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La place de

l’hydromorphologie dans
l’atteinte du « bon état »

AUDUIT Charlotte
Juillet 2013
En partenariat avec des organismes d’enseignement supérieur, l’OIEau propose des états
de l’art synthétiques sur différents sujets liés à l’eau. Ces synthèses sont rédigées par des
élèves dans le cadre de leur cursus de formation.

Cette synthèse documentaire « La place de l’hydromorphologie dans l’atteinte du « bon


état »» a été effectuée par Charlotte AUDUIT , élève post-master (bac+6/7)
d’AgroParisTech-ENGREF en voie d’approfondissement et mastère spécialisé « Gestion de
l’eau » à Montpellier.

Le contenu de ce document n'engage la responsabilité que de son auteur, il ne reflète pas


nécessairement les opinions ou la politique de l’OIEau.

Toute utilisation, diffusion, citation ou reproduction, en totalité ou en partie, de ce document ne peut se


faire sans la mention expresse du rédacteur, de l’Etablissement d’origine et de l’OIEau.
 

                                                               

   

SYNTHESE TECHNIQUE
 

La place de l’hydromorphologie dans l’atteinte du « bon état »


 
 

 
Auduit Charlotte
  cauduit@gmail.com

 
Juillet 2013
 

 
RESUME

De tout temps, l'homme a cherché à domestiquer les cours d'eau pour favoriser et sécuriser le développement de
ses activités (navigation, irrigation, alimentation en eau potable...). Ceci a donné lieu à d'importants travaux de
génie civil visant à corriger le lit mineur (recalibrage notamment) et lutter contre les inondations. Ces
aménagements ont été faits sans considération écologique et ont eu pour effet le dérèglement du fonctionnement
naturel des cours d'eau et l'altération des écosystèmes associés. La modification des caractéristiques dynamiques
et morphologiques des cours d'eau a notamment conduit à la dégradation des habitats naturels. Ces
dysfonctionnements sont une source de pression environnementale et socio-économique, du fait des coûts
d'intervention publics qu'elles engendrent pour “dé-corriger” les effets de l’anthropisation. Afin de rétablir le
fonctionnement naturel des cours d'eau, l'hydromorphologie apparaît comme un levier majeur. Identifiée comme
composante du bon état écologique par la Directive Cadre Européenne sur l’Eau (DCE), elle apparaît également
comme un enjeu pour le respect de la réglementation. L'atteinte du bon état en 2015 fixé par la DCE incite les
États membres à rendre compte de résultats (Reporting). Pour l'hydromorphologie, se pose le problème de l'état
de référence pour évaluer les dégradations d'une part, les marges d'amélioration et la pérennisation des
aménagements d'autre part. Sur quoi se base-t-on pour restaurer un cours d'eau dont la pression anthropique est
importante et ce, depuis de nombreuses années ? Des outils se mettent en place pour évaluer les pressions et la
faisabilité économique des interventions. Reste cependant à déterminer si les travaux de restauration auront un
impact positif sur le milieu, dans les délais requis. Le cas français du Schéma directeur d'aménagement et de
gestion des eaux du bassin Rhône-Méditerranée et la déclinaison des enjeux en matière l'hydromorphologie dans
son programme de mesures seront spécifiquement traités.

Mots-clefs:
Directive Cadre Européenne sur l'Eau (DCE) - réglementation - hydromorphologie - écosystème - restauration -
altération - cours d'eau - analyses coûts-bénéfices - hydroélectricité - continuité écologique.

RESUMEN: La posición de la hidromorfología en el alcance del "buen estado"

En todas las épocas, el hombre intentó domesticar los ríos para promover y garantizar el desarrollo de sus
actividades (navegación, regadío, abastecimiento en agua potable...). Esto condujo a importantes obras de
ingeniería civil que debían corregir el trazado del río y luchar contra las inundaciones. Estas infraestructuras se
construyeron sin consideraciones ecológicas y tuvieron como resultado el desarreglo del funcionamiento natural de
los ríos y de los ecosistemas asociados. Además, la modificación de las características dinámicas y morfológicas
de los ríos llevó a la degradación de los hábitats naturales. Estos cambios ejercen a la vez una presión
medioambiental y socio-económica, a causa de los costes de intervenciones públicas que engendran. Con el fin de
restablecer el funcionamiento natural de los ríos, la hidromorfología aparece como una importante palanca.
Identificada como un componente del buen estado ecológico por la Directiva Marco del Agua (DMA), aparece
también como un desafío para cumplir con la reglamentación. El alcance del buen estado en 2015, fijado por la
DMA, incita a los Estados miembros a rendir cuentas de resultados (Reporting). Para la hidromorfología, se trata
del problema del estado de referencia para medir el deterioro, evaluar la manera de mejorar la situación y
mantener este nuevo equilibro. ¿Qué tomamos en cuenta cuando se restaura un río tan influido por el hombre que
ya no se puede hablar de un río natural? Para evaluar las presiones (SYRAH-CE: Sistema Relacional de Auditoría
de la hidromorfología de los Ríos) y la factibilidad económica de las intervenciones (análisis costos-ventajas),
instrumentos se ponen en marcha. Sin embargo, queda por determinar si las obras de restauración tendrán un
impacto positivo sobre el ecosistema acuático, en el plazo establecido. El caso francés del esquema directivo de
ordenamiento y de gestión aguas de la cuenca Ródano-Mediterráneo y la declinación de los desafíos
hidromorfológicos en el programa de medidas servirán de ejemplos.

Palabras clave:
Directiva Marco del Agua - reglamentación - hidromorfología - ecosistemas - restauración - degradación - ríos -
análisis costos-ventajas - hidroelectricidad - fijación de márgenes y circulación ecológica.
 

SOMMAIRE


 
 

RESUME.................................................................................................................................. 2 
SOMMAIRE ............................................................................................................................. 2 
INTRODUCTION ..................................................................................................................... 4 
L’HYDROMORPHOLOGIE ET LES PROCESSUS ASSOCIES............................................. 5 
QU’EST-CE-QUE L’HYDROMORPHOLOGIE.................................................................................... 5 
Une discipline scientifique récente….......................................................................................... 5 
… Dont l’objet d’étude est en constante évolution.................................................................... 5 
LES TYPES D'ALTERATIONS HYDROMORPHOLOGIQUES ......................................................... 7 
L’anthropisation des cours d’eau et les altérations morphologiques induites ...................... 7 
Les pressions diffuses en lit majeur: facteurs aggravants et sources de discontinuités..... 8 
Les pressions hydrologiques....................................................................................................... 9 
Les nouveaux outils de diagnostic des altérations hydromorphologiques............................ 9 

LA MISE EN ŒUVRE DE LA DCE POUR REPONDRE AUX OBJECTIFS DE BON ETAT 10 
PLANIFIER ET PROGRAMMER....................................................................................................... 10 
Les orientations relatives à l’hydromorphologie sur le bassin Rhône-Méditerranée .......... 10 
Le budget hydromorphologie sur le bassin Rhône-Méditerranée.......................................... 11 
AGIR: LA RESTAURATION MORPHOLOGIQUE DES COURS D’EAU ......................................... 13 
Les enjeux et controverses: état de référence, réversibilité et résilience............................. 13 
La restauration fonctionnelle et la mesure de l’efficience probable...................................... 15 
Le niveau d’ambition et la question de l’échelle d’intervention ............................................. 15 
L’analyse économique et la construction des coûts unitaires ............................................... 16 
MESURER L’EFFICACITE DE LA RESTAURATION MORPHOLOGIQUE..................................... 17 
Le suivi scientifique pour évaluer la résilience du milieu ....................................................... 17 
Les résultats sont-ils suffisamment probants pour mériter la poursuite des efforts ? ....... 19 

CONCLUSION :..................................................................................................................... 20 


BIBLIOGRAPHIE : ................................................................................................................ 22 
LISTE DES ABREVIATIONS : .............................................................................................. 25 
LISTE DES FIGURES ET TABLEAUX : ............................................................................... 25 


 
INTRODUCTION

Adoptée le 23 octobre 2000, la Directive Cadre Européenne sur l’Eau (DCE) fixe pour objectif
l’atteinte du « bon état » des eaux et la non dégradation des milieux aquatiques à l’horizon 2015
(Parlement Européen et Conseil de l’Union Européenne, 2000). Au sens de la DCE, le bon état d’une
masse d’eau résulte d’un bon état écologique et d’un bon état chimique. L’état écologique tient
compte de paramètres biologiques et de paramètres hydromorphologiques et physico-chimiques
« soutenant les paramètres biologiques » (Parlement Européen et Conseil de l’Union Européenne,
2000). En tant que support du vivant, l’hydromorphologie ne devient un paramètre déclassant à part
entière que dans la définition du très bon état des cours d’eau, dont la structure et le fonctionnement
seraient exempts de pression anthropique.
Les 2/3 des masses d’eau de surface doivent atteindre le bon état/potentiel à l’horizon 2015 (MEDDE,
2012). A l’Etat des lieux national en 2004, plus de 50% des masses d’eau superficielles en France
risquaient de ne pas atteindre le bon état en 2015 en raison, notamment, d’un mauvais
fonctionnement hydromorphologique (Malavoi et Bravard, 2010). En l’absence de méthodes
homogènes pour apprécier les pressions hydromorphologiques et à défaut de limites de classes
relatives à la qualité écologique, ce risque de non-atteinte n’a pourtant pas été évalué de la même
manière d’un bassin à l’autre (Putot, 2006), (Terrier, 2013) 1 . Contrairement à l’état chimique par
exemple, la DCE ne précise pas de valeurs seuils comme éléments tangibles d’appréciation de
l’atteinte des objectifs.  L’état hydromorphologique n’est en fait défini qu’au travers de trois
compartiments (hydrologie, morphologie, continuité de la rivière), dont le bon fonctionnement doit être
démontré. Le bon état écologique étant par ailleurs apprécié par la mesure de l’écart entre l’état de
la masse d’eau et un état jugé de référence (avant perturbations), la connaissance des pressions
anthropiques sur les hydrosystèmes apparait donc comme une étape clé de la compréhension des
processus à l’origine des altérations.

Outre cet enjeu de connaissance pour une optimisation de l’intervention - l’échéance de 2015 se
rapprochant - l’hydromorphologie devient également un enjeu stratégique pouvant justifier les retards
dans l’atteinte des objectifs. Dans ses articles 4.4 et 4.5, la DCE prévoit en effet des dérogations si
les mesures engagées pour atteindre les objectifs ne peuvent être réalisées pour des raisons de
« faisabilité technique » (rapport coûts-efficacité des travaux, délais de procédures…), de « coûts
disproportionnés » ou « conditions naturelles » (résilience du milieu, temps de renaturation). A
ces dérogations liées aux conditions de mise en œuvre, s’ajoutent des conditions d’atteinte, non plus
de bon état mais de « bon potentiel écologique » pour les masses d’eau désignées comme étant
fortement modifiées (MEFM) ; ce bon potentiel représentant, d’un point de vue écologique, un objectif
moins strict. L’hydromorphologie apparait là encore comme un élément central puisque les altérations
physiques d’origine anthropique font parties de la définition des MEFM.
Face à ces problématiques, il semble que la France ait fait le choix de maintenir un niveau d’ambition
élevé vis-à-vis des enjeux écologiques en ayant très peu recours aux objectifs moins stricts. En
pratique cela se traduit par des dispositifs et plans nationaux qui vont au-delà de la DCE avec
notamment le Grenelle de l’environnement et le plan sur la continuité écologique (MEEDDM, s. d.).
Contrairement au Pays-Bas dont les masses d’eau ont été en grande partie désignées MEFM, sur les
11 523 masses d’eau superficielles délimitées en France seulement 7,5% d’entre elles ont été
désignées MEFM ou artificielles (MEA) à l’état des lieux de 2009 (MEDDE, 2012).

L’hydromorphologie sera-t-elle un levier suffisant pour atteindre les objectifs de bon état/potentiel
écologique en 2015 ? Sera-t-elle au contraire un frein qui justifie des classements en MEFM ou des
reports de délais ?

Pour comprendre tous ces enjeux d’un point de vue opérationnel, une première partie est dédiée à
des éléments de cadrage sur l’hydromorphologie et les processus qui lui sont associés. Une
deuxième partie aborde la mise en œuvre de la DCE par la planification et l’intervention en matière de

                                                            
1
Terrier B., 2013. Agence de l’eau Rhône-Méditerranée et Corse. Entretien réalisé le 22/01/2013 lors de l’intervention de
Benoît Terrier dans le cadre du module d’enseignement sur l’hydromorphologie à l’AgroParisTech-ENGREF de Montpellier.

 
restauration. Enfin, la dernière partie interroge sur la nécessité de poursuivre les efforts pour
améliorer les conditions hydromorphologiques.
En raison de la diversité des champs d’application couverts par ce sujet, le périmètre étudié se limite
au cas français, au travers de l’exemple du bassin Rhône-Méditerranée.

L’HYDROMORPHOLOGIE ET LES PROCESSUS ASSOCIES


 
QU’EST-CE-QUE L’HYDROMORPHOLOGIE
 
Une discipline scientifique récente…
 
La désignation « hydromorphologie fluviale» est consacrée par la Directive Cadre Européenne sur
l’Eau de 2000 (DCE). Elle s’apparente à la géomorphologie fluviale, discipline récente introduite par
des travaux américains dans les années 50 et par Jean Tricart en France. A l’intersection de
nombreuses branches des Sciences de la Terre telles que la géographie physique, la géologie, la
sédimentologie, l’hydraulique et l’hydrologie, elle intègre également des approches issues de
l’écologie fluviale (Malavoi et Bravard, 2010).
En tant que discipline scientifique, elle étudie les processus physiques qui régissent le
fonctionnement des cours d’eau, comme le transport solide et les caractéristiques hydrauliques («
dynamique fluviale » ou « géodynamique fluviale ») et les formes du lit ou des berges qui en
résultent (« morphologie fluviale »).

Le début des années 90 a vu l’émergence du concept « d’espace de liberté » (ou de mobilité) avec
les travaux du PIREN Rhône puis les Assises Nationales de l’Eau. Il est défini dans le SDAGE 1996-
2009 du bassin Rhône-Méditerranée et Corse comme « l’espace du lit majeur à l’intérieur duquel le
ou les chenaux fluviaux assurent des translations latérales pour permettre une mobilisation des
sédiments ainsi que le fonctionnement optimum des écosystèmes aquatiques et terrestres » (Malavoi,
1998).
Partant d’une vision unidirectionnelle, l’analyse du « système fluvial » introduite par Schumm en
1977, s’enrichit au profit d’une approche systémique plus intégrée et tenant compte de transferts qui
ne se limitent plus à la seule dimension longitudinale (gradient amont/aval). Avec le concept
d’« hydrosystème fluvial », est introduite l’idée des « flux bidirectionnels » (Petts et Amoros, 1993).
Les échanges biologiques, de matériaux et d’énergie sont considérés selon une dimension temporelle
et trois dimensions spatiales :
- longitudinale: amont / aval ;
- transversale: cours d’eau / plaine alluviale ;
- verticale: aquifère alluvial / nappe phréatique.

… Dont l’objet d’étude est en constante évolution


 
La dimension temporelle est également présentée comme un facteur expliquant les styles fluviaux.
Au cours du temps, l’hydrosystème est soumis à des variations plus ou moins accentuées de ses
composantes et opère à un rééquilibrage.

Les cours d’eau sont des milieux à géométrie variable et les styles fluviaux découlent d’un ajustement
permanent entre des variables de contrôle et des variables de réponse (Malavoi et Bravard, 2010).
Il existe plusieurs « variables de contrôle » - externes - (débit solide/liquide, pente/largeur du fond
de vallée, nature plus ou moins cohésive des alluvions du substratum, densité/nature de la végétation
rivulaire), qui s'imposent au cours d'eau sous l'influence du climat, de la géologie, ou encore du relief.
De par leurs caractéristiques et leurs fluctuations, elles régissent les processus géodynamiques
fluviaux et les formes spécifiques qui en résultent. Les « variables de réponse » sont des variables
d'ajustement à ces contraintes (géométrie de plein bord, sinuosité etc.), (Degoutte, 2006).

Le lit mineur est donc façonné suivant un processus d’érosion / dépôt des matériaux (graviers,
sédiments, sables). Cet ajustement permanent répond au principe « d’équilibre dynamique »


 
(Degoutte, 2006) entre le débit liquide et le transport solide, théorisé par la balance de Lane en 1955
(ONEMA, 2013b).

Si cette variation des paramètres physiques est naturelle, elle peut toutefois être déclenchée voire
dérèglée en réaction à une intervention humaine (aménagement, prélèvement…). Il convient alors de
repérer le seuil à partir duquel l’oscillation de ces variables dans le temps devient symptomatique
d’un dysfonctionnement (Malavoi et Bravard, 2010).
L’observation du profil en long et en travers d’un cours d’eau, la modification des conditions
d’écoulement, des caractéristiques de ses berges et de sa végétation rivulaire sont autant de
paramètres à surveiller (BIOTEC et Malavoi, 2006).
En théorie, le bon fonctionnement physique d’un cours d’eau serait donc la résultante d’un équilibre
dynamique atteint. Les variables de réponse et de contrôle s’ajustant en permanence dans le temps,
un bon fonctionnement hydromorphologique serait en fait caractérisé par « une diversité de faciès
d'écoulement, des berges naturelles non protégées, des bancs alluviaux mobiles, une ripisylve
variée, un corridor fluvial boisé, des annexes hydrauliques et surtout, une dynamique fluviale la
plus libre possible » (Malavoi et Adam, 2007).

Ces conditions doivent favoriser la qualité et la quantité d’habitat nécessaire au cycle de vie
biologique : « dans un système naturel non fragmenté, les communautés animales et végétales sont
moins sensibles aux perturbations de type pollution, étiage sévère ou changement climatique, car les
organismes ont la possibilité de trouver refuge dans des habitats accessibles variés, dont certains se
révèleront plus adéquats » (ONEMA, 2013b).
La DCE consacre ce lien entre l’hydromorphologie et la composante biologique des milieux
aquatiques. L’hydromorphologie supportant la biologie (figure 1), la dégradation de l’état
hydromorphologique a pour effet la détérioration des habitats naturels (Souchon et al., 2002).

Figure 1: Liens entre les différents compartiments au sein d’un hydrosystème


(Souchon et al., 2002)

Sur ces dix dernières années, on constate une montée en puissance de l’hydroécologie dont les
champs d’investigation récents sont précisément l’étude de ces liens entre les altérations
hydromorphologiques et la réponse biologique (Souchon, 2013) 2 . En France, l’institution de référence
est l’Office National de l’Eau et des Milieux Aquatiques (ONEMA). Dans le domaine de la recherche, il
                                                            
2
Souchon Y., 2013. Directeur de recherche IRSTEA, Responsable du Laboratoire d'hydroécologie quantitative. Pôle
hydroécologie des cours d’eau ONEMA-IRSTEA. Entretien réalisé le 23/01/2013 lors de l’intervention d’Yves Souchon dans
le cadre du module d’enseignement sur l’hydromorphologie à l’AgroParisTech-ENGREF de Montpellier.

 
s’agit en particulier de l’Institut de Recherche en Sciences et Techniques de l’Environnement et
l’Agriculture (IRSTEA). Les thèmes de recherche comme la qualité des systèmes aquatiques et la
restauration écologique (QUASARE) ou les réponses biologiques et écologiques aux contaminations
du milieu aquatique : écotoxicologie et bioindication (BELCA) peuvent être cités (IRSTEA, 2012b).
De la synergie institutions / recherche est né le Pôle hydroécologie des cours d’eau ONEMA-
IRSTEA de Lyon, dont la production bibliographique est conseillée pour les maîtres d’ouvrages
désirant se lancer dans des opérations de restauration physique et biologique (IRSTEA, 2012a).

LES TYPES D'ALTERATIONS HYDROMORPHOLOGIQUES

De tout temps, l'homme a aménagé les cours d'eau pour favoriser et sécuriser le développement de
ses activités (navigation, irrigation, alimentation en eau potable...). Ceci a notamment donné lieu à
d'importants travaux de chenalisation, dans une tradition génie civiliste dont la remise en question est
communément acceptée, mais dont les alternatives (génie végétal) tardent à se généraliser
(Conservatoire régional des rives de la Loire et de ses affluents, 2008). Ces aménagements ont
contribué à dégrader les milieux aquatiques et sont responsables d'altérations des flux solides,
liquides et morphologiques des cours d’eau (ONEMA, 2013b).

D’après la SER (Society for Ecological Restoration), la dégradation fait référence à des changements
subtils ou graduels qui réduisent l’intégrité et la santé écologique. Le dommage fait référence à des
changements importants et manifestes dans un écosystème. Un écosystème est détruit lorsque la
dégradation ou le dommage supprime toute vie macroscopique et abîme l’environnement physique
(traduit d'après Clewell et al., 2004).

L’anthropisation des cours d’eau et les altérations morphologiques induites

Les principales altérations morphologiques induites par les interventions humaines sur les cours
d’eau peuvent être résumées dans le tableau suivant :

CAUSES CONSEQUENCES
Type d’Intervention Dysfonctionnements hydromorphologiques et préjudices pour la
Motivations / usages
humaine biologie
Rupture de la continuité longitudinale et transversale
Gain d’espace (disparition des faciès, de la ripisylve, des relations avec la
Couverture de cours
(développement urbain, nappe, les berges …). Disparition des habitats. Vie aquatique et
d’eau
agricole) franchissabilité piscicole compromise (absence de lumière,
conditions hydrauliques extrêmes…)
Gain d’espace. Alimentation
Déplacement de cours Modifications des relations nappe/rivière. Sévérité accrue des
des moulins, tanneries,
d’eau étiages.
forges … (dérivation).
Rescindement des Evacuation plus rapide de Ces interventions dites de « chenalisation » (Wasson et al.,
méandres / rectification l’eau dans les zones à enjeux 1995) peuvent être regroupées en terme d’impact, dans la
de cours d’eau agricoles ou humains (lutte mesure où elles sont bien souvent couplées.
contre les inondations).
Adaptation à la géométrie Les effets combinés sont :
des terrains agricoles Déconnexion des annexes hydrauliques (banalisation des
Recalibrage riverains pour en faciliter de habitats, disparition des structures d’abris). Rupture des
l’exploitation continuités latérales (échanges entre le chenal principal et le lit
(remembrements). Mise en majeur). Modifications des relations nappe/rivière (abaissement
navigabilité des cours d’eau. de la nappe d'accompagnement). Aggravation des inondations
Endiguement et à l'aval (absence de régulation de la plaine inondable,
Lutte contre les inondations.
merlons de curage accélération de la débitance). Déstabilisation des ouvrages en
Sécurisation / stabilité des amont (érosion régressive). Incision bien souvent irréversible du
berges pour confiner le cours lit mineur. Homogénéisation des faciès d’écoulement
Protection des berges d’eau dans l’espace qui lui contribuant à aggraver ces effets durant les épisodes de crue
est alloué (lutte contre (vitesses accrues) et d’étiage (étalement de la lame d’eau et
l’érosion). conséquences sur la température, les habitats…).


 
Cette intervention peut aussi être inhérente à la chenalisation,
auquel cas, elle en aggrave les effets. L’absence de ripisylve ne
Défrichage pour des raisons
participe pas au maintien des berges (érosion par l’eau, le vent)
économiques (gain
mais contribue à la disparition des habitats et à la diminution
Suppression de la d’espace), esthétiques
des qualités auto-épuratrice du milieu. En ne filtrant plus les
ripisylve (perception de la propreté) et
nutriments et en favorisant l’augmentation des températures
d’accessibilité au cours
(absence de régulation thermique), il y a un risque
d’eau.
d’eutrophisation du milieu.

Lutte contre les inondations


(écrêtement, variation des
vitesses d’écoulement…). A l’amont: effet retenue avec piégeage des sédiments et
Maintien d’un niveau d’eau enrichissement en nutriments (risque d’eutrophisation).
pour assurer l’alimentation Franchissabilité piscicole compromise ou impossible impliquant
Seuils et ouvrages des prises d’eau de surface une banalisation progressive de la biodiversité. Hausse de
transversaux ou le niveau des nappes température par rapport à l’aval et phénomène de stratification
alluviales en période d’étiage thermique (grandes retenues).
(irrigation, eau potable, canal A l’aval: déficit sédimentaire, vulnérabilité du milieu récepteur
de dérivation d’un moulin…). du fait des variations de température, de débit solide et liquide
Production hydroélectrique (risque de pollution et colmatage des frayères par les fines
(hauteur de chute). notamment). Particulièrement impactant pour les
fonctionnements par éclusée de certains barrages. Inversion
Valorisation d’un plan d’eau
des régimes hydrologiques (problématique de compatibilité
créé à l’amont d’un seuil ou
Etangs implantés sur le avec les rythmes biologiques).
ouvrage transversal, pour
cours d’eau
des activités de loisir (pêche,
baignade…).
Disparition des zones humides, déconnexion des annexes
fluviales (banalisation progressive de la biodiversité, baisse de
Jusqu’en 1994: exploitation la diversité des habitats). Fixation des zones mobiles par la
de matériaux alluvionnaires végétation. Affaissement des berges (besoin en flux solide
Extraction de granulats
(matière première pour accru) et incision du lit mineur rendue irréversible si l’extraction
l’industrie de la construction). a lieu en lit majeur (recharge sédimentaire impossible en
l’absence d’érosion latérale). Modifications des relations
nappe/rivière.
Tableau 1: Liste des principales altérations hydromorphologiques et biologiques liées aux interventions
humaines (Bravard, 1994) ; (Wasson et al., 1995) ; (Degoutte, 2006) ; (Malavoi et al., 2007) ; (Dufour, 2007) ;
(Malavoi et Adam, 2007) ; (Conservatoire régional des rives de la Loire et de ses affluents, 2008) ; (Malavoi et
Bravard, 2010) ; (ONEMA, 2013b) ; (Souchon et Nicolas, 2011) ; (European Environment Agency, 2012).

Les pressions diffuses en lit majeur: facteurs aggravants et sources de discontinuités


 
Les pressions diffuses à l’échelle du bassin versant peuvent être considérées comme des facteurs
aggravant l’altération de l’hydromorphologie d’un cours d’eau. Si la DCE a mis en lumière les
interventions en matière de restauration de la continuité longitudinale, elle ne s’intéresse en revanche
pas aux continuités latérales (Carré et al., 2011). Le poids de l’urbanisation joue par exemple un
rôle dans la rupture des échanges lit mineur / lit majeur, notamment du fait du mitage territorial et de
la rupture physique de la continuité des habitats. Les milieux aquatiques et zones humides reculent
au profit du tissu urbain et industriel ou des réseaux d’infrastructures. L’imperméabilisation des sols
empêche l’infiltration et génère un accroissement des volumes ruisselés. Ceci contribue à éroder le
sol et si la ripisylve ne joue pas son rôle de zone tampon et de filtre, le cours d’eau est le réceptacle
de polluants et d’un surplus de charge alluviale. De la même manière, les pollutions transmises au
cours d’eau peuvent avoir une origine agricole, notamment l’apport de pesticides. La fertilisation des
cours d’eau entraîne le développement d’algues qui prolifèrent du fait de conditions hydrauliques peu
favorables (Oraison et al., 2011).
Les recherches récentes en géomatique et télédétection tentent de dessiner des scénarios
d’évolution de l’état hydromorphologique des cours d’eau sur la base de modèles état / pression qui
tiennent notamment compte de l’occupation des sols (Wiederkehr et al., 2012) ; (Wiederkehr, 2012).
Les nouveaux, tels le SYRAH-CE (SYstème Relationnel d’Audit de l’Hydromorphologie des Cours
d’Eau) évoqué ci-après, intègrent le principe de chaîne de causalité et utilisent en particulier
l’approche DPSIR (Driving forces - Pressures - State - Impact – Response).


 
Les pressions hydrologiques

Les prélèvements d’eau importants ou la faiblesse des débits réservés ont un impact sur le régime
hydrologique et peuvent aggraver la sévérité des étiages. En régime nival, le maintien artificiel d’un
débit turbiné par les centrales hydroélectriques ne sont pas toujours compatibles avec le cycle
biologique, sans parler du fonctionnement des éclusées qui altère les habitats, perturbant ainsi les
espèces piscicoles et les invertébrés benthiques (Souchon et Nicolas, 2011).
Négliger le bon ajustement de la variable débit liquide dans la mise en œuvre de travaux de
restauration s’avèrerait contre-productif et n’aboutirait pas au rétablissement d’un bon état écologique
malgré les efforts consentis en matière de restauration de la continuité longitudinale (Souchon et
Nicolas, 2011).

Les nouveaux outils de diagnostic des altérations hydromorphologiques

Les échelles d’analyse des pressions hydromorphologiques sont prises en compte dès la phase de
diagnostic, c’est ce qu’apporte le SYstème Relationnel d’Audit de l’Hydromorphologie des Cours
d’Eau (SYRAH-CE) issu de la collaboration ONEMA – IRSTEA (Chandesris et al., 2008). Cet outil
permet d’évaluer le risque d’altération hydromorphologique par l’utilisation d’échelles emboîtées
(bassin versant / tronçon / site):

Figure 2: Echelle d’analyse et indicateurs d’évaluation des pressions hydromorphologiques du SYRAH-CE


(Chandesris et al., 2008)

Des protocoles de terrain viennent compléter ce dispositif, comme l’Audit Rapide de


l’Hydromorphologie des Cours d’Eau (AURAH-CE) et la CARactérisation de l'HYdromorphologie des
Cours d'Eau (CARHY-CE). L’approche permet une caractérisation plus fine à l’échelle d’une station,
l’utilisation de données SIG ne permettant pas de rendre compte d’éléments comme le colmatage à
titre d’exemple.
L'outil en lui-même n'est pas diffusé car c'est un outil d'aide à la décision co-administré par l'IRSTEA
et l'ONEMA, sans saisie opérateur. En revanche, ses produits le sont: Taux bruts (Paramètres
quantitatifs) et Résultats d'expertise EDL 2013 après traitement des risques d'altérations agrégés à la
masse d'eau. Ces organismes l’utilisent depuis 2012 sur la base d’un échantillon test et uniquement
pour les trois compartiments DCE relatifs à l’hydromorphologie : hydrologie, continuité écologique et


 
morphologie. Il en ressort que 65% des cas analysés sont jugés conforme par l’ONEMA (Terrier,
2013) 3 .
Si les résultats sont encourageants pour le futur état des lieux 2013, et les prochains plans de
gestions, le lien entre le risque d’altération hydromorphologique et la réponse biologique n’est
cependant pas directement établi. Ce rapprochement et l’amélioration de la bio-indication font partie
des champs d’investigation scientifique en cours (Souchon, 2013) 4 .

LA MISE EN ŒUVRE DE LA DCE POUR REPONDRE AUX OBJECTIFS DE BON ETAT

Confortant le modèle de gestion intégrée, la DCE prévoit que chaque Etat membre mette en place
une stratégie d’intervention par bassin hydrographique, au travers d’outils de planification (plan de
gestion), de programmation (programme de mesure) et d’évaluation (état des lieux / reporting).
En France, les grandes orientations sont décrites dans les Schémas d’Aménagement et de Gestion
des Eaux (SDAGE) et déclinées sur le plan opérationnel et financier dans les Programmes de
mesures (PDM) des Agences de l’Eau.
L’expérience de l’Agence de l’Eau Rhône-Méditerranée et Corse (AERMC) servira d’exemple pour
d’illustrer la prise en compte du volet hydromorphologie dans l’atteinte du bon état.

PLANIFIER ET PROGRAMMER

Les orientations relatives à l’hydromorphologie sur le bassin Rhône-Méditerranée

Les mesures qui relèvent d’interventions sur l’hydromorphologie dans le SDAGE 2010-2015 du
bassin Rhône-Méditerranée sont principalement regroupées dans l’orientation fondamentale n°6A «
Agir sur la morphologie et le décloisonnement pour préserver et restaurer les milieux aquatiques ».
Certaines de ces mesures (3C02, 3A20 et 3A28) se retrouvent également dans l’orientation
fondamentale n°7 «Atteindre l’équilibre quantitatif en améliorant le partage de la ressource en eau et
en anticipant l’avenir », au titre de l’hydrologie, comme la gestion des débits et le soutien à l’étiage
(AERMC, 2009b). L’amélioration des conditions hydromorphologiques est également complémentaire
à d’autres orientations du SDAGE, comme la lutte contre l’eutrophisation qui peut être soutenue par
la restauration d’une dynamique fluviale (Bourdin et al., 2011). A titre d’exemple: « une bande
enherbée de 12 à 18 mètres de large offre une capacité d’épuration entre 84 à 91 % ». (ONEMA,
2013b). Il en va de même pour l’aménagement d’espaces de liberté qui favorise le débordement en
amont des zones à risque et accompagne ainsi les mesures de gestion du risque inondation. En tant
que support des processus biologiques et physico-chimiques, l’hydromorphologie apparait donc
comme une problématique transversale.

Concernant les cours d’eau, l’orientation n°6A identifie les trois compartiments qui composent
l’hydromorphologie dans la DCE (continuité, morphologie et hydrologie) au travers des objectifs
suivants :
- « Préserver ou restaurer la continuité biologique » par la suppression ou l’aménagement
d’ouvrages bloquant la franchissabilité piscicole (montaison / dévalaison) ;
- « Gérer l'équilibre sédimentaire et le profil en long » par la suppression ou l’aménagement (mise
en transparence) d’ouvrages bloquant le transit sédimentaire, par la gestion du déficit sédimentaire
ou du surplus des apports solides provenant du lit majeur (érosion des sols dans le bassin versant) ;  
- « Préserver ou restaurer les habitats aquatiques » par la restauration de la dynamique fluviale et la
diversité des faciès d’écoulement ;
- « Préserver ou restaurer la morphologie des cours d'eau » par la reconnexion des annexes
hydrauliques, la restauration d’un espace de liberté, le rétablissement d’une ripisylve et en favorisant

                                                            
3
Terrier B., 2013. Agence de l’eau Rhône-Méditerranée et Corse. Entretien réalisé le 22/01/2013 lors de l’intervention de
Benoît Terrier dans le cadre du module d’enseignement sur l’hydromorphologie à l’AgroParisTech-ENGREF de Montpellier.
4
Souchon Y., 2013. Directeur de recherche IRSTEA, Responsable du Laboratoire d'hydroécologie quantitative. Pôle
hydroécologie des cours d’eau ONEMA-IRSTEA. Entretien réalisé le 23/01/2013 lors de l’intervention d’Yves Souchon dans
le cadre du module d’enseignement sur l’hydromorphologie à l’AgroParisTech-ENGREF de Montpellier. 
10 
 
la stabilité naturelle des berges (techniques issues du génie végétal), la mise en œuvre de
diagnostics et plans de gestion adaptés, etc.

Ces orientations sont ensuite déclinées dans un programme de mesure (PDM).

Le budget hydromorphologie sur le bassin Rhône-Méditerranée

Une analyse des coûts du PDM du bassin Rhône-Méditerranée permet de rendre compte du poids
de l’hydromorphologie dans les mesures qui visent l’atteinte du bon état (AERMC, 2009a). A défaut
de précision, les éléments suivants se basent sur les montants financiers alloués aux mesures par
commissions géographiques du SDAGE.
Les mesures complémentaires 5 déclinées dans le PDM sont estimées à 3 581,2 millions d’euros
pour la période 2010-2015. D’après l’AERMC, les masses d’eau pour lesquelles l’objectif de bon état
a été reporté en 2021 ou 2027 représentent un coût reportable estimé à 630 M€ (AERMC, 2009a),
soit un coût réel des mesures compensatoires pour la période 2010-2015 estimé à environ 2 950 M€.

Les champs d’intervention et leur poids relatif dans le budget sont répartis comme suit:

Figure 3 : Répartition (en %) du budget des


mesures compensatoire du PDM 2010-2015 du
bassin Rhône-Méditerranée, en fonction du
type d’intervention.

Données territorialisées agrégées à l’échelle du


bassin (AERMC, 2009a).

Les mesures relatives à l’hydromorphologie représentent environ un quart de l’enveloppe


financière totale des mesures compensatoires, soit un ordre de grandeur d’environ 850 millions
d’euros (833 M€ en sommant les mesures relatives à l’hydromorphologie par commission
géographique, 875 M€ selon l’analyse des types de pressions réalisée par l’AERMC et 860 M€ en ne
tenant compte que de la somme des mesures de l’orientation fondamentale n° 6A). Au sein de
l’orientation fondamentale n°6A, le seul coût de la restauration morphologique et de l’équilibre
sédimentaire des cours d’eau représente environ 660 M€ (soit 80% du coût total de l’orientation).
A partir de l’analyse détaillées des coûts du SDAGE de l’AERMC (AERMC, 2013) et pour la durée du
programme 2010-2015, il faut cependant considérer que l’hydromorphologie représente un report de
coût de l’ordre de 145 M€, dont environ 45% concernent les mesures de continuité latérale
(restauration des espaces de mobilité et reconnexion des annexes hydrauliques notamment).

La lutte contre les pollutions ponctuelles reste le budget le plus élevé (1 163,1 M€) pour la période
2010-2015. Ce constat n’est cependant pas le signe d’une tendance pour les années à venir puisqu’il
s’agit d’un effort de rattrapage du retard que la France subit déjà dans l’application de la Directive
Eaux Résiduaires Urbaines (mise en conformité DERU des stations d’épurations).

Les pollutions diffuses et l’hydromorphologie arrivent donc en seconde position parmi les
leviers d’intervention pour améliorer la qualité des eaux. En février 2012, le projet de 10ème
programme prévoyait une augmentation de 1,7 fois le budget du 9ème programme pour la restauration
morphologique des milieux aquatiques et 2,4 fois celui alloué aux pollutions diffuses d’origine agricole
(le montant restant plus élevé pour les milieux aquatiques). Ces chiffres doivent être pris avec
précaution dans la mesure où ils sont issus d’un document de projet (AERMC, 2012a). Ils reflètent
néanmoins une tendance générale pour le bassin et également au niveau national. « L’état des
                                                            
5
Par opposition aux mesures de bases qui s’imposent au bassin conformément aux dispositions règlementaires (article 11-3
de la DCE). A titre indicatif, les mesures de bases et autre mesures qui ne seraient pas associées à la DCE sont estimées à
1 350 millions d’euros pour la période 2010-2015. (AERMC, 2009a).
11 
 
milieux constaté fin 2011 a souligné que les questions de morphologies des cours d’eau et des
pollutions par les pesticides étaient les deux enjeux clés principaux sur lesquels il était nécessaire de
travailler » (AERMC, 2012a).

A l’échelle des commissions géographiques, l’analyse des pressions révèle des disparités :

Figure 4: Proportion (en %) de chaque type d’intervention dans la répartition du budget


territorialisé des mesures compensatoire du PDM 2010-2015 du bassin Rhône-
Méditerranée. (AERMC, 2009a).

Les territoires les plus impactés par des dégradations hydromorphologiques sont l’Isère amont (50%),
l’Axe Rhône (90%) et à moindre mesure la Haute Durance (28% contre 36% de pression
quantitative).
Les mesures compensatoires pour l’Axe du Rhône représentent 275 M€ et concernent des
dégradations morphologiques, des altérations de la continuité biologique et un déséquilibre
quantitatif. Ceci s’explique par une pression urbaine et industrielle forte, un cours d’eau fortement
aménagé notamment pour les usages liés à la production d’énergie et à la navigation (AERMC,
2009a). La grande majorité des masses d’eau de ce territoire sont d’ailleurs désignées comme
fortement modifiées. D’après les données techniques 2010 du SDAGE de l’AERMC, l’intégralité des
23 masses d’eau cours d’eau de l’Axe Rhône sont concernées par un risque de non atteinte du
potentiel écologique ou du bon état (AERMC, 2013). Cependant, d’après le suivi des objectifs des
masses d’eau superficielles, en 2011, aucun report de délais n’est imputable à l’hydromorphologie et
ce sont les substances prioritaires qui justifient des dérogations de délais (AERMC, 2013).
Sur les 230 masses d’eau cours d’eau de l’Isère amont et d’après le suivi des objectifs des masses
d’eau superficielles (données mises à jour en 2011), 38 bénéficient d’un report de délais,
principalement pour coûts disproportionnés ou faisabilité technique dans au moins un des trois
compartiments de l’hydromorphologie. La morphologie seule comptabilise 22 reports de délais
(AERMC, 2013).

12 
 
Ainsi, l’exemple du Rhône tend à prouver qu’il n’existe pas une corrélation systématique entre les
causes de déclassement des masses d’eau et les raisons invoquées pour justifier des reports de
délais pour des masses d’eau fortement modifiées. Pour les masses d’eau naturelles, la relation
se vérifie davantage comme le montre le cas de l’Isère Amont. Plus généralement, les causes de
report de délais concernent principalement des exemptions pour faisabilité technique et coûts
disproportionnés, le recourt aux dérogations pour causes naturelles n’étant pas significatif au regard
des paramètres du compartiment hydromorphologie (AERMC, [s. d.]) ; (Diebolt et al., 2009).

AGIR: LA RESTAURATION MORPHOLOGIQUE DES COURS D’EAU

A l’Etat des lieux en 2011 sur le bassin Rhône-Méditerranée: « les 2/3 des rivières en mauvais état
écologique ont subi des altérations physiques: modification du régime hydrologique pour 60 % ;
barrages, seuils bloquent la circulation des poissons et des sédiments pour 70 % ; morphologie
dénaturée pour 70 % » (AERMC, 2012a).

Il existe une diversité d’actions pour lutter contre la dégradation hydromorphologique des cours d’eau.
En analysant les types d’interventions prévues dans le PDM du bassin Rhône-Méditerranée au titre
des milieux aquatiques, on constate qu’il existe une prédominance des mesures en faveur de la
restauration de la morphologie et de l’équilibre sédimentaire, soit 80% du coût total comme vu
précédemment (AERMC, 2009a).
En analysant ensuite cet axe, on constate que lorsque la dégradation morphologique est à l’origine
des problèmes identifiés sur une masse d’eau cours d’eau, le PDM du bassin Rhône-Méditerranée
prévoit les principales mesures suivantes (AERMC, 2013) :
- la réalisation d’un diagnostic du fonctionnement hydromorphologique du milieu et des
altérations physiques (23% des masses d’eau cours d’eau concernées) ;
- l’établissement d’un plan de restauration et de gestion physique du cours d'eau (21%) ;
- la reconnexion des annexes aquatiques et milieux humides du lit majeur et la restauration de
leur espace fonctionnel (16%) ;
- la restauration des berges et/ou de la ripisylve (15%) ;

Il s’agit donc bien, d’une part, de mesures qui relèvent d’une meilleure connaissance des processus
d’altération puis de la mise en œuvre de plans de gestion, et d’autre part, une phase plus
interventionniste qui consiste en la restauration physique des cours d’eau.
Compte tenu des coûts, le poids de la restauration physique des cours d’eau au sein de la
problématique hydromorphologie justifie que l’on se focalise sur ce thème et qu’il soit analysé comme
moyen d’action mis en œuvre pour atteindre le bon état.

Les enjeux et controverses: état de référence, réversibilité et résilience

D’après la SER, la restauration [écologique] est le processus qui facilite le rétablissement d'un
écosystème qui a été dégradé, endommagé, ou détruit. Un écosystème est considéré rétabli quand il
se caractérise par des ressources biotiques et abiotiques suffisantes pour continuer son
développement, sans nouvelle intervention. Il doit se suffire à lui-même structurellement et
fonctionnellement et doit être suffisamment résilient pour résister à des évènements stressants
périodiques qui permettent le maintien et l’intégrité de l’écosystème (traduit d'après Clewell et al.,
2004).

La restauration physique a pour but de rétablir la dynamique fluviale d’un cours d’eau. Outre les gains
physico-chimiques induits, comme l’amélioration de la capacité auto-épuratoire du cours d’eau
(ONEMA, 2013b), cela contribue à recréer une diversité des faciès d’écoulement. La résilience des
écosystèmes (The Resilience Alliance, 2013) est garantie par la qualité et la quantité d’habitats
nécessaires à l’accomplissement du cycle biologique (ONEMA, 2013b). Il s’agit-là d’une approche
fonctionnelle.

Au sein de la communauté scientifique, la notion même de restauration est sujette à débat dans la
mesure où cela implique la prise en compte d’un état de référence comme modèle vers lequel tendre.
La DCE reprend le principe de rétablissement du milieu par rapport à un état de référence, mais
l’esprit de cette directive réside dans une gestion adaptative (c’est-à-dire tenant compte des usages)
13 
 
et une réciprocité des bénéfices attendus par l’atteinte du bon état et la non-dégradation des milieux
aquatiques. Dans des systèmes fortement anthropisés, et ce depuis des décennies comme le sont
les cours d’eau ayant subi des altérations hydromorphologiques, à quelle échelle temporelle et
spatiale se référer pour définir l’état de référence ? Toute tentative de retour vers un état naturel
(avant dégradation) pourrait d’une certaine manière être considérée comme un bouleversement de
l’ordre écologique établi depuis lors, par l’adaptation des espèces.
Sur ces questions, les débats restent ouverts. La plupart des acteurs impliqués dans la restauration
physique de cours d’eau ont à « inventer » cet état de référence (Baril, 2013) 6 . Les marges de
manœuvres sont très limitées pour retrouver un état proche des conditions naturelles en milieux très
contraints (ville) ou aménagés pour garantir la sécurité des personnes. Il est en outre difficile de
concevoir le cours d’eau avant l’urbanisation de la plaine alluviale. Plus qu’un état naturel, la
référence recherchée s’apprécie selon le degré d’autonomie du cours d’eau : « par référence
écologique, il faut entendre l’état de l’hydrosystème qui pourrait être atteint dans l’hypothèse d’une
suppression de l’ensemble des effets significatifs des activités humaines pour recouvrer une
autonomie fonctionnelle du cours d’eau » (Bourdin et al., 2011). Le compromis réside donc plutôt
dans la restauration d’espace de liberté et la réflexion à des échelles plus vastes: celle du linéaire et
du bassin versant. En outre, la recherche de l'état de référence pour les zones anthropisées base les
modèles statistiques actuels sur des stations dites de référence (les réseaux de référence pérenne -
DCE) et bien souvent, ces stations sont en tête de bassin versant.

En prenant l’exemple de la continuité écologique, on s’aperçoit que sur le terrain, cette politique « a
créé un sentiment de menace et d’inquiétude chez les propriétaires de moulin et certains
riverains. » (Malavoi et Salgues, 2011), la concertation et l’acceptation locale étant la clef pour
sortir de ces conflits (Malavoi et Salgues, 2011).
Lors d’un projet de construction d’unité hydroélectrique, il est possible de préconiser des mesures
d’évitement dans le cadre de l’étude d’impact (exemple : déplacer le projet à l’amont en raison de la
présence de frayères sur le site éligible). Lorsque le projet est approuvé, il n’existe cependant aucune
mesure corrective et les aménagements réalisés génèrent des impacts que certains experts
considèrent comme irréversibles, et ce, même si des efforts sont fait pour favoriser la franchissabilité
piscicole. L’aménagement de passes à poissons ne favorisent pas le transit de sédiment ni ne
permettent le rétablissement originel du profil en long, les conditions hydrauliques amont (hauteur
d’eau, vitesse) étant irrémédiablement modifiées (Baril, 2013)6.
Ceci explique que les services de l’Etat, l’ONEMA et les Agences de l’eau soient favorables à des
projets de restauration ambitieux, qui visent l’effacement des ouvrages. La plupart des Agences de
l’eau finançaient jusqu’à 80% l’effacement d’ouvrage dans leur 9ème programme. D’après D. Baril
(Baril, 2013)6, l’effacement est la solution la plus efficace pour la continuité écologique, en l’absence
de mesures correctives, toutefois, le message est mal passé au niveau du public et des riverains en
particulier, car l’effacement n’est pas une mesure systématique. Si les ouvrages faisant obstacle à
l’écoulement continuent à avoir un usage, les préconisations vont plutôt s’orienter vers un
aménagement proposé au cas par cas.

Tout dépend alors du caractère réversible des dégradations, du niveau d’ambition donné à l’opération
de restauration, de l’échelle (spatiale) d’application et du temps qui sera accordé au milieu pour
retrouver un cycle biologique normal (résilience).

                                                            
6
Baril D., 2013. Délégation interrégionale Méditerranée de l’ONEMA. Entretien réalisé le 25/01/2013 lors de l’intervention de
Dominique Baril dans le cadre du module d’enseignement sur l’hydromorphologie à l’AgroParisTech-ENGREF de
Montpellier.
14 
 
La restauration fonctionnelle et la mesure de l’efficience probable

Une étape préalable au lancement de l’opération de


restauration consiste en un diagnostic des
caractéristiques du cours d’eau selon la « typologie
géodynamique fonctionnelle ». Celle-ci « a pour objet
de déterminer l’intensité de l’activité géodynamique
actuelle ou potentielle du cours d’eau » (BIOTEC et
Malavoi, 2006). La capacité d’ajustement d’un cours
d’eau dépend de plusieurs paramètres comme sa
puissance spécifique, l’érodabilité naturelle de ses
berges et ses apports solides potentiels (Malavoi et al.,
2007). L’objectif poursuivi est d’anticiper la manière dont Figure 5: Postulats et principes généraux
le cours d’eau retrouve un équilibre suite aux travaux de des opérations de restauration d’après la
restauration (figure 5) et ainsi limiter le champ de typologie géodynamique fonctionnelle
l’intervention humaine. L’incertitude quant aux (Malavoi et al., 2007).
trajectoires, formes ou le recours à telle ou telle variable
d’ajustement reflète le degré d’autonomie du cours d’eau. L’intérêt d’une bonne évaluation des
caractéristiques géodynamiques fonctionnelles permet de « piloter de façon proactive [l’] autonomie
[du cours d’eau] pour en tirer parti » (Bourdin et al., 2011). A titre d’exemple, si un cours d’eau
chenalisé a une puissance spécifique supérieure à 25-35 W/m² après restauration, sa puissance
naturelle seule suffit à opérer un réajustement morphologique (Malavoi et al., 2007). En laissant agir
la dynamique naturelle du cours d’eau, le poids de l’intervention humaine est réduit. C’est le principe
de la restauration « passive », par opposition à la restauration « active » qui est plus
interventionniste (BIOTEC et Malavoi, 2006).
Pour aller plus loin, Malavoi propose de donner un « score d’efficience probable » (Malavoi et al.,
2007). Cette méthode empirique peut par exemple être utile à l’élaboration d’un plan de gestion, pour
hiérarchiser les opérations à conduire en fonction de leurs taux de réussite (meilleure résilience du
milieu). Elle reprend les variables d’ajustement de la typologie géodynamique fonctionnelle (figure 5)
et tient compte d’un critère de faisabilité technique (disponibilité foncière) et de la qualité de l’eau. Il
en résulte que plus un cours d’eau est dynamique (berges érodables, puissance d’écoulement), plus
le coût des travaux est réduit et se limite aux contraintes administratives et foncières (Malavoi et al.,
2007).

Le niveau d’ambition et la question de l’échelle d’intervention

Trois niveaux définissent le degré « d’autonomie » laissé à la rivière (Bourdin et al., 2011) et la liberté
accordée au cours d’eau est proportionnelle au niveau d’ambition conféré au projet. En matière de
restauration hydromorphologique, la typologie instaurée par Malavoi est une référence nationale en
France (Malavoi et al., 2007), elle s’applique quel que soit le projet dès lors qu’il y a une recherche
d’amélioration d’un état dégradé :

‐ Le niveau R1 est le niveau le moins ambitieux et correspond à des opérations de maîtrise ou


de maintien des phénomènes hydromorphologiques par la mise en œuvre de techniques
douces de restauration (génie végétal). L’intervention ne concerne pas la modification
profonde des processus hydromorphologiques et les fonctionnalités retrouvées du milieu sont
en nombre limité. Il s’agit par exemple de réaliser une passe à poissons ou réaliser une
diversification des faciès d’écoulement en lit mineur (intervention sur l’habitat).
‐ Le niveau R2 relève d’une ambition intermédiaire: l’autonomie du cours d’eau est rétablie
partiellement, souvent contrainte par des limites locales (physiques ou sociales).
‐ Le niveau R3 est le niveau le plus ambitieux: le cours d’eau retrouve son espace de liberté
quitte à ce que son comportement ne soit pas maitrisé (localement). Les fonctionnalités
retrouvées atteignent un optimum. C’est le niveau qui est le plus fidèle aux objectifs d’atteinte
du bon état.

15 
 
L’échelle d’intervention (thématique et spatiale) est un point important à déterminer et participe à
la définition du niveau d’ambition du projet de restauration. Pour être efficace, la restauration
physique doit être pérenne. Elle doit pour cela correspondre à une démarche intégrée et s’appliquer à
une échelle cohérente (ONEMA, 2013b), c’est-à-dire en respectant les échelles imbriquées
de l’hydrosystème fluvial. Dans son guide technique d’accompagnement du SDAGE 2010-2015,
l’AERMC parle de « périmètre technique pertinent » au regard des enjeux de restauration et des
problématiques territoriales qui ont été diagnostiquées, avec l’idée sous-jacente d’une échelle de
pertinence et non de principe (Bourdin et al., 2011). Ce périmètre peut varier si l’intervention
concerne la continuité écologique, la dynamique morphologique, les débits solides ou liquides, tout
dépend alors des pressions hydromorphologiques identifiées.

Pour une restauration morphologique par exemple, le retour d’expériences conduit à l’appréciation
d’un niveau d’efficacité en fonction du linéaire de cours d’eau restauré. Pour passer d’un impact
(positif) local à une répercussion qui s’apprécie à l’échelle du tronçon de cours d’eau, le linéaire du
cours d’eau (longueur) doit être supérieur à vingt fois sa largeur de plein bord. Pour un influence
optimum des bénéfices de la restauration, le ratio doit dépasser 100 fois la largeur de plein bord
(Malavoi et al., 2007). Les résultats peuvent donc être tout à fait satisfaisants sur des très petit cours
d’eau. Ce niveau d’ambition (X 100) est toutefois rarement mené à l’échelle des grands cours d’eau
compte tenu du coût que cela engendrerait.

Ainsi, si le diagnostic doit être transverse, l’intervention ne s’applique par forcément sur toutes les
thématiques de manière simultanée, la plupart des manuels de restauration incitant à une approche
rationnelle et fonctionnelle (Bourdin et al., 2011).
Prenons l’exemple de la continuité écologique où toutes les composantes générant des discontinuités
peuvent être mobilisées. Le retour d’expériences apporte qu’une intervention qui se limite à un site
localisé sans prise en compte des autres sources de ruptures aura un ratio coût/efficacité
relativement élevé, comme c’est le cas pour les tronçons de cours d’eau court-circuités par de
nombreux ouvrages transversaux (Baril, 2013) 7 . En outre, si l’enjeu est principalement biologique et
que l’intervention sur l’hydromorphologie vise la circulation piscicole (et la restauration des habitats), il
convient avant toute chose de procéder à des prélèvements, de se référer à des chroniques
existantes, ou toute autre source d’inventaire écologique, afin de bien identifier la ou les espèces
cibles, leur rythme biologique et leur besoin migratoire (Souchon, 2013) 8 .

Enfin, l’échelle d’intervention temporelle est elle aussi une dimension importante dans la conduite
opérationnelle de la restauration hydromorphologique. Le cycle décisionnel à lui seul inclue un pas de
temps relativement long (concertation, études d’impact, procédures administratives, intervention sur
le foncier, mobilisation des acteurs et des financements, etc.). Lors de la programmation de la phase
travaux, il faut également tenir compte des cycles naturels saisonniers pour des questions de
faisabilité technique, de limite d’impact des travaux sur le milieu et de facilitation du suivi scientifique.
Ainsi, les chantiers en rivière sont souvent réalisés en période d’étiage, mais il faut veiller à ce qu’ils
interviennent à un moment opportun du cycle de vie de l’espèce sur lequel on souhaite réaliser un
suivi (Baril, 2013)7.

L’analyse économique et la construction des coûts unitaires


 
En introduisant l’analyse économique dans son processus, la DCE ouvre le champ à la
monétarisation des services rendus par les hydrosystèmes et inversement (coût des impacts de
l’anthropisation). Les milieux aquatiques sont ainsi considérés comme un « agent » au même titre
que les hommes. Cela renvoie au concept de « services écosystémiques » (UNEP, 2005).
L’«approvisionnement » en eau potable, en énergie (hydroélectricité) ou en marchandise via le
transport par voie navigable ; la « régulation » des inondations ou des étiages, « l’auto-entretien »
par la dynamique du cours d’eau (phénomènes soutenant la physico-chimie ou la biologie), et l’apport
                                                            
7
Baril D., 2013. Délégation interrégionale Méditerranée de l’ONEMA. Entretien réalisé le 25/01/2013 lors de l’intervention de
Dominique Baril dans le cadre du module d’enseignement sur l’hydromorphologie à l’AgroParisTech-ENGREF de
Montpellier.
8
Souchon Y., 2013. Directeur de recherche IRSTEA, Responsable du Laboratoire d'hydroécologie quantitative. Pôle
hydroécologie des cours d’eau ONEMA-IRSTEA. Entretien réalisé le 23/01/2013 lors de l’intervention d’Yves Souchon dans
le cadre du module d’enseignement sur l’hydromorphologie à l’AgroParisTech-ENGREF de Montpellier. 
16 
 
de « services culturels » en lien avec les usages récréatifs figurent parmi les principaux exemples
de services rendus par les hydrosystèmes (Dassonville, 2010).
 
La DCE préconise deux types d’analyses économiques (Parlement Européen et Conseil de l’Union
Européenne, 2000):
- l’analyse coût-efficacité, dans son annexe III-b, qui permet d’ « apprécier, sur la base de leur coût
potentiel, la combinaison la plus efficace au moindre coût des mesures relatives aux utilisations de
l’eau qu’il y a lieu d’inclure dans le programme de mesures visé à l’article 11 »
- l’analyse coûts-bénéfices qui permet aux Etats membres de justifier un report de délais en 2021 ou
2027, ou des objectifs moins stricts en raison de « coûts disproportionnés » liés à l’intervention.

De nombreuses analyses coûts-bénéfices sont menées pour mesurer la perte ou le gain de ces
services écosystémiques. Selon l’approche, elles s’intéressent soit à la demande (disposition à payer
des individus pour bénéficier de la restauration d’un cours d’eau), soit à l’offre (calcul du coût
d’opportunité pour la collectivité). Parmi les méthodes de calcul d’appréciation de la demande, les
plus courantes sont l’évaluation contingente (questionnaire sur les préférences), la méthode des
prix hédonistes (monétarisation du cadre de vie et appréciation du gain de valeur de l’immobilier) et
la méthode des coûts de déplacement (calcul du coût des transports pour se rendre sur le site
restauré). Parmi les méthodes de calcul d’appréciation de l’offre, les plus courantes sont la méthode
des coûts d'évitement (préventif) et celle des coûts de restauration (curatif) par l’appréciation des
coûts liés à l’intervention (Chegrani, 2006 ; Chegrani, 2007). Les expériences en France ont vocation
à nourrir le site Internet de l’ONEMA (ONEMA, 2013b) ou le portail économie d’Eaufrance (ONEMA,
2013a), mais les retours d’expériences d’analyses économiques appliquées à l’hydromorphologie
(restauration physique) sont encore peu nombreux. Sur le bassin Rhône-Méditerranée peut être cité à
titre d’exemple l’analyse coûts-avantages de la restauration du Gardon aval (Le Moult, 2007). En
outre, quand l’objet d’intervention concerne le démantèlement ou l’effacement d’un ouvrage
transversal, les études tentent de faire le lien entre ce qui est économisé en entretien, les bénéfices
rendus au milieu et les retombées en terme de fréquentation, mais il existe peu d’information quant à
la disparition d’une activité.

Ces analyses souffrent également d’une difficulté d’estimation des coûts unitaires des travaux et de
transférabilité des méthodes d’évaluation d’un site à un autre.,D’un point de vue méthodologique, les
Agences de l’eau se lancent dans des outils de mesure des coûts unitaires. D’une part, il s’agit de
satisfaire aux exigences européennes de transparence de l’intervention publique et des coûts de
l’intervention publique. D’autre part, cela permet de préparer une justification aux retards dans
l’atteinte du bon état (Large, 2008).
L’outil national en préparation pour l’évaluation des coûts de travaux est l’outil OSMOSE. A l’AERMC,
la méthode utilisée pour déterminer les coûts unitaires des travaux se base sur une enquête auprès
de maîtres d’ouvrages, sur des actions représentatives de la diversité de ce qui se fait à l’échelle du
bassin. Un degré de fiabilité est précisé lorsque le retour d’expériences n’est pas suffisant pour
l’extrapolation (BURGEAP, 2011). Pour l’effacement de seuil par exemple, l’analyse des retours
d’expériences a montré que le coût de l’intervention augmente avec la hauteur de chute, la largeur de
pleins bords et l’importance des secteurs à enjeux humains. Des formules de coût sont en outre
proposées ainsi que des domaines de validité. Pour la restauration d’un espace de mobilité par
exemple (R2-R3), la formule de coût, exprimée en €/ml de cours d’eau, équivaut à « C = 0,4318 x (I
Altération x Largeur (m) / Pente (%)) + 62,825 » (BURGEAP, 2011).

Les analyses économiques et l’estimation des coûts relèvent donc d’une approche monétaire et
financière pour permettre la comparaison de plusieurs opérations de restauration selon une même
échelle métrique. Ces outils sont utilisés pour faciliter la décision et révéler une opportunité
d’intervention, cela ne présume pas du succès d’un projet de restauration.
 
 
 
MESURER L’EFFICACITE DE LA RESTAURATION MORPHOLOGIQUE
 
Le suivi scientifique pour évaluer la résilience du milieu
 
17 
 
Le suivi scientifique dépend du niveau d’ambition de l’opération de restauration et des
caractéristiques du cours d’eau (typologie fonctionnelle). L’échelle et les paramètres à surveiller
découlent directement de l’analyse des altérations à l’origine du projet de restauration. Si l'analyse
granulométrique, du profil en long et en travers, et l'évolution des faciès d’écoulement relèvent des
suivis les plus courants, d’autres paramètres peuvent être pris en compte. Par exemple, si la
restauration vise à créer une ripisylve, les paramètres à suivre concerneront la structure de la rive, le
linéaire et l’épaisseur de la ripisylve. Face à une incision du lit mineur, il s’agira de surveiller la
variation de la largeur et de la profondeur du lit après restauration ou encore le degré de connexion
aux annexes hydrauliques et les échanges avec la nappe, etc. (Navarro et al., 2012).

L’équipe du pôle ONEMA-IRSTEA de Lyon distingue deux grandes catégories d’interventions : la


restauration linéaire (reméandrage, reconstitution de matelas alluvial …) ou l’effacement d’obstacles
transversaux. Si la restauration linéaire est supérieure à 100 fois la largeur de pleins bords, alors la
réponse est globale. Pour l’effacement d’obstacles, c’est le nombre d’obstacles concernés et leur
succession qui détermine la réponse globale ou locale (Navarro et al., 2012).

Les effets se mesurent en outre à plusieurs échelles : celles de la station (14 fois la largeur de
pleins bords), du linéaire restauré et celle plus étendue qui est l’approche par sites (Malavoi et
Souchon, 2010). La méthode d’échantillonnage et la représentativité des stations de mesure sont des
questions centrales. Par exemple, pour évaluer si la restauration a un effet positif sur la reprise du
transport sédimentaire au-delà de la simple zone restaurée, l’équipe du pôle ONEMA-IRSTEA de
Lyon propose l’approche par site, chaque site mesurant 6 fois la largeur de pleins bords : « choisir un
site dans les 5 km en aval de la zone restaurée, ou bien choisir 5 sites dans les 20 km en aval de la
zone restaurée » (Navarro et al., 2012).

La fréquence du suivi est déterminée à partir du retour d’expériences :

Figure 6: Programmation du suivi scientifique minimal de l’hydromorphologie, la biologie et la


physico-chimie (Navarro et al., 2012)

Pour observer un effet positif ou négatif de la restauration, il faut laisser du temps au milieu pour
recouvrer un état stable. Pour mesurer l’acclimatation biologique au nouvel environnement, il faut
attendre le renouvellement des espèces (en particulier de celles identifiées comme cibles) et la
recolonisation des habitats. Pour la mesure des paramètres biologiques, et notamment l’indice
poisson, les premiers effets ne sont donc pas observables avant au moins 3 ans (Baril, 2013) 9 ;
(Vigier et Caudron, 2011). Pour l’hydromorphologie, les effets - hors ceux constatés immédiatement
après travaux - peuvent être révélés après les premières crues morphogènes soient entre 3 et 6 ans,
voire au-delà (cf. figure 6).

Généralement, le suivi s’étend donc sur au moins 6 ans, ce qui signifie que les cours d’eau pour
lesquels une restauration morphologique n’a pas encore été engagée, les effets ne pourront pas
forcément être validés pour justifier le rétablissement d’un bon état (ou potentiel) écologique.
                                                            
9
Baril D., 2013. Délégation interrégionale Méditerranée de l’ONEMA. Entretien réalisé le 25/01/2013 lors de l’intervention de
Dominique Baril dans le cadre du module d’enseignement sur l’hydromorphologie à l’AgroParisTech-ENGREF de
Montpellier.
18 
 
Les résultats sont-ils suffisamment probants pour mériter la poursuite des efforts ?
 
Les retours d’expériences en matière de restauration morphologique concernent principalement des
opérations vitrines dont la réussite est communément admise. Rares sont les exemples d’échecs,
l’objectif étant de promouvoir les bonnes pratiques. Le recueil d'expériences de l’ONEMA sur
l'hydromorphologie (ONEMA, 2013b) fait partie de ces travaux promouvant les bonnes pratiques au
niveau national. A titre d’exemple, sur le bassin Rhône-Méditerranée, les cas d’études proposés
peuvent aussi bien concerner des opérations de préservation de cours d’eau (acquisition foncière sur
les rives de l'Ouche), que des opérations plus interventionnistes comme la suppression et dérivation
d’étangs (dérivation et recréation du lit mineur de la Veyle), ou encore la reconnexion d’annexes
hydrauliques (Bellegarde), ou le reméandrage (opération sur la Drésine).

Lorsque les résultats obtenus ne sont pas la hauteur des résultats attendus, la genèse est bien
souvent un défaut d’acceptation sociale, d’adhésion des acteurs économiques au projet de
restauration et une difficile mobilisation de la maîtrise d’ouvrage. Ces problèmes de gouvernance
sont souvent à l’origine de retards dans la procédure d’instruction (AERMC, 2012b), mais peuvent
parfois mener à limiter le niveau d’ambition voire l’abandon du projet.
Lorsque les projets se réalisent, les causes d’un échec peuvent être (ONEMA, 2013b):
- un évènement exceptionnel à l’origine de la destruction d’aménagements (exemple : crue de
2004 qui rend caduque la reconstitution du matelas alluvial sur l’Ardèche à Aubenas),
- une pollution ponctuelle, qui impacte plus nettement le suivi piscicole mais dont les effets
doivent se résorber si les conditions de bon fonctionnement avant pollution étaient réunies
(exemple : perte de biomasse et de densité piscicole du Dadon entre 2008 et 2009, après une
pollution ponctuelle au printemps 2009).
- un défaut de conception ou d’entretien des aménagements (exemple : passe à poissons
fissurée sur le Lez à Bollène) ; (Baril, 2013) 10

Sans parler d’échec mais de résultats à nuancer au regard des impératifs de bon état écologique de
la DCE, il convient de noter enfin que si les conditions physico-chimiques ne sont pas
satisfaisantes, la seule intervention sur l’hydromorphologie ne suffit pas. 

Pour apprécier un exemple de réussite, peut être cité l’exemple du Dadon (Rumilly, 74) dans le
bassin Rhône-Méditerranée.
De 2004 à 2009, le Dadon fait l’objet de travaux de restauration (R2-R3) visant le retour du cours
d’eau dans son talweg d’origine. En 2004, une première phase de travaux amorce le rétrécissement
du lit mineur et la diversification des habitats sur un linéaire de 360 mètres. Le suivi scientifique
concerne l’évolution qualitative et quantitative du peuplement macro-invertébrés benthiques et
piscicole à l’échelle stationnaire ; la qualité de l’habitat à l’échelle du linéaire restauré (approche à
l’échelle du faciès et du microhabitat, de l’analyse substrat / vitesse / hauteur d’eau).
Il en résulte une diminution de l’effet de colmatage, le développement d’une ripisylve, de nouveaux
faciès d’écoulement créés à la place de l’ancien radier initialement implanté, avec comme
particularités des substrats variés et une meilleure répartition des différentes hauteurs d’eau et
vitesses d’écoulement. Les effets sur l’état biologique sont rapidement observables puisqu’en 2 ans,
une « corrélation positive » peut être relevée entre l’amélioration des conditions physiques et les
réponses biologiques telles l’augmentation de la richesse taxonomique et la stabilité des peuplements
(Vigier et Caudron, 2011). Trois ans après travaux, la diversification des habitats a conduit à ce que la
biomasse piscicole soit multipliée par 35 et la densité d’individus par 14. Même si certaines espèces
emblématiques n’étaient pas encore réapparues au bout de ces 3 années (chabot, ombre), et
qu’apparaissaient des espèces comme la carpe commune et le gardon (proximité d’un étang de
loisir), les résultats étaient prometteurs et les conditions de l’habitat physique favorables à un retour
des truites fario (Vigier, 2007) ; (ONEMA, 2013b).

                                                            
10
Baril D., 2013. Délégation interrégionale Méditerranée de l’ONEMA. Entretien réalisé le 25/01/2013 lors de l’intervention
de Dominique Baril dans le cadre du module d’enseignement sur l’hydromorphologie à l’AgroParisTech-ENGREF de
Montpellier.
19 
 
Ces efforts sur l’hydromorphologie doivent cependant être poursuivis en raison d’une chenalisation
encore très marquée à l’aval: la masse d’eau FRDR11706 correspondante fait l’objet d’un report de
délais en 2021 pour cause de dégradations morphologiques (AERMC, 2013).
Enfin, les conditions physico-chimiques restent à surveiller: « les concentrations de nitrates et
d’orthophosphates relevées traduisent une pollution chronique dont l’origine est multiple. Des rejets
agricoles en tête de bassin versant ainsi qu’une mauvaise épuration des eaux issues de la zone
d’activité de Rumilly sont les sources probables de ces pollutions. Des rejets domestiques diffus
contribuent également à aggraver la situation» (Vigier, 2007).

La restauration du Dadon n’est pas un exemple isolé et les constats de réussite peuvent toucher
d’autres domaines que l’appréciation de la réponse biologique. L’hydrologie est souvent sous-
représentée dans les études de cas, pour autant des réussites en la matière existent. Par exemple, la
restauration de l’espace de liberté et le reméandrage du Vistre (à l’aval de Nîmes, 30) sur 4,2 km de
cours d’eau entre 2003 et 2004 a permis de limiter l’impact des inondations. Les travaux ont permis
de reconquérir des zones humides, facilitant l’écrêtement des crues par un espace de stockage de
plus de 40 000 m3 d’eau. L’efficacité des aménagements a été révélée en 2005, lors du passage de
la crue centennale: les secteurs aménagés n’ont pas subi de dégâts et l’évènement a été ressenti
comme moins violent (ralentissement des vitesses d’écoulement).

Les retours d’expériences tendent donc à prouver que les efforts en matière de restauration
hydromorphologique doivent être poursuivis. Toutefois, lorsque les conditions naturelles, techniques
et économiques le permettent, un niveau d’ambition élevé (en faveur d’une plus grande autonomie du
cours d’eau) et une complémentarité des mesures visant l’amélioration des conditions physico-
chimiques semblent être nécessaires pour un résultat le plus efficace possible au vu de l’atteinte des
objectifs de la DCE.

CONCLUSION :
 
Le premier état des lieux en 2004 a révélé que l’hydromorphologie était responsable de nombreux
déclassements de masses d’eau superficielles en France, ainsi qu’à l’échelle du bassin Rhône-
Méditerranée. En l’absence de protocole standardisé, le risque de non atteinte du bon état en 2015
n’a pas été appréhendé de manière homogène, les méthodes d’analyse des pressions variant d’un
bassin à l’autre. Cette expérience aura donc mis en exergue la nécessité d’améliorer les
connaissances sur les altérations hydromorphologiques d’origine anthropiques, pour permettre
d’adapter au mieux les plans de gestion aux causes de dégradation. De ce constat sont amorcés
plusieurs chantiers qui sollicitent la synergie entre la recherche et les institutions, comme le projet
SYRAH-CE et l’analyse de la réponse biologique aux altérations hydromorphologiques (la bio-
indication se réformant en parallèle à la même période). L’analyse des risques d’altération ne permet
cependant pas encore de faire directement le lien entre les dégradations et la réponse biologique au
sens de la DCE, mais elle apporte des clés de compréhension.
Le processus DCE s’accompagne donc de la clarification progressive des méthodes d’évaluation,
mais le temps qui est nécessaire à la mise en place des outils de suivi est jugée longue et coûteuse
(RIOB, 2012).

L’hydromorphologie n’est ensuite pas le seul paramètre en cause pour le déclassement des masses
d’eau et le risque de non atteinte du bon état à l’horizon 2015. Les pollutions ponctuelles et diffuses,
ainsi que le déséquilibre quantitatif sont également à l’origine de la dégradation de l’état physico-
chimique. Les marges de progression pour soutenir la biologie portent donc bien sur ces deux
compartiments de l’état écologique et des actions combinées permettent de répondre à des enjeux
aussi transverses que la lutte contre l’eutrophisation ou contre les inondations. Le poids relatif de
l’hydromorphologie dans le programme de mesures se retrouve également dans la répartition des
coûts financiers. Pour le bassin Rhône-Méditerranée l’hydromorphologie vient après les pollutions
ponctuelles et diffuses. Il existe en outre une grande diversité des traitements de la thématique
hydromorphologie à l’échelle de ce district. Afin que l’argumentaire reste cohérent, ce sujet n’est
abordé que sous l’angle français et en particulier celui du bassin Rhône-Méditerranée. Il serait donc
intéressant de comparer avec les autres districts français, voire européens.
20 
 
Dans cette synthèse, l’hydromorphologie est en outre appréciée sous un angle opérationnel, à
travers la mise en œuvre effective de la DCE. Compte tenu du rôle important que joue la restauration
physique dans cette mise en œuvre, un focus particulier est proposé au lecteur afin de rendre compte
des principes scientifiques, difficultés et préconisations qui gravitent autour de ce moyen d’action. Le
retour d’expériences tend à prouver que la mesure de la réussite d’un projet de restauration demande
plusieurs années de recul et un suivi scientifique rigoureux. La dimension temporelle d’un projet
de restauration ambitieux est souvent un des facteurs limitant dans le processus de la DCE qui
implique une obligation de résultats. Se pose alors la question de compatibilité entre le temps des
projets et les échéances. La possibilité de reporter les délais pour laisser le temps au milieu
d’apporter les preuves de sa résilience est alors envisageable, mais force est de constater que la
plupart des reports de délais le sont pour des raisons techniques et ensuite pour des raisons de coûts
disproportionnés. Si l’hydromorphologie est souvent impliquée dans ce calcul de report de délais, la
relation entre des altérations constatées et un report du fait de ces altérations n’est pas systématique.

Enfin, la construction même du projet de restauration souffre de la difficile conciliation entre les
enjeux de non dégradation de l’état des milieux aquatiques et la préservation des usages. Il faut alors
« considérer l’hydromorphologie comme un acte territorial » (Bourdin et al., 2011). La restauration
peut parfois être appréhendée comme une forme de dégradation de « l’esprit des lieux », comme
c’est bien souvent le cas pour les opérations d’effacement d’ouvrages transversaux (Bioret et Chlous
Ducharme, 2011). L’acceptabilité sociale est donc un élément clé de la bonne mise en œuvre de la
DCE pour l’hydromorphologie. Le retour d’expériences à ce sujet tend à prouver que cette dimension
est souvent mal anticipée par les maîtres d’ouvrages ou que le temps dédié à la pédagogie et à la
concertation locale n’est pas suffisamment pris, ce qui peut engendrer des retards, des conflits voire
l’abandon de projets. A cela s’ajoute un problème de segmentation : « les actions et les
interventions des collectivités sont ainsi morcelées à la fois spatialement et thématiquement, avec
des compétences réparties entre différents acteurs n’ayant pas la main sur la totalité des enjeux du
cours d’eau. (…) fragmentation spatiale ajoutée au statut non domanial des cours d’eau (…) à ces
discontinuités juridiques, organisationnelles et spatiales, se superposent les segmentations
introduites par les découpages des masses d’eau par le SDAGE et le programme de mesure de
l’Agence pour la mise en œuvre de la DCE. » (Carré et al., 2011).
Cette difficile lisibilité de l’intervention publique, notamment au regard du grand public, participe
probablement à donner une image bureaucratique de l’hydromorphologie. Il serait alors intéressant
de rechercher les outils et moyens mis en œuvre par les maîtres d’ouvrages pour faciliter
l’acceptabilité sociale des projets et la bonne compréhension des enjeux en matière
d’hydromorphologie.

21 
 
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Pour connaître la signification des abréviations utilisées dans la bibliographie, se référer à la liste
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Martin-Bellevue, FDP74, 77 p.

24 
 
Vigier L., Caudron A., 2011. Évaluation de la restauration de l’habitat physique d’un cours d’eau de
Haute-Savoie (le Dadon): mise en place, premiers résultats et perspectives. Sciences Eaux et
Territoires, (5), pp. 26‑31.

Wasson J.G., Malavoi J.R., Maridet L., Souchon Y., Paulin L., 1995. Impacts écologiques de la
chenalisation des rivières. Lyon, CEMAGREF, 166 p.

Wiederkehr E., 2012. Apports de la géomatique pour une caractérisation physique multi-échelle des
réseaux hydrographiques. Elaboration d’indicateurs appliqués au bassin du Rhône. Thèse
pour l’obtention du grade de Docteur en géographie, Lyon, Ecole Normale Supérieure de
Lyon, 287 p.

Wiederkehr E., Dufour S., Piégay H., Bertrand M., 2012. Indicateurs de caractérisation physique des
milieux aquatiques. Premiers rendus cartographiques et premières analyses à l’échelle du
réseau hydrographique. Lyon, AERMC, 77 p.

LISTE DES ABREVIATIONS :


 
AERMC: Agence de l’Eau Rhône-Méditerranée et Corse
AESN: Agence de l’Eau Seine-Normandie
AELB: Agence de l’Eau Loire-Bretagne
AURAH-CE: Audit Rapide de l’Hydromorphologie des Cours d’Eau
CARHY-CE: CARactérisation de l'HYdromorphologie des Cours d'Eau
CEMAGREF: CEntre National du Machinisme Agricole, du Génie Rural, des Eaux et des Forêts
CGEDD: Conseil Général de l’Environnement et du Développement Durable
DCE: Directive Cadre Européenne sur l’Eau
DERU: Directive Eaux Résiduaires Urbaines
FDP: Fédération Départementale pour la Pêche
IRSTEA: Institut de Recherche en Sciences et Techniques de l’Environnement et l’Agriculture
MEA: Masse d’eau artificielle
MEDAD: Ministère de l’Ecologie, du Développement et de l’Aménagement Durables
MEDD: Ministère de l’Ecologie et du Développement Durable
MEDDE: Ministère de l’Ecologie, du Développement Durable et de l’Energie
MEFM: Masse d’eau fortement modifiée
ONEMA: Office National de l’Eau et des Milieux Aquatiques
PDM: Programme de mesures
RIOB: Réseau International des Organismes de Bassin
RNABE: Risque de Non Atteinte du Bon Etat
SDAGE: Schéma Directeur d’Aménagement et de Gestion des Eaux
SER: Society for Ecological Restoration
SIG: Système d’informations géographiques
SYRAH-CE: SYstème Relationnel d’Audit de l’Hydromorphologie des Cours d’Eau
UNEP: United Nations Environment Programme
 

LISTE DES FIGURES ET TABLEAUX :


 
Figure 1: Liens entre les différents compartiments au sein d’un hydrosystème.
Figure 2: Echelle d’analyse et indicateurs d’évaluation des pressions hydromorphologiques du
SYRAH-CE.
Figure 3 : Répartition (en %) du budget des mesures compensatoire du PDM 2010-2015 du bassin
Rhône-Méditerranée, en fonction du type d’intervention.
Données territorialisées agrégées à l’échelle du bassin.
Figure 4: Proportion (en %) de chaque type d’intervention dans la répartition du budget territorialisé
des mesures compensatoire du PDM 2010-2015 du bassin Rhône-Méditerranée.

25 
 
Figure 5: Postulats et principes généraux des opérations de restauration d’après la typologie
géodynamique fonctionnelle.
Figure 6: Programmation du suivi scientifique minimal de l’hydromorphologie, la biologie et la
physico-chimie.
Tableau 1: Liste des principales altérations hydromorphologiques et biologiques liées aux
interventions humaines.
 

26 
 
648 rue Jean-François Breton – BP 44494
34093 MONPELLIER CEDEX 5

Tél. : (33) 4 67 04 71 00
Fax. : (33) 4 67 04 71 01
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15 rue Edouard Chamberland


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