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Rendons à Virgile...
Guy de Tervarent
de Tervarent Guy. Rendons à Virgile.... In: Journal des savants, 1969, n° pp. 243-246;
doi : https://doi.org/10.3406/jds.1969.1205
https://www.persee.fr/doc/jds_0021-8103_1969_num_4_1_1205
On s'étonne qu'un texte de Virgile aussi célèbre que les paroles d'accueil
de la Sibylle de Cumes, et qui pourrait avoir suggéré à Dante l'Enfer de
la Divine Comédie, n'ait pas été reconnu. Il ne faut pas en attribuer la raison
à un autre motif que ceci : l'art est une chose, la littérature une autre. Les
esprits qu'attire l'art ne sont pas nécessairement ceux que la littérature retient.
Ainsi s'explique que l'iconologie, qui est l'explication des images par les
textes, n'avance que lentement et laisse un large champ en friche.
Les vers de Virgile, que nous avons cités, figurent sur une gravure dont
la description par Bartsch a été reproduite ci-dessus. Ils l'expliquent, en même
temps que la gravure explique les vers.
Nous y voyons la Sibylle de Cumes armée d'un javelot, et à ses pieds
sont gravées les paroles qu'elle adresse à Ènée à son arrivée sur le sol italien ;
elle ne lui cache pas les difficultés qui l'attendent, mais lui fait prévoir son
succès final : TU NE CEDE MALIS. SED CONTRA AUDENTIOR ITO,
paroles que Virgile met dans la bouche de la Sibylle au VIe livre de Enéide,
vers 95, et qui permettent d'identifier le personnage.
Dans le coin gauche, apparaît Thésée condamné à résider aux Enfers
pour l'éternité. Il y figure appuyé à un rocher, dont la base porte les mots
que Virgile lui destine: SEDET AETERNUMQUE SEDEBIT INFOELIX
(En. VI, 617-618), et il y aurait, en effet, passé l'éternité, pour avoir tenté
d'enlever Proserpine, reine des Enfers, si Hercule, son émule terrestre en
travaux bénéfiques, passant par là, ne l'en avait délivré.
Remarquons que ces vers de Virgile constituent une forme de la poésie
latine qu'on est convenu d'appeler centon.
Le centon était un poème fabriqué entièrement de vers empruntés à des
poèmes célèbres, en ayant soin d'en gauchir légèrement le sens originel.
Octave Delepierre a consacré un gros volume au centon, qu'il définit
comme « un échafaudage poétique construit en morceaux détachés... : on accole
deux hémistiches différents pour former un vers, ou on joint un vers et la
moitié du suivant à la moitié d'un autre » {Tableau de la littérature du Centon
chez les anciens et chez les modernes, Londres, 1874, p. 55).
Les faiseurs de centons travaillaient « more centonario », à la manière
des chiffonniers, dont le métier était de coudre ensemble des lambeaux d'étoffe
pour faire des vêtements rapiécés ou des couvertures. Le centon était un
véritable manteau d'Arlequin.
« La coutume existait parmi les Romains, paraît-il, de faire parfois des
centons durant les repas, pour amuser les convives. »
Lucien, dans « Le Banquet » ou « Les Lapithes », rapporte que le gram-
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Guy de Tervarent.