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CHAPITRE 3

Les Etats-Unis et la question environnementale  : tensions et contraste


Les Etats-Unis ont une relation ambigüe avec l’environnement. D’un côté, ils se
voient comme une nation pionnière dans la préservation de la Nature. De l’autre côté, les
USA passent outre le principe de précaution en utilisant la fragmentation hydraulique pour
exploiter le pétrole de schiste.
Aux USA, la question environnementale se pose de manière complexe.
L’environnement est un système complexe d’interactions physiques, chimiques et
biologiques auxquels participent une société. Ce système est le fruit d’un processus
historique. En effet, les Américains ont mis progressivement en valeur leur territoire par la
conquête de l’Ouest à partir du XIXème siècle. (Indépendance USA = 1783) Cette histoire
explique que les USA cherchent à maitriser l’espace sauvage. L’environnement américain
s’explique également par la politique. Les USA se construisent à deux niveaux : local (Etats
fédérés) et national (Etat Fédéral). L’environnement aux USA est également le résultat d’une
approche économique. En effet, le territoire américain regorge de ressources qui sont vues
comme illimitées. L’environnement est donc un objet de tensions, c’est-à-dire
d’affrontement entre des logiques différentes. C’est aussi un objet de contraste car
l’immensité géographique repousse toute uniformité.
En quoi la conception américaine de l’environnement, qui oscille entre
sanctuarisation et exploitation débridée débouche sur des politiques environnementales
ambivalentes ?

I. L’environnement aux Etats-Unis : ente protection de la nature, exploitation


des ressources et transformation des milieux depuis le XIXème siècle  ; les rôles
respectifs de l’Etat Fédéral et des Etats fédérés.
A. Le mythe de la frontière, fondateur d’un rapport singulier à la nature entre
Wilderness et exploitation économique.
L’un des mythes fondateurs de la nation américaine de la nation américaine
est directement lié à la nature. Il s’agit du mythe de la Frontière. Dans l’imaginaire
américain, la Frontière signifie la limite au-delà de laquelle se trouve un espace à
mettre en valeur. La Frontière illustre la foi des Américains en l’avenir, dans le
progrès et dans un espace inépuisable. Elle symbolise la limite entre le sauvage et
le civilisé. Le slogan « Go West, young man ! » résume cet idéal de la Frontière qui
associe fascination pour les grands espaces, exploitation économique et maitrise
du territoire. La conquête de l’Ouest a permis aux USA de construire un véritable
empire continental, source de richesses.
La mise en valeur du territoire permet de développer des activités
économiques lucratives (élevage, céréaliculture, chasse, exploitation
hydroélectrique, exploitation pétrolière et excavation minière). A côté de cette
logique d’exploitation, apparait le premier courant environnementaliste centré
autour de l’idée de wilderness  : c’est la nature sauvage et inhabitée. Cette idée de
préservation de la nature sauvage nait sur la côte Est au sein des élites blanches.
Se développe ainsi, le mouvement préservationniste qui milite pour la mise en
place de Parcs Nationaux. En 1872, l’Etat Fédéral crée le Parc de Yellowstone. En
1905 est créé un service des Forêts. Deux personnalités défendent la préservation
de l’environnement : Theodore Roosevelt et John Muir (biologiste). Au niveau
fédéré, les Etats peuvent créer leurs propres Parcs Nationaux. Par exemple, en
1892, l’Etat de New-York crée le Parc des Adirondacks.
A côté de ces conceptions protectionnistes, les Américains ont une approche
très utilitariste et donc destructrice de l’environnement. Cela consiste à exploiter
massivement des ressources afin de satisfaire des besoins énergétiques. Le
territoire américain réunit l’ensemble des énergies primaires : énergies
fossiles (pétrole, gaz, charbon) ; énergie nucléaire (uranium) ; énergies
renouvelables (géothermie, hydraulique, éolienne, solaire). Concilier impératifs
économiques et écologiques est très difficile. Ex : découvert au XXème, le littoral
californien se couvre de puits de pétrole. A partir des années 1920, l’exploitation
pétrolière s’intensifie et les plages se dégradent. Après la 2GM, le gisement
pétrolier s’épuise et des plages artificielles sont créées en amenant du sable des
fonds marins. Les aménagements touristiques apparaissent.

B. Washington D.C. et les Etats fédérés  : convergences et divergences sur les


questions environnementales.
Le système politique et géographique américain est dual, il s’articule entre
Etat fédéral et Etats fédérés. Chaque Etat dispose de sa propre Constitution dont
tous les articles sont conformes à la Constitution Nationale (1787). Certains
pouvoirs sont du domaine de l’Etat fédéral, d’autres sont du domaine des Etats
fédérés.
Explications : (pas forcément à savoir)

Etat Fédéral Etats Fédérés


- Battre la monnaie - Santé
- Services postaux - Sécurité
- Diplomate - Droit civil
- Commerce international - Commerce interne
(Droits de douane)
- Défense (1 armée pour USA)
L’Etat fédéral a une importance géographique très grande : il possède 30% du
territoire américain. Cela concerne des zones peu peuplées et sauvages (Alaska).
L’Etat fédéral y touche des loyers lorsque ces terres sont exploitées
économiquement. L’environnement est géré sous une double casquette à la fois
fédérale et fédérée. Depuis les années 1970, l’Etat fédéral joue un rôle régulateur
en matière d’environnement. La politique des années 1910 : création du service
des Parcs Nationaux qui se poursuit en 1970 avec la création de l’EPA (Agence de
Protection de l’Environnement). Cette agence fixe des normes en termes de
pollution de l’air, d’émissions de gaz ou de protection des espèces. Cette agence
peut poursuivre les pollueurs et elle participe à la rédaction des lois
environnementales. Ex : clean water act 1972.
A l’échelon inférieur, les Etats fédérés ainsi que certaines villes peuvent
mettre en œuvre des politiques environnementales.
Exemple : la Californie
- 2006 : lancement transition verte et limitation des GES
- 2016 : réduction de 30% des GES par rapport à 1990
- Production de l’électricité complètement verte d’ici 2045
Les Etats fédérés peuvent fixer des normes en termes de pollution venant des
voitures individuelles.
Avec la Présidence Trump, certains Etats fédérés ont voulu contester la
politique de Washington en créant l’US climate alliance (alliance des Etats fédérés
pour le climat) ex : Hawaï (même politique Californie), Massachussetts, Maine.
Il existe une tradition de coopération en matière environnementale entre
Etats fédérés. Par exemple, le fleuve Colorado est géré entre 7 Etats fédérés
(Colorado, Wyoming, Utah, Nouveau Mexique, Arizona, Nevada, Californie). Ces
Etats sont réunis au sein du CRC (Colorado River Compact) depuis 1922 pour
arbitrer la gestion de la ressource en eau. En effet, 35 millions d’habitants
dépendent du Colorado pour des usages agricoles, industriels, domestiques et
énergétiques. Il faut donc arbitrer entre les Etats situés en amont et ceux situés en
aval. Il y a conflit entre territoires ruraux et métropole.
Cependant, les ressources financières des Etats fédérés sont très nettement
limitées. Ils ne peuvent mettre en place de vastes programmes environnementaux
comme pourrait le faire l’Etat fédéral. Parfois, les relations peuvent être
houleuses. Par exemple : en 2016, un groupe d’extrémiste chasseurs occupe le
Parc National de l’Oregon exigeant que les terres fédérales soient rendues à l’Etat
fédéré.

C. Faire face au changement climatique  : la lente adaptation des Etats-Unis à des


contraintes environnementales amplifiées
La situation géographique des Etats-Unis explique leur forte exposition aux
aléas naturels. Les Américains sont donc vulnérables aux catastrophes naturelles.
Ex : le sud-est des EU est situé en zone intertropicale (zone soumise aux ouragans)
A l’ouest, le pays est bordé par la ceinture de feu du Pacifique qui correspond
à des failles tectoniques à l’origine de séismes et d’éruptions volcaniques.
Dans le Midwest, la descente de masses d’air froid provoque des blizzards et
de tempêtes de neiges extrêmes.
La vulnérabilité des EU est d’autant + forte que les phénomènes climatiques
intenses se renforcent. La société américaine affronte une hostilité croissante de
la part de la nature. Les dégâts sont de + en + importants et les coûts de + en +
élevés. L’exemple des incendies montre les difficultés qu’on les EU à faire face à ce
type de catastrophe. En 2017, l’Ouest a connu 71 500 incendies qui s’étendent sur
40 000km2 (=Pays-Bas). Les incendies ont une durée de 5 mois minimum et de 7
mois maximum. La baisse des précipitations, les périodes de sécheresse rendent
les forêts + sèches et donc + susceptibles de brûler. L’Ouest est pris dans une
spirale infernale car l’extension des incendies s’explique par l’invasion d’un
coléoptère : le dendroctone (mange le bois). Cet insecte peut tuer jusqu’à 100 000
arbres/j, ils laissent donc des forêts entières mortes et saturées de résine qui
deviennent des bombes incendiaires. Pour lutter contre ce phénomène, l’industrie
du bois augmente les coupes => conséquences : les forêts américaines connaissent
une triple peine : invasion, abattage + changement clim.
Pour le géopolitiste Jean-Michel Valentin, les EU sont en état d’hypersiège.
Cela signifie que les dérèglements climatiques provoquent une perturbation du
mode de vie et des activités économiques américaines. La crise de l’eau, la crise de
la biodiversité rendent vulnérables les EU.

II. Les Etats-Unis et l’environnement à l’échelle internationale (Etat, firmes


transnationales, ONG…)
A. Une absence de leadership mondial étatsunien dans le domaine de
l’environnement
Les USA se considèrent comme une nation inspirante pour les autres (ex :
faire en sorte que le M-O soit une zone démocratique). Ce sont les champions de
la démocratie et des valeurs libérales. Néanmoins dans le domaine climatique, les
USA ont une position timorée (contrastée, ambivalente). Depuis les années 1990,
les USA ne se sont pas montrés pressés de prendre la tête de la lutte contre le
dérèglement climatique.
Ex : - 1997 : ils ne ratifient (ratification = Parlement) pas le protocole de Kyoto
- 2019 : ils se retirent des Accords de Paris

Cette situation pose la question du respect des accords internationaux et des


règles multilatéralistes que les Américains ont contribué à forger.

Cette ambiguïté de la politique étrangère américaine s’explique par 3 raisons :

 Les USA sont persuadés d’être une nation unique et exceptionnelle au


territoire illimité en ressources donc ils peuvent passer outre les règles
internationales : on parle d’exemptionnisme (s’exempte de respecter
règles).
 Les administrations américaines peinent à lutter contre les énergies
fossiles (charbon, pétrole, gaz) pour des raisons électorales. Le secteur
des hydrocarbures a un poids politique considérable aux USA. Il est
créateur d’emploi et de développement économique. De plus, les firmes
pétrolières font du lobbying en soutenant des candidats aux élections.
 La vie politique américaine connait une alternance tous les 4 ans. Cela
empêche un engagement international dans la durée.
(ex : 2015 signature Accords Paris, 2019 ils sortent, 2021 ils reviennent)
Il ne faut pas opposer démocrates (gauche) et républicains (droite). Les
démocrates ont autorisé en 2012, l’exploitation des hydrocarbures de
schiste au Dakota du Nord.
Néanmoins, l’intérêt des USA sur les questions environnementales est réel
mais il ne se situe pas au niveau fédéral, il se situe à une échelle infra. Par
exemple, les universités américaines développent des programmes d’études
environnementaux (Yale, Harvard, Stanford/Berkeley, Columbia, Princeton,
Dartmouth).
Les USA ont tendance à privilégier le bilatéralisme pour les affaires
environnementales. Ex : en 1922, les USA et le Canada créent la Commission Mixte
Internationale (CMI). Cet organe permet de gérer la ressource en eau pour les
rivières transfrontalières. Etats-Unis et Canada partagent 13 cours d’eau : Alaska,
la Rivière rouge, la Columbia. La CMI gère les projets d’infrastructures
hydrauliques et la protection des espèces.
Pour négocier avec la Chine, les USA utilisent également le canal bilatéral. En
2014, les 2 Etats parviennent à un accord : réduire d’1/3 les GES d’ici 2025.

B. Les Etats-désunis face à la question climatique


Les questions environnementales connaissent une dichotomie (opposition)
entre le niveau fédéral et le niveau fédéré. Traditionnellement, c’est l’Etat
fédéral qui intervient pour les questions de politique internationale. Cependant,
certains Etats ou métropoles sont légitimes pour parler des questions
environnementales. Par exemple, la Californie dont le PIB est le 7 ème au monde
est légitime pour aborder les questions de pollution. C’est ainsi que cet Etat a
pris la tête de l’US Climate Alliance qui réunit 25 Etats fédérés. Cette association
est une vitrine internationale pour montrer que les Etats fédérés ne s’alignent
pas sur Washington en matière environnementale. C’est également un moyen de
verdir l’image des Etats-Unis.
D’autres acteurs américains ont un rayonnement international, c’est le cas
d’Organisation Non-Gouvernementale (ONG). C’est une institution privée sans
but lucratif et ayant pour but de défendre une cause dans un domaine particulier
(droits de l’Homme, secours humanitaire, préservation de la biodiversité). Les
ONG font connaitre leurs causes par des campagnes publicitaires et par des
actions « coup de poing ». C’est le cas de Sea Shepherd (Berger des mers), créée
en 1977 dont le siège est dans l’Etat de Washington et qui possède 17 bureaux
aux USA et au Canada. Sa mission est la protection des écosystème marins. Cette
ONG dispose d’une flotte lui permettant de mener des actions contre des navires
pratiquant la pêche illégale. L’action d’ONG américaines vient nuancer l’idée que
les USA seraient les ennemis de la cause environnementale.

C. Vers une alliance du capitalisme étatsunien et de la cause écologiste  ?


Le développement de l’économie verte est une opportunité pour le secteur
industriel américain. Les USA sont le 3ème investisseur mondial dans les énergies
« propres » : 1 600 FTN américaines sont engagées dans cette économie. Ces FTN
sont tenus, elles doivent publier des bilans environnementaux.
Néanmoins, plusieurs critiques sont possibles :
- Greenwashing, c’est-à-dire que les FTN américaines ne sont converties
qu’en surface à l’économie verte. C’est un argument commercial et non
une stratégie de développement.
- Les firmes américaines procèdent à une optimisation environnementale.
Elles implantent une partie de leurs centres de production dans des pays
où les normes environnementales ne sont pas contraignantes. Par
exemple, Tesla produit une grande partie de ses batteries au lithium
(dont production = très polluante) au Japon. L’empreinte carbone des
batteries ne rentre pas dans le bilan environnemental de Tesla.

D. Le dérèglement climatique est hostile à la puissance américaine.


La puissance américaine s’appuie en grande partie sur un réseau mondial de
bases navales, ainsi que sur des flottes. La marine américaine assure ainsi des
missions de police maritime et de lutte contre la piraterie. Or, le dérèglement
climatique met en péril les infrastructures militaires et donc les missions de l’US
Navy. Par exemple, la base de Norfolk en Virginie est menacée par la montée des
eaux. Cette base assure la maintenance des portes avions et elle inondée dix fois
par an lors de tempêtes océaniques. Le fonctionnement de cette base est donc
perturbé. C’est le cas également de la base de Pearl Harbor à Hawaï ou de celle de
Guam. La Marine américaine est donc contrainte de s’adapter au dérèglement
climatique afin de rester réactive.

 CONCLUSION :
Les politiques environnementales américaines sont nettement ambivalentes. Elles le sont
pour trois raisons :
- Elles sont contradictoires politiquement en raison des tensions entre Etat fédéral et
Etats fédérés, entre démocrates et républicains.
- Ces politiques sont ambivalentes idéologiquement. En effet, le leader du monde libre
assiégé par le changement climatique fait valoir son exceptionnalité pour échapper à
toutes normes environnementales mondiales.
- Ces politiques environnementales sont contradictoires historiquement : les USA
pensent échapper au cours de l’histoire marqué par le dérèglement climatique.

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