation de la présence de M. splendens sur l’Aveyron, le Viaur, le Lot et le Célé
est a priori rassurante pour le statut de conservation de cette espèce en Midi-Pyrénées et
en France. Cependant, les niveaux de population observés sont bas et semblent inférieurs
à ceux qui ont été observés au cours des années 60 (BILEK, 1969), ou bien à celui qui a pu
être constaté sur le Chassezac, affluent de l’Ardèche, par l’un d’entre nous (LP).
Concernant le Tarn, la situation est inquiétante. Les campagnes de 2012 et 2013 viennent
confirmer ce qu’indiquaient déjà les prospections de 2011, à savoir l’impossibilité de
redécouvrir l’espèce sur des stations où elle était abondante il y a peu, et le constat d’une
odonatofaune très appauvrie et peu abondante. Il sera nécessaire dans les années à venir
de poursuivre la surveillance de cette espèce vulnérable afin d’identifier les causes de
cette régression. Sur le terrain, de nombreuses atteintes aux habitats de M. splendens ont
pu être constatées, telles que la présence d’espèces invasives potentiellement délétères,
l’aménagement des berges par les particuliers (terrassement, construction de pontons et
plans de pêche bétonnés), la multiplicité des pompages à vocation domestique et agricole,
l’abattage de la ripisylve ou son remplacement par la populiculture. Si le soutien d’étiage
et la sensibilisation des agriculteurs voire le contrôle des prélèvements d’eau font
légitimement partie intégrante des contrats de rivière concernant l’Aveyron – pour des
objectifs essentiellement piscicoles – il serait important que la conservation de M.
splendens devienne aussi une priorité locale.
La poursuite des prospections et, au-delà, le soutien à l’étude de l’écologie de M.
splendens, doivent être des priorités pour la conservation de l’espèce, pour laquelle la
région Midi-Pyrénées a une responsabilité élevée. Ces actions seront intégrées à la
déclinaison en Midi-Pyrénées du Plan national d’actions en faveur des Odonates en cours
d’élaboration.
Enfin, dans un contexte national de réhabilitation des cours d’eau passant par le
rétablissement des « connectivités écologiques » (suppression des ouvrages hydro-
électriques et chaussées liées à l’ancienne minoterie), il est utile d’attirer l’attention sur le
fait que les aménagements mentionnés génèrent à leur amont un habitat favorable à
plusieurs espèces protégées comme M. splendens et O. curtisii. Un tel habitat n’est certes
pas naturel et ne constitue qu’un habitat de substitution mais, au vu du statut de l’espèce,
il est préférable de le considérer avec intérêt et de réfléchir à des solutions de compromis,
permettant le maintien d’un niveau d’eau élevé et la libre circulation des espèces
piscicoles.

Remerciements
Nous adressons nos remerciements à la Fondation Nature et Découvertes pour son
soutien financier dans l’achat des canoës ayant permis de mener à bien ces inventaires.
Nous remercions la SfO, l’Opie, la LPO12 et les différents contributeurs qui ont mis leurs
données à notre disposition pour la construction de cet article. Merci également à Jean
Laurent Hentz pour son initiation à la recherche des exuvies de Macromia splendens à
l’occasion d’une sortie sur le Vidourle en 2011. Enfin, un grand merci à tous les
bénévoles de l’Opie-MP et de la LPO81 qui ont pris part aux prospections durant ces
deux années.
Tome 30, fascicule 2, décembre 2014 57

Travaux cités
BELLE J., 1983. Some interesting Odonata Anisoptera from the Tarn, France.
Entomologische Berichten, 43: 93-95.
BILEK A., 1969. Ergänzende Beobachtungen zur Lebensweise von Macromia splendens
(Pictet 1843) und einingen anderen in der Guyenne vorkommenden Odonata-Arten.
Entomologische Zeitschrift, 79: 117-124.
[COSTES A., 2011. État des lieux des connaissances des populations de trois libellules
d’intérêt communautaire en Midi-Pyrénées : Macromia splendens, Oxygastra curtisii
et Gomphus graslinii. Conservatoire d’espaces naturels de Midi-Pyrénées, 33 pp.]
DELAMAIN J., 1868. In : Sélys-Longchamps. Observations sur les habitudes d’un odonate
de la famille des Libellulidae nommé Macromia splendens Pictet. Assemblée mens.
1er août 1868. Compte Rendu de la Société Entomologique de Belgique, 11 : 92-93.
DOMMANGET J.L., 1981. Captures intéressantes d'Odonates en France. Notulae
Odonatologicae, 1 (7) : 120-121.
[DOMMANGET J.L., 2001. Étude de Macromia splendens (Pictet, 1843) dans la vallée du
Tarn (Tarn, Aveyron) et statut national de l'espèce (Odonata, Anisoptera,
Macromiidae). Ministère de l’aménagement du territoire et de l’environnement.
Direction de la Nature et des Paysages. Sous-direction de la chasse, de la faune et de
la flore sauvages, 136 pp.]
DUPONT P., 2010. Plan national d’actions en faveur des Odonates. Office pour les
insectes et leur environnement / Société Française d’Odonatologie – Ministère de
Écologie, de l’Énergie, du Développement durable et de la Mer, 170 pp.
FINCKE O., SANTIAGO D., HICKNER S. & BIENEK R., 2009. Susceptibility of larval
dragonflies to zebra mussel colonization and its effect on larval movement and
survivorship. Hydrobiologia, 624 : 71-79.
GRASSÉ P., 1930. La nymphe de Macromia splendens, Pictet. Annales de la Société
Entomologique de France, 99 : 9-14.
[HENTZ J.L. & BERNIER C., 2009. Macromia splendens, une libellule remarquable dans le
département du Gard. Synthèse des connaissances. Gard Nature, 18 pp.]
JOURDAIN B., 2004. Découverte de Macromia splendens (Pictet, 1843) en Gironde
(Odonata, Anisoptera, Macromiidae). Martinia, 20 (4) : 194-196.
JOURDE P., 2005. Une nouvelle espèce de libellule pour la Charente-Maritime : la
Cordulie splendide Macromia splendens (Pictet, 1843) (Odonata, Anisoptera,
Macromiidae). Annales de la Société des Sciences Naturelles de Charente-Maritime,
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JOURDE P. & LALUQUE O., 2006. Comportement territorial et ponte en milieu lentique
chez Macromia splendens (Pictet, 1843) dans le centre-ouest de la France (Odonata,
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LEIPELT K.G. & SUHLING F., 2005. Larval biology, life cycle and habitat requirements of
Macromia splendens, revisited (Odonata: Macromiidae). International Journal of
Odonatology, 8 (1): 33-44.
58 Martinia

LIEFTINCK M.A., 1965. Macromia splendens (Pictet, 1843) in Europe with notes on its
habits, larva and distribution (Odonata). Tijdschrift Voor Entomologie, 108: 41-59.
MORTON K.J., 1925. Macromia splendens at last: an account of dragon-fly hunting in
France. Entomologist's Monthly Magazine, 61: 11-15.
ROBIN J., ALBINET S. & FUSARI M., 2007. Atlas préliminaire des Odonates de Tarn-et-
Garonne. Bulletin de la Société d’Histoire Naturelle de Tarn-et-Garonne, 31 : 1-21.
ROBIN J. & FUSARI M., 2009. Deux nouvelles espèces pour l’atlas préliminaire des
Odonates de Tarn-et-Garonne. Bulletin de la Société d’Histoire Naturelle de Tarn-et-
Garonne, 33 : 23-26.
[RUDELLE R., 2012. Inventaire des libellules d’intérêt communautaire (Macromia
splendens, Oxygastra curtisii, Gomphus graslinii) dans le site Natura 2000 « Haute
vallée du Lot entre Espalion et Saint-Laurent-d’Olt et gorges de la Truyère, basse
vallée du Lot et le Goul ». LPO Aveyron, 9 pp.]
TIBERGHIEN G., 1985. Macromia splendens (Pictet, 1843) : additions faunistiques,
biologiques, et récapitulation des principales données connues. (Odon. Anisoptera
Corduliidae). Bulletin de la Société Entomologique de France, 90 : 8-13.
____________________
Tome 30, fascicule 2, décembre 2014 59

Analyse d’ouvrage par Xavier HOUARD

Les libellules de Maine-et-Loire. Inventaire et cartographie des Naturalistes


Angevins sous la coordination de Michel CHARRIER.
Anjou Nature, Bulletin des naturalistes angevins n°4, année 2013. Les
Naturalistes Angevins (Édit.), publication réalisée avec le soutien
financier du Conseil général de Maine-et-Loire. Texte en français. Série :
Anjou Nature – Impression par L’Écrivain public (Cholet 49). Couverture
souple en couleurs. Format : 210x297mm, 92 pages illustrées. ISSN 1777-
8751. Prix 12€ (adhérents), 15€ (non adhérents) port en sus. Commande à
adresser à : La Fardelière, 49125 Tiercé <http://naturalistesangevins.
free.fr, http://www.parc-monts-ardeche.fr/>.
Cet ouvrage constitue le quatrième numéro du bulletin des
naturalistes angevins. Il récapitule l’ensemble des éléments
bibliographiques et naturalistes patiemment compilés depuis plus de dix
ans par toute une équipe d’odonatologues angevins coordonnée par
Michel CHARRIER, instigateur du projet d’atlas départemental. Il présente une revue de détails
constituant l’état de l’art de l’odonatologie angevine depuis ses premiers écrits (1847) jusqu’à nos
jours (2011). Ce numéro spécial de la série « Anjou Nature » s’adresse à un public de naturalistes
et d’odonatologues, désireux de parfaire leurs connaissances historiques et biogéographiques des
libellules du département du Maine-et-Loire.
Après la page de remerciements qui énonce les contributeurs puis, l’introduction qui retrace la
genèse du projet de publication, une première partie de deux pages retrace l’historique de
l’odonatologie angevine. Puis, après une double page de tableaux comparatifs reprenant par
période les espèces observées dans le département, viennent les pages de description du territoire
angevin à travers sa géologie, son climat, ses microrégions et enfin son hydrographie bas-
ligérienne détaillée, accompagnée d’une description des zones humides ponctuées d’étangs.
Suite à ces chapitres liminaires, viennent deux autres parties de deux pages chacune
éclaircissant la méthodologie et présentant les résultats généraux du travail d’inventaire. On y
retrouve notamment la dynamique collective qui a permis de prendre en compte près de 22 000
données d’observations. Le choix de représentation cartographique « à la commune », après avoir
établi une première cartographie « à la maille », pourtant qualifiée « d’opportune » par les auteurs
vis-à-vis de l’amélioration de la couverture départementale, n’y est cependant pas expliqué. Ce
choix est pourtant capital pour le traitement et l’exploitation géostatistique des données. Les cartes
de synthèse sont toutefois éloquentes et laissent percevoir une prospection relativement homogène
du département. Les lecteurs les plus académiques pourront néanmoins regretter l’absence de
précision d’ordre méthodologique concernant la méthode de calcul de l’indice de rareté proposé.
Avec une soixantaine de pages, la compilation des monographies des espèces observées entre
1990 et 2011 forme le corps du fascicule. Illustrées chacune d’une photo, d’un diagramme de
phénologie et d’une carte communale, ces monographies reprennent classiquement les éléments
d’écologie relevés par les observateurs au cours de leurs sorties. Cependant, les lecteurs les plus
scientifiques pourront être légèrement frustrés quant à la non exploitation cartographique des
données d’autochtonie permettant de spécifier si la reproduction de l’espèce a été observée (ou
non) sur la commune.
Pour conclure sur la recension de ce très bon atlas départemental, il m’apparait utile de
souligner que la promotion et la diffusion de cet important travail de compilation de données est
capital pour la conduite et la continuité des activités odonatologiques locales. Sa lecture satisfera
tous les odonatologues en mal de douceur… « angevine » bien sûr !
60 Martinia

Brève communication

Première observation de Gomphus graslinii à l’état larvaire dans le


département du Cher (Odonata : Gomphidae)
Par Sylvain MANGOT1 & Anne-Sophie HESSE1,2
1
Direction Régionale de l’Environnement, de l’Aménagement et du Logement, 5 avenue Buffon,
F-45064 Orléans, Cedex 2 ; sylvain.mangot@developpement-durable.gouv.fr
2
anne-sophie.hesse@developpement-durable.gouv.fr

Reçu le 13 novembre 2014 / Revu et accepté le 17 décembre 2014

Gomphus graslinii Rambur, 1842 est une espèce endémique du sud-ouest de la France et
de la péninsule Ibérique. Elle n’est actuellement bien représentée que dans quelques
départements français et s’est fortement raréfiée depuis un siècle (GRAND D. & BOUDOT J-P.,
2006 : Les Libellules de France, Belgique et Luxembourg, Biotope, col. Parthenope, Mèze,
480 pp.). Sa larve se développe durant deux à quatre ans au sein des dépôts sableux des
rivières ; l’extraction de granulats du lit mineur des cours d’eau constitue très
vraisemblablement la cause première de sa raréfaction en détruisant les gîtes larvaires. Étant
donné son endémisme et le morcellement de ses populations sur l’ensemble de son aire de
répartition, des protections réglementaires ont été mises en place et l’espèce figure aux
annexes II et IV de la directive Habitats. Elle figure par ailleurs en catégorie NT (quasi
menacée) sur les listes rouges européennes et mondiale de l’IUCN (BOUDOT J.-P., 2010 :
Gomphus graslinii. The IUCN Red List of Threatened Species. Version 2014.3
<http://www.iucnredlist.org/details/59728/0>, consulté le 12 novembre 2014). La
préservation de G. graslinii constitue par conséquent un enjeu mondial et une responsabilité
nationale pour notre pays et ceux de la péninsule Ibérique, si bien que toute nouvelle
observation de l’espèce se doit d’être signalée.
En région Centre, l’espèce ne présente de populations pérennes que dans l’extrême sud du
Loir-et-Cher (41), le sud de l’Indre-et-Loire (37) et dans l’Indre (36). Elle est par conséquent
signalée comme « espèce en danger » dans le livre rouge des habitats naturels et des espèces
menacés de la région Centre (NATURE CENTRE ; CONSERVATOIRE BOTANIQUE NATIONAL DU
BASSIN PARISIEN, 2014. Faune : Libellules et Demoiselles. Livre rouge des habitats naturels
et des espèces menacés de la région Centre, Nature Centre, 504 pp.). Une femelle adulte avait
été trouvée en juillet 2012 dans le département du Cher (18) sur la commune de Saint-Hilaire-
en-Lignières (SPEH E. & LAMY A-M., 2013 : Découverte de Gomphus graslinii Rambur,
1842 dans le département du Cher, France (Odonata, Anisoptera, Gomphidae). Martinia 29
(1) : 47-48). Toutefois, en l’absence de larves ou d’exuvies, la preuve de la reproduction de
l’espèce dans ce département était encore à apporter. C’est maintenant chose faite depuis
l’observation rapportée ci-dessous.
Une larve de G. graslinii a en effet été collectée sur le cours d’eau du Portefeuille à Saint-
Pierre-les-Bois le 23 juillet 2013, sur une station suivie dans le cadre de la surveillance des
cours d’eau pour la directive cadre européenne sur l’eau (DCE). Il s’agit d’une capture
accidentelle survenue lors d’un prélèvement de macro-invertébrés benthiques réalisé selon la
norme française XP T90-333 dans le cadre du programme de surveillance DCE (pour plus
d’informations, se rapporter à la circulaire du 31 décembre 2012 relative aux missions des
laboratoires d’hydrobiologie de DREAL). La larve a été capturée en prélevant les macro-
Tome 30, fascicule 2, décembre 2014 61

invertébrés benthiques de l’habitat « sable ». La détermination du taxon a eu lieu en


laboratoire à l’aide d’une loupe binoculaire de grossissement x 120 et de l’ouvrage de
Guillaume Doucet (DOUCET G., 2010 : Clé de détermination des exuvies des Odonates de
France, Société française d’Odonatologie, Bois-d’Arcy, 64 pp.). Les critères utilisés sont
présentés sur la figure 1.
Le Portefeuille est un très petit cours d’eau (rang de Strahler 2) du bassin hydrographique
de l’Arnon. Il présentait une largeur mouillée de 2,1 ± 0,23 m et une profondeur de
24 ± 11 cm le jour du prélèvement (moy. ± IC 95 %). Son lit est constitué à 50 % de sable, à
30% d’un complexe pierres / graviers et à 10% de litières au niveau de la station prélevée. Les
10% restant se partagent entre branchages, racines et blocs. Le courant est majoritairement
lent sur la station, la classe de vitesse la plus représentée étant la classe 5-25 cm.s-1. Des
dépôts de litière se forment ainsi sur le fond sableux. Il ressort de la littérature que les larves
de G. graslinii préfèrent les zones sableuses, si possible recouvertes de débris végétaux, et se
localisent surtout au niveau des parties lentes des cours d’eau bien oxygénés (LEIPELT, K.G.
& SUHLING, F., 2001 : Habitat selection of larval Gomphus graslinii and Oxygastra curtisii
(Odonata: Gomphidae, Corduliidae). International Journal of Odonatology 4 (1): 23-34).
Ceci est cohérent avec les caractéristiques de la station où la larve a été capturée.
La femelle adulte capturée dans le département du Cher en 2012 provenait d’une prairie
humide située à proximité de l’Arnon, à une dizaine de kilomètres de la station sur laquelle la
larve a été trouvée. Le haut bassin-versant de l’Arnon semble donc être favorable à l’accueil
et à la reproduction de l’espèce. Ce résultat est très encourageant car il conforte le fait que
G. graslinii est encore présent dans divers secteurs de la région Centre. Il s’agira désormais de
poursuivre les prospections afin d’estimer le statut de cette espèce dans ce secteur
(importance des éventuelles populations, connexion avec d’autres, etc.), de détailler les
conditions écologiques qui lui sont propices et de définir des zones pour lesquelles des
mesures de gestion et/ou de protection seraient à instaurer.

c
a
e d
b

Figure 1. Larve de Gomphus graslinii capturée sur le Portefeuille et critères utilisés pour son
identification : (a) partie proéminente du palpe labial pointue, (b) masque de forme davantage carrée
que rectangulaire, (c) absence d’épine latérale sur le segment 6, (d) segment 10 plus large que long ;
(e) dents du crochet prononcées. Larva of Gomphus graslinii captured along the Portefeuille river:
(a) pointy part of the labial palp, (b) labium rather square, (c) no lateral spine on segment 6, (d) segment
10 wider than it is long; (e) well marked teeth on labial hook.

Remerciements
Nous remercions vivement Antoine Dionis du Séjour, Chafika Karabaghli, Julie
Marcinkowski et Francis Olivereau pour leur aide lors de la rédaction de cette brève.
____________________
62 Martinia

Brève communication

Première observation d’Onychogomphus uncatus


avec indice d’autochtonie dans le département de l’Yonne
(Odonata : Gomphidae)
Par Alexandre RUFFONI1, Raphaëlle ITRAC-BRUNEAU2 & Nicolas VARANGUIN1
1
Société d’histoire naturelle d’Autun, Maison du Parc, F-58230 Saint-Brisson ; shna.ruffoni@orange.fr
2
18 bis, rue de la Tour, F-78117 Châteaufort ; r.itracbruneau@yahoo.fr

Reçu le 12 novembre 2014 / Revu et accepté le 18 décembre 2014

Lors d’une sortie du Groupe Odonates Bourgogne (GOB) réalisée le 26 juillet 2014
dans le cadre de prospections pour un futur atlas régional des Libellules, plusieurs
observations d’Onychogomphus uncatus (Charpentier, 1840) ont été réalisées par les trois
auteurs sur la commune de Charny, sur la marge ouest du département de l’Yonne
(Fig. 1). Encore inconnu dans l’Yonne jusqu’ici, le Gomphe à crochets est la 64e espèce
observée dans ce département.
Des adultes d’Onychogomphus ont tout d’abord été observés à proximité de l’étang
de pêche communal sans qu’aucune capture ne soit possible. Quelques minutes plus tard,
une exuvie caractéristique de l’espèce a été ramassée par le premier auteur sur la berge de
l’Ouanne (Fig. 2a), rivière passant à proximité immédiate de l’étang (Fig. 3). Cette
observation motivant la capture d’adultes, cette dernière fut concrétisée rapidement par
un mâle attrapé par les deux autres auteurs (Fig. 2b). Les critères d’identification des
mâles ont été contrôlés à l’aide du Guide des libellules d’Europe (DIJKSTRA K.-D.B. &
LEWINGTON R., 2007 : Guide des Libellules de France et d'Europe. Delachaux et Niestlé
SA, Paris, 320 pp.). Le même jour et sur la même commune, 2 km en aval, plus de cinq
adultes mâles ont ensuite été observés le long de l’Ouanne. Cette rivière prend sa source
dans le département de l'Yonne et est confluente du Loing (un affluent de la Seine) dans
le Loiret.
Le Gomphe à crochets est en limite nord-est de répartition en Bourgogne, et il n’était
jusqu’alors noté que de deux cours d’eau de sa marge occidentale (partie ouest du
département de la Nièvre) ainsi que sur leurs affluents directs (GROUPE ODONATES
BOURGOGNE & RUFFONI A. (Coord.), 2014 : Atlas préliminaire des Odonates de
Bourgogne (Odonata), version 2014. Société d’histoire naturelle d’Autun, Société
française d’Odonatologie. 43 pp + annexes). Il n’est donc que très rarement observé dans
la région, et reste à confirmer ou à rechercher sur certains secteurs favorables.
Suite à cette observation, des renseignements sur la répartition de l’espèce dans les
régions adjacentes ont été recherchés. Une larve de l’espèce avait déjà été observée en
2010 sur la même rivière mais plus en aval, dans le département du Loiret (obs. Michel
Chovet, Jean-Louis Pratz, com. pers.). Un certain nombre d’autres cours d’eau en limite
du domaine biogéographique océanique, atteignant l’ouest de la Bourgogne (la Nièvre, le
Branlin, le Loing, la Vrille, le Bouza, le Lunain...), pourraient être favorables à cet
anisoptère. Une attention particulière doit être portée à la recherche sur ces secteurs.
Tome 30, fascicule 2, décembre 2014 63

Figure 1. Carte de répartition connue d’Onycho- Figure 2. Onychogomphus uncatus à


gomphus uncatus en Bourgogne (cercle noir [{] : Charny sur l’Ouanne (Yonne) :
présence avant 2000 ; disque noir [z] : présence (a) exuvie collectée ; (b) ƃ capturé
après 2000 ; disque rouge [z] : observation (© A. Ruffoni). Onychogomphus uncatus
rapportée ici) (source Bourgogne Base Fauna). at Charny along the Ouanne river (Yonne
Distribution map of Onychogomphus uncatus in the department): (a) exuvia; (b) captured ƃ.
Bourgogne region (black circle [{]: presence before
2000; black disk [z]: presence after 2000; red disk
[z]: observation reported here).

Figure 3. Première station d'observation d’Onychogomphus uncatus sur l'Ouanne à Charny (© R. Itrac-
Bruneau). First observation locality of Onychogomphus uncatus along the Ouanne River at Charny.

____________________
64 Martinia

Brève communication

Première observation de Coenagrion hastulatum dans le département


du Gard (Odonata : Coenagrionidae)

Par Raphaëlle ITRAC-BRUNEAU1, Bastien LOUBOUTIN2 & Florence MERLET3


1
18 bis, rue de la Tour, F-78117 Châteaufort ; r.itracbruneau@yahoo.fr
2
45 rés. du Bois d’Alco, impasse du Bois d’Alco, F-34080 Montpellier ; bastien.louboutin@live.fr
3
78 rue de Cornouailles, F-78180 Montigny-le-Bretonneux ; florence.merlet@gmail.com

Reçu le 19 décembre 2014 / Revu et accepté le 30 janvier 2015

Le Lac des Pises se trouve sur la commune de Dourbies, dans l’ouest du département
du Gard, au sein du massif du Lingas et dans le Parc national des Cévennes. Situé à une
altitude de 1 260 m, entre Pins à crochets, hêtraies, prairies humides, landes à Callunes et
tourbières, ce lac-barrage aux eaux cristallines est bien connu des promeneurs et des
pêcheurs. Ses environs sont également connus pour abriter une faune et une flore
remarquables d’affinité boréo-alpine (ZNIEFF de type 1 « Lac des Pises et Montagne du
Lingas – 910011844 »). C’est lors d’une sortie naturaliste le 14 juillet 2013 que les trois
auteurs ont pu y observer un mâle de Coenagrion hastulatum (Charpentier, 1825) en
queue d’étang au nord du lac (44,04467 N / 3,50798 E). Cette zone se prolonge par des
habitats tourbeux à environ 200 m plus au nord.
L’individu se trouvait parmi plusieurs individus de C. puella (Linné, 1758) et
d’Enallagma cyathigerum (Charpentier, 1840) et n’a été détecté (R.I.-B.) qu’après un
examen attentif de plusieurs Coenagrionidae. Un cliché de l’espèce a été pris afin
d’attester de l’observation (Fig. 1) tandis qu’une identification minutieuse a été réalisée
directement sur le terrain à l’aide du livre de DIJKSTRA & LEWINGTON (2007 : Guide des
Libellules de France et d'Europe. Delachaux et Niestlé SA, Paris, 320 pp.), d’autant plus
qu’il s’agissait d’une première observation de l’espèce pour deux des auteurs (R.I.-B. &
F.M.). Les brèves recherches qui s’ensuivirent, incluant les habitats tourbeux plus au
nord, n’ont pas permis de trouver d’autres individus de cette espèce.

Figure 1. Coenagrion hastulatum photographié au Lac des Pises le 14 juillet 2013 (© R. Itrac-Bruneau).
Coenagrion hastulatum at the Pises lake (14 July 2013).
Tome 30, fascicule 2, décembre 2014 65

Le Lac des Pises se situe non loin de la Lozère où l’espèce est déjà connue et
régulièrement observée (1986 à 2014) selon l’Atlas du Languedoc-Roussillon
<atlas.libellules-et-papillons-lr.org>. Les stations les plus proches sont localisées au nord-
est, à plus de 45 km sur la commune de Saint-Étienne-du-Valdonnez (48). L’espèce a
également été découverte en 2003 dans l’Aveyron, à environ 80 km (LEROY T., 2003 :
Coenagrion lunulatum (Charpentier, 1840) et Coenagrion hastulatum (Charpentier,
1825) : espèces nouvelles pour le département de l’Aveyron (Odonata, Zygoptera,
Coenagrionidae). Martinia, 19 (4) : 154-157). L’observation du Lac des Pises constitue
ainsi l’observation la plus méridionale du Massif central. Il serait intéressant de mener
des recherches complémentaires afin de préciser l’importance de cette potentielle
population locale et de prospecter les habitats favorables situés entre le Lac des Pises et
les stations lozériennes et aveyronnaises.
Coenagrion hastulatum est une espèce discrète et relativement localisée. Elle peut
facilement passer inaperçue parmi d’autres Coenagrionidae. Cette brève note illustre
l’importance d’échantillonner convenablement le groupe des agrions. D’autre part, elle
souligne les grandes richesses entomologiques du plateau du Lingas et montre que la
répartition de nombreuses espèces d’Odonates mérite encore largement d’être affinée
dans le cadre des atlas, et en particulier C. lunulatum en Lozère.
Nous remercions l’association Gard Nature, particulièrement vigilante dans le cadre
de l’Observatoire du patrimoine naturel du Gard <naturedugard.org>, qui a très justement
remarqué qu’il s’agissait d’une première observation départementale.
_____________________
66 Martinia

Analyse d’ouvrage par Harald HEIDEMANN

Taschenlexikon der Libellen Europas. Alle Arten von den Azoren bis zum
Ural im Porträt de Hansruedi Wildermuth et Andreas Martens.

En allemand. Édition Quelle & Meyer, Wiebelsheim. Couverture


rigide en couleurs. Format : 10 x 16 cm, 824 pages, 617 photos en
couleurs plus 6 sur les couvertures, 182 diagrammes en couleurs, 28
croquis en noir-blanc. ISBN 978-3-494-01558-3. Prix : 29,95 €.
Commande à adresser à : Verlag Quelle & Meyer, Industriepark 3,
D56291 Wiebelsheim, Allemagne.
Cet ouvrage traite des libellules de l'Europe selon sa définition
classique, avec les îles atlantiques et méditerranéennes. Les auteurs
décrivent 136 espèces européennes et 19 espèces provenant surtout
de l'extrême orient, qui ont été occasionnellement trouvées en
Europe par exemple dans des serres.
À la suite de la préface, le livre commence par un chapitre
intitulé « biologie des libellules », dont les sujets sont l'évolution, la
morphologie, la systématique, le développement individue1,
l’écologie, les menaces et la protection, les techniques d’observation,
la détermination, la photographie, la capture et la détermination des
larves.
Dans la partie systématique les chapitres sur les espèces sont précédés par les caractéristiques
des sous-ordres, familles et genres. Les descriptions des espèces commencent par le nom
scientifique valide (en général sans synonymie), les noms allemand et anglais. Suivent
l'explication des noms, caractéristiques morphologiques de l'imago, distribution, écologie, vie et
comportement de l’imago, vie de la larve, menaces et protection, conseils pour l'observation,
publications sur l'espèce. Souvent, les auteurs présentent, avec les photos de l'imago, une photo de
la larve ou de l'exuvie avec des indications sur les caractères morphologiques. Les descriptions des
libellules sont suivies par des descriptions de parasites, parasitoïdes, épizooties et commensaux.
Les auteurs attribuent une importance particulière au comportement auquel ils consacrent
souvent deux ou même trois pages par espèce. Il est à ce titre étonnant qu'il n’y ait aucun élément
sur le fait que l’Europe héberge une espèce à vol nocturne. Le comportement de Boyeria irene est
décrit sur deux pages mais aucune phrase ne mentionne le fait que cette espèce vole non seulement
pendant la journée et au crépuscule, mais aussi dans la nuit noire.
Néanmoins, ce livre, richement illustré, comporte un nombre énorme d'informations, dans
l'état des connaissances scientifiques actuelles. Il peut être recommandé à tous les Européens qui
veulent s’instruire sur les libellules au-delà de leurs frontières nationales.
Tome 30, fascicule 2, décembre 2014 67

Confirmation de l’autochtonie de
Somatochlora metallica en Basse-Normandie
(Odonata : Corduliidae)
Par Étienne IORIO
Groupe d’Étude des Invertébrés Armoricains (GRÉTIA), 5 rue du Général Leclerc,
F-44300 Nort-sur-Erdre ; e.iorio@gretia.org

Reçu le 12 novembre 2014 / Revu et accepté le 2 février 2015

Mots-clés : AUTOCHTONIE, BASSE-NORMANDIE, SOMATOCHLORA METALLICA,


ÉCOLOGIE.
Keywords: AUTOCHTONY, BASSE-NORMANDIE REGION, ECOLOGY,
SOMATOCHLORA METALLICA.
Résumé - Une exuvie de Somatochlora metallica a été trouvée sur le bord de
l’étang ouest de l’Ermitage à Champsecret dans l’Orne (61). Cette découverte
confirme l’autochtonie de cette espèce en Basse-Normandie. Les
comportements territoriaux notés chez plusieurs mâles au même endroit et à
différentes reprises soutiennent l’hypothèse d’une installation durable de
l’espèce, et non d’une simple reproduction occasionnelle. Une description de
l’étang concerné est fournie. Une caractérisation des principales particularités
biotiques et abiotiques qui conditionnent vraisemblablement la reproduction
et la vie larvaire de cette espèce en milieu dulçaquicole bas-normand est
proposée.
Confirmation of the autochthony of Somatochlora metallica in the Basse-
Normandie region (Odonata: Corduliidae)
Summary - An exuvia of Somatochlora metallica has been found on the
edge of the Ermitage western pond at Champsecret (Orne department,
France). This discovery confirms the autochthony of this species in Basse-
Normandie region. The territorial behaviour of several males observed in the
same place at various occasions supports a true settlement of the species
instead of an occasional reproduction. A description of the concerned pond is
given. The main biotic and abiotic particularities which most probably
condition the settlement and a successful larval cycle of this species in Basse-
Normandie region are hypothesized.
____________

Introduction
Dans le cadre de la déclinaison bas-normande du Plan national d’actions en faveur
des odonates (PNAO), une action prévoyait d’améliorer les connaissances régionales sur
Somatochlora metallica durant les années 2013 et 2014 (action AC 2.9) (GRETIA, 2012).
En Basse-Normandie, l'espèce semble bien se cantonner à la partie ouest du
département de l'Orne (LECOCQ, 1995 ; SIMON & MONTAGNER, 2014). Si des imagos y
68 Martinia

sont connus à proximité d’étangs et de ruisseaux depuis GADEAU DE KERVILLE (1905),


aucune larve ou exuvie n’y a été jusqu’ici observée avec certitude (GRETIA, 2010,
2012 ; LIVORY et al., 2012 ; PICARD, 2013 ; ROBERT et al., 2013 ; base de données du
CERCION, remise à jour en avril 2014).
Des recherches ont donc été menées par le GRETIA en 2013 et en 2014 dans
plusieurs étangs et mares de l’Orne jugés a priori favorables (PICARD, 2013 ; IORIO,
2014b). En juillet 2014, des prospections méticuleuses nous ont permis de confirmer
l’autochtonie de S. metallica en Basse-Normandie, grâce à la découverte d’une exuvie au
bord de l’étang ouest de l’Ermitage, sur la commune de Champsecret. L’objectif de cet
article est de relater cette découverte.

Matériel et méthodes
Sept journées de terrain ont été dédiées à la prospection d’une vingtaine de sites
potentiellement propices à S. metallica. Cinq ont été effectuées par l’auteur et deux par
Ladislas Biégala (GRETIA). En fonction de la phénologie connue de l’espèce et des
informations reçues de prospections antérieures (GRAND & BOUDOT, 2006 ; PICARD,
2013 ; IORIO, 2014a), la seconde quinzaine de juillet apparaissait comme très favorable à
la recherche tant des exuvies que des imagos. Les prospections ont donc été réalisées
durant les 16, 17, 23, 24 et 31 juillet (É. Iorio), puis les 18 et 24 juillet 2014 (L. Biégala).
Ces journées ont été choisies en fonction des conditions météorologiques attendues, à
savoir un bon ensoleillement, un vent faible à nul et des températures comprises entre
24 °C et 30 °C.
Le choix des sites a été réalisé à partir des bases de travail et des perspectives posées
en 2013 (PICARD, 2013), mais aussi grâce aux éléments synthétisés depuis sur cette
espèce (IORIO, 2014a), à un repérage éco-paysager via le « Géoportail »
(http://www.geoportail.gouv.fr/accueil) et à des échanges oraux avec un propriétaire
privé. En raison des observations publiées (JOURDE, 2005 ; ROUILLIER, 2009 ;
TOURNEUR, 2013) ou inédites émanant de régions voisines (D. Angot, F. Herbrecht, com.
pers. ; obs. pers. en Loire-Atlantique), nous avons tenu compte du fait que ce taxon
affectionne potentiellement tant les milieux stagnants forestiers à semi-forestiers, que les
rivières boisées calmes de largeur modérée, comme la Varenne, où un imago avait peut-
être été vu en 2013 (PICARD, 2013). Parmi les étangs se trouvaient ceux de l’Ermitage,
explorés par nous-même et antérieurement par M. Ameline (com. pers.) puis par PICARD
(2013).
Nos prospections ont été prioritairement axées sur la recherche d’exuvies pour tenter
de fournir des preuves d’autochtonie. Toutefois, au vu des difficultés que pose la
détection des exuvies de S. metallica, souvent discrètes et/ou peu accessibles, nous avons
décidé de ne pas négliger l’observation des comportements des imagos, ceux-ci pouvant
constituer, à défaut de preuve formelle, des indices d’autochtonie probants. L’option
d’une recherche à partir d’une embarcation n’a pas été possible pour des raisons
logistiques. Les prospections ont donc été faites en cuissardes le long des berges, et
celles-ci n’ont donc pas pu être examinées en totalité en raison d’une accessibilité limitée.
Les exuvies prélevées ont été identifiées sous loupe binoculaire avec les références de
HEIDEMANN & SEIDENBUSCH (2002) et DOUCET (2011).
Tome 30, fascicule 2, décembre 2014 69

Résultats
Douze observations de S. metallica, incluant au moins huit imagos répartis dans
quatre sites, ont été obtenues en juillet 2014 dans le département de l’Orne :
- étang ouest de l’Ermitage à Champsecret : au moins quatre imagos à chaque fois les
17 et 24 juillet, une exuvie le 24 juillet (Fig. 1) (É. Iorio) ;
- étang est de l’Ermitage à Champsecret : deux imagos le 17 juillet (É. Iorio) ;
- étang sud de la Briquetterie à Perrou : un imago le 24 juillet (É. Iorio) ;
- étang de Goult à la Lande-de-Goult : un imago à chaque fois les 18 et 31 juillet
(L. Biégala et É. Iorio).
Deux de ces sites sont nouveaux pour l’espèce : l’étang est de l’Ermitage et l’étang
sud de la Briquetterie.

a b c

Figure 1. Exuvie de Somatochlora metallica provenant de l’étang ouest de l’Ermitage : (a) vue ventrale
de l’ensemble du masque avec sillon médian à la base, (b) vue ventrale de la marge latérale des
segments 8 et 9 avec épines de longueur subégale, (c) vue latérale partielle de l’abdomen montrant les
épines dorsales, notamment celle du segment 9, bien développée (© É. Iorio /GRETIA).
Exuvia of Somatochlora metallica from the western Ermitage pond: (a) ventral view of the labium with a
medium furrow at the basis, (b) ventral view of the lateral margin of segment 8 and 9 with hooks of almost
equal length, (c) lateral view of the abdomen showing the dorsal hooks, especially that of segment 9.

Caractéristiques de l’étang ouest de l’Ermitage


L’étang ouest de l’Ermitage est situé en contexte forestier, au cœur de la Forêt
Domaniale des Andaines. Sa superficie est voisine de 4,71 ha. Les berges de l’ensemble
de l’étang sont relativement boisées, mais certains tronçons, notamment dans la partie est
de l’étang, ont une forêt plus clairsemée et sont donc plus ensoleillés. À ces niveaux, les
rives sont garnies de nombreux touradons de Carex sp., secondairement de joncs. Les
parties les plus boisées, quant à elles, sont bordées entre autres de hêtres, de chênes, et
sporadiquement de petits aulnes et de saules. Plusieurs anses dans le secteur ouest de
l’étang sont notablement ombragées et comportent des secteurs peu profonds (20-60 cm)
dont le fond est tapissé d’une couche assez épaisse de débris végétaux sur quelques
mètres à partir de la rive (feuilles en particulier) (Fig. 2a, b). L’eau y reste relativement
claire malgré la nature globalement tourbeuse à vaso-tourbeuse de l’étang. Dans les anses
sud-ouest, le 17 juillet 2014, nous avons dénombré quatre mâles territoriaux de
S. metallica, cantonnés à de petits linéaires où ils patrouillaient de façon assez
70 Martinia

caractéristique à proximité immédiate des berges. Ils s’affrontaient brièvement mais


farouchement lors de rencontres. Nous avons recherché des exuvies en divers points mais
ne sommes parvenus qu’à trouver des dépouilles larvaires de Gomphus pulchellus Selys,
1840, Cordulia aenea (Linnaeus, 1758) et Aeshna cyanea (O. F. Müller, 1764). La berge,
très pentue, et les éventuels supports d’émergence (troncs d’arbres, branches…), parfois
situés en zone plus profonde, n’étaient pas toujours faciles d’accès. Le 24 juillet suivant,
un court passage nous a révélé à nouveau quatre mâles montrant un comportement
similaire. Une nouvelle recherche d’exuvies incluant des endroits plus difficiles d’accès,
nous a permis de découvrir une exuvie de S. metallica sur un tronc en grande partie
couvert de mousse, dans une zone abrupte et à environ un mètre au-dessus de l’eau, mais
déjà un peu en retrait de la berge (Fig. 2). Sur ce même support se trouvait également une
exuvie de C. aenea, dont d’autres exemplaires ont été trouvés à divers endroits ce même
jour. L’exuvie de S. metallica se trouvait dans l’une des anses très ombragées décrites
plus haut, où se trouvaient aussi deux mâles territoriaux. Les autres odonates inventoriés
le 17 juillet dans cet étang étaient Calopteryx virgo (Linnaeus, 1758) (imagos),
Platycnemis pennipes (Pallas, 1771) (imagos), Ceriagrion tenellum (Villers, 1789)
(imagos en tandem), Coenagrion puella (Linnaeus, 1758) (très nombreux imagos dont
des tandems et cœurs copulatoires), Enallagma cyathigerum (Charpentier, 1840) (imago
mâle), Ischnura elegans (Vander Linden, 1820) (imagos dont deux ténéraux),
Pyrrhosoma nymphula (Sulzer, 1776) (imago), Anax imperator Leach, 1815 (imagos),
Libellula quadrimaculata Linnaeus, 1758 (imagos dont mâles territoriaux et femelle en
train de pondre), Orthetrum cancellatum (Linnaeus, 1758) (nombreux imagos des deux
sexes dont des mâles territoriaux). Au total, ce sont quatorze espèces qui ont pu être
notées au cours d’un seul passage, ce qui constitue une richesse déjà appréciable pour un
étang forestier. De nombreuses exuvies de petits Zygoptères ont été vues mais n’ont pas
été prélevées.
Autres stations avec présence de S. metallica en juillet 2014
L’étang est de l’Ermitage est adjacent au précédent dans la même Forêt Domaniale
des Andaines. Sa superficie est d’environ 3,96 ha et sa berge ouest, qui constitue une
digue en terre le séparant de l’étang occidental, a été remodelée récemment. Nous
n’avons pas pu le prospecter en totalité du fait de difficultés d’accès importantes. Les
rives sont un peu moins densément boisées que celles de l’étang précédent, mais l’eau
devient rapidement profonde dès que l’on s’en éloigne. Une grande partie de la berge
nord comprend de nombreux touradons de Carex sp. et des joncs. Des bouleaux sont
présents en plus des essences déjà citées pour l’étang ouest. Il y a peu d’anses très
ombragées contrairement à l’étang précédent. Un mâle de S. metallica a été observé dans
l’une d’entre elles, au nord-ouest, au voisinage du ruisseau émissaire. Cette anse
comporte relativement moins de débris végétaux que celles du premier étang. L’eau y est
plutôt claire. Des exuvies de S. metallica y ont été recherchées en vain et seules des
dépouilles larvaires de G. pulchellus y ont été trouvées. Un second mâle a été vu au-
dessus d’un affluent du ruisseau qui s’écoule parallèlement à la berge nord-est. Onze
autres espèces d’odonates ont été inventoriées, à savoir P. pennipes, C. puella, I. elegans,
P. nymphula, A. cyanea, A. imperator, Cordulegaster b. boltonii (Donovan, 1807)
(patrouillant au-dessus du ruisseau adjacent), C. aenea, L. quadrimaculata,
O. cancellatum, Sympetrum sanguineum (O. F. Müller, 1764).
Tome 30, fascicule 2, décembre 2014 71

a b

c d
Figure 2. Étang ouest de l’Ermitage : (a) anse boisée où était cantonné un mâle territorial, (b) débris
végétaux sur le fond dans une des anses boisées, (c) vue de l’anse boisée où se trouvait l’exuvie de
Somatochlora metallica (endroit précis fléché) et (d) vue de l’exuvie in situ (© É. Iorio /GRETIA).
L’Ermitage western pond: (a) one of the woody places, (b) layer of decayed leaves at the bottom of water,
(c) place where the Somatochlora metallica exuvia was found (red arrow), and (d) the exuvia itself in situ.

À l’instar des précédents, l’étang sud de la Briquetterie est en contexte forestier, dans
le sud de la Forêt Domaniale des Andaines. Il est de faible superficie (0,29 ha) et est
presqu’entièrement entouré de feuillus bien que de vastes surfaces soient plantées de
conifères au sud et à l’est dès que l’on s’en éloigne. Ses berges proprement dites sont
donc bien arborées (chênes, jeunes saules, quelques bouleaux, pins sur la rive sud) et
quelques anses ombragées de faible ampleur existent, dont le fond est modérément
couvert de débris végétaux (feuilles et/ou aiguilles de conifères). Ses eaux sont turbides,
et bien que l’étang soit assez petit, celui-ci semble devenir assez profond lorsque l’on
s’éloigne un peu des berges, globalement assez abruptes. Bien qu’un mâle de S. metallica
ait été observé restant relativement cantonné dans l’une des anses (côté feuillus), aucune
exuvie lui correspondant n’a pu y être trouvée. Les autres espèces d’odonates inventoriées
étaient peu nombreuses (C. puella, I. elegans et C. aenea).
72 Martinia

L’étang de Goult se trouve à l’ouest de la Forêt Domaniale d’Écouves et occupe


approximativement une aire de 3,14 ha. Bien qu’il soit entouré de forêts, il est peu
ombragé et apparaît comme étant ouvert et ensoleillé de par ses berges bien dégagées. Les
essences observées (jeunes saules et conifères entre autres) y restent en effet clairsemées
et globalement rares, et les berges nord et est sont très ouvertes (grande digue à
végétation basse et chemin sommital, large de plusieurs mètres). Le fond de l’étang et les
berges sont souvent très tourbeuses et comportent en première ligne de nombreux
touradons de Carex sp., accompagnés de joncs en moindre importance. De petites
surfaces tourbeuses et marécageuses contiguës à l’étang existent par endroits. Deux
petites anses plus boisées et plus ombragées au sud et dominées par des conifères sont
dues à de petits ruisseaux tributaires. Peu de débris végétaux tapissent le fond de l’étang
et ses eaux restent modérément troubles. Un imago de S. metallica a été observé à chaque
fois les 18 et 31 juillet, mais aucune exuvie n’y a été trouvée. Il y a plus d’une dizaine
d’années, cette espèce y était déjà connue par d’autres collègues odonatologues
(A. Cabaret, S. Lecocq, com. pers.). Quatorze autres taxons ont été inventoriés sur ce site
lors de nos deux passages : C. virgo, Chalcolestes viridis (Vander Linden, 1825) (galles
typiques sur branches d’un jeune saule en bord d’étang), P. pennipes, C. tenellum
(remarquablement abondant, des dizaines d’imagos adultes ou ténéraux des deux sexes,
parfois en tandems ou accouplés), C. puella, I. elegans, A. cyanea, A. imperator (dont
exuvies), G. pulchellus, C. b. boltonii (sur ruisseau adjacent), C. aenea,
L. quadrimaculata, O. cancellatum, O. coerulescens (Fabricius, 1798).

Discussion
En Basse-Normandie, on est aujourd’hui certain qu’au moins un milieu stagnant,
l’étang ouest de l’Ermitage à Champsecret dans l’Orne, permet à S. metallica d’effectuer
sa reproduction et son cycle larvaire complet.
Concernant cette localité, il est intéressant de noter des analogies avec les
caractéristiques exposées par la British Dragonfly Society (BDS, 2004) au sujet de
l’écologie de cette espèce. Dans le sud de l’Angleterre, les deux types d’habitats (étangs
et rivières/canaux lents) où vit cette espèce doivent comporter des baies abritées par des
arbres et des buissons surplombants ; les rives comportent souvent de l’aulne et
secondairement du chêne ou du hêtre (BDS, 2004). La clarté de l'eau est variable ; elle
peut être brune opaque sur des sites très argileux, où il peut y avoir une épaisse couche de
détritus de feuilles. Parfois, des sites plus ouverts sont aussi utilisés mais ils comportent
au moins une partie ombragée par de grands arbres. Les supports d’émergence anglais
peuvent être constitués de touffes de Carex pendula, ce que nous n’avons pas observé
pour l’instant. Une trop vaste surface d’hélophytes ou d’hydrophytes est réputée rendre
l’habitat impropre à l’espèce, tandis qu’inversement, une surface d’eau suffisamment
ombragée par les arbres lui est indispensable (BDS, 2004 ; CHAM et al., 2014). Au vu de
sa distribution eurasiatique globale et des divers habitats dans lesquels elle est
autochtone, cette espèce, qui reste partout cantonnée aux eaux fraîches (STERNBERG &
SCHMIDT, 2000 ; WILDERMUTH, 2008 ; WILDERMUTH & MARTENS, 2014), semble donc
bien être sciaphile dans l’ouest de son aire et plus largement dans les régions tempérées
chaudes. Les eaux le plus généralement colonisées par S. metallica en conditions
naturelles sont acides, même si des pH franchement alcalins ont parfois été rapportés
Tome 30, fascicule 2, décembre 2014 73

(STERNBERG & SCHMIDT, 2000 ; BDS, 2004 ; IORIO, 2014a). Partout dans la zone
tempérée, les larves vivent parmi les débris végétaux sur substrat tourbeux ou vaseux, et
évitent le sable nu et le gravier. Elles apprécient la pénombre des arbres et fuient la
lumière du soleil (BDS, 2004 ; STERNBERG & SCHMIDT, 2000 ; WILDERMUTH, 2008).
Dans l’étang ouest de l’Ermitage, nous avons vu que l’anse où a été trouvée l’exuvie de
cette espèce, de même que les anses voisines, correspondaient très bien à cette
description.
Malgré nos prospections dans plusieurs tronçons lents et boisés de rivières,
notamment de la Varenne à Dompierre et en aval de Torchamp, nous n’avons pas trouvé
S. metallica. Cette rivière, souvent envasée et entourée de nombreux pâturages et cultures
avec accès des troupeaux à l’eau, apparaît comme de médiocre qualité, ce que confirme
un rapport de l’AGENCE DE L’EAU LOIRE-BRETAGNE (2007). Elle n’apparaît donc
globalement que médiocrement propice à la présence d’espèces écologiquement
exigeantes ; elle l’était peut-être davantage il y a plus d’une vingtaine d’années au regard
de certaines citations (VOTAT, 1993).
En l’état actuel des connaissances régionales, même si on ne peut évidemment
généraliser la description de l’unique habitat larvaire trouvé à toutes les localités en eau
stagnante où S. metallica pourrait être reproductrice, elle offre en revanche de sérieuses
pistes de recherche pour l’avenir.

Remerciements
Les recherches de S. metallica ont pu être réalisées grâce aux financements de
l’Europe (fonds Feder), de l’Agence de l’eau Seine-Normandie et de la DREAL de
Basse-Normandie dans le cadre de la déclinaison régionale du PNAO. Nous tenons à
vivement remercier tous les collègues odonatologues qui nous ont fait part de leurs
observations, de même que M. Vuitton pour son aimable autorisation d’accès à ses sites
et M. Dissler pour son accueil et ses renseignements utiles.

Travaux cités
[AGENCE DE L’EAU LOIRE-BRETAGNE (coord.), 2007. La qualité des rivières dans votre
département entre 2003 et 2005. Mayenne et sud de l’Orne. Agence de l’Eau Loire-
Bretagne & Aquascop : 103 pp.]
BDS, 2004. Habitat management fact file - The Brilliant Emerald Somatochlora metallica
(Vander Linden). British Dragonfly Society <http://www.british-dragonflies.org
.uk/sites/british-dragonflies.org.uk/files/somatochlora%20metallica.pdf>.
CHAM S., NELSON B., PARR A., PRENTICE S., SMALLSHIRE D. & TAYLOR P., 2014. Atlas of
Dragonflies in Britain and Ireland. Field Studies Council, Telford, 200 pp.
DOUCET G., 2011. Clé de détermination des exuvies des odonates de France – 2e édition.
Société française d’odonatologie, Bois-d’Arcy, 68 pp.
GADEAU DE KERVILLE H., 1905. Les insectes Odonates de Normandie. Bulletin de la Société
des Amis des Sciences Naturelles de Rouen, 1904 (2) : 165-174.
GRAND D. & BOUDOT J.-P., 2006. Les Libellules de France, de Belgique et du Luxembourg.
Biotope, Mèze (collection Parthénope) : 480 pp.
GRETIA, 2010. Synthèse des connaissances préalable à la déclinaison régionale du Plan
national d’actions Odonates en Basse-Normandie. DREAL Basse-Normandie, 148 pp.
74 Martinia

[GRETIA, 2012. Déclinaison régionale du Plan national d’actions en faveur des Odonates.
Basse-Normandie - 2011-2015. DREAL Basse-Normandie, 81 pp.]
HEIDEMANN H. & SEIDENBUSCH R., 2002. Larves et exuvies des libellules de France et
d’Allemagne (sauf de Corse). Société française d’odonatologie, Bois-d’Arcy, 415 pp.
[IORIO E., 2014a. Les habitats des espèces de la déclinaison régionale bas-normande du Plan
national d’actions en faveur des Odonates : La Cordulie à taches jaunes (Somatochlora
flavomaculata) et la Cordulie métallique (Somatochlora metallica). Fiche GRETIA pour
la DREAL Basse-Normandie, l’Europe et l’Agence de l’Eau Seine-Normandie, 18 pp
<http://www.gretia.org/dossiers_liens/nosact/pna_odonates/
pna_odonates_bn%20-%20ressources.html>.]
[IORIO E., 2014b. Prospections menées en 2014 dans le cadre de la déclinaison régionale
bas-normande du Plan national d’actions en faveur des Odonates : bilan pour la
Cordulie métallique (Somatochlora metallica). Rapport GRETIA pour la DREAL Basse-
Normandie, l’Europe et l’Agence de l’Eau Seine-Normandie, 36 pp.]
JOURDE P., 2005. Les libellules de Charente-Maritime. Bilan de sept années de prospection et
d’étude des odonates : 1999-2005. Annales de la Société des sciences naturelles de la
Charente-Maritime, suppl. décembre 2005 : 1-144.
LECOCQ S., 1995. Contribution à l'inventaire des Odonates du département de l'Orne.
Martinia 11 (4) : 79-88.
LIVORY A., SAGOT P., SCOLAN P. & LACOLLEY E. (coord.), 2012. Atlas des Libellules de la
Manche. Les Dossiers de Manche-Nature, 9 : 1-192.
[PICARD L., 2013. Bilan des prospections 2013 pour Somatochlora metallica – PNA Odonates
de Basse-Normandie. GRETIA, rapport inédit.]
ROBERT L., AMELINE M., HOUARD X. & MOUQUET C., 2013. Liste Rouge des odonates de
Basse-Normandie. Nouveaux statuts de rareté. Liste des espèces déterminantes de
ZNIEFF. Le Bal du Cercion, 8-9 : 19-21.
ROUILLIER P., 2009. Cordulie métallique Somatochlora metallica. In : Libellules du Poitou-
Charentes. Poitou-Charentes Nature, Fontaine-le-Comte : 164-165.
SIMON A. & MONTAGNER S., 2014. Bilan cartographique 2013. État des connaissances
intégrant les données transmises au 01/01/2014. Le Bal du Cercion, 10 : 2-12.
STERNBERG K. & SCHMIDT B., 2000. Somatochlora metallica. In: K. Sternberg &
R. Buchwald, Die Libellen Baden-Württembergs. Band 2: Großlibellen (Anisoptera). E.
Ulmer GmbH, Stuttgart, 712 pp.
TOURNEUR J., 2013. Somatochlora metallica (Vander Linden, 1825), la Cordulie métallique.
In : Charrier M. (coord.), 2013. Les Libellules de Maine-et-Loire, inventaire et
cartographie. Anjou Nature, 4 : 69.
VOTAT P.-P., 1993. Les Odonates du nord-est de la Mayenne, du sud-ouest de l’Orne et du
nord-ouest de la Sarthe (suite). Notes sur quelques espèces remarquables ou rares.
Martinia, 9 (2) : 35-41.
WILDERMUTH H., 2008. Die Falkenlibellen Europas. Corduliidae. Die Neue Brehm-
Bücherei, Vol. 653, Westarp-Wissenschaften, 160 pp.
WILDERMUTH H. & MARTENS A., 2014. Taschenlexikon der Libellen Europas. Quelle &
Meyer Verlag, Wiebelsheim, 824 pp.
____________________
Tome 30, fascicule 2, décembre 2014 75

Bilan des prospections 2003-2009 en Guyane


française avec Acanthagrion minutum nouveau pour le
département (Odonata, Coenagrionidae)
Par Mathieu LUGLIA1, Thomas LUGLIA2 & Jean-François DELASALLE3
1
23 avenue Victor Hugo, F-13170 Les Pennes-Mirabeau ; mathieu.luglia@gmail.com
2
Route de l’Est, PK 34,5, F-97311 Roura ; tluglia@yahoo.fr
3
30 rue Jules Lardière, F-80800 Corbie ; jf.delasalle@aliceadsl.fr

Reçu le 15 mai 2012 / Revu et accepté le 16 février 2015

Mots-clés : ACANTHAGRION MINUTUM, AIRE DE REPARTITION,


COENAGRIONIDAE, FAUNISTIQUE, GUYANE FRANÇAISE, HABITAT, ODONATES.
Keywords: ACANTHAGRION MINUTUM, COENAGRIONIDAE, DISTRIBUTION
AREA, FAUNISTIC, FRENCH GUIANA, HABITAT, ODONATA.

Résumé - Les auteurs présentent le bilan d’inventaires odonatologiques


réalisés en Guyane française de 2003 à 2009. 369 spécimens, représentant 12
familles, 49 genres et 81 espèces, ont été collectés. Acanthagrion minutum est
nouveau pour le département. Un rapide état des lieux sur cette espèce est
effectué, et une description générale de l’habitat où elle a été observée est
donnée.
Synthesis of the 2003-2009 surveys within French Guiana with
Acanthagrion minutum new to the department (Odonata, Coenagrionidae)
Summary - The authors present the results and the outlooks of their odonate
survey carried out in the French Guiana from 2003 to 2009. 369 specimens
involving 12 families, 49 genera and 81 species have been captured, with
Acanthagrion minutum being new for the country. A quick compilation of
our knowledge on this species is done, followed by an overall description of
the habitat where it was observed.
____________

Introduction
Depuis plus de 10 ans, le travail et le dynamisme de la Société française
d’Odonatologie (SfO) et de son Groupe Outre-mer ont permis de réunir une somme
importante d’informations sur l’odonatofaune de la Guyane française, grâce notamment
aux recherches bibliographiques, aux consultations de collections et aux nombreuses
campagnes de prospection réalisées. Ainsi, de 96 espèces référencées en 1971 (GEIJSKES,
1971), nous sommes passés à 217 en 1993 et finalement à 254 en 2012 (DOMMANGET &
PAPAZIAN, 2000 ; PAPAZIAN & DUQUEF, 2002 ; MACHET, 2004 ; MEURGEY et al., 2006).
Parallèlement, une riche collection de référence a été constituée.
Aujourd’hui, le rythme de découverte de nouvelles espèces s’est considérablement
ralenti malgré des efforts d’inventaire croissants.
76 Martinia

Ce constat nous permet de penser que notre vision de l’odonatofaune de la Guyane


française est assez complète.

Matériel et méthode
Sites d’étude
Les sites qui ont été inventoriés sont visibles sur la figure 1.

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Figure 1. Localisation des sites prospectés de 2003 à 2009.


Location of the sites which were investigated between 2003 and 2009.
Tome 30, fascicule 2, décembre 2014 77

Méthode
Les captures et les observations ont été effectuées par deux d’entre nous (ML et TL).
Les déterminations ont été effectuées par le troisième d’entre nous (JFD) et par
P. Machet. Les spécimens collectés sont actuellement conservés en Guyane dans la
collection de TL et en métropole dans les collections de JFD et de P. Machet.
Pour chaque espèce rencontrée, l’habitat a été relevé et caractérisé selon la typologie
établie par la nomenclature « CORINE biotopes » (HOFF, 1997) (Tab. 1).

Code Habitat
11.133 Formations littorales psammophiles arbustives et sous arbustives de Guyane
11.53111 Mangrove à Avicennia germinans
21 Lagune
22.1 Eau douce (eau dormante, lac, étang et mare)
22.11 Eau dormante oligotrophe
22.463 Végétation aquatique tropicale à hydrophytes immergées ou flottantes de Guyane
22.5 Eau temporaire
24.11 Ruisselet de montagne
24.19 Lit des rivières et des criques tropicales
24.193 Eau courante et ruisseau des marais
3A.1 Savane herbacée
3A.12 Savane herbacée et pelouses mésophile et méso-hygrophile
46.1 Forêts hygrophile et méso-hygrophile primaire (forêt de pluie) de basse altitude
46.2311 Forêt dégradée
46.2312 Forêt secondaire
46.2314 Forêt dégradée ripicole
46.2324 Lisière de forêt marécageuse
46.2331 Bord de route forestière
46.2332 Bord de piste forestière
46.2333 Layon forestier
46.234 Chablis de forêt dégradée ou de forêt secondaire
46.414 Forêt côtière sur cordon sableux
46.542 Forêt des cascades sur blocs de latérite
4A.2311 Marécage boisé
4A.51 Forêts inondables des berges des rivières et des fleuves
56.231 Marécage boisé dense à Pterocarpus officinalis
56.24 Pripri
62.91 Savane roche
84.1 Alignement d'arbres
86.1 Ville
87.2 Zone rudérale et terrain vague
87.23 Cours et abords des maisons
89.2 Lagune industrielle et canal d'eau douce
Tableau 1. Désignation des habitats prospectés en Guyane française de 2003 à 2009 selon
« CORINE biotopes ». Investigated habitats in French Guiana between 2003 and 2009 according
to the “CORINE biotopes” nomenclature.
78 Martinia

Résultats
Au total, 369 spécimens ont été collectés sur l’ensemble des sites prospectés,
représentant 12 familles, 49 genres et 81 espèces (Tab. 2).

Familles et espèces Habitats


Calopterygidae
Hetaerina caja dominula Hagen in Selys, 1853 22.5
Hetaerina gallardi Machet, 1989 46.2314/46.2333/46.234
Hetaerina moribunda Hagen in Selys, 1853 22.1/24.11/46.1/46.2333/46.542
Mnesarete cupraea (Selys, 1853) 46.1
Heliocharitidae
Heliocharis amazona Selys, 1853 46.1/46.2333
Polythoridae
Chalcopteryx seabrai Santos & Machado, 1961 46.2333
Polythore picta (Rambur, 1842) 46.542
Lestidae
Lestes forcipula Rambur, 1842 22.1
Megapodagrionidae
Dimeragrion percubitale Calvert, 1913 46.2333
Heteragrion ictericum Williamson, 1919 46.1/46.2333
Oxystigma williamsoni Geijskes, 1976 46.2314/46.2333
Protoneuridae
Epipleoneura nehalennia Williamson, 1915 46.1
Phasmoneura exigua (Selys, 1886) 46.2333
Protoneura tenuis Selys, 1860 22.1/46.2333
Protoneura tenuissima (Selys, 1886) 46.2333
Coenagrionidae
Acanthagrion indefensum Williamson, 1916 22.463/46.2333
Acanthagrion minutum Leonard, 1977 22.463
Acanthagrion rubrifrons Leonard, 1977 22.1/46.2333
Argia fumigata Hagen in Selys, 1865 46.1
Argia oculata Hagen in Selys, 1865 22.1/24.11/46.2314/46.2332/46.2333
Argia sp.1 46.2312/46.2332
Argia sp.2 46.1
Inpabasis rosea (Selys, 1876)
Ischnura (Ceratura) capreolus (Hagen, 1861) 21/22.1/22.463/22.5/46.2332
Leptagrion aculeatum Santos, 1965 46.2333/62.91
Metaleptobasis sp. aff. brysonima Williamson, 1915 46.2333
Nehalennia minuta (Selys, 1857) 46.1
Telebasis demerarum (Williamson, 1917) 22.463
Telebasis sp.1 4A.2311
Platystictidae
Palaemnema brevignoni Machet, 1990 46.2314
Pseudostigmatidae
Mecistogaster linearis (Fabricius, 1776) 46.2333
Mecistogaster lucretia (Drury, 1773) 46.2333
Microstigma maculatum Hagen in Selys, 1860 46.2333
Tableau 2a. Zygoptères inventoriés en Guyane française de 2003 à 2009 et habitats correspondants.
Recorded Zygoptera in French Guiana from 2003 to 2009 and corresponding habitats.
Tome 30, fascicule 2, décembre 2014 79

Familles et espèces Habitats


Aeshnidae
Anax concolor Brauer, 1865 22.1
Coryphaeschna viriditas Calvert, 1952 22.463/24.19/46.2331/46.2332/46.2333/87.23
Gynacantha auricularis Martin, 1909 22.1/46.2333
Gynacantha mexicana Selys, 1868 22.1/46.2333
Gynacantha nervosa Rambur, 1842 22.1/3A.12/46.2332/46.2333
Neuraeschna costalis (Burmeister, 1839) 22.1/46.2333
Triacanthagyna ditzleri Williamson, 1923 46.2311/87.2
Triacanthagyna septima (Selys, 1857) 87.23
Gomphidae
Phyllogomphoides undulatus (Needham, 1944)
Libellulidae
Anatya guttata (Erichson, 1848) 46.2333
Brachymesia herbida (Gundlach, 1889) 11.53111/22.463/3A.12/89.2
Brechmorhoga travassosi Santos, 1946 46.2331
Diastatops dimidiata (L., 1758) 84.1
Diastatops obscura (F., 1775) 22.463
Diastatops pullata (Burmeister, 1839) 22.463/46.2333
Dythemis multipunctata nigra Martin, 1897 22.1/24.11/46.2333
Erythemis credula (Hagen, 1861) 22.463/22.5
Erythemis haematogastra (Burmeister, 1839) 46.2311/56.24/87.2
Erythemis plebeja (Burmeister, 1839) 46.1/46.414
Erythemis vesiculosa (Fabricius, 1775) 22.1/87.23
Erythrodiplax basalis (Kirby, 1897) 11.53111/22.1/22.5/46.1/46.2332/46.2333/56.24/
87.23/89.2
Erythrodiplax castanea (Burmeister, 1839) 22.1/46.2332/46.2333
Erythrodiplax famula (Erichson, 1848) 11.53111/22.1/22.11/22.5/24.193/46.1/46.2331/
46.2332/46.2333/62.91/86.1/87.2/89.2
Erythrodiplax fusca (Rambur, 1842) 11.53111/22.1/46.2332/46.2333/87.23/89.2
Erythrodiplax umbrata (Linné, 1758) 11.53111/21/22.1/3A.1/3A.12/46.2311/46.2332/
46.2333/87.2/87.23/89.2
Erythrodiplax unimaculata (de Geer, 1773) 11.53111/22.1/24.193/46.2333/89.2
Macrothemis brevidens Belle, 1983 46.2333
Miathyria marcella (Selys, 1857) 22.1
Miathyria simplex (Rambur, 1842) 22.1
Micrathyria didyma (Selys, 1857) 11.53111/89.2
Micrathyria hippolyte Ris, 1911 4A.2311
Micrathyria spinifera Calvert, 1909 46.2333
Misagria parana Kirby, 1889 46.2333
Oligoclada amphinome Ris, 1919 46.2332
Orthemis discolor (Burmeister, 1839) 22.1/46.2333
Orthemis ferruginea (Fabricius, 1775) 11.53111/22.1/46.2333/89.2
Orthemis schmidti Buchholz, 1950 11.133/46.1/46.2332/87.2
Pantala flavescens (Fabricius, 1798) 11.53111/46.2332/62.91/87.23/89.2
Perithemis lais (Perty, 1834) 22.1/46.2324/56.231
Perithemis thais Kirby, 1889 22.1
Rhodopygia cardinalis (Erichson, 1848) 22.1/46.2311/46.2332/46.2333/87.2
Rhodopygia geijskesi Belle, 1964 46.2333
Tauriphila argo (Hagen, 1869) 22.1/22.463
Tholymis citrina Hagen, 1867 86.1
Tramea calverti Muttkowski, 1910
Uracis fastigiata (Burmeister, 1839) 46.2332/4A.51
Uracis imbuta (Burmeister, 1839) 22.1/46.2312/46.2332/46.2333/56.24/62.91
Uracis siemensi Kirby, 1897 46.2333
Tableau 2b. Anisoptères inventoriés en Guyane française de 2003 à 2009 et habitats correspondants.
Recorded Anisoptera in French Guiana from 2003 to 2009 and corresponding habitats.
80 Martinia

Commentaires sur Acanthagrion minutum


Lors de notre mission du 2 au 6 juin 2008 sur la Mare Agami dans le Marais de Kaw,
plusieurs individus adultes, mâles et femelles, d’Acanthagrion minutum ont été observés
volant et se posant sur la végétation aquatique émergée de la mare.
Dans sa description en 1977, Leonard classe cette espèce dans le ‘Groupe adustum’
aux côtés d’A. adustum Williamson, 1916 et A. indefensum Williamson, 1916. Elle
est la plus petite connue des Acanthagrion, ce qui lui a valu son nom : mâle,
longueur de l’abdomen = 19 mm ; aile postérieure = 13,4 mm ; rapport aile
postérieure/abdomen = 0,71, n = 6 (LEONARD, 1977).
La femelle n’est pas décrite par LEONARD (1977). Dans sa publication, il parle de la
réception d’individus mâles et femelles d’E. Schmidt collectés en Bolivie par Steinbach
sans plus de précision. Nous n’avons pas trouvé de description de la femelle dans la
littérature même récente (HECKMAN, 2008). Il semblerait donc que la femelle
d’A. minutum reste à décrire.
Description du site
Le Marais de Kaw constitue un ensemble écologique remarquable de près de
140 000 ha reconnu aux plans national (Réserve Naturelle Nationale depuis 1998,
ZNIEFF1 de type 1) et international (site Ramsar2 depuis 1993 et Important Bird Area
depuis 2008) pour la biodiversité qu’il héberge. Vierge de toute perturbation anthropique
dans sa majeure partie, il renferme une importante mosaïque d’habitats colonisés par une
végétation spécifique adaptée à des sols hydromorphes et qui abritent de nombreuses
espèces animales à forte valeur patrimoniale (LUGLIA et al., 2008).
Les très rares zones d’eau libre (i.e. mares) constituent des déchirures permanentes au
sein de cet immense marais recouvert d’une végétation herbacée flottante. La majorité de
ces mares sont entourées de radeaux de tourbe colonisés par une végétation acidophile
(LUGLIA et al., 2009).
Au cœur de ce marais, la Mare Agami, située à 40 km au sud-est de la presqu’île de
Cayenne, présente l’originalité d’être localisée au sein d’une végétation arbustive
relativement riche en espèces (e.g. Pterocarpus officinalis, Euterpe oleracea, Mauritia
flexuosa). Cette particularité structurelle trouve son origine dans l’existence d’un ancien
et important cordon dunaire (paléorivage) qui a permis le développement d’une forêt
marécageuse dense. Cette végétation arborée constitue une zone de reproduction
exceptionnelle en Guyane française pour de nombreuses espèces d’oiseaux d’eau peu
communs et patrimoniaux (VIDAL et al., 2009).

1
Zone Naturelle d’Intérêt Ecologique, Faunistique et Floristique ». Une ZNIEFF de type 1
correspond à un espace écologique homogène qui abrite au moins une espèce et/ou un habitat
rare(s) et/ou menacé(s), d’intérêt local, régional, national, communautaire ou à un espace d’un
grand intérêt pour le fonctionnement écologique local.
2
Convention adoptée en 1971 sur la conservation et la protection des zones humides d’importance
mondiale notamment comme sites de reproduction de certaines espèces d’oiseaux aquatiques et
comme étapes ou zones d’hivernage en période de migration. Y sont reconnues leurs fonctions
écologiques fondamentales et leurs valeurs économique, culturelle et scientifique.
Tome 30, fascicule 2, décembre 2014 81

Physico-chimie
D’une température moyenne annuelle de 25 °C, les eaux de la Mare Agami sont
modérément acides (pH = 5,7). Leur conductivité étant généralement de 60 µS.cm-1, elles
ne renferment que de rares éléments nutritifs (i.e. eaux hyper-oligotrophes) immobilisés
au sein d’une très importante biomasse macrophytique flottante et immergée (GUIRAL,
2003).
Cependant, au cours de la saison des pluies, l’immense colonie d’oiseaux est
responsable d’une importante fertilisation des eaux du fait des déjections avicoles. Ceci
conduit à la création d’un nouvel environnement aquatique à productivité élevée et
propice à la vie de multiples autres espèces qui séjournent plus ou moins longuement
dans la mare.
Au cours de la saison sèche, après le départ des oiseaux et en situation de fort
éclairement (ensoleillement : 12,25 h.j-1 ; rayonnement maximum : 2 000 à
2 500 J.cm-2.j-1), ce potentiel nutritif exagéré est à l’origine d’une très forte eutrophisation
des eaux de la mare (GUIRAL, 2003).
Habitat
La zone centrale de la Mare Agami est occupée par une végétation aquatique à
hydrophytes immergées et flottantes enracinées ou non sur le fond.
Cette zone regroupe diverses unités (GUIRAL, 2003) :
- le groupement à Nymphaea rudgeana, Cabomba aquatica et Salvinia auriculata
(22.4631) dont la biodiversité floristique est faible ;
- le peuplement monospécifique à Eleocharis interstincta (55.2324) ;
- les petits îlots flottants de tourbe essentiellement colonisés par des Cyperaceae
(Fuirena umbellata, Cyperus haspan) et parfois des Poaceae (Panicum
parvifolium, Sacciolepis striata) (55.231). On y observe Xyris laxifolia et
l’orchidée Habenaria laugicauda.
En périphérie de la mare, le marais d’eau douce à Cypéracées et fougères (55.2322)
constitue la zone la plus étendue et le plus riche groupement en termes de diversité
floristique. Á ce groupement, se mêlent des espèces d’un autre groupement : celui des
marais à Montrichardia arborescens faciès à Crinum erubescens (56.251). Le nord et le
sud étant constitués de forêts marécageuses, on observe à l’est et à l’ouest de la mare une
flore intermédiaire entre ces deux groupements. La végétation y est dense et basse,
dominée par Rhynchospora gigantea, Sagittaria lancifolia et les fougères Thelypteris
interrupta et Blechnum serrulatum (GUIRAL, 2003). Plus hautes que la plupart des
espèces végétales, deux espèces d’herbacées à fleurs jaunes (Ludwigia nervosa et
L. torulosa) y sont abondantes. Enfin, en bordure de l’eau libre, fleurit C. erubescens
dans les zones les moins denses. D’autres informations sont données dans LUGLIA
(2009).

Discussion
De nos inventaires ressortent 14 espèces qui ne figuraient pas au bilan du Groupe de
Recherche des Organismes de Guyane (GROG) (DELASALLE, 2007) : H. gallardi,
D. percubitale, E. nehalennia, P. tenuissima, A. minutum, L. aculeatum, Telebasis sp.1,
A. concolor, G. auricularis, T. septima, B. travassosi, D. dimidiata, R. cardinalis et
R. geijskesi. On remarquera particulièrement A. minutum, espèce nouvelle pour le
82 Martinia

département bien que déjà connue du Pérou, Bolivie, Venezuela, Brésil, Colombie et
Argentine (LEONARD, 1977 ; LENCIONI, 2006 ; HECKMAN, 2008 ; MUZÓN et al., 2008 ;
PAULSON, 2009). Ceci porte l’odonatofaune de la Guyane française à 254 espèces.
Il n’existe pas d’outil d’identification adapté à la Guyane française et, pour effectuer
les déterminations, nous devons acquérir les nombreux articles et ouvrages souvent
onéreux publiés sur l’odonatofaune des autres pays d’Amérique du Sud. De plus, nous
sommes peu nombreux à savoir déterminer sur place les espèces, ce qui nous oblige bien
souvent à prélever les individus et à les transmettre pour identification à des personnes
compétentes en métropole. Pour remédier à ces difficultés, nous prévoyons d’élaborer une
clé de détermination propre à cette région, enrichie des espèces des pays limitrophes
susceptibles d’y être rencontrées et confondues avec les espèces locales. Cet outil
permettrait d’élargir nos champs de compétences (aujourd’hui essentiellement axés sur la
systématique) et de mener in situ des études portant sur une meilleure connaissance des
espèces, de leur biologie, de leurs exigences écologiques et de leur statut. In fine, cela
nécessitera l’étude des larves et des exuvies.
Les Odonates étant des bio-indicateurs reconnus, leur prise en compte dans
l’actualisation des ZNIEFF guyanaises rendrait ces dernières encore plus pertinentes.
Enfin, pour renforcer la dynamique d’étude et mutualiser les informations concernant
les Odonates de Guyane française, nous avons mis en place en 2009 un « Groupe
Libellule Guyane » informel qui existe par l’intermédiaire d’une liste de discussion
<http://groups.yahoo.com/group/odonateguyane>.

Remerciements
Nous tenons à remercier Philippe Machet pour son aide précieuse concernant la
détermination des individus et la relecture de l’article.

Travaux cités
DELASALLE J.-F., 2007. Les Odonates de Guyane. Bulletin du Groupe de Recherche des
Organismes de Guyane, 3 : 1-57.
DOMMANGET J.-L. & PAPAZIAN M., 2000. Liste provisoire des Odonates de Guyane
française. Martinia, 16 (3) : 138-141.
GEIJSKES D.C., 1971. List of Odonata known from French Guyana, mainly based on a
collection brought together by the mission of the “Muséum national d’histoire
naturelle”, Paris. Annales de la Société entomologique de France (N.S.), 7 (3) : 655-
677.
[GUIRAL D., 2003. Plateforme de Kaw, le bilan à un an. Institut de Recherche pour le
Développement, Cayenne, 17 pp.]
HECKMAN C.W., 2008. Encyclopedia of South American Aquatic Insects: Odonata –
Zygoptera. Springer, Berlin, 687 pp.
HOFF M., 1997. Typologie provisoire des habitats naturels des départements d’outre-mer
français, basée sur CORINE biotopes et la « classification of palearctic habitats » du
Conseil de l’Europe. Service du patrimoine naturel, Muséum national d’histoire
naturelle, Paris, 40 pp <http://herbier.unistra.fr/flores/flore-et-vegetation-de-guyane/
code-corine-biotopes-de-guyane-francaise/>.
Tome 30, fascicule 2, décembre 2014 83

LEONARD J.W., 1977. A revisionary study of the genus Acanthagrion (Odonata:


Zygoptera). Miscellaneous Publications, Museum of Zoology, University of Michigan,
153: 1-173.
LENCIONI F.A.A., 2006. Damselflies of Brazil. An illustrated identification guide. 2-
Coenagrionidae. All Print Editora, São Paulo, 419 pp.
LUGLIA M., GUIRAL D., VIDAL É. & GEPOG, 2008. La mare « Agami » : un sanctuaire
au cœur de la Réserve Naturelle des Marais de Kaw-Roura. Au fil des mares…, 4 : 10-
14.
[LUGLIA M., 2009. La mare Agami. http://sites.google.com/site/mareagami/ ; consulté le
18 septembre 2014.]
LUGLIA M., VIDAL É., GUIRAL D. & LUGLIA T., 2009. À la rencontre du Héron agami :
la mare aux caïmans. Une Saison en Guyane, 2 : 70-79.
MACHET P., 2004. Liste actualisée des Odonates de la Guyane française. Martinia, 20
(3) : 145-150.
MEURGEY F., COUTEYEN S., DOMMANGET J.-L., GRAND D., MACHET P., MASHAAL M.,
PAPAZIAN M., VAILLANT F. & WEBER G., 2006. Les Odonates des Départements et
Collectivités d’outre-mer français. Société Française d’Odonatologie, Bois-d’Arcy,
144 pp.
MUZÓN J., VON ELLENRIEDER N., PESSACQ P., LOZANO F., GARRÉ A., LAMBRUSCHINI
J., RAMOS L. & WEIGEL MUÑOZ M.S., 2008. Odonata from Iberá Wetlands
(Corrientes, Argentina): preliminary inventory and biodiversity. Revista de la
Sociedad Entomológica Argentina, 67 (1-2) : 59-67.
PAPAZIAN M. & DUQUEF M., 2002. Compte rendu de la mission odonatologique
« Duquef 2000 » en Guyane française. Martinia, 18 (3) : 113-115.
[PAULSON D.R., 2009. List of the Odonata of South America. http://www.pugetsound.
edu/academics/academic-resources/slater-museum/biodiversity-resources/dragonflies/
south-american-odonata/ ; consulté le 18 septembre 2014.]
VIDAL É., GUIRAL D. & LUGLIA M., 2009. Biodiversité méconnue et menacée des
territoires de l’outre-mer français. Echos Science, 8 : 13-15.
____________________
84 Martinia

Résultats du concours pour la photo de couverture.

Pierre Juliand gagne le concours de la couverture du fascicule 30 (2) avec une photo
d’accouplement d’Orthetrum brunneum dont la majorité des abonnés (47 voix sur 73
vote, soit 64,4 %) ont apprécié la netteté, le piqué et la correspondance entre la couleur de
l’abdomen du mâle et celle de la couverture.

Arrive en seconde position le contre-jour d’Olivier Buisson qui présentait un


Calopteryx haemorrhoidalis surpris en plein toilettage. L’esthétique de cette photo a été
saluée par 21 votants, soit 28,8 %.

Enfin, Mathieu Moncomble proposait la photo d’un vieux Sympetrum striolatum


parfaitement dissimulé sur son support de bois mort. Un sujet qui se mariait bien avec
l’hiver et dont le caractère insolite à séduit 5 abonnés, soit 6,8 %.

La rédaction.

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Imprimé par Chevillon IMPRIMEUR, 26 boulevard Kennedy, F-89100 Sens
Dépôt légal : 4e trimestre 2014

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