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HGGSP 5 : L’ENVIRONNEMENT ENTRE EXPLOITATION ET PROTECTION,

UN ENJEU PLANÉTAIRE
OTC : LES ÉTATS-UNIS ET LA QUESTION ENVIRONNEMENTALE : TENSIONS ET CONTRASTES

Introduction : Lorsqu’en 2017 Donald Trump annonce le retrait des États-Unis des accords de Paris (COP 21), la
communauté internationale découvre les ambiguïtés et les oppositions qui traversent la société des États-Unis,
première puissance économique mondiale et pays qui fut longtemps à la pointe de la question environnementale.
Dans ce pays immense, la conquête et l’exploitation du territoire sont à la base du mode de vie construit par les colons
et illustré par la conquête de l’Ouest. Conquérir, exploiter et en même temps protéger les espaces sauvages
deviennent dès lors une priorité pour les différents acteurs de la société américaine.
Problématique : Comment la question environnementale illustre-t-elle à la fois les mythes naturalistes, les
tensions et les contrastes de la société américaine ?

I. Un territoire à conquérir et exploiter.

A. La conquête de l’Ouest, mythe fondateur.

Des comptoirs aux États-Unis : lorsque les colons britanniques débarquent en Virginie au XVIIe siècle, ils trouvent
face à eux un territoire marqué par la forêt et la présence de populations amérindiennes. Il s’agit alors de dompter la
nature et les populations « sauvages ». Durant le XVIIIe siècle, les territoires conquis sont défrichés, l’agriculture se
développe. La chasse et le commerce de peaux de castors participent à l’essor des colonies. En 1783, les populations
américaines obtiennent leur indépendance et poussent leur conquête territoriale vers l’Ouest en chassant les
Amérindiens au-delà des Appalaches. L’achat des territoires américains appartenant à la France, regroupés sous le
nom de Louisiane constitue un tournant pour les États-Unis qui se tournent vers l’intérieur du continent.
La ruée vers l’or et la conquête de l’Ouest : au XIXe siècle, la nation américaine se construit sur la notion de frontier,
définie comme « une région aux confins du monde civilisé ». C’est dans ce but que s’opère la conquête de l’Ouest
durant laquelle les populations venues de la côte Est et d’Europe partent à l’assaut du centre et de l’ouest du territoire
américain. C’est dans ce cadre que peut se comprendre la notion de « destinée manifeste ». Il s’agit d’une théorie qui
apparaît au milieu du XIXe s selon laquelle les États-Unis auraient une mission divine : apporter le progrès, la
démocratie sur l’ensemble du continent américain et dans le monde. En 1848, la découverte en Californie de
gisements d’or pousse pendant une dizaine d’années des centaines de milliers de personnes dans une ruée vers l’or
qui transforme profondément la Californie. Si les gisements s’épuisent rapidement, le mythe du territoire aux
ressources infinies se renforce.

B. Exploiter des ressources illimitées.


Des ressources considérées comme illimitées : le territoire des États-Unis offre des ressources importantes dans
l’agriculture, les cours d’eau navigables. Mais la première ressource exploitée est le bois que l’on trouve en abondance.
Au XIXe s, les débuts de l’exploitation de gisements de pétrole (1855), du charbon (1860) et des nombreuses autres
ressources naturelles donnent aux Américains l’illusion d’un territoire aux ressources illimitées. Le bison est chassé
abondamment pour sa viande, pour sa peau. Il s’agit aussi de priver les Amérindiens d’une ressource majeure. En un
siècle, les troupeaux de bisons passent de plusieurs centaines de millions de têtes à moins de mille au début du XXe s.
Les premières atteintes environnementales : La conquête de l’Ouest aboutit dès le XIXe à de graves atteintes
environnementales : destruction des bisons, paysages défigurés par les exploitations minières qui se multiplient,
espaces découpés par le passage du chemin de fer. La principale atteinte à l’environnement est la déforestation
massive qui touche les États-Unis. En 1900, 90 % de la surface forestière a disparu (80/ 800 millions d’hectares).
L’exploitation des gisements de pétrole en Pennsylvanie dans la deuxième moitié du XIXe siècle accentue la pression
humaine sur les espaces naturels.

C. De la wilderness à la conscience écologique.


Qu’est-ce que la wilderness ? La wilderness, que l’on peut traduire par nature sauvage ou sauvageté, est un concept
religieux qui oppose l’individu solitaire aux paysages grandioses, aux espaces des bêtes sauvages. Ce concept est
popularisé par les écrivains Henry David Thoreau et John Muir. Ce dernier parcourt les montagnes de la Sierra Nevada
pendant de longues années. Pour certains historiens comme Frederick Turner, la wilderness correspond aux valeurs
fondatrices de la nation américaine : lutter courageusement contre la nature, en tirer sa richesse, son indépendance.
Une prise de conscience environnementale précoce : Face aux atteintes environnementales précoces et accélérées,
la conscience écologique touche rapidement les populations urbaines des États-Unis. Dès le début du XIXe siècle, un
mouvement se met en place pour préserver la nature sauvage de toute influence humaine alors que l’industrialisation
s’accélère. En 1864, le premier parc naturel est créé en Californie à Yosemite. En 1872, le premier parc national au
monde est créé à Yellowstone par le congrès américain. Sous l’impulsion de John Muir et de son organisation
environnementale Sierra club, sa vision de la préservation de la wilderness s’impose. Cette sanctuarisation de
l’environnement se fait au détriment des populations amérindiennes chassées des territoires protégés.

II. Une politique de protection de l’environnement ancienne.

A. Un état pionnier dans la protection de la Nature.

L’action de Theodore Roosevelt : Théodore Roosevelt est président entre 1901 et 1909. Influencé par Muir et Gifford
Pinchot, ingénieur forestier américain, il lance une grande politique nationale de protection de la nature pour lutter
contre l’industrialisation croissante du territoire des États-Unis. Roosevelt est à l’origine de la création de cinq parcs
nationaux et 51 réserves ornithologiques. Il cherche aussi à protéger les forêts par la création du National Forest
Service en 1905 qui crée des forêts protégées par un statut fédéral. La gestion de l’eau est aussi confiée à une agence
fédérale, le Reclamation Service. Après Roosevelt, la politique de protection de la nature se poursuit avec la création
du National Park Service, le NPS en 1916 qui gère les parcs naturels nationaux. Le NPS a pour mission de préserver les
espaces tout en permettant l’accueil du public. Un véritable tourisme des parcs naturels se développe aux États-Unis
au début du XXe s.
Le Dust Bowl la région des Grandes Plaines située au cœur des États-Unis est entre les mains des populations
amérindiennes au XIXe siècle. Le Dawes Act de 1887 aboutit à leur expropriation croissante. Les nouveaux territoires
sont alors confiés aux colons qui développent une mise en culture de ces espaces semi-arides. Dans les années 1930,
la dégradation des prairies converties en champs céréaliers a entraîné des « tempêtes de poussière » dans une vaste
zone surnommée le dust bowl, à cheval sur le Kansas, l’Oklahoma, le Texas et le Colorado. Des vents violents ont ainsi
emporté le substrat que les labours et la sécheresse avaient rendu friable. Cette première grande catastrophe
environnementale aboutit à l’émigration de nombreuses familles ruinées vers l’ouest et notamment la Californie. Le
président Roosevelt lance une politique d’aménagements des cours d’eau et de construction de barrages hydro-
électriques dans le cadre du New Deal.

B. Une politique environnementale de référence.

La naissance de l’environnementalisme : Après la Seconde Guerre Mondiale, les États-Unis sont à nouveau frappés
par des crises environnementales et des pollutions majeures. La biologiste Rachel Carson se lance dans un combat
contre l’usage intensif de pesticides. En 1962, elle écrit un ouvrage, Silent Spring, pour alerter la population sur la
pollution environnementale. En 1969, une rivière de Cleveland totalement polluée par les rejets toxiques des usines
s’enflamme alors que la Californie est touchée par une marée noire. L’année suivante, une grande journée de la terre
est organisée. Le 22 avril 1970, près de 20 millions d’Américains manifestent lors du Earth Day pour la préservation de
l’environnement. L’environnementalisme est né. Il s’agit d’une politique de lutte militante pour protéger la nature.
La construction contestée d’un arsenal législatif : En 1970, Nixon crée l’agence fédérale pour la protection de
l’environnement (EPA) qui met en place un arsenal législatif complet pour la protection de l’environnement : l’EPA
met en place des lois sur la qualité de l’air (Clean Air Act 1970), sur la qualité de l’eau, sur la protection du littoral ou
bien encore contre l’usage des pesticides. Mais dans le même temps cette politique de protection environnementale
est remise en cause :
- Par le mode de vie américain, the American Way of Life, dont les principes majeurs sont une consommation
marquée par le gaspillage, la forte consommation énergétique.
- Par les grands groupes industriels qui financent des lobbies chargés de lutter contre les politiques
environnementales et d’influencer le pouvoir politique. Dans les années 80, sous les mandats de Ronald
Reagan, un net recul de la politique environnementale se dessine.

Le climatoscepticisme se structure autour des grandes compagnies pétrolières qui obtiennent le retrait des États-Unis
du protocole de Kyoto (COP 3) sur la réduction des émissions de GES.

III. Les États-Unis et la question environnementale.

A. Une attitude ambigüe à l’échelle internationale.


Un désengagement de l’État fédéral : les États-Unis sont la première puissance économique mondiale. Ils ont un
impact majeur sur l’environnement au niveau planétaire. À eux seuls, ils émettent 15 % des gaz à effet de serre et
consomment 20 % de l’énergie mondiale. Leur rôle moteur dans les enjeux liés aux changements climatiques leur
donne une place particulière alors le pays éprouve de réelles difficultés à changer son mode de vie et de consommation
en profondeur. Ces difficultés s’illustrent par les attitudes ambiguës des États-Unis sur la scène internationale. Les
différents présidents adoptent une attitude méfiante à l’égard d’une gouvernance mondiale. George Bush retire les
États-Unis des accords de Kyoto en 2005 et Donald Trump des accords de Paris (COP-21) en 2017. La victoire de Trump,
c’est la victoire du climatoscepticisme, une attitude de rejet des théories scientifiques sur le changement climatique,
en partie au nom des convictions religieuses (Destinée Manifeste) ou des intérêts économiques. Le budget de l’agence
fédérale sur l’environnement est en baisse continue depuis les années 80. La victoire de Joe Biden et le retour des
États-Unis dans les accords de Paris ne peuvent masquer les fortes tensions qui traversent la société américaine autour
de la question environnementale.
Les FTN, adeptes du greenwashing ? Le modèle économique libéral mis en place par les FTN américaine, celui de la
production globalisée à l’échelle mondiale, aboutit à un accroissement du transport et donc des émissions de GES. La
pratique du dumping environnemental qui consiste à contourner les législations de protection de l’environnement en
installant la production dans un pays où les lois sont peu contraignantes, s’est aussi généralisée. Ainsi, les grands
groupes automobiles comme GMC, Ford ont profité de la mise en place de l’espace de libre-échange nord-américain
pour installer leur production au Mexique. Mais dans le même temps, un puissant mouvement citoyen s’est mis en
place pour obliger les entreprises à adopter des pratiques plus respectueuses des questions environnementales.
L’entreprise Nike a été obligé de revoir ses pratiques de production (travail des enfants) après les campagnes de
boycott. Certaines entreprises comme Wal-Mart développent une véritable politique de protection de
l’environnement. Malgré tout, pour la grande majorité des FTN, la question environnementale se limite au
Greenwashing, c’est-à-dire à un usage marketing des questions environnementales sans changer fondamentalement
l’impact des FTN.

B. Tensions et complémentarités des différents acteurs.


État fédéral Vs États fédérés et villes : La caractéristique fédérale de la constitution des États-Unis permet aux états
fédérés de devenir de véritables contre-pouvoir à la politique environnementale du gouvernement fédéral. Ainsi, si le
budget de l’EPA est en baisse, celui des états fédérés consacré à l’environnement ne cesse de croître. En 2017, lorsque
Donald Trump annonce le retrait des États-Unis des accords de Paris, de nombreux états décident d’appliquer eux-
mêmes ces accords. Certains états vont même plus loin. C’est le cas de la Californie qui vise la neutralité carbone d’ici
2045. Certaines villes développent des politiques environnementales très innovantes. Le modèle aux États-Unis est
celui de San Francisco qui a atteint en 2020 son principal objectif, être la première ville zéro déchet au monde. La ville
de Pittsburgh, grande ville industrielle touchée par la désindustrialisation, s’est lancée dans une révolution : ne plus
dépendre des énergies fossiles d’ici 2035.
Lobbies et ONG Dans la capitale fédérale de Washington, une véritable lutte souterraine oppose les lobbies et les
ONG. Le poids important des états producteurs de pétrole comme le Texas et les lobbyistes des FTN des compagnies
pétrolières, des compagnies minières limitent les prises de décision. De leur côté, les ONG environnementalistes
multiplient les actions en justice pour forcer le gouvernement fédéral à mener une politique de protection de
l’environnement. En 2006, c’est l’agence fédérale américaine de protection de l’environnement (EPA) qui était
poursuivie pour ne pas limiter les rejets de CO2 et en 2019, l’ONG Earthjustice a assigné en justice l’administration
Trump pour avoir assoupli une loi sur la protection des espèces menacées (notamment de l’aigle pygargue à tête
blanche symbole des États-Unis). Les très nombreuses manifestations en faveur de la question environnementale
montrent que le sujet préoccupe une partie importante de la société civile américaine.

Conclusion :
Les États-Unis se sont donc bâtis dans une relation complexe avec la Nature, à la fois ressource surexploitée et mythe
à protéger symbolisé par les concepts de Wilderness et de Frontier. Si après la Seconde Guerre Mondiale, les États-
Unis se dotent d’un arsenal législatif qui les place en tête des pays dans la politique de protection environnementale,
la remise en cause nécessaire du mode de vie américain pour lutter contre le changement climatique a déchiré la
société américaine entre climatoscepticisme et transition écologique innovante. Comme sur de nombreux autres
plans, les États-Unis apparaissent donc comme un pays profondément divisé.

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