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Civilisations
de répression
et
forgeurs de
livres sacrés
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Ouvrages de l'auteur :

Recherches comparées
sur
le Christianisme Primitif et l'Islâm Premier
Théorie des Sources. Évangiles et Corans apocryphes. Logia et Hadfths
forgés, Paris 1987, Letouzey &Ané.
Jésus le Non-Juif. Culte d'Isisprécurseur duchristianisme. Classessociales
à Romeet enArabie, Paris 1987, Letouzey &Ané.
Origines égyptiennes du christianisme et de l'islâm, résultat d'un siècle et
demi d'archéologie. Jésus : réalités historiques. Muhammad : évolution
dialectique, Paris 1989, Letouzey &Ané.
Révolutionnairesetcontre-révolutionnairesparmilesdisciplesdeJésusetles
compagnonsdeMuhammad.Jésus:disciplesgrecs, romains, égyptiens,na-
batéens, syriens, juifs. Muhammad : compagnons arabes, grecs, coptes,
é!hiopiens, syriens, persans. L'Egyptien Mary-Tsâ auteur du quatrième -
Evangile, Paris 1994, Letouzey &Ané.
Sociomythologie comparée
Etainsinaquirentlesdieux. Faiseursdepluie, chamans-guérisseurs,prêtres-
devins. Kas et Dieux : Puissances et Superpuissances. Mal'âkfm-Asura-
Daimones-Numina-Fylgjur. Mythe de la chute des Anges. Boucs/Satires-
Râkshasa-Centaures-Géants-Jinn, Paris 1991, Letouzey &Ané.
Etles dieuxmontèrentau ciel. Premierhabitat desDieux: Pierres etArbres
sacrés. Serpent de vie et de mort. Ka/Grand Taureau, Cheval Cosmique.
Culte duPhallus : Homme, Serpent, Bouc, Cheval. Copulation duSerpent
avecÈve.MontéeaucieldesDieuxdelapluie,Paris 1992,Letouzey&Ané.
Autres ouvrages
Genèse et évolution des doctrines philosophiques, 1964, ouvrage couronné
par le prix d'Etat pour les sciences sociales.
Lalutte des classes, 1965 (en arabe).
L'Institution delafamille, 1.1:BéniIsraël, t. n:Droit Canon, 1967(enarabe).
LeFiqh islamique, 1969.
Coran contre Fiqh, 1979, Centre National de la Recherche Scientifique.
Islâm et Propriété, 1979, 2eédition 1982 (en arabe).
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Maât. LaVérité

C i v i l i s a t i o n s

de répression
et
forgeurs de
livres sacrés
par

Sarwat AnisAI-Assiouty
M.C.J. - D.J. - D. en dr. - D.Sc.J.

LETOUZEY &ANÉ
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@ Sarwat Anis Al-Assiouty, 1995


Tous droits de reproduction et de traduction
réservés pour tous pays.
ISBN 2-7063-0198-8
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Introduction

Le problème central de toute philosophie se révèle le rapport de la


pensée avec l'être, les liens qui rattachent la pensée de l'homme à ses
conditions de vie. Quelles sont les circonstances économiques, poli-
tiques, sociales, psychologiques ou autres qui ont fait éclore l'idée
d'une force surnaturelle régissant le monde, par quelles étapes succes-
sivessecristallisalaconceptiond'une divinité, quand,dansl'évolution
de l'humanité, naquirent les dieux et gouvernèrent le monde et furent
forgés les Livres Sacrés imputés à l'inspiration divine ?

1.Approche concrète des sciences humaines et sociales


Rapport universel desphénomènes

Le tableau de la nature est un tout cohérent. La terre, par exemple,


tourne autour du soleil, formant les quatre saisons de l'année ; mais le
soleil et les planètes ont des liens réciproques avec d'autres systèmes
solaires. Les fleuves qui débouchent dans la mersont conditionnés par
la chute des pluies sur des montagnes lointaines. Chaque organe dans
un organisme vivant influe sur les autres organes et, en même temps,
dépend étroitement de leur activité '.
Cerapport universel et ce conditionnement réciproque se retrouvent
aussi dans les phénomènes de la vie sociale. L'homme doit vivre en
société, pour unir ses efforts aux autres dans la production des biens
nécessaires à sa subsistance. Au cours de cette production, l'homme
entreenliaison réciproquetant avecla natureenvironnantequ'avec ses
semblables. Il en résulte un complexe de rapports sociojuridiques qui
régissent les hommes vivant en société.
Le rapport universel des phénomènes sociaux exige l'étude de
chaque phénomène sous tous ses aspects. La vérité se compose de
l'harmonie des phénomènes dans la réalité et de leurs relations récip-
roques. Isoler certains phénomènes sociaux, par exemple, les phéno-
mènesjuridiques oureligieux, des autres phénomènes sociaux dont ils
dépendent, c'est montrer un esprit non scientifique.
Les sociologues étudient les rapports del'homme avec la nature et la
société. DéjàHippocrate (460-377 av.J.-C.), dans l'Antiquité grecque,
1. Cf. sur l'organisme : Paul, Rom., 12/4-8 ; I Cor, 12/12-30 ; Thomas
d'Aquin, Summa Theologica, Pars. Pr., Q. LXV,art. 2, rép. ; Sec. Secun-
dae, Q. xxxi, art. 3, 2erép. ; Quodlibeta Duodecim, Quodl. i, art. 8.
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avait relevé l'influence du climat et du régime alimentaire sur la


constitution et la mentalité de l' homme 2. Vers la fin du M o y e n Age, la
croyance populaire s ' i m a g i n a i t que les Soudanais sont noirs parce
qu'ils sont les fils de C h a m , maudit par Noé 3. Ibn Khaldûn (1332-
1406) rejette cette conjecture erronée : tout est en rapport avec le climat
qui influe surle corps del'homme et sur soncaractère4. Vicoparle de
lanaturecommune(comunenatura) despeuples5.Montesquieuinsiste
sur la "nature des choses"6 : le climat exerce chez lui une influence
prépondérante7 ; l'esclavage civil, la condition de la femme, la poly-
gamieet le divorce, toutdépendduclimat8, bien queles lois aientdes
rapports avec le commerce, l'usage de la monnaie, le nombre des
habitants, la religion établie9.
Ilestvraiqueleclimatjoueunrôleimportantdanslaviedeshommes,
caril détermineles espècesdevégétauxetd'animaux, cequiinflue sur
la nourriture et, partant, surl'existence de lh' omme10. Mais le climat,
malgré son importance, n'est pas le facteur principal déterminant les
rapports des hommesensociété. Montesquieu soutient quela polyga-
mieexiste dansles payschauds oùlafemmevieillit prématurément" ;
cette hypothèse heurte les faits, car la polygamie était connue aussi
chez les nobles des peuplades germaniques qui vivaient dans le froid
rigoureux de l'Europe septentrionale l2.
L'homme doit dépenser une bonne partie de son temps et de ses'
forces dans l'acquisition des moyensdevie13.Aussi, les sources dela
2. Hippocrate, DuRégime, 1/2/2.
3. Cf. Genèse, 9/20-27.
4.Cf. IbnKhaldûn,Muqaddima(Prolégomènes),LeCaire 1953,Tujâriyya,
1. 1,ch. I, 3-5, p. 82ss.
5. Giambattista Vico, Principi di Scienza Nuova, d'intorno alla Comune
Natura delle Nazioni, 3" éd. 1744, in Opera, Milano Napoli 1953,
Ricciardo, n° 311, p. 474.
6. Montesquieu, Del'Esprit des lois, 1748,1.1, ch. I, éd. Garnier, Paris, 1.1,
p. 1.
7. Del'Esprit des lois, 1.xiv, ch. I, t. 1,p. 222 ss.
8. Del'Esprit des lois, 1.xv ss., 1.1, p. 236 ss., p. 254 ss., p. 267 ss.
9. Del'Esprit des lois, 1.xx ss., t. i, p. 323 ss., t. n, p. 1ss.
10.Cf.MoritzHornes,NaturundUrgeschichtedesMenschen,WienLeipzig
1909,Hartleben, Bd. i, p. 469 ss. ;LucienFebvre,Laterre etl'évolution
humaine, Paris 1938, Albin Michel, p. 98 ; Daryll Forde, Habitat,
EconomyandSociety, London 1963, Methuen, p. 460 ss.
11. Montesquieu, Del'Esprit des lois, 1.xvi, ch. II.
12.Tacite, Germania, 18.
13. Cf. Werner Sombart, Der Moderne Kapitalismus, München Leipzig
1928, Duncker&Humblot, 1.1, p. 3.
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nourriture ont-ellesjoué unrôle principal dans le développement de la


société et sa division en périodes sur le c h e m i n du progrès 14. Le
problème de l'alimentation et de l'acquisition de la nourriture a été
l'objet d ' u n e attention spéciale chez les ethnologues15. L'historien des
religions doit faire de m ê m e , tout en élargissant son c h a m p de recher-
che, de manière à embrasser l ' e n s e m b l e des biens qui sont nécessaires
à la vie de l ' h o m m e , tant les biens matériels que les biens immatériels.

C o n d i t i o n s matérielles et spirituelles

Quelles sont les conditions de vie qui ont produit la conception des
dieux et la formation des Livres Sacrés chez les peuples de la terre, ces
conditions sont-elles d ' o r d r e matériel ou relèvent-elles du d o m a i n e
spirituel ?
La recherche scientifique en cette matière doit être dégagée des
préjugés idéologiques et des tendances doctrinaires, car toute opinion
préconçue vicie les efforts du chercheur ; elle dirige ces efforts, m ê m e
inconsciemment, vers des résultats voulus, elle opère un choix dans les
faits, se prévaut de certaines données et passe sous silence les données
contraires.
L'histoire se fonde sur des faits concrets, n o n sur des spéculations
métaphysiques, abstraites et doctrinaires. Déjà, dans l'Antiquité, D e n y s
d'Halicarnasse remarque que l'historien doit s ' é q u i p e r à grand peine
et labeur avec le matériel nécessaire pour la rédaction de son histoire,
en scrutant avec un esprit critique tout ce qui arrive à sa connaissance,
sans négligence ni indolence dans la compilation des faits 16. Dans tout
d o m a i n e scientifique, dans les sciences naturelles c o m m e dans les
sciences humaines et sociales, il faut partir des "faits". Ensuite, les
faits qui doivent être relevés sont les faits qui se rapportent au cours
régulier des choses, soit positivement, en l'établissant, soit négative-
ment, en le contredisant. En d ' a u t r e s termes, il i n c o m b e de constater les
faits qui reflètent le p h é n o m è n e étudié et m è n e n t à son essence ; les faits
accidentels ou exceptionnels, bizarres et étranges, lors m ê m e qu'ils
seraient dignes d'être mentionnés, ne p e u v e n t servir de base p o u r
comprendre l'essence du p h é n o m è n e , tout au plus servent-ils à en
préciser la substance et en déterminer les modes. Enfin, les faits
compilés doivent être systématisés et expliqués, si l'étude ne veut pas
perdre le caractère de recherche scientifique 17.

14. Lewis Morgan, Ancient Society, New York 1877, Holt, p. 19.
15.BronislawMalinowski, TheSexualLifeofSavages, London 1939,Rout-
ledge, p. XXXV.
16. Dionys. Halic.,Antiq. rom., 1, 1.
17. Cf. E.E. Evans-Pritchard, La religion des primitifs (1965), Paris 1971,
Payot, p. 15-16, p. 23 ;A.V. Gulyga, Istorija kakNauka, in Filosofskie
Problemy Istoriceskoj Nauki, Moscou 1969, Nauka, p. 15, p. 21-22 ;
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Ainsi, leséleveurs et les agriculteurs, auxstades avancésdel'élevage


et de l'agriculture sédentaire, sontpassés aupolythéisme, avec undieu
suprême gouvernant le panthéon céleste. Le fait que certaines peu-
plades, parexemplelespeupladesgermaniques, soientencoreindécises
sur l'identité du dieu suprême, est-ce Odinn le dieu de la guerre, ou
Thôrrle dieu del'orage, ce fait nenuit pas au cours régulier des choses
constaté chez les divers peuples. Demême, la polygamie est pratiquée
par les seuls riches, lesquels peuvent se payer le luxe de subvenir à
plusieurs épouses. Des cas exceptionnels de polygamie chez les
pauvres ne suffisent pas pour déranger cette règle générale. Le lévirat
(mariage avec la veuve du frère défunt) se montre en liaison étroite
avec les conditions de vie de la famille patriarcale, où tous les frères
vivent sous le même toit et mangent du même plat. La rencontre du
lévirat, chez une communauté qui a dépassé le stade de la famille
patriarcale, constitue généralement une survivance du passé, souvent
sous une forme atténuée, non un dérangement auphénomène régulier
du lévirat.
Toutes les données, qu'elles soient d'ordre matériel ou spirituel,
doivent être prises en considération. L'examen des éléments matériels
est nécessaire et indispensable, mais il est, à lui seul, insuffisant.
L'histoire sefait avec les hommes, et les hommes qui vivent en société
sontdoués deconscienceet devolonté. Or,la volontédel'homme subit
l'impact de facteurs divers : héritage social du passé, milieu social et
culturel, religion, idéologie, psychologie,etc. Sansl'étudedeséléments
spirituels, l'on ne peut expliquer les différences qui existent dans les
normes de conduite, par exemple le droit, chez des peuples qui se
trouvent au même stade économique et vivent sous la mêmeforme de
gouvernement, telles les divergences entre les systèmesjuridiques des
pays occidentaux concernant la liberté de faire un testament, ou la
possibilité d'obtenir un divorce l8.
Parailleurs, si la nature agit surl'homme, l'homme, àsontour, influe
sur la nature, en exploitant les possibilités qu'elle met à sa disposi-

Walter Eichrodt, Theology of the Old Testament, London 1969, SCM


Press, vol. i, p. 27.
18.Cetteidéeestacceptée mêmeparles tenants dumatérialismehistorique :
Lettre de Friedrich Engels à ConradSchmidt, du 27octobre 1890, in K.
Marx &F. Engels, Werke, Berlin 1967, Dietz Verlag, t. 37, p. 488 (492).
Et voir N.G. Aleksandrov, Teorija Gosudarstva i Prava, Moscou 1968,
Ju.L., p. 13 ; V.M. Chikvadze, K. Marks o Gosudarstve i Prave i
Sovremennost',in K. MarksoGosudarstve iPrave, Moscou 1968,Ju.L.,
p. 5 (6) ; Kollektiv AutorovANSSSR, Marksistko-Leninskaja Obscaja
Teorija Gosudarstva i Prava, Moscou 1970, Ju.L., t. i, p. 39-40 ; VA.
Tumanov,F.Éngel'soJuridiceskomMirovozzrenii, inF.Engel'soGosu-
darstve i Prave, Moscou 1970, Ju.L., p. 164. Voir aussi :A.M. Vasil'ev
(red.), Pravovaja Sistema Socializma, i :Ponjatie, Struktura, Social'nye
Svjazi, Moscou 1986, Ju. L., p. 85 ss.
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tion 19,bien que les efforts de l'homme soient limités par ces mêmes
possibilités :milieu géographique, climat, flore, faune, minéraux2°.Au
cours de la production des biens dont les hommes ont besoin pour
vivre, des relations socio-économiques surgissent entre eux, par
exemple le rapport de propriété, l'état de l'esclavage. Ces relations ne
peuvent être détachées des actes concrets de la conduite humaine,
condensée dans les normes politiques, morales ou religieuses. Ces
normes influent, àleur tour, sur les relations socio-économiques, elles
lesconserventet les consolident, oules combattentet les détruisent. En
d'autres termes, la politique, le droit, la culture, la morale, la religion,
tout ce système d'idées et cet ensemble d'institutions, bien qu'elles
soient conditionnées par la vie économique en société, acquièrent
une autonomie relative, influent à leur tour sur la vie économique et
sociale 21.
Par exemple, dans une société divisée en libres et esclaves, le
gouvernement sera entre les mains des libres, le droit, la culture, la
morale, la religion consacreront l'esclavage. Fruits de la division en
classes sociales, ces institutions exerceront leur impact sur la division
enclasses sociales, elles consacreront et consolideront les prérogatives
des libres, et empêcheront et retarderont l'émancipation des esclaves.
19. Lucien Febvre, La terre et l'évolution humaine (1938), p. 53, 106, 225,
285,425, spéc. p. 203 ss. ;Arnold Toynbee,AStudy ofHistory, London
NewYork Toronto 1962, Oxford University Press, t. 2, p. 1-2.
20. Gustav Schmoller, Grundriss der Allgemeinen Volkswirtschaftslehre,
München Leipzig 1920, Duncker &Humblot, 1.1, p. 140 ; P.M.J. Vidal
delaBlache etL. Gallois, Géographie universelle, Paris 1927,A.Colin,
1.l, p. VI ;MuhammadAl-Sayyid Ghallâb,Al-Bî'a it,alMujtaina', 3eéd.,
LeCaire 1963,MaktabatAl-AngloAl-Misriyya, p. 38 ss. EtvoirShâkir
Mustafâ Salîm,Al-Madkhal ilâAl-Anthrupulûjiâ, Baghdâd 1975, p. 86.
21. Cette opinion est acceptée tant par les chercheurs del'Occident quedans
les systèmes socialistes. Occident :EmileDurkheim,Lesformesélémen-
taires de la vie religieuse, 7eéd., Paris 1985, PUF, p. 57 ; Louis-Vincent
Thomas et RenéLuneau, La terre africaine et ses religions, 2eéd., Paris
1980, L'Harmattan, p. 57. Systèmes socialistes : Lettre de Friedrich
Engels à Conrad Schmidt, du 27 octobre 1890, in K. Marx &F. Engels,
Werke, Berlin 1967, Dietz Verlag, t. 37, p. 488 (492). Et voir I. Staline,
0 Dialekticeskom i Istoriceskom Materializme, in Voprosy Leninizma,
1Ieéd. 1952, Po.L., p. 574(586) ;N.G.Aleksandrov, Teorija Gosudarst-
va i Prava (1968), p. 14 ; V.M. Chikvadze, in K. Marks o Gosudarstve
i Prave (1968), p. 7 ; R.O. Halfina, Sootnosenija Prava i Ékonomiki, in
K. Marks o Gosudarstve i Prave (1968), p. 79 (89) ; V.F. Kotok i N.M.
Farberov, F Éngel's o Proishozdenii, Suscnosti i istoriceskih Sud'bah
Gosudarstva, in E Engel's o Gosudarstve i Prave, Moscou 1970, Ju.L.,
p.48(51) ;KollektivAvtorovANSSSR,Marksistko-Leninskaja Obscaja
Teorija Gosudarstva iPrava (1970), 1.1,p. 424 ss. ;R.O. Halfina, Gosu-
darstvo, Pravo, Ékonomika, pod red. V.M. Chikvadze, Moscou 1970,
Ju.L., p. 20 ss. ;A.M. Vasil'ev (red.), Pravovaja Sistema Socializma, i :
Ponjatie, Struktura, Social'nye Svjazi (1986), p. 127 ss.
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Maisil arrive qu'unereligion, uneidéologie, unephilosophie surgis-


sent au sein d'une société de classes, sepropagent parmi les pauvres et
les faibles, luttent contre l'oppression des riches, combattent pour la
libération des peuples, réussissent même à détruire l'édifice écono-
mique et l'appareil politique. Tel est le cas des grandes révolutions qui
ont secoué le monde, dont certaines levaient l'étendard de la religion.
Bref, l'ensemble des données matérielles et spirituelles, dans leur
interaction réciproque, doivent être prises en considération.
Science concrète et interdisciplinaire
Chaque science ne peut être une science véritable que si elle étudie
les lois objectives qui régissent les phénomènes y relevant. Cela
s'applique aux sciences naturelles comme aux sciences humaines et
sociales. Les branches de la science concernant la politique, le droit, la
culture, la morale ou la religion ne peuvent pas être des sciences
abstraites, qui se limitent à étudier la politique, le droit, la culture, la
morale ou la religion comme un phénomène suffisant en soi, sans lien
quelconque avec les autres phénomènes sociaux. Cette approche
partielle réduit, par exemple, le droit à un ensemble de règles ab-
straites 22,la religion àun ensemble de croyances et de rites. Elle évite
tout jugement de valeur quant au contenu du droit, et croit par là
masquer sa nature de classe et l'injustice de ses règles ;elle passe sous
silence le contenu social de la religion, et n'y voit quedes croyances et
des rites préparant àl'au-delà. Lesfaits religieux sontdesfaits sociaux,
la religion est un phénomène social, le sociologue doit découvrir les
liens réciproques qui existent entre les croyances et les pratiques
religieuses, etdévoilerdequelle manière les faits religieux sontliés aux
autres catégories de faits sociaux, telles que les conditions écono-
miques : labours, semailles, récoltes23, ou les prérogatives des prêtres
formant une caste politique.
22.Voirla définition classique deHenriCapitant,Introduction à l'étude du
droitcivil, 5eéd.,Paris 1927,Pedone,n° l,p. 24: «L'ensembledesrègles
obligatoires qui régissent les relations si complexesdeshommesvivant
en société. »Et voir sur la théorie pure du droit : Hans Kelsen, Reine
Rechtslehre, Leipzig undWien 1934, Deuticke, p. III-V, p. 17.
23. Cf. E.E. Evans-Pritchard, Religion, in TheInstitutions ofPrimitive So-
ciety, Glencoe, Illinois 1954,The FreePress, p. 5-6 ; idem, Lareligion
desprimitifs,Paris 1971,Payot,p.23,p.78.EtvoirEmileDurkheim,Les
formesélémentairesdela viereligieuse, 7eéd., 1985,p. 603(unproduit
naturel de la vie sociale) ; L.V. Thomas et R. Luneau, Les religions de
l'Afriqiie noire, 1.1,Paris 1981, Stock, p. 13ss. (une synthèse pondérée
d'attitudes organisées, variables avecles modesdevie) ;idem,Laterre
africaine et ses religions, 2e éd., 1980, p. 57 (la religion dépend
directement des cadres sociaux qu'elle exprime). Georges Dumézil,
Loki, 3eéd., Paris 1986, Flammarion, p. 204 (des rapports de causalité
existent entre l'état social, économique, culturel d'un peuple et les pro-
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La politique, le droit, la culture, la morale, la religion, en tant que


phénomènes sociaux, tirent leur contenu, non d'eux-mêmes, mais des
conditions de vie de la société, du moment qu'ils cherchent àrégler la
vie sociale24. Par suite, dans l'étude deces disciplines, le chercheurdoit
mettre en évidence les conditions sociales qui ont fait éclore les
institutions. De même, il doit confronter les institutions de chaque
discipline avec les autres branches de la science, telles que l'an-
thropologie, la morphologie sociale, la géographie humaine, l'écono-
mie, l'histoire, la sociologie, la psychologie. End'autres termes, il faut
éclaircir les rapports entre les phénomènes de chaque discipline et les
autres p h é n o m è n e s et processus sociaux25. Les sciences h u m a i n e s et
sociales ne peuvent limiter leur tâche à la simple description des
données qui s'y rapportent, sinon elles cesseraient d ' ê t r e de véritables
sciences 26.
Ledroit, par exemple, est un phénomène social27, lié avec la société
comme l'arbre l'est avec la terre. Aussi ne peut-on expliquer le droit
duitsdesonimagination) ; idem,Lareligion romainearchaïque, 2eéd.,
Paris 1987,Payot,p.54(pourcomprendrelasociétédivine, ilnefautpas
perdre de vue la société humaine). Voir aussi Angelo Brelich,
Prolégomènesàunehistoiredesreligions, inHistoiredesReligions,dir.
par Henri-Charles Puech, Paris 1982, Gallimard, Bibliothèque de la
Pléiade, t. i, p. 39, 43, 45.
24.Cf. surlesrapportsdudroitetdelareligion aveclasociété :SarwatAnis
Al-Assiouty, Recherches comparées sur le Christianisme Primitif et
l'/slâm Premier, 1.1,Théorie dessources, Paris 1987, Letouzey &Ané,
p. 9ss.
25.Cf.pouruneapprochesemblable :LucienFebvre,Laterreetl'évolution
humaine(1938),p.43ss. ;R.Monier,G.CardasciaetJ. Imbert,Histoire
des institutions et desfaits sociaux, Paris 1955, Montchrestien, p. 11 ;
S.F.Kecek'janiG.!.Fed'kin,IstorijaPoliticeskih Ucenij,Moscou 1955,
Ju.L., p. 12ss. ; G. Gurvitch, Traité de Sociologie, 2eéd., Paris 1962,
PUF,1.1,p. 25-26;KarlPolak,ZurDialektikinderStaatslehre, 3.Aufl.,
Berlin 1963, Akademie-Verlag, p. 204 ss., p. 213 ss. ; Csava Varga,
Quelquesproblèmes de la définition dudroit, inArch. Phil. Dr., 1967,
p. 189(204) ;A.I. Denisov, Teorija GosudarstvaiPrava, Moscou 1967,
Izd. M.U., p. 27 ; Al-Sayyid Yâsîn, Al-Madkhal lil Mushkilât Al-
Asâsiyya fi Tlm Al-/jtimâ' Al-Qânûnî, in Al-Majalla Al-/jtimâ'iyya
Al-Qmvmiyya, Le Caire 1968, n° 2, p. 153 ss. ; Shamrân Hamâdî,Al-
A
' wâmilAl-Mu'aththira fil NuzumAl-Siyâsiyva, in MajallatAl-'Ulûm
Al-Qânûniyya, Baghdâd 1969, i/l, p. 129ss.
26. M.S. Strogovic, in Teorija Gosudarstva i Prava, pod red. M.S. Ro-
maskina, Moscou 1962, AN, p. 8(concernant le droit) ; E.E. Evans-
Pritchard, La religion des primitifs (1971), p. 141 (concernant la reli-
gion).
27. Henri Lévy-Bruhl, Sociologie du droit, 4eéd., Paris 1971, PUF, p. 21
(Que Sais-je, n° 951) ; Karl Polak, Zur Dialektik in der Staatslehre
(1963),p. 204ss.,213 ss. ;CsavaVarga,inArch. Phil. Dr., 1967.p.204 ;
V.M.Chikvadze i L.S. Mamut, F. Engel's kak Teoretik Gosudarstva i
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quedans sesrapports avec lesconditions devie etlerôle qu'iljoue dans


la société28. Parexemple, pourquoi le droit romain décide quel'esclave
fait partie des biens que possède le maître, ensemble avec les arbres et
les bestiaux ?Laréponse est simple et prête chez tout le monde :parce
que la société romaine est une société esclavagiste qui exploite les es-
claves dans la production. L'esclavage romain n'est pas un simple
mécanisme économique concernant l'emploi du travail, mais une
formation socio-économique,une organisation essentielle delasociété
romaine elle-même 29. Cette réponse prompte et simple est la clef de
voûte de la méthode à suivre dans les sciences humaines et sociales.
Une place spéciale, dans l'étude des sociétés qui nous préoccupent,
doit être accordée à la mythologie, car la mythologie, bien qu'elle soit
une sphère spirituelle, reflète les conditions de vie des peuples. Les
dieux sontnés dans une société donnée, lerapport entre la sociétéet les
dieux ne doit jamais être perdu de vue (sociomythologie). L'homme
s'est imaginé les dieux àson image, soumis auxmêmesbesoins, imbus
des mêmes caprices 30. Ainsi, chez les peuples polygames, les dieux
seront polygames. C'est en scrutant ce qui arrive dans les cieux, que
l'on saura ce qui se déroule sur terre. Il en est de même pour la
littérature : chez les peuples esclavagistes, la littérature reflète l'om-
nipotence du maître, la faiblesse de l'esclave31.
De même, chez les cultivateurs des grandes rivières au sein des
grands empires, le soleil, dieu cosmique qui fait pousser les plantes,
devient le grand dieu primordial. Alors que chez les peuplades d'agri-
culteurs dans les contrées dépendant de la pluie, le grand dieu du
panthéon maîtrise généralement les éléments atmosphériques. Zeus,
en Grèce Homérique, se révèle plus important que Hèlios.
Bref, la recherche scientifique doit être concrèteet interdisciplinaire.

Prava, in F. Éngel's o Gosudarstve i Prave, Moscou 1970, Ju.L., p. 5


(23).
28. John Dewey, MyPhilosophy ofLaw, repr. in Morris, The Great Legal
Philosophers, Philadelphia 1958, p. 507, c. 1, 2. Et voir Georges
Gurvitch, Dialectique et sociologie (1962), Paris 1977, Flammarion,
p. 7 ss., 231 ss. ; Sarwat Anis Al-Assiouty, Genèse et évolution des
doctrinesphilosophiques, Le Caire 1964, Imprimerie del'Université du
Caire, n° 203 ss., p. 177 ss., n° 324 ss., p. 286 ss., n° 516 ss., p. 429 ss.
29. Cf. surl'état de l'esclave :Ulpianus,Digest.,L, l6,195,1 ;L, 17,De R.J.,
32;Paulus,Digest.,IV, 5, De Cap. Min., 3, 1; Gaius, Inst., n, l04;Aulus
Gellius, NoctesAtticae, xvm,6,9. Et voirV.M. Smirin, Istorik, Istocnik,
Princip Istorizma, in VestnikDrevnej Istorii, n° 4 (154), 1980, p. 74 ss.,
spéc. p. 96, Moscou, Nauka.
30. Aristote, Politique, 1,2, 7 ;A.M. Gorkij, Po Povodu Plana Hrestomatii
(Pravda, 18juin 1939, n° 167), cité in S.I. Sobolevskij i drug., Istorija
Greceskoj Literatury, Moscou Leningrad 1946, AN, t. l, p. 58.
31. Sobolevskij i drug., Istorija Greceskoj Literatury (1946), t. i, p. 24 ss.
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2. Méthode historico-comparative

Toute recherche scientifique a besoin de méthode, d'une manière


d'entreprendre la recherche pour découvrir la vérité, selon certains
principes etdansuncertain ordrecaractérisant unedémarcheorganisée
de l'esprit.
Quelles conséquences peut avoir l'approche concrète et interdisci-
plinaire, quant à la méthode de recherche concernant l'époque où les
dieux régissaient le monde et furent forgés les Livres Sacrés ?

Méthode historique

Touteidée nepeutêtre biencomprisequ'àtravers sonhistoire.Aussi,


la recherche scientifique doit-elle être une recherche historique ; elle
doit éclaircir la genèse du problème qui fait l'objet de la recherche, et
mettre enévidence le lien historique fondamental entre la genèse de ce
problème et les conditions sociales environnantes. La recherche doit
ensuite indiquer les circonstances qui ont contribué aux transforma-
tions duproblème, et délimiter les étapes successives de son dévelop-
pement32.
Les faits du passé lointain sont pour la vie de l'organisme social, ce
que les événements de l'enfance représentent pour l'individu 33. De
même que l'individu ne peut se défaire de son passé, lequel fait
constammentirruption dans sonêtre, de mêmepourl'organisme social
le passé se révèle aussi réel que le présent.
La pensée, elle aussi, est un produit historique qui, au cours des
époques, revêt des formes diverses et reçoit un contenu différent. A
32.Auguste Comte, Philosophiepositive, Paris, Garnier, lre leçon, 1.1,p. 4 ;
OliverWendell Holmes, TheCommonLaw, Boston 1881,Little, Brown
& Co., p. 1 ; Émile Durkheim, Les formes élémentaires de la vie
religieuse, 7eéd., 1985, p. 4-5 ; N. Cernysevskij, '0 Poezii'Socinenija
Aristotelija, inIzbrannyeFilosofskieSocinenija,Moscou 1950,Gospol.,
p. 300 (303) ; V.I. Lénine, 0 Gosudarstve (1919), in Pol. Sobr. Soc., 5e
éd., Moscou 1970,Pol. Lit., t. 39,p. 67 ;A.V.Gulyga, Istorija kakNauka,
in Filosofskie ProblemyIstoriceskojNauki, Moscou 1969,Nauka, p. 11.
Partant, le droit est aussi le résultat de l'évolution historique et nécessite
l'étude historique. Cf. R. Monier, G. Cardasciaet J. Imbert, Histoire des
institutions et des faits sociaux (1955), p. 11 ; A.I. Denisov, Teorija
Gosudarstva i Prava (1967), p. 9, 31, 44 ; Ja.S. Mihaljak, in Teorija
Gosudartsva i Prava, pod red. Denisova (1967), p. 85 ; J. Carbonnier,
Sociologiejuridique, Paris 1972, Colin, p. 185 ss. ; Hâshim Al-Hâfiz,
TârîkhAl-Qânûn, Baghdâd 1972, Matba'at Al-'Ânî, p. 5-6. Il en est de
même pour les sciences politiques ; S.F. Kecek'jan i G.I. Fed'kin,
Istorija Politiceskih Ucenij (1955), p. 13.
33. A.V. Gulyga, Istorija kakNauka (1969), p. 11.
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quel stade de l'évolution humaine les formes primitives de la vie


religieuse cédèrent la place au polythéisme ? Quels étaient alors
l'économie en vigueur, la forme de propriété, la structure sociale, le
pouvoir politique, l'institution de la famille, le droit pénal ? Quelle a
été l'influence detout cela surlaformationdes mytheset descroyances
religieuses et l'élaboration des Livres Sacrés ?C'est ce que le présent
ouvrage se propose d'élucider.
L'historien n'a pas simplement pour tâche de faire un rapport sur un
certain complexe d'événements sociaux, politiques ou autres qui se
sont déroulés dans le passé, il doit tendre àdessineruntableau complet
du développement de la société dans l'action réciproque de toutes ses
sphères, et à expliquer les phénomènes en mettant aujour leur lien de
causalité. La science de l'histoire doit répondre à la question : 'Pour-
quoi ?' pourquoi ya-t-il euunecertaine forme depropriété, unecaste
fermée de prêtres, une classe assujettie d'esclaves, un monarque de
droit divin, une famille patriarcale dominée par la puissance de
l'homme sur la femme ouun système de peines basé sur l'intimidation
et la répression.
Seul peut fournir la réponse àcette question le tableau historique des
faits sociaux dans leur totalité, en rattachant les textes à leur contexte
historique. C'est ce que les historiens, dans la science de la religion,
appellent 'le milieu de vie' (Sitz im Leben), quand ils étudient la
structure des communautés dans lesquelles se sont produits les écrits
religieux, ainsi que les intentions et les buts de leurs rédacteurs 35.La
34. Édouard Lambert, Lafonction dudroit civilcomparé, Paris 1903, Giard,
p. 913 ss. ; Edward Westermarck, The History ofHuman Marriage, 5th
ed., London 1925, Macmillan, 1.1,p. 2;A.V.Gulyga, Istorija kakNauka,
préc., p. 28-29. Voiraussi, dans le sens qu'il faut expliquerles causes des
phénomènes, bien que le désaccord règne quant à la nature de ces
causes :Émile Durkheim, Les règles de la méthodesociologique, 3"éd.,
Paris 1904,Alcan, p. 110ss. ;idem, Lesformes élémentairesde la vie re-
ligieuse, 7eéd., 1985, p. 1-2 ;Fustel de Coulanges, La Citéantique, Paris
1984, Flammarion, p. 3 ;Alfred Fouillée, L'idée modernedudroit, 6eéd.,
Paris 1909, Hachette, p. III ; Rudolf Stammler, Wirtschaft und Recht
nach der materialistischen Geschichtsauffassung, 3. Aufl., Leipzig
1914, Veit & Co., n° 56, p. 299 ss., n° 58, p. 307 ss. ; F.A. Lange,
Geschichte des Materialismus, 10.Aufl., von Hermann Cohen, Leipzig
1921, Brandstetter, Bd. Il, p. 67 ; Edward Westermarck, The History of
Human Marriage, 5thed., 1925, t. i, p. 2 ; John Dewey, MyPhilosophy
of Law, in : Morris, The Great Legal Philosophers (1958), p. 507 ;
Bertrand Russell, AHistory of Western Philosophy, 14thpr., New York
1960, Simon and Schuster, p. IX, p. 787-788 ; Jean Imbert, Histoire
économique des origines à 1789, avec Henri Legohérel, 3eéd., Paris
1979, PUF, p. 15 (les forces motrices).
35. Wilhelm Schneemelcher, in Edgar Hennecke, Neutestamentliche Apo-
cryphen, 3.Aufl., Tübingen 1959,Mohr, 1.1,p. 32-33,5. Aufl., 1987, t. i,
p. 45 ss. ;XavierLéon-Dufour, LesÉvangiles etl'histoire deJésus, Paris
1963, Seuil, p. 33 ; idem, Études d'Évangiles, Paris 1965, Seuil, p. 33 ;
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justesse decette méthodeest actuellement reconnue par les tenants des


doctrines les plus diverses 36.Seuls les faits historiques : le procédé de
production, les contradictions internes, l'injustice et la répression, la
lutte desclasses dans les sociétés qui setrouvent àlapériode transitoire
entre l'organisation tribale et le pouvoir gouvernemental, seul ce
tableau complexe se révèle capable de dévoiler le contenu social des
institutions politiques,juridiques, culturelles oureligieuses àl'époque
où les dieux régissaient le monde et furent formés les Livres Sacrés 37.

Méthode comparative

La méthode de recherche doit être de même une méthode compara-


tive. Il faut, dans l'étude des sciences humaines et sociales, constam-
ment comparer, confronter et opposer les processus, les situations et
les phénomènes qui se rapportent d'une façon ou d'une autre à la dis-
cipline étudiée Il. La comparaison aide à expliquer et à éclaircir les
Werner Georg Kümmel, Das Problem des historischen Jésus in der
gcgenrvÜrtigen Diskussion, in Heilgeschehen und Geschichte, Gesam.
Aufsiitze, Marburg 1965, Elwert, p. 417 ss., p. 428 ; Walther Eichrodt,
Theology of the Old Testament (1969), vol. i, p. 27-31 ; Günther
Bornkamm, Qui est Jésus de Nazareth ?, Paris 1973, Seuil, p. 20 ss.
(Coll. 'Parole de Dieu') ; Helmut Koester, Einfiihrung in das Neue
Testament, Berlin 1980, De Gruyter. p. 493 ; Julien Ries, Chronique
d'histoire des religions, la recherche comparée, inEsprit et Vie,l'Amidu
Clergé, n° 47, 19 novembre 1987, p. 630, c. 1.
36. Elle aacquis droit de cité au sein ducatholicisme même ;Instruction de
la Commission pontificale pour les études bibliques, in L'Osservatore
Romano, du 22 mai 1964, La Documentation Catholique, 46e année,
t. LXI.n° 1425, 7juin 1964, c. 712, c. 714.
37. Comp. sur la méthode historico-évolutionniste : Edward B. Tylor,
Primitive Culture, 4th ed., London 1903, Murray, t. l, p. 19 ; F. Max
Müller, CollectaI Works,t. n, PhysicalReligion, London 1898, p. 7, t. iv,
Theosophy or the Psychological Religion (1911), p. VI-VII, p. 3,
Longmans, Green &Co. ; Emile Durkheim, Lesformes élémentaires de
la vie religieuse, 7eéd., 1985, p. 4 ss. ;A.Adamson Hoebel, TheLaw of
Primitive Man, Cambridge, Mass. 1954, Harvard University Press,
p. 288 ; Heinz Grünert (Leiter), Geschichte der Urgesellschaft, Berlin
1982, VEB Verlag der Wissenschaften, p. 35 ss. et p. 49-50.
38. Voir pour le droit : PS. Anselm Feuerbach, Blick auf die Deutsche
Rechtswissenschaft, Miinchen 1810, in Deutsches Rechtsdenken, H. 4,
p. 22 ss., Frankfurt 1943, Klostermann : Felix Dahn, Die Vernunft im
Recht, Berlin 1879, Janke, p. 10;Friedrich Darmstaedter, Das Problem
einer vergleichender Rechtsphilosophie, in Revue Internationale de la
Théorie du Droit, vol. xn, 1938, p. 143 ss. ; Luis Legaz y Lacambra,
ComparaciÓn Jurfdica y Filosoffa del Derecho, in Revista del Instituto
de Derecho Comparado, Barcelona 1953, n° 1, p. 38 (40) ; Giorgio Del
Vecchio, Lezioni di Filosofia del Diritto, 12Ced., Milano 1963, Giuffrè,
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normesensevelies danslabrumedes siècles, ouquel'insuffisance des


sources a submergées dans le puits de l'oubli39.
Cependant, il ne faut jamais comparer d'une manière abstraite,
institutions avecinstitutions, sansindiquerlescirconstances concrètes
qui les ont fait éclore 4°. Il ne faut pas confondre, par exemple, les
institutions politiques, juridiques et culturelles de l'Egypte pha-
raonique, où s'épanouit une grande civilisation à base d'agriculture
irriguée et aupouvoircentral fortement organisé, avec les institutions
des peuplades tribales, encore aux premiers stades de l'organisation
sociale. Par contre, la comparaison devient possible dans le domaine
mythologique, avec les mythes égyptiens dont les racines plongent
danslapréhistoire,lorsquel'Egypteétaitencoreaudernierstadetribal.
La comparaison enfin ne doit pas se limiter aux conceptions et
institutions despeuples qui ontentre euxdes liens derace, telle l'idée
depropriété oula conception dudieu suprême àRomeetenGrèce, la
comparaison doit embrasser les conceptions et les institutions des
peuples du m o n d e entier 41, parce que les institutions sociales et les

p. 202 ;A.I. Denisov, Teorija Gosudarstva i Prava (1967), p. 31-32 ;J.


Carbonnier, Sociologie juridique (1972), p. 24. Pour l' anthropologie
sociale :A.R. Radcliffe-Brown, inSystèmesfamiliauxetmatrimoniaux
enAfrique, parA.R.Radcliffe-Brownet DaryllForde, Paris 1953,PUF,
p. 2;E.E. Evans-Pritchard, Lareligion desprimitifs, Paris 1971,Payot,
p. 23 ; idem, La méthode comparative en anthropologie sociale, in La
femme dans les sociétés primitives, essais par E.E. Evans-Pritchard,
Paris 1971, PUF, p. 7 ss. ; Heinz Grünert (Leiter), Geschichte der
Urgesellschaft (1982), p. 44, p. 49-50. Et pour la religion : Walther
Eichrodt, Theology ofthe Old Testament(1969), vol. i, p. 25 ;Angelo
Brelich, Prolégomènes à une histoire des religions, in Histoire des
religions, dir. par Henri-Charles Puech (1982), 1.1, p. 45.
39. É.Durkheim,Lesrèglesdela méthodesociologique,3eéd. 1904,p. 153
ss. ; Edward Westermarck, The History ofHuman Marriage, 5th ed.,
1925,1.1, p. 7;Paul Koschaker, Wasvermagdie vergleichende Rechts-
wissenschaftzurIndogermanenfrage beizusteuern ?, in Germanenund
Indogermanen,Festschviftfùrll. Hirt, Heidelberg 1936,Winter,p. 149 ;
C.W. Westrup, Introduction to Early Roman Law, t. [vil, London and
Copenhagen 1950, Oxford University Press &Munksgaard, p. 191-
192 ;KarlvonAmira,GermanischesRecht,4.Aufl.,vonK.A.Eckhardt,
t. i, Berlin 1960, De Gruyter, p. 212 ; Wolfgang Kunkel, Romische
Rechtsgeschichte, 4. Aufl., Weimar 1964, Bôhlau, p. 32.
40. JamesGeorgeFrazer, TotemismandExogamy,London 1910,Macmil-
lan, 1.1, p. X;C.W.Westrup, Introduction to EarlyRomanLaw,t. [vil,
1950,p. 193;FrancescoDeMartino,Storiadella CostituzioneRomana,
Milano 1958,Jovene,1.1,p. 15;ImreSabo,Sravnitel'noePravovedenie,
in Kritika SovremennojBurzuaznoj TeoriiPrava, Moscou 1969, Prog-
ress, p. 165(187).
41. Voir pour une comparaison extensive : R. Monier, G. Cardascia et J.
Imbert, Histoire des institutions et desfaits sociaux (1955), p.1l-12 ;
C.W.Westrup, Introduction to EarlyRomanLaw,t. iv/1, 1950,p. 193;
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conceptionsreligieuses nedépendentpasdel'appartenance àunerace.


Les peuples les plus divers, pris au même degré d'évolution, ont
produitdes normes sociales et des conceptions religieuses semblables.
De même, les résultats de l'archéologie concernant les relations
économiques, politiques, sociales et religieuses doivent être comparés
avec les données des peuplades actuelles vivant au même stade de
développement humain.
Dans l'analyse des contes populaires et des récits mythologiques, la
méthode à suivre doit aussi répondre à la question 'Pourquoi ?',
pourquoi y a-t-il eu ces dieux et non pas d'autres. Seule la méthode
historico-comparative est capable de résoudre ce problème, les autres
méthodes doivent être réduites à de simples moyens auxiliaires de
recherche 42.
Le but principal de cet ouvrage est de mettre aujour les conditions
de vie dans la société polythéiste chez les éleveurs et les agriculteurs,
et le rapport entre ces conditions de vie et la formation des Livres
Sacrés. Cheminfaisant, nous allons découvrir les lois des mouvements
quirégissent l'histoire dela société et de la pensée humaine. Seule une
méthode comparative, soumettant àla recherche le plus grand nombre
de sociétés possible, est capable d ' i n d u i r e des lois générales 43.
Bref, ce qu'il nous faut, au niveau de la recherche, c'est donc une
méthodehistorique quiposeles institutions etles conceptionsdans leur
milieusocial, uneméthodecomparativequiembrasseungrandnombre
de sociétés sans égard aux liens de race, une méthode génétique qui
éclaire la genèse et le pourquoi, et une méthode dynamique qui tient
compte des phases d'évolution des institutions et des conceptions, de
Giorgio Del Vecchio, Le Basi del Diritto Comparato e i Principi
GeneralidelDiritto, inParerga, 1.1:SaggiFilosofici eGiuridici, Milano
1961, Giuffrè, p. 81 ss. Contra :E.E. Evans-Pritchard, La méthode com-
parative, in Lafemme dans la sociétéprimitive, Paris 1971, PUF, p. 21-
23, qui seprononce pourunecomparaison limitée. Cf. pourlacomparai-
son des résultats de l'archéologie avec les données des peuplades
actuelles :HeinzGrünert(Leiter), Geschichteder Urgesellschaft(1982),
p. 44.
42. Voirsurles autres méthodes derecherche, infra, notes 2094 ss., 2366 ss.
Comp.Alan Dundes, ThesymbolicEquivalence ofAllomotifs: : towards
a Method of analysing Folktales, in Le conte, pourquoi ? comment ?,
Actes des Journées d'études en littérature orale, Analyse des contes -
problèmes de méthodes, Paris 23-26 mars 1982, éd. par Geneviève Ca-
lame-Griaule, Veronika Gorog-Karady, Michèle Chiche, Paris 1984,
CNRS, p. 187 ss.
43. Émile Durkheim, Lesformes élémentaires de la vie religieuse, 7e éd.,
1985,p. 593,soutientqu'une seuleexpérience est suffisantepourinduire
une loi générale, ce qui est fort douteux ; voir là-dessus E.E. Evans-
Pritchard, La religion desprimitifs (1971), p. 80-81 ; idem, La méthode
comparative, inLafemmedans les sociétésprimitives, essais parEvans-
Pritchard, 1971, p. 23.
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période en période sur le chemin du progrès, et d'étape en étape à


l'intérieur d'une mêmepériode. Par contre, auniveau des conclusions,
la méthode est foncièrement inductive et synthétique, sans écarter la
déduction et l'analyse.

Migration et survivances

En outre, la méthode historico-comparative prend en considération


deux facteurs : la migration des mythes et le phénomène des sur-
vivances.
Les dieux ne sont pas toujours de fabrication locale, ils peuvent, tout
comme les hommes, naître dans un pays puis émigrer dans un autre.
Les mythes égyptiens se sontpropagés chez les Perses, les Grecs et les
Germains 44. La Grèce Homérique a subi aussi l'influence des autres
peuples avec lesquels elle est entrée en contact. Aphrodite, par
exemple, est une déesse orientale proche d'Astarté, venue de Chypre
ou de Phénicie 45. L'onomastique prouve l'influence phénicienne et
mésopotamienne ;Agamemnon=le très soleil, seraitd'origine suméri-
enne, le monde mycénien était en relation avec Ugarit, et la culture
mésopotamienne était présente en Phénicie 46. Ulysse/Odysseus
signifie l'hommedelaroute, épithète delalune voyageuseenMésopo-
tamie47.L'Iliade et l'Odyssée contiennentdes données archéologiques
et linguistiques qui prouvent indubitablement la présence d'éléments
de langue et de civilisation mycénienne, transmis de génération en
génération et implantés dans les poèmes homériques 48.
Il en est de même pour Rome. L'archéologie a découvert des autels
demodèles grecs àLavinium, près deRome, quiremontent auviesiècle
av. J.-C., des divinités grecques et des céramiques d'importation
grecque, cequitémoignede1' influence delaculture grecqueauLatium
en cette époque 49.
44. Infra, notes 2289-2334.
45. Hérodote, Hist., i, 105. Cf. Ulrich vonWilamowitz-Moellendorff, Der
Glaube der Hellenen, Berlin 1931, Weidmann, Bd. i, p. 321 ; Francis
Vian,Lareligiongrecqueà l'époquearchaïque etclassique, inHistoire
des religions, dir. par Henri-Charles Puech, Paris 1982, Gallimard,
Bibliothèque de la Pléiade, 1.1, p. 489 (494 ss., 498).
46. Georges Dossin, Ugarit, Homèreet la culture mésopotamienne, inLes
Annales Archéologiques Arabes Syriennes, Revue d'Archéologie et
d'Histoire, vol. xxix-xxx, 1979-1980, p. 207, c. 2, p. 209, c. 2.
47. Georges Dossin, in Les Annales Archéologiques Arabes Syriennes,
Revue d'Archéologie et d'Histoire, vol. xxix-xxx, 1979-1980, p. 210,
c. 2, p. 211, c. 1.
48. N.I. Barbu, Mycènes et le problème homérique, in Studi Micenei ed
Egeo-Anatolici, fasc. 6, 1968, p. 33 (35).
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Lamigration des mythes est unphénomène général. Cela nenuit pas


à cette réalité historique, que le mythe soit un fait social, puisant sa
source dans les conditions de vie de la société où il fonctionne, car le
peuple récepteur s'assimile les mythes seulement lorsque ses condi-
tions de vie le permettent, et àtravers une acclimatation soignée et une
adaptation rigoureuse 50. L'étude comparée des contes migrateurs
aboutit à des résultats similaires, la culture populaire possède une
puissance de transformation qui change radicalement toute source
littéraire venant du dehors, et la moule selon la manière de penser de
la communauté réceptrice 51.
Le phénomène des survivances est un aspect du développement des
sociétés humaines. Les phases de développement conservent toujours
des éléments anciens, amenuisés et réduits, il est vrai, mais quand
mêmetenacesetobstinés. Ils existent, etpourtant ils deviennentparfois
complètementinactifs, telle la lave refroidie d'un ancien volcanéteint,
qui témoigne silencieusement d'une vie naguère bouillonnante. Les
grandes religions universalistes conservent jusqu'à nos jours des
croyancespremières, surles angeset les démons, bienqueles uns et les
autres - contrairement aux puissances déchaînées des religions pre-
mières -, soient désormais soumis à la toute-puissance divine. Les
clans despeuples éleveurs conservent, dans leur onomastique, des sur-
vivancesdutotémisme,bienquecesnomsdérivésd'animaux nejouent
plus aucun rôle dans la vie sociale ou culturelle.
49. Raymond Chevallier, La civilisation du Latiumprimitifet les origines
de Rome, in Archéologia, n° 105, 1977, p. 14 (17) ; Fernandino
Castagnoli, Lavinium, la citéfondéepar Enée, in Les Dossiers Histoire
et Archéologie, n° 68, 1982, p. 36 (38-39) ; Robert Turcan, Énée,
Lavinium et les treize autels, in Revue de l'Histoire des Religions, t. cc,
1983, p. 41 ss. Voir de même : Raymond Bloch, La religion romaine, in
Histoire des religions, dir. parHenri-Charles Puech (1982), 1.1,p. 874 ss.
Comp. Louis Gernet etAndréBoulanger, Legénie grecdans la religion,
Paris 1969,AlbinMichel, p. 30 (= L'Evolution de l'Humanité). Cf. pour
les formes grecques du culte à Rome : Strabon, Géogr.,v, 3, 3et 5. Voir
pour le fait que ce sont les marins grecs qui ont introduit Apollon à
Rome :Gerhard Radke, ZurEntwicklungder Gottesvorstellung undder
Gottesverehrung in Rom, Darmstadt 1987, Wissenschaftliche Buchge-
sellschaft, p. 32 ss. (= Impulse der Forschung, Bd. 50).
50. Voir pour l'adaptation des mythes égyptiens par les Germains et les
Grecs : infra, notes 2289-2334. Et pour l'impact de l'Egypte et de
Babylone surlareligion d'Israël :AndréCaquot, Lareligion dIsraël des
origines à la captivité de Babylone, in Histoire des religions, dir. par
Henri-Charles Puech (1982), t. i, p. 359 (362). Voir d'une manière
générale sur le problème des migrations et des adaptations : Mircea
Eliade, Le chamanisme et les techniques archaïques de l'extase, Paris
1951, Payot, p. 24.
51. Cf. Olga Nagy, Some TypesofComparative TaleAnalysis, in Leconte,
pourquoi ?comment ?Actes des Journées d'études en littérature orale,
Paris 23-26 mars 1982 (1984), p. 231 (233-234).
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Une méthode historico-comparative, posant les dieux dans leur


contexte historique, tenant compte de la migration des mythes et du
phénomène des survivances, voilà le chemin àsuivre.
Sphère derecherche
Le monde n'est pas un ensemble de choses, mais un complexe de
processus, une matière qui se trouve en changement constant, en
transformation continue, unealternance dedépérissementet derajeu-
nissement, undéveloppementhistorique incessant ;l'histoire del'hu-
manité est le processus de son évolution 52.
Lepolythéisme s'épanouit àl'époque de la société tribale dans son
dernier stade de développement, alors que la structure de la société
subissaitdestransformations profondes.Aussi,le caractèretransitoire
de cette époque, entre la désintégration de la société tribale et la
formationdelasociétédeclasses, marquedesoncachetlesinstitutions
del'époque :émergencedusacerdoce, pouvoirpolitique, organisation
sociale,normesjuridiques,croyancesreligieuses,etc.L'étapefinalede
la désintégration dela société tribale et l'étape première dela société
declasses nese distinguent pas entre elles par desbarrières rigides 53,
l'histoire neconnaît pasdecloisons étanchesnidelimites tranchantes
entre les diverses phases dedéveloppementdela société humaine. La
périodetransitoire reflète leprocessusdelatransformationdel'ancien
ennouveau,ellen'appartientniàl'un niàl'autre,maiscontienttantdes
éléments anciens que des éléments nouveaux 54.
Dansladélimitationdelasphèrederecherche, il incombed'embras-
serleproblèmeétudiésoustoussesaspects. Lepolythéismes'épanouit
chez les éleveurs et les agriculteurs ; aussi, les peuplades qui doivent
faire l'objet delarecherche doiventêtreprises etparmi les éleveurs et
parmi les agriculteurs.
Ensuite, il estnécessaired'étudierdespeupladesquisontarrivéesau
stadeultimedel'évolutiontribale, quandlastructuretribalesedésintè-
greetcèdelaplace aupouvoirgouvernemental. C'est cetteétapetran-
sitoire qui se révèle riche en données scientifiques, concernant les
52. G.W. Friedrich Hegel, Philosophie der Weltgeschichte, in Sàmtliche
Werke, herausg. von Georg Lasson, Leipzig 1920, Meiner, Bd. vin,
Allgemeine Einleitung, i, p. 10ss., II 1e, p. 52ss., m1, p. 129ss., III 3,
p. 148ss., Besondere Einleitung, 111, p. 178ss.
53.A.I.Persic, ObscestvennyjStrojTuaregovSaharyvXIXv.,inRazlozenie
RodovogoStroja iFormirovanieKlassovogoObscestva,Moscou 1968,
Nauka, p. 320 (321).
54.A.E.Muskin,GosudarstvoiPravo-IstoriceskieRaznovidnostiOrganov
i Norm Upravlenija Obscestva, Leningrad 1969, Izd-vo Len. Univ.,
p. 23.
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relations de propriété, l'épanouissement des dieux, l'émergence du


sacerdoce, la formation des classes, l'organisation du pouvoir, la
famille patriarcale, le système répressif. Il faut demêmenepas perdre
de vue que la recherche scientifique devient impossible sans sources
historiques, documents écrits ou objets archéologiques. Il faut enfin
étendrele terrain derecherches auxraceset auxpeuples lesplus divers.
Pour toutes ces raisons, six peuples historiques, encore à l'état de
peuplades tribales, incomplètement organisées, feront l'objet de notre
recherche :trois peuplades d'éleveurs, àsavoirles Hébreux (vers 1800-
1000 av. J.-C.), les tribus germaniques (premiers siècles av. et apr.
J.-C.), et les Arabes préislamiques du Hijâz, dans la steppe semi-
désertique du nord de l'Arabie (premiers siècles de notre ère) ;et trois
peuplades d'agriculteurs, à savoir lesAryens de l'Inde (xve-vnesiècles
av. J.-C.), les Grecs homériques (xiie-vme siècles av. J.-C.), et les
Romains de l'époque dite royale (vme-ve siècles av. J.-C.).
Cette diversification du terrain des recherches permet d'induire des
lois générales sûres et exactes.
Commela période qui nous intéresse de la vie des peuplades tribales
envisagées s'étend sur plusieurs siècles, il incombe de constater les
phénomènes étudiés dans leur mouvement, non dans leur repos, dans
leur état dynamique, non dans leur côté statique.
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Chapitre premier

Peuplades et économie
Les recherches comparées sur la vie économique, politique, sociale
et religieuse des six peuplades qui forment l'objet de la présente étude
nécessitent, au préalable, de situer ces peuplades dans leur cadre
géographiqueethistorique. Celapermettradefaire laconnaissance des
peuplades qui vont être étudiées et de tracer les limites du champ des
recherches envisagées.
Section I

PEUPLADES TRIBALES

a. Hébreux
Origine arménoïde
Les Hébreux appartiennent à la race arménoïde, originaire dupays
des montagnes au sud du Caucase. Les hauteurs arméniennes, entre
l'Asie Mineureet le nord dela Mésopotamie, serévèlent, d'après une
opinion, le centre de diffusion des langues indo-européennes 55. Un
mélanges'estproduitdanslestempsanciens,danslarégionarménienne,
entrelaracearménoïdeetlaraceblonde;aussi, lesHébreuxprésentent
lescaractéristiques généralesdelaracearménoïde, aveccertains traits
de la race blonde 56. Le nom même d'Ashkénaz, une branche des
55. Ence sens :T.B. Gamkrelidze, V.V.Ivanov, Drevnjcija PerednjajaAzija
iIndoevropejskaja Problema. VremennyeiAreal 'nyeHarakteristiki Ob-
sceindoevropejskogo Jazykapo lingvisticeskim i kul'tumo-istoriceskim
Dannym, in VestnikDrei,tiej Istorii, n° 3, 1980, p. 3ss., Moscou, Nauka.
Contra :L.A.Lelekov, KnovejsemuResenijuIndoevropejskojProblemy,
in Vestnik Drevnej Istorii, n° 3, 1982, p. 31 ss. ; I.M. D'jakonov, O
Prarodine Nositelej Indoevropejskih Dialektov. Il, in Vestnik Drevnej
Istorii, n° 4, 1982, p. 11 ss. (le centre de diffusion des langues indo-
européennes se situerait dans la région des Balkans/Carpates).
56. Cf. sur l'origine arménoïde des Juifs, mélangés à d'autres races : S.A.
Weissenberg, cité in art. 'Jews', in Encyclopaedia Britannica, éd. 1961,
t. 13, p. 42 a, c. 1-2 ; Bertil Lundman, Die heutigen Menschen Europas,
in Historia Mundi, begr. von Fritz Kern, Bd. i : Friihe Menschheit, Bern
1952, Francke Verlag, p. 135 ss.
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Hébreux, est donné par la Thora et par le livre des Chroniques à un


peuple nordique de la région arménienne : Ashkénaz est le fils de
Gomer, fils de Japhet 57. Gomer est identifié aux Gimirri des textes
cunéiformes, que les Grecs ont rendu par Kimmeriori (les Cimméri-
ens), et Ashkénaz vise les Scythes nomades, les congénères des
Cimmériens. Tousces peuples formentdesbranches dugroupe aryen 5*.
Japhet correspond, dans les sciences modernes, àl'ensemble dela race
nordique 59.
Quand Babylone assiégea Jérusalem en 587 av. J.-C., le prophète
Jérémie appela au secours les peuples apparentés aux Hébreux,
Ashkénaz (les Scythes) et Ararat (l'Arménie)60. Demême, les prêtres
de l'Exil, en s'assimilant le mythebabylonien duDéluge, firent arrêter
l'arche de Noé sur les monts d'Ararat 61, dans la terre des ancêtres
arménoïdes des Hébreux.
Cette origine arménoïde des Hébreux est attestée, tel qu'il suit, d'une
manière irrécusable par les documents archéologiques et par les livres
sacrés eux-mêmes. Mais les prêtres de l'Exil, visant le retour à
Jérusalem qui était entre les mains des Nabatéens et des Iduméens,
rattachèrent le peuple élu àun arrière-ancêtre putatifcommunavec les
Arabes, qu'ils appelèrent Sem 62.
Documents archéologiques
Les sources anciennes, tout au cours du IIe millénaire av. J.-C.,
mentionnentdespeupladesmigratricesquivaguentavecleurstroupeaux
sur les frontières des pays civilisés du Moyen-Orient. Ces peuplades
sont appelées tantôt les 'Abiru, de la racine 'abara, ceux qui traversent
les frontières, tantôt les 'Apiru, mot dérivé de 'afara, ceux qui sont
couverts de la poussière des routes, tantôt les Khabiru, terme identifié
à l'idéogramme sumérien sa-gaz (coupe-tête ; arabe :J»azza), qui a un
sens commun de meurtriers, agresseurs, pillards, gens du désert63.
57. Genèse, 10/2-3 ; I Chr., 1/5-6. Voir sur Ashkénaz, une branche des
Hébreux : Encyclopaedia Juclaïca, art. 'Ashkenaz" t. 3, c. 719 ss.,
Jerusalem 1971, Macmillan.
58. Cf. sur les Scythes nomades : Hérodote, Hist., 1, 15, 103-106 ; iv, 1ss.,
12, 46 ; Pline l'Ancien, Hist. nat., vi, 50-51 XIX (17) ; et voir Edouard
Dhorme, Lespeuples issusdeJaphetd'après le chapitre Xde la Genèse,
in Syria, t. XIII (1932), p. 29-31.
59. Voir sur les Cimmériens comme branche de la race nordique : Calvin
Hephart,Races ofMankind, NewYork 1960, Philosophical Library Inc.,
p. 76-77.
60. Jérémie, 51/27.
61. Genèse, 8/4.
62. Genèse, 10/22-30 ; 11/10-27 ; 16/1-4, 11 ; 25/1-4, 12-15.
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Les plus anciennes mentions des Khabiru concernent des merce-


naires au service d'un prince, et se rencontrent dans les tablettes
assyriennes de Cappadoce, à l ' O u e s t de la région arménienne, au xixe
siècle av. J.-C., où les marchands assyriens avaient établis des comp-
toirs 64.Ces peuplades descendent graduellement du Nord au Sud, de
la région arménienne vers la Syrie-Palestine, en des vagues de migra-
tions concomitantes avec les migrations des Hourrites, dont la langue
est apparentée àcelle de l'ancien Etat arménien d'Urartu (Ararat). Les
Hourrites se composent d'un mélange d'Asianiques et d'Indo-Eu-
ropéens; parmi les dieux des Hourrites, figurent les dieux des Indo-
Européens, de la branche aryenne de l'Inde : les deuxjumeaux Mitra
et Varuna (Urawana), le dieu Indra (Indar), les dieux Nasatya (Nassa-
tiyana). Les Hourrites se répandent vers le Sud en forme d'éventail
autour de l'Arménie actuelle, au cours des premiers siècles du IIe
millénaire av. J.-C.65. Leur tactique de migration consiste en une infil-
63.L'identificationremonteàHugoWinckler, GeschichteIsraels inEinzel-
darstellungen, Leipzig 1895,Pfeiffer, 1.l, p. 18ss. ; idem, DieHebraer
in den Tel-Amarna-Briefen, inAltorientalische Forschungen, 3. Reihe,
Ill, Leipzig 1901,Pfeiffer, p.91ss. Voiraussi :P.Dhorme,Lesnouvelles
tablettes d'El-Amarna, in Revue Biblique, 1924, p. 5 (12 ss.) ; Guy
Rachet,Dictionnairedel'archéologie, Paris 1983,Laffont,p. 502,c. 2;
p. 503, c. 1; et surtout Jean Bottéro, Leproblème des Habiru à la 4"
rencontre assyriologique internationale, Paris 1954, Imprimerie Na-
tionale, p. 3-6, p. 85 ss. (= Cahiers de la SociétéAsiatique, XII), L'opi-
nion de Renan, d'après laquelle les Hébreux auraient été appelés ainsi
parce qu'ils auraient 'traversé' l'Euphrate, vers la Syrie et Canaan, est
dépassée par l'archéologie. Cf. Ernest Renan, Histoire dupeuple d'Is-
raël, 1891, Paris 1927, Calmann-Lévy, t. i, p. 91.
64. Textes in Jean Bottéro, Le problème des Habiru à la 4" rencontre
assyriologique internationale (1954), p. 8 ss. Voir sur les comptoirs
assyriens deCappadoceauxixesiècle av. J.-C. :Louis LawrenceOrlin,
Assyrian ColoniesinCappadocia,TheHagueParis 1970,Mouton,p.45
ss. ; Paul Garelli, Marchands et Tamkârû assyriens en Cappadoce, in
Iraq, vol. xxxix, 1977, p. 99 ss.
65. Cf. sur le rapport duhourrite et del'urartéen : Mirjo Salvini, Hourrite
et urartéen, in Revue Hittite et Asianique, t. xxxvi, 1978, p. 157 ss.
(= Actes de la XXIV" rencontre assyriologique internationale, Paris
1977, Hourrites). Cf. sur la relation des Hourrites avec les Indo-
Européens, la discussion in : Annelies Kammenhuber, Die Arier im
Vorderen Orient, Heidelberg 1968, Winter (ouvrage capital) ; I.M.
D'jakonov,Arijci naBliznem Vostoke: KonecM//a, in VestnikDrevnej
Istorii, n°4(114), 1970,p.39ss.(Moscou,Nauka);ManfredMayrhofer,
Die Arier im Vorderen Orient - ein Mythos ?, Wien 1974, Verlag der
ÔsterreichischenAkademiederWissenschaften, p. 11ss., spéc., p. 32-
33 ;Annelies Kammenhuber,DieHurriten unddas Problem derIndo-
Arier, in RevueHittite etAsianique, t. xxxvi, 1978, p. 85ss. Voirpour
les dieux indo-européens des Hourrites : Liste des dieux, Traité entre
Suppiluliumas et Kurtiwazci, x)v"siècle av. J.-C., inANET,p. 206, c. 1
(ANET- AncientNearEastern Textsrelating to the OldTestament, ed.
byJames B. Pritchard, 3rded., Princeton, NewJersey 1974, Princeton
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tration lente et graduelle, durant laquelle ils se mélangent au


peuple autochtone, jusqu'à ce que le nombre des Hourrites devienne
important, alors ils se rendent maîtres dupays et délogent les autoch-
tones 66.

Verslexviesiècleav.J.-C., lesHourritesoccupentlenorddelaHaute-
Mésopotamie, de l'est du Tigre jusqu'au pays des Hittites en Asie
M i n e u r e , et f o r m e n t le r o y a u m e de Mitanni67. Au xve siècle av. J.-C.,
les Hourrites descendent vers la Syrie-Palestine, mais ils essuient de
sanglantes défaites devant les Égyptiens à Q â d e s h et à Mégiddo, sous
le règne de T h o u t m è s III et d ' A m e n h o t e p II68, et C a n a a n reste dépen-

University Press). Cf. sur les autres divinités du panthéon hourrite :


Volkert Haas, Substratgottheiten des Westhurrischen Panthéons, in
RevueHittite etAsianique, t. xxxvi, 1978, p. 59 ss. ;WilfredG. Lambert,
The Mesopotamian Background of the Hurrian Panthéon, in Revue
Hittite et Asianique, t. xxxvi, 1978, p. 129 ss. L'archéologie démontre
que la marche des Hourrites a commencé sous le premier Etat babylo-
nien ;voirNazi, Reporton the Excavations at Yorgan Tepa, near Kirkuk,
Iraq, ed. by Richard F.S. Starr, Cambridge, Mass. 1939, Harvard
University Press, vol. l, Text, Annexe A, p. 519-520.
66. C'est ce que prouvent les fouilles de Nuzi, près de Kirkuk, en Iraq ; voir
Nazi, Reportonthe Excavationsat Yorgan Tepa(1939), préc., vol. 1,Text,
p. 18.
67. Cf. Nuzi, Report on the Excavations at Yorgan Tepa (1939), préc., vol.
i, Text, p. 42 ss. Lapoterie et la céramique provenant des fouilles deTell
AI-Rimah, au nord de l'Iraq, se révèlent de type mitannien, et prouvent
que les Hourrites s'étaient répandus, entre 1650 et 1350 av. J.-C., dans
certaines parties du nord de l'Iraq ; cf. Theresa Howard Carter, Excava-
tions at Tell Al-Rimah, 1964, in BASOR, n° 178 (1965), p. 40 (45 ss.)
(BASOR=Bulletin oftheAmerican Schools of'Oriental Research). Voir
sur le royaume de Mitanni : Horst Klengel, Mitanni : Problème seiner
Expansion und politischer Struktur, in Revue Hittite et Asianique,
t. xxxvi, 1978, p. 91 ss.
68.Annalesde ThoutmèsIII(1490-1436 av.J.-C.), templedeKarnak, an22-
23, ANET, p. 235, c. 1à p. 238, c. 1; Stèle d'Armant, en granit rouge,
Haute-Egypte, an 22, n° 10-15,ANET,p. 234, c. 2 ;Biographie d'Amen-
em-heb, un soldat égyptien de rang militaire modéré, de l'armée de
Thoutmès III, tombe n° 85 de Thèbes,ANET,p. 241, c. 1-2 ;Annales de
ThoutmèsIII, templedeKarnak, an42, li. \0ss., ANET,p.241,c. 2;Stèle
de Memphis, règne d'Amenhotep II (1439-1406 av. J.-C.), n° 6301
Musée du Caire, li. 30, ANET, p. 247, c. 1. Cf. aussi : Pascal Vernus,
L'apport dessources égyptiennesauproblème hourrite, inrevue Hittite
etAsianique, t. xxxvi, 1978, p. 199 ss. Voir sur les Hourrites en Syrie du
Nord : Michael Astour, Les Hourrites en Syrie du Nord, rapport
sommaire, in Revue Hittite et Asianique, t. xxxvi, 1978, p. 1 ss. ;
Dominique Collon, La glyptique hourrite d'Alalakh, in RevueHittite et
Asianique, t. xxxvi, 1978, p. 35 ss. ;Mario Liverani, L'élément hourrite
dans la Syrie du Nord (c. 1350-1200), in Revue Hittite et Asianique,
t. xxxvi, 1978, p. 149 ss.
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dant de l'Égypte 69.Au xive siècle av. J.-C., le Royaume de Mitanni,


alors à son apogée, devient subitement vassal des Hittites 7°.
Les migrations des peuplades dites 'Abiru/'Apiru/Khabiru concor-
dent dans le temps (Bronze Moyen, 2050/2000-1600/1550 av. J.-C.),
etdanslamarche(delarégion arménienneversCanaan) aveccelles des
Hourrites, ce peuple formé d'un mélange d'Asianiques et d'Indo-
Européens71, et utilisent la mêmetactique que ces derniers concernant
l'infiltration lente et graduelle dans le pays qu'ils envisagent d'occu-
per. On a supposé que ces 'Abiru/'Apiru/Khabiru ne représentent pas
une appartenance ethnique, mais forment une catégorie sociale, des
gens venus de tous les horizons, des fuyards hors-famille et hors-tribu,
des personnes déplacées, des réfugiés émigrés de la société tribale, des
individus libres enrévolte etdesesclavesenrupturedeban,pousséspar
l'indigence vers la ville à la recherche de travail, transformés avec le
temps en unélément humain distinct, qui se serait organisé en groupes
pour survivre72. Cette opinion ne peut être retenue, les ' A b i r u / ' A p i r u /
Khabiru se c o m p o s e n t de groupes à p r é d o m i n a n c e ethnique ou m ê m e
homogènes, à identifier avec les Hébreux de la Thora, lesquels étaient
en contact étroit avec les Hourrites ; les plus anciennes c o u t u m e s des
Hébreux (relation des successions avec les dieux domestiques, clauses
prohibant au gendre de prendre d'autres femmes), c o m m e aussi les

69. Les gouverneurs locaux de Canaan prêtaient sermon de loyauté envers


le monarqued'Egypte ;Stèle de Barkal, près de la 4Ccataracte, règne de
Thoutmès III, 47e année, Ii. 24, ANET, p. 238, c. 1. Et voir la liste des
paysconquis parThoutmèsIII, Templed'Amonà Karncik,ANET,p. 242-
243.
70. TraitéentreSuppiluliumas (1390-1354av.J.-C.), roidesHittites, etKur-
tiwaza, roi de Mitanni, ANET, p. 205, c. 2 ; p. 206, c. 1-2.
71. En ce sens l'archéologue Kathleen M. Kenyon, Digging up Jericho,
London 1957, Ernest Benn, p. 222-224 ;endem,Ar(--htieologyin theHoly
Land, 3rded., London 1970, Ernest Benn, p. 182-185, p. 193.
72. Jean Bottéro, Leproblème des llabiru à la 4erencontre assyriologique
internationale (1954), p. 187ss. ;MosheGreenberg, Thellab/piru, New
Haven,Connecticut 1955,AmericanOriental Society, p. 95(=American
Oriental Series, vol. 39) ; Jean-Robert Kupper, Les nomades en Méso-
potamie au tempsdes roisdeMari, Paris 1957,Les Belles Lettres, p. 258
(= Bibliothèque de la Faculté de Philosophie et Lettres de l'Université
de Liège - fasc. CXLI) ; J.-R. Kupper, Sutéens et Hapiru, in Revue
d'Assyriologieetd'Archéologie Orientale, vol. 55(1961), p. 197(199) ;
MichaelB.Rowton,DimorphicStructureandtheProblem ofthe 'Apirû-
'/brim, inJournal ofNearEastern Studies, vol. 35, n° 1(1976), p. 13ss. ;
Victor Harold Matthews, Pastoral Nomadism in the Mari Kingdom (ca.
1830-/760B.C.), American School of Oriental Research, 1978, Disser-
tation Series 3, p. 159 ; Oswald Loretz, Habiru-Hebraër, eine sozio-
linguistische Studie über die Herkunft des Gentiliziums 'ibrî vom
Appellativum habiru, Berlin NewYork 1984, De Gruyter, p. 79 ; K.A.
Kitchen, Ramsès II, le pharaon triomphant, Monaco 1985, Le Rocher,
p. 102.
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plus anciens
révèlent ceuxdieux des 'Abiru (le dieu de la lune Sin à Harân) se
des Hourrites73.
AuXVIIesiècle av.J.-C., les archives duRoyaumeamoréendeMari,
à la frontière actuelle syro-irakienne, près d'Abu Kémal, sur l'Eu-
phrate, mentionnent diverses peuplades appelées les Khabiru, ainsi
quelestribusdesBéniYamin(lesfilsduSud),paroppositionàd'autres
tribus, lesBéniSam'al (les fils duNord)74.UnefractiondecesKhabiru
travaillent comme mercenaires 75. D'autres, tels les Béni Yamin, se
livrentaubrigandage.Ils sontrepoussésparZimri-Lim,leroiamoréen
deMari76. LesBéniYaminseretirent alors plus auSud,vers Canaan ;
73. En ce sens l'archéologue Kathleen M. Kenyon, Digging up Jericho
(1957), p. 224 : « There is an incidental point of great interest for Old
Testament History. Hebrew is accepted bymostscholars (though not ail)
astheéquivalentofHabiru andthe Egyptian 'Apiru.Abrahamwascalled
a Hebrew, and it is in the period of the movements of the Habiru bands
that must be set the wanderings of the Patriarchs. These wanderings
cover the area from Mesopotamia to Egypt which is that in which the
Habiru are found. Moreover, there was a close contact between the
Hebrews of the Old Testament and the Hurri, for many of the social
customs and traditional law.found in the Old Testament are.fôutid also
in the Hurrian Mari Texts. »Eadem,Archaeology in the Holy Land, 3rd
ed., 1970, p. 183 : « Such groups (les Khabiru) would therefore be of
mixedorigin, though inanyonebandtheremightwellbeaprédominance
ofone ethnic group, or even homogeneity. » Kenyon rattache les patri-
arches bibliques auxHourrites ;p. 193-194 :«Fromtheevidence oftheir
customs and laws, it is clear that the groups in question had been in
contact with the Hurrians, for similar customs appear in the Mari
documents of about 1700B.C. »Cf. sur le rapport des successions avec
les dieux domestiques et les clauses prohibant au gendre de prendre
d'autres femmes, Hébreux : Genèse, 31/14-21 et 43-54 ; Hourrites :
contrat d'adoption de Wullu par Nashwi, tablettes de Nuzi, in ANET,
p. 219, c. 2, p. 220, c. 1, vers 1500av. J.-C. ; et sur le dieu de la lune Sin
àHarân, dieu des Hourrites :infra, note92;dieudes 'AbiruBéniYamin :
André Finet, Iawi-Ilâ, roi de Talhayûm, in Syria, t. 41 (1964), p. 117
(136-139). Voiraussi dans le sens queles Khabiru constituent unpeuple,
ayant ses propres dieux : R. de Vaux, Le problème des Hapiru après
quinze années, in Journal ofNearEastern Studies, vol. 27, n° 3 (1968),
p. 221 (226-228) ; idem, Histoire ancienne d'Israël, des origines à l'in-
stallation en Canaan, Paris 1971, Gabalda, p. llO-112. Cf. aussi Guy
Rachet, Dict. de l'archéol. (1983), p. 503, c. 2.
74.Archives deMari, règne deZimri-Lim (vers 1730-1700 av. J.-C.), àTell
El-Hariri, lettre de Bannum, lettre 11137 de Ibal-Il, lettre /11131 de
Mashum, ANET, p. 482, c. 1-2 ; p. 483, c.l. Cf. Georges Dossin, Les
archives épistolaires du Palais de Mari, in Syria, t. 19 (1938), p. 105
(116). Et voir André Finet, Iawi-Ilci, roi de Talhayûm, in Syria, t. 41
(1964), p. 117(140-142).
75. Archives de Mari, lettre /1/131 de Mashum, ANET, p. 483, c. 1.
76. Georges Dossin, Les archives épistolaires du Palais de Mari, in Syria,
t. 19 (1938), p. 105 (109-110).
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les Textes d'Exécration égyptiens mentionnent un 'Apiru-'Anu, gou-


verneur de Fahil (Pella), à l'est du Jourdain 77. Quelques siècles plus
tard, les Béni Yamin apparaissent à l'ouest du Jourdain, plus au Sud,
entre Jéricho et Jérusalem, sous le nomde Benyamin (Benjamin), une
tribu des Hébreux 78.
D'autres éléments des 'Abiru/'Apiru/Khabiru émigrent au XVIIe
siècle av. J.-C., àtravers le nord-ouest de la Syrie, simultanément avec
les migrations hourrites. En ce temps-là, les Hourrites sont présents
dansla ville d'Alalakh, près del'embouchure del'Oronte (Al-'Asî), tel
qu'il ressort d'un calendrier alors en vigueur contenant les noms de
certains mois hourrites 79. Les 'Abiru/Hébreux les suivent de près,
commeen témoignentles données concordantes de l'archéologie et de
la Bible. Leprince dela ville de Nahorenvoie une lettre auroi deMari,
mentionnant que les 'Apiru se sont retirés d'une localité et ont occupé
une autre 8°. La Thora signale que, vers la même époque, les ancêtres
des Hébreux se sont établis à Nahor 81.
Au xve siècle av. J.-C., un décret du roi d'Alalakh confère à des
particuliers le titre de maryanu, la noblesse guerrière des Hourrites, et
désigne des prêtres pour le culte du dieu Tessub et de la déesse Hepa,
les divinités hourrites 82. Cela prouve que la ville d ' A l a l a k h subissait
une certaine influence hourrite. En ce m ê m e siècle, les Hourrites
avancent plus au Sud, vers Canaan, mais sont repoussés par les
Egyptiens sous T h o u t m è s III et A m e n h o t e p II 8\ A la m ê m e époque, les
'Apiru c o m m e n c e n t à être mentionnés dans les d o c u m e n t s égyptiens
concernant Canaan. Le ' A p i r se révèle un m a r a u d e u r qui guette aux
abords des villes, cherchant l'occasion propice afin de voler le bétail 84.
Parmi les prisonniers r a m e n é s de C a n a a n en Egypte, figurent des
Hourrites et des 'Apiru Il.
77. Textes d'Exécration égyptiens, de Bruxelles et du Caire, provenant de
Sakkarah (xixc-xvine siècles av. J.-C.), éd. par Posener, n° E 8, ANET,
p. 329, c. 1, note 8.
78. Josué, 18/11-27.
79. Cf. Sidney Smith, APreliminary Account ofthe T,-ibletsfrom Atchana,
in TheAntiquaries Journal, vol. 19 (1939), n° 1, p. 38, 46.
80. Lettre d'Itur-Asdu, prince deNakhur, au roi deMari, l'informant queles
'Apiru (Khabiru) qui ont quitté Shurizum, devant Khalisûmu, prince
d'Ilanzura, sont partis de nuit et ont capturé une autre ville ; in W.F.
Albright, New Light on the Histon, of Western Asici in the Second
Millenium B.C., in BASOR, n° 78 (1940), p. 23 (29).
81. Genèse, 24/1-15.
82. Tablettes d'AlalakhATT/8/49, in Sidney Smith, APreliminarvAccount
ofthe TabletsfromAtchana, in TheAntiquaries Journal, vol. 19(1939),
p. 38 (43).
83. Supra, note 68.
84. Lettre de Thoth, un officier de l'armée de Thoutmès III, à la prise de
Joppa, papyrus 10060 British Museum, verso i-iii, ANET, p. 22, c. 2.
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Au xive Siècle av. J.-C., l'Égypte est occupée avec sa révolution


monothéiste, sous Akhénaton, mais elle arrive quand mêmeà canton-
ner les Hittites dans le nord de la Syrie 86. Une fraction des 'Apiru
séjournent encore au sud-est de l'Asie Mineure, à la frontière actuelle
syro-turque, car les traités de paix contractés par les Hittites mention-
nent, parmi les divinités locales, les dieux des Hapiri R7. D'autres
éléments s'infiltrent en Canaan, comme le démontrent les lettres de
Tall Al-'Amarna, car les princes de Canaan se lamentent des raids
effectués par les 'Apiri, parmi lesquels des serviteurs et des esclaves
s'adonnent au pillage88. LaThora de mêmerapporte, qu'au xive siècle
av. J.-C., les ancêtres des Hébreux se séparent en deux groupes, un
groupe reste à Nahor, à la frontière syro-turque, et un autre groupe
descend au Sud vers Canaan R9.
Livres sacrés

Nul douteque les Hébreux dela Bible ('Ibrîm) constituent ungroupe


homogène, ces peuplades migratrices des 'Abiru/'Apiru/Khabiru,
accompagnant les Hourrites. La Thora signale que les ancêtres des
Hébreux, vers le XVIIesiècle av. J.-C., vivaient à Harân 9°, ville située
au sud-est de la Turquie actuelle91, au nord de la frontière syro-turque,
85. Stèle deMemphis, règne d'Amenhotep II (1439-1406 av. J.-C.), n° 6301
Musée du Caire, an 9, li. 30, ANET, p. 247, c. 1.
86. Cf. Claire Lalouette, L'Empire des Ramsès, Paris 1985, Fayard, p. 64 ss.
87. Liste des dieux, mentionnés dans le traité passé entre Suppiluliumas
(l390-l354 av. J.-C.), roi des Hittites, et Kurtiwaza, le prince des
Hourrites, roi deMitanni,ANET,p. 206,c. 1;liste desdieux, mentionnés
dans le traité passé entre Mursilis (l353-l323 av. J.-C.), roi des Hittites,
et Duppi-Tessub d'Amurru, n° 18,ANET, p. 205, c. 1.
88. Lettres de TallAl- 'Amarna, lettre n° 254 de Lab'ayu, li. 30-36, ANET,
p. 486, c. 1; lettre n° 271 de Milkilu, li. 15-20,ANET,p. 486, c. 1; lettre
de Shuwardata, li. 20-25, ANET, p. 487, c. 2 ; lettre n° 286 de 'Abdu-
Heba, li. 15-20, li. 55 ss., ANET, p. 487, c. 2 ; p. 488, c. 1; lettre n° 287
de 'Abdu-Heba, li. 30 ss., ANET, p. 488, c. 1; lettre n° 288 de 'Abdu-
Heba, li. 29-30, li. 43-44, ANET, p. 488, c. 2 ; p. 489, c. 1; lettre n° 289
de 'Abdu-Heba, li. 20-24, ANET, p. 489, c. 1; lettre n° 290 de 'Abdu-
Heba,li. 24,ANET,p. 489, c. 1;lettre n° 298deYapahu,li. 25-30,ANET,
p. 490, c. 1. Et voirAdolphe Lods, Israël des origines au milieu du VIIIe
siècle, Paris 1949, Albin Michel, p. 55 ss. ; J.-M. Powis Smith, The
Origin and History of Hebrew Law, Chicago 1960, The University of
Chicago Press, p. 15. Comp. P. Jouguet, E. Dhorme, Lespremières civi-
lisations, 2eéd., Paris 1950, PUF, p. 316-317.
89. Genèse, 12/1-5 ; 24/1-15.
90. Genèse, 12/1-5.
91. The TimesAtlas ofthe World, London 1959, The Times Publishing Co.,
vol. II, South-WestAsia &Russia, pl. 37, E9.
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et qui entrait alors dans la sphère d'activité des Hourrites. Encore au


xivesiècle av. J.-C., Harândépend des Hourrites, carle traité passé entre
les Hittites et les Hourrites cite, parmi les divinités de ces derniers, le
dieu de la lune à Harân 92. Harân forme une étape sur la route des
caravanes, d ' o ù son nom, tiré de h â r a , la route 93.
La Thora mentionne q u ' A b r a h a m , l'ancêtre putatif des Hébreux 94,
émigra vers Harân, à destination de Canaan, venant d ' U r des Chal-
déens 95. Cette mention constitue un anachronisme : une ville du n o m
d ' U r existait, vers le temps de H a m m u r a b i , au XVIIIe siècle av. J.-C., au
sud de Babylone 96, mais elle ne s'appelait pas en ce temps-là U r des
Chaldéens, car les Chaldéens n' apparaissent dans 1' histoire que plusieurs
siècles plus tard. Abraham, dans la Thora, déclare que sa terre natale est
A r a m Naharayim ( l ' A r a m des Fleuves)97, contrée qui se situe, d ' a p r è s
les sources égyptiennes, tout à fait au Nord, à la frontière syro-turque
actuelle, au sud-ouest de l'Arménie 91. Là aussi se trouvent les villes de
N a h o r et de Harân, dans lesquelles vivaient, d ' a p r è s la Thora même, les

92. Traitéde Suppiluliumas (1390-1354av. J.-C.), roi des Hittites, et Kurti-


waza, le prince des Hourrites, roi de Mitanni, ANET, p. 206, c. 1.
93. E. Dhorme, LesHabirou et les Hébreux, in Revue Historique, 1954,1.l,
p. 256 (263) ;W.F. Albright, Abram the Hebrew, a tiem, archaeological
Interprétation, in BASOR, n° 163 (1961), p. 36 (41).
94. Genèse, 25/19, 26 ; 35/9-l0.
95. Genèse, 11/28-31 ; 15/7.
96. Descente d'Inanna aux enfers , tablettes de Nippur, Musée de l'Orient
Ancien à Istanbul et University Museum à Philadelphie ; la déesse
Inanna, avant sa descente aux enfers, donne des instructions à son
messager Ninshubur, que si elle ne revient pas dans troisjours, il doit se
diriger vers le dieu de la lune à Ur et l'implorer de sauver la déesse ;
ANET, p. 52-57, spéc. li. 49-50, li. 190 ss., p. 54, c. 1; p. 56, c. 1.
97. Genèse, 24/4, 7, 10.
98. Inscription de la tombe d'Ahmos à El-Kab, Haute-Égypte, capitaine
d'un bateau du Nil sous le règne d'Ahmos Ier(vers 1570-1545 av. J.-C.)
et de Thoutmès Ier (vers 1525-1495 av. J.-C.), li. 36-37, ANET, p. 234,
c. 1 ; Annales de Thoutmès III (vers 1490-1436 av. J.-C.), temple de
Karnak. an 23, li. 20-25, ANET,p. 235, c. 2 ; an 33, ANET,p. 239, c. 2 ;
an42, campagnes 16et 17,li. 11-20, ANET,p. 241,c. 2 ;Stèle d'Armant,
Haute-Egypte, règne de Thoutmès III, ANET, p. 240, c. 1 ; Stèle de
Barkal, 4e cataracte, règne de Thoutmès III, li. 10-15, ANET, p. 240,
c. 2 ; Hymne de Victoire de Thoutmès III, Stèle de Karnak, n° 34010
Musée du Caire, li. 5-10, ANET, p. 374, c. 1; Biographie d'Amen-em-
Heb, tombe na85de Thèbes, un soldat de l'armée deThoutmès III, li. 5-
11,ANET,p. 241, c. 1;Stèle deMemphis, règne d'Amenhotep II (1439-
1406av. J.-C.), n° 6301 Musée du Caire, an 7,ANET,p. 245-247 ;Stèle
de Bentresh, temple d'Amon à Karnak, Louvre C284, iv7inc siècles av.
J.-C., ANET,p. 29, c. 2. Etvoir RogerT. O'Callaghan, AramNaharaim,
a Contribution to the History of Upper Mesopotamia in the second
MilleniumB.C.,Roma 1948,Pontificium Institutum Biblicum, p. 132ss.
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ancêtres des Hébreux99. Ces villes sont également mentionnées par les
Archives de Mari, au XVIIesiècle av. J.-C. [(Jo.Unpeu plus au Nord, au
pied de la région arménienne, se trouve une autre ville du nom d'Ur,
laquelle constituait, au xive siècle av. J.-C., un centre important sur la
route des caravanes lOI.C'est d'Ur l'arménienne que sont originaires
les ancêtres des Hébreux. Laroute partant d'Ur, au pied de l'Arménie,
et descendant vers Canaan,oùsedirigeaient les ancêtres desHébreux 102,
passe nécessairement par Harân, là où les ancêtres firent halte. Alors
que la route menant de Chaldée en Canaan traverse Mari, Palmyre et
Qatana, et ne se dirige pas vers l'Asie Mineure à l'extrême Nord ; ce
serait un long détour, inutile et inusité 103.
Les prêtres de l'Exil, en Chaldée, quelque douze siècles après les
événements qu'ils décrivent, trouvèrent dans les sources dont ils
disposaient le nom d'Ur, et crurent qu'il s'agit de la ville chaldéenne
qu'ils connaissent, oubliant toutes les autres données qui convergent
vers l'Ur arménienne.
Bref, les Hébreux sont originaires du sud-ouest de la région
arménienne, en Asie Mineure. C'est là aussi que se situent les pre-
mières mentions des 'Abiru/'Apiru/Khabiru.

De Canaan en Égypte

Les 'Abiru/'Apiru/Hébreux se déplacent, du xve au XIe siècles av.


J.-C., entre Canaan et l'Egypte.
Au xve siècle av. J.-C., les 'Apiru rodent aux alentours des villes de
Canaan, vivant de rapine. Amenhotep II en ramène des prisonniers
de guerre en Égypte l04. Vers la même époque, le clan d'Israël/Jacob

99.Genèse, 24/1-15 (Nahor) ; 12/1-5 (Harân).


100.Georges Dossin, Les archives épistolaires du Palais de Mari, in Syria,
t. 19 (1938), p. 105 (115).
101.Illscriptions du règne de Tiglath-PileserIII, roi d'Assyrie, VICsiècle av.
J.-C., découvertes à Nimrud-Kaleh, mentionnant Ura parmi les loca-
lités de Harân (Turtân en assyrien), au Nord, sur la route perçant les
corridors montagneuxallantvers les montagnesdel'ouest del'Arménie.
Ura formait un grand centre de caravanes au xivc siècle av. J.-C. ; elle
est mentionnée par des textes d'Ugarit, de Bogazkoy et d'Alalakh. Cf.
sur tout cela : D.J. Wiseman, AFragmentary Inscription of Tiglath-
Pileser IIIfrom Nimrud, in Iraq, vol. 18(1956), p. 117, pl. 22, li. 20 et
le comm., p. 120 ss.
102. Genèse, 11/31.
103. Voirsur cette route :W.F.Albright,Ahram theHebrew, a neH'archaeo-
logical Interprétation, in BASOR, n° 163 (1961), p. 36 (41).
104. Supra, note 85.
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émigre en Égypte et jouit de la bienveillance des Égyptiens, comme


l'atteste la Thora 105.
Auxivesiècle av.J.-C., une fraction des 'Apiru exercent des coups de
force en Canaan l06. Ils sont maîtrisés par Séti Ier vers 1300 av. J .-C. 107.
Au XIIcsiècle av. J.-C., les guerres égypto-hittites aboutissent à une
période de paix et de prospérité. La Tax aegyptiaca' règne, le com-
merce international fleurit, les marchands et les voyageurs affluent
Des villes féeriques surgissent, de grands monuments s'élèvent, les
montagnes se transforment en temples l09. La détente porte ses fruits,
unva-et-vient domine, les voyages font partie de la vie quotidienne 110.
Moïse, ceprêtre égyptien enconflit avec le pouvoir 1", conduit, sous
R a m s è s II "2, divers groupes hétérogènes, de provenances différentes,
vers le Sinaï, parmi lesquels figurent des H é b r e u x "3. Ces groupes
cherchent à s'infiltrer en Canaan, mais leurs efforts se soldent par un

105. Genèse. ch. 42 ss.


106. Lettres de TallAI-'Amarna, supra, note 88.
107. Stèle de Beth-Shan, règne de Séti Ier(vers 1302-1290 av. J.-C.), en ba-
salte, n° 885 Musée de Jérusalem, li. 10 ss., ANET, p. 255, c. 1.
108. Cf. Claire Lalouette, L'Empire des Ramsès, Paris 1985, Fayard, p. 154
ss.
109.Papyrus 10243British Muséum,recto i 1- ii 5. etpapyrus 10246British
Muséum, recto i n- iii 9, fin du XIIIesiècle av. J.-C., ANET, p. 470, c. 2 ;
p. 471. c. 1-2. Et voir Claire Lalouette, l'Empire des Ramsès (1985),
p. 401 ss.
110. Cf. Pierre Montet, La vie quotidienne en Égypte au temps des Ramsès,
Paris 1974, Hachette, p. 167 ss.
111. Strabon, Géogr., xvi, 35.
112. Exode, ch. 6 ss. La Thora rapporte que les Hébreux travaillaient dans
les villes-entrepôts de Pitom (Pr-Atum) et de Ramsès ; Exode, 1/11.
RamsèsII fondaunenouvellecapitale àl' estduDelta, près deTanis/Sân
El-Hajar, qui s'appelait Pr-Ramsès : la maison de Ramsès ; papyrus
11° 10243, 10246 et 10249duBritish Museum,ANET,p. 470-47l. Cela
signifie que la résidence des Hébreux dans les villes-entrepôts et
l'Exode qui s'ensuivit se situent sous le règne de Ramsès II. Demême,
les Hébreux errent dans le désert après leur sortie d'Égypte durant une
quarantaine d'années (Deut., 1/3). soit le temps d'une génération, puis
cherchent à s'infiltrer en Canaan, mais sont stoppés par Merenptah ;
Hymnede victoire de Merenptah (vers 1224-1214 av. J.-C.), an 5, Stèle
de Thèbes, na 34025 Musée du Caire, in fine, ANET, p. 378, c. 1. Cela
prouve que l'Exode eut lieu une génération avant Merenptah, sous le
règne de Ramsès II. Voir pour une autre opinion, reportant l'Exode
après Merenptah :Pierre Montet, L'Egypte et la Bible, Neuchâtel 1959,
Delachaux &Niestlé, p. 29 ss.
113.LafoulequisuitMoïsenesecomposepasuniquementd'Hébreux,mais
se révèle une foule mêlée, comme l'atteste la Thora ; Exode, 12/38.
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échec "4. Vers 1219, Merenptah entreprend une campagne en Canaan


et triomphe des Béni Israël "5.
Auxiiesiècle av. J.-C., les Hébreuxqui avaientchoisi denepas suivre
Moïse, vivent encore en Égypte et travaillent dans les temples "6.
D'autres groupesd'Hébreux, parmieuxceuxquiétaientsortis d'Égypte,
s'infiltrent en Canaan, lentement et graduellement "7, comme le
faisaient autrefois lepeuple apparenté des Hourrites "8. Mais Canaan
reste dépendantdel'Egypte, commele prouvele cartouchedeLachish,
scellant les portes de la ville du nom de Ramsès III (1194-1163 av.
J.-C.) 119

Résumé

Bref, les Hébreux de la Bible se révèlent de souche arménoïde, un


mélange d'Asianiques et d'Indo-Européens ; ils forment un groupe
homogène apparenté aux Hourrites, à identifier avec les 'Abiru/
' A p i r u / K h a b i r u des textes extrabibliques 1211. Ils vivent encore au stade

114. Deut., 34/4.


115. Hymne de victoire de Merenptah, supra, note 112.
116. Unrapport sur l'état destemples sous RamsèsIII(1195-1164av.J.-C.),
cite qu'un certain nombre de 'Apiru travaillent dans le temple d'Hélio-
polis ; papyrus na 10053 British Muséum, xxxi/8, ANET, p. 261, c. 1.
Encore sous Ramsès IV (1155-1148 av. J.-C.), des 'Apiru travaillaient
dans les carrières de pierre de Wadi Hammamat, en Haute-Egypte ; cf.
Raphael Giveon, in Lexikon der Àgyptologie, herausg. von Wolfgang
HelckundWolfhartWestendorf. art. 'Hapiru , Bd. n,c. 953,Wiesbaden
1977, Harrassowitz.
117. Laprétendue conquête sanglante de CanaanparJosué est démentie par
l'archéologie ; cf. pour les détails : Sarwat Anis AI-Assiouty, Recher-
ches comparées sur le Christianisme Primitifet VIslâm Premier, t. n :
Jésus le Non-Juif, Paris 1987, Letouzey &Ané, p. 69, notes 7-9, p. 73-
76, notes 46-81. Adde : Kathleen M. Kenyon, The Bible and recent
Archaeology, revised ed. by P.R.S. Moorey, London 1987, British
Museum Publications, p. 71-76.
118. Supra, note 66.
119. Cartouche de Ramsès III, fragment de bronze provenant d'un monu-
ment public ou, possiblement, des portes de la ville de Lachish, in
Kathleen M. Kenyon, The Bible and recent Archaeology, rev. ed. by
P.R.S. Moorey (1987), p. 76, fig. 42.
120. L'identification des Hébreux aux 'Abiru/'Apiru/Khabiru remonte à
Hugo Winckler, Geschichte lsraels, t. 1(1895), p. 20 ss. ; idem, Die
Hebriier inclen Tell-Amarna-Briefen, inaltorietitalische Forschungen,
3. R., III (1901), p. 90 ss. De même : Jurgen von Beckerath, Tanis und
Theben, Historische Grundlagen der Ramessidenzeit in Âgypten,
Glückstadt Hamburg New York 1951, Verlag Augustin, p. 53, p. 68
(=Àgyptologische Forschungen, herausg. vonAlexander Scharff, Heft
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du nomadisme pastoral. Ce sont des 'Abiru, des hordes qui passent et


repassent les frontières despays avoisinants, et des 'Apiru, des gens du
désert couverts de poussière.
Lenomd'Hébreuxest donné àces peuplades nomades, audébut, par
les peuples sédentaires duMoyen-Orient, maisles Hébreux dela Bible
adoptent ce nom et 1' utilisent pour leur propre compte j u s q u ' à l'Exil 121.

16) ; Kathleen M. Kenyon, Digging up lericho (l957), p. 224 ; W.F.


Albright, Abram the Hebrew, a new archaeological Interpretation, in
BASOR, n° 163 (1961), p. 36 (53-54) ; Kathleen M. Kenyon, Archae-
ology in the Holy Land, 3rd ed., 1970, p. 183-184 ; R. de Vaux, Histoire
ancienne d'Israël (1971), p. 202-207 ; N.P. Lemche, The "Hebrew
Slave", Comments on the Slave Law Ex. XXI, 2-11, in Vêtus Testamen-
tum, vol. xxv, fasc. 2, 1975, p. 129 (138) ; André Caquot, La religion
d'Israël des origines à la captivité de Babylone, in Histoire des
religions, dir. par Henri-Charles Puech, Paris 1982, Gallimard, Biblio-
thèque de la Pléiade, t. l, p. 359 (378-379) ; Guy Rachet, Dict. de
l'archéol. (1983), p. 412, c. 1 ; p. 502, c. 2 ; p. 503, c. 1-2 ; Mythes et
croyances du Monde entier, sous la dir. d'André Akoun, Paris 1985,
Lidis-Brepols, t. n, p. 62. Indécis : Moshe Greenberg, The Hab/piru,
New Haven, Conn. 1955, American Oriental Society, p. 93 ss. (= Ameri-
can Oriental Series, vol. 39). Contra : Emil G. Kraeling, Light from
Ugarit on the Khabiru, in BASOR, n° 77 (1940), p. 32 ; Edouard
Dhorme, Les Habirou et les Hébreux, in Revue Historique, t. 1 (1954),
p. 256 (262) ; Henri Cazelles, Hébreu, Ubru et Hapiru, in Svria, vol. 35
(1958), p. 198 ss. ; Encyclopaedia ludaïca, Jerusalem 1971, vol. 7, art.
'Habiru', c. 1034-1035 ; E. Lipinski, L'Esclave Hébreu, in Vetus
Testamentum, vol. xxvi, 1976, p. 120 ss. : Oswald Loretz, Habiru-
Hebrder, eine sozio-linguistische Studie iiber die Herkunft des Genti-
liziums 'ibrÎ vom Appellativum habiru, Berlin New York 1984, De
Gruyter, p. 247.
121. Selon la Thora, les Béni Israël sont les fils d'Abraham, lui-même des-
cendant de Éber ; Genèse, 10/21, 24, 25 ; 11/16-26. Abraham, dans la
Thora, s'appelle 'Abram, l'Hébreu' ; Genèse, 14/13. Jonas dit de lui-
même : 'Je suis Hébreu' ; Jonas, 1/9. Joseph, fils d'Israël, raconte qu'il
a été enlevé du 'pays des Hébreux' ; Genèse, 40/15. Les Égyptiens
appellent les Béni Israël des Hébreux ; la femme du maître de Joseph
convoque ses domestiques et leur dit que son mari a amené 'un
Hébreu' ; Genèse, 39/14; 'un esclave hébreu' ; Genèse, 39/17. Le grand
échanson du Pharaon annonce au roi, à propos de Joseph, qu'il connaît
'un jeune Hébreu', interprète des songes ; Genèse, 41/12. Plus tard,
Pharaon ordonne aux accoucheuses des femmes des 'Hébreux' de faire
mourir les enfants mâles ; Exode, 1/15-16, 19. La fille du Pharaon, en
voyant l'enfant Moïse, s'exclame : « C'est un des petits Hébreux », et
demande une nourrice parmi les femmes des 'Hébreux' ; Genèse, 2/6-
8. Moïse grandit, s'achemine vers Pharaon et lui fait savoir que Yahvé,
le Dieu des 'Hébreux', ordonne de relâcher les Béni Israël ; Exode, 3/
18 ; 5/3 ; 7/16 ; 9/1, 13. La Thora elle-même appelle les Béni Israël des
'Hébreux', quand elle veut les distinguer des Egyptiens ; Genèse, 43/
32 ; Exode, 1/15 ; 2/11, 13. Les siècles suivants, les Béni Israël s'in-
filtrent en Canaan et sont combattus par les Philistins. Ces derniers
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Les Hébreux descendent au cours des siècles du Nord au Sud, de


Cappadoce, en Asie Mineure, et de l'ouest de l'Arménie, vers la terre
de Canaan. Aux yeux des 'Apiru poussiéreux du désert, la terre
verdoyante et fertile de Canaanparaît commeunparadis "qui ruisselle
de lait et de miel 122. Yahvé, le dieu guerrier des nomades, leur promet,
par serment, d'y entrer 123.
b. Aryens de l'Inde
Géographie etpopulation
L'Inde reçut son nom du grand fleuve qui traverse le nord-ouest du
pays. Les Indiens l'appelaient Sindhu, les Iraniens Hind, les Grecs
Indos, les R o m a i n s Indus, d ' o ù est tiré le français Indus 121.

appellent les Béni Israël 'les Hébreux' J Samuel, 4/6,9 ; 13/19; 14/11 :
29/3, et les Béni Israël se dénomment eux-mêmes 'les Hébreux' ;
I Samuel, 13/3 ; 14/21. Après des siècles, les rédacteurs des livres
sacrés, en des textes adressés aux Juifs, fixent les règles de l'esclavage :
« Si ton frère hébreu, homme ou femme, se vend à toi .. » ; Dent., 15/
12. Au vic siècle av. J.-C., les Babyloniens assiègent Jérusalem (589-587
av. J.-C.), et le prophète Jérémie transmet aux Juifs l'ordre de Yahvé :
que chacun renvoie libres ses esclaves hébreux, hommes et femmes,
personne ne doit plus tenir en servitude un Juif, son frère ; Jérémie, 34/
9. Car Yahvé a conclu avec les pères une alliance stipulant : « Au bout
de sept années, chacun de vous libérera son frère hébreu qui se sera
vendu à toi » ; Jérémie, 34/14. Bref, Hébreu est synonyme de Juif, et les
Béni Israël sont les Hébreux, non seulement lorsqu'il s'agit de les
distinguer des étrangers, comme le prétendent certains auteurs, mais
aussi dans les textes de la Thora et des Prophètes concernant les Juifs
entre eux. De plus, les Hébreux s'identifient aux 'Abiru/'Apiru/Khabiru
des textes anciens, la Bible concorde avec l'archéologie sur la marche
des Hébreux et des 'Abiru dans le temps et dans 1' espace, du nord au sud,
de l'est de l'Asie Mineure jusqu'en Egypte.
122. Exode, 3/8, 17 ; 13/5 ; 33/3 : Lév., 20/24 ; Nombres, 13/27 ; 14/8 ; Deut.,
6/3 ; 11/9 ; 26/9 ; 26/15 ; 27/3 ; 31/20 ; Josué, 5/6.
123. Genèse, 15/7 ; 17/8 ; 50/24 ; Nombres, 11/12 ; 14/16,23 ; 32/11 ; Deut.,
1/8 ; 6/23 ; 8/1 ; 11/9 ; 19/8 ; 26/15 ; 31/20,23 ; 34/4 ; Josué, 5/6 ; Juges,
2/1.
124. Hérodote, Hist., IV, 44 ; Strabon, Géogr.,xw, 1, 32 ; Pline l'Ancien, Hist.
nat., vi, 71 XXIII (20) ; Ptolémée, Géogr., VII, 1, 2. Cf. Élisée Reclus,
Nouvelle géographie universelle, la terre et les hommes, t. vin : l'Inde
et l'Indochine, Paris 1883, Hachette, p. 19-20 ; Pierre Meile, in Louis
Renou et Jean Filliozat, L'Inde classique, manuel des études indiennes,
Paris 1947, Payot. Bibliothèque Scientifique, t. l, n° 6, p. 22 ; G.M.
Bongard-Levin i G.F. Il'in, Drevnjaja Indija, Moscou 1969, Izd-vo
Nauka, p. 6.
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L'Inde, c ' e s t l'Italie à l'échelle asiatique, située au sud de l'Asie, sur


la péninsule du Dekkan. Au Nord, elle est bornée par l ' H i m â l a y a , la
plus haute chaîne de montagnes qui existe dans le monde, pareille à un
arc prodigieux de montagnes gigantesques, qui ouvre ses deux bras
par-delà l'Indus et le Gange, c o m m e p o u r protéger l ' I n d e ou plutôt
l'isoler du reste du monde. L'Himâlaya, ou séjour des neiges, s ' é t e n d
des hauteurs du Pamir, ce plafond du globe terrestre, vers le plateau du
Tibet et les chaînes de Birmanie. Au pied de cette i m m e n s e colonnade
naturelle se situent, vers l'Ouest, les plaines verdoyantes du Pafijâb,
s'effaçant graduellement devant une contrée désertique et aride et, vers
l'Est, les forêts épaisses du Bengale. A l'Est, s ' é c h e l o n n e n t des
montagnes peu élevées, mais d ' a c c è s difficile, séparant l ' I n d e des pays
de la péninsule indochinoise. A l'Ouest, s ' é t e n d e n t des contrées
désertiques et semi-désertiques avec des paysages montagneux. Au
Sud, la péninsule du Dekkan, dont le n o m signifie le Sud, avance
profondément dans l'océan Indien, se terminant en pointe à la forme
d ' u n i m m e n s e triangle renversé, baigné aux deux flancs par la mer,
séparé des eaux par deux chaînes de montagnes, les Ghâts occidentaux
et orientaux l25.
Cet isolement géographique de l'Inde entrava le contact de sa
population avec le monde extérieur. La muraille gigantesque de
montagnesetlesvagueshouleusesdelamerapposèrentuneempreinte
indélébile sur la destinée tragique de son peuple hétérogène.
Laterre fertile de l'Inde allèche de tout temps les peuples colonia-
listes.Atravers lespassesétroitesquipercentàgrandpeinela muraille
revêche des montagnes septentrionales, se succèdent, avec acharne-
ment, au cours des siècles, des vagues de migrations qui foncent à
l'Ouest, dans la vallée du Pafijâb (Pafich-âb : les cinq rivières), et
s'avancent plus loin vers l'Est, dans la vallée du Gange, émiettant le
pays endesEtats minuscules ennemis. Cespeuples émigrés refoulent
graduellementla population autochtone vers le Sudet vers l'Est, et se
superposentl'un aprèsl'autre, telleslescouchesdelimonqu'apportent
decrue encrue les eauximpétueuses dufleuve indompté. Cesforma-
tions se concentrent, d'abord, dans le Pafijâb, puis diminuent en
intensité au fur et à mesure qu'elles s ' e n éloignent 126.

125. Géographie universelle Larousse, 1.II, dir. Pierre Deffontaines, Paris


1959, Libr. Larousse, p. 225 ss. ;Kratkaja Geograficeskaja Énciklope-
dija, Moscou 1961, Izd-vo Sov. Enc., t. 2, p. 97 ss.
126. Panchanan Mitra, Prehistoric India, 2nd ed., University of Calcutta
1927, p. 37 ss., 48 ss., 231 ss., 398 ss., 447 ; Masson-Oursel, L'Inde
antique et la civilisation indienne. Paris 1951,Albin Michel, p. 24 ss. ;
Vsemirnaja Istorija, éd. par Zukov et autres, Moscou, Pol. Lit., t. 1
(1955), p. 422 ss., p. 597 ss. ;t. n(1956), p. 542ss. Voirsur l'historiogra-
phie del'Inde: :A.M. Osinov, Obindijskojnacional'nojIstoriografiipo
drevnej i srednevekovoj Indii, in Istoriografija Stran Vostoka, Moscou
1969, Izdo-vo Mosk. Univ., p. 118 ss.
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C'est ainsi que la population actuelle de l'Inde se compose d'une


véritable gamme d'éléments pluri-ethniques : Munda, Dravidiens,
Aryens, Mongols, parlant les langues les plus diverses, mais formant
quand mêmeune unité intrinsèque permettant de constater l'existence
d'une 'pensée indienne' 127.
Civilisation harappéenne
Certains auteurs affirment que l'Inde ancienne n'a pas d'histoire 12K,
elle n'a été ni un empire, ni une patrie, ni une nation, bien qu'elle ait
formé une civilisation indienne l29. Les idéologues du colonialisme
utilisaient la conquête aryenne de l ' I n d e dans le but de propager l'idée
de l'infériorité raciale de sa population autochtone. Mais la découverte
de l ' a n t i q u e civilisation h a r a p p é e n n e porta un coup mortel aux idées
racistes 13°. Cette civilisation, dont les instigateurs sont probablement
des Dravidiens à la peau foncée de l ' I n d e du Sud 131, tire son n o m de

127. N.P. Anikeev, 0 materialisticeskih Tradicijah indijskoj Filosqfii, Mos-


cou 1965, Izd-vo Nauka, p. 13 ; Raaja Rao, L'unité au-delà de la
diversité, in Dossiers Histoire et Archéologie, n° 104, 1986,p.71,c. 1-
2. Voir sur la population de l'Inde : Pline l'Ancien, Hist. nat., VI, i, 64 XXI
in fine ; 73-78 XXIII (20) ; Gustave Le Bon, Les civilisations de l'Inde,
Paris 1887, Firmin-Didot, p. 70 ss. ; Gaston Courtiller, Les anciennes
civilisations de l'Inde, Paris 1938, Armand Colin, p. 7 ss. ; Pierre Meile,
in Louis Renou et Jean Filliozat, L'Inde classique, manuel des études in-
diennes, 1.1, 1947, n° 51 ss., p. 43 ss. ; Masson-Oursel, L'Inde antique
et la civilisation indienne (1951), p. 12 ss. ; E.J. Rapson, in The
Cambridge History of India, vol. i, 1" Indian Reprint, Delhi 1955,
Chand & Co., p. 33 ss. ; Juan Roger Riviere, Las Razas de la India, in
Boletin de la Associacfon Espaiiola de Orientalistas, Ano v, 1969,
p. 147 ss. ; M. Pfeiffer, art. 'Indische PrimitivvOlker " in Wijrterbuch
der Mythologie, herausgg. von H.W. Haussig, Bd. v : Gôtter und
Mythen des Indischen Subkontinents, Lief. 16 : Mythologie der Indi-
schen PrimitivvOlker, Wiesbaden 1978, Klett-Cotta, p. 670 ss. Et voir
sur les langues de l'Inde : H. de Willman-Grabowska, in Masson-
Oursel, L'Inde antique et la civilisation indienne, p. 255 ss. ; Louis
Renou, in Louis Renou et Jean Filliozat, L'Inde classique, manuel des
études indiennes (1947), n° 67 ss., p. 52 ss. ; Pierre Meile, in Louis
Renou et Jean Filliozat, n° 118 ss., p. 84 ss.
128. Voir par exemple : Gustave Le Bon, Les civilisations de l'Inde (1887),
p. 195.
129. Henri Berr, in Masson-Oursel, L'Inde antique et la civilisation indi-
enne (1951), Introd., p. IX.
130. E.J. Rapson, in The Cambridge History of India, Delhi 1955, Chand &
Co., vol. l, Preface, p. V ; G.M. Bongard-Levin i G.F. Il'in, Drevnjaja
Indija, Moscou 1969, Izd-vo Nauka, p. 87-88, p. 119-120 ; Jan Gonda,
Les religions de l'Inde, i : Védisme et hindouisme ancien, Paris 1979,
Payot, p. 15.
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l'ancienne ville de Harappâ, et atteint son apogée dans les cités de


l'Indus, notammentàMohenjo-Dâro, vers 2500av.J.-C., unmillénaire
avant l'irruption des hordes aryennes dans l'Inde.
Plus de quatre-vingt-cinq sites, appartenant à la civilisation de
l'Indus, ont été mis au j o u r 132. Les cités se caractérisent par deux
ensembles : une ville haute et une ville basse. La ville haute c o m p r e n d
une citadelle, souvent entourée d ' u n puissant m u r qui peut atteindre
j u s q u ' à quatorze mètres d ' é p a i s s e u r à la base, ayant une grande porte
fortifiée, et défendu par de n o m b r e u x bastions et des tours d ' a n g l e
carrées et massives. Les villes de la civilisation de l ' I n d u s sont
planifiées en damier, les rues se coupent à angle droit. Il en est ainsi
n o t a m m e n t à Mohenjo-Dâro. Les blocs d ' h a b i t a t i o n qui en émergent
mesurent 390 m sur 260 m. Les rues varient en largeur de 13,5 à 33
pieds. La ville c o m p r e n d une grande salle rectangulaire à piliers (vingt
en quatre rangées de cinq), un grand bain, une grande piscine, proba-
blement à usage rituel. D ' é n o r m e s greniers (50 m sur 25 m) se montrent
trop vastes pour être propriété privée ; ils sont flanqués de maisonnettes
qui abritaient sans doute les travailleurs ou les esclaves chargés
d ' e m m a g a s i n e r et de piler le grain. Un superbe système de canalisa-
tions permet de drainer l'eau de pluie. Les maisons de M o h e n j o - D â r o
sont munies d ' u n puits parementé de briques, qui se dressent telle la
cheminée d'usine, ainsi que d ' u n e salle d ' e a u pavée de briques avec
écoulement en tuyaux de poterie et puits de décantation l3\
La population de la civilisation de l ' I n d u s 134 c o m p r e n d diverses
classes distinctes : à la campagne, des paysans pratiquent l'agriculture
131. Bol'saja Sovetskaja Enciklopedija, 3eIzd., t. 8, Moscou 1972, art.
'Dravidy', p. 472, c. 2 ; K.P. Bahadur, AHistory ofIndian Civilisation,
vol. i :Ancient India, New Delhi 1979, Ess Ess Publications, p. 5.
132. Guy Rachet, Dict. de l'archéologie, Paris 1983, Laffont, p. 555, c. 1.
133. Voir sur tout cela : A.D. Pusalker, in The History and Culture of the
Indian People, The VedicAge, ed. by R.C. Majumdar, London 1951,
Allen &Unwin, p. 169 ss. ;MortimerWheeler, TheIndus Civilization,
Cambridge 1953, At the University Press, p. 14 ss. (= The Cambridge
History of India, Supplementary Volume) ; Damodar Dharmanand
Kosambi, Culture et civilisation de l'Inde ancienne, Paris 1970, Mas-
pero, p. 80 ss. ;Arthur L. Basham, La civilisation de l'Inde ancienne,
Paris 1976, Arthaud, p. 36-38 ; V.D. Mahajan, AHistory qfIndia, Part
i :Ancient India, NewDelhi 1980, Chand, p. 16ss. ; Guy Rachet, Dict.
de l'archéologie (1983), p. 404, c. 1-2 ;p. 483, c. 2;p. 555, c. 2 ;p. 634-
636. Et voir pour d'autres villes : Essays in Indian Protohistory, ed. by
D.P. Agrawal and Dilip K. Chakrabarti, Delhi 1979, B.R. Publishing
Corporation, les articles de Jim G. Shaffer, p. 17 ss. ; Suman Panday,
p. 49 ss. ;J.P. Joshi, p. 59 ss. ;B.B. Lal, p. 65 ss. ;J.M. Casal, p. 99 ss. ;
Y.M.Chitalwala, p. 113ss. ;K.N. Dikshit, p. 123 ss. ;S.C. Malik, p. 187
ss. ; Dilip K. Chakrabarti, p. 205 ss.
134. Voir sur la constitution de cette population : V.P. Alekseev, Antropo-
logiceskij Sostav Naselenija Drevnej Indii, in Indija v Drevnosti,
Moscou 1964, Izd-vo Nauka, p. 19 ss.
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à l'aide de charrues, comme en témoignent les traces de sillons par-


allèles dans un champ proche du site de Kalibangan 135,et les grands
greniers sus-mentionnés, pourvus parfois d'un système d'aération,
découverts àHarappâetàMohenjo-Dâro. Dansles villes, desartisans
fabriquent divers articles et des commerçants trafiquent dans le com-
merceintérieuret extérieur aveclaMésopotamie. Lesfouilles ontmis
au jour d'innombrables objets : sceaux carrés, plaques de cuivre
gravées,figurinesdedéesses-mèresauxcoiffuresornementales,jouets
articulés (charrettes à attelage), taureaux, rhinocéros et tigres gravés
surlessceaux,torsesd'hommeenpierred'unréalismesaisissant,héros
étranglant un tigre dans chaque bras, quelques rares statuettes en
bronze, notammentunedanseusenuedansuneattitudeprovocante,ou
enpierre, particulièrement le buste d'un prêtre oud'un roi barbu, vêtu
d'un châleauxdécorsentrèfle 111.Toutcelatémoignedel'importance
dela civilisation del'Indus, qui n'est pas restée sans influence surles
Indo-Aryens 111.
Cependant la civilisation harappéenne, dans la vallée de l'Indus,
formeunecivilisationévoluée,diviséeenclassessociales,ayantatteint
le stade esclavagiste, comme en témoignent les quartiers misérables
auvoisinage dela citadelle. Cetype de société déborde le cadre de la
135. Guy Rachet, Dict. de l'archéologie (1983), p. 484, c. 1.
136. Description des objets in :A.D. Pusalker, in The Historv and Culture
of the Indian People, The Vedic Age, ed. by R.C. Majumdar (195l),
p. 174 ss., Plate III-VII ; Mortimer Wheeler, The Indus Civilization
(1953), p. 63 ss. ; Damodar Dharmanand Kosambi, Culture et civilisa-
tion de l'Inde ancienne (1970), p. 85 ss. ; Arthur L. Basham, La
civilisation de l'Inde ancienne (1976), p. 40-41 ; K.P. Bahadur, A
History ofIndian Civilisation, vol. i : Ancient India (1979), p. 11 ss. ;
V.D. Mahajan, AHistory ofIndia, Part i :Ancient India (1980), p. 17-
18 ; GuyRachet, Dict. de l'archéologie (1983), p. 636, c. 2. Voirsur les
relations de l'Inde avec la Mésopotamie dès le IIIe millénaire av. J.-C. :
Jean Filliozat, in Louis Renou et Jean Filliozat, L'Inde classique,
manuel des études indiennes, 1.1, 1947,na 197,p. 122,na351,p. 188 ;
Mortimer Wheeler, The Indus Civilization (1953), p. 58 ss. ; Max
Mallowan, AnEarly Mesopotamian Link it,,ith India, in Journal of the
Royal Asiatic Society, 1970, p. 192-194 ; Karl-Heinz Golzio, Der
Tempel imAlten Mesopotamien und seine Parallelen in Indien, eine
religionshistorische Studie, Leiden 1983, Brill, p. 10 ss.
137. Cf. pour l'influence de la civilisation harappéenne sur les Indo-
Aryens : G.M. Bongard-Levin, KProblème Genezisa Drevneindijskoj
Civilizacii, in VestnikDrevnejIstorii, na3(149), 1979,p. 3ss., Moscou,
Nauka. Voir aussi sur la civilisation harappéenne : Masson-Oursel,
L'Inde antique et la civilisation indienne (1951), p. 23, p. 141 ss. ;
Vsemirnaja Istorija, éd. Zukov, t.1 (1955), p. 427 ss. ;G.F.Aleksandrov,
Istorija Sociologiceskih Ucenij, Drevnij Vostok, Moscou 1959, Izd-vo
ANSSSR,p. 354-355; ;B.N.Lunija,IstorijaIndijskojKul'tury,Moscou
1960, Izd-vo Inostr. Lit., p. 26 ss. ; G.M. Bongard-Levin i G.F. Il'in,
Drevnjczia Indija (1969), p. 87 ss.
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présente recherche. Par ailleurs, il est difficile detraiter avec précision


les structures politiques et sociales d'une civilisation donnée, avant le
déchiffrement de son alphabet 138. Les détails de cette civilisation sont
encore enfouis dans la p é n o m b r e des siècles, ensevelis dans le sépulcre
de l'oubli. Aussi, devons-nous cantonner notre recherche sur l ' I n d e
antique dans la période aryenne.

L'irruption aryenne

La p é n o m b r e opaque des réminiscences confuses du passé com-


m e n c e à s'éclaircir avec l'infiltration aryenne dans l'Inde, vers le xive
ou le XIIIe siècle av. notre ère.
Le terme 'aryen' ou ' i n d o - e u r o p é e n ' appartient actuellement à la
linguistique et désigne une famille de langues. Mais il existait dans
l'Antiquité un peuple qui s'appelait â r y a : ' A r y e n ' et qui était désigné
c o m m e tel par les anciens historiens l39. En effet, les prêtres Brahmanes,
dans le Rig-Veda, prient c o n s t a m m e n t les dieux de secourir les
Aryens 14°. Les hordes aryennes s'infiltrent à travers les montagnes du
Caucase ou par la plaine s ' é t e n d a n t entre la mer Caspienne et la mer
d'Aral, et se dirigent vers l'Iran et vers l ' I n d e l41. Ces vagues de
migrations indo-aryennes, au cours du IIe millénaire av. J.-C., sont con-
comitantes, grosso modo, dans le temps et dans la marche (du N o r d au
Sud), avec les migrations de ces autres peuples c o m p o s é s d ' u n mélange

138. Cf. D.R. Chanana, Slavery inAncientIndia, NewDelhi 1960, People's


Publishing House,p. 16-17 ;G.M.Bongard-Levin iG.F. Il'in, Drevnjaja
Indija (1969), p. 111-112 ; Damodar Dharmanand Kosambi, Culture et
civilisation de l'Inde ancienne (1970), p. 92-98 ; Bol'saja Sovetskaja
Enciklopedija, 3" éd., Moscou 1978. t. 28, art. 'Harappskaja Civi-
lizâcija ', p. 197, c. 2. Voirsur l'alphabet de l'Indus :Asko Parpola, The
Problem ofthe Indus Script, in Essays in Indian Protohistory, ed. by
D.P. Agrawal and Dilip K. Chakrabarti, Delhi 1979, B.R. Publishing
Corporation, p. 163 ss.
139. VoirJean Filliozat, in Louis Renou et Jean Filliozat, L'Inde classique,
manuel des études indiennes, t. 1, 1947, n° 357, p. 190 ; Damodar
DharmanandKosambi,Culture etcivilisationde l'Indeancienne (1970),
p. 99-103.
140. Rig-Veda, 1. 10, 1, str. 8 ; 1, 15, 10. str. 3 ; 1, 15, 11, str. 5 ; i, 19, 4, str.
8 ; Il, 1. 11, str. 19 ; etc. (Wilson).
141. Cf. sur les différentes opinions : Clément Huart et Louis Delaporte,
L'Iran antique, Elam et Perse et la civilisation iranienne, Paris 1952,
Albin Michel, p. 175-176 (= L'Évolution de l'Humanité, vol. xxiv) ;
G.S. Ghurye, VedicIndia, Bombay 1979, PopularPraskashan, p. 7ss. ;
V.D. Mahayan, AHistory ofIndia, Part i : Ancient India (1980), p. 26
ss. ;GuyRachet, Dict. del'archéologie (1983), p. 456, c. 2;p.457, c. 1.
Et voir K.P. Bahadur, AHistory ofIndian Civilisation, vol. i : Ancient
India (1979), p. 19-20.
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d'Asianiques et d'Indo-Européens, les Hébreux et les Hourrites. Les


Hébreux se dirigent vers le Sud-Ouest, en Canaan, les Hourrites vers
le Sud, en Mésopotamie, lesArya vers le Sud-Est, l'Iran et l'Inde, tout
d'abord dans la plaine du Pafijâb, ensuite encore plus vers l'Est, dans
la plaine du G a n g e 112.
Les Aryens, dans l'Inde, tout c o m m e les Doriens, en Grèce, sèment
partout le chaos et la ruine. Les livres sacrés parlent de combats féroces
entre les A r y e n s et les Dâsyu, ces autochtones noirs pratiquant le culte
du phallus l4\ que la lâche fantaisie des vainqueurs a tournés en démons
susceptibles d ' ê t r e exterminés sans remords l44.
L ' A r y e n utilisa à son avantage trois éléments nouveaux dans la
conquête de l ' I n d e dravidienne : un métal, le fer, facilitant la produc-
tion des armes ; un animal, le cheval, excellent dans le va-et-vient des
combats, et enfin une idéologie raciste, élevant les Aryens au rang de
seigneurs et abaissant les autres peuples à l ' h u m b l e situation de
serviteurs. Les Aryens engloutissent sur leur passage, tel un ouragan
destructeur, ce qui restait d ' u n e civilisation naguère florissante, haute-
m e n t d é v e l o p p é e par rapport aux hordes déchaînées des Aryens, déjà
affaiblie peut-être par des catastrophes naturelles 111.

142. G.M. Bongard-Levin i G.F. Il'in, Drevnjaja Indija (1969), p. 125 ss.,
p. 134 ss. ; Damodar Dharmanand Kosambi, Culture et civilisation de
l'Inde ancienne (1970), p. 106-113. Voir sur l'aryanisation du Gujarât :
H.D. Sankalia, Studies in Historical Geography and Cultural Ethno-
logy ofGujarat, in Aspects oflndian History and Archaeology, ed. by
S.P. Gupta and K.S. Ramachandran, Delhi 1977, B.R. Publishing
Corporation, p. 1 ss. Et voir sur la marche des Hébreux et des Hourrites,
supra, notes 64 ss.
143. Les textes parlant des combats avec les Dâsyu sont innombrables ; voir
par exemple : Rig-Veda, i, 10, 1, str. 8 ; 1, 15, 11, str. 5 ; vi, 2, 7, str. 10 ;
x, 4, 6, str. 2, etc. (Wilson). Et voir pour le culte du phallus : Rig- Veda,
x, 8, 9, str. 3 (Wilson) : le dieu Indra a anéanti les ennemis qui adorent
le linga et s'est emparé de leurs trésors amassés dans la ville aux cent
portes.
144. Le dieu Indra des Aryens est censé avoir la puissance d'anéatir les
villes des ennemis : Rig-Veda, 1, 3,4, str. 4 ; n, 2, 8, str. 6 (Wilson). Les
Aryens l'invoquent pour qu'il disperse l'ennemi : Rig-Veda, 1, 6,4, str.
1 ; vin, 4, 5, str. 15 (Wilson). Il est prié de brûler l'ennemi : Rig- Veda,
iv, 1,4, str. 4 ; vii, 1, 1, str. 7 ; vii, 1,15, str. 13 ; vii, 3, 1, str. 19 (Wilson),
afin de pouvoir dilapider ses trésors : Rig-Veda, vin, 8, 6, str. 12
(Wilson).
145. Cf. sur tout cela : P. Masson-Oursel, H. de Willmann-Grabowska et
Philippe Stern, L'Inde antique et la civilisation indienne, Paris
1951 ,Albin Michel, p. 24 (= L'Évolution de l'Humanité) ; Helmut von
Glasenapp, Die nichtchristlichen Religionen, Frankfurt a.M. 1957, Fi-
scher, p. 149 ; Guy Rachet, Dict. de l'archéologie (1983), p. 458, c. 2 ;
Louis Frédéric, Dict. de la civilisation indienne, Paris 1987, Laffont,
p. 528, c. 2.
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Hébreux du IIe millénaire avant notre ère


Aryens de l'Inde ; Grecs homériques
Premiers Romains ; Tribus germaniques
Arabes préislamiques

Pourlapremièrefois dansl'histoire delarecherche scientifique, les in-


stitutions des Hébreux du IIe millénaire av. n.è. et des Arabes préis-
lamiques sont systématiquement étudiées et comparées aux institutions
des Aryens de l'Inde, des Grecs homériques, des premiers Romains et
des tribus germaniques. Ces peuples se trouvent au même stade de
civilisation et ont produit des institutions similaires.
La propriété privée des moyens de production se cristallise avec
l'élevage et la haute agriculture, par rapport au bétail et à la terre, elle
mène à la division de la société en nobles et plèbe, et le besoin demain-
d'oeuvre fait naître l'esclavage.
Les nobles font mainmise sur le pouvoir, le Conseil des Anciens
discute les affaires publiques avec le prêtre-roi, alors que l'Assemblée
du Peuple ne fait qu'entériner ce qui a été décidé d'avance.
Les Livres Sacrés passent à travers divers cycles d'erreurs, dues aux
narrateurs négligents ou tendancieux, ainsi qu'aux interpolations suc-
cessives afin de les adapter aux circonstances changeantes, pour des
motifs économiques, politiques et sociaux.
Les Livres Sacrés ont unrôle précis, ils sont formulés pour apposerle
cachet de la religion sur les besoins des classes supérieures au pouvoir,
afin d'être à même de mieux exploiter les classes subjuguées, la plèbe
et les esclaves. C'est l'ère de l'aristocratie militaire, visant àl'organisa-
tion des forces armées de la société, afin deprovoquerdes guerres ayant
pour but la rapine.
Chaque dieu combat avec son peuple pour lui assurer la victoire, tels
sont Yahvé des Hébreux, Indra des Aryens, Mars des Romains, Odinn
des Germains, les dieux des Grecs homériques et les déesses desArabes
préislamiques. Tous ces dieuxjurent de donner à leur peuple des terres
promises et à leur faire capturer les biens des autres peuples. La
meilleure part du butin consiste en l'élément féminin : Moïse distribue
les fillettes vierges àsesguerriers,Agamemnondonnelesbelles femmes
à ses généraux.
Le brigandage, organisé dans les Livres Sacrés, devient l'institution
dominante de la civilisation.
Couverture
Maât. La Vérité ; Tombeau de Séti Ier, selon G. Lefébure
Prix 128 F. ISBN 2-7063-0198-8
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