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L’intervention psycho-éducative
clinique positive (PBS)
auprès des personnes ayant un autisme
et des troubles du comportement
Un défi pour tous !
Ghislain Magerotte,
Professeur émérite à la Faculté de Psychologie et des sciences de l’Éducation,
Université de Mons (Belgique)
Eric Willaye,
Docteur en Psychologie, Directeur général de la Fondation Service Universitaire
Spécialisé pour personnes avec Autisme (SUSA), Enseignant à la Faculté
de Psychologie et des sciences de l’Éducation, Université de Mons (Belgique)
Pascale Tits
Psychologue, Intervenante au SUSA-Bruxelles de la Fondation
Service Universitaire Spécialisé pour personnes avec Autisme (SUSA)
INTRODUCTION
1. Cette notion de Projet Individualisé est présente depuis de nombreuses années dans la
littérature scientifique internationale, sous des dénominations diverses. Dans la littérature
américaine, le terme IEP (Individualized Education Programme) est utilisé depuis le début
des années 70. En langue française, plusieurs termes ont été proposés. Dès 1984, nous avons
proposé les termes « PEI » (Programme Educatif Individualisé : Magerotte, 1984) et en 2004,
le Ministère de l’Éducation responsable de la scolarité obligatoire en Wallonie et à Bruxelles
a préféré les termes « Plan Individuel d’Apprentissage », alors que dans le secteur social du
handicap, plusieurs termes sont utilisés (Projet Personnalisé d’Intervention, Projet Individualisé,
notamment) depuis 1995. Au Québec, le Plan de Service Individualisé (PSI) a été proposé
essentiellement dans le secteur social du handicap (Boisvert, 1990 ; Côté et al., 1989) et l’école
a opté pour le Plan d’Intervention (Goupil, 2007). Quant à la France, le Projet Personnalisé
a été retenu par l’ANESM (2008, 2009) et la HAS (2012) a préféré le Projet Personnalisé
d’Intervention. Quant à l’Éducation, elle parle de Projet Personnalisé de Scolarisation. Encore
faut-il que les objectifs visés par ces projets soient traduits en programmes d’intervention.
pas pris son petit déjeuner ce matin et trépigne pour prendre le bonbon de son
camarade vers 11 heures, alors qu’habituellement, il prend son petit déjeuner à la
maison le matin et attend sans difficulté son repas de midi à l’école.
En termes techniques, on dira que le comportement problématique de l’enfant
est émis en présence de stimuli antécédents, c’est-à-dire ceux qui se présentent
immédiatement avant ce comportement (les stimuli discriminatifs) et qu’il
est suivi soit d’une conséquence agréable comme recevoir le jeu souhaité
(présentation d’un renforçateur positif ou d’une conséquence
“L’hypothèse positive), soit encore d’un échappement à la situation difficile
fonctionnelle précise qu’il vivait (échappement à une situation aversive). De plus,
les motivations ce modèle tient compte aussi des « événements contextuels »
pour lesquelles par exemple, s’étant passés quelque temps auparavant (comme
la personne manifeste la dispute avec la maman, ou une faim liée à l’absence de
à un moment donné petit déjeuner le matin) ou encore liés aux caractéristiques de
un tel comportement” l’autisme (nous y reviendrons ci-après). Cette identification
des conditions d’apparition du comportement problématique
est ce qu’on appelle « l’hypothèse fonctionnelle » ; elle précise
les fonctions du comportement, c’est-à-dire les motivations pour lesquelles la
personne manifeste à un moment donné un tel comportement ou une suite de
comportements. Celles-ci se résument donc à deux fonctions : à quoi la personne
échappe (ou évite) et ce qu’elle reçoit.
Cette hypothèse est formulée suite à une « évaluation fonctionnelle », qui peut
être réalisée à l’aide de plusieurs outils. Pour une première analyse, essentielle en
équipe, permettant à plusieurs personnes de collecter toute l’information requise,
on utilisera le formulaire d’entretien de l’évaluation fonctionnelle présenté en
détail dans le manuel pratique d’O’Neill et al. (2008). Je renvoie aussi aux textes
de Magerotte et Willaye (2010), Magerotte et al. (2007) et Willaye et Magerotte
(2003, 2008).
De plus, la personne avec autisme a un style de développement ou d’apprentissage
particulier. Cet aspect a été abordé dans Magerotte et al. (2009). La personne
se développe et apprend si dans ses relations avec le monde environnant, trois
éléments sont pris en compte : sa façon de percevoir (Input) et de traiter les attentes
ou stimuli de l’environnement (Elaboration) et, enfin, sa façon d’agir ou de se
comporter avec cette information (Output). Nous résumerons brièvement ces trois
aspects, en attirant l’attention sur le fait qu’ils sont en interaction continuellement.
En d’autres mots, sa perception est influencée par sa façon de traiter l’information
et son comportement influence l’input et l’élaboration.
La personne doit d’abord « bien percevoir » et « bien traiter » les attentes de
l’environnement. À titre d’exemples, la personne avec autisme a des difficultés
à percevoir correctement via ses sens, à prêter attention aux stimuli importants
(par exemple, difficulté à regarder son interlocuteur dans les yeux, ou de prêter
On peut également lui apprendre à demander de l’aide ou une petite pause, pas
en disant des gros mots ou en se jetant par terre, mais par exemple à l’aide d’une
carte « aidez-moi » (comportement de remplacement) et en le ramenant après à
son travail ou en l’aidant à le finir, et en le renforçant.
Enfin, l’intervenant devra évaluer les compétences de la personne, avant
l’apprentissage (la ligne de base) et aussi durant l’apprentissage, pour vérifier
que la personne progresse bien ; c’est la stratégie d’évaluation dite à cas unique
A-B, avant l’intervention (A) et pendant l’intervention (B), avec une attention
particulière au suivi ultérieurement, dans d’autres contextes, avec d’autres
personnes. Pour s’assurer que les progrès sont bien dus à la méthode employée,
il faut encore utiliser d’autres stratégies expérimentales comme la stratégie
« reversal » avec renversement du procédé (A-B-A-B), les lignes de base multiples
(pour plus de détails, voir Magerotte et Willaye, 2010, chapitre 14).
Précisons – s’il est encore besoin - que la réponse à ces trois préoccupations ne
figure aucunement dans un manuel de « recettes » ou des « trucs », mais dans
la méthodologie présentée dans ce texte et détaillée dans Magerotte et Willaye
(2010) et Willaye et Magerotte (2008). Il n’y a donc pas des « solutions toutes
faites » pour diminuer les comportements problématiques d’une personne. À
chaque fois, il faudra analyser sa situation et répondre aux trois préoccupations
ci-dessus.
Dès lors, pour mener à bien cette intervention, nous devons aborder brièvement le
rôle des intervenants, qu’ils soient professionnels ou non !
avec des handicaps sévères, ont travaillé à situer cette démarche d’intervention
individualisée dans le cadre d’une approche davantage systémique. Cela a
débouché sur le School-Wide Positive Behavior Support qui concerne à présent
tous les élèves qui présentent des comportements-défis (avec ou sans handicap) et
l’ensemble de la communauté scolaire.
Cette démarche est une approche systémique de prévention et d’intervention
des comportements-défis dans les écoles, qui envisage trois niveaux
d’action. D’abord, des stratégies de prévention primaire ou universelle
utilisées avec tous les étudiants dans tous les milieux, impliquant tous les adultes
et tout le temps. Son rôle est de prévenir l’apparition des
“Ces stratégies se problèmes de comportement chez les élèves et étudiants par
heurtent à des difficultés l’emploi d’interventions proactives et de concerner l’école
concrètes d’implantation entière. Ces stratégies sont multiples, notamment : soutien
dans les services scolaire, enseignement des compétences sociales, enseigner
et dans les écoles” les attentes de l’école, renforcement positif pour tous,
management de la classe.
Ensuite, les stratégies de prévention secondaire fournissent des interventions de
groupe aux élèves et étudiants qui ne réagissent pas aux stratégies de prévention
primaire et pour lesquels des interventions individualisées ne paraissent pas
nécessaires. Elles comprennent des activités de classe ou de groupe, notamment
des programmes de self-management, l’enseignement intensif des compétences
sociales.
Enfin, et c’est le troisième niveau, les stratégies de prévention tertiaire
consistent à proposer des interventions individualisées positives (PBS) impliquant
une analyse et une hypothèse fonctionnelle débouchant sur un plan de soutien
compréhensif pour ces élèves et étudiants ayant des troubles du comportement
importants favorisant l’apprentissage de comportements alternatifs positifs.
La démarche implique donc à la fois les systèmes (l’école, la famille, etc.),
les pratiques ou stratégies et le recueil de données sur les interventions qui
sont proposées. Elles n’utilisent en aucun cas la suspension à l’intérieur de
l’établissement ni l’exclusion.
Ces stratégies ont fait l’objet de nombreuses évaluations et peuvent être
considérées comme « evidence-based », particulièrement pour des personnes
ayant des troubles graves du comportement, et notamment celles qui ont de plus
une déficience intellectuelle et/ou de l’autisme (par exemple, Carr et al., 1999). De
plus, elles ont été appliquées en famille. Des données commencent à être récoltées
sur les aspects « systémiques » du SWPBS et font l’objet de recherches, vu la
reconnaissance de cette démarche par la législation américaine. Elles portent à la
fois sur les acquisitions scolaires et les problèmes de comportement – deux aspects
étroitement liés.
EN CONCLUSION
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