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LES MICROZYMAS DANS LEURS RAPPORTS

AVEC L’HÉTÉROGÉNIE, L’HISTOGÉNIE, LA PHYSIOLOGIE


ET LA PATHOLOGIE
PREMIÈRE CONFÉRENCE
Sommaire.
— Introduction.
— La génération et la totale destruction d’un organisme vivant.
— Lucrèce et la génération spontanée dans l’antiquité et au moyen âge.
— La génération spontanée au XVIIIe siècle:
méthode d’expérimentation.
— Les fermentations et la génération spontanée au XIXe siècle.
— Les recherches de l’auteur.
— La génération spontanée depuis 1858.
— Méthodes d’expérimentation.
— Système de Needham et la force végétative.
— Système de Buffon et les molécules organiques.
— Système de Bonnet et l’universelle dissémination des germes.
— Conseils et méthode de Lavoisier.
— Déclaration de Monsieur Nicolas Joly.
— Conclusion.
MESSIEURS,
Il est impossible, dans un cours de Faculté de médecine, de développer également toutes les parties d’un sujet.
Les leçons que je consacre chaque année à la chimie que l’on appelle biologique, et à la théorie physiologique
de la fermentation, sont nécessairement limitées; à peine ai-je le temps d’ébaucher un aperçu sommaire de
l’histoire de ce qu’il y a de fondamental dans l’organisation d’une cellule, d’un tissu vivants.
Aussi, quelques-uns d’entre vous ont-ils désiré combler la lacune qui, par la force des choses, leur paraissait en
résulter dans leur instruction; et ils sont venus me demander de vous faire quelques conférences sur le sujet
préféré de mes études.
J’ai été très touché de cette démarche; je vous ai promis de faire ce que vous me demandiez et nous voilà
réunis.
Je suis très heureux de vous retrouver nombreux, si pleins d’entrain et si ardents à vous instruire.
Les microzymas, si contestés et si méconnus, mais pourtant si réels et si nécessaires, s’en trouveront bien,
défendus qu’ils vont être par votre juvénile ardeur et par votre enthousiasme pour le vrai.
La question que nous allons traiter, l’histoire de ce qu’il y a de fondamental dans l’organisation vivante, c’est
celle des microzymas; et, vous l’avez compris, il ne s’agira de rien moins que du renouvellement des bases de
la physiologie, de l’histogénie et de la pathologie.
Rien n’est plus vrai; l’étude des microzymas touche, en effet, à deux grands problèmes, dont la solution importe
également au physiologiste et au médecin:
d’une part, à l’origine et à la constitution histologique des êtres vivants; de l’autre, à la recherche de la cause de
l’activité chimique, physiologique ou morbide qui se manifeste en eux pendant la vie et à celle de leur totale
destruction après la mort.
Ces phénomènes, nous le verrons, n’ont d’explication rationnelle que dans les propriétés expérimentalement
constatées des microzymas, atomes vivants que l’on retrouve à l’origine de tous les êtres vivants et après leur
totale destruction physiologique.
Les systèmes anciens livrent la génération des êtres vivants aux hasards des forces cosmiques; un système
nouveau, sous l’influence des opinions préconçues d’un homme de talent, livre leur nécessaire destruction,
après la mort, à d’autres hasards!
Or, philosophiquement, scientifiquement et expérimentalement, il n’est pas possible que la naissance ou
l’apparition des organismes vivants et leur totale destruction soient l’effet de causes accidentelles.
Nous verrons, au contraire, que la cause est la même, soit qu’il s’agisse de créer la matière organique et de
l’organiser, soit qu’il s’agisse de la ramener à l’état inorganique.
Mais avant d’aborder la solution de ces graves problèmes, il est nécessaire d’en résumer les éléments.
Examinons rapidement quelles idées les savants se sont successivement faites de la génération.
Si quelqu’un venait nous dire aujourd’hui que, non pas un homme, un éléphant, un chien ou un chat; mais une
souris, une grenouille, une mouche ou tel autre insecte, sont nés, tout à coup, sans parents, de la terre humide
réchauffée au soleil, d’un tas de chiffons, du limon des marais, d’un morceau de chair en putréfaction, nous
ririons au nez de l’étrange observateur.
Cependant, au moment où je vous parle, il existe certainement des savants très autorisés qui affirment, non pas
ces choses dans ces termes, mais que certains organismes très inférieurs, monères et infusoires, peuvent naître
sans antécédents, et que, par évolution, si ce n’est aujourd’hui, du moins dans des temps anciens, ces monères
ont successivement produit tout ce qui vit sur notre globe.
C’est ce mode de génération sans ancêtres que l’on nomme la génération spontanée ou équivoque, la
spontéparité, l’hétérogénie.
Et il faut nous mettre en garde contre les exagérations de quelques personnes à l’égard, non pas du système,
mais de ses partisans.
Aujourd’hui, comme il y a quelques années, quand ces personnes parlent d’un savant, convaincu de la réalité de
l’hétérogénie, elles sont toutes disposées à le traiter d’hérétique, disant de sa doctrine que « c’est une
monstruosité philosophique; la première aberration de la physiologie antichrétienne; un produit de l’impiété
ignorante; une théorie malsaine 21. »
Cependant, Messieurs, la scolastique, qui était certainement chrétienne, saint Thomas d’Aquin lui-même,
croyaient à la génération spontanée.
Non, on peut de bonne foi rechercher comment la matière de minérale devient organique et s’organise pour
devenir vivante, se proclamer spontépariste et se croire dans la vérité.
Aussi est-ce avec beaucoup de bon sens que Monsieur Victor Meunier, un hétérogéniste convaincu, s’écriait:
« La génération spontanée est le fait initial et général auquel les premiers de chaque espèce ont dû l’existence.
Sans doute, ils ont eu Dieu pour père et pour mère, et ils l’ont pour soutien.
Rien n’est que par la puissance de l’Être; mais cela ne nous dispense point de chercher les lois qui régissent la
production de toute chose. »
Dans tous les systèmes cosmogoniques, que l’on admette l’éternité de la matière comme Platon, ou sa création
de rien par Dieu, on arrive à cette conclusion que la terre a eu un commencement.
Le poète Lucrèce, qui vivait 95 ans avant notre ère, ayant expliqué la formation de la terre dans le système
cosmogonique d’Épicure et sa position au centre du monde, nous la montre se peuplant de végétaux et
d’animaux, pour enfanter enfin l’homme lui-même.
Écoutez le développement de son système:
« Maintenant, dit-il, je reviens à l’enfance du monde, et j’examine quels ont été les premiers essais de la terre
naissante, les premières productions qu’elle hasarda d’exposer à l’inconstance des airs et des vents. »
D’abord la terre revêtit les collines et les campagnes d’herbes et de verdure de toute espèce; les fleurs brillèrent
parmi le gazon des vertes prairies; ensuite les arbres, animés par une sève abondante, élevèrent à l’envi leurs
rameaux dans les airs.
De même que les plumes, les poils et la soie sont les premières parties qui naissent aux volatiles et aux
quadrupèdes, de même la terre, encore nouvelle, commença par produire des plantes et des arbrisseaux; ensuite
elle créa toutes les espèces mortelles, avec une variété et des combinaisons infinies:
car, certes, les animaux ne sont pas tombés du ciel, et les habitants de la terre ne sont pas sortis de l’onde salée.
Il faut donc que la terre ait reçu, avec raison, le nom de mère, puisque tout a été tiré de son sein.
Aujourd’hui encore beaucoup d’êtres vivants se forment dans la terre à l’aide des pluies et de la chaleur du
soleil.
Est-il donc surprenant qu’un plus grand nombre d’animaux plus robustes en soient sortis dans le temps où la
terre et l’air jouissaient de la vigueur du jeune âge? » D’abord on vit éclore de leurs œufs les volatiles et les
oiseaux de toute espèce, que la chaleur du printemps mettait en liberté; telles encore aujourd’hui les cigales,
pendant l’été, quittent d’elles-mêmes leur frêle enveloppe pour se procurer la nourriture qui les soutient.
Alors la terre produisit la première génération des hommes.
Les plaines conservaient encore un grand nombre de particules de feu et d’eau; pour cette cause, dans les lieux
les plus favorables croissaient des espèces de matrices attachées à la terre par des racines; quand l’âge et la
maturité ouvraient une issue au nouvel embryon, las de l’humidité et impatient de respirer l’air, la nature
dirigeait vers lui tous les pores de la terre et faisait couler par ces ouvertures un suc de la nature du lait.
Ainsi les femmes, après l’enfantement, se remplissent d’un lait pur, parce que la partie la plus succulente des
aliments se porte dans les mamelles.
La terre fournissait aux enfants leur nourriture, la chaleur les dispensait de vêtements, et le duvet des gazons
leur tint lieu de lit. »
Le monde, dans ce premier âge, ne connaissait ni les froids pénétrants, ni les chaleurs excessives, ni les vents
destructeurs; tous ces fléaux ont eu leur naissance et leurs progrès, comme le reste.

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