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Critique clinique et phénoménologique

de l’objectivation diagnostique
Réflexions sur la personnalité antisociale et la
psychopathie

Christophe Adam, PhD Jérôme Englebert, PhD


Professeur, Université Libre de Bruxelles Maitre de conférence, Université de Liège
et Université Catholique de Louvain Professeur invité, Université de Lausanne
Psychologue, Service de Santé Mentale de Dinant Psychologue, EDS de Paifve
Qu’est-ce que la psychopathologie ?
Qu’est-ce que la psychopathologie ?
• Faire de la psychopathologie = « psychologie du pathologique »
(Minkowski, 1966, p. 64) et non pas « une simple pathologie du
psychologique ».

• « ce psychologique étant considéré comme nécessairement


exempt de tout "pathologique" et se référant ainsi à une norme
abstraite à peine viable » représenterait « des opérations de
l’esprit bien plus que la réalité vivante » (Ibid.)

• Discipline différente de celle qui se trouve « consignée dans les manuels,


soigneusement épurés souvent de tout ce qu’il y a de vraiment humain dans
notre existence » (Ibid., p. 65)

• « D’une façon quelque peu paradoxale, il nous arrive de nous dire parfois
qu’enlever par la pensée un par un tous les traits "pathologiques" ne nous
mène point à l’image d’un "psychologique" normal, car, à vrai dire, à la suite
d’une soustraction systématique et artificielle de cet ordre, il ne reste rien
du tout, rien que le vide et le néant » (Ibid., p. 65)
Qu’est-ce que la psychopathologie ?
• Recherche d’une « structure significative » (Stanghellini, 2006
; Stanghellini & Rossi, 2014) : un sens entre les différents
signes d’un trouble

• « Structure psychopathologique »
• Jaspers (1913) : objectif en psychopathologie est de
comprendre l’énigme qui se présente, observer les
phénomènes et chercher un ensemble significatif
• Place de la subjectivité et de l’intersubjectivité
Qu’est-ce que la psychopathologie ?
• Apports de Schotte, J. (1990) : Szondi avec Freud

• Ancrage freudien dans la métaphore du cristal brisé et le


pouvoir de révélation du pathologique

• Le pathologique est un mode d’existence

• Il existe quatre manières d’être-au-monde, quatre univers :


• Thymopathies/psychopathies;
• Perversions
• Névroses
• Psychoses
Qu’est-ce que la psychopathologie ?
• Ces quatre univers donnent la structure d’ensemble du fait
pathologique (dialectique des pulsions)

• Mise en évidence des psychopathies et des troubles de


l’humeur simples comme structure à part entière (Kinable)

• Psychopathie : malade du psychisme

• Problématique du contact et sphère du sentir


La personnalité antisociale
Personnalité antisociale : critique générale de la
classification

• Les exigences d’une psychopathologie

• Nosologie

• Nosographie

• Nosotaxie

• Nosognosie
Le DSM comme antithèse d’une psychopathologie
exigeante

Nosologie Nosographie Nosotaxie Nosognosie

« a-théorique » Pauvreté Empilement et Suppression de la


descriptive extension méthode par
l’usage du « menu
du jour »

Imprécision
Un problème spécifique : l’extension des classes
diagnostiques
Un problème spécifique : l’extension des classes
diagnostiques
Correction de l’intention et extension
• Extension et correction de l’intention
• Folie classificatrice
Classes et catégories

Classe Catégorie

Mot Concept

Partes extra partes Primum inter pares


Espèces morbides

Ordre, hiérarchie Relation, systématique


La personnalité antisociale

• Origines esclavagistes (Minard, 2013)


• Medical 203 (1943) : dépistage des maladies mentales pour le
recrutement militaire
• Capacités adaptatives à certaines situations stressantes

• Du DSM-I (1952) au DSM-II (1968)


• Trouble de la personnalité sociopathique

• Constat : désocialisation et naturalisation (Personnalité


antisociale) progressives culminent dans le DSM-III (1980)

• Puritanisme sous-jacent
La personnalité antisociale selon les DSM IV et -5
• Mode général de mépris et de transgression des droits
d’autrui qui survient depuis l’âge de 15 ans » + au moins 3 des
manifestations suivantes :
• (1) incapacité à se conformer aux lois et normes sociales
• (2) tendance à tromper par profit ou par plaisir (indiquée par des
mensonges répétés, l’utilisation de pseudonymes, des escroqueries)
• (3) impulsivité ou incapacité à planifier à l’avance
• (4) irritabilité ou agressivité (indiquées par la répétition de bagarres ou
d’agressions)
• (5) mépris inconsidéré pour sa sécurité ou celle d’autrui
• (6) irresponsabilité persistante (indiquée par l’incapacité d’assumer un
emploi stable ou d’honorer des obligations financières)
• (7) absence de remords (indiquée par le fait d’être indifférent ou de se
justifier après avoir blessé, maltraité ou volé autrui)
• Le sujet doit avoir manifesté un trouble des conduites avant
l’âge de 15 ans
« Non-sens » d’un point de vue psychopathologique

Premièrement : Conception générale du trouble en tant que « mode


général de mépris et de transgression des droits d’autrui »

• Erreur de syntaxe : principe de « transgression » que l’on associe aux


« droits d’autrui »

• Transgresser = enfreindre ou violer une loi, un ordre ou un règlement.


Acte qui induit une désobéissance, un non-respect à l’égard d’une norme
qui est adressée au sujet

• Il est sémantiquement impossible de transgresser une limite qui ne


s’adresse pas au sujet transgresseur

• Un individu peut transgresser les lois ou normes qui lui sont adressées,
ne pas respecter les droits d’autrui, ou encore présenter ces deux types
de comportements ; mais une « transgression des droits d’autrui » est
sémantiquement incorrecte et illogique
« Non-sens » d’un point de vue psychopathologique

Deuxièmement : superposition de deux logiques contradictoires :


comportement actuel et apparition du trouble à l’adolescence

• Nécessaire d’avoir présenté une version soft (trouble des conduites) de


ce fonctionnement avant l’âge de 15 ans

• Bien entendu cohérent et raisonnable d’attendre l’âge adulte pour poser


un diagnostic

• Mais, ici, grande hypocrisie : On suggère que le sujet depuis ses 15 ans
est quasiment antisocial, on le laisse transparaître entre les lignes, mais
on attend qu’il soit adulte pour le nommer (politiquement correct)
« Non-sens » d’un point de vue psychopathologique

• Implicitement on inscrit la démarche diagnostique dans


l’historicité et la reconstruction a posteriori pour une nosographie
qui se veut strictement comportementale et a-théorique

• On ne se limite pas à demander si les « signes » sont apparus


durant la jeunesse du sujet, il s’agit d’un argument sine qua non
pour poser le diagnostic

• Raisonnement infondé d’un point de vue psychopathologique

• Le DSM propose une « vision du monde » et une étiopathogénie

• Quid d’un sujet qui présente tous les critères et une adolescence
sans problèmes, sans Trouble des conduites ?

• « Ça n’existe pas ! » (cliniquement faux) : fait apparaître une


difficulté épistémologique et sa conséquence méthodologique
« Non-sens » d’un point de vue psychopathologique

• Confusion entre procédé diagnostique et prérequis théorique

• La démarche diagnostique doit être centrée sur les signes


observables et être indemne de toute croyance concernant
l’apparition du trouble ainsi que de toute hypothèse constitutive

• Signes antérieurs ne font pas partie de la démarche diagnostique


a proprement parler

• Difficulté méthodologique : La théorie « crée » la clinique (un


comble pour un manuel qui se revendique a-théorique)

• Risque d’amener le clinicien à identifier des faits antérieurs


(forcément inaccessibles) peu évidents, de focaliser son attention
sur des épisodes de la vie du sujet en sur-interprétant leur portée
« déviante », bref, en le « théorisant », de ne pas se rendre
compte qu’il crée le réel
« Non-sens » d’un point de vue psychopathologique

Troisièmement : problème de la l’« accumulation » de trois


manifestations comportementales

• Les différentes combinaisons envisageables offrent des


fonctionnements psychologiques variés

• Peut-on parler d’une entité nosographique autonome ?

Exemples cliniques :
Bruce est un jeune homme de 30 ans qui présente un parcours de vie chaotique.
En « marge de la société » – position qu’il semble revendiquer – il dit « lutter à sa
manière contre la société capitaliste qui nous entoure ». À ce sujet, il confie n’avoir
jamais voté, revendique le fait de ne pas payer ses amendes et, non sans fierté, dit
enfreindre les lois tous les jours [(1) incapacité à se conformer aux lois et normes
sociales]. Il émarge au chômage et reçoit des allocations diverses et a connu de
nombreux problèmes avec ses propriétaires pour leur payer le loyer [(6)
irresponsabilité persistante indiquée par l’incapacité d’assumer un emploi stable ou
d’honorer des obligations financières]. Bruce consomme de l’alcool, rarement de la
drogue (uniquement du cannabis). Il nous confie que cette consommation n’est pas
régulière : « je bois un verre quand j’en ai les moyens, avec des amis ». Les
membres de sa famille nous confirment qu’il ne boit pas tous les jours et que, selon
eux, « il n’est ni alcoolique, ni drogué ». Bruce confirme qu’il peut facilement se
passer d’alcool et de drogue et qu’il a d’ailleurs arrêté à plusieurs reprises car il se
retrouve trop souvent impliqué dans des bagarres à la sortie de cafés. [(4) irritabilité
ou agressivité indiquées par la répétition de bagarres ou d’agressions]
James a également une trentaine d’années, il est en prison pour être à l’origine d’un
accident de la route qui a causé le décès de deux personnes. Pleinement
responsable, il conduisait sous l’effet d’alcool. Il a déjà reçu par le passé de
nombreuses amendes de roulage, particulièrement pour excès de vitesse. [(1)
incapacité à se conformer aux lois et normes sociales et (5) mépris inconsidéré pour sa
sécurité ou celle d’autrui]. Fou de remords et de culpabilité par rapport aux décès
qu’il a engendrés, il confie « avoir besoin de sensations fortes », qu’il « apprécie
rouler vite ». Il dit : « c’est plus fort que moi, je ne peux pas me contrôler » [(3)
impulsivité]
Hubert a 29 ans et en est, nous confie-t-il presque fièrement, à son 5ème passage
en prison. Depuis ses 18 ans, il a passé plus de 8 années derrière les barreaux. Il est
décrit par tous les rapports d’expertise comme impulsif. Il a par exemple été
accusé à deux reprises de coups et blessures sur sa compagne, et, dans un autre
contexte, a blessé au bras un policier avec un couteau lors d’un contrôle d’identité.
Il dit ne présenter aucun remords à l’encontre de ses victimes, il a été impliqué
dans de nombreuses bagarres et a commis plusieurs vols avec agression, certains
avec une arme à feu. [(1) incapacité à se conformer aux lois et normes sociales, (3)
impulsivité ou incapacité à planifier à l’avance, (4) irritabilité ou agressivité (indiquées par
la répétition de bagarres ou d’agressions), (7) absence de remords indiquée par le fait
d’être indifférent ou de se justifier après avoir blessé, maltraité ou volé autrui]
Karl, 35 ans, est un escroc qui emploie les méthodes les plus « géniales » qui soient
pour tromper autrui. Après seulement quelques jours d’emprisonnement, il réussit,
depuis sa cellule de prison, à extorquer de l’argent à d’autres détenus grâce à
l’envoi de courriers à la banque en se faisant passer pour ses victimes et en
demandant un transfert d’argent vers son propre compte. Il est loin de regretter
ses actes ou d’éprouver du remords puisqu’il recommencera à de nombreuses
reprises en l’espace de quelques mois. Après six mois, il sera transféré vers un
autre établissement tellement sa détention est devenue ingérable. [(1) incapacité à
se conformer aux lois et normes sociales, (2) tendance à tromper par profit ou par plaisir
(indiquée par des mensonges répétés, utilisation de pseudonymes, escroqueries), (6)
irresponsabilité persistante (indiquée par l’incapacité d’assumer un emploi stable ou
d’honorer des obligations financières), (7) absence de remords (indiquée par le fait d’être
indifférent ou de se justifier après avoir blessé, maltraité ou volé autrui)]
« Non-sens » d’un point de vue psychopathologique

• Ces quatre cas correspondent au diagnostic de personnalité


antisociale

• Hormis le fait d’être en prison et dès lors d’avoir commis un acte


répréhensible par la loi, il est bien difficile de trouver un autre
élément qui les réunit

• Problème de discrimination : diagnostic recouvre un nombre


considérable de « profils » psychologiques

• Les sujets antisociaux constituent une entité composée de


fonctionnements psychologiques trop hétérogènes
« Non-sens » d’un point de vue psychopathologique

Quatrièmement : prolongement du raisonnement concernant les 4 cas


cliniques :

• Ce diagnostic n’est-il pas une simple identification « pseudo-


nosographique » de ce qui caractérise bon nombre de sujets
détenus ?

• Les critères du « diagnostic », plutôt que de correspondre à une


entité nosographique homogène, caractérisent une démarche socio-
criminologique d’identification d’un prisonnier

• Relation tautologique unissant le statut de détenu et le trouble de


la personnalité antisociale
« Non-sens » d’un point de vue psychopathologique

• Une lecture rapide des quatre cas cliniques permet de constater que
le critère 1 (incapacité à se conformer aux lois et normes sociales)
apparaît pour chacune des situations

• Il s’agit de l’« élément structurant » l’entité nosographique

• La logique d’accumulation de trois manifestations


comportementales permet d’envisager « théoriquement » l’absence
de ce critère 1, mais cette absence ne peut être envisagée, à peu de
choses près, que pour caractériser la situation d’un sujet qui aurait
« échappé » au contrôle judiciaire

• Hormis le septième critère, tous sont, soit des comportements


répréhensibles par la loi, soit une variante allégée de ces tendances,
soit encore des comportements favorisant l’émergence du premier
critère
« Non-sens » d’un point de vue psychopathologique

• Le mensonge répété n’est pas répréhensible par la loi mais bien


l’escroquerie (2)

• L’impulsivité, l’irritabilité et l’agressivité, sont des comportements


que l’on peut qualifier comme augmentant le risque de commettre
des infractions, alors que l’agression qui peut en découler est bien
répréhensible (3 et 4)

• Le mépris inconsidéré pour sa sécurité ou celle d’autrui, s’il peut


être compris et défini de bien des façons différentes, suggère
également un dépassement des lois ou, à tout le moins, des normes
sociales (5)

• L’irresponsabilité persistante, telle que le DSM la sous-entend


(notamment l’idée de dettes financières), peut également conduire
à une infraction de la loi (6)
« Non-sens » d’un point de vue psychopathologique

• Lorsqu’on décortique le diagnostic, on observe que le premier


critère est la structure organisatrice de l’entité nosographique

• On constatera également qu’un sujet présentant un diagnostic


de personnalité antisociale ne peut que présenter, tôt ou tard,
ce premier critère d’incapacité à se conformer aux lois et
normes sociales
« Non-sens » d’un point de vue psychopathologique

• Critère 7 : « Le sujet doit présenter une absence de remords après


avoir blessé, maltraité ou volé autrui »

• Exemple flagrant du discours implicite du DSM

• Ce critère est une conséquence d’un autre critère (peut-être


tellement évident aux yeux des auteurs du DSM qu’ils n’ont pas jugé
nécessaire de l’énoncer) : le sujet a blessé, maltraité ou volé

• Il n’est même pas question d’établir si ce critère implicite est présent

• Logique de la « présence d’une absence » (de remords) qui repose


sur un raisonnement intégrant la morale. Le clinicien doit d’abord
concevoir, selon ses propres références, un signe clinique avant d’en
observer l’absence chez le sujet
Démarche compréhensive et psychologie légale

• La personnalité antisociale = une « personnalité délinquante »

• Confusion entre la démarche psychopathologique, qui a pour


vocation la compréhension d’un sujet dans sa complexité, et
une démarche criminologique qui se concentre sur le
comportement délinquant (ce qui induit une réduction de la
complexité)

• La relation tautologique entre personnalité antisociale et


individu délinquant conduit à une « psychiatrisation » de la
délinquance en ouvrant la voie à de nombreuses dérives
médicales et politiques.
Démarche compréhensive et psychologie légale

« L’expertise psychiatrique, mais d’une façon plus générale


l’anthropologie criminelle et le ressassant discours de la criminologie
trouvent là une de leurs fonctions précises : en inscrivant
solennellement les infractions dans le champ des objets susceptibles
d’une connaissance scientifique, donner aux mécanismes de la
punition légale une prise justifiable non plus simplement sur les
infractions, mais sur les individus ; non plus sur ce qu’ils ont fait,
mais sur ce qu’ils sont, seront, peuvent être » (Foucault, 1975, p. 26)
Démarche compréhensive et psychologie légale

• On cherche à contrôler le malade et à soigner le délinquant mais


jamais on ne pose un réel acte psychopathologique de
compréhension, puisque l’élément organisateur est extérieur au
sujet et à son organisation psychique actuelle

• L’acte infractionnel (et son éventuelle récidive) est un élément qui


fait partie de l’histoire du sujet et ne peut (bien entendu !) pas être
désarticulé de son fonctionnement psychologique

• Cependant : on ne peut pas considérer ces actes comme les


éléments centraux du fonctionnement psychologique du sujet
délinquant
Démarche compréhensive et psychologie légale

« Ils sont criminels, oui : cela veut dire, en bonne logique, qu’ils ont
commis un ou plusieurs crimes et qu’ils sont passibles de sanctions
définies par le code. Mais à la faveur de l’ambigüité du terme, on
leur persuade et ils se laissent persuader que cette définition
objective s’applique en réalité à leur être subjectif et caché : le
criminel qu’ils étaient pour les autres, le voilà tapi au fond d’eux
comme un monstre ; (…) leurs fautes et leurs erreurs se
transforment en disposition permanente, c’est-à-dire, en destin »
(Sartre, 1952, pp. 45-46)
Acte ou fonctionnement psychologique ?

• Plutôt que de se focaliser sur l’acte commis, davantage utile


de chercher à comprendre comment une subjectivité réagit au
contact d’autres subjectivités, quels sont les mécanismes
d’adaptation mis en place par le sujet, comment est construite
et s’énonce son identité, etc.
• Lorsque le clinicien accumule des données concernant le
sujet, il peut construire des hypothèses à son propos et
échafauder une synthèse structurelle qui énonce les traits
d’un fonctionnement psychologique
• Une étape successive – néanmoins très importante –
consistera à faire dialoguer les connaissances accumulées à
propos du sujet et de l’acte qu’il a commis
La psychopathie
Introduction

• Étymologie du concept : trouble du psychisme en son sens le plus


général

• Pinel (début du 19ème siècle) : « manie sans folie »

• Tous ces auteurs soulignent un lien avec les actes délinquants


Introduction
• Die psychopathischen Persönlichkeiten (Schneider, 1923)
• The Mask of Sanity (Cleckley, 1941)

• Grandes nosographies (Kraepelin, 1908 ; Ey et al., 1960) :

Trouble grave ou déséquilibre du caractère ou de la personnalité qui


ne présente ni psychose, ni déficience mentale significative
Introduction
• Schneider (1923) : Personnalités psychopathiques (1ère grande
synthèse)
• manifestations antisociales et perturbations du caractère telles que
l’instabilité, l’irritabilité, une inadaptabilité, une tendance accrue à
commettre des actes criminels et à consommer des drogues et de l’alcool, etc.
Opposition ferme aux règles et normes sociales

• Cleckley (1941) The mask of sanity : 16 signes clés du psychopathe


type
• charme superficiel et une bonne intelligence, ne présente ni délire, ni pensée
délirante, mais ne présente pas non plus de signes névrotiques, de culpabilité
et de honte. Incapable d’introspection et présentant des réactions affectives
qualifiées de pauvres, il est également incapable de se comporter
adéquatement dans la sphère interpersonnelle. Hypocrite et faux,
égocentrique et incapable d’aimer, il s’agit d’un sujet sur lequel on ne peut
compter, incapable d’apprendre de ses expériences et de suivre un plan de
vie. En plus de poser des actes antisociaux non motivés, le psychopathe se
comporte de manière fantaisiste et peu attirante sous l’emprise de l’alcool, a
une vie sexuelle banale et impersonnelle et recourt rarement au suicide
La Psychopathy Checklist-Revised (PCL-R)

• « Psychopathie » n’est pas reprise par les DSM-IV et 5

• Hare (2003) : définition pragmatique et opérationnelle du diagnostic


de psychopathie  L’échelle d'évaluation de la psychopathie de
Hare (PCL-R)

• Les caractéristiques antisociales feraient partie du tableau clinique,


mais elles ne suffiraient pas à poser le diagnostic de psychopathie :
un sujet psychopathe aurait nécessairement une personnalité
antisociale, alors que l’inverse ne serait pas systématique (Hare,
2003 ; Pham et al., 2005)

• Il y aurait, en Belgique, entre 50 % et 80 % de détenus présentant


une personnalité antisociale, contre 5% à 10 % de détenus
présentant une personnalité psychopathique (cut off égal à 30)
(Pham, 1998)
La Psychopathy Checklist-Revised (PCL-R)

• 20 items
• facteur 1, relatif aux caractéristiques interpersonnelles,
affectives et narcissiques de la psychopathie
• facteur 2, définissant les caractéristiques liées au style de vie
impulsif/parasite et la tendance antisociale chronique
• Depuis la seconde version du manuel de Hare (2003), ces deux
facteurs sont eux-mêmes scindés en quatre facettes :
« interpersonnelle » (facteur 1) ; « émotionnelle » (facteur 1)
; « impulsivité » (facteur 2) ; « antisociale » (facteur 2)
PCL-R (HARE, 2003)
 1. Loquacité et charme superficiel  11. Promiscuité du comportement sexuel
 2. Sens grandiose du moi  12. Problèmes précoces de comportement
 3. Besoin de stimulation et tendance à  13. Manque de buts à long terme
l'ennui  14. Impulsivité
 4. Mensonge pathologique
 15. Irresponsabilité
 5. Manipulation
 16. Incapacité à accepter la responsabilité
 6. Manque de remords et de culpabilité de ses propres actes
 7. Étroitesse émotionnelle  17. Brèves et multiples relations conjugales
 8. Manque d'empathie  18. Délinquance juvénile
 9. Tendance au parasitisme  19. Révocation de libération conditionnelle
 10. Mauvais contrôle comportemental  20. Multiplicité des types de délits commis
par le sujet
PCL-R (HARE, 2003) 


Fact. 1 : caractéristiques interpersonnelles et affectives
Fact. 2 : style de vie et tendance antisociale

 1. Loquacité et charme superficiel  11. Promiscuité du comportement sexuel


 2. Sens grandiose du moi  12. Problèmes précoces de comportement
 3. Besoin de stimulation et tendance à  13. Manque de buts à long terme
l'ennui  14. Impulsivité
 4. Mensonge pathologique
 15. Irresponsabilité
 5. Manipulation
 16. Incapacité à accepter la responsabilité
 6. Manque de remords et de culpabilité de ses propres actes
 7. Étroitesse émotionnelle  17. Brèves et multiples relations conjugales
 8. Manque d'empathie  18. Délinquance juvénile
 9. Tendance au parasitisme  19. Révocation de libération conditionnelle
 10. Mauvais contrôle comportemental  20. Multiplicité des types de délits commis
par le sujet
PCL-R (HARE, 2003) 


Fact. 1 : caractéristiques interpersonnelles et affectives
Fact. 2 : style de vie et tendance antisociale

 1. Loquacité et charme superficiel  11. Promiscuité du comportement sexuel


 2. Sens grandiose du moi  12. Problèmes précoces de comportement
 3. Besoin de stimulation et tendance à  13. Manque de buts à long terme
l'ennui  14. Impulsivité
 4. Mensonge pathologique
 15. Irresponsabilité
 5. Manipulation
 16. Incapacité à accepter la responsabilité
 6. Manque de remords et de culpabilité de ses propres actes
 7. Étroitesse émotionnelle  17. Brèves et multiples relations conjugales
 8. Manque d'empathie  18. Délinquance juvénile
 9. Tendance au parasitisme  19. Révocation de libération conditionnelle
 10. Mauvais contrôle comportemental  20. Multiplicité des types de délits commis
par le sujet
 Facette 1 : « interpersonnelle »

PCL-R (HARE, 2003)


 Facette 2 : « émotionnelle »
 Facette 3 : « Style de vie et impulsivité »
 Facette 4 : « antisociale »

 1. Loquacité et charme superficiel  11. Promiscuité du comportement sexuel


 2. Sens grandiose du moi  12. Problèmes précoces de comportement
 3. Besoin de stimulation et tendance à  13. Manque de buts à long terme
l'ennui  14. Impulsivité
 4. Mensonge pathologique
 15. Irresponsabilité
 5. Manipulation
 16. Incapacité à accepter la responsabilité
 6. Manque de remords et de culpabilité de ses propres actes
 7. Étroitesse émotionnelle  17. Brèves et multiples relations conjugales
 8. Manque d'empathie  18. Délinquance juvénile
 9. Tendance au parasitisme  19. Révocation de libération conditionnelle
 10. Mauvais contrôle comportemental  20. Multiplicité des types de délits commis
par le sujet
 Facette 1 : « interpersonnelle »

PCL-R (HARE, 2003)


 Facette 2 : « émotionnelle »
 Facette 3 : « Style de vie et impulsivité »
 Facette 4 : « antisociale »

 1. Loquacité et charme superficiel  11. Promiscuité du comportement sexuel


 2. Sens grandiose du moi  12. Problèmes précoces de comportement
 3. Besoin de stimulation et tendance à  13. Manque de buts à long terme
l'ennui  14. Impulsivité
 4. Mensonge pathologique
 15. Irresponsabilité
 5. Manipulation
 16. Incapacité à accepter la responsabilité
 6. Manque de remords et de culpabilité de ses propres actes
 7. Étroitesse émotionnelle  17. Brèves et multiples relations conjugales
 8. Manque d'empathie  18. Délinquance juvénile
 9. Tendance au parasitisme  19. Révocation de libération conditionnelle
 10. Mauvais contrôle comportemental  20. Multiplicité des types de délits commis
par le sujet
 Facette 1 : « interpersonnelle »

PCL-R (HARE, 2003)


 Facette 2 : « émotionnelle »
 Facette 3 : « Style de vie et impulsivité »
 Facette 4 : « antisociale »

 1. Loquacité et charme superficiel  11. Promiscuité du comportement sexuel


 2. Sens grandiose du moi  12. Problèmes précoces de comportement
 3. Besoin de stimulation et tendance à  13. Manque de buts à long terme
l'ennui  14. Impulsivité
 4. Mensonge pathologique
 15. Irresponsabilité
 5. Manipulation
 16. Incapacité à accepter la responsabilité
 6. Manque de remords et de culpabilité de ses propres actes
 7. Étroitesse émotionnelle  17. Brèves et multiples relations conjugales
 8. Manque d'empathie  18. Délinquance juvénile
 9. Tendance au parasitisme  19. Révocation de libération conditionnelle
 10. Mauvais contrôle comportemental  20. Multiplicité des types de délits commis
par le sujet
 Facette 1 : « interpersonnelle »

PCL-R (HARE, 2003)


 Facette 2 : « émotionnelle »
 Facette 3 : « Style de vie et impulsivité »
 Facette 4 : « antisociale »

 1. Loquacité et charme superficiel  11. Promiscuité du comportement sexuel


 2. Sens grandiose du moi  12. Problèmes précoces de comportement
 3. Besoin de stimulation et tendance à  13. Manque de buts à long terme
l'ennui  14. Impulsivité
 4. Mensonge pathologique
 15. Irresponsabilité
 5. Manipulation
 16. Incapacité à accepter la responsabilité
 6. Manque de remords et de culpabilité de ses propres actes
 7. Étroitesse émotionnelle  17. Brèves et multiples relations conjugales
 8. Manque d'empathie  18. Délinquance juvénile
 9. Tendance au parasitisme  19. Révocation de libération conditionnelle
 10. Mauvais contrôle comportemental  20. Multiplicité des types de délits commis
par le sujet
La Psychopathy Checklist-Revised (PCL-R)

• Chaque item est évalué sur une échelle de 0 à 2

• Hare (2003) propose un cut off de 30/40, suggérant une « limite »


diagnostique de la psychopathie

• Le diagnostic de psychopathie clairement posé à partir d’un score de


30/40 et exclu pour un score inférieur ou équivalent à 20/40

• Score de 30 (ou plus) correspond au « prototype de la


psychopathie »

• Différence entre le DSM et la conception de la psychopathie selon


Hare : ajoute au diagnostic antisocial du DSM un ensemble d’items,
concernant notamment la sphère interpersonnelle et la dimension
affective
La Comprehensive Assessment of
Psychopathic Personality (CAPP)
• Comprehensive Assessment of Psychopathic Personality (Cooke et al.,
2001, 2004, 2007)

• Propose d’enlever la dimension antisociale (et promiscuité sexuelle et


des cohabitations de courte durée) car ces items seraient
« secondaires » et la conséquence des trois autres facettes

• Facettes interpersonnelles et affectives = « constituants centraux » de


la personnalité psychopathique

• Evolution importante depuis le diagnostic du DSM de personnalité


antisociale vers cette conception de la psychopathie en dehors de la
dimension antisociale

• D’une conception qui refuse toute étude des dimensions proprement


psychologiques à la prise en compte de ces dimensions comme
caractéristiques essentielles (mais ce n’est pas encore de la
psychopathologie)
COOKE ET AL. (2001, 2004, 2007)
 1. Loquacité et charme superficiel  11. Promiscuité du comportement sexuel
 2. Sens grandiose du moi  12. Problèmes précoces de comportement
 3. Besoin de stimulation et tendance à  13. Manque de buts à long terme
l'ennui  14. Impulsivité
 4. Mensonge pathologique
 15. Irresponsabilité
 5. Manipulation
 16. Incapacité à accepter la responsabilité
 6. Manque de remords et de culpabilité de ses propres actes
 7. Étroitesse émotionnelle  17. Brèves et multiples relations conjugales
 8. Manque d'empathie  18. Délinquance juvénile
 9. Tendance au parasitisme  19. Révocation de libération conditionnelle
 10. Mauvais contrôle comportemental  20. Multiplicité des types de délits commis
par le sujet
COOKE ET AL. (2001, 2004, 2007)
 1. Loquacité et charme superficiel 
 2. Sens grandiose du moi 
 3. Besoin de stimulation et tendance à  13. Manque de buts à long terme
l'ennui  14. Impulsivité
 4. Mensonge pathologique
 15. Irresponsabilité
 5. Manipulation
 16. Incapacité à accepter la responsabilité
 6. Manque de remords et de culpabilité de ses propres actes
 7. Étroitesse émotionnelle 
 8. Manque d'empathie 
 9. Tendance au parasitisme 
 
Réflexion psychopathologique sur la
psychopathie

• Recherche d’une « structure significative » : un sens entre les


différents signes d’un trouble

• « Structure psychopathologique »

• Jaspers (1913) : objectif en psychopathologie est de


comprendre l’énigme qui se présente, observer les
phénomènes et chercher un ensemble significatif

• Identifier l’organisation entre des signes de la psychopathie :


une telle démarche n’apparaît pas dans les travaux de Hare ou
de Cooke
Entrée paradoxale dans la réflexion psychopathologique sur la
psychopathie : l’ego et l’alter ego binswangerien chez le maniaque

• Binswanger (Mélancolie et la manie, 1960) : analyse


systématique de la « chosification de l’alter ego » chez le
maniaque

• Caractéristiques fondamentales de la manie est de prendre


autrui pour une chose « interchangeable » et « utilitaire »

• Rapprochement avec le fonctionnement psychopathique qui


se retrouve dans cette tendance à la chosification d’autrui
(Binswanger n’aborde pas cette question)
 « Mes collègues de travail étaient des objets dont je me servais quand j’en
avais besoin et qui n’étaient rien de plus à mes yeux »
 « Cette personne cherchait à rentrer dans ma vie et je ne lui avais rien
demandé, pour moi elle n’existait pas. Elle m’a gêné et je lui ai dit. Elle a
insisté et nous nous sommes disputés… je n’y suis pas parvenu mais j’aurais
pu la tuer »
 « Ce qui compte pour moi c’est le plaisir que me procure ce que je fais, la
place de l’autre n’a pas beaucoup d’importance »
 « Je voulais réussir mon vol et ce n’était pas un homme qui allait m’en
empêcher. Pour réussir, je l’ai tué… J’ai dû le tuer… Il ne représentait rien
d’autre pour moi qu’un obstacle »
L’ego et l’alter ego binswangerien

• Manie et psychopathie sont des psychopathologies bien différentes

• Sur quels aspects ? Si la psychopathie est une « manie sans folie »


(Pinel), il convient de préciser ce qui est entendu par « folie »

• « Si dans la manie il n’y a pas de constitution complète de l’alter


ego, l’alter ego étant bien plutôt dans une large mesure un étranger
et même une chose étrangère, une simple chose prise, poussée et
repoussée, utilisée et consommée par quelque chose, les causes
n’en sont naturellement pas dans l’alter ego mais dans l’ego » (Ibid.)

• Pour le maniaque un trouble dans la constitution de l’alter ego


coexiste avec un trouble dans la constitution de l’ego ou du « Je »
L’ego et l’alter ego binswangerien

• C’est cet élément qui inscrit le maniaque dans le registre de la


psychose que Binswanger appelle un défaut d’« apprésentation »

• Lorsque deux personnes se rencontrent, « ce qui nous est présent


est différent mais accompagné de la même apprésentation » (Ibid.,
p. 79)

• Les deux personnes partagent un ensemble de représentations


communes qui leur permettent de se considérer l’une et l’autre
comme des alter ego et de partager un monde commun

• Exemple de patiente maniaque et de l’organiste

• Le propos et l’action, pris en eux-mêmes, ne sont pas


fondamentalement incohérents ou délirants mais ils marquent une
« défaillance de l’apprésentation dans la manie et (…) l’impossibilité
de la constitution d’un monde commun » (Ibid., p. 81)
L’ego et l’alter ego binswangerien

• Psychose = défaillance de cette apprésentation commune implicite

• Superposable aux conceptions modernes de la psychose selon la


psychopathologie phénoménologique

• « […] si j’échoue dans l’interprétation du sens de l’alter ego, j’ai


également échoué à réaliser l’interprétation du sens de mon propre
Je. C’est pourquoi le maniaque ne peut pas faire l’expérience de
l’alter ego de manière apprésentative, au sens propre, car il n’a pas
fait l’expérience de soi-même en tant qu’ego » (pp. 93-94)

• La chosification maniaque, ce trouble de l’alter ego, est à situer au


niveau d’un trouble de l’ego psychotique
L’ego et l’alter ego binswangerien

• À la différence fondamentale du maniaque, le psychopathe ne


présente pas de trouble de l’ego, du « Je » ou, pour dire plus
simplement, il ne se situe pas dans le registre de la psychose

• Le psychopathe présente, chose inenvisageable pour le maniaque,


un trouble de l’alter ego à travers la chosification d’autrui
(symptôme commun au maniaque) mais sans présenter de trouble
de l’ego (symptôme différentiel du maniaque)

• À l’inverse du maniaque, le psychopathe parviendrait à conserver un


ego stable, une identité cohérente tout en « chosifiant autrui »

• Pour le psychopathe, le trouble de l’alter ego n’est pas secondaire à


un trouble de l’ego en tant que structure apprésentative

• Le psychopathe a la capacité de chosifier autrui tout en conservant


son identité propre, son « Je »
Pourquoi une comparaison entre le
maniaque et le psychopathe ?

Reprenons les 20 items de la PCL-R

Selon les recommandations de Cooke, soustrayons les items dits


secondaires (ceux de la facette 4 « antisociale » et les items 11 et 17)
et donc moins pertinents pour notre approche psychopathologique
 1. Loquacité et charme superficiel  11. Promiscuité du comportement sexuel
 2. Sens grandiose du moi  12. Problèmes précoces de comportement
 3. Besoin de stimulation et tendance à  13. Manque de buts à long terme
l'ennui  14. Impulsivité
 4. Mensonge pathologique
 15. Irresponsabilité
 5. Manipulation
 16. Incapacité à accepter la responsabilité
 6. Manque de remords et de culpabilité de ses propres actes
 7. Étroitesse émotionnelle  17. Brèves et multiples relations conjugales
 8. Manque d'empathie  18. Délinquance juvénile
 9. Tendance au parasitisme  19. Révocation de libération conditionnelle
 10. Mauvais contrôle comportemental  20. Multiplicité des types de délits commis
par le sujet
 1. Loquacité et charme superficiel 
 2. Sens grandiose du moi 
 3. Besoin de stimulation et tendance à  13. Manque de buts à long terme
l'ennui  14. Impulsivité
 4. Mensonge pathologique
 15. Irresponsabilité
 5. Manipulation
 16. Incapacité à accepter la responsabilité
 6. Manque de remords et de culpabilité de ses propres actes
 7. Étroitesse émotionnelle 
 8. Manque d'empathie 
 9. Tendance au parasitisme 
 
 1. Loquacité et charme superficiel  8. Manque d'empathie
 2. Sens grandiose du moi  9. Tendance au parasitisme
 3. Besoin de stimulation et tendance à  13. Manque de buts à long terme
l'ennui  14. Impulsivité
 4. Mensonge pathologique
 15. Irresponsabilité
 5. Manipulation
 16. Incapacité à accepter la responsabilité
 6. Manque de remords et de culpabilité de ses propres actes
 7. Étroitesse émotionnelle
SÉMIOLOGIE DU PSYCHOPATHE ET DU MANIAQUE

 1. Loquacité et charme superficiel  8. Manque d'empathie


 2. Sens grandiose du moi  9. Tendance au parasitisme
 3. Besoin de stimulation et tendance à  13. Manque de buts à long terme
l'ennui  14. Impulsivité
 4. Mensonge pathologique
 15. Irresponsabilité
 5. Manipulation
 16. Incapacité à accepter la responsabilité
 6. Manque de remords et de culpabilité de ses propres actes
 7. Étroitesse émotionnelle
Tableau sémiologique similaire pour le
maniaque et le psychopathe
• Hare (2003) : le score à la PCL-R est significativement corrélé à
l’échelle « psychopathie » (r = .19 à .26) mais tout autant à celle de «
manie » (r = .14 à .27) du MMPI.

• Sans une prise en considération psychopathologique, ces


corrélations se révèlent incompréhensibles

• Évidemment, ces deux entités diagnostiques sont totalement


différentes !!

• La conception de la psychopathie selon Hare et Cooke passe « à


côté » de spécificités essentielles de la psychopathie, puisque le
diagnostic qui en ressort est superposable à celui de la manie

• La différence entre manie et psychopathie est à situer au-delà des


signes psychologiques mais à un niveau psychopathologique, à partir
de la dialectique de l’alter ego et de l’ego.
Le psychopathe et l’émotion : pour une
conception adaptative de la psychopathie

• Psychopathie = inadaptation ?

• Demaret (1979) : de nombreux comportements, considérés comme


pathologiques à ce jour, devaient avoir une valeur adaptative dans le
milieu originel qui a façonné la morphologie et le psychisme de
notre espèce

• Il ne faut pas toujours remonter jusqu’à des temps si lointains pour


observer une dimension adaptative à un comportement : une
variation du temps (un comportement à une autre époque) ou de
l’espace (un comportement dans un autre contexte, une autre
situation sociale, culturelle, économique) peut conférer à tout
symptôme une dimension adaptative et fonctionnelle
« … La fonction sociale des psychopathes
dépend des conditions du milieu. Plus
celles-ci sont perturbées, plus le
"déséquilibré" se révèle adapté et même
utile. En temps de paix, on les enferme ; en
temps de guerre, on compte sur eux et on
les couvre de décorations… » (2014, p. 29)
Le psychopathe et l’émotion

• La psychopathie a toujours été associée à un déficit émotionnel


global ou spécifique (Schneider 1923 ; Cleckley, 1941 ; Hare, 2003) :
inapte tant à saisir les stimuli émotionnels qu’à en produire
d’adéquats

• Hypothèse contradictoire avec la suggestion de Demaret, qui fait du


psychopathe un sujet adapté en certaines conditions extrêmes (si
l’on est d’accord de considérer la dimension émotionnelle à la base
du processus d’adaptation et d’interaction)
Le psychopathe et l’émotion

L’émotion (Sartre, Esquisse d’une théorie des émotions, 1939)

• Principe de « significativité »

• « transformation du monde »

• Inscription sociale radicale : « l’homme est toujours un sorcier pour


l’homme et [que] le monde social est d’abord magique » (Ibid., p.
58)

• « Régulation émotionnelle »

• L’émotion est l’une des grandes attitudes subjectives de l’homme,


fondamentale à son adaptation sociale (Gauthier & Englebert,
2012), et une part essentielle de son identité (Gallagher, 2005 ;
Stanghellini, 2009a ; Rosfort & Stanghellini, 2009)
Le psychopathe et l’émotion

• Quelle répercussion sur notre conception du sujet psychopathe ?

• Le psychopathe ne présente-t-il pas plutôt une compétence pour la


compréhension et la gestion du phénomène émotionnel ?

• Si cette conception va à contre-sens de la vie émotionnelle


« pauvre », « étroite » et « immature » attribuée aux psychopathes
(Schneider, 1923 ; Cleckley, 1941 ; Hare, 2003 ; Cooke et al., 2004),
elle correspond à la conception adaptative envisagée par Demaret
et, surtout, apparaît cohérente en ce qui concerne la clinique :
 « Je peux dire que je comprends bien les autres, je sais comment ils
réagissent… En fonction de leurs regards et de leurs attitudes, je sais
comment je dois réagir »
 « Je savais comment y faire avec mes victimes. D’abord je prenais le temps de
les observer et quand j’avais compris comment elles réagissaient, je savais si
je pourrais ou pas les voler. Une fois que je l’avais décidé, plus rien ne
m’arrêtait, leurs réactions n’avaient aucune importance… Je décidais de ne
plus leur accorder d’importance, cela m’aurait pénalisé… »
 « Vous savez, mon apparente froideur que l’on me reproche si souvent ne
veut pas dire que je ne suis pas conscient des autres autour de moi… Mais je
ne leur montre pas. J’ai pu de nombreuses fois remarquer que c’était plus
profitable ainsi »
Le psychopathe et l’émotion

• « Froideur émotionnelle » (différent du « déficit émotionnel ») = si


l’on se met d’accord sur sa définition, signe clinique fondamental de
la psychopathie

• Hare (2003) : la froideur émotionnelle est l’une des quatre facettes


de la psychopathie (et dès lors un trait essentiel)

• 4 items : le manque de remords et de culpabilité (item 6),


l’étroitesse émotionnelle (item 7), le manque d’empathie (item 8)
et l’incapacité à accepter la responsabilité de ses propres actes
(item 16)
Le psychopathe et l’émotion

• Le manque de remords et de culpabilité : correspond


effectivement au sujet psychopathe. Elle se situe autant dans
le registre de l’émotion que dans celui de la cognition et de la
morale. Le manque de remords et de culpabilité sont pourtant
différents de la froideur émotionnelle
• D’un point de vue psychologique, il est tout à fait envisageable
de faire preuve de froideur émotionnelle et d’éprouver du
remords ou de culpabilité comme il est envisageable, à
l’inverse, de ne pas avoir de remords en ayant réagi sous
l’impulsivité et dans un contexte émotionnel vif
Le psychopathe et l’émotion

• L’étroitesse émotionnelle : étroitesse et froideur


émotionnelles sont également des qualités du vécu
émotionnel qui sont indépendantes
• On peut analyser froidement une émotion sans faire preuve
d’étroitesse (cela correspond au psychopathe mais il s’agit
aussi, par exemple, d’une qualité requise pour être un bon
dirigeant politique) tout comme on peut analyser «
chaudement » une émotion en faisant preuve d’étroitesse
émotionnelle (le cas de bon nombre d’impulsifs)
Le psychopathe et l’émotion

• Le manque d’empathie : en fonction de la définition que l’on


attribue à ce concept d’empathie, on se situe soit du côté de
l’émotion (et alors, il ne s’agit pas d’un déficit psychopathique),
soit du côté de la morale (on quitte alors la dimension
émotionnelle stricte et on s’approche du fonctionnement
psychopathique)
• S’agit toujours d’empathie ou plutôt de sympathie ?

• L’incapacité à accepter la responsabilité de ses propres actes : il


semble que nous ne soyons absolument pas du côté de
l’émotion, mais plutôt dans le champ de la cognition et de la
morale (à nouveau)
Le psychopathe et l’émotion
• La froideur émotionnelle doit être considérée comme une façon de
gérer la manifestation émotionnelle avec calme et « sang-froid »,
sans précipitation (ce qui peut d’ailleurs difficilement être mis en
rapport avec l’item 14 de la PCL-R « impulsivité »)

• Manière préférentielle et prioritaire de gérer l’émotion avec un


certain calme et recul, ainsi qu’une tendance à prendre le temps
d’analyser le vécu émotionnel qui est suscité

• Cette tendance ne doit pas être considérée comme plus ou moins


adaptée et performante qu’une gestion de l’émotion « chaude »
(tendance à réagir plus promptement, par essai-erreur, de façon
« naturelle » ou « romantique »)

• Probablement plus profitable de présenter une méthode


préférentielle (un style) dans la gestion de l’émotion que de la gérer
de façon aléatoire et moins cohérente (// Exner, 2003)
Le psychopathe et l’émotion
• On peut estimer qu’en fonction de la situation sociale, relationnelle ou
professionnelle du sujet, il s’avère plus adapté de gérer l’émotion de
manière « froide » (dirigeant politique, médecin urgentiste, etc.) ou de
manière « chaude » (animateur de groupes, artiste scénique, etc.)

• Cette compétence peut aussi varier en fonction de l’environnement.


Dans certaines situations, il peut s’avérer plus adapté pour un dirigeant
politique de présenter une certaine « froideur émotionnelle » qui
rassurera la population et à d’autres moments, sa « chaleur
émotionnelle » pourra le faire gagner en popularité. L’adaptation
émotionnelle la plus subtile serait donc de parvenir à moduler son
attitude, de façon non aléatoire mais en fonction de l’environnement,
de l’« air du temps »

• La froideur émotionnelle généralement attribuée aux psychopathes


peut être considérée comme un avantage adaptatif, qui se retrouve
d’ailleurs chez bon nombre de sujets indemnes de tout trouble de la
personnalité et qui ne présentent ni déficit social, ni déficit émotionnel
Le psychopathe et l’émotion

• Difficile de maintenir l’idée que le psychopathe présente un déficit


émotionnel

• “One of the problems in understanding psychopathy may be to


immediately consider it as a disorder” (Cutting, 2012)

• Hypothèse : dimension adaptative qui confère « compétences » et


« habileté » lors des passages à l’acte criminel

• Par ailleurs, la dimension adaptative de la « froideur émotionnelle »


ou de la « chosification d’autrui » est évidente dans de nombreuses
situations de notre société économique moderne
 « Ici en prison, je n’ai de problème avec personne car je peux m’adapter à
chacun… Avec certains, je suis un "chef", avec d’autres, je négocie mais je
n’en abuse pas, je n’en tire rien d’autre qu’un quotidien qui me convient »
 « Le quotidien en prison est assez facile, il y a beaucoup de "pauvres types",
pas très intelligents et quelques plus "malins". Avec les premiers on ne craint
rien, avec les seconds, une fois qu’on les a repérés, il faut juste rester vigilant
et montrer jusqu’où on ira et jusqu’où on n’ira pas »
 « Les gardiens, je n’en ai pas grand-chose à faire, ils savent que les règles, je
leur en donne autant qu’ils m’en donnent »
Le psychopathe et l’émotion

Le psychopathe est en fait assez compétent pour comprendre


l’autre sur un plan émotionnel mais, ne l’oublions pas, tout en
parvenant à le « chosifier »

La chosification de l’autre pose la question des notions


d’empathie et de sympathie
Empathie et sympathie

• concept tellement à la mode qu’on en oublie souvent de le


définir et de le critiquer

• L’acception commune : mécanisme psychologique par lequel


l’individu parvient à se représenter l’éprouvé, la souffrance
d’autrui
• Selon cette définition, le concept d’empathie ne prend pas en
considération la réponse qui est donnée par le sujet à cette
représentation
• Il s’agit donc d’une « capacité de représentation » qui permet
la « compréhension de l’autre »
• Elle peut être différenciée de la sympathie qui a plutôt pour
objet le bien-être d’autrui
Empathie et sympathie

• L’empathie serait le pôle de la compréhension et de la


connaissance, la sympathie celui de la compassion, de l’attention
au bien-être d’autrui

• L’empathie n’est pas une connaissance « intellectuelle » d’autrui


mais une connaissance intuitive et implicite qui se donne de façon
immédiate lorsque nous rencontrons autrui (« empathie implicite »,
qui est à la base des échanges sociaux)

• A côté de cette tendance préréflexive, le clinicien développe une


méthode de compréhension de l’expérience d’autrui (« empathie
conative »)

• En clinique, on peut donc distinguer deux « types » d’empathie :


celle du clinicien (empathie conative - à visée méthodologique) et
celle du patient (empathie implicite)
Empathie et sympathie
• L’empathie implicite permet de poser un diagnostic

• Empathie en tant que faculté de se représenter le vécu d’autrui (que


ce soit au niveau émotionnel, sentimental ou cognitif), en cas de
défaillance, n’indique pas la psychopathie mais la psychose

• « Trouble de la sympathie » du psychopathe : n’a pas de difficulté à


identifier le vécu d’autrui, il n’accorde par contre aucune importance
à ce vécu en termes de bien-être pour autrui

• L’analyse d’autrui et de son vécu est strictement utilitaire et n’est pas


source de préoccupation ou d’attention pour le bien-être de l’autre

• Exemple : classique qu’un psychopathe puisse décrire la souffrance


de ses victimes (il fait alors preuve d’empathie) mais il peut
expliquer, avec une grande froideur, que cela lui importe peu (il
n’éprouve pas de sympathie)
 « [un sujet psychopathe violeur interrogé à propos de ses victimes :]
Que voulez-vous que je vous dise, cela ne changera rien à leurs situations.
Cela leur a peut-être fait du tort, que voulez-vous que ça change pour moi…
Ce que j’en pense maintenant ne changera rien ni à leurs situations, ni à la
mienne »
 « Je comprends bien lorsque les autres veulent me manifester leurs
sentiments mais je n’en ai rien à faire. Ce que ressentent les autres n’a pas
d’importance pour moi »
 « Honnêtement, mes victimes, je ne les comprends pas, moi à leur place,
j’oublierais et j’arrêterais de m’acharner sur ce que je leur ai fait »
Empathie et sympathie

• Constat à nuancer : des sujets psychopathes se montrent capables


de sympathie envers certaines personnes ciblées (vers des membres
de leur fratrie). Parfois, cette capacité de sympathie peut se diriger
vers d’autres sujets détenus en prison ou vers certains membres du
personnel pour qui ils témoignent une certaine estime ou du respect
Conclusion

• Hare, Cooke et Pham, etc. : contributions d’une importance


fondamentale

• L’enjeu psychopathologique = rappeler à l’évaluateur qui pose un


diagnostic qu’est psychopathe un sujet qui ne se limite pas à obtenir
un score de trente sur quarante à la PCL-R…
Conclusion

• La criminologie clinique implique d’expliciter la sociologie de la


construction classificatrice : comment conçoit-on le social ainsi
visé ?

• La criminologie clinique réclame de penser les quatre plans de


la psychopathologie (nosologie, nosotaxie, nosognosie,
nosographie)

• La psychopathie est une manière d’exister révélatrice de notre


condition commune
Conclusion

• La psychopathie se donne à connaître par et à travers l’acte


(mais pas seulement délinquant)

• La psychopathie ne peut être pensée en dehors d’un contexte


et d’une scène inter-personnelle impliquant tout aussi bien la
sphère économique et politique

• La psychopathie est une manière de s’adapter au monde


ambiant

• L’antisocialité est donc profondément sociale

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