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Soc 203 : Anthropologie des sociétés africaines/2019-2020

Introduction générale
Définition et contexte
L'anthropologie peut se définir comme l'ensemble des travaux de l'homme s'interrogeant sur
lui-même. En ce sens, l'anthropologie peut se comprendre comme la «science de l'homme».
C'est à la fin du XVIIIè siècle que commence à se constituer un savoir scientifique qui prend
l'homme comme objet de connaissance. Pour la première fois, les méthodes utilisées pour
expliquer et comprendre la nature sont appliquées à l'homme, ce qui constitue un tournant
dans la « pensée de l'homme sur l'homme » (François Laplantine, 1987)
Jusqu'alors, cette pensée avait été mythologique, artistique, théologique, philosophique mais
pas scientifique. L'homme n'est plus le sujet de la connaissance mais il devient l'objet de la
science.
Une autre caractéristique de cette émergence provient du lieu où se produit ce tournant de la
pensée : l'Europe. Ce n'est que dans la seconde moitié du XIXè siècle que l'anthropologie se
dote d'objets empiriques autonomes : les sociétés appelées « primitives », c'est-à-dire celles
qui échappent à l'aire de la civilisation européenne et nord-américaine.

Les mutations

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Au début du XXè siècle, alors que l'anthropologie commence à structurer ses


démarches, son objet "classique" commence à s'évanouir avec la disparition de ceux que l'on
appelle les «sauvages», Roger Bastide (1971, 1973) dit à cet effet « Il n’existe plus
aujourd’hui de sociétés primitives, il n’ya plus de primitifs, il n’ya que des sociétés en
transition ou des cultures devenues syncrétiques mettant parfois en situation
conflictuelle des valeurs modernes et des valeurs archaïques ». Ces sociétés se sont peu à
peu transformées en raison des interactions avec le monde occidental. L'amélioration des
communications et l'essor de l'économie maritime provoquent la disparition progressive de
certaines cultures ancestrales. On parle d'ethnocide (Levi Strauss).
Néanmoins la distinction perdure dans les imaginaires entre civilisés.

Au plan scientifique, on assiste alors à ce que l'anthropologue Paul Mercier a nommé en


1966 la «mort du primitif». La science anthropologique s'interroge alors sur son objet. Des
objets similaires au primitif ont pu être trouvés comme le «paysan», «ce sauvage de
l'intérieur» (Laplantine). Mais finalement, aujourd'hui, l'anthropologie se constitue non plus
sur un objet empirique (le primitif, le paysan) mais «par une approche épistémologique
constituante» (Laplantine). Et du regard porté sur l'autre ailleurs, elle est passée au regard
porté sur l’Homme dans toutes ses dimensions.

L'anthropologie se décline actuellement au pluriel. Il existe une anthropologie sociale et


culturelle, de la maladie, de la religion, de la parenté, de la politique, de l’économie, du
travail, de la sexualité, de la douleur, du sport, etc. Toutes ces branches se définissent par la
diversité des objets d'étude et l'on pourrait penser qu'entre l'anthropologie de la parenté et
celle de la maladie, il y aurait peu de points communs. Pourtant, le regard anthropologique se
traduit par une certaine manière d'appréhender la réalité et par un projet commun.
Quel est ce projet ? D'où vient l'anthropologie et que nous apporte-t-elle comme
connaissances, et sur quoi ?

Pour répondre à ces interrogations on doit faire face à deux préoccupations :

1) la curiosité des Occidentaux vis-à-vis des sociétés qu'ils ne comprennent pas : les sauvages,
les primitifs auxquels ils sont confrontés en raison de l'expansion coloniale. Il en résulte une
pensée hiérarchique dont la civilisation occidentale a été jusque-là la référence ; 

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2) leur conception de la science de l'époque qui supposait la dualité entre l'observateur et son
objet. Cette dualité se construit sur la distance. La distance ici choisie est une distance
géographique qui étudie les sociétés lointaines, d'où la dimension exotique (importé de loin ou
de l’extérieur) des premiers travaux anthropologiques.
Initialement, donc, l'objet d'étude de l'anthropologie peut se qualifier comme étant les
«populations qui n'appartiennent pas à la civilisation occidentale».
L'histoire des objets d'étude de l'anthropologie aura des incidences sur les imaginaires
collectifs qui sont développées par ailleurs.

Au sens le plus large de ses investigations, on peut dire que l'anthropologie, en étudiant ces
sociétés éloignées, cherche à répondre à la question : Qu'est-ce que l'homme ?

Une des tâches des premiers anthropologues, fut ainsi de trouver les limites de l'humanité. Un
sauvage est-il un homme ? Quels sont les peuples les plus «humanisés», c'est-à-dire les plus
«civilisés». L'anthropologie est ainsi longtemps restée une discipline dont le but était d'abord
de recenser la diversité culturelle des sociétés humaines lointaines sociétés occidentales. Les
Amérindiens, les sociétés d'Amazonie, les sociétés aborigènes, etc.
On rassemblait des pièces de collections (masques, armes, pirogues, bijoux, étoffes, etc.) dont
le musée des arts océaniens à Paris dresse par exemple un riche inventaire. Sur tous les
continents, le XIXè siècle est donc marqué par des missions ethnographiques (voire missions
exploratoires dans le cadre de la colonisation). Les anthropologues partaient observer les
sociétés. Ils y étudiaient les manières de faire (manger, parler, s'organiser, chasser, fêter,
prier, etc.). La première phase consistait donc à élaborer, à identifier, à constituer une somme
de recueils ethnographiques.  

Certains chercheurs occidentaux, qui partaient puiser des informations, prenaient la décision
de s'enrichir de nombreuses données anthropométriques. Ils mesuraient le tour du crâne, la
longueur des mains, la taille, etc. Ce type d'inventaire, drapé sous le prétexte de la rigueur
scientifique et positiviste, pose la question du développement humain.

L’Anthropologie dans l’univers des sciences humaines et sociales


Sans entrer dans le détail, disons que l'anthropologie en est venue à interroger le présent des
sociétés, s'inscrivant ainsi dans l'univers des sciences humaines et sociales.

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Celles-ci sont constituées de multiples champs disciplinaires (l'histoire, la sociologie,


l'ethnologie, l'économie, la psychologie...). L'objet de l'anthropologie se comprend désormais
comme l'étude de l'homme façonné par son milieu culturel. Et, dans le monde moderne,
l'anthropologie rappelle que l'homme existe à travers du symbolique. Tout fait social est
investi de significations et de sens que les acteurs donnent à leurs actes et qui sont compris de
la même manière par des individus d’un même milieu social.

Une même réalité observable peut prendre un sens différent selon la culture dans
laquelle elle est produite. Et c'est à ce sens (à cette pluralité de significations d'une culture à
une autre) que l'anthropologie tente d'accéder.
Néanmoins, en procédant par comparaison des observations recueillies sur le terrain,
l'anthropologue tente d'identifier des processus généraux. Par exemple, l'une des grandes lois
anthropologiques identifiées fût de constater le phénomène universel de la prohibition
de l'inceste.
D'autres thèmes ont été abordés comme la valeur de l'échange (finalité du troc, importance du
don), les pratiques de guérison, les phénomènes de transe, etc. Dans Anthropologie et
sociologie, Marcel Mauss formule la notion de techniques du corps. On peut aussi travailler
sur l'organisation et la signification des rituels, etc. Par l'observation des ensembles culturels
dans leur milieu de vie, l'anthropologie tente ainsi de comprendre le sens que les humains
accordent aux pratiques auxquelles ils se livrent.
En résumé, l'objet de l'anthropologie ne se définit plus par un espace géographique, culturel
ou historique particulier mais par «un certain regard» qui porte sur :
a) l'étude de l'homme tout entier ;
b) l'étude de l'homme dans toutes les sociétés, sous toutes les latitudes, dans tous ses états et à
toutes les époques.» (Laplantine), dans le but de repérer «certaines propriétés générales de la
vie sociale» (Claude Levi-Strauss).
Que cette étude porte sur les sociétés africaines ou sur les autres sociétés, l'anthropologie
contribue finalement à mieux comprendre ce que nous sommes. Car, selon Georges Balandier,
voir les autres, c'est aussi se voir soi-même.  
L'évolution du questionnement et des objets de l'anthropologie nous permettent par
conséquent d'envisager une anthropologie de la performance, contre les représentations
habituelles de l'anthropologie comme science des sociétés qualifiées de froides (sociétés sans
Etats, sociétés stables, etc). On pourrait croire en effet qu'anthropologie et performance sont
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deux termes antinomiques. Car d'un côté l'anthropologie devrait se cantonner à l'étude des
rites, aux coutumes traditionnelles, etc., alors que la performance serait de l'ordre des sociétés
hautement technicisées c’est-à-dire industrialisées.
Cependant, aujourd'hui, pour l'anthropologue, le terrain d'intervention n'est plus seulement le
lointain. Il est aussi celui du quotidien.

Modernité du savoir anthropologique


La modernité est associée au potentiel, aux possibles, aux choix que la société doit
constamment effectuer pour se faire et se définir. Cette idée remet en cause l'« équation » trop
facile qui rend « le moderne » égal à « l'occidental »
Les anthropologues ne sont pas nécessairement des contempteurs de l'histoire et des
déserteurs de l'« actuel ». Les plus créateurs d'entre eux ont tenté de lier leur discipline à leur
réflexion sur la « vie moderne ».
Les cérémonies, les déplacements urbains, l'école, les jeunes, la sexualité; bref, toute une
diversité de thématiques d'enquête et de recherches sont explorées. La rapidité des
changements sociaux (ville, technologie, industrialisation et l'urbanisation accélérée,
l'économie planétaire, les communications et transports) brouille la lecture des
anthropologues. La société occidentale devenant aussi en quelque sorte un territoire à
explorer.

saisir une « parenté » qui tient au mode d'existence de la société - aux conditions et contraintes
que celle-ci rencontre pour se construire, se maintenir, et réagir aux assauts que lui imposent
le « dehors » (les environnements) et le cours du temps 5. Ce rapprochement aide à fonder le
projet d'élaboration d'une anthropologie de la modernité.
La modernité n'apparaît donc plus comme un « stage » inéluctable ; elle s'appréhende
davantage sous l'aspect d'« une tentative vers... », d'un processus qualitatif de changement,
d'un choix entre des alternatives ou des possibles - résultant les uns et les autres de facteurs à
la fois internes et externes. Par elle, le rôle de la liberté et du « volontarisme social » se trouve
souligné, de même que la nécessité d'une conception « générative » des formations sociales.
Toute interrogation sur la modernité, et non dans le seul cas des sociétés dites avancées,
conduit à une mise en question de ce qui paraît être authentiquement nouveau, de ce par quoi
les sociétés engendrent leur propre dépaysement.

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LES DOMAINES DE L’ANTHROPOLOGIE

Premier domaine : L’Anthropologie sociale et culturelle

L’anthropologie sociale et culturelle est une branche de l’anthropologie qui étudie


l’organisation des sociétés à travers leurs cultures et leurs civilisations. Il s’agit pour les
anthropologues de procéder par une démarche qualitative c’est-à-dire basée sur l’observation
des sociétés, pour comprendre leurs modes de vie, leurs organisations, leurs
structurations aussi bien formelles qu’informelles. C’est aussi une discipline qui cherche à
pénétrer l’ensemble réel et intime des rapports sociaux tout en mettant l’accent sur les
perceptions, les représentations, le vécu quotidien. Pour Marc Augé & Jean-Paul
Colleyn(2007), « L'anthropologie sociale et culturelle est la science qui s'intéresse aux
groupes humains quelles que soient leurs caractéristiques. Elle a pour objet d'étude tous
les phénomènes sociaux qui requièrent une explication par des facteurs culturels » (dans
L'anthropologie).

L’anthropologie sociale et culturelle est donc l’étude comparative et comparée des cultures
et des sociétés humaines. Les anthropologues cherchent à comprendre l’humanité dans toute
sa diversité (religieuse, ethnique, parentale). Ils parviennent à cette compréhension grâce à
l’étude des sociétés et des cultures, ainsi que par l’exploration des grands principes de la vie
sociale et culturelle. Cette discipline met particulièrement l’accent sur les perspectives
comparatives qui remettent en question les présupposés culturels aussi bien dans les sociétés
urbaines que rurales, ainsi que les États-nations modernes.
La base théorique de l’anthropologie sociale et culturelle est, à bien des égards, la même
que celle des autres sciences sociales ; elle s’en distingue toutefois par un certain nombre de
points. Cette distinction est en outre caractérisée par la tradition
d’ « observation participante »et par l’étude empirique détaillée des groupes sociaux. On
peut citer parmi les thèmes de recherche anthropologique : le changement social, la
parenté, le symbolisme, l’échange, les systèmes de croyance, l’ethnicité et les relations de
pouvoir.
Ainsi pour mieux élucider la démarche de l’anthropologie sociale et culturelle il convient de
se pencher sur ses différents objets à savoir la culture et la civilisation.

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a) Qu’est-ce que la culture ?


Les définitions de la culture abondent. On s'accorde généralement à dire que la culture
s'apprend, qu'elle permet à l'homme de s'adapter à son milieu naturel et qu'elle varie
beaucoup, qu'elle se manifeste dans des institutions, des formes de pensée et des objets
matériels. Une des meilleures définitions de la culture, quoique déjà ancienne, est celle d'E. B.
Tylor, qui la définit comme « un tout complexe qui inclut les connaissances, les croyances,
l'art, la morale, les lois, les coutumes et toutes autres dispositions et habitudes acquises
par l'homme en tant que membre d'une société ».
Elle inclut tous les éléments dans les caractères de l'homme adulte qu'il a consciemment
appris de son groupe et sur un plan quelque peu différent, par un processus de
conditionnement : techniques, institutions sociales ou autres, croyances, modes de conduite
déterminés
Les caractéristiques de la culture :
1. La culture est universelle en tant qu'acquisition humaine, mais chacune de ses
manifestations locales ou régionales peut être considérée comme unique ;
2. La culture est dynamique car elle manifeste des changements continus et constants ;
3. La culture remplit, et dans une large mesure détermine, le cours de nos vies, mais s'impose
rarement à notre pensée consciente.

Approches théoriques du concept de culture

 La premiere tendance est celle de Malinowski et des écoles américaines


d’anthropologie et de sociologie. Pour les tenants de cette tendance, la culture est une
totalité dans laquelle entre tout ce qui est humain, tout ce qui touche à l’homme. C’est
dans ce cadre que que s’incscrit la définition donnée par Tylor. Quant à Malinowski
dans son ouvrage intitulé Une théorie scientifique de la culture (1980), il définit la
culture comme «  cette totalité où entrent les ustensiles et les biens de
consommation , les chartes organiques réglant les divers groupements sociaux, les
idées et les arts, les croyances et les coutumes ». Il pousuit dans le même ouvrage en
précisant « que l’on envisage une culture trés simple ou très primitive, ou bien au
contraire une culture complexe très évoluée, on a affaire à un vaste appareil,
pour une part matériel, pour une part humain et pour une autre encore spirituel
qui permet d’affronter les problémes concrets et précis qui se posent à lui » ;
« Cet héritage social est le concept clé de l'anthropologie culturelle. On l'appelle

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d'ordinaire la culture (...). la culture comprend les techniques, des objets


fabriqués, des procédés de fabrication, des idées, des mœurs et des valeurs
hérités » (Malinowski, 1931).
 La deuxiéme tendance est celle de Radcliffe Brown(anthropologue anglais) et de
certains de ses disciples. Ils ont une conception restrictive de la culture. Celle-ci est
présentée comme une certaine standardisation des modes de comportements.
Selon cette tendance, la culture exclut les productions matérielles de la société comme
par exemple l’économie. Elle comporterait d’après eux trois aspects :
1. Les régles : interdits, tabous, droits et devoirs;
2. Les symboles et significations : mots, gestes, œuvres d’art, rites etc ;
3. Les sentiments et modes communs.

La synthése de ces deux tendances permet de conclure que d’une part la culture est un
phénoméne social, et que d’autre part elle est l’ensemble des comportements acquis, un
héritage social que l’homme acquiert de ses ascendants et tranmet à ses descendants par
voie de socialisation et d’éducation. La définition de Claude Levi-Strauss est explicite à cet
effet : « Tout ce qui est universel chez l’homme reléve de l’ordre de la nature et se
caractérise par la spontaneïté, que tout ce qui est astreint à une norme appartient à la
culture et présente les attributs du relatif et du particulier » (Anthropologie structurale,
1973) .
Il ne faut donc pas confondre la race d’un individu qui est son héritage biologique( couleur
de la peau, des cheveux, des yeux, forme du nez ,etc.) à sa culture qui est son héritage social.
La culture d’un individu ne dépend pas de sa race mais plutôt de son milieu d’éducation
c’est-à-dire sa famille, sa société.
Afin de mieux comprendre ce qu’est réellement la culture, il faut l’élucider à travers ses
différents éléments qui sont la langue, l’éducation et l’apprentissae, la science, l’idéologie,
l’esthétique, l’art et les techniques.
 La langue : c’est le véhicule de la culture et aussi son reflet. Le vocabulaire est
fonction des conditions d’existence de la société. Une langue ne peut exprimer que ce
qui existe dans une société. C’est par elle que l’individu accéde aux autres domaines
de la culture. Derriére la langue se cache un ensemble de perceptions , de sentiments,
de sens, de valeurs communs et propres aux différents groupes ;
 L’éducation : l’apprentissage et la socialisation  sont partie intégrante de l’éduation.
Pour Durkheim(1973) « L’éducation est l’action exercée par les générations adultes
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sur celles qui ne sont pas encore mûres pour la vie sociale. Elle a pour objet de
susciter et de développer chez l’enfant un certain nombre d’états physiques,
intellectuels et moraux que réclament de lui et la société politique dans son ensemble
et le milieu spécial auquel il est particuliérement destiné ». L’éducation vise donc à
incuquer les valeurs culturelles aux membres de la société. Ce processus permet ainsi
de former un type idéal d’homme ; ce type idéal varie d’une société à une autre et à
l’intérieur d’une même société d’une époque à une autre ;
 L’idéologie : elle est composée de la philosophie, de la morale, de la religion, de la
conscience politique,etc. Elle est essentiellement secrétée par les conditions
d’existence d’une société à un moment donné de son histoire ;
 La science : la connaissance scientifique est relative (cad)qu’elle fonction des façons
particuliéres par lesquelles les différentes envisagent leurs rapports à l’univers ou à la
nature. La science contribue à l’amélioration des conditions d’existence de l’homme
par l’invention des nouvelles méthodes et techniques qui lui permettent de faire face
aux vicissitudes de la nature soit pour la dompter soit pour lui obéïr ;
 L’esthétique : c’est le sentiment du beau. C’est une notion relative qui peut être
souvent fonction de l’espace et du temps. Le sentiment du beau change d’une société à
une autre et d’une époque à une autre. On distingue par exemple l’esthétique du
corps qui est la maniére de se représenter la beauté physique. C’est ainsi que sur le
plan physique, chaque société a son idéal de femme belle. Par exemple l’Afrique
traditionnelle soudano-sahélienne retient le développement de la poitrine(les seins) et
des fesses comme critéres de beauté. En Europe entre le moyen âge et le xiixeme
siécle la femme charnue était le type idéal et à partir du xix eme siécle c’est la minceur
qui est recherchée, ce qui est appelé la "ligne". Aussi dans le cadre de la démarche le
corps peut être utilisé dans un but esthétique. Exemple : démarche pour affirmer son
statut ou sa personnalité(le play boy, le galant, danse érotique, jeu de fesses, sourire
commerial, etc) ;
 L’art : il concerne l’architecture, la peinture, le dessin, la musique, la danse, le
cinéma, la littérature, etc. L’art est en général un mode d’expression du beau. D’où la
corrélation qui existe entre l’art et l’esthétique. Mais en Afrique , l’art a surtout un rôle
utilitaire soit commercial ou entrant dans le cadre des croyances ;
 Les techniques : ce sont les activités matérielles des populations. Elles portent sur les
façons de fabriquer, de chasser, de cultiver, de s’habiller, de se loger , de se nourrir, se
servir de son corps,etc.
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b) Qu’est-ce que la civilisation  ?


Etymologiquement, civilisation provient de civil qui veut dire cultivé au sens figuré ; si le
terme civilisé date du 16 eme siécle celui de civilisation est du 18 eme siécle. Au paravant on
utilisait les notions de barbarie et de sauvagerie comme les antithéses de la civilisation.
Les grecs ont ainsi traité de barbares tous les peuples qui ne relevaient pas de leur culture.
Selon Levi-Strauss(1973), c’était probablement par référence à "la confusion et à
l’inarticulation du chant des oiseaux, opposées à la valeur signifiante du langage humain"
(Le Langage grec, 1973).
Au 16 eme siécle, l’Europe occidentale utilisa la notion de sauvagerie, terme qui provient de
sylva qui veut dire forêt. Le sauvage est donc l’homme resté à l’état de nature, l’état brut, non
loin du genre animal.
Cependant quand on analyse la notion de civiliation dans un contexte d’évolution historique,
on se rend compte que cette notion est le stade supérieur auquel chaque société veut parvenir
dans son évolution. A ce sujet, l’anglais Adam Fergusson dans History of civil society en
1764, affirme que l’évolution de l’humanité est passée par la sauvagerie, la barbarie et la
civilisation. Dans le même ordre d’idées, Gustave Klemm(1802-1867) affirme que
l’humanité, dans le cadre de l’obtention des moyens d’existence, est successivement passée
par la chasse, la pêche, l’élevage et l’agriculture. Dans le cadre de l’organisation sociale,
toutes les sociétés sont passées par un stade de sauvagerie caractérisé par une anarchie,
ensuite un stade d’apprivoisement qui fut une autodomestication de l’homme et enfin le
stade de la liberté. En France Condorcet et Vico se sont penchés au 18eme siécle sur
l’évolution de l’esprit humain : Vico pense que celui-ci est passé par trois états à savoir(1)
l’état poétique caractérisé par la cosmogonie et les mythes, (2)l’état héroïque caractérisé
par des épopées historiques et légendaires et enfin(3) la nature humaine intelligente
marquée par l’égalitarisme et le raisonnement logique. Ces idées furent reprises par Comte
au siécle suivant.
Ainsi, la notion de civilisation est née d’une part de la lutte contre les idées dogmatiques du
moyen âge et d’autre part de la perception européenne de l’humanité. Mais analysé dans un
contexte historique, la civilisation fut perçue comme une finalité, le but vers lequel
concouraient les différentes marches d’une échelle, dont le dernier stade c’est-à-dire le
sommet était occupé par les scoiétés civilisées. La civilisation a donc été considérée comme
l’apanage de certains peuples qui seraient passés d’un état de sauvagerie, de barbarie à un état
de civilisation. En revanche, cette conception sous-tendue par un jugement de valeur, n’est
pas objective (opéationnelle). Chaque peuple a sa culture et sa civilisation.
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De ce fait, civilisation et culture sont indissociables. Elles ne le sont que pour le besoin de
l’analyse. Elles sont intimement liées l’une à l’autre. Il n’existe pas de culture sans civilisation
tout comme il n’existe pas de civilisation sans culture.
Mais pour le besoin de l’analyse, considérons la civilisation comme le patrimoine culturel
révolu, ancien et aussi présent d’un peuple ; la façon dont ce peuple a conçu et organisé sa
société et la façon dont il la conçoit et l’organise dans le présent. La civilisation est constituée
par les caractéristiques anciennes et actuelles d’un peuple. La culture, elle, c’est seulement
ce qu’on vit et la civilisation c’est ce présent plus ce qui a été déjà vécu et délaissé,
dépassé. La civilisation permet de distinguer un groupe humain d’un autre.

En conclusion La civilisation prend donc en compte non seulement les formes de consciences
collectives mais aussi les pratiques quotidiennes. L’exercice du droit, de la politique et de la
parenté reléve aussi de la civilisation. La façon dont une société se présente, se représente, se
conçoit, ce qu’elle pense d‘elle-même, ce qu’elle est et ce qu’elle fait est largement fonction
de sa civilisation. Ainsi dans le domaine de la politique, la civilisation prendra en compte le
systéme politique, les structures politiques, l’exercice du pouvoir, l’adminitration et la gestion
des hommes, les structures de la parenté. La forme de la société ou le genre de vie est aussi
déterminé par la civilisation : village , tribu, Etat, nomades, sédentaires, etc. Dans le domaine
du droit, les structures de l’appareil judiciaire, l’exercice de l’activité juridique, les sanctions,
la réglementation sociale. En matiére de production, l’accent est mis sur les structures de
production, les rapports de production, la répartition des biens produits.
Donc en plus de ce mentionné ci-dessus, la civilisation intégre l’organisation des hommes en
vue de la production de leurs conditions d’existence. La civilisation est alors la culture d’un
peuple, sa structure sociale et son patrimoine historique.

c) Le caractére dynamique de la culture


Comme ci-dessus constaté, la culture n’est pas statique et encore moins la civilisation. Cette
dynamique culturelle peut être impulsée de l’intérieur(facteurs endogénes comme les
inovations, les changements politiques et les bouleversements socioéconomiques,etc.)
comme de l’extérieur(facteurs exogénes comme les guerres, la colonisation, la
mondialisation ,etc.) . En effet, chaque société tente de raffiner sa culture, de rechercher des
éléments nouveaux, des solutions mieux adaptées à son environnement et favorables à
l’obtention de ses moyens d’existence. Ce mouvement positif, quand il est impulsé de
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l’inétérieur, a généralement pour cause des découvertes scientifques et techniques, des


acquisitions de nouvelles croyances et valeurs sur la réforme des anciennes, des changements
d’anciens rapports sociaux. Et quand l’impulsion provient de l’extérieur c’est généralement
par le canal du phénoméne d’emprunt.
De nouveaux éléments peuvent ne pas correspondre aux meilleures réponses. Dans ce cas au
lieu d’assister à un mieux être dans la société, on peut constater l’accentuation des contraintes,
la déterioration des conditions d’obtention des moyens d’existence. Ces mutations constituent
des mouvements de régression pouvant conduire la civilisation à sa mort(Linton,1968).
Ainsi, l’une des causes de la dislocation de la société juive antique se trouve dans sa religion ;
le repos absolu le jour du sabbat, même en cas d’agression extérieure. Les hindous mouraient
de faim alors qu’ils ont le plus grand cheptel de bovin du monde. Dans ces différents cas la
cause de l’agression est interne : elle se trouve dans la culture.
Enfin, la perte partielle ou totale de la culture d’une société au profit de celle d’une autre est le
phénoméne de l’acculturation. Il peut se manifester à n’importe quel niveau des éléments de
la culture : langage, idéologie, organisation sociale,arts et techniques, etc.

L’Ethnie
La notion de l’ethnie est indissociable de celle de culture. Ethnie est un terme apparu en 1896
dans la langue française. Il dérive de l'un des quatre termes qui, en grec ancien, servaient à
désigner les groupes humains : genos signifiant « famille, clan, tribu », laos signifiant
« peuple assemblé, foule », dêmos signifiant « peuple du lieu, citoyens » et éthnos signifiant
« gens de même origine ».
• au sens strict, c’est « un groupe d’individus qui partagent la même langue
maternelle ce que les linguistiques désignent comme le groupe de langue
maternelle» ( Breton 1982 : 7 ).
• et au sens large, elle « désigne un groupe d’individus liés par un complexe de
caractères communs – anthropologiques, linguistiques, politico-historiques, etc.
dont l’association constitue un système propre, une structure essentiellement
culturelle : une culture » (Breton 1981 : 8).

Mais la pertinence du concept est remise en cause par certains ethnologues, notamment parce
qu'elle réduit la notion de « nation » à un seul sens , celui faisant référence aux origines et
c'est pourquoi les expressions groupe ethnique, communauté ethnique ou, selon les cas,

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communauté ethno-linguistique lui sont souvent préférées pour désigner un groupe humain
possédant un ou plusieurs traits socioculturels communs, comme une langue, une religion
ou des traditions communes.
Selon Max Weber, l'ethnicité est le sentiment de partager une ascendance commune, que ce
soit à cause de la langue, des coutumes, de ressemblances physiques ou de l'histoire vécue
(objective ou mythologique). Cette notion est très importante sur le plan social et politique car
elle est le fondement de la notion d'identité.
Comparativement à l'ethnie, l'ethnicité est d'usage plus ou moins récent lié à l'évolution du
concept ethnie. Cette évolution résulte d'une nouvelle approche du concept ethnie qui jusque
là était appréhendé uniquement comme une réalité objective sans prendre en compte sa réalité
de fait subjectif. La dimension objective a conduit surtout les anthropologues et les historiens
à l'analyser en tant que groupe à travers des critères objectifs tels que la langue, la coutume, le
lien d'ascendance et de descendance... C'est l'approche notamment de Paul Mercier []. Par
contre, la dimension subjective résulte des analyses surtout des sociologues, politologues et
psychologues qui saisissent le concept d'ethnie sous l'angle d'identité comme un construit
social. C'est de cette approche subjective que le concept d'ethnicité est né pour saisir les
interactions qui aboutissent au sentiment d'appartenance au sein de groupe. C'est l'approche de
Max Weber []. Ce dernier considère l'ethnicité non seulement comme un construit social
mais aussi comme un phénomène instrumental dans les luttes sociales et politiques. Cette
approche subjective de l'ethnie a permis l'émergence du concept ethnicité lequel a généré
également les concepts ethnocentrisme, ethnocide,...
Une ethnie, c'est d'abord un peuple qui partage une même langue, un même ancêtre (la
légende veut qu'il ait fondé la lignée en s'accouplant avec un esprit), une même histoire.
Mais rien n'est figé. Si l'on appartient a l'ethnie dans laquelle on a grandi, on peut tout aussi
bien intégrer un autre peuple.
Ainsi, devenir peul en se faisant pasteur et en apprenant la langue. Mais le trace des frontières
n'en tient pas compte...
En Afrique, l’ethnicité s’assimile à la culture. Si la culture semble avoir un sens de limitation
géo-ethnographique des différences culturelles, l’ethnicité démontre que ces différences
concernent des individus vivant dans le même espace social. Cette coexistence ne se passe pas
sans problèmes, chaque différence est un obstacle pour l’autre différence dans cette
cohabitation qui n’est souvent pas très pacifique. Car des luttes se créent, soit pour forcer la
cohabitation (on se rappelle aux USA, les luttes organisées par les Noirs pour avoir les mêmes
droits civiques que les Blancs), soit pour la marquer (l’apartheid en Afrique du Sud).
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Soc 203 : Anthropologie des sociétés africaines/2019-2020

L’ethnicité vient alors comme un arbitre sociologique pour clarifier les zones d’occupation de
chacun dans cet espace socioculturel ou socioéconomique commun, bref cet espace social tout
court ! C’est pourquoi certaines études portant sur l’ethnicité cherchent à apporter la lumière
sur les différences socioculturelles et la manière dont les espaces sociaux sont gérés,
administrés et organisés
En important la notion d'ethnie lors de la colonisation, l'Europe a déclenché une bombe à
retardement.
Le génocide rwandais de 1994 a renforcé l'image d'une Afrique condamnée à l'explosion du
fait des rivalités ethniques. Or, indique l'anthropologue Jean-Loup Amselle, celles-ci sont en
large part le produit de la colonisation : Au XIXe siècle, les officiers, administrateurs et
missionnaires ont organisé et subdivisé les territoires conquis en fonction de critères
ethniques. Au Sénégal, par exemple, le royaume diolof a été transformé en ethnie wolof.
Alors qu'il s'agissait à l'origine d'une union politique. De façon artificielle, on a créé des
entités rigides, dont certaines étaient censées dominer les autres (comme les Tutsis par rapport
aux Hutus au Rwanda, alors qu'il s'agit en fait du même peuple !). Ces classifications ayant
été entérinées par les africains eux-mêmes, les malentendus se ont aggravés après les
indépendances, puisque le pouvoir a en général été accaparé par une ethnie (les Baoulés en
Côte-d'Ivoire, les Kabiés au Togo, les
Haoussas au Nigeria, etc), voire par un clan. D'où l'usure des régimes africains.

• Au Niger beaucoup de groupes se réclament de l’ethnie haoussa par exemple ( arawa


de Doutchi, adaraoua de Tahoua, maradaoua de Maradi ou encore damagaraoua de
Zinder). Pour tous ces groupes sociaux, à part la conscience ethnique et le nom
propre, aucun autre élément ne leur est commun car ils sont tous différents dans leurs
traditions, coutumes et us. Tous les autres sont facultatifs

En conclusion, le phénomène ethnique est essentiellement d’ordre culturel et mieux, il


s’agit surtout de personnes qui se réclament d’une entité donnée (la conscience
ethnique). De manière générale, l’ethnie peut être définie comme un creuset
constitué, à la longue des personnes, ayant en commun un genre de vie, des
activités économiques similaires ou complémentaires, la langue, des croyances et
valeurs morales, les traditions (us) et coutumes… les ethnies peuvent se distinguer
les unes des autres par les particularismes culturels que sont l’origine, le genre de

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Soc 203 : Anthropologie des sociétés africaines/2019-2020

vie, la langue, les activités économiques et techniques, l’organisation sociale, les


croyances…

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