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Revue de botanique appliquée et

d'agriculture coloniale

Les Prairies de Madagascar


Henri Perrier de la Bathie

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Perrier de la Bathie Henri. Les Prairies de Madagascar. In: Revue de botanique appliquée et d'agriculture coloniale, 8ᵉ année,
bulletin n°84, août 1928. pp. 549-557;

doi : https://doi.org/10.3406/jatba.1928.4646

https://www.persee.fr/doc/jatba_0370-3681_1928_num_8_84_4646

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Revue de Botanique^ Appliquée

& D'AGRICULTURE COLONIALE

JRevue mensuelle, Organe de documentation scientifique pour


l'Agriculture en France et aux Colonies

8e année. AOUT 1928. Bulletin n° 84.

ÉTUDES & DOSSIERS

Les Prairies de Madagascar.

Par PERRŒR DE LA BATHIE.

Les sept-dixièmes de la superficie de la Grande Ile sont couverts d'une


végétation de Graminées, qui a pris la place des formations (1)
autochtones, arbustives ou forestières, détruites par les feux de brousse. Ces
prairies immenses, dont les feux accroissent sans cesse l'étendue, n'ont
pas, dans l'ensemble, une valeur bien grande en tant que pâturages.
Elles paraissent notamment impropres, dans leur état actuel, à
l'élevage du bœuf métissé, du cheval et du mouton (2). Mais elles
nourrissent d'innombrables troupeaux de zébus (3), une des principales,

(1) Nous emploierons ici ce terme pour désigner un ensemble de végétation


ayant un aspect particulier, constitué par un groupe de stations, en évitant celui
d'association qui, pour nous, est impropre et ne correspond à aucun fait réel. En
effet, toutes les fois qu'il y a ici apparence d'association, analogue à ce qu'on
appelle ainsi en Europe, c'est qu'une espèce est devenue dominante par suite de
la destruction des autres espèces de la formation. D'ailleurs, ces apparences
d'association ne sont ici jamais stables et ne sont donc que des successions.
(2) L'élevage des bœufs métissés (zébusXraces françaises) n'a donné, en effet,
que des résultats de peu d'intérêt. Il ne sera possible, et dans la région centrale
seule, que sur des prairies artificielles, encore inexistantes. Celui du cheval (races
européennes), peut-être possible avec des races d'autres provenances, n'a abouti
qu'à un échec presque complet. Celui du mouton, vraisemblablement praticable en
petit sur certaines montagnes de i'Imerina et du Betsileo ou dans les parties arides
du S W, ne réussit ,pas dans la prairie tropicale à Àndropogon et les expériences
bruyantes que l'on a faites dernièrement n'ont abouti qu'à la confirmation de ce
fait général, bien connu des éleveurs anglais.
(3) Plus de " millions de têtes, d'après le recencement de 1926.
Revue de Bot. App. Ï7
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une des plus certaines richesses de l'île. En outre, loin d'être


uniformes, elles sont en transformation constante, et, à chacune de ces
phases, correspond une valeur fourragère différente.
En conséquence, il nous a paru utile et intéressant de décrire les
successions végétales qui constituent ces différentes prairies, d'étudier
leur composition botanique tout en indiquant la valeur fourragère des
principales espèces qui les constituent et de rechercher les causes de
leurs transformations. Une telle étude peut en effet nous donner de
très utiles indications sur les moyens de maintenir des prairies sous la
forme qui leur donne le plus de valeur en tant que pâturages et, ceci
seul, si nous pouvions l'obtenir, suffirait à changer, du tout au tout,
l'avenir économique de l'île.
Les prairies de Madagascar ne sont en somme que la série
régressive des successions qui, sous l'action des incendies et de leurs
conséquences, transforment le climax, c'est-à-dire les formations
autochtones vierges, en un sub-climax presque aussi stable dans les
conditions nouvelles, terme tinal de ces dégradations successives que nous
appellerons prairie à Aristida. Cette prairie à Aristida (1), sous tous
les climats, pourtant si divers, de la Grande Ile, est partout identique,
mais les successions qui aboutissent toutes à ce terme final sont, au
contraire, plus ou moins dépendantes des facteurs écologiques et
changent par suite dans les diverses régions de l'île. Aussi décrirons-
nous cette série régressive pour chacun des Domaines (2), et même pour
chacune de leurs formations principales, en indiquant les changements
corrélatifs des facteurs qui sont la cause de ces successions.
Auparavant nous dirons quelques mots de la constitution des sols de la
Grande Ile, car ces données permettront seules de comprendre
l'ampleur et la raison de ces transformations.
Les sols de l'île toute entière, à l'exception des alluvions récentes et
des terres du Domaine du S-W(3), sont constitués par des argiles laté-

(1 ) Cette prairie a bien des caractères de steppe, mais nous ne pouvons lui donner
ce nom car c'est une formation végétale toute artificielle que les feux seuls
maintiennent sous une forme constante et qui ferait très lentement le retour au climat
primitif, si cette cause venait à cesser.
(2) Grandes divisions phytogéographiques de l'île : 1° Région du Vent, à climax
tropical humide, avec les trois Domaines de l'Ii (humidité très grande et chaleur
plus forte), du Sainbirano (climat analogue au précédent, mais situation sur le
versant occidental) et du Centre (climat plus sec, tempéré par l'altitude) ; 2° Région
sous le vent, à climat tropical sec, avec les deux Domaines de l'W (saison des pluies
et longue saison sèche tranchées) et du S-W (climat subdésertique). — H. Perrier
de la. Bathie, Végétation malgache in Ann. Mus. Col. Marseille, 1921 et H. Humbert,
Composées de Madagascar ; Thèse, Caen, 1923, p. 161.
(3) Sous le climat du S-W, les roches ne s'altèrent pas en latérite.
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ritiques. Sous une couverture forestière, ces argiles restent assez


meubles et perméables, mais les arbres, dont les racines toujours
traçantes ne pénètrent jamais très profondément dans le sol, ne vivent
que de la couche superficielle meuble et humifère. Lorsque le sol est
privé de la végétation protectrice, le feu, le soleil et l'érosion font plus
ou moins rapidement disparaître celte mince couche superficielle et les
argiles qui affleurent deviennent graduellement de plus en plus dures,
compactes et imperméables. Dans cet état physique particulier, bien
différent de l'état initial, ces latérites sont aussi infertiles que le roc nu.
Au cours de cette dégradation, la végétation est constamment en
rapport avec l'épaisseur de la couche plus ou moins fertile de la surface.
Quand cette couche est intacte, elle peut porter une forêt de 20-30 m.
de hauteur. Quand elle a totalement disparu, le sol durci n'est plus
couvert que d'une maigre végétation de Graminées xérophiles. Dans
les pays à latérite, rasés chaque année, avant les grandes pluies, par
les feux sauvages (1), cette diminution graduelle de la couche fertile et
de la végétation conduit fatalement à la denudation totale.

La Prairie dans le Domaine oriental. — Ce Domaine était


primitivement couvert par deux formations principales, la. Forêt
littorale, qui s'étendait sur les sables de la côte, et la Forêt orientale qui
couvrait toutes les argiles latéritiques entre ces sables et l'altitude
800-900 m., où l'on passe insensiblement au Domaine central.
Zone littorale. — Les sables des bords de la mer étant impropres à
la culture du Riz, la Forêt littorale a été surtout détruite de nos jours,
soit par l'exploitation abusive, soit par les feux de brousse, soit plus
fréquemment par une combinaison de ces deux moyens, car les feux
de brousse sont l'habituelle conséquence de toute exploitation
forestière, avec les habitudes de nos Malgaches. Le substratum de celte
forêt est constitué de sables qui deviennent rapidement stériles
lorsqu'ils sont dénudés, exposés au soleil et lavés par les pluies
tropicales. Aussi la forêt est-elle immédiatement remplacée après sa
destruction, sans phases intermédiaires, par une maigre végétation, qui
représente le terme ultime de la dégradation. Une coupe et quelques
incendies suffisent ici pour changer une forêt de 10 à 13 m. de hauteur,
très riche en espèces, en humble prairie de quelques centimètres de
haut, constituée par un petit nombre de Graminées grégaires.

(I) Nous appelons feux sauvages, par analogie avec le terme géologique d'eaux
sauvages, ces incendies de brousse qui. dans les régions à population peu dense,
vont où le vent les pousse et rasent les collines et les montagnes, sans que
personne ne s'occupe des dégâts qu'ils peuvent faire.
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Les prairies, qui remplacent ainsi la forêt littorale, sont de deux


sortes : 1° Une prairie très rase à Panicum et Digitaria, qui s'établit
surtout sur les dunes et les endroits surélevés, exposés aux vents du
large; 2° Une prairie d'herbes dures et plus hautes (Aristida) qui
recouvre les endroits plus bas, abrités des vents marins par des dunes
ou des restes de forêt.
La première est constituée par des Graminées à rhizome rampant,
rtccompagnées de quelques autres plantes de même port. Cet ensemble
ne dépasse pas une hauteur de 10 cm. et forme un tapis serré, qui fixe
admirablement le? sables. Les espèces dominantes sont deux
Panicum : P. nossibense et P. (sp.), avec, par place et moins fréquents,
Cynodon dactylon et Destnodhtm triflonim. Parmi les espèces non
broutées, Oxalis sensitiva, Aeschynomene laxiflora et trois Era-
grostis sont assez fréquents. Cette prairie rase et toujours verte n'est
pas en somme un mauvais pâturage, mais il en faut de très grandes
étendues pour nourrir une seule tête de bétail. Les feux, faute
d'aliments, n'y peuvent exercer leur action. De là provient certainement
l'abondance des plantes à rhizomes superficiels et rampants qui la
constituent et la facilité avec laquelle cette prairie est recolonisée par
des arbustes ou de petits arbres, surtout Strychnos spinosa. Alors,
sous cet ombrage léger, se développe à foison Stenotaphrum com-
plana ^wm, espèce très bonne fourragère qui craint la grande lumière.
Dans cet état, cette prairie a une valeur bien plus grande et, par suite,
le meilleur moyen de l'améliorer, sans frais trop considérables que la
valeur du terrain ne justifierait pas, est de replanter des arbres à
ombrage léger, tel que le Filao, sous lequel le Stenotaphrum se
développe très bien.
La prairie d'Aristida, qui couvre les bas fonds et les sables plus
anciens ou plus abrités, est bien plus uniforme. Elle est presque
entièrement constituée par le seul Aristida siînilis, dont les chaumes durs
et raides, qui atteignent une hauteur moyenne de 50 cm., ne sont
jamais broutés par le bétail. Malgré l'humidité très grande du climat*
ces chaumes deviennent très inflammables au moment des
sécheresses d'octobre ou de novembre et, par suite, cette sorte de prairie
est soumise au régime des feux annuels. Ce sont d'ailleurs Ges feux
qui sont l'unique cause de sa composition si uniforme. Seul, V
Aristida, en effet, à l'aide de ses rejets courts qui s'enfoncent dans le sol
sur la périphérie de la touffe, est capable de résister à ces feux sur de
tels sols.
En tant que pâturage, ia Valeur de cette prairie k Aristida est abso-
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lument nulle. Aussi est-il bien curieux de voir les éleveurs indigenes,
approuvés et encouragés d'ailleurs par le service vétérinaire auquel,
on ne sait pourquoi, incombe la charge de veillei* à nos pâturages,
incendier cette végétation et favoriser ainsi son extension, sous
prétexte d'à améliorer la prairie, de la renouveler et de rendre alibiles »
ces chaumes durs, dont, même jeunes, les zébus ne veulent pas. Un
reboisement partiel permettrait seul de reconstituer un pâturage réel
dans cette station, mais le Filao n'y vient pas et, parmi les essences
indigènes ou introduites, je ne vois que certains Terminalia qui
puissent pousser sur ces terres, sans nuire à la végétation herbacée
sous jacente.
Les prairies de la zone littorale ne sont pas étendues. Elles n'ont
donc que peu d'intérêt économique, mais elles sont intéressantes au
point de vue théorique, car ce sont les seules de l'île qui, sur un sol
profond, prennent d'emblée, sans phases intermédiaires, les caractères
que nous retrouverons ailleurs dans le dernier stade de dégradation.
Ce changement rapide de végétation, suite certaine de
l'appauvrissement du sol, est sans doute une conséquence de la nature très
perméable de ces terrains et de la grande humidité du climat. Une plante,
qui croît vigoureusement sous ombrage léger et qui est en même temps
un très bon fourrage, le Stenotaphrum complanatum, permettra
d'ailleurs d'y nourrir beaucoup plus de bétail qu'il n'y en existe
actuellement.

Zone orientale des collines et de basses montagnes. —


Cette zone, qui couvre toute l'étendue du versant oriental entre les
sables littoraux et la cote 860-900 m., est un ensemble chaotique de
collines et de montagnes de peu d'élévation, où les pentes sont presque
toujours très fortes.
Le sol, si Ton en excepte les alluvions des vallées, dont la superficie
totale est réduite, est partout constitué par des argiles latéritiques,
qui proviennent de l'altération de roches cristallophylliennes ou érup-
tives, mais qui, quelle que soit la nature de la roche originelle, ont
toujours une constitution physique ou chimique identique.
Primitivement cette zone était entièrement couverte par la forêt
orientale, mais cette forêt détruite en grand par la culture du Riz de
montagne que les indigènes plantent sans labour sur les cendres
d'une forêt abattue et brûlée, n'y recouvre plus maintenant que trois
millions d'hectares environ. Elle a été remplacée ailleurs par des
Savoka, végétation arbustive de 3 ou 4 m. de haut qui repousse
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sur l'emplacement des forêts détruites par le feu, ou par les prairies,
qui remplacent des Savoka lorsqu'ils sont brûlés. Ces derniers
couvrent actuellement environ 6 millions d'ha. dans cette zone et les
prairies s'y étendent déjà, surtout dans le N et le S du Domaine, sur
plus de trois millions d'hectares.
La série des successions végétales et des phénomènes connexes qui
changent cette superbe forêt en une maigre prairie, peut être résumée
ainsi :
1° Climax : Forêt orientale ; futaie dense de 20 à 30 m. de hauteur ;
espèces toutes endémiques. Latérites meubles et couche humifère
superficielle. Brouillard et pluies fines continuelles pendant l'hiver.
2° Culture (Tavy) : forêt abattue et brûlée avant la fin delà
sécheresse (novembre-décembre); semis de Riz sur les cendres; récolte en
avril-mai. Disparition de la presque totalité de l'humus, brûlé par le
soleil, enlevé par les pluies, assimilé par la culture. Durée : une
année.
3° Envahissement du défrichement par des herbes annuelles,
messicoles ou rudérales. Disparition des restes d'humus;
commencement du durcissement des argiles latérites ; érosion des couches
superficielles. Durée : une année.
4° Disparition des espèces annuelles; établissement du Savoka,
c'est-à-dire, colonisation de l'emplacement par quelques arbustes
autochtones ou introduits dont les graines sont apportées par les vents ou
des oiseaux. Aucune espèce de la forêt primitive ne repousse.
Végétation dense de 3à4 m. de hauteur. Durée : dix à vingt ans, laps de
temps pendant lequel, s'il existe des prairies aux alentours, le savoka
peut être brûlé et envahi par les Graminées. Si ce fait ne se produit
pas, formation d'un peu d'humus. Dans les endroits où de petits arbres
peuvent se développer sans constituer une végétation trop dense,
établissement sous couvert d'une végétation herbacée de Stenotaphrum
et de Desmodium.
5° Seconde culture de Riz, sur savoka abattu et brûlé, bien moins
productive que la première. Erosion active pendant et après la culture.
Affleurement des argiles latéritiques dures et compactes.
Envahissement du soi par les Graminées. Pas une espèce autochtone ne
subsiste.
6° Prairie à Imper ata {Tena) : Végétation très dense; épuisement
rapide du sol. Feux espacés, mais très violents et détruisant les derniers
arbustes. Erosion active après chacun de ces feux. Durée : 5-6 ans,
temps après lequel YImperata disparaît.
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7° Prairie à Andropogon rufus (Vero). Même processus, mais
durée pouvant être bien plus longue, subordonnée d'ailleurs à la
déclivité plus ou moins grande et à la fréquence des feux.
8° Sub climax : Prairie à Aristida, stade final. Latérite dure et
compacte. Feux annuels. Saison sèche de plus en plus accentuée au
fur et à mesure que l'étendue de cette prairie s'accroît. Ce sub-climax
pourrait vraisemblablement faire retour au climax par une série
ascendante de successions analognes à celles que nous venons de
décrire, mais l'accumulation des chaumes secs très inflammables, dont
T'incendie est presque impossible à éviter, rend cette éventualité tout
à fait irréalisable.
Parmi ces successions rétrogrades, celle quia le plus de valeur en
tant que pâturage, est la prairie de Stenotaphrum qui se développe
parfois dans les Savoka, sous l'ombrage léger de certains arbustes
ou petits arbres. Pour que cette sorte de prairie puisse acquérir toute
sa valeur, il faut que l'ombrage soit léger et les arbres assez espacés.
Certaines essences secondaires à croissance rapide [Harongana
madagascariensis,Makarangas, Dombeya^ Ficus) conviennent tout
particulièrement à son établissement. Les espèces dominantes sont
surtout des Stenotaphrum (S.complanatum et S.madagascariense),
des PanicuniQl Digitaria de môme port et Desmodium incanum,
toutes plantes dont les zébus se montrent friands. Ces sortes de
pâturages sont d'ailleurs rares et de peu d'étendue et leur intérêt est
surtout de montrer qu'il serait possible, en aménageant les savoka,
d'utiliser pour l'élevage cette brousse mutile, qui couvre de si vastes
surfaces sur le versant oriental.
Parmi les « pestes végétales », Ylmperata arundinacea(ï) est une
des plus nuisibles. Grégaire et exclusive, toujours en peuplement très
dense, sans intérêt comme fourrage, elle envahit les terres les plus
fertiles et n'en disparaît que lorsque le sol est totalement épuisé. Elle
pousse surtout vigoureusement sur les cendres, sur les lisières des
savoka attaqués par les feux, y constituant une zone qui suit la
végétation arborescente au fur et à mesure de sa destruction, qu'elle rend
plus rapide par l'accumulation en ce point de ses chaumes et de ses
feuilles, aliments qui rendront plus violents et plus destructeurs les
incendies de saison sèche. Du côté externe,, c'est-à-dire sur la
périphérie de cette zone, Ylmperata, au contraire, s'étiole, disparaît et
fait place à la prairie à Vero.

(1) Tena-Manevika.
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La prairie à vero [Cymhopogon ru fus) a beaucoup plus d'intérêt


au point de vue élevage et c'est en fait celle qui nourrit la plupart des
zébus du versant oriental. Elle est aussi beaucoup plus durable que la
précédente et se maintient sans changement sur les terres un peu
fertiles, lorsque les pentes ne sont pas trop fortes. Elle ne disparait
à la longue, pour faire place à la suivante, que lorsque le sol est
devenu tout à fait stérile. Sa composition botanique est aussi plus
variée, ainsi que Ton peut en juger par la liste ci-après (1) :
* Cytnbopôgon rufus {Vero) 30°/o, bon fourrage à l'état jeune.
* C. schdBnanthus (biahina) 2 °/o» non brouté.
* Pennisetum setosutn (Rambonalika), 10 °/0, bon fourrage.
* Sporobolus indiens (Toiana), 10 %, non brouté.
* Andropogon intermedium [Tsimaliloha), 5 %» bon fourrage
jeune.
Panicum nossiôense Steudel, 10 °/o, bon fourrage.
Stenotaphrum madagascariense (Ahidrindra), 2 °/0, bon
fourrage.
Digitaria sp., 3°/o, médiocre.
Desmodium mauritianum 2 %, non brouté.
Espèces occasionnelles: Cyperus compactus, Fimbristylis sp.,
Càssia mimosoides, Elephantopus scaber, etc., 12%, non broutés.
Les espèces marquées d'un astérisque sont celles qui résistent le
mieux à Faction des feux et qui subsistent seules lorsque les feux sont
annuels, circonstance qui se produit assez rarement sous ce climat
humide. Ces Graminées pyrophiles sont toujours des plantes vivaces,
à rhizome profond ou formant de grosses touffes, à rejets courts et
hypogés, émettant des chaumes à la fin, durs, raides et peu feuilles.
En général, plus une plante est fibreuse et mieux elle résiste aux feux.
La prairie à Vero couvre deux millions d'ha. dans le Domaine
Oriental. Elle s'étend chaque année aux dépens de la prairie à lmperata
et des savoka, tandis qu'elle se détruit et passe au contraire à la
prairie à Aristida, au fur et à mesure que le sol s'appauvrit, dans les
endroits qu'elle recouvre déjà depuis longtemps.
Le terme final de cette série régressive, c'est-à-dire la prairie à
Aristida, est identique sur les argiles latéritiques à celle que nous
avons étudiée précédemment sur les sables de la côte. C'est une
maigre végétation de chaumes durs, fibreux et coriaces, assez denses et

(1) Mlle H. Camus, réminent spécialiste en Graminées tropicales, a bien voulu


déterminer la plupart de celles dont il est question ici. Sans son aide, cette note
n'aurait eu ni précision ni valeur d'aucune sorte.
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atteignant une hauteur uniforme de 50 à 60 cm. Cette végétation


n'est constituée que par une seule espèce YAristida similis. De loin
en loin, entre les touffes à'Aristida, croissent pourtant quelques
petites plantes, un lsachne à feuilles minuscules, des Eragostis et
Cyperus compactus. L'ensemble brûlé ou non brûlé, que les herbes
soient sèches ou en pousses nouvelles, n'a absolument aucune valeur
comme pâturage, et le zébu, cette bête si résistante, à laquelle il faut
si peu pour vivre, meurt bientôt d'inanition dans de telles prairies.
La prairie à Aristida couvre déjà plus d'un million d'ha. dans le
Domaine oriental. Ainsi que nous l'avons expliqué plus haut elle
s'agrandit lentement, aux dépens de la prairie à vero, sur les argiles
laléritiques que les feux, l'insolation, les pluies et l'érosion ont
rendues dures et compactes et définitivement stériles.
[A suivre.)

Observations sur les Agaves producteurs de fibres et d'alcool

Par L -H. DEWEY,


Botaniste chargé des « Fiber plant Investigations » du Bureau of Plant Industry
(Département d'Agriculture des Etats-Unis).

A la suite de la publication dans la R. B.A. de nos deux notes


sur les Agaves et leur culture en vue de laproduction des fibres ou
de r alcool, nous avons reçu de M. L.-H. Devey deux très
intéressantes lettres.
M. Devey a bien voulu nous autoriser à les reproduire. Nos leC'
leurs en apprécieront tout l'intérêt et nous exprimons nos vifs
remerciements à leur auteur. A. C.

PREMIÈRE LETTRE

... Je m'intéresse particulièrement à l'identification de l'espèce que


nous avons appelée Agave cantala aux îles Philippines et aux Indes
Néerlandaises;
Je ne suis jamais allé aux Philippines, mais j'en vis quelques plants
à Java quand j'assistai au Congrès des plantes à fibres à Sœrabaia en
1911. M. Saleeby des îles Philippines, qui était avec moi, affirma que
les plants qui poussaient à Java étaient les mêmes que ceux qu'il était
habitué à voir dans les plantations de Maguey des îles Philippines.

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