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Il est absolument incontestable que Monsieur Pasteur, de 1865 à 1868, n’a invoqué aucune cause externe,

germes de l’air, par exemple, pour expliquer la pébrine ou la flacherie.


Bref, Monsieur Pasteur n’a compris quelque chose aux maladies des vers à soie, qu’en imitant et confirmant
mes observations.
De plus, comme, en 1870 et en 1876, ce savant a traité d’imaginaire la théorie du microzyma, et qu’il a déclaré
n’avoir jamais rencontré dans les œufs atteints de flacherie, les granulations mobiles que j’y avais signalées,
dont un grand nombre d’associées en chapelets de deux grains, le microzyma en 8, il est clair qu’il n’est pour
rien dans la découverte des infiniment petits dans la circulation de la vie, dans le mécanisme des
transformations incessantes de la matière, pas plus que dans la découverte de la virulence du vaccin ou des
autres virus!
Il est vrai, beaucoup plus tard, Monsieur Pasteur est complètement revenu de ses erreurs de 1865 à 1868, si
complètement qu’il est porté, maintenant, à considérer toutes les maladies comme parasitaires, même la phtisie
à laquelle il comparait la pébrine.
Oui, tandis qu’en 1868 déjà, dans une réponse à Monsieur Raibaud l’Ange 18, de chez qui Monsieur Pasteur
avait écrit à l’Académie pour formuler sa réclamation de priorité relative à la flacherie, je ne considérais plus la
maladie des morts-flats comme parasitaire, et, qu’avec Monsieur Estor, j’avais cessé de regarder la bactéridie
du sang de rate et les bactéries des maladies septicémiques comme des parasites, n’y voyant que les fruits de
l’évolution morbide des microzymas normaux, Monsieur Pasteur ne verra que des parasites dans tous les
microzymas ou dans leurs divers états évolutifs, depuis le microzyma associé à deux grains, qu’il appelle
microbe en 8, jusqu’aux diverses formes de la bactéridie ou de la bactérie!
Et tous ces prétendus parasites seront supposés provenir de germes primitivement créés morbifères!
C’est une nouvelle chimiatrie qui laisse loin derrière elle celle des temps où l’on ne connaissait pas l’histologie.
Elle porte Monsieur Pasteur et ses disciples à refuser toute spontanéité à l’organisme vivant, même humain.
La nouvelle phase de la manière de voir de Monsieur Pasteur, à mon avis la plus féconde en conséquences
funestes, est liée à la façon dont il considère la constitution de l’être vivant.
En niant le microzyma, il a, du même coup, nié qu’il y eût dans un tel être quelque chose ayant l’aptitude à
devenir morbide, et d’évoluer pour devenir les microbes en 8 et toutes les formes qui précèdent les bactéries.
Cela l’a conduit à parler des maladies de l’homme et des animaux, comme de ce qu’il a appelé les maladies de
la bière, du moût, du vin:
Un homme, suivant Monsieur Pasteur, devient malade comme un tonneau de bière le devient, par
l’introduction, dans l’un comme dans l’autre, d’un ferment de maladie.
Cette façon de penser l’a conduit à parler de la guérison d’un membre blessé, comme de la réparation d’un
cristal cassé.
Je ne conteste pas ce qu’ont de remarquable les expériences de Monsieur Toussaint et de Monsieur Pasteur,
concernant l’atténuation des virus; elles sont fort intéressantes quand on les considère dans la théorie du
microzyma, et je m’en explique dans la quatorzième Conférence; mais elles ne se comprennent pas dans le
système de Monsieur Pasteur.
En effet, en dehors des maladies vraiment parasitaires, il n’y a pas, primitivement, originellement, de germes de
véritables maladies:
variole, syphilis, fièvre typhoïde, charbon, etc., dans l’air.
On n’en a jamais démontré l’existence.
Dans l’air, il y a des microzymas; Monsieur Pasteur le nie, et je démontre qu’ils sont ceux des organismes
disparus; qu’ils peuvent être accidentellement morbides, mais perdant leur morbidité par suite d’un changement
que je constate expérimentalement.
IV. J’ai été longtemps à comprendre le motif de la persistance des attaques de Monsieur Pasteur.
Je crois que la situation est éclaircie.
Si les microzymas existent et si la théorie qui découle de leur découverte est vraie, le système contraire est faux.
Et si, du commencement à la fin, ce livre a pris le caractère d’une polémique contre Monsieur Pasteur, dont
j’aime pourtant à proclamer le mérite, il n’y a pas que l’incident de Londres; il y a sa parole, qui acquiert tant
d’autorité de la situation éminente qu’il occupe si justement.
Je ne pouvais pas m’empêcher de faire remarquer qu’ayant pris pour base de ses derniers travaux sur l’étiologie
des maladies une hypothèse non vérifiée et des principes que l’observation n’a jamais confirmés, il engageait là
médecine dans une mauvaise voie; en conséquence j’ai dû faire ressortir que, cédant trop facilement à l’esprit
de système, il n’avait pas assez tenu compte du précepte de la philosophie newtonienne et lavoisiérienne qui, en
matière de sciences naturelles, ne permet de tenir pour certain que ce qui est expérimentalement démontré.
Or, Monsieur Pasteur a nié, sans le prouver, qu’il y eût quelque chose de résistant à la mort dans un organisme
vivant; et il n’a pas démontré que l’air, contient, originellement, nécessairement, le germe, organisme
déterminé, figuré, de telle ou telle maladie.
Bref, Monsieur Pasteur a édifié un système et non pas une théorie.
Le système est le fruit d’une conception à priori, qui repose sur l’observation incomplète de faits mis
prématurément en œuvre par l’imagination:
le système constate qu’il y a des germes de ferments dans l’air, et il conclut qu’il y a des germes morbifères.
La théorie, au contraire, s’appuie sur l’ensemble des faits, tous démontrés; elle en est la rigoureuse expression
et ne va pas au delà:
la théorie constate qu’il y a des microzymas dans un organisme, que les bactéries apparaissent à même les
organes et les tissus; elle constate qu’il y en a aussi dans l’air, recherche d’où ils viennent et découvre le lien qui
unit les uns aux autres.
V. L’esprit de système a porté Monsieur Pasteur à me ranger parmi les spontéparistes (bien que j’eusse avant lui
résolu une partie du problème de la spontéparité) et à se donner pour avoir victorieusement combattu la
génération spontanée et lassé la contradiction sur ce point.
Mais c’est là illusion pure.
En fait, Monsieur Pasteur n’a pas résolu le problème dans sa généralité:
il ne le pouvait pas, et il en est resté au point où, après Spallanzani, l’avaient laissé Messieurs Schrœder et
Dusch, etc.
Il ne le pouvait pas, parce que ses idées concernant l’organisation et la vie s’y opposaient.
C’est ce qu’il faut démontrer.
Monsieur Pasteur, sans doute, a parlé de la vie; il a même parlé d’une vie physique et chimique!
Mais lisez attentivement ses divers Mémoires, son livre sur les maladies des vers à soie ou sur la bière, et vous
verrez que sa conception de la vie est toute physico-chimique.
Au fond il nie qu’il y ait un principe, une cause-interne et concrète d’activité dans l’être vivant, ou bien ce
principe est le même que dans la matière brute.
De ce que, dans l’organisme, toute manifestation phénoménale est liée à quelque transformation matérielle, il
semble en conclure que les forces physiques et chimiques sont les seuls agents effectifs de ces manifestations.
Voilà pourquoi, comme je l’ai déjà dit, il croit qu’une portion quelconque de substance soustraite à l’animal
vivant n’est que matière inerte, dépourvue du principe d’activité dont je parlais.
Voilà pourquoi il cherche, hors de l’être vivant, le stimulant étranger qui provoque la manifestation des
phénomènes variés qui s’y accomplissent.
Sans ce stimulant, Monsieur Pasteur suppose que l’homme ne deviendrait pas plus malade que la bière
contenue dans un tonneau ne s’altérerait, pour subir ce qu’il appelle maladie de la bière.
Sans ce stimulant, un disciple de Monsieur Pasteur, Monsieur Duclaux, suppose qu’il n’y aurait pas même de
phénomènes digestifs.
Voilà pourquoi Monsieur Pasteur s’imagine que le lait ne se caille pas sans l’influence des germes de l’air; que
dans une expérience célèbre le sang mis dans l’air pur ne s’altère pas tandis qu’il se détruit vraiment; que sans
les germes de l’air un cadavre n’entrerait pas en putréfaction, un morceau de viande ne pourrirait pas et ne
laisserait pas apparaître de bactéries!
Voilà, enfin, pourquoi Monsieur Gayon, un élève de Monsieur Pasteur, nie qu’il y ait des microzymas dans
l’œuf, qui sont la cause des fermentations qui peuvent s’y manifester dans certaines circonstances et que
Monsieur Pasteur s’appuie sur les expériences mal interprétées de son disciple!
Oui, partout où Monsieur Pasteur voit apparaître un vibrionien, la forme insolite d’un micro-organisme, un
ferment quelconque, fût-ce dans la profondeur des organes des animaux, il croit qu’ils ont un germe de l’air
pour origine; et c’est avec raison que Monsieur Trécul, un jour, s’est écrié; « Monsieur Pasteur suppose à priori
que tout ce dont il ne connaît pas l’origine provient des germes de l’air! »
Au besoin, il imaginera des germes exotiques:
j’en dois donner un exemple remarquable.
Les savants qui ont étudié les infusoires des macérations de poivre, les hétérogénistes aussi bien que les autres,
ont été frappés de la constance de leurs formes.
Pourquoi en est-il ainsi? Écoutez la réponse de Monsieur Pasteur:
elle a été faite en 1876, longtemps après que j’en avais donné l’explication:
« La macération du poivre, dit-il, donne des infusoires qu’on ne trouve guère dans d’autres infusions; la raison
en est que là où le poivre a vécu, ces infusoires existent; en d’autres termes, leurs germes sont exotiques! »

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