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d'agriculture coloniale
Perrier de la Bathie Henri. Les Prairies de Madagascar. In: Revue de botanique appliquée et d'agriculture coloniale, 8ᵉ année,
bulletin n°84, août 1928. pp. 549-557;
doi : https://doi.org/10.3406/jatba.1928.4646
https://www.persee.fr/doc/jatba_0370-3681_1928_num_8_84_4646
(1 ) Cette prairie a bien des caractères de steppe, mais nous ne pouvons lui donner
ce nom car c'est une formation végétale toute artificielle que les feux seuls
maintiennent sous une forme constante et qui ferait très lentement le retour au climat
primitif, si cette cause venait à cesser.
(2) Grandes divisions phytogéographiques de l'île : 1° Région du Vent, à climax
tropical humide, avec les trois Domaines de l'Ii (humidité très grande et chaleur
plus forte), du Sainbirano (climat analogue au précédent, mais situation sur le
versant occidental) et du Centre (climat plus sec, tempéré par l'altitude) ; 2° Région
sous le vent, à climat tropical sec, avec les deux Domaines de l'W (saison des pluies
et longue saison sèche tranchées) et du S-W (climat subdésertique). — H. Perrier
de la. Bathie, Végétation malgache in Ann. Mus. Col. Marseille, 1921 et H. Humbert,
Composées de Madagascar ; Thèse, Caen, 1923, p. 161.
(3) Sous le climat du S-W, les roches ne s'altèrent pas en latérite.
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(I) Nous appelons feux sauvages, par analogie avec le terme géologique d'eaux
sauvages, ces incendies de brousse qui. dans les régions à population peu dense,
vont où le vent les pousse et rasent les collines et les montagnes, sans que
personne ne s'occupe des dégâts qu'ils peuvent faire.
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lument nulle. Aussi est-il bien curieux de voir les éleveurs indigenes,
approuvés et encouragés d'ailleurs par le service vétérinaire auquel,
on ne sait pourquoi, incombe la charge de veillei* à nos pâturages,
incendier cette végétation et favoriser ainsi son extension, sous
prétexte d'à améliorer la prairie, de la renouveler et de rendre alibiles »
ces chaumes durs, dont, même jeunes, les zébus ne veulent pas. Un
reboisement partiel permettrait seul de reconstituer un pâturage réel
dans cette station, mais le Filao n'y vient pas et, parmi les essences
indigènes ou introduites, je ne vois que certains Terminalia qui
puissent pousser sur ces terres, sans nuire à la végétation herbacée
sous jacente.
Les prairies de la zone littorale ne sont pas étendues. Elles n'ont
donc que peu d'intérêt économique, mais elles sont intéressantes au
point de vue théorique, car ce sont les seules de l'île qui, sur un sol
profond, prennent d'emblée, sans phases intermédiaires, les caractères
que nous retrouverons ailleurs dans le dernier stade de dégradation.
Ce changement rapide de végétation, suite certaine de
l'appauvrissement du sol, est sans doute une conséquence de la nature très
perméable de ces terrains et de la grande humidité du climat. Une plante,
qui croît vigoureusement sous ombrage léger et qui est en même temps
un très bon fourrage, le Stenotaphrum complanatum, permettra
d'ailleurs d'y nourrir beaucoup plus de bétail qu'il n'y en existe
actuellement.
sur l'emplacement des forêts détruites par le feu, ou par les prairies,
qui remplacent des Savoka lorsqu'ils sont brûlés. Ces derniers
couvrent actuellement environ 6 millions d'ha. dans cette zone et les
prairies s'y étendent déjà, surtout dans le N et le S du Domaine, sur
plus de trois millions d'hectares.
La série des successions végétales et des phénomènes connexes qui
changent cette superbe forêt en une maigre prairie, peut être résumée
ainsi :
1° Climax : Forêt orientale ; futaie dense de 20 à 30 m. de hauteur ;
espèces toutes endémiques. Latérites meubles et couche humifère
superficielle. Brouillard et pluies fines continuelles pendant l'hiver.
2° Culture (Tavy) : forêt abattue et brûlée avant la fin delà
sécheresse (novembre-décembre); semis de Riz sur les cendres; récolte en
avril-mai. Disparition de la presque totalité de l'humus, brûlé par le
soleil, enlevé par les pluies, assimilé par la culture. Durée : une
année.
3° Envahissement du défrichement par des herbes annuelles,
messicoles ou rudérales. Disparition des restes d'humus;
commencement du durcissement des argiles latérites ; érosion des couches
superficielles. Durée : une année.
4° Disparition des espèces annuelles; établissement du Savoka,
c'est-à-dire, colonisation de l'emplacement par quelques arbustes
autochtones ou introduits dont les graines sont apportées par les vents ou
des oiseaux. Aucune espèce de la forêt primitive ne repousse.
Végétation dense de 3à4 m. de hauteur. Durée : dix à vingt ans, laps de
temps pendant lequel, s'il existe des prairies aux alentours, le savoka
peut être brûlé et envahi par les Graminées. Si ce fait ne se produit
pas, formation d'un peu d'humus. Dans les endroits où de petits arbres
peuvent se développer sans constituer une végétation trop dense,
établissement sous couvert d'une végétation herbacée de Stenotaphrum
et de Desmodium.
5° Seconde culture de Riz, sur savoka abattu et brûlé, bien moins
productive que la première. Erosion active pendant et après la culture.
Affleurement des argiles latéritiques dures et compactes.
Envahissement du soi par les Graminées. Pas une espèce autochtone ne
subsiste.
6° Prairie à Imper ata {Tena) : Végétation très dense; épuisement
rapide du sol. Feux espacés, mais très violents et détruisant les derniers
arbustes. Erosion active après chacun de ces feux. Durée : 5-6 ans,
temps après lequel YImperata disparaît.
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7° Prairie à Andropogon rufus (Vero). Même processus, mais
durée pouvant être bien plus longue, subordonnée d'ailleurs à la
déclivité plus ou moins grande et à la fréquence des feux.
8° Sub climax : Prairie à Aristida, stade final. Latérite dure et
compacte. Feux annuels. Saison sèche de plus en plus accentuée au
fur et à mesure que l'étendue de cette prairie s'accroît. Ce sub-climax
pourrait vraisemblablement faire retour au climax par une série
ascendante de successions analognes à celles que nous venons de
décrire, mais l'accumulation des chaumes secs très inflammables, dont
T'incendie est presque impossible à éviter, rend cette éventualité tout
à fait irréalisable.
Parmi ces successions rétrogrades, celle quia le plus de valeur en
tant que pâturage, est la prairie de Stenotaphrum qui se développe
parfois dans les Savoka, sous l'ombrage léger de certains arbustes
ou petits arbres. Pour que cette sorte de prairie puisse acquérir toute
sa valeur, il faut que l'ombrage soit léger et les arbres assez espacés.
Certaines essences secondaires à croissance rapide [Harongana
madagascariensis,Makarangas, Dombeya^ Ficus) conviennent tout
particulièrement à son établissement. Les espèces dominantes sont
surtout des Stenotaphrum (S.complanatum et S.madagascariense),
des PanicuniQl Digitaria de môme port et Desmodium incanum,
toutes plantes dont les zébus se montrent friands. Ces sortes de
pâturages sont d'ailleurs rares et de peu d'étendue et leur intérêt est
surtout de montrer qu'il serait possible, en aménageant les savoka,
d'utiliser pour l'élevage cette brousse mutile, qui couvre de si vastes
surfaces sur le versant oriental.
Parmi les « pestes végétales », Ylmperata arundinacea(ï) est une
des plus nuisibles. Grégaire et exclusive, toujours en peuplement très
dense, sans intérêt comme fourrage, elle envahit les terres les plus
fertiles et n'en disparaît que lorsque le sol est totalement épuisé. Elle
pousse surtout vigoureusement sur les cendres, sur les lisières des
savoka attaqués par les feux, y constituant une zone qui suit la
végétation arborescente au fur et à mesure de sa destruction, qu'elle rend
plus rapide par l'accumulation en ce point de ses chaumes et de ses
feuilles, aliments qui rendront plus violents et plus destructeurs les
incendies de saison sèche. Du côté externe,, c'est-à-dire sur la
périphérie de cette zone, Ylmperata, au contraire, s'étiole, disparaît et
fait place à la prairie à Vero.
(1) Tena-Manevika.
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