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La joie peut-elle faire
partie de ma vie ?
Questions cruciales

La joie
peut-elle
faire partie
de ma vie ?

R. C. S P R O U L
Édition originale en anglais sous le titre :
Can I Have Joy in My Life?
© 2012 par R. C. Sproul
Publié par Reformation Trust Publishing, une division de Ligonier Ministries
421 Ligonier Court, Sanford, FL 32771, U.S.A.
Ligonier.org ReformationTrust.com
Tous droits réservés. Traduit et publié avec permission.

Pour l’édition française :


La joie peut-elle faire partie de ma vie ?
© 2021 Publications Chrétiennes, Inc.
Publié par Éditions La Rochelle
230, rue Lupien, Trois-Rivières (Québec)
G8T 6W4 – Canada
Site Web : www.editionslarochelle.org
Tous droits de traduction, de reproduction et d’adaptation réservés.

Publications Chrétiennes exprime toute sa gratitude à Ligonier Ministries


Canada (www.ligonier.ca) qui, par son soutien, a rendu possible la publication
de ce livre en français.

Traduction : Hugues Pierre


Adaptation de couverture et mise en page : Rachel Major

ISBN :
978-2-924895-34-4 (broché)
978-2-924895-35-1 (eBook) 
978-2-924895-36-8 (livre audio)

Dépôt légal – 4e trimestre 2021


Bibliothèque et Archives nationales du Québec
Bibliothèque et Archives Canada

« Éditions La Rochelle » est une marque déposée de


Publications Chrétiennes, Inc.

À moins d’indications contraires, les citations bibliques sont tirées de la


Nouvelle Édition de Genève (Segond 1979) de la Société Biblique de Genève.
Avec permission.
Table des matières

1 Ne vous inquiétez pas, soyez joyeux . . . . . . . . . 7

2 Regardez toute épreuve comme un sujet


de joie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 15

3 Comment voyez-vous la joie ? . . . . . . . . . . . . 23

4 La plus grande joie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 33

5 La joie par faite . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 43

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Chapitre 1

Ne vous inquiétez pas,


soyez joyeux

L e mot joie apparaît de nombreuses fois dans les Écritures.


Les Psaumes, par exemple, sont remplis de références à la
joie. Les psalmistes déclarent : « Le soir arrivent les pleurs, et
le matin l’allégresse » (Ps 30.6b) et « Poussez vers Dieu des cris
de joie, vous tous, habitants de la terre » (Ps 66.1). De même,
dans le Nouveau Testament, nous voyons que la joie est un
fruit de l’Esprit Saint (Ga 5.22), c’est-à-dire qu’elle est une vertu
chrétienne. Étant donné son importance dans l’enseignement
biblique, il nous faut comprendre ce qu’elle est et la rechercher.
En raison de la manière dont la joie est aujourd’hui présentée
et décrite dans la culture occidentale, nous pouvons avoir du mal
à saisir ce que la Bible en dit. Par exemple, dans les béatitudes,

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La joie peut-elle faire par tie de ma vie ?

Jésus dit : « Heureux les pauvres en esprit », « Heureux les


affligés », « Heureux les débonnaires » (voir Mt 5.3‑5, italiques
pour souligner), etc. Le mot grec traduit par heureux dans ces
passages ne renvoie pas à un simple sentiment de joie superfi-
ciel comme certains pourraient le penser. Il évoque plutôt la
consolation, la stabilité, un grand bonheur et une paix profonde.
C’est pourquoi nous devons prendre garde afin de ne pas lire
les textes du Nouveau Testament à travers le prisme de l’idée
populaire que l’on se fait de la joie et du bonheur.
Réfléchissons à la chanson populaire de Bobby McFerrin,
qui date des années 1980, « Don't worry, be happy ». Son pro-
pos sous-entendait une attitude plutôt cavalière, empreinte de
plaisirs. En les considérant de nouveau nous constatons que
ses paroles sont très étranges d’un point de vue contemporain.
On y voit un impératif, un commandement : « Ne t’inquiète
pas. Au contraire, sois heureux. » Cette chanson ne fait pas une
recommandation, mais elle énonce un devoir. On ne consi-
dère pourtant jamais le bonheur de cette manière. Lorsque
nous sommes malheureux, nous pensons qu’il est impossible
de modifier nos sentiments par un acte de notre volonté. Nous
avons tendance à considérer le bonheur comme étant une chose
passive, ce serait quelque chose qui nous arrive et sur quoi
nous n’avons aucun contrôle. Nous le désirons et nous voulons
en faire l’expérience, mais nous sommes convaincus qu’il est
impossible à créer par un acte de notre volonté.
Curieusement, en ordonnant à ses auditeurs d’être heu-
reux, McFerrin se rapproche beaucoup de l’enseignement du

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Ne vous inquiétez pas, soyez joyeux

Nouveau Testament. Ses pages présentent sans cesse la joie


comme un impératif et une exigence. Sur la base de l’ensei-
gnement biblique, j’irais même jusqu’à dire que le chrétien a
le devoir, l’obligation morale, d’être joyeux. Cela signifie qu’un
chrétien qui n’est pas joyeux désobéit et que la tristesse et le
manque de joie sont, en quelque sorte, des manifestations de
la chair.
Il y a bien sûr des moments où nous sommes envahis par le
chagrin. Jésus lui-même était appelé « Homme de douleur et
habitué à la souffrance » (És 53.3). Les Écritures nous disent
que : « Mieux vaut aller dans une maison de deuil que d’aller
dans une maison de festin » (Ec 7.2a). Même dans le sermon sur
la montagne, Jésus a dit : « Heureux les affligés, car ils seront
consolés ! » (Mt 5.4.) Puisque la Bible nous apprend qu’il est
parfaitement légitime de passer par le deuil et d’éprouver de la
tristesse et du chagrin, ces sentiments ne sont pas des péchés.
Toutefois, je voudrais que vous considériez que les paroles
de Jésus pourraient être traduites par « joyeux sont les affligés ».
Comment une personne qui vit un deuil peut-elle être tout de
même joyeuse ? Je crois que nous pouvons défaire ce nœud
assez facilement. Au cœur de ce concept, dans le Nouveau
Testament, se trouve la réalité suivante : quelqu’un peut avoir
une joie biblique même lorsqu’il est affligé, qu’il souffre ou qu’il
connaît des circonstances difficiles. Cela est dû au fait que le
chagrin de la personne est orienté vers une préoccupation, alors
qu’au même moment, elle possède une certaine mesure de joie.
J’en dirai plus à ce sujet dans le prochain chapitre.

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La joie peut-elle faire par tie de ma vie ?

Comment se réjouir sans cesse ?


Dans sa lettre aux Philippiens, l’apôtre Paul parle de la joie et
du devoir qui incombe au chrétien de se réjouir sans cesse. Par
exemple, il écrit : « Réjouissez-vous toujours dans le Seigneur »
(4.4a). C’est l’un de ces impératifs bibliques, et il ne laisse
aucune place au manque de joie, car Paul dit que les chrétiens
doivent se réjouir en tout temps, non pas parfois, à intervalles
réguliers ou occasionnellement. Il ajoute ensuite : « Je le répète,
réjouissez-vous » (v. 4b). Lorsque Paul a écrit cette épître, il
était en prison, et il y aborde des sujets très graves, tels que la
possibilité qu’il subisse le martyre, servant de libation (2.17).
Pourtant, il rappelle aux croyants de Philippes qu’ils ont le
devoir de se réjouir malgré ces circonstances.
Cela nous ramène à la question de la joie dans son rap-
port avec la discipline et la volonté. Comment est-il pos-
sible de rester toujours joyeux ? Paul nous donne la réponse :
« Réjouissez-vous toujours dans le Seigneur » (italiques pour
souligner). La clé de la joie chrétienne se trouve dans sa
source, à savoir le Seigneur. Si Christ est en moi et que je suis
en lui, cette relation n’est pas une expérience occasionnelle.
L’enfant de Dieu est toujours dans le Seigneur et celui-ci
l’accompagne sans cesse. C’est là un motif permanent de se
réjouir. Même lorsque ses circonstances inspirent le contraire,
et qu’il passe par des moments de douleur, de peine ou de
chagrin, le chrétien peut sans cesse expérimenter la joie en
Christ. Nous nous réjouissons dans le Seigneur, et puisque

10
Ne vous inquiétez pas, soyez joyeux

jamais il ne nous quitte ni ne nous abandonne, nous pouvons


toujours nous réjouir.
Puisque la joie est un fruit de l’Esprit, notre sanctification
se manifeste non seulement par notre amour, notre paix, notre
patience, notre bonté et ainsi de suite, mais aussi par notre
joie (voir Ga 5.22,23). Il ne faut pas oublier que le fruit du
Saint-Esprit est différent des dons du Saint-Esprit. Le Nouveau
Testament enseigne que ce dernier distribue divers dons à divers
croyants pour diverses raisons. Tous n’ont pas le don d’ensei-
gner, de prêcher, de donner ou encore de gouverner. Toutefois,
en ce qui concerne le fruit de l’Esprit, on ne peut pas dire
que certains chrétiens possèdent le fruit de la foi, tandis que
d’autres ont celui de l’amour, ou encore que l’un a le fruit de la
bonté et de la douceur alors que d’autres possèdent celui de la
paix et de la maîtrise de soi. Chaque chrétien doit manifester
tous les aspects du fruit de l’Esprit, et plus nous grandissons
dans la grâce, plus nous progressons dans notre sanctification,
démontrant de plus en plus de douceur, de patience, de fidélité
et, évidemment, de joie.
En d’autres termes, la vie chrétienne ne doit pas être mar-
quée par une attitude maussade ou misérable. Nous connaissons
tous de mauvaises journées, mais la joie est la particularité
fondamentale de la personnalité chrétienne. En tant que chré-
tiens, nous avons tellement de raisons de nous réjouir que nous
devrions être les personnes les plus joyeuses du monde. C’est la
raison pour laquelle Paul n’hésite pas à ordonner à ses lecteurs
de se réjouir.

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La joie peut-elle faire par tie de ma vie ?

Le moyen de retrouver la joie


L’exhortation de Paul présuppose qu’il y a quelque chose que les
croyants peuvent faire s’ils se sentent dépourvus de joie. L’apôtre
a raison, bien évidemment, et le Nouveau Testament regorge de
passages qui nous enseignent comment être joyeux. La méthode
la plus élémentaire consiste à concentrer notre attention sur le
fondement, la source de notre joie.
C’est dans son épître aux Philippiens que Paul donne les
instructions les plus pratiques à ce sujet : « que tout ce qui est
vrai, tout ce qui est honorable, tout ce qui est juste, tout ce
qui est pur, tout ce qui est aimable, tout ce qui mérite l’ap-
probation, ce qui est vertueux et digne de louange, soit l’objet
de vos pensées » (4.8). C’est une exhortation à méditer sur
les choses du Seigneur et à porter notre attention sur ce qui
se rapporte à Dieu. Lorsque nous sommes déprimés, abattus,
irrités, contrariés ou malheureux pour toute autre raison, il nous
faut retourner à la source de notre joie, et nous verrons alors
la situation qui sape notre joie dans une juste perspective. Les
circonstances de cette vie nous paraitront alors insignifiantes
en comparaison avec ce que nous avons reçu de Dieu.
Parfois, c’est l’intensité de la dernière bénédiction que nous
avons reçue des mains de Dieu qui détermine notre joie. Nous
avons tendance à rechercher des émotions fortes, une extase
spirituelle qui nous exaltera et nous remplira de joie, mais ces
sentiments intenses finissent par s’estomper. Lorsque les choses
sont remises en perspective, je prends conscience du fait que,

12
Ne vous inquiétez pas, soyez joyeux

même si je ne recevais plus aucune autre bénédiction de la main


de Dieu, je n’aurais aucune raison valable de n’être pas débor-
dant de joie jusqu’au jour de ma mort. Dieu m’a déjà donné
tant de choses pour lesquelles être reconnaissant, pour susciter
en mon âme le plaisir, la joie et l’allégresse, que je devrais être
capable de vivre, fondé sur cette abondance de bénédictions,
en demeurant joyeux toute ma vie durant.
Bien sûr, Dieu ne cessera pas de manifester sa sollicitude et
de nous accorder sa miséricorde et ses bénédictions, et c’est là
une bonne nouvelle. Il continue de nous bénir, et cela signifie
que nous avons chaque jour, en tant que chrétiens, de plus
amples raisons de nous réjouir. Comme la veille, nous avons
de nouveau reçu toutes ces choses qui nous remplissent de joie :
son amour et tous les bienfaits qu’il déverse sur nous.
Quel est le grand ennemi de la joie ? Dans le Nouveau
Testament, il semble que ce ne soit pas tant la tristesse ou le
chagrin, mais plutôt l’anxiété. Je crois que ce que Paul a choisi
de dire immédiatement après son ordre aux Philippiens est révé-
lateur : « Ne vous inquiétez de rien ; mais en toute chose faites
connaître vos besoins à Dieu par des prières et des supplications,
avec des actions de grâces. Et la paix de Dieu, qui surpasse toute
intelligence, gardera vos cœurs et vos pensées en Jésus-Christ »
(4.6,7). On croirait que Paul avait été un témoin oculaire du
sermon sur la montagne et qu’il avait entendu Jésus dire à ses
disciples : « C’est pourquoi je vous dis : Ne vous inquiétez pas
pour votre vie de ce que vous mangerez, ni pour votre corps, de
quoi vous serez vêtus. La vie n’est-elle pas plus que la nourriture,

13
La joie peut-elle faire par tie de ma vie ?

et le corps plus que le vêtement ? » (Mt 6.25.) C’est l’anxiété


qui nous prive de notre joie. Et qu’est-ce que l’anxiété sinon de
la peur ? Cette dernière est l’ennemie de la joie. Il est difficile
d’être joyeux lorsque l’on a peur.
Dans tout l’enseignement de Jésus, la directive la plus récur-
rente à ne pas faire quelque chose est « ne crains point ». Il s’agit
également d’un impératif et, là encore, la seule solution est de
nous tourner vers notre Père. Nous devons aller à lui dans la
prière, pour entrer en communion avec lui. De cette façon,
nous demeurons tout près de la source de notre joie. Nous nous
déchargeons de nos inquiétudes, et le fruit de l’Esprit mûrit à
nouveau en nous. Si nous comprenons qui est le Christ et ce
qu’il a fait pour nous, nous connaîtrons une nouvelle dimen-
sion de la joie.
En fin de compte, la chanson de McFerrin a presque fait
mouche. Nous ne devrions pas nous inquiéter, mais nous
devrions être joyeux.

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Chapitre 2

Regardez toute épreuve


comme un sujet de joie

A pprendre à être joyeux au milieu de la douleur et de la


souffrance est l’une des leçons les plus difficiles à assi-
miler dans la vie chrétienne. Dans ces circonstances, la joie
n’est cependant pas facultative. Jacques nous dit : « Mes frères,
regardez comme un sujet de joie complète les diverses épreuves
auxquelles vous pouvez être exposés » (1.2). Que veut ce texte
et comment pouvons-nous obéir à l’ordre de cet auteur ?
Être joyeux et voir nos épreuves comme un sujet de joie sont
deux choses différentes. Lorsque Jacques nous dit « regardez
comme un sujet de joie complète », il utilise un mot qui véhi-
cule l’idée de compter, de considérer ou d’estimer. Il affirme
que même si nous ne nous sentons pas joyeux en raison d’une

15
La joie peut-elle faire par tie de ma vie ?

épreuve que nous traversons, nous devons la regarder – c’est-


à-dire la considérer – comme une occasion de nous réjouir.
Nous devons le faire, non pas parce que ce que nous endu-
rons est agréable, mais parce que, comme le dit Jacques, nous
savons « que l’épreuve de [notre] foi produit la patience » (v. 3).
Autrement dit, les tribulations, la douleur et la souffrance
engendrent en nous une constance, de sorte que quelque chose
de bon se produit en nous, même au milieu des épreuves. En
nous remémorant cette vérité lorsque nous traversons des diffi-
cultés, aussi pénibles qu’elles puissent être, nous comprendrons
qu’elles ne sont pas vaines, mais qu’à travers elles Dieu vise un
but, et que celui-ci est toujours louable.
Mon mentor, le Dr John Gerstner, faisait une distinction
intéressante entre les différentes sortes de maux et de biens. En
ce qui concerne les choses mauvaises, il affirmait qu’il existe un
« mal mauvais » et un « mal utile ». Ce dernier, considéré en soi
comme destructeur et douloureux, peut néanmoins occasionner
quelque chose de bon. Si tel n’était pas le cas, comment Dieu
aurait-il pu dire, par l’apôtre Paul : « Nous savons, du reste, que
toutes choses concourent au bien de ceux qui aiment Dieu, de
ceux qui sont appelés selon son dessein » (Ro 8.28) ?
Jacques nous exhorte donc à considérer ces choses comme
un sujet de joie, même quand elles ne sont pas joyeuses, non
pas parce qu’il est plaisant d’être plongé dans la douleur et la
souffrance, mais parce que Dieu peut générer du bien à travers
elles. Même dans les situations les plus difficiles il œuvre pour
notre sanctification.

16
Regardez toute épreuve comme un sujet de joie

Les regards tournés vers un avenir glorieux


Pour parvenir à considérer les douleurs et les afflictions terrestres
comme des sujets de joie, nous devons être capables de penser
en termes d’avenir. Parfois, l’espérance chrétienne, celle du
ciel, est ridiculisée comme si elle n’était qu’un rêve illusoire. Il
s’agit pourtant d’une réalité qui procure un véritable réconfort,
comme bien des exemples, dans l’histoire, le démontrent.
À l’époque de l’esclavage aux États-Unis, les esclaves noirs
n’avaient pas de quoi se réjouir. Leur vie était faite de privations
et de souffrances. Le travail de leurs mains était une corvée sans
fin, jour après jour. Ils étaient souvent démunis. Les familles
étaient parfois déchirées lorsque des individus étaient vendus.
Ils menaient une existence misérable, et pourtant, la musique
des negro spirituals de l’époque était remplie de joie. Le ciel est
l’un des thèmes les plus récurrents de ces chants, et je ne crois
pas qu’il s’agisse d’une coïncidence. Par exemple, dans le cantique
« Swing Low, Sweet Chariot », l’une des strophes se lit ainsi : « J’ai
regardé au-delà du Jourdain, et qu’ai-je vu venir pour me trans-
porter jusqu’à la maison ? C’est une cohorte d’anges, venant vers
moi, pour me transporter jusqu’à la maison. » Dans beaucoup
de ces cantiques, nous trouvons le puissant témoignage d’une
joie fondée sur l’attente envers Dieu et la bénédiction future.
Cette manière de considérer les choses est en accord avec les
enseignements du Nouveau Testament. Paul, par exemple, recon-
naît la réalité et l’intensité de la souffrance que nous sommes appe-
lés à endurer dans ce monde : « L’Esprit lui-même rend témoignage

17
La joie peut-elle faire par tie de ma vie ?

à notre esprit que nous sommes enfants de Dieu. Or, si nous


sommes enfants, nous sommes aussi héritiers : héritiers de Dieu,
et cohéritiers de Christ, si toutefois nous souffrons avec lui, afin
d’être glorifiés avec lui » (Ro 8.16,17 ; italiques pour souligner).
Mais il établit ensuite une comparaison entre les épreuves que
nous traversons ici-bas et la joie qui nous est réservée dans le ciel :
« J’estime que les souffrances du temps présent ne sauraient être
comparées à la gloire à venir qui sera révélée pour nous » (v. 18).
Les moments d’angoisse et de souffrance que nous traversons ne
sont rien en comparaison de la joie qui nous attend au ciel.
Cependant, le paradis est encore à venir, et le présent est
souvent éprouvant. Il y a quelques années, j’avais une amie,
une dame âgée, vive d’esprit et ayant une personnalité très
dynamique, qui a gardé ces traits de caractère même lorsqu’on
lui a diagnostiqué un cancer. Mais un jour, en lui rendant
visite à l’hôpital pendant ses traitements de chimiothérapie, je
l’ai trouvée quelque peu déprimée. Elle n’était pas aussi vive et
enjouée qu’à l’accoutumée. Je lui ai demandé : « Dora, comment
vas-tu ? » Elle m’a regardé, les larmes aux yeux, et m’a répondu :
« R. C., il est difficile de vivre en chrétien quand on a la tête
dans les toilettes. » Puis elle a éclaté de rire et la joie est apparue
à nouveau dans ses yeux. J’ai ri avec elle, parce que je pouvais
comprendre ce qu’elle voulait dire. Lorsqu’on est malade et que
l’on souffre, il est difficile de ressentir une grande joie.
Le conseil de Paul, alors que nous traversons ces moments,
consiste à nous rappeler que Dieu a fixé une limite de temps à
notre souffrance, et qu’après ce temps, nous nous trouverons là

18
Regardez toute épreuve comme un sujet de joie

où la souffrance n’existera plus. Il n’y aura plus de larmes, plus


de douleur, plus d’anxiété, plus de chagrin et plus d’adversité.
Cette vérité peut sembler illusoire, mais il est incontestable qu’au
cœur de la foi chrétienne se trouve l’affirmation suivante : ce
monde n’est pas notre destination finale. Elle est à venir.
Ainsi, le ciel est la ferme espérance du chrétien, et le
Nouveau Testament affirme que cette dernière est l’ancre de
l’âme (Hé 6.19). Malheureusement, ceux qui n’ont pas le Christ
en sont privés.
Étant donné les nombreuses luttes dans ma vie comme chré-
tien, je me demande parfois comment ceux qui n’appartiennent
pas à Christ peuvent s’en sortir. Comment font-ils pour endurer
la souffrance sans l’espérance de la joie qui nous est réservée
dans le ciel ? Nous devrions être bien plus reconnaissants que
nous ne le sommes pour cette espérance bénie, et, au milieu
de la douleur et de l’affliction, diriger nos regards vers l’avenir.

Avoir confiance en Dieu au sein des épreuves


Le personnage biblique qu’est le prophète Habakuk nous en
fournit une illustration émouvante et saisissante. Il ne sautait
pas de joie en voyant sa nation ravagée par une puissance étran-
gère. Cette situation a suscité chez lui toutes sortes de débats
théologiques ; Habakuk a réellement traversé une crise de foi. Il
demandait à Dieu : « Comment peux-tu permettre ces choses ?
Comment peux-tu laisser faire, dans ce monde, tant de mal et
de souffrance ? N’es-tu pas trop saint pour voir l’iniquité ? »

19
La joie peut-elle faire par tie de ma vie ?

Il a aussi déclaré : « J’étais à mon poste, et je me tenais sur la


tour ; je veillais, pour voir ce que l’Éternel me dirait, et ce que
je répliquerais après ma plainte » (Ha 2.1).
Dieu a répondu à son prophète abattu en se présentant à lui
d’une manière qui ressemble à ce qu’il a offert à Job. Après cela,
Habakuk déclarait : « J’ai entendu […] Et mes entrailles sont
émues. À cette voix, mes lèvres frémissent, mes os se consument,
et mes genoux chancellent : en silence je dois attendre le jour de
la détresse, le jour où l’oppresseur marchera contre le peuple »
(3.16). Le message de Dieu l’avait tellement bouleversé que son
corps en était tout tremblant.
Dans le livre d’Habakuk se trouve une expression qui est
reprise trois fois dans le Nouveau Testament et qui sert d’énoncé
thématique dans l’épître aux Romains, la principale œuvre
théologique de l’apôtre Paul (Ro 1.17). Il s’agit de : « Le juste
vivra par sa foi » (Ha 2.4). On pourrait la traduire ainsi : « le
juste vivra par la confiance ». Que signifie vivre par la foi, si ce
n’est avoir confiance en Dieu ? Ce genre de vie ne consiste pas
seulement à être convaincu que Dieu existe, mais à croire ce
qu’il dit ou à lui faire confiance.
J’ai cette conversation avec moi-même chaque fois que j’ai
peur : « R. C., as-tu vraiment confiance en Dieu ? Le crois-tu
lorsqu’il te promet que ce qui t’arrive est pour ton bien et en
vue d’une joie éternelle ? » Ce n’est qu’en croyant Dieu que nous
pouvons demeurer joyeux au milieu des épreuves.
Comment Habakuk a-t-il répondu au Seigneur ? Il a dit :
« Car le figuier ne fleurira pas, la vigne ne produira rien, le fruit

20
Regardez toute épreuve comme un sujet de joie

de l’olivier manquera, les champs ne donneront pas de nourri-


ture ; les brebis disparaîtront du pâturage, et il n’y aura plus de
bœufs dans les étables. Toutefois, je veux me réjouir en l’Éternel,
je veux me réjouir dans le Dieu de mon salut » (3.17,18).
Ces paroles nous semblent étranges, car Habakuk a vécu il y
a très longtemps dans une culture bien différente de la nôtre. La
floraison des figuiers ne nous fait pas perdre le sommeil la nuit.
Nous ne nous soucions pas de savoir comment sera la récolte des
olives. Mais Habakuk était un Juif, et l’économie d’Israël dépen-
dait de l’agriculture. Les figues étaient une denrée importante.
Tout comme le fruit de la vigne, le raisin avec lequel on faisait le
vin. Il suffit de se rendre dans la vallée de Napa, en Californie,
pour constater l’importance que ces plantes peuvent avoir pour
l’économie d’une région. Si ces vignes sont empoisonnées ou
détruites par quelque catastrophe naturelle, c’est toute la région
qui en souffre financièrement. De même à l’époque d’Habakuk,
des olives on tirait de l’huile, un produit très important en Israël.
Les gens qui ne travaillaient pas dans les vignes s’occupaient des
troupeaux. Le bétail était, lui aussi, essentiel.
Permettez-moi de tenter de traduire les paroles d’Habakuk
en langage moderne : « Même si l’agriculture s’effondre, si la
bourse dégringole, si l’industrie automobile fait faillite, si les
industries technologiques éclatent, même si tout cela arrive,
je me réjouirai dans le Dieu de mon salut. Je trouverai en lui
ma joie. » C’est ce qu’il aurait dit s’il avait vécu au xxie siècle.
Le prophète poursuit en expliquant pourquoi il se sentait
ainsi. « L’Éternel, le Seigneur, est ma force ; il rend mes pieds

21
La joie peut-elle faire par tie de ma vie ?

semblables à ceux des biches, et il me fait marcher sur mes


lieux élevés » (v. 19). La biche a le pas si sûr qu’elle peut se
déplacer, comme une chèvre des montagnes, sur des lieux élevés
et dangereux, traversant des crêtes étroites sans tomber dans
le vide. Habakuk a dit que Dieu rendrait ses pieds semblables
à ceux d’une biche et qu’il lui permettrait de marcher sur les
lieux élevés. Ainsi, il déclarait que même si de nombreuses
calamités s’abattaient sur son peuple, si la nation était ravagée,
si Israël était vaincu à la guerre, et bien que la peste, la maladie
et le crime affectaient tout le pays, il ne serait pas entraîné
dans la vallée, car Dieu rendrait ses pieds semblables à ceux
d’une biche, sûrs et capables de parvenir dans les lieux élevés
et saints. Le Seigneur donne ce genre de stabilité, même au
milieu de l’épreuve, à ceux qui lui accordent leur attention et
leur confiance. Voilà ce qu’Habakuk voulait dire en déclarant
que « le juste vivra par sa foi ». C’est le fondement de notre joie
en tant que chrétiens.

22
Chapitre 3

Comment voyez-vous
la joie ?

N ous avons tous le souvenir de moments ou d’occasions


qui nous ont suscité une joie extraordinaire, que ce soit
individuellement, dans notre communauté ou même en tant
que nation. Pour ma part, j’ai en mémoire quelques-uns de
ces événements.
Un jour, alors que j’avais six ans, je jouais au base-ball de rue
dans mon quartier à Chicago. Une plaque d’égout au milieu de
la rue, au centre de laquelle se trouvait un petit trou d’environ
quatre centimètres de diamètre, faisait office de marbre. Je me
souviens de ce détail insignifiant parce que mon père m’avait
acheté une petite batte toute fine pour ce jeu et qu’un jour, alors
que c’était à mon tour de frapper, je l’avais échappé dans ce

23
La joie peut-elle faire par tie de ma vie ?

trou et je ne l’avais plus jamais retrouvée. Comme vous pouvez


l’imaginer, ce n’était pas là un événement réjouissant. Mais un
autre jour, en plein milieu du match alors que j’étais frappeur,
un vacarme assourdissant a tout à coup retenti autour de moi.
Les gens se sont mis à sortir des immeubles en courant le long
de la rue, à crier, à frapper des casseroles à l’aide de cuillères et à
agir de façon complètement délirante. J’ai fini par comprendre
qu’ils criaient : « C’est fini, c’est fini ! » C’était le jour de la
victoire, le jour où l’Allemagne nazie s’est rendue aux Alliés
pour mettre fin à la Seconde Guerre mondiale en Europe. Après
une lutte longue et acharnée, ce conflit titanesque prenait fin.
Toute l’anxiété et la douleur accumulées chez ces gens faisaient
soudainement place à une joie indicible, et ils ont commencé
à célébrer. Je ne comprenais pas vraiment la raison de toute
cette agitation, mais je pouvais clairement voir que beaucoup
de gens étaient très heureux. J’aurais simplement souhaité qu’ils
n’interrompent pas mon match.
Un épisode similaire, bien que moins dramatique, s’est
déroulé en 1960, alors que j’avais vingt et un ans. La ville de
Pittsburgh, dans laquelle j’avais grandi, pouvait se targuer d’avoir
deux équipes sportives professionnelles, celle des Pittsburgh
Pirates et celle des Pittsburgh Steelers. Il a fallu quarante ans à
cette dernière pour remporter son premier championnat au sein
de la ligue, alors on ne peut parler du championnat mondial.
Ils étaient les éternels perdants de la National Football League.
Cependant, leurs performances n’étaient pas aussi mauvaises
que celles des Pirates. J’ai suivi tous les matchs de base-ball des

24
Comment voyez-vous la joie ?

Pirates durant les années 1940 et 1950. Je vivais pratiquement


au stade de Forbes Field, et quand je n’y étais pas, j’écoutais la
partie à la radio. J’étais partisan des Pirates de Pittsburgh à la
vie et à la mort, et cette dernière se produisait beaucoup plus
souvent que l’autre. Ils avaient l’habitude à être dans les bas-
fonds du classement. On disait de cette équipe qu’elle occupait
la première place si on prenait le journal à l’envers. Nous avons
donc vécu plusieurs années de frustration, jusqu’en 1960.
Cette année-là, les Pittsburgh Pirates ont remporté le cham-
pionnat de la ligue nationale, et l’état de la Pennsylvanie n’en
revenait pas. Mais ensuite, bien sûr, ils ont dû aller aux séries
mondiales pour affronter les puissants Yankees de New York.
Personne ne pensait qu’ils auraient la moindre chance. En
fait, les Yankees avaient établi le record du plus grand nombre
de points accumulés durant les sept matchs des séries mon-
diales cette année-là. Mais personne ne s’en souvient. Ce qu’ils
gardent en mémoire, c’est que les Yankees ont perdu les séries
mondiales de 1960 contre les Pittsburgh Pirates dans l’un des
moments les plus spectaculaires de l’histoire du base-ball. Lors
du septième match, les équipes étaient à égalité à la fin de la
neuvième manche. Les Pirates étaient au bâton et je me trou-
vais à Forbes Field, assis devant la ligne du troisième but. Bill
Mazeroski, le joueur de deuxième but des Pirates, n’était pas un
grand frappeur, mais ce jour-là, il a frappé un coup de circuit
(home run) vers le centre gauche, par-dessus la tête d’un Yogi
Berra dépité. À ce moment-là, la liesse s’est déchaînée dans tout
Pittsburgh. Lorsque la balle a franchi la barrière, en me levant

25
La joie peut-elle faire par tie de ma vie ?

d’un bond j’ai renversé une petite dame de 75 ans. Je me suis


exclamé : « Oh ! Madame, je suis désolé, je ne voulais pas vous
faire mal. » Encore au sol, elle m’a regardé avec un grand sourire
sur le visage, et m’a répondu : « Ce n’est pas grave, fiston, tu
aurais pu me projeter n’importe où. Les Pirates ont gagné les
séries mondiales ! » En rentrant de Forbes Field ce jour-là, j’ai
entendu des klaxons incessants dans toute la ville. Il y avait
une grande, une très grande joie dans Pittsburgh, à cause d’un
match de base-ball.

L’exaltation et la tristesse
Je me suis souvent demandé comment un jeu pouvait rendre les
gens à ce point heureux ou tristes. Comme je l’ai déjà dit, enfant,
j’étais partisan des Pirates, à la vie et à la mort. Plus tard, dans
les années 1970, lorsque les Steelers sont devenus une équipe
gagnante et qu’ils ont commencé à remporter des Super Bowls,
ce fut la même histoire. Si les Steelers perdaient un match, j’étais
déprimé pendant une semaine et je devais me répéter que ce
n’était qu’un jeu. Le pouvoir qu’ont les événements sportifs de
nous laisser désemparés et abattus est bien illustré dans le célèbre
poème d’Ernest Thayer, « Casey at the Bat » (Casey au bâton).
Lorsque Casey, la vedette de l’équipe de base-ball de Mudville,
a miraculeusement l’occasion de frapper à la fin de la neuvième
manche, les spectateurs supposent qu’il va frapper un coup de cir-
cuit et que le match sera gagné. Mais que se passe-t-il ? Le grand
Casey s’effondre. Thayer termine le poème avec cette strophe :

26
Comment voyez-vous la joie ?

Quelque part dans ce beau pays,


le soleil brille et luit.
Quelque part un concert a lieu.
Quelque part on sourit.
Quelque part des gens chantent,
des enfants sautent à cloche-pied.
Mais Mudville est sans joie :
le grand Casey est retiré1.

Lorsque j’étais adolescent, je jouais au base-ball à mon école,


et nous avons participé au championnat de la ville deux années
de suite. La première année, nous avons gagné le champion-
nat dans la dernière manche, et je ne l’oublierai jamais. J’étais
si heureux que j’avais l’impression de marcher sur un nuage.
L’année suivante, cependant, nous avons perdu le match du
championnat, quel horrible sentiment ! C’est toujours comme
cela quand il s’agit d’un championnat. Lorsque le match tourne
en faveur de l’une des équipes, la joie et la fête sont au ren-
dez-vous du côté des vainqueurs. Les joueurs bondissent dans
tous les sens, se sautent dans les bras l’un de l’autre et courent
parfois dans les tribunes pour se réjouir avec leurs proches.
Puis la caméra se tourne vers les perdants, et là, nous voyons
des larmes, de l’abattement et de la déception.
Un match n’est évidemment pas uniquement un jeu. Les
équipes sportives que nous encourageons et auxquelles nous
nous identifions ne défendent pas seulement notre ville ou notre
1 Casey au bâton, San Francisco, 1888, traduction de Paul Laurendeau.

27
La joie peut-elle faire par tie de ma vie ?

nation, mais chacun d’entre nous. Ils nous représentent, dans


le conflit, dans la compétition et dans la quête de réussite.
Tant d’aspirations et d’espoirs humains s’expriment dans des
événements tels que les manifestations sportives, lesquels ne
sont en fait que des images des luttes humaines. Mais avez-vous
remarqué que, lorsque notre équipe gagne, nous déclarons :
« Nous avons gagné », tandis que quand elle perd, nous disons :
« Ils ont perdu » ? Nous aimons nous identifier au vainqueur,
mais il n’est pas question de le faire avec un perdant.

Se réjouir même devant la défaite


Après de nombreuses années, j’ai commencé à découvrir que je
pouvais me réjouir même lorsque mon équipe perd. Comment
est-ce possible ? Autrefois, voir l’autre équipe faire la fête après
avoir battu la mienne me rendait très malheureux. Finalement,
j’ai commencé à comprendre que ces joueurs étaient tout heu-
reux d’avoir réussi une chose pour laquelle ils avaient travaillé
très dur. Ce qu’ils vivaient était, pour eux, une occasion de
grande joie. Il ne s’agissait pas d’une catastrophe nationale, dans
laquelle tout le monde aurait souffert des pertes. Il y avait des
personnes heureuses, et j’en suis venu à réaliser que je pouvais
prendre plaisir à leur bonheur.
Après tout, la Bible nous dit : « Réjouissez-vous avec ceux
qui se réjouissent ; pleurez avec ceux qui pleurent » (Ro 12.15).
C’est l’un des principes essentiels de la joie, qui nous enseigne
à ne pas la restreindre à nos circonstances ou à nos réussites

28
Comment voyez-vous la joie ?

personnelles, mais à être capables d’en éprouver devant celles


les autres.
On dit que, dans une partie de golf, chaque coup rend
quelqu’un heureux. Si je frappe un bon coup, je suis heu-
reux, mais mon adversaire est malheureux. S’il frappe un
mauvais coup, il est déçu, mais je m’en réjouis. Cependant,
qu’est-ce que cela indique à mon sujet ? Cela démontre que
ma joie est trop égocentrique, qu’elle est tellement canton-
née à mes propres circonstances qu’à moins que les choses se
passent comme je le veux, directement à mon avantage, je suis
incapable d’être heureux. Pour être conforme à l’éthique du
Nouveau Testament, je dois être capable de me réjouir avec
ceux qui se réjouissent, et cela inclut les moments où ils se
réjouissent parce qu’ils m’ont battu. Le fait est que nous ne
devons pas être jaloux ou envieux, mais plutôt capables de
partager la joie des autres.
De la même manière, nous sommes appelés à prendre part
à la douleur des autres. C’est ce que l’on appelle l’empathie,
laquelle implique de ressentir ce que les autres ressentent. Jésus
lui-même a donné l’exemple quant à cette vertu. Comment
expliquer autrement le verset le plus court de la Bible : « Jésus
pleura » (Jn 11.35) ? Lui, qui s’est présenté comme « la résur-
rection et la vie » (v. 25), est venu au tombeau de Lazare en
sachant parfaitement qu’il allait ressusciter son ami. Mais autour
de lui, tout le monde était en deuil, y compris les deux sœurs
de Lazare, Marie et Marthe. Elles étaient ses amies, et Jésus a
partagé leur tristesse et a pleuré avec elles.

29
La joie peut-elle faire par tie de ma vie ?

Certainement, la grâce est nécessaire pour pouvoir éprouver


de la joie dans nos cœurs lorsque des personnes se réjouissent
d’un gain qui, d’une certaine manière, est notre perte. Cela
va bien plus loin que de simples matchs de base-ball ; d’in-
nombrables choses qui touchent à notre vie quotidienne y sont
incluses. Mais, en tant que chrétiens, Dieu nous rend capables
de ne pas regarder les choses selon nos propres perspectives
égoïstes afin de considérer plutôt le point de vue des autres.

La meilleure façon de voir la joie


Au cours de ma première année de vie chrétienne, j’ai réalisé
que le secret de la joie est de mettre Jésus en premier, les autres
en second et soi-même en troisième. C’est un principe facile à
retenir, mais qui est difficile à vivre concrètement. Il contient
cependant une vérité profonde. La joie nous échappe souvent
parce que nous occupons la première place et Jésus la dernière.
Lorsque cela se produit, nous devons revoir nos priorités.
Non seulement nous devons placer Jésus en premier, mais
nous devons aussi faire passer les autres avant nous. Un jour,
j’ai eu une longue conversation avec une femme qui subissait
des traitements très pénibles contre le cancer. Pourtant, tout
au long de cette épreuve, elle était remarquablement radieuse.
Chaque fois que je la voyais, elle semblait joyeuse. J’ai entamé la
conversation en lui demandant : « Comment vas-tu ? » Elle m’a
fait un résumé de son état qui a duré environ quinze secondes,
puis elle m’a dit : « Et toi R. C., comment vas-tu ? ». J’ai répondu

30
Comment voyez-vous la joie ?

à la question, mais ce n’est qu’une fois la conversation terminée,


alors que je m’en retournais, que la réalité m’est apparue. Je
m’étais rendu dans sa chambre d’hôpital pour la réconforter
et lui manifester mon intérêt, mais alors que nous avions parlé
pendant environ une demi-heure, environ quinze secondes
seulement avaient été consacrées à son état. Pendant tout le
reste du temps, nous avons parlé de mes problèmes et de mes
inquiétudes, et c’est elle qui me réconfortait. Je n’arrivais pas
à y croire. Ce n’était pas étonnant qu’elle soit si joyeuse ; elle
n’était aucunement obnubilée par sa propre situation.
Jésus a été appelé « homme de douleur et habitué à la souf-
france » (És 53.3), mais c’est de nos douleurs et de nos souf-
frances qu’il s’est chargé. Il est la seule personne de l’histoire
de l’humanité à avoir eu, pour définir la joie, à mettre Jésus
en dernier. Il s’est placé au troisième palier afin que nous puis-
sions avoir part à la joie. Pourtant, même en étant un homme
de douleur, je crois que Jésus était l’être le plus joyeux qui ait
jamais vécu, parce qu’il connaissait le Père mieux que tout
autre. En outre, il était plus à l’écoute de la volonté de Dieu
que quiconque, il s’y conformait parfaitement et l’obéissance
procure la joie à l’âme. Même la douleur et les tourments qu’il
a dû endurer n’ont pas pu lui ravir sa joie.
Ainsi, si nous voulons être joyeux, nous devons apprendre
à nous réjouir avec ceux qui se réjouissent et à pleurer avec
ceux qui pleurent. Toutefois, nous ne pourrons pas le faire
sans d’abord nous libérer d’une vie dans laquelle nous ne nous
soucions que de nous-mêmes.

31
Chapitre 4

La plus grande joie

L ors de son ministère terrestre, Jésus a envoyé un groupe


de disciples prêcher l’Évangile et guérir les malades et les
personnes possédées par des démons. Luc écrit :

Après cela, le Seigneur désigna encore soixante-dix


autres disciples, et il les envoya deux à deux devant lui
dans toutes les villes et dans tous les lieux où lui-même
devait aller. Il leur dit : La moisson est grande, mais il
y a peu d’ouvriers. Priez donc le maître de la moisson
d’envoyer des ouvriers dans sa moisson. Partez ; voici,
je vous envoie comme des agneaux au milieu des loups.
Ne portez ni bourse, ni sac, ni souliers, et ne saluez per-
sonne en chemin. Dans quelque maison que vous entriez,
dites d’abord : Que la paix soit sur cette maison ! Et s’il

33
La joie peut-elle faire par tie de ma vie ?

se trouve là un enfant de paix, votre paix reposera sur


lui ; sinon, elle reviendra à vous. Demeurez dans cette
maison-là, mangeant et buvant ce qu’on vous donnera ;
car l’ouvrier mérite son salaire. N’allez pas de maison en
maison. Dans quelque ville que vous entriez, et où l’on
vous recevra, mangez ce qui vous sera présenté, guérissez
les malades qui s’y trouveront, et dites-leur : Le royaume
de Dieu s’est approché de vous. Mais dans quelque ville
que vous entriez, et où l’on ne vous recevra pas, allez
dans ses rues, et dites : Nous secouons contre vous la
poussière même de votre ville qui s’est attachée à nos
pieds ; sachez cependant que le royaume de Dieu s’est
approché. Je vous dis qu’en ce jour Sodome sera traitée
moins rigoureusement que cette ville-là. Malheur à toi,
Chorazin ! malheur à toi, Bethsaïda ! car, si les miracles
qui ont été faits au milieu de vous avaient été faits dans
Tyr et dans Sidon, il y a longtemps qu’elles se seraient
repenties, en prenant le sac et la cendre. C’est pourquoi,
au jour du jugement, Tyr et Sidon seront traitées moins
rigoureusement que vous (10.1-14).

Jésus a mandaté soixante-douze disciples pour aller dans


toute la Palestine, dans chaque hameau et village où il allait lui-
même se rendre, pour annoncer la venue du royaume de Dieu.
Il les a avertis que, dans de nombreux endroits, ils ne seraient
pas cordialement reçus. Dans les mots de Jésus, ils seraient alors
« des agneaux au milieu des loups ». Évidemment, cette mission

34
La plus grande joie

de diffusion du message du Christ appartient maintenant à


toute l’Église et cet avertissement s’applique donc à chacun
d’entre nous. Le monde n’est pas toujours heureux de recevoir
ce que nous avons à annoncer, et nous avons parfois l’impression
d’être des agneaux que l’on mène à l’abattoir.
Ces paroles ont dû donner de quoi réfléchir aux soixante-
douze disciples. Luc ne le dit pas de manière explicite, mais
j’imagine qu’ils sont partis avec une certaine appréhension.
Cependant, Luc parle très clairement de leur attitude à leur
retour. Il écrit : « Les soixante-dix revinrent avec joie, disant :
Seigneur, les démons mêmes nous sont soumis en ton nom »
(v. 17). Selon toute probabilité, ils étaient partis craintifs et
inquiets, mais ils sont revenus avec une immense joie. Pourquoi
étaient-ils si heureux ? C’est parce qu’ils avaient réussi – Dieu
les avait utilisés et ils avaient vu la manifestation de la puis-
sance de Christ dans leur ministère. Aussi ont-ils déclaré qu’ils
étaient heureux parce que les démons leur étaient soumis au
nom de Jésus. Ils étaient donc remplis d’allégresse à cause de
deux choses : le succès et la puissance. Généralement, ce sont
des choses qui nous plaisent également.
Pourtant, Jésus n’a pas vraiment partagé leur joie. Il leur a
dit : « Je voyais Satan tomber du ciel comme un éclair. Voici,
je vous ai donné le pouvoir de marcher sur les serpents et les
scorpions, et sur toute la puissance de l’ennemi ; et rien ne
pourra vous nuire. Cependant, ne vous réjouissez pas de ce que
les esprits vous sont soumis ; mais réjouissez-vous de ce que vos
noms sont écrits dans les cieux » (v. 18-20).

35
La joie peut-elle faire par tie de ma vie ?

Il nous faut méditer ces paroles. Jésus avait manifestement


compris l’excitation de ses disciples, qui savouraient le succès
de leur ministère, mais il les a mis en garde contre une joie mal
fondée. Il leur a dit qu’ils ne devaient pas se réjouir de la sou-
mission des démons, mais plutôt de ce que leurs noms étaient
écrits dans les cieux. Par ces mots, notre Seigneur a cerné le
fondement suprême de la joie chrétienne. Notre joie doit prove-
nir de la certitude que nous avons la rédemption en Christ. La
plus grande joie qu’une personne puisse avoir est de savoir que
son nom est inscrit dans le livre de vie de l’Agneau, c’est-à-dire
qu’elle est sauvée et qu’elle vivra pour l’éternité avec le Christ.

La culpabilité et la joie
Dans les années 1960, j’ai rencontré un jeune britannique qui
était arrivé en Amérique moins d’une semaine auparavant. Il
s’appelait John Guest et, par la suite, il est devenu pasteur
épiscopalien et évangéliste national. Lors de notre première
rencontre à Philadelphie, ses cheveux longs tombaient sur ses
épaules et il portait une guitare sur son dos ; il ressemblait
beaucoup à un membre des Beatles, et d’ailleurs, il était ori-
ginaire de Liverpool, en Angleterre, tout comme les Beatles.
John œuvrait comme évangéliste, principalement sur les campus
universitaires. Il s’y rendait avec son groupe de rock et chantait
pour rassembler les foules, après quoi il prêchait et enseignait.
La conversion de ce jeune homme avait été semblable à celle
de Paul sur le chemin de Damas. S’étant rendu à une réunion, il

36
La plus grande joie

y a entendu l’Évangile et sa vie a été bouleversée. Il a rencontré


le Christ et a fait l’expérience du pardon de ses péchés. Il m’a
raconté qu’en rentrant chez lui ce soir-là, il n’avait pas marché
dans les rues, mais plutôt sautillé comme un enfant, bondissant
parfois par-dessus les bornes d’incendie. Sa nouvelle relation
avec Christ le remplissait entièrement de joie.
Je peux comprendre cela. Le fait de savoir que nos péchés
sont pardonnés procure un énorme soulagement. Tout le poids
de la culpabilité disparaît. Cette dernière est fondamentalement
déprimante. Elle étouffe tout sentiment de bien-être. Elle nous
prive de la paix. Elle tourmente l’âme. Il s’agit probablement
du principal obstacle à la véritable joie. Ainsi, lorsque notre
culpabilité est ôtée, la joie inonde notre être.
Il existe une différence entre la culpabilité et les sentiments
de culpabilité. La première est objective. Elle apparaît, et elle
est réelle, chaque fois que nous violons ou transgressons la loi
de Dieu. Cependant, nos sentiments ne cadrent pas toujours
avec la réalité. Dans le système pénal, certaines personnes sont
qualifiées de sociopathes ou de psychopathes parce qu’elles
peuvent commettre des crimes odieux sans éprouver le moindre
remords. Pourtant, l’absence de sentiments chez eux ne change
rien à la réalité de leur culpabilité. Celle-ci est déterminée non
pas par ce que nous ressentons, mais par ce que nous faisons.
Néanmoins, il y a souvent une relation étroite entre les dimen-
sions objective et subjective de la culpabilité, entre la réalité
de la transgression elle-même et nos sentiments subjectifs de
remords et de panique.

37
La joie peut-elle faire par tie de ma vie ?

Pour ma part, je perçois les sentiments de culpabilité comme


étant quelque peu comparables à la douleur physique. Cette
dernière est le symptôme d’un dysfonctionnement objectif dans
le corps. Elle nous procure un avantage considérable sur le plan
médical, car elle nous indique qu’il y a un problème qui doit être
traité. Tout comme il existe des gens qui ne ressentent aucune
culpabilité pour leurs crimes, il existe des personnes qui ont
perdu la capacité de ressentir physiquement les choses, et elles
sont en grand danger à chaque instant parce qu’elles ne savent
pas quand une maladie grave a atteint leur corps. La douleur
est le signal d’alarme. Il en va de même pour la culpabilité et
le sentiment de culpabilité. Lorsque j’ai mal à une dent, cela
m’indique qu’elle est affectée par quelque chose. La lancination
me pousse à aller chez le dentiste pour la faire soigner afin que je
ne souffre plus. Le sentiment de culpabilité devrait produire le
même effet ; il a pour fonction de nous avertir que quelque chose
ne va pas et de nous inciter à chercher de l’aide. Lorsque notre
culpabilité objective est traitée et que les sentiments de culpa-
bilité subjectifs disparaissent, nous ressentons une grande joie.

Confondre le plaisir et la joie


Lorsque j’étais enfant, mes parents m’obligeaient à aller à l’Église
tous les dimanches matin. Je n’avais aucune envie d’y aller. Pour
moi, le culte était ennuyeux et j’avais hâte qu’il se termine pour
pouvoir aller jouer. Mais ce qui était encore pire que la réunion
du dimanche matin, c’était le cours de catéchisme hebdomadaire,

38
La plus grande joie

qui avait lieu le samedi matin. De toute mon expérience en tant


qu’enfant à l’Église, cela s’avérait pour moi le moment le plus
pénible. J’ai dû passer par une classe de communiants, puis
par une classe de catéchisme, où d’autres enfants et moi-même
devions mémoriser le Petit Catéchisme de Westminster. J’ai
enduré tout cela simplement pour devenir membre de l’Église
et terminer le cours afin que mes parents soient satisfaits. Je ne
me suis converti que plusieurs années plus tard.
Lorsque je suis devenu chrétien, j’ai regretté de ne pas avoir
été plus attentif durant mon cours de catéchisme. La seule chose
du Petit Catéchisme dont je me souvenais était la première
question avec sa réponse, et la seule raison pour cela, c’était que
je n’avais jamais pu la comprendre. La question était celle-ci :
« Quel est le but principal de la vie de l’homme ? » La réponse,
qu’il fallait apprendre et réciter, était : « Le but principal de la
vie de l’homme est de glorifier Dieu et de trouver en lui son
bonheur éternel. » Je n’arrivais tout simplement pas à faire le
lien entre ces deux phrases. Je comprenais, même enfant, que
l’idée de glorifier Dieu avait quelque chose à voir avec le fait de
lui obéir et de poursuivre la justice. Ce n’était pas ce qui me
préoccupait le plus. Je n’avais pas du tout comme but principal
d’être un enfant obéissant à Dieu. Et de ce fait, je ne pouvais
pas comprendre quelle était la relation entre glorifier Dieu et
trouver mon bonheur en lui. Pour moi, les deux semblaient
antithétiques, incompatibles.
Le problème, c’est que je confondais deux idées fondamen-
tales. Je ne connaissais pas la différence entre le plaisir et la joie.

39
La joie peut-elle faire par tie de ma vie ?

Ce que je voulais, c’était avoir du plaisir, car il me semblait


que c’était le seul moyen d’expérimenter la joie. J’ai cependant
découvert que plus je prenais du plaisir, moins j’avais de joie,
parce que mes ébats exigeaient que je désobéisse à Dieu. Voilà
ce que l’on appelle l’attrait du péché. Nous y succombons parce
que c’est agréable. Nous croyons que cela nous rendra heureux,
que nous y trouverons la joie et l’accomplissement personnel.
Pourtant, il ne fait que nous rendre coupables, sapant et détrui-
sant ainsi la joie authentique.
Ma conversion a été fondamentalement une expérience du
pardon de Dieu. S’il y avait eu une borne d’incendie là où je
me trouvais lorsque j’ai été sauvé, j’aurais sauté par-dessus, car
je venais de saisir la différence entre le plaisir et la joie. J’ai
découvert, à travers ma propre conversion, la même chose que
ce que John Guest avait trouvé.
Le Psaume 51 est le meilleur exemple de la repentance que
nous puissions trouver dans les Écritures. Dans ce passage,
convaincu par le Saint-Esprit, David est amené à se repentir de
son péché commis avec et contre Bath-Schéba. Son cœur est
brisé et contrit, et il se présente devant Dieu pour implorer son
pardon. Il demande : « Rends-moi la joie de ton salut » (v. 14a).
Ceux qui ont connu le pardon de Dieu et la joie initiale qui
l’accompagne ont sans cesse besoin qu’elle soit restaurée, que
la culpabilité des péchés qu’ils commettent encore soit enle-
vée pour qu’ils puissent de nouveau la savourer. Lorsque nous
recherchons le pardon de Dieu au quotidien, nous revenons à

40
La plus grande joie

cette joie du premier jour – celui où nous avons découvert que


notre nom est inscrit dans les cieux.
Des milliards de personnes n’ont jamais connu la joie du
salut. Si vous êtes l’un d’entre eux, je peux vous assurer qu’il
n’y a rien de tel dans le monde. Imaginez que tous les péchés
que vous avez commis et toute la culpabilité que vous avez
accumulée, avec le sentiment désagréable qui s’y rattache, soient
effacés par Dieu. C’est ce que le Christ est venu faire. Il veut
nous donner non pas le pouvoir ou le succès, mais la joie – celle
de savoir que notre nom est écrit dans les cieux.

41
Chapitre 5

La joie parfaite

L es célèbres « Je suis » de Jésus, qui ont fait le bonheur


des chrétiens à travers les siècles, constituent l’une des
caractéristiques uniques de l’Évangile de Jean. Jésus dit, par
exemple : « Je suis le pain de vie » (6.48) ; « Je suis la lumière
du monde » (8.12) ; « Je suis la porte » (10.7) ; « Je suis le bon
berger » (10.13) ; et « Je suis la résurrection et la vie » (11.25).
Toutes ces déclarations nous aident à mieux comprendre qui
est Jésus et ce qu’il a accompli pour son peuple lorsqu’il était
sur terre.
Dans tous ces « Je suis » de Jésus, le texte grec utilise une
tournure étrange. Habituellement, « je suis » est la traduction
du mot grec eimi. Mais lorsque Jésus les dit, le texte grec est
à la forme intensive : ego eimi. C’est presque comme si Jésus
bégayait et qu’il disait : « Je, je suis ».

43
La joie peut-elle faire par tie de ma vie ?

Je trouve fascinant que cette même formule grecque, ego


eimi, soit également utilisée dans la Septante, la traduction
grecque de l’Ancien Testament, pour rendre le Tétragramme, le
grand nom de Dieu : « Je suis celui qui suis » (Ex 3.14), lequel
est généralement désigné par Yahweh en hébreu. Pour écrire
ce mot en grec, les traducteurs ont utilisé l’expression ego eimi.
Ainsi il apparaît que Jésus, par ses « Je suis », s’est consciemment
identifié à Dieu.
Dans l’Évangile selon Jean, le dernier « Je suis » se trouve
dans le quinzième chapitre, là où Jésus déclare : « Je suis le vrai
cep, et mon Père est le vigneron » (v. 1). Remarquez qu’il n’a pas
simplement dit qu’il était le cep ; il a spécifié quel cep il était – le
vrai cep, c’est-à-dire la vigne véritable ou authentique. Pourquoi
a-t-il fait cette distinction ? Il ne nous le dit pas, mais il existe
une explication que la plupart des érudits bibliques acceptent.
Ils font remarquer que dans l’Ancien Testament, Dieu a établi
une relation particulière et privilégiée avec son peuple, la nation
d’Israël, laquelle est régulièrement décrite comme la vigne ou le
vignoble de Dieu (És 5.7 ; Os 10.1). Israël est la vigne que Dieu
a plantée, entretenue, taillée et utilisée pour la production de
fruits destinés à nourrir et à enrichir le monde entier.
Dans le Nouveau Testament, nous découvrons que Jésus
est venu non seulement pour racheter son peuple, mais aussi
pour personnifier la nation d’Israël elle-même. Dans un sens
absolu, Jésus est l’Israël de Dieu. Par exemple, ce dernier a dit,
par le prophète Osée : « Quand Israël était jeune, je l’aimais,
et j’appelai mon fils hors d’Égypte » (11.1). Cette nation que

44
La joie par faite

Dieu avait rachetée de l’esclavage en Égypte était appelée fils


de Dieu. Peu après la naissance de Jésus, un ange avertit Joseph
de fuir en Égypte pour échapper à la jalousie du roi Hérode.
Plus tard, lorsque la famille est retournée en Israël, Matthieu
cite ces paroles d’Osée pour les appliquer à Jésus : « afin que
s’accomplisse ce que le Seigneur avait annoncé par le prophète :
J’ai appelé mon fils hors d’Égypte » (Mt 2.15). Nous voyons
donc ce lien ou cette identité métaphorique entre la nation
d’Israël et Jésus. Il y avait une sorte de solidarité entre lui et le
peuple historique de Dieu.
C’est cette idée qui était partiellement communiquée lors-
qu’il a dit : « Je suis le vrai cep. » Cependant, il soulignait aussi
qu’en tant que vigne de Dieu, Israël avait échoué à enrichir le
monde. Pour cette raison, Jésus est venu comme la vraie vigne,
et son Père, étant le vigneron, plante, cultive et émonde la vigne.

La vie que procure la vigne


Jésus poursuit en disant : « Tout sarment qui est en moi et qui
ne porte pas de fruit, il le retranche ; et tout sarment qui porte
du fruit, il l’émonde, afin qu’il porte encore plus de fruit » (v. 2).
Je n’ai pas la main verte et mes connaissances en horticulture
sont plutôt rudimentaires. Cependant, j’ai un peu d’expérience
dans la culture des roses et j’ai appris qu’une fois que les fleurs
commencent à faner, elles doivent être coupées à un endroit
précis de la branche. Si je m’applique à émonder assidûment
les parties mortes du buisson, les fleurs auront de plus belles

45
La joie peut-elle faire par tie de ma vie ?

couleurs avec le temps. Ce processus me semble contre-intuitif ;


j’aurais tendance à penser qu’en coupant une partie du buisson,
je l’abîme ou je le détruis. Mais le processus d’élagage concentre
les nutriments dans le buisson, ce qui lui permet de porter du
fruit de façon plus régulière. Cette pratique est particulièrement
importante dans l’entretien des vignes, et c’est ce dont il est
question dans la métaphore de Jésus.
Il dit ensuite : « Déjà vous êtes purs, à cause de la parole que
je vous ai annoncée » (v. 3). Il s’adresse ici à ses disciples, qui
sont croyants, qui sont déjà en communion avec lui et dont la
relation avec lui les mènera au salut. Ils sont déjà purs, dit-il,
puis il ajoute : « Demeurez en moi, et je demeurerai en vous.
Comme le sarment ne peut de lui-même porter du fruit, s’il ne
demeure attaché au cep, ainsi vous ne le pouvez pas non plus,
si vous ne demeurez en moi » (v. 4).
Qu’arrive-t-il aux branches qui ont été retranchées d’un
arbre ou d’un buisson  ? Après avoir été coupées, elles se
fanent et meurent. Elles sont séparées de leur source de vie.
Ces branches mortes ne produiront évidemment pas de fruits.
Elles sont impotentes.
Un jour, lors d’un repas en plein air chez l’un de ses membres,
un pasteur s’est approché du gril pour parler à l’hôte qui avait
cessé d’assister aux services religieux hebdomadaires de l’Église.
Il souhaitait encourager celui-ci à revenir. Lorsque le pasteur lui
a demandé pourquoi il avait cessé de venir, l’homme a répondu :
« Je suis chrétien, mais je n’ai pas l’impression d’avoir besoin
de l’Église. Je peux très bien me débrouiller tout seul. Je suis

46
La joie par faite

quelqu’un d’indépendant. Je n’ai pas besoin de la compagnie


des autres pour me stimuler dans ma marche avec le Seigneur. »
Alors qu’il écoutait les explications de l’hôte, le pasteur a
remarqué que le charbon de bois sur le gril était chauffé à blanc.
Sans rien dire, il a pris une pince et déplacé l’un des morceaux
de charbon incandescents pour l’isoler du reste. Il a ensuite
poursuivi sa conversation avec le paroissien. Cependant, après
quelques minutes, il a saisi le fragment écarté dans le grill à
main nue. Il a alors regardé l’homme et lui a dit : « Avez-vous
vu ce qui vient de se passer ? Il y a quelques minutes à peine,
je n’aurais pas osé toucher ce charbon tant il était ardent. Mais
une fois que je l’ai isolé du reste, il a cessé de brûler et s’est
refroidi. Il ne peut plus contribuer à la cuisson des steaks sur
le grill. C’est ce qui va vous arriver. Vous avez besoin du corps
du Christ. Vous avez besoin de son Église. Vous avez besoin de
la communion des saints et de l’assemblée du peuple de Dieu.
Nous ne sommes pas des individus robustes qui sont appelés à
vivre isolés des autres. »
Ce pasteur avait raison. La compagnie des autres croyants
maintient notre foi vivante et active. Or, si nous nous refroi-
dissons lorsque nous ne sommes plus en contact avec d’autres
chrétiens, à combien plus forte raison nous dessécherons-nous
si nous nous séparons de la véritable source de puissance, à
savoir le Christ lui-même ?
Voilà ce que Jésus voulait souligner dans notre passage.
Nous ne porterons pas de fruits et nous nous flétrirons spiri-
tuellement si nous ne demeurons pas en Christ, la vraie vigne.

47
La joie peut-elle faire par tie de ma vie ?

Le mot grec traduit par « demeurer » dans ces versets est meno.
On pourrait aussi le traduire par « rester » ou « se maintenir ».
Si nous voulons être productifs, nous ne pouvons pas nous
contenter de rendre visite à Jésus de temps en temps. Nous
devons demeurer en lui.
Je tiens à préciser que Jésus ne parlait pas ici de la perte du
salut. Cela s’avère une autre question. Il nous rappelait que
nous sommes enclins à nous éloigner, à cesser de puiser notre
force en lui, la source de notre puissance et de notre vitalité
spirituelle. Ainsi, la leçon qu’il nous donne est de rester tout
près : « Demeurez en moi, et je demeurerai en vous. Comme
le sarment ne peut de lui-même porter du fruit, s’il ne demeure
attaché au cep, ainsi vous ne le pouvez pas non plus, si vous
ne demeurez en moi. » Autrement dit, c’est en vain que nous
travaillons si tous les efforts que nous faisons pour être joyeux,
pour être productifs ou pour réaliser quoi que ce soit qui ait
de la valeur dans le royaume de Dieu, nous les entreprenons
par nos propres forces. Les chrétiens doivent comprendre que
sans une relation forte avec le Christ, qui est la source de la
puissance, nous serons complètement infructueux.

La joie parfaite
Jésus a poursuivi en disant :

Je suis le cep, vous êtes les sarments. Celui qui demeure en


moi et en qui je demeure porte beaucoup de fruit, car sans

48
La joie par faite

moi vous ne pouvez rien faire. Si quelqu’un ne demeure


pas en moi, il est jeté dehors, comme le sarment, et il
sèche ; puis on le ramasse, on le jette au feu, et il brûle.
Si vous demeurez en moi, et que mes paroles demeurent
en vous, demandez ce que vous voudrez, et cela vous sera
accordé. Si vous portez beaucoup de fruit, c’est ainsi que
mon Père sera glorifié, et que vous serez mes disciples.
Comme le Père m’a aimé, je vous ai aussi aimés. Demeurez
dans mon amour. Si vous gardez mes commandements,
vous demeurerez dans mon amour, de même que j’ai gardé
les commandements de mon Père, et que je demeure dans
son amour. Je vous ai dit ces choses, afin que ma joie soit
en vous, et que votre joie soit parfaite (v. 5‑11).

Ce n’est que dans le dernier verset de ce passage que Jésus


explique la raison pour laquelle il a enseigné ces choses aux
disciples : « afin que ma joie soit en vous et que votre joie soit
parfaite ». Il convient de noter trois choses dans cet enseigne-
ment capital.
Premièrement, c’est sa joie que Jésus veut voir en nous. Plus
tôt, il a parlé de la paix à ses disciples, en disant : « Je vous laisse
la paix, je vous donne ma paix. Je ne vous donne pas comme le
monde donne » (Jn 14.27). D’où vient la paix du chrétien ? Elle
vient de Jésus. Il s’agit de sa paix. De la même manière, sa propre
joie est à notre disposition, et il veut la voir demeurer en nous.
Deuxièmement, il veut que sa joie soit en nous en perma-
nence. Il veut que nous ayons une joie constante, et non pas

49
La joie peut-elle faire par tie de ma vie ?

des humeurs en forme de montagnes russes oscillant entre la


joie et l’abattement. Si nous voulons être toujours joyeux, nous
devons demeurer en lui.
Troisièmement, il fait la distinction entre sa joie et notre joie,
et il exprime le désir que notre joie soit parfaite ou entière : « et
que votre joie soit parfaite ». N’est-ce pas ce que nous voulons ?
Nous ne voulons pas une mesure incomplète du fruit de l’Esprit.
Nous ne voulons pas une petite part de joie seulement. Nous
voulons toute la joie que le Père a réservée pour son peuple.
Cette plénitude de joie nous vient du Christ. C’est d’abord celle
qu’il nous donne, et à mesure que nous sommes unis à lui, cette
joie, qui vient de lui, grandit, augmente et devient parfaite.
Aucun de ceux qui lisent ce petit livre n’a expérimenté le
niveau le plus intense de joie qui soit accessible au peuple de
Dieu. Quel que soit le degré de celle que vous vivez en ce
moment, il est possible d’en avoir encore plus. Une joie parfaite
et entière s’offre à nous lorsque le fruit de l’Esprit est alimenté
par le vrai cep.

50
À propos de l’auteur

R. C. Sproul fut le fondateur du ministère Ligonier, le pasteur


fondateur de la Saint Andrew’s Chapel à Sanford, en Floride,
le premier président du Reformation Bible College, et le rédac-
teur en chef du magazine Tabletalk. Son émission de radio,
Renewing Your Mind, est toujours diffusée quotidiennement
sur des centaines de radios à travers le monde et peut également
être écoutée en ligne. Il fut l’auteur de plus d’une centaine
de livres, dont La sainteté de Dieu et Choisis par Dieu. Il est
reconnu dans le monde entier pour avoir brillamment défendu
l’inerrance des Écritures et la nécessité pour les croyants de
s’attacher fermement à la Parole de Dieu.

51
Ligonier Ministries est une organisation internationale de
formation de disciples chrétiens fondée par le Dr R. C. Sproul
en 1971. Sa mission est de proclamer, d’enseigner et de défendre
la sainteté de Dieu dans toute sa plénitude auprès du plus grand
nombre de personnes possible. L’emblème de la Bibliothèque
Ligonier est devenu une marque de confiance dans le monde entier
et dans de nombreuses langues.

Motivé par le Grand Mandat, le ministère Ligonier partage des


ressources pour contribuer à la formation de disciples dans le
monde entier, que ce soit en format imprimé ou numérique. Des
livres, des articles et des séries d’enseignements vidéo dignes de
confiance sont traduits ou doublés dans plus de quarante langues.
Nous désirons soutenir l’Église de Jésus-Christ en aidant les
chrétiens à connaître davantage leur foi, à mieux la comprendre,
la vivre et la communiquer.

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FA C E B O O K . C O M / L I G O N I E R F R
Éditions La Rochelle est une maison d’édition qui vise la
conversion des non-croyants, tout en cherchant à équiper
les saints pour servir le Christ et son Église. Elle traduit et
édite des ouvrages qui sont en accord avec les Écritures et les
confessions réformées historiques, notamment la Confession
de La Rochelle. À l’image des pionniers qui traversèrent
l’océan pour apporter les vérités de la réforme protestante
en Nouvelle-France, les Éditions La Rochelle veulent, à leur
tour, contribuer à faire rayonner ces vérités dans toute la
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