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534 NAISSANCE DE L’UNIVERSITÉ L’ESSOR IN TELLECTU EL ET INSTITUTIONNEL 535

L'archevêque de Sens. Gautier Comut. est présent, de même que le est possible qu’une seconde crémation du Talmud ait alors eu lieu, en
roi” ’. De ce débat, on ne conserve qu'un procès-verbal en hébreu” *, 1244*". Dans les années qui suivent. Innocent IV. peut-être effrayé par
et quelques pièces latines annexées aux Extractiones. Il a peut-être l'ampleur de la répression, souhaite suspendre ces persécutions, mais il
lieu dans l’un des couvents mendiants” * ou au palais épiscopal de est convaincu du contraire par son intransigeant légat. Eudes de Châ-
Paris. Selon les Extraciiones, à l’issue des débats, trente-cinq erreurs teauroux. qui le pousse à les poursuivre (notamment dans une lettre
contraires à la foi chrétienne ont été recensées dans le Talmud, qui qu’il lui adresse fin 1247*"). Si bien que le 15 mai 1248. le Talmud
doit être expurgé. Thomas de Cantimpré rapporte, dans le Bonum uni­ est solennellement condamné par l'évêque de Paris. Guillaume d'A u­
versale de apibus, que les rabbins demandent alors à l’archevêque de vergne. par son chancelier, et par les maîtres en théologie et en droit
Sens qu’on leur rende leurs biens. Gautier Comut, en échange d ’ar­ canonique de Paris, dont les noms sont cités” ’. Sont présents onze
gent (toujours selon Thomas de Cantimpré). accepte de défendre leur maîtres en théologie actifs en 1248 : Gauthier de Château-Thierry, le
cause auprès du roi et obtient la restitution des livres. Mais il est mani­ chancelier, Aymeric de Vcyrc, Guillaume de Cramaut. Piene l'arche­
feste que les docteurs juifs ont perdu le procès, puisqu’un brûlement vêque. Raoul de Mont-Didier, Étienne, archidiacre de Meaux, Robert de
du Talmud a lieu à Paris quelques mois plus tard, probablement après Coton,Guillaume de Mcliton (O i\M .), Jean Pointlasne (O.P.). Albert le
la mort de Gautier Comut. survenue en 1241, c'est-à-dire en 1242 ou Grand (O.P.), Étienne d'Auxerre (O.P.). Parmi les boni viri également
1244, avant même que le nouveau pape élu ne se soit prononcé. Sans présents ce jour-là, il faut noter la présence de plusieurs archidiacres
doute parce qu'il subsiste des exemplaires du Taldmud en circula­ et de frères mendiants, dont Henri de Cologne et Tnibaud de Sézanne,
tion. et parce qu’innocent IV souhaite mener l'affaire à son terme, il mêlés à cette affaire depuis ses origines.
condamne officiellement le Talmud, le 9 mai 1244, sur l'avis du légat Au cours de ce que l'on peut appeler I’« affaire du Talmud ». qui se
Eudes de Châteauroux. dans une lettre adressée au toi de France. Le déroule de 1239, date à laquelle Nicolas Donin se rend auprès de Gré­
pape y précise qu'en condamnant le Talmud. il se contente de suivre goire IX. jusqu’à cette sentence officielle de condamnation par l’évêque
l’avis du chancelier et des maîtres en théologie de Paris émis au cours de mai 1248. pendant ces neuf longues années, les maîtres en théologie
du pontificat de Grégoire IX. lors du fameux débat” 0. Et il ordonne la de Paris interviennent à plusieurs reprises. Mais quels sont ceux qui ont
destruction de tous les livres qui subsistent, notamment à Paris. On sait pu avoir un rôle décisif et de quelle manière ont-ils agi? À l’inverse,
que Louis IX répercute aussitôt l'ordre pontifical dans sa capitale, et il y a-t-il des maîtres qui sont plutôt restés en retrait? Ceux qui assis­
tent à la condamnation de 1248, énumérés plus haut, n'étaient pas tous
287. A Tuilier, « Ln condamnation du Talmud par les maîtres universitaires parisiens :
maîtres lors du procès-débat de 1240. Étaient alors actifs à Paris : chez
ses causes et ses conséquences politiques et idéologiques ». Le brûlement du Talmud, les Mineurs. Alexandre de Halès et Jean de la Rochelle, qui meurent
op eu.. p 59-78. tous deux en 1245, chez les Prêcheurs : Geoffroy de Bléneau (jusqu'en
288. Le Vktuah Rabbenu Yehiel mi-Pariz, dont R Choron fait l'analyse dans son ar­ 1242), Étienne de Vénizy et Guerric de Saint-Quentin (jusqu'en 1242).
ticle « The Hebrew Report on the Trial ol the Talmud information and consolation », remplacés par Laurent de Fougères et Guillaume d'Étampes.et dans les
dans Le brûlement du Talmud, op. cit.. p. 79-93.
écoles séculières : Eudes de Châteauroux. Gauthier de Château-Thierry.
289. L’hypothèse est avancée par A. Tuilier, an. cité. p. 63.
290. Cha/tularium. n° 131 : « I.icet dilectus filius cancellarius Parisiensts et doctores Pierre de Lamballc. Aymeric de Vcyre, Étienne Bérout ( t 1243). Étienne
regenres Pansius in sacra pagina de manduo felicis rvcordationis G. pape predcccssons de Provins. Pierre Petit. Pierre de Bar. Parmi ces séculiers.deux maîtres
ncatn lam predictum abustonis librum quam alios quosdam cum omnibus glosts suis poursuivent leur enseignement magistral durant toute l'affaire, de 1240
pertecios in parte ne eiaminatos ad confusioncm perfidie ludeonrm publice coram clero à 1248, il s’agit d ’Aymeric de Vcyre et de Gauthier de Château-Thieny.
et populo incendio concremarint. prout in Utteris eonim perspeximus contineri, quibus
tu tanquam catholicus rex et prinoep» chrisiiamwimus impcndtsti super hoc auxilium 291. A Tuilier, art. ci*, p 66.
coagruum et favorem. pro quo rcgalcm excellentiam dignis in Domino laudibus com- 292 Chartularium. tT 173. p. 202-205.
roendamus ac prosequimur actionibus grattantm... »
29V Ibid , p 210-211.

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