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HGGSP 5 : L’ENVIRONNEMENT ENTRE EXPLOITATION ET PROTECTION, UN ENJEU PLANÉTAIRE

AXE 1 EXPLOITER, PRÉSERVER, PROTÉGER

Introduction : « La France périra faute de bois » proclame Jean-Baptiste Colbert, ministre de Louis XIV en 1660. Il craint
alors que l’une des ressources majeures du royaume ne soit menacée par une surexploitation. La forêt française est
révélatrice des enjeux entre l’Homme et son milieu. Par ses interactions, il les transforme pour mieux les exploiter,
amenant à une modification de l’environnement. Les sociétés humaines et leur environnement ont constamment
interagi, se modifiant mutuellement comme en témoignent la révolution Néolithique et l’Age Industriel.
Problématique : Comment les sociétés ont-elles progressivement pris conscience de la nécessité de concilier
exploitation et protection de leur environnement ?

I. Exploiter et protéger une « ressource naturelle » : la forêt française depuis


Colbert.

A. Une ressource à exploiter et à administrer.

Une forêt menacée (XVIIe s) : La forêt a toujours été perçue comme un espace de ressources pour les sociétés
humaines. Le bois est en effet l’une des principales matières premières dans la construction, le chauffage, la
construction navale… Dans le même temps, les terres occupées par les forêts constituent une réserve agricole
majeure, Au Moyen Age, les défrichements qui s’accélèrent au XIIe et XIIIe siècles entraînent une diminution des forêts
alors que leur exploitation engendre de nombreux conflits. Philippe le Bel met en place la première administration
forestière et en 1346, le premier code forestier fait son apparition. Avec la fin du Moyen Age et du modèle de la
seigneurie, le rapport à la forêt comme bien commun se modifie alors que l’exploitation devient intensive. Si le XIVe
siècle marqué par la Guerre de Cent Ans et la Grande Peste Noire entraîne une déprise agricole et un reboisement, les
défrichements s’accélèrent à nouveau dès le XVe siècle.
Louis XIV, Colbert et la forêt : Le bois et la forêt deviennent des ressources stratégiques pour le développement de la
marine Royale et du commerce avec les colonies. C’est dans ce contexte que Colbert met en place l’Ordonnance des
eaux et des forêts en 1669 qui doit permettre de mieux protéger les ressources en bois nécessaires aux guerres de
Louis XIV et de mieux contrôler ces espaces. Les gardes forestiers sont chargés d’entretenir les forêts royales,
d’inventorier les arbres et de les marquer en vue de leur exploitation. Cette ordonnance reflète la volonté
centralisatrice de la monarchie ainsi que ses faiblesses relatives. En effet, l’ordonnance de 1669 reste peu appliquée
et n’empêche pas un recul de la forêt en France jusqu’au XIXe s avec l’utilisation massive du charbon de bois.
Le lent reboisement au XIXe : Le siècle des Lumières et la Révolution française voient l’affirmation de l’idée de progrès
et d’exploitation de la nature nécessaire au développement. Mais, face à la surexploitation des forêts, l’État doit
assurer leur protection. En 1827, un nouveau code forestier est mis en place. Il prévoit une restriction des droits
d’usage et cherche à protéger durablement les forêts du Royaume de France. Le XIXe s est marqué par un reboisement
et la mise en place d’une administration des espaces forestiers. Alors que le charbon de bois est délaissé dans les
activités industrielles et domestiques (chauffage, cuisson), les forêts trouvent un nouveau débouché dans
l’industrialisation naissante. En 1857, Napoléon III fait voter une loi pour assainir, assécher les landes de Gascogne et
les transformer en forêt de pin afin de développer une région pauvre. Le pin est choisi car il est très utilisé pour les
traverses de chemin de fer. En Champagne, en Sologne, dans les Alpes, le Massif Central, les espaces en friche sont
reboisés.
Depuis le XIXe s, la forêt française a doublé de superficie, profitant aussi du recul de l’agriculture dans certains espaces
ruraux montagneux.

B. Les enjeux de la forêt française aujourd’hui.


Un enjeu environnemental majeur : Les forêts couvrent aujourd’hui 31 % du territoire français. Ce sont des espaces
de préservation des espèces animales et végétales majeures avec parfois des espèces endémiques Elles ont une
fonction environnementale importante car les forêts absorbent une partie importante du CO2. Chaque année, près
de 15 % des émissions de CO2 de la France sont ainsi captées par les forêts françaises. Les forêts permettent aussi de
réduire l’érosion des sols. Certains territoires sont recouverts majoritairement de forêts. C’est le cas de la Guyane dont
la forêt amazonienne couvre 98 % du territoire.
Les forêts ont aussi une fonction économique : Avec 440 000 emplois directs issus des filières bois, les forêts
permettent à certaines régions comme le Morvan de développer une filière économique dans un espace marqué par
l’exode rural et le vieillissement de la population. Le bois est principalement utilisé pour le chauffage, pour la
construction (bois d’œuvre, charpentes) et pour l’industrie (papier, carton). Mais les espaces forestiers ne sont pas
systématiquement exploités. Les trois quarts des propriétaires sont privés et un grand nombre de petits propriétaires
forestiers ne mettent pas en place de valorisation ou d’exploitation de leur forêt. L’Office National des Forêts (ONF)
administre un quart des espaces forestiers. Créée en 1964, l’ONF a pour objectifs la production de bois, la préservation
des forêts ainsi que l’accueil du public.
Un usage récréatif et de loisirs : les forêts sont les lieux privilégiés des activités de plein air, notamment pour les
populations urbaines. Ainsi, la forêt périurbaine de Fontainebleau, est considérée comme un « poumon vert » et
aménagée pour les pratiques sportives et de randonnée. Mais certains usages entraînent des conflits. C’est le cas de
la chasse qui regroupe un peu plus d’un million de personnes. Elle se pratique dans les espaces forestiers privés et
publics et permet une certaine régulation des espèces. Les chasseurs entretiennent de nombreux espaces forestiers.
Cependant, les autres usagers des forêts dénoncent une pratique dangereuse et la cohabitation pose parfois
problème.

C. La forêt, un bien commun à protéger.


Préserver et protéger les forêts : après la Seconde Guerre Mondiale, les politiques de protection de l’environnement
se mettent en place en France. En 1963, sont créés les premiers parcs naturels nationaux à l’intérieur desquels les
forêts sont protégées (Vanoise, Cévennes, Écrins). Depuis les années 2000, des parcs naturels nationaux forestiers ont
vu le jour en Guyane (2007) et en Bourgogne (2019). La tempête de 1999, le réchauffement climatique et les
sécheresses de 2018 et 2019 ont mis en évidence la nécessité d’accélérer la protection et la préservation des milieux
forestiers en France. La mortalité des arbres a ainsi augmenté de 35 % en dix ans, touchant particulièrement certaines
espèces comme les frênes, les châtaigniers, les épicéas ou les pins.
Une gestion qui soulève de nombreux débats : L’ONF témoigne des difficultés de l’État pour exploiter et protéger
son patrimoine forestier. Face à la baisse de ses ressources (vente de bois en baisse, diminution de son budget par
l’État), l’ONF a dû réduire ses effectifs et peine à remplir ses objectifs. La question de la protection de la forêt s’efface
parfois face aux enjeux économiques. C’est le cas du projet de mine de la Montagne d’Or situé dans un espace naturel
protégé de la forêt guyanaise. La protection de la forêt guyanaise entre en concurrence avec le développement de
l’orpaillage. De nombreuses associations militent pour une gestion plus écologique des espaces forestiers, luttant
contre les coupes rases. Certaines associations réclament un autre rapport à la forêt en en faisant « un bien commun »
à protéger. Des projets locaux se développent comme le projet Vercors Vie Sauvage qui vise à préserver les espaces
forestiers.

II. Le rôle des individus et des sociétés dans l’évolution des milieux.

A. La « révolution néolithique », une rupture ?

La révolution néolithique : La révolution néolithique (âge de la pierre polie) succède à la période du paléolithique. Le
Néolithique apparaît vers 12 000 ans avant notre ère. Avec la fin de la dernière grande période glaciaire et un
réchauffement climatique, les conditions sont plus favorables alors que dans le même temps certaines espèces
chassées tendent à se raréfier. La pratique de la chasse et de la cueillette décline au profit de l’agriculture qui se
développe lentement sous la forme d’élevage et de mise en culture de céréales. Si le Néolithique apparaît dans le
Croissant Fertile entre -10 000 et -9 000, on trouve d’autres lieux de développement de l’agriculture en Chine, en
Nouvelle Guinée, au Mexique, dans les Andes et en Afrique centrale.
Des impacts majeurs : Ces nouvelles pratiques agricoles ont pour conséquence la sédentarisation des populations :
des villages avec des greniers pour stocker le grain témoignent de cette transformation. Les premiers déboisements
par le feu et les haches se multiplient, transformant de manière définitive l’environnement. La possession de la terre
engendre de nouvelles organisations sociales basées sur les inégalités entre ceux qui possèdent et les autres et la
spécialisation par tâche (artisanat, agriculture). L’autre transformation profonde est la domestication des animaux. A
leur contact, les populations contractent de nouvelles maladies, transformant leur système immunitaire.
L’alimentation se transforme et intègre davantage céréales et viandes. L’aide animale permet de développer des
innovations techniques comme les puits, les terrasses ou encore le transport avec les chariots.
Le Néolithique, début de l’Anthropocène ? Avec le développement du Néolithique, la relation entre les sociétés et la
nature se transforme. Les hommes ne sont plus autant dépendants des éléments climatiques et environnementaux,
mais ils agissent et transforment leur milieu. C’est pourquoi dans les années 20 est née l’expression « révolution
néolithique ». Aujourd’hui, les archéologues parlent davantage de rupture lente, de transformation sur un temps long
plus que d’une révolution. C’est ainsi qu’est née la notion de « néolithisation ». Le modèle des sociétés néolithiques
se développe sur toute la planète et se termine à partir du IVe millénaire avant Jésus-Christ avec le développement de
l’écriture et l’organisation des premiers États dans le Croissant Fertile. Mais la temporalité du Néolithique diffère selon
les espaces et ne débute qu’au IIe millénaire dans la région du Mississippi.
B. La « révolution industrielle ».

Révolution Industrielle ou Industrialisation : La révolution industrielle naît à partir de l’utilisation de la machine à


vapeur de James Watt qui permet, en produisant une source d’énergie à partir du charbon, d’augmenter la production.
S’appuyant sur d’importantes innovations et inventions techniques, les industries se développent et permettent une
révolution dans le domaine des transports illustrée par le développement du chemin de fer. C’est ce qu’on appelle la
révolution industrielle. Nécessitant une forte main d’œuvre, les usines poussent à la croissance urbaine. Les paysages
urbains se transforment tandis que les campagnes connaissent un début d’exode rural. Les paysages caractéristiques
de l’industrialisation sont les quartiers ouvriers et les usines des cités industrielles comme Manchester. Le phénomène
d’industrialisation se diffuse par cycles et de manière incomplète. On ne peut donc pas parler de « révolution
industrielle » mais davantage de série d’industrialisations ou d’Age industriel.
Une très forte détérioration des milieux : Le développement d’activités industrielles se fait à partir de matières
premières comme le bois, le charbon, les métaux, le pétrole. L’ensemble de ces ressources sont massivement
exploitées. Les mines deviennent le symbole de la destruction des milieux. La diffusion de l’industrialisation et
l’exploitation des ressources et des matières premières accélèrent le phénomène de mondialisation qui devient
majeur après la Seconde Guerre Mondiale. Le développement industriel est alors perçu comme le principal outil de
lutte contre la pauvreté, même si le modèle économique capitaliste pousse aux inégalités et à l’exploitation intensive
des milieux qui se détériorent rapidement. La révolution industrielle est souvent prise comme point de départ de
l’Anthropocène, période durant laquelle les activités humaines ont de fortes répercussions sur les écosystèmes de la
planète et les transforme à tous les niveaux.
Une très lente prise de conscience : Face aux nuages de fumées, les politiques hygiénistes se développent dès le XIXe
siècle dans les grandes villes, à l’image des travaux du Baron Haussmann dans le Paris du Second Empire, qui cherche
à aérer, embellir et unifier la capitale. Des espaces verts sont créés pour faire respirer les villes (ceinture verte autour
de Londres, Bois de Vincennes et de Boulogne à Paris). Le développement de l’industrie reste pour les pouvoirs publics
un enjeu majeur et la question environnementale est souvent anecdotique. Le XXe siècle est considéré comme le siècle
du pétrole. Le développement de la voiture individuelle devient le symbole de l’industrialisation et des problèmes
posés par cette révolution comme la pollution atmosphérique. Une lente prise de conscience se produit après la
Seconde Guerre Mondiale, notamment dans les années 60 avec le rejet du modèle de la société de consommation.
Conclusion :
Dès l’organisation des premières sociétés humaines, la question du rapport et des interactions entre ces sociétés et
leur environnement est centrale. En mettant en place des systèmes de production agricole et en se sédentarisant, les
premières sociétés néolithiques ont inversé le rapport de force entre Homme et environnement et ont
progressivement transformé leur milieu de manière irréversible, entraînant déjà les premières dégradations (érosion
des sols). La gestion des ressources considérées comme naturelles deviennent alors majeures pour les sociétés, à
l’image de la forêt française dont la gestion a été organisée et structurée par l’état. Mais c’est sans conteste
l’industrialisation du XVIIIe s qui provoque une rupture durable dans les relations entre les sociétés et leur
environnement, aboutissant à la surexploitation et à la destruction d’environnements et installant durablement ce
que certains scientifiques qualifie comme l’Anthropocène.

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