Vous êtes sur la page 1sur 8

Génération

spontanée
apparition d’êtres vivants à partir de la
matière inanimée

La génération spontanée est une not ion arist ot élicienne t ombée en désuét ude, supposant
l’apparit ion, sans ascendant , d’êt res vivant s à part ir de la mat ière inanimée. Cet t e not ion est
apparent ée au concept moderne d'abiogenèse [a].

Schéma de la bouteille à col de cygne utilisée dans les expériences de Pasteur pour réfuter la génération spontanée.
Diogène Laerce rapport e que, déjà, Démocrit e aurait ment ionné que les at omes auraient pu en
s'assemblant donner naissance aux premiers êt res vivant s, ce qui n'est pas faux en soi, car les
êt res vivant s sont effect ivement composés de molécules (qui sont des assemblages
d'at omes), et aujourd'hui encore, il n'y a pas de réponse à l'origine de la vie. Mais cont rairement
à ce que dit Arist ot e qui, dans l’Organon, ment ionne l'apparit ion spont anée au bout de quelque
t emps des moisissures sur les aliment s, des mit es sur la laine et des souris là où on ent asse
de vieux vêt ement s de façon prolongée, donnant naissance au concept de générat ion
spont anée, personne n'a observé d'apparit ion spont anée de la vie à part ir d'une "soupe
primit ive", malgré les nombreuses t ent at ives effect uées.

Cet t e hypot hèse arist ot élicienne [1], imaginée à part ir des diverses int erprét at ions de
l’apparit ion des organismes par les philosophies nat urelles l’ayant précédé, a néanmoins
perduré pendant les deux millénaires de la grande influence d'Arist ot e sur la science, avant
d'êt re remise en cause par de meilleurs scient ifiques du xviie siècle qui, comme le nat uralist e
it alien Francesco Redi, ont pris la peine de réaliser des expériences.

Il faudra at t endre jusqu'au xixe siècle, où elle avait aussi pris le nom de « spont éparit é », ou
encore d’« hét érogénie », pour que celle-ci soit invalidée par Past eur avec l'expérience de ses
ballons à col de cygne et sa découvert e de la past eurisat ion, ainsi que par les expériences de
John Tyndall. Elle a alors ét é remplacée par la t héorie microbienne et la t héorie cellulaire.

Historique

La croyance en la générat ion spont anée fit longt emps part ie du sens commun, parce que
l’apparit ion d’êt res vivant s là où on n’en voyait pas est un phénomène d’observat ion courant e.
On cont inuait à croire que des souris pouvaient naît re spont anément d’un t as de chiffons et
des ast icot s sort ir d’un morceau de viande. Les micro-organismes, microbes et levures,
semblaient le produit d’une générat ion spont anée.

Hors de cet t e compréhension animist e de la générat ion spont anée, c’est penser que la nat ure
peut spont anément s’organiser pour donner l’exist ence à une forme de vie qui lui semble
opport une.

Théorie synt hét isée par Arist ot e et sout enue par Descart es ou par les observat ions au
microscope de Needham, son inexact it ude fut d’abord démont rée expériment alement par
Francesco Redi, dans son t rait é Esperienze Intorno alla Generazione degl’Insetti, en 1668[2]
puis par le nat uralist e Lazzaro Spallanzani en 1765[3].

Au début du xixe siècle, elle ét ait sout enue par Geoffroy Saint -Hilaire et Jean-Bapt ist e de
Lamarck. Ils considéraient t ous deux que les formes de vie les plus simples, les infusoires,
pouvaient encore apparaît re act uellement par générat ion spont anée. De même, Ant oine
Béchamp a mont ré, par ses microzymas, une forme de générat ion spont anée de la vie.

En 1859, quand éclat e la cont roverse à l’Académie des sciences ent re Louis Past eur et Félix-
Archimède Pouchet , aut eur d’Hétérogénie ou Traité de la génération spontanée, elle est déjà
une t héorie hét érodoxe, rejet ée par l’Académie des sciences[4].

Les expériences soigneuses de Past eur au xixe siècle ont clairement ét abli que, dans t ous les
cas supposés de générat ion spont anée, il y avait en fait des germes, des œufs, à l’origine des
êt res vivant s apparus, réfut ant définit ivement cet t e t héorie. Dans un milieu isolé et
convenablement st érilisé, la vie n’apparaît pas spont anément , du moins pas aux échelles de
t emps et d’espace t ypiques d’un laborat oire. La remise en cause de la générat ion spont anée a
joué un grand rôle dans les mesures d’hygiène et d’asepsie cont re le développement des
maladies. Pouchet , l’invent eur de l’hét érogénie, est rest é convaincu jusqu’à sa mort de sa
t héorie de la générat ion spont anée.

L’hypot hèse de la générat ion spont anée a aujourd’hui perdu t out crédit scient ifique, y compris
dans le cadre des recherches sur l’origine de la vie sur Terre, qui n'est pas apparue t elle qu'on
la connait mais a connu un long processus gradué d'évolut ion de la mat ière inert e vers la
mat ière vivant e sur des millions d'années, au point de rendre vain la dat at ion de son apparit ion
à un st ade précis.

Le seul fait ét abli est que t out e la vie connue sur Terre descend d'un ancêt re commun apparu
il y a plus de t rois milliards d'années, issu lui-même d'une lignée d'organismes plus anciens.

Adoption par l’Église

Des crustacés cirripèdes (tel le pouce-pied, Pollicipes cornucopia) étaient désignés sous le nom vernaculaire de
« bernaches ou bernacle des navires » en référence à l'idée qu'ils engendraient des canards ou oies bernaches.
La macreuse

August in d'Hippone discut e de la générat ion spont anée dans La Cité de Dieu et dans La
Genèse au sens littéral, en cit ant des passages de la Bible comme « Que les eaux produisent
en abondance les créat ures mouvant es qui ont vie » (Genèse 1:20) comme des décret s
permet t ant la créat ion permanent e [5]. August in a insist é sur le fait qu’apparait re comme
ignorant s du monde nat urel ne donnerait pas une bonne opinion des chrét iens[6]. D’aut res
aut eurs ont ment ionné la générat ion d’animaux à différent s moment s dans le récit de l’Exode,
ainsi que l’incident de la ruche générée dans la carcasse du lion dans l’hist oire de Samson au
chapit re 14 du livre des Juges.

Même avec le déclin de l’influence de la science grecque, de la chut e de l’Empire romain au


ve siècle au grand schisme avec l’Orient de 1054, la t héorie de la générat ion spont anée n’a
généralement pas ét é cont est ée et de nouvelles descript ions ont ét é effect uées. Le
xiiie siècle vit l’époque de la plus grande accept at ion d’Arist ot e, réint roduit en Europe
occident ale en t raduct ion arabe. Avec la disponibilit é des t raduct ions lat ines, Albert le Grand
et son élève, Thomas d'Aquin, l’arist ot élisme at t eignit sa plus grande import ance. Albert le
Grand rédigea une paraphrase d’Arist ot e, De causis et processu universitatis, dans laquelle il a
enlevé cert ains comment aires par les savant s arabes et incorporé d’aut res[7]. Les écrit s
influent s de Thomas d’Aquin, t ant sur le physique et le mét aphysique, sont principalement
d’influence arist ot élicienne, mais ils mont rent de nombreuses aut res influences[8].

La générat ion spont anée est admise comme un fait dans la lit t érat ure jusqu’à la Renaissance.
Là où Shakespeare t rait e, en passant , des serpent s et des crocodiles formés à part ir de la
boue du Nil dans Antoine et Cléopâtre (2.7 F1), Izaac Walt on soulève à nouveau la quest ion de
l’origine des anguilles dans le Parfait Pêcheur à la ligne quand « les rat s et les souris, et de
nombreuses aut res créat ures vivant es, naissent en Égypt e, de la chaleur du soleil quand il
brille sur la crue du fleuve… ». Bien que la vieille quest ion de l’origine des anguilles soit rest ée
sans réponse et que l’idée que les anguilles se reproduisaient à part ir de la corrupt ion de l’âge
ait ét é ment ionnée, celle de la générat ion spont anée des rat s et des souris n’a suscit é aucun
débat [9].

Parmi ces nombreuses croyances, cert aines avaient des implicat ions doct rinales. Par
exemple, l’idée que la variét é de canard plongeur connue sous le nom de macreuse émanait du
crust acé connu sous le nom de bernacle des navires, eut des répercussions sur la prat ique du
jeûne pendant le Carême. En 1188, Giraud de Barri, après s’êt re rendu en Irlande, fit valoir que
le fait que la générat ion « cont re nat ure » des macreuses prouvait la véracit é de l’Immaculée
Concept ion[10]. Conséquemment , la consommat ion de cet t e espèce de canard plongeur ét ait
aut orisée au cours du jeûne de Carême lorsque la volaille ét ait int erdit e mais le poisson
aut orisé, puisqu’on pensait qu’elle venait d’un coquillage. Il ne fallut rien de moins qu’un décret
du pape Innocent III en 1215 pour met t re fin à cet t e prat ique [11]. Cont est er la générat ion
spont anée équivalait donc à cont est er les enseignement s de l’Église et pouvait avoir de
graves conséquences : au début de 1672, le savant caennais André Graindorge réunit
l’Académie de physique de Caen, fondée en 1662, aut our d’un projet d’ét ude visant à réfut er la
t héorie selon laquelle la macreuse provenait des bernacles des navires. Lorsque Guy
Chamillart , int endant royal de la généralit é de Caen, à qui Graindorge avait confié les
conclusions qu’il avait rédigées sur le projet auquel il avait t ravaillé personnellement , les
soumit à l’Académie des sciences et à la cour[12], ses conclusions furent rejet ées et , en
représailles, la Cour décida de cesser de financer l’Académie qui, à court de fonds, fut acculée
à la dissolut ion fin 1672[13].

Critique de Théophraste

Théophrast e admet une générat ion spont anée chez les plant es et une générat ion normale [14].

Notes et références

Notes
a. L'abiogenèse est l'apparition de la vie, sans doute sous la forme de micro-organismes
primitifs, à partir de matière organique inanimée. Ce n'est pas la même chose que la
génération spontanée d'organismes complexes, par exemple l'apparition de vermine à
partir de la pourriture comme on l'a cru jusqu'aux démonstrations contraires de Pasteur.

Références
1. (en) André Brack, The Molecular Origins of Life : Assembling Pieces of the Puzzle,
Cambridge University Press, 1998, 417 p. (ISBN 978-0-521-56475-5, lire en ligne (http://as
sets.cambridge.org/97805215/64755/excerpt/9780521564755_excerpt.pdf) ),
« Introduction », p. 1

2. « La générat ion spont anée. Hist oire d'une hypot hèse persist ant e » (http://exobio.chez-ali
ce.fr/generation-spontanee.htm) , sur exobio.chez-alice.fr

3. « Générat ion spont anée (repères chronologiques) » (https://www.universalis.fr/encyclope


die/generation-spontanee-reperes-chronologiques/) , sur universalis.fr

4. Louis Pasteur, Claude Bernard, Charles Darwin… La science conquérante (http://hebdo.nou


velobs.com/hebdo/parution/p2250/dossier/a363031-la_science_conqu%C3%A9rante.ht
ml) Michel de Pracontal in Le Nouvel Observateur no 2250 du 20 décembre 2007

5. (en) Iris Fry, The Emergence of Life on Earth, Nouveau-Brunswick, Rutgers University
Press, 2000, poche (ISBN 978-0-8135-2740-6, lire en ligne (https://books.google.com/boo
ks?id=Fo7tQ5mG21IC&printsec=frontcover) ), « Chapter 2: Spontaneous Generation —
Ups and Downs »

6. Saint Augustin, De Genesi ad litteram imperfecti liber (Le Sens littéral de la Genèse :
ouvrage inachevé), vol. Livre 1, v. 391, « Part 19 »

7. (en) Edward N. Zalta (éditeur) et the Great (http://plato.stanford.edu/entries/albert-great/


Albert) , Stanford Encyclopedia of Philosophy, Stanford, CA, The Metaphysics Research
Lab, 2009 (ISBN 1-158-37777-0, ISSN 1095-5054 (https://www.worldcat.org/issn/1095-50
54&lang=fr) , OCLC 179833493 (https://worldcat.org/oclc/179833493&lang=fr) , lire en
ligne (http://plato.stanford.edu/) )

8. (en) Edward N. Zalta (éditeur), Stanford Encyclopedia of Philosophy, Stanford, CA, The
Metaphysics Research Lab, 2009 (réimpr. January 9, 2005) (ISBN 978-1-158-37777-0 et
1-158-37777-0, ISSN 1095-5054 (https://www.worldcat.org/issn/1095-5054&lang=fr) ,
OCLC 179833493 (https://worldcat.org/oclc/179833493&lang=fr) , lire en ligne (http://pl
ato.stanford.edu/) )

9. (en) Izaak Walton (transcribed by Risa Bear), The Compleat Angler or the Contemplative
Man's Recreation, Bloomington (Indiana), George Bell & Sons, 1903 (1re éd. 1653)
(ISBN 978-0-929309-00-2, lire en ligne (http://www.uoregon.edu/~rbear/walton/index.ht
ml) ), « XIII. Observations of the eel, and other fish that want for scales, and how to fish
for them »

10. Giraldus Cambrensis, Topographia Hiberniae, 1188 (ISBN 978-0-85105-386-8, lire en ligne


(http://www.fordham.edu/halsall/source/1188geraldwales-barnacle.html) )
11. (en) Sir Edwin Ray Lankester, Diversions of a Naturalist, Freeport, Ayer Publishing, 1970
(1re éd. 1915) (ISBN 978-0-8369-1471-9, lire en ligne (https://books.google.com/books?id
=d1GnwwmfvC8C&printsec=frontcover) ), « XIV. The History of the Barnacle and the
Goose », p. 117–128

12. (en) David Lux, Patronage and Royal Science in Seventeenth-Century France : Academie de
Physique in Caen, Ithaca, Cornell University Press, 1989, 256 p. (ISBN 978-0-8014-2334-5),
p. 20

13. Il faudra attendre 1680, quatre ans après la mort de Graindorge, pour que son traité intitulé
De l’origine des macreuses, soit édité à Caen par Thomas Malouin.

14. Hendrik Cornelius Dirk De Wit, Histoire du Développement de la Biologie, Volume III,
Presses Polytechniques et Universitaires Romandes, Lausanne, 1994, p. 370
(ISBN 2-88074-264-1)

Voir aussi

Bibliographie
(en) St uart Kauffman, At home in the universe

John Maynard Smit h, Eörs Szat hmary, Les origines de la vie

Céka et Yigaël et Gabiculi, Pasteur et la génération spontanée : la vie peut-elle apparaître


sans parents (http://www.editionsekoya.com/index.php/jeunesse/99-pasteur-et-la-generation
-spontanee)  ?, Les Édit ions du Sékoya, 2016

Articles connexes
Expérience de Miller

Origine de la vie

Biosynt hèse des prot éines

Vit alisme

Abiogénèse

Bion (organique)

Anaxagore : « Rien ne naît ni ne périt , mais des choses déjà exist ant es se combinent , puis se
séparent de nouveau »

Ant oine Lavoisier : « Rien ne se perd, rien ne se crée, t out se t ransforme »

Portail origine et évolution du vivant


Ce document provient de
« https://fr.wikipedia.org/w/index.php?
title=Génération_spontanée&oldid=187467251 ».


Dernière modifi cation il y a 2 mois par 2.59.70.132

Vous aimerez peut-être aussi