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Le massif forestier de Fontainebleau :

Analyse diachronique et patrimonialisation de la forêt

Le massif forestier de Fontainebleau se situe au sud-est de l’Ile-de-France, dans les


départements de Seine-et-Marne et d’Essonne, le long de la Seine et du Loing. Il s’étend sur près de
23 000 hectares, reparti en trois forêts domaniales : Fontainebleau (17 338 ha), les Trois-Pignons (3
309 ha) et la Commanderie (2 500 ha). Ce massif est connu internationalement pour sa géologie (ses
grès et ses sables), ses paysages diversifiés (platières, chaos rocheux), son écologie (classé Natura
2000 au titre de la directive oiseaux et habitats), ses activités sportives (escalade, randonnée) et son
histoire (gravures rupestres, chasses royales…).

Figure 1: Localisation du massif forestier de Fontainebleau (source : ONF, IGN Scan25 ; CAO :
S. DAVID, 2019)
Cette histoire est riche et ce massif forestier actuel ne correspond pas à un reliquat de forêt primaire,
comme cela est encore trop souvent perçu de nos jours par le grand public. Les plus anciennes traces
d’occupations humaines datent de la Préhistoire avec notamment des abris gravés (dont certains font
l’objet d’une étude plus poussée dans le cadre du PCR ARBap1 coordonné par Boris Valentin). Des
tumuli des âges des Métaux, des habitats gallo-romains ou encore des ermitages médiévaux ont
également été découverts. L’étude des archives apportent d’autres éléments sur les périodes les plus
récentes. Ainsi nous savons que la forêt de Fontainebleau appartient au domaine royal depuis le XIe
siècle (Domet, 1873, p.7) et a servi de domaine de chasse pour tous les rois et empereurs de
France jusqu’à Napoléon III. Plus récemment, de nombreuses exploitations de grès sont apparues
(l’apogée de cette activité se situe au milieu du XIXe siècle). La forêt a aussi été utilisée pour des
exercices militaires dès Napoléon jusqu’à la Seconde Guerre Mondiale (tranchées d’entraînement,
champs de tir, cibles d’entraînement aérien…).

Les forêts des Trois Pignons et de la Commanderie sont quant à elles plus jeunes. Pour la
première, les photographies aériennes du milieu du XXe siècle montrent de nombreux espaces non
boisés et pour la seconde, les images Lidar2 ont révélées la présence de crêtes de labours sur une
grande partie de sa surface. Elles ont été acquises récemment par l’Office National des Forêts (ONF) :
dans les années 1980 pour la première et dans les années 2010 pour la seconde.

L’un des objectifs du travail en cours est de proposer une première synthèse archéo-
géographique de ce secteur pour les deux derniers millénaires. En effet, depuis maintenant une
quinzaine d’années, les archéologues de l’ONF ont mené ou ont été associés à différentes recherches
sur le massif de Fontainebleau : un premier inventaire archéologique en 2008 (Gauvry et al., 2008),
des datations et analyses palynologiques de plusieurs mares tourbeuses en 2010 (Thiry et Liron, 2007
et Aoustin et Leroyer, 2010), diverses études en archives sur les carriers et les usages de la forêt (Galfo,
2010 et David et Bénaily, 2017), des sondages et recherches en archives sur l’ermitage de la Butte Saint-
Louis (David, 2017a) et une analyse des images Lidar suivie de prospections pédestres (David, 2017b
et 2018). Il faut aussi noter le travail effectué par le GERSA R (Groupe d’Études, de Recherches et
de Sauvegarde de l’Art Rupestre) sur le recensement des gravures rupestres et celui de l’Association
des Amis de la Forêt de Fontainebleau sur l’histoire récente de la forêt et ses sentiers (Herbert, 1903
et Tendron, 1983).

1
ARBap : Art rupestre préhistorique dans les chaos gréseux du Bassin parisien
2
LIDAR : Light Detection And Ranging. Outil de mesure altimétrique très précis. Embarqué à bord d’un avion,
hélicoptère ou drone, un scanner envoie des impulsions laser vers la surface survolée et enregistre la
position géographique de tous les objets qu’il rencontre (arbre, sol, bâtiments…).
Figure 2: MNT à 50 cm obtenu à partir des données Lidar (source : ONF 2017 ; IGN BDalti 2015 ; CAO : S. DAVID, 2019)

L’analyse de l’occupation de ce territoire, de l’Antiquité à nos jours, se fait à travers une


analyse diachronique afin de comprendre comment le paysage a évolué et surtout comment l’activité
anthropique l’a modelé au fil du temps. En effet, il est à présent reconnu grâce aux différentes études
réalisées en forêt, que les vestiges archéologiques sont généralement très bien conservés dans ce
milieu, car celui-ci les a protégés des labours agricoles et de l’érosion (Dardignac, 2006). Ces dix
dernières années avec le développement du Lidar aérien, l’archéologie forestière a connu une grande
évolution. Les survols Lidar se sont multipliés et nos connaissances sur le patrimoine conservé sous
nos forêts ont augmenté de manière considérable. En plus de conserver les sites archéologiques, des
traces de l’aménagement du territoire (comme le parcellaire, ou les voies) sont dans certains cas
visibles et permettent d’avoir une image homogène et assez exhaustive d’un grand territoire. De
l’image d’une forêt française très ancienne, nous nous rendons à présent compte que sous quasiment
tous nos grands massifs, il faut noter la présence de parcellaires anciens pour la plupart datés de
l’époque romaine.
Dans le cadre de ce travail, nous nous questionnons sur la forêt, son histoire, ses évolutions
et les rapports entretenus par l’Homme avec ce milieu si particulier.

Figure 3 : Carte archéologique du massif de Fontainebleau (source : ONF, IGN BDalti 2015 ; DAO : S. DAVID, 2019)
Pour mener à bien ce travail, de nombreuses sources et données sont disponibles : les images
Lidar mentionnées, les archives papiers (qui ont déjà fait l’objet de deux études), les cartes et plans
(qui ont déjà été recensés et étudiées en partie) et les données de terrain (carte archéologique,
rapport de prospections et de fouilles, datations C14, études palynologiques). Des données inédites
seront ajoutées au corpus : des prospections pédestres complémentaires et la fouille programmée
de l’ermitage de la « Butte Saint-Louis », qui permettra de mieux comprendre la fonction de ce site
et d’étudier sa localisation stratégique.

Figure 4: Ermitage Saint-Louis, Forêt de Fontainebleau (photo : S. RONSSERAY, CD77, 2019)

En définitive, l’ambition de cette thèse est, à travers l’étude diachronique de l’occupation


anthropique, de mieux comprendre l’histoire de ce massif et les changements qui l’ont affecté. La
méthode qui sera mise en place ici pour étudier un milieu forestier pourra être appliquée sur d’autres
massifs forestiers. Enfin, un autre aspect de ce travail sera sa transmission au public afin de le
sensibiliser à ces changements (évolution des paysages, des pratiques en forêt et l’ancienneté
de cette dernière).

Bibliographie :
Aoustin et Leroyer, 2010 : AOUSTIN D., LEROYER C., 2010, Diagnostic du potentiel pollinique de
quatre mares de la forêt de Fontainebleau (77), in DARDIGNAC C., La mémoire dans la Pierre,
Cartographie régressive et paléoenvironnement, Rapport ONF, 100 p.

Bray, 1957 : BRAY A., 1957, Les ermitages de la forêt de Fontainebleau, in Bulletin Monumental, tome
115, n°2, 1957, p. 97-109.

Dardignac, 2006 : DARDIGNAC C., 2006, -Des sites archéologiques en forêt, In VALEIX J. (dir.), Rendez-
vous technique, n°14, automne 2006, Fontainebleau, éditions ONF, p.19-23.
Dardignac, 2007 : DARDIGNAC C., 2007, -La prise en compte du patrimoine archéologique dans la
gestion forestière, l’exemple de l’Ile-de-France, In DUPOUEY J.-L. et al., La mémoire des forêts, actes
du colloque « Forêt, archéologie et environnement », 14-16 décembre 2004, éditions ONF, p.263-268.

David et Bénaily, 2017 ; DAVID S., BENAILY G., 2017, L’évolution des paysages d’après les sources
écrites et iconographiques, Forêts domaniales de Fontainebleau, des Trois-Pignons et de la
Commanderie (Seine-et-Marne, Essonne), rapport ONF, 138 p.

David, 2017a : DAVID S., 2017, Rapport de sondages sur le site de l’ermitage Saint-Louis, Forêt
domaniale de Fontainebleau (Seine-et-Marne), rapport ONF, 283 p.

David, 2017b : DAVID S., 2017, Rapport d’analyse de données Lidar, Forêts domaniales de la
Commanderie, de Fontainebleau et des Trois-Pignons (Seine-et-Marne, Essonne), rapport ONF, 77p.

David, 2018 : DAVID S., 2018, Rapport de prospections archéologiques sur le massif de Fontainebleau
(forêts domaniales de Fontainebleau, des Trois-Pignons et de la Commanderie), rapport ONF, 2018

David, 2019 : DAVID S., 2019, Rapport de fouilles programmées sur le site de l’ermitage Saint-Louis,
Forêt domaniale de Fontainebleau, Rapport ONF, 309p.

David, 2020 : DAVID S., 2020 ; - L’apport des données Lidar à la connaissance d’un territoire : le massif
forestier de Fontainebleau (Seine-et-Marne et Essonne), In RAIF n°11, p.295-320

Domet, 1873 : DOMET P., 1873, Histoire de la forêt de Fontainebleau, éditions Hachette et Cie, 404 p.
Gauvry, Delattre et Bénaily, 2008 : GAUVRY Y., DELATTRE B., BENAILY G., 2008, Forêt patrimoine, Volet
historique, Forêt domaniale de Fontainebleau, Rapport 2008, Rapport ONF, 98p.

Galfo, 2010 : GALFO L. (ERPHA), 2010, Étude documentaire : l’exploitation des grès en forêt de
Fontainebleau au XIXe siècle, ERPHA, juillet 2010, 301p.

Herbert, 1903 : HERBERT F., 1903, Dictionnaire Historique et Artistique de la Forêt de Fontainebleau,
Fontainebleau.

Maus et al., 2017 : MAUS D., NAUCHE M. et POLTON J.-C., La forêt de Fontainebleau, un lieu unique
au monde, 2017, éditions Sulton, Mémoires en images,, 172p.

Tendron, 1983 : TENDRON Gérard, 1983, La forêt de Fontainebleau de l’écologie à la sylviculture, ONF.
Thiry et Liron, 2007 : THIIRY M. et LIRON M.N., 2007, Datation des sédiments des mares tourbeuses
du massif de Fontainebleau, 2 volumes, ONF et Ecole des Mines de Paris.

Thiry, 2017 : THIRY M., 2017, Curiosités géologiques du Massif de Fontainebleau, éditions du BRGM,
115p.

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