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Synthèse

General review
Volume 99 • N◦ 3 • mars 2012
©
John Libbey Eurotext

Syndromes paranéoplasiques à
expression rénale et atteintes rénales
des cancers
Renal involvement in cancer and renal paraneoplastic syndromes
Juliette Thariat1 , Benoit Vendrely2 , Sophie Roca2 , Alain Ravaud3 , Jacques-Olivier Bay4 , Alexis Lacout5 ,
Pierre-Yves Marcy1 , Antoine Thyss1 , Jean-François Besancenot6
1 Université Nice - Sophia-Antipolis, centre Antoine-Lacassagne, département de radio-oncologie, IBDC CNRS
UMR 6543, 33, avenue Valombrose, 06189 Nice Cedex 2, France
<jthariat@hotmail.com>
2 Groupe hospitalier Pellegrin, département de néphrologie, 33076 Bordeaux Cedex, France
3 CHU de Bordeaux, département d’oncologie médicale, 33076 Bordeaux, France
4 Cellular Therapy and Clinic Hematology Unit, Hôtel-Dieu, 63000 Clermont-Ferrand, France
Article reçu le 3 septembre
5 Centre d’imagerie, 15000 Aurillac, France
2011,
6 Department of Internal Medicine and Systemic Diseases, General Hospital, University Hospital, 3, rue
accepté le 17 septembre 2011
Tirés à part : J. Thariat Faubourg-Raines, 21000 Dijon Cedex, France

Pour citer cet article : Thariat J, Vendrely B, Roca S, Ravaud A, Bay JO, Lacout A, Marcy PY, Thyss A, Besancenot JF.
Syndromes paranéoplasiques à expression rénale et atteintes rénales des cancers. Bull Cancer 2012 ; 99 : 263-75.
doi : 10.1684/bdc.2011.1491.

Résumé. Rationnel. Les manifestations rénales


Abstract. Background. Renal alterations in
associées aux cancers sont fréquentes et diverses mais
the context of neoplastic disease are relatively
assez peu décrites. Matériel et méthodes. Une ana-
frequent manifestations but are overall poorly
lyse de la littérature en anglais ou français issue de
reported. Material and methods. A search in
Medline a été réalisée avec les mots-clés suivants :
the English and French literature was performed
« cancer », « rein », « syndrome paranéoplasique »,
using the following key words: “cancer”, “renal”,
« glomérulopathie » et « insuffisance rénale ». Résul-
“paraneoplastic syndrome”, “glomerulopathy” and
tats. Les atteintes rénales liées aux néoplasies sont
“kidney failure”. Results. The various renal mani-
soit spécifiques, liées à une atteinte rénale directe
festations can be divided into specific and
par la pathologie cancéreuse, soit liées à un syn-
paraneoplastic. They include paraneoplastic glo-
drome paranéoplasique secondaire à la pathologie
merulopathies (membranous glomerulonephristis
néoplasique associée. Elles comprennent des gloméru-
being the most frequent), direct involvement of
lopathies paranéoplasiques (dont la glomérulonéphrite
the renal parenchyma, hydroelectrolytic abnor-
extramembraneuse est la plus fréquente), des troubles
malities (hypercalcemia, inappropriate antidiuretic
hydroélectrolytiques (une hypercalcémie, un syndrome
hormone secretion. . .), retroperitoneal fibrosis,
de sécrétion inappropriée d’hormone antidiurétique
micro-angiothrombotic disease and tumor lysis syn-
[SIADH]. . .), un envahissement du parenchyme rénal,
drome. Anticancer and symptomatic treatments
une compression vasculaire ou des voies excrétrices,
do not guaranty complete recovery in all cases.
une fibrose rétropéritonéale, une microangiopathie
Conclusion. The frequency and the severity of
thrombotique et un syndrome de lyse tumorale. Le trai-
some renal manifestations associated with mali-
tement de la maladie causale ne garantit pas toujours
gnant hemopathies and carcinomas indicates a
une restitution ad integrum. Conclusion. La gravité et
need for initial renal-oriented work-up and follow-
la fréquence des atteintes rénales nécessitent un bilan
up. 
initial et un suivi orientés. 

Mots clés : cancer, rein, syndrome paranéoplasique, glomé- Key words: cancer, renal, paraneoplastic syndrome, glome-
doi : 10.1684/bdc.2011.1491

rulopathie, compression rulopathy, kidney failure

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J. Thariat, et al.

Introduction volume par ascite ou une occlusion intestinale, soit


liée à une vasodilatation périphérique secondaire à
Les atteintes rénales sont fréquentes lors de la prise
une septicémie, un dysfonctionnement de la circulation
en charge des patients atteints de cancer et le spectre
intrarénale, un syndrome hépatorénal (maladie veino-
de ces atteintes rénales liées aux cancers est large [1].
occlusive hépatique après greffe de moelle osseuse).
L’incidence des cancers chez des patients ayant une
L’insuffisance rénale aiguë peut être due à une atteinte
glomérulonéphrite est, par ailleurs, plus élevée que
glomérulaire, une glomérulopathie paranéoplasique,
dans la population générale [2].
une MAT, une atteinte tubulaire liée à une ischémie
Ces atteintes rénales des néoplasies sont soit spé-
sur choc des chaînes légères des dysglobulinémies,
cifiques, liées à une atteinte rénale directe par
une hypercalcémie, une hyperphosphorémie et une
la pathologie cancéreuse, soit liées à un syn-
hyperuricémie. Une insuffisance rénale par atteinte
drome paranéoplasique secondaire à la pathologie
du tissu interstitiel est également possible suite à une
néoplasique associée, mais la frontière entre ces
infiltration néoplasique, une MAT et une vascularite.
entités est parfois difficile à définir. Ces atteintes
Une insuffisance rénale post-rénale est observée en cas
rénales comprennent des glomérulopathies paranéo-
d’obstruction urétrale par exemple sur cancer du col,
plasiques, une microangiopathie thrombotique (MAT),
une obstruction vésicale par un cancer de prostate ou
des troubles hydroélectrolytiques, une hypercalcémie,
de vessie, une obstruction urétérale bilatérale par can-
un syndrome de lyse tumorale. . . (figure 1). Certaines
cer pelvien, fibrose rétropéritonéale, lithiase, caillot ou
atteintes ou manifestations similaires peuvent relever de
nécrose papillaire. Une insuffisance rénale est observée
processus physiopathologiques différents comme cer-
dans 20 à 50 % des cas de myélome et un syndrome
tains troubles hydroélectrolytiques, un envahissement
néphrotique dans 15 à 25 % des myélomes.
du parenchyme rénal, une compression vasculaire ou
une fibrose rétropéritonéale. Ces atteintes rénales liées
au cancer sont inaugurales ou apparaissent au cours de
Spectre des atteintes rénales
l’évolution. Elles sont en particulier fréquentes dans les et physiopathologie
hémopathies et notamment dans le myélome.
Elles peuvent aussi être iatrogènes, liées aux consé- Syndromes paranéoplasiques
quences du traitement du cancer (néphrotoxicité des Un syndrome paranéoplasique désigne des manifes-
chimiothérapies, des thérapies ciblées, néphropathie tations cliniques qui ne sont pas directement liées
radique [3, 4]), mais ne font pas l’objet de cette revue. à la masse tumorale, à son invasivité locale ni aux
Compte tenu de la fréquence des atteintes rénales et métastases mais sont dues à une sécrétion de produits
de l’impact sur le rein des traitements anticancéreux, dérivés des cellules tumorales tels que des hormones,
une évaluation initiale précise de la fonction rénale doit des facteurs de croissance, des cytokines et des anti-
être systématique lors de la prise en charge initiale d’un gènes tumoraux.
cancer [5].
Nous traiterons ici des atteintes rénales des cancers et Glomérulopathies paranéoplasiques
des hémopathies ainsi que des syndromes paranéopla- Les glomérulopathies paranéoplasiques constituent
siques. une entité hétérogène (tableau 1). Des lésions gloméru-
laires peuvent survenir dans de nombreuses néoplasies
Sémiologie des atteintes rénales [6, 7]. Le concept de glomérulopathie paranéopla-
Les modes de découverte sont divers allant du sique date de 1922, décrit par Galloway, mais les
syndrome néphrotique à une oligoanurie ou à la premières pistes physiopathologiques ne sont appor-
découverte systématique d’une protéinurie ou d’une tées qu’en 1966. À cette époque, il est démontré que
insuffisance rénale. L’insuffisance rénale aiguë sur- 11 % des patients pris en charge pour cancer ont un
venant au cours des affections malignes est soit syndrome néphrotique, qui précède le cancer dans
prérénale, due à une hypovolémie et une déshydra- deux tiers des cas, en rapport avec une gloméruloné-
tation extracellulaire secondaires à des pertes extraré- phrite extramembraneuse. La prévalence de l’atteinte
nales : vomissements, diarrhée induite par la tumeur rénale histologique chez des patients atteints de patho-
ou les traitements, une séquestration, un troisième logie néoplasique varie entre 17 et 55 % sur des

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Syndromes paranéoplasiques à expression rénale et atteintes rénales des cancers

Glomérulonéphrite membranoproliférative

Hyalinose segmentaire et focale


Glomérulopathies Glomérulonéphrite extramembraneuse Hémopathies (myélomes, LLC, lymphomes B++)
paranéoplasiques
Lésions glomérulaires minimes

Glomérulonéphrite rapidement progressive

Néphropathie à IgA
Tubulopathies Myélomes ++
Syndrome hémolytique et urémique
Microangiopathie SHU Adénocarcinomes gastriques, mammaires et pulmonaires
thrombotique (mucosécrétants ++)
Purpura thrombotique
thrombocytopénique PTT Cancers du sein, de la prostate, du poumon, myélomes,
lymphomes
Hypercalcémie
Lymphomes, leucémies, thymomes, neuroblastomes
thymiques et olfactifs, sarcomes d’Ewing, mésothéliomes,
Troubles Hypernatrémie, hypokaliémie, tératomes ovariens immatures, mélanomes
hydroélectrolytiques hyperkaliémie, hyperuricémie ...
CPC, cancers ORL, du sein, de la prostate…
SIADH
CPC, cancers anaplasiques, thymomes, cancers du
pancréas, de l’estomac, de l’ovaire
Hypercorticisme paranéoplasique Hépatocarcinomes, poumon, ovaire, colon, pancréas,
corticosurrénalome, tératome, hémangiopéricytome
Hyperréninisme orbitaire, adénocarcinome de la trompe de Fallope

Lymphomes, sarcomes, voies excrétrices urinaires,


Fibrose rétropéritonéale carcinoïdes, rétropéritonéales, métastases de cancers du
sein/de l’estomac/de la prostate/du col utérin

Tumeurs pelviennes, métastases de cancer (sein, colon,


Obstacle vasculaire ou des voies
poumon), fibrose retro-péritonéale, adénopathies de
excrétrices
Atteinte spécifique directe lymphome

Envahissement du parenchyme rénal Leucémies aigues, lymphomes, métastases de cancer du


poumon, de mélanome

Syndrome de lyse tumorale Cancers de l’endomètre, CHC, LLC, LMC

Figure 1. Schématisation des principaux syndromes et pathologies qui leur sont le plus fréquemment associées. LLC : leucémie
lymphoïde chronique ; CHC : carcinome hépatocellulaire ; LMC : leucémie myéloïde chronique; SHU : syndrome hémolytique et urémique ;
PTT : purpura thrombotique thrombocytopénique ; SIADH : syndrome inapproprié d’hormone anti-diurétique.

séries cliniques et autopsiques. D’autres ont ensuite histologiques se manifestent le plus souvent par un syn-
confirmé la forte prévalence des glomérulonéphrites drome néphrotique.
extramembraneuses chez des patients atteints de car- Le diagnostic de glomérulopathie paranéoplasique
cinome ou d’hémopathie. L’incidence annuelle des repose théoriquement sur une rémission après exé-
glomérulonéphrites extramembraneuses (les gloméru- rèse de la tumeur primitive ou une réponse complète
lopathies les plus fréquentes) après 60 ans est de 2,8 à la chimiothérapie mais certains cancers étant non
pour 100 000 dans la population générale vs plus de curables la relation ne peut pas toujours être vérifiée.
1 000 pour 100 000 en cas de carcinome. Ces chiffres De plus, une preuve histologique n’est pas toujours pos-
relativement anciens sont à pondérer, car le diagnos- sible si la biopsie n’est pas indiquée. En dernier ressort,
tic des cancers est de plus en plus précoce et les une rechute rénale doit théoriquement accompagner
formes avancées au diagnostic sont plus rares. D’autres une récidive du cancer, or les évolutions du cancer et de
types de lésions glomérulaires ont ensuite été décrits la glomérulopathie peuvent être indépendantes. Enfin,
comme la glomérulonéphrite à lésions glomérulaires un lien physiopathologique devrait être établi entre les
minimes (LGM), la néphropathie à IgA, l’amylose, la deux maladies avec mise en évidence de complexes
glomérulonéphrite extracapillaire ou la gloméruloné- immuns, par exemple, ce qui est exceptionnel. Les cri-
phrite membranoproliférative. Ces différentes atteintes tères de causalité sont donc difficiles à définir [8].

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J. Thariat, et al.

Tableau 1. Néphropathies paranéoplasiques dans des tumeurs solides (adapté de Bacchetta et al. [7]). Distribution en nombre de
patients des atteintes rénales en fonction du type de tumeur solide.

Tumeurs Glomérulonéphrite Maladie à Néphropathie Hyalinose Glomérulonéphrite Glomérulonéphrite Total


extramembraneuse lésions à IgA segmentaire membranoproliféra- rapidement
glomérulaires focale tive progressive
minimes
Digestives
Esto- 17 1 1 1 2 6 28
mac/œsophage
3 2 0 1 0 0 6
Pancréas/voies
biliaires
Côlon 5 6 0 0 0 1 12
Foie 1 0 0 0 0 1 2
Urologiques
Rein 18 6 15 5 3 10 57
Prostate 9 0 0 0 1 3 13
Vessie 2 3 0 0 1 1 7
Sein 5 2 0 1 2 3 13
Ovaires 0 1 0 0 1 1 3
Aérodigestives
ORL 2 0 0 0 0 2 4
CPC 6 1 1 0 1 1 10
CBNPC 14 8 1 1 4 3 31
Mésothéliome 2 2 0 1 0 0 5
Autres
Mélanome 1 1 0 1 3 0 6
Sarcome 3 1 0 1 0 1 6
Tumeur 1 0 0 0 0 0 1
cérébrale
Thymome 7 26 0 4 1 3 41
Total 96 60 18 16 19 36 245

ORL : oto-rhino-laryngologique = carcinomes épidermoïdes de la tête et du cou ; CPC : carcinome pulmonaire à petites cellules ; CBNPC : carcinome
bronchopulmonaire non à petites cellules.

Glomérulopathies paranéoplasiques associés sion spontanée de la néphropathie, éventualité bien


aux carcinomes connue de ce type de lésion.
Les cancers en cause sont le plus souvent pulmo- La glomérulopathie la plus fréquente est la gloméru-
naires (50 % des cas) et digestifs (20 %), beaucoup lopathie extramembraneuse dans deux tiers des cas.
plus rarement mammaires ou utérins. Selon le type de L’incidence des cancers est de 5 à 22 % chez les
cancer, jusqu’à 40 % des patients peuvent avoir un syn- patients présentant une glomérulonéphrite extramem-
drome néphrotique précédant le cancer, ce qui impose braneuse [6]. Les cancers associés sont alors plus
une recherche de cancer au diagnostic de syndrome volontiers pulmonaires ou digestifs, mais on retrouve
néphrotique et un suivi orienté en l’absence initiale également des cancers du sein, de la tête et du cou et de
de cancer (tableau 1) [9], d’autant que l’évolution la prostate. Parmi les autres glomérulopathies associées
est le plus souvent rapidement défavorable du fait de aux carcinomes, une néphropathie à IgA paranéopla-
l’évolution de la tumeur. Dans un petit nombre de cas, sique doit être suspectée en cas de lésions cutanées
la régression du syndrome néphrotique accompagne le nécrotiques et en l’absence de cryoglobulinémie [10] et
traitement du cancer, mais les contrôles histologiques on suspectera une origine paranéoplasique (cancer du
manquent pour affirmer qu’il ne s’agit pas d’une régres- poumon à petites cellules, cancers de la cavité buccale

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Syndromes paranéoplasiques à expression rénale et atteintes rénales des cancers

ou du pharynx) si son âge est supérieur à 60 ans. Un d’autant plus quand une immunoglobuline monoclo-
syndrome néphrotique lié à une glomérulonéphrite à nale est identifiée. Les atteintes rénales sont surtout
LGM chez l’adulte doit faire évoquer un syndrome observées dans les syndromes lymphoprolifératifs et,
paranéoplasique et faire rechercher en premier lieu un en particulier, le myélome. Les atteintes glomérulaires
lymphome, mais il peut aussi être associé à des tumeurs sont liées à des dépôts dans la matrice extracellulaire du
digestives ou pulmonaires. mésangium et/ou dans l’interstitium. Le spectre de leurs
La prévalence des cancers, y compris les hématopathies manifestations est large. Ces glomérulopathies se mani-
malignes, dans des situations de glomérulonéphrite festent par une amylose AL dans l’amylose primitive, le
rapidement progressive (glomérulonéphrite extracapil- myélome, la maladie de Waldenström, les lymphomes
laire) est estimée à environ 8 %. Le spectre des lésions malins non hodgkiniens et la leucémie lymphoïde chro-
est variable et peut s’associer à une vascularite à nique (LLC). Il s’agit plus volontiers d’une amylose AA
ANCA (anticorps anticytoplasme des polynucléaires dans le lymphome hodgkinien, certains lymphomes
neutrophiles) [11]. Les glomérulonéphrites membrano- malins non hodgkiniens (le plus souvent de phéno-
prolifératives peuvent être observées en cas de cancers type B) et la maladie de Castleman. Dès lors qu’il existe
tels que tumeurs de Wilms et mélanomes, mais celles-ci une sécrétion d’immunoglobulines monoclonales,
sont plus fréquemment associées à des hématopa- des glomérulopathies par dépôts d’immunoglobulines
thies [12]. Ces atteintes histologiques se manifestent peuvent être observées dans toutes les lymphoproli-
généralement par une insuffisance rénale rapidement férations malignes tels que le myélome multiple, la
progressive associée à une protéinurie et à une héma- maladie de Waldenström et la LLC. Le lymphome hodg-
turie. Environ 3 % des cancers rénaux s’associent à une kinien, les lymphomes malins non hodgkiniens et la
amylose AA [13], responsable d’une atteinte rénale. De LLC peuvent aussi être associés à un syndrome néphro-
tous les cancers associés à une amylose, les cancers du tique avec des LGM ou à une hyalinose segmentaire
rein représentent 25 à 33 %, alors que cette tumeur et focale. Une glomérulonéphrite extramembraneuse
représente 3 % des carcinomes. peut être observée dans le lymphome hodgkinien, la
La physiopathologie de ces glomérulonéphrites para- maladie de Waldenström, les lymphomes malins non
néoplasiques reste discutée. Par analogie avec les hodgkiniens et la LLC. Une glomérulonéphrite extraca-
glomérulonéphrites idiopathiques, on peut penser que pillaire peut accompagner ou révéler un myélome, une
les antigènes tumoraux et leurs anticorps forment des maladie de Waldenström, un lymphome hodgkinien,
complexes immuns qui se déposent dans les reins, ou un lymphome non hodgkinien ou encore une LLC.
encore que les antigènes tumoraux ont une affinité Une glomérulonéphrite membranoproliférative peut,
avec la membrane basale du capillaire glomérulaire de plus, être observée dans le cadre d’une maladie de
et participent à la formation in situ des complexes Castleman.
immuns. Dans quelques observations, des antigènes, L’association entre un lymphome hodgkinien et un
avec leurs anticorps spécifiques, ont pu être identi- syndrome néphrotique est la plus connue malgré une
fiés : antigène carcino-embryonnaire (ACE), antigène prévalence de seulement 0,4 % pour une forme de
spécifique prostatique (PSA). Mais le rôle exact de ces glomérulopathie à LGM et 0,1 % pour l’amylose sur
antigènes tumoraux reste à démontrer. Il a été suggéré plus de 1 700 cas [14]. L’amylose semble associée à
que les perturbations immunologiques liées au cancer, un stade tardif et tend à disparaître avec des diagnos-
c’est-à-dire leur capacité à produire des anticorps vis- tics de plus en plus précoces. L’existence d’un myélome
à-vis d’antigènes endogènes ou exogènes, faciliteraient multiple impliquant une chaîne légère monoclonale de
la survenue de ces différents types de lésions gloméru- type lambda doit toujours faire rechercher une atteinte
laires à complexes immuns. rénale sous-jacente, car il s’agit souvent d’un myélome
multiple associé à une amylose AL.
Les glomérulonéphrites membranoprolifératives et
Glomérulopathies paranéoplasiques liées aux glomérulonéphrites extramembraneuses sont les glo-
hémopathies mérulopathies les plus fréquentes dans le cadre des
La nature paranéoplasique de ces lésions rénales est LLC et lymphomes B. Elles révèlent souvent une LLC ou
plus facile à déterminer, notamment en raison du sont synchrones du cancer dans 50 % des cas. Un syn-
meilleur taux de curabilité des hémopathies, et ce drome néphrotique est présent chez 85 % des patients

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et une insuffisance rénale chez 33 %. Ces gloméru- poumon, le myélome et les lymphomes sont fréquem-
lopathies sont parfois réversibles avec le traitement ment impliqués dans ce type de processus métastatique
spécifique de la maladie causale. Une dysprotidémie osseux avec ostéolyse ;
en rapport avec une cryoglobuline est détectée chez la – l’hypercalcémie humorale maligne est due à une
moitié des patients dans la moitié des cas. Les atteintes sécrétion tumorale de facteur hypercalcémiant, PTHrP
rénales par glomérulonéphrite membranoproliférative essentiellement. Ce peptide, en stimulant le récep-
sont liées à une cryoglobulinémie ou à des dépôts teur PTH-1 au niveau osseux et rénal, entraîne une
d’immunoglobuline monoclonale. Lorsqu’un compo- résorption osseuse diffuse, une hypophosphorémie
sant monoclonal est présent, le lien entre la pathologie avec diminution de la réabsorption tubulaire du phos-
rénale et l’hémopathie est relativement aisé ; il y a, phore et une augmentation de la réabsorption tubulaire
cependant, des exceptions comme la glomérulopathie du calcium. Les tumeurs le plus souvent en cause sont
du syndrome de POEMS (acronyme pour polyneu- les carcinomes à cellules squameuses, les carcinomes
ropathie, organomégalie, endocrinopathie, protéine du rein, de l’ovaire, de l’endomètre et du sein et les
monoclonale et signes cutanés, aussi appelé syndrome lymphomes HTLV-1 ;
de Crow-Fukase). – l’hyperparathyroïdisme ectopique correspond à la
Les lymphomes malins non hodgkiniens peuvent pré- production de PTH-1-84 par une tumeur non parathy-
senter divers types d’atteintes glomérulaires. Contraire- roïdienne. Ce tableau rare est décrit dans le cadre de
ment au lymphome hodgkinien, les glomérulopathies tumeurs neuroendocrines, de l’ovaire, du poumon, de
les plus fréquentes sont les glomérulonéphrites la thyroïde, de leucémies et de thymomes ;
membranoprolifératives et les glomérulonéphrites rapi- Cette hypercalcémie peut se manifester de manière
dement progressives. Compte tenu de la variété des variable, mais la sévérité du tableau, notamment neu-
lésions rénales, il peut être difficile de démontrer que rologique, est en général proportionnelle à son taux,
l’association des deux pathologies n’est pas fortuite. qui doit être corrigé en fonction de l’albuminémie.
Le spectre des glomérulopathies paranéoplasiques Les signes généraux sont fréquents : fatigue, ano-
est large. Les glomérulopathies paranéoplasiques des rexie, amaigrissement, constipation, déshydratation.
hémopathies régressent parfois avec le traitement de Les complications rénales les plus fréquentes sont
la maladie causale. Inversement, les glomérulopathies le diabète insipide néphrogénique avec syndrome
des carcinomes sont encore mal comprises et moins polyuropolydipsique et l’insuffisance rénale aiguë ou
souvent réversibles. chronique. On peut observer une néphrocalcinose,
une lithiase calcique par hypercalciurie. Les manifesta-
tions gastro-intestinales de l’hypercalcémie (anorexie,
Hypercalcémie nausées, vomissements) peuvent contribuer à la déshy-
Une hypercalcémie complique beaucoup de cancers, dratation et aux désordres hydroélectrolytiques.
surtout à un stade avancé, puisque, selon le type
de tumeur, elle pourrait concerner 10 à 30 % des
patients. Les mécanismes impliqués sont une augmen- Syndrome de sécrétion inappropriée
tation de la libération de calcium d’origine osseuse, une d’hormone antidiurétique (SIADH)
diminution de l’excrétion tubulaire de calcium et/ou Décrit par Schwartz et Bartter, le SIADH a des origines
une augmentation de l’absorption calcique intestinale très diverses : pulmonaires, neurologiques, endocri-
[9, 15]. niennes, médicamenteuses. Néanmoins, les affections
On distingue, ainsi, plusieurs entités physiopatholo- malignes en représentent la principale étiologie, par
giques : sécrétion tumorale ectopique de l’hormone active ou
– l’hypercalcémie ostéolytique locale est liée à de sa prohormone. Les cancers le plus souvent en
une activation ostéoclastique et à une destruction cause sont les carcinomes pulmonaires à petites cel-
osseuse sous l’effet de divers facteurs produits par la lules (15 % des cas), les cancers de la tête et du cou, du
tumeur : lymphotoxine, IL-1, IL-6, PTHrP, hepatocyte sein, du pancréas, de l’estomac, de vessie-uretère, de
growth factor (HGF), macrophage inflammatory pro- la prostate, et du duodénum. Des SIADH ont été égale-
tein (MIP1␣) et receptor activator of nuclear factor-␬ B ment rapportés au cours d’autres néoplasies variées :
ligand (RANKL). Les cancers du sein, de la prostate, du lymphomes, leucémies, thymomes, neuroblastomes

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thymiques et olfactifs, sarcomes d’Ewing, mésothé- Hyperkaliémie


liomes, tératomes ovariens immatures et mélanomes.
Une hyperkaliémie survient en cas d’insuffisance rénale
Ce syndrome se traduit par une hyponatrémie inférieure aiguë, d’insuffisance surrénalienne et de syndrome de
à 135 mmol/L et une osmolalité sanguine inférieure à lyse cellulaire.
280 mosmol/kg, une natriurèse conservée et adaptée
aux apports sodés. La volémie extracellulaire reste nor-
Tumeurs à rénine
male et il n’y a donc pas d’œdèmes. Les manifestations
cliniques, notamment neurologiques, varient consi- L’hyperréninisme primaire est une pathologie rare, liée
dérablement selon la profondeur de l’hyponatrémie, à une hypersécrétion de rénine, soit par une tumeur
mais aussi en fonction de sa vitesse d’installation. rénale développée aux dépens de l’appareil juxtaglo-
Au-dessus de 125 mmol/L, les patients restent le plus mérulaire (réninome), soit plus rarement par une autre
souvent asymptomatiques. En deçà de 125 mmol/L tumeur, de localisation rénale, néphroblastome notam-
peuvent apparaître une asthénie, une anorexie, des ment, ou bien extrarénale : hépatocarcinome, tumeur
nausées, des vomissements et des troubles neuro- du poumon, de l’ovaire, du côlon, du pancréas, cortico-
psychiques de gravité variable : encéphalopathie surrénalome, tératome, hémangiopéricytome orbitaire
hyponatrémique avec syndrome confusionnel, paraly- et adénocarcinome de la trompe de Fallope.
sie pseudobulbaire, signes pyramidaux (Babinski) et La présentation clinique est un hyperaldostéronisme
extrapyramidaux. Un coma, voire une issue fatale, secondaire avec hypertension artérielle (HTA), hypo-
peuvent survenir lorsque la natrémie descend en des- kaliémie et élévation majeure de la rénine active
sous de 120 mmol/L. En pratique, le diagnostic de plasmatique.
SIADH implique d’écarter au préalable une hypo-
natrémie liée à une affection rénale, thyroïdienne, Hypercorticisme paranéoplasique
surrénalienne à un traitement diurétique ou à une
Ce syndrome est lié à une hyperplasie bilatérale des
hémodilution iatrogène. L’activité rénine plasmatique
surrénales, elle-même secondaire à une sécrétion ecto-
(ARP) et l’aldostéronémie sont normales, l’uricémie
pique d’ACTH [16, 17]. Il survient essentiellement
basse.
en cas de cancer bronchique à petites cellules, plus
Les autres causes d’hyponatrémie comportent une
rarement de thymome, de cancer du pancréas, de
hyponatrémie hypovolémique par déplétion sodée
l’estomac ou de l’ovaire. Le tableau associe une HTA,
d’origine digestive ou une insuffisance surrénalienne,
une alcalose avec hypokaliémie importante et une
une hyponatrémie hypervolémique par syndrome
hyperglycémie. La cortisolémie est très élevée et non
néphrotique paranéoplasique et une insuffisance rénale
freinable par la dexaméthasone.
aiguë.

Fibrose rétropéritonéale
Hypernatrémies
La fibrose rétropéritonéale est définie par l’existence
Une polyurie, par une lésion centrale primitive ou
d’un manchon fibreux périaortique parfois associé à
secondaire (cancer du poumon, leucémie, lymphome)
une inflammation chronique qui engaine les struc-
intéressant l’axe hypothalamus-hypophyse avec dia-
tures vasculaires (veine cave inférieure, aorte et leurs
bète insipide central, soit à une hypercalcémie, peut
branches) et les uretères, et qui peut conduire à une
conduire à un diabète insipide néphrogénique avec
obstruction des voies urinaires responsable d’une alté-
résistance à l’ADH.
ration progressive de la fonction rénale (figure 2) [18].
Son incidence est estimée à 1/200 000 individus et sur
Hypokaliémie des séries autopsiques à un cas pour 10 000 patients.
Une hypokaliémie est possible par pertes diges- Elle a un début insidieux, avec des symptômes aspéci-
tives en cas de tumeurs coliques, pancréatiques et fiques, et peut être irréversible si le diagnostic n’est pas
d’urétérosigmoïdostomie, pertes rénales par hypercor- précocement posé et le traitement rapidement débuté.
ticisme paranéoplasique, syndrome de Fanconi lié à un L’atteinte radiologique est variable. Une insuffisance
myélome, un cancer viscéral, une lysozymurie en cas rénale avancée (créatininémie > 300 ␮mol/L) se ren-
de leucémie aiguë myéloblastique. contre dans plus de 50 % des cas au diagnostic [19]. Les

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A B celles des artères arquées sont obstruées par une endar-


térite fibroproliférative et fibrineuse. La calcification des
foyers infarcis est habituelle au stade tardif. Ces trois
aspects lésionnels décrits peuvent être associés.
Une MAT peut se développer au cours de nom-
breuses maladies et, notamment, peut se manifester
comme une anémie hémolytique microangiopathique
compliquant un carcinome ou être secondaire à un trai-
Figure 2. Fibrose rétropéritonéale englobant l’aorte en coupes tement anticancéreux (chimiothérapie, thérapie ciblée
axiale (A) et coronale (B). par anti-angiogénique, transplantation, radiothérapie).
Les formes rénales de MAT compliquant un cancer sont
formes secondaires d’origine néoplasique représentent très rares. Lorsqu’elles surviennent, les signes cliniques
10 à 25 % des cas [19]. Les causes secondaires néopla- sont sévères et d’évolution rapidement péjorative avec
siques comportent essentiellement des lymphomes au atteintes neurologiques et pulmonaires prédominantes.
sens large, des sarcomes, des tumeurs des voies excré- La majorité des carcinomes (le plus souvent des adé-
trices urinaires, des tumeurs carcinoïdes, des tumeurs nocarcinomes mucosécrétants) sont métastatiques. Ces
primitives de l’espace rétropéritonéal ou des métastases adénocarcinomes sont d’origine gastrique dans la moi-
de cancers du sein, de l’estomac, de la prostate et du col tié des cas, suivis par les adénocarcinomes mammaires
utérin. Dans plus de la moitié des cas, la fibrose rétro- et pulmonaires. Les données histologiques autopsiques
péritonéale est liée à une récidive d’un cancer connu montrent la présence de thrombi fibrineux dans les
ou à une maladie localement avancée. Le traitement petits vaisseaux. Les emboles de cellules tumorales ont
comporte une corticothérapie, une désobstruction uré- probablement un rôle prépondérant dans la formation
térale et un traitement spécifique de la néoplasie [19]. des microthromboses. Leur adhésion à l’endothélium
permet l’interaction des cellules tumorales avec les fac-
teurs de la coagulation, les plaquettes et les leucocytes.
Microangiopathie thrombotique
Les MAT associées aux chimiothérapies sont plus fré-
Le terme de MAT désigne une lésion de l’endothélium quentes que les formes directement liées aux cancers
des petites artérioles et des capillaires artériolaires et l’atteinte rénale est souvent prédominante, se mani-
entraînant la formation d’agrégats plaquettaires et res- festant comme un syndrome hémolytique et urémique
ponsable de thromboses. La thrombopénie et l’anémie (SHU). La mitomycine C, suivie par la gemcitabine, est
hémolytique résultent de la consommation des pla- la substance la plus fréquemment incriminée (dans 2 à
quettes et de la fragmentation des hématies dans les 10 % des cas responsable d’un SHU), administrée seule
vaisseaux lésés. ou en association. Les autres substances incriminées
L’altération endothéliale s’étend de l’artériole afférente sont le fluoro-uracile, la doxorubicine, la bléomycine,
au flocculus glomérulaire. L’intensité et la diffusion des le carboplatine, la daunorubicine, la cytarabine, le
lésions sont très variables au sein d’une même biopsie. cyclophosphamide, la vincristine et l’interféron preci-
L’atteinte des tubes et de l’interstitium est constante, ser.
souvent sévère, avec nécrose épithéliale tubulaire et Les signes cliniques apparaissent en moyenne un
œdème interstitiel. L’atteinte prédominante des glo- an après le début de la chimiothérapie, alors que
mérules et des petites artérioles caractérise les formes l’affection maligne peut être en rémission. Ces signes
glomérulaires de MAT. L’atteinte prédominante des comportent une insuffisance rénale, une thrombopé-
artères interlobulaires et des artérioles caractérise les nie, une anémie hémolytique et souvent une HTA
formes artérielles de MAT. La nécrose ischémique du et un œdème pulmonaire, volontiers aggravé par les
parenchyme rénal est d’étendue variable, limitée à un transfusions sanguines. Les lésions rénales des MAT
petit groupe de tubes et de glomérules dans les formes liées à la mitomycine se manifestent par une impor-
focales et intéressant l’ensemble du cortex superficiel tante mésangiolyse, entraînant une ballonisation et une
dans les formes diffuses. Les lésions de MAT gloméru- dilatation anévrysmale de certains lobules gloméru-
laire et artérielle sont constantes dans le cortex profond laires. L’atteinte artériolaire est constante et sévère avec
non infarci ; les lumières des artères interlobulaires ou nécrose des myocytes. Des cellules spumeuses sont

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Syndromes paranéoplasiques à expression rénale et atteintes rénales des cancers

fréquemment présentes dans les lumières capillaires Elle se manifeste par une protéinurie souvent néphro-
glomérulaires ou artériolaires, indiquant la résorption tique composée majoritairement d’albumine associée
de thromboses anciennes, en faveur d’une évolu- ou non à une insuffisance rénale. Les dépôts fibril-
tion chronique de la MAT. In vitro, la mitomycine laires de chaînes légères sont positifs en rouge Congo
diminue la synthèse de la prostacycline des cellules sur la biopsie rénale. Dans la néphropathie gloméru-
endothéliales en culture, favorisant ainsi l’agrégation laire à dépôts d’immunoglobulines monoclonale, les
plaquettaire et la formation de thrombose. Les lésions dépôts de chaînes légères ou de chaînes lourdes au
et les signes sont rarement réversibles. En dehors d’un niveau glomérulaire sont non fibrillaires et négatifs
traitement symptomatique, quelques observations de en rouge Congo. Le diagnostic est suspecté devant
réponse à des échanges plasmatiques ont été rappor- une protéinurie composée essentiellement d’albumine
tées [20]. Des MAT en rapport avec un traitement par et est confirmé par la biopsie rénale. Les dépôts
thérapie ciblée (immunotoxines, anticorps monoclo- d’immunoglobulines et l’amylose AL ne régressent
naux, inhibiteurs de tyrosine-kinase) ont été également généralement pas sous traitement.
rapportées. Contrairement aux MAT induites par les chi- Une tubulopathie proximale se traduisant par une
miothérapies, une réversibilité partielle ou complète hypophosphatémie, une acidose tubulaire, une hypo-
des lésions et des signes cliniques dans les MAT para- kaliémie, une glycosurie à glycémie normale, une
néoplasiques est relativement fréquente, suggérant des aminoacidurie, une hypo-uricémie (syndrome de
mécanismes physiopathogéniques différents [21]. Fanconi) et/ou une insuffisance rénale lentement pro-
gressive peuvent être observées dans le myélome mais
Atteintes rénales au cours du myélome aussi dans les lymphomes et la maladie de Waldens-
Le myélome est la pathologie cancéreuse la plus tröm.
pourvoyeuse d’atteintes rénales. L’insuffisance rénale
survient chez près de la moitié des patients au cours de Atteintes rénales directes des pathologies
l’évolution de la maladie. Elle est liée le plus souvent néoplasiques
à la précipitation de cylindres formés par l’interaction Infiltration néoplasique du parenchyme rénal
des chaînes légères monoclonales dans la lumière
Au cours des leucémies aiguës, lymphomes de haut
du tubule distal avec la protéine de Tamm-Horsfall
grade, de la maladie de Waldenström, de la LLC, de la
(néphropathie à cylindres myélomateux [NCM]). Elle
leucémie myéloïde chronique (LMC) et du syndrome
se manifeste alors par une insuffisance rénale aiguë
de Castleman, une infiltration spécifique du paren-
(nécessitant parfois une dialyse en urgence) associée
chyme rénal par les cellules malignes survient dans
à une protéinurie de chaînes légères (protéinurie de
environ 60 % des cas. Elle est nodulaire ou diffuse,
Bence-Jones). Le risque de NCM est maximal lorsque
uni- ou bilatérale. Elle est souvent asymptomatique,
la protéinurie de Bence-Jones dépasse 2 g/24 h et est
parfois à l’origine d’une protéinurie minime et elle peut
habituellement déclenchée par un certain nombre
entraîner une insuffisance rénale aiguë avec gros rein
de facteurs favorisants, tels que la déshydratation,
palpable. Le diagnostic est difficile du fait du grand
l’hypercalcémie, les infections, l’injection de produits
nombre de causes potentielles d’atteintes rénales au
de contraste iodés, ou l’administration de médicaments
cours des hémopathies malignes. L’échographie peut
potentiellement néphrotoxiques [22]. Le traitement
montrer une augmentation du volume des reins, avec
de la NCM repose sur des mesures symptomatiques
disparition de la différenciation corticomédullaire et
(réhydratation, correction d’une hypercalcémie, alca-
absence de dilatation des voies excrétrices. Le diagnos-
linisation des urines pour obtenir un pH urinaire
tic ne peut être affirmé que par la biopsie rénale, qui
supérieur à 7) et la mise en route rapide d’une chimio-
met en évidence l’infiltration diffuse et monomorphe
thérapie visant à réduire rapidement la production des
du tissu interstitiel par les cellules malignes.
chaînes légères monoclonales [23]. L’épuration rapide
des chaînes légères monoclonales, soit par plasmaphé-
rèses, soit à l’aide de membrane de dialyse de très Néphropathie par obstacle
haute perméabilité, semble être une voie thérapeutique L’obstruction des voies urinaires peut être due à un can-
intéressante au cours de la NCM [24]. L’amylose AL cer de la prostate ou de la vessie. L’obstruction urétérale
est une autre atteinte rénale fréquente du myélome. est particulièrement fréquente, due à une extension

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locale des tumeurs du petit bassin, à une méta- des modalités de la prise en charge thérapeutique. Une
stase d’un cancer à distance (sein, côlon, poumon), à insuffisance rénale préexistante, une hypotension, une
une fibrose rétropéritonéale, à des adénopathies (lym- déshydratation et une oligurie constituent d’importants
phome malin). Le tableau clinique est celui d’une facteurs de risque.
néphropathie par obstacle et le diagnostic repose sur La lyse cellulaire entraîne la libération brutale dans
l’échographie, le scanner sans injection de produit de le sang de grandes quantités de diverses molécules,
contraste ou, éventuellement, l’opacification directe de et surtout d’acide urique produit par le catabolisme
la voie excrétrice. des acides nucléiques, de phosphore et de potassium,
avec comme conséquence une hyperkaliémie, une
Métastases intrarénales hyperuricémie, une hyperphosphorémie ainsi qu’une
hypocalcémie. L’hyperuricémie peut être responsable
Les métastases intrarénales des tumeurs solides non
d’une insuffisance rénale aiguë par nécrose tubu-
hématologiques représenteraient jusqu’à 7 % des cas
laire secondaire à la précipitation intratubulaire de
dans des séries autopsiques de patients décédés de
cristaux d’urate. L’hyperkaliémie peut entraîner des
cancers. Ces métastases sont surtout associées à des
troubles du rythme sévères, parfois létaux. Quant à
cancers du poumon et des mélanomes. Elles se déve-
l’hyperphosphorémie, elle peut être induire une hypo-
loppent à un stade tardif de l’évolution et restent
calcémie qui va se traduire par des manifestations
longtemps asymptomatiques. Elles peuvent être bila-
d’hyperexcitabilité neuromusculaire, des troubles du
térales. Des rares cas sont décrits de compressions
rythme, des convulsions. Elle peut être aussi à l’origine
vasculaires, soit de l’artère rénale avec HTA, soit
de dépôts de cristaux de phosphate de calcium dans
de la veine rénale avec thrombose. À noter qu’une
divers organes, en premier lieu dans les tubules rénaux,
thrombose de la veine rénale peut être également la
conduisant là aussi à une insuffisance rénale aiguë. En
complication d’un syndrome néphrotique sur GEM
outre, la lyse tumorale entraîne un relargage de diverses
paranéoplasique.
cytokines qui peuvent induire un syndrome de réponse
inflammatoire systémique et une défaillance multivis-
Le syndrome de lyse tumorale cérale.
Il s’agit d’une urgence oncologique causée par la La prévention du syndrome de lyse tumorale est
destruction massive de cellules néoplasiques. Cette essentielle. Chez les patients à haut risque, elle doit
complication métabolique se produit le plus sou- être débutée dans les 24 à 48 heures précédant la
vent lors du traitement chimiothérapique de certaines chimiothérapie, et comporte une hyperhydratation
hémopathies malignes : lymphomes de Burkitt, leucé- abondante par du sérum salé (2,5 à 3 L/m2 par jour),
mies aiguës lymphoblastiques, lymphomes malins non éventuellement associée à du furosémide. Parmi les
hodgkiniens de haut grade, etc. Le tableau s’installe hypo-uricémiants, la rasburicase est plus puissante que
alors habituellement entre un et cinq jours après le l’allopurinol et, contrairement à ce dernier, prévient
début du traitement [25]. Mais cet accident peut éga- l’accumulation de xanthine potentiellement néphro-
lement survenir spontanément, en l’absence de tout toxique. Elle est donc indispensable dans les situations
traitement cytotoxique. Il peut également survenir à à haut risque, a fortiori en cas de syndrome de lyse
la seule mise en place d’une corticothérapie. Dans tumorale avéré. L’alcalinisation des urines augmente
quelques cas particuliers, il peut également s’observer la solubilité de l’acide urique, mais diminue celle du
en cas de radiothérapie urgente (syndrome cave supé- phosphate de calcium, et doit donc être évitée, sur-
rieur, par exemple). Par ailleurs, un nombre croissant tout en cas d’hyperphosphorémie, en raison d’un risque
de syndrome de lyse tumorale a été rapporté au cours majoré de précipitation de cristaux de phosphate de
de cancers considérés jusque-là comme non exposés calcium. Enfin, il peut s’avérer nécessaire, chez des
à ce type de complication : cancer de l’endomètre ou patients à haut risque de syndrome de lyse tumorale,
encore carcinome hépatocellulaire, LLC, LMC. présentant en particulier un lymphome malin de haut
L’incidence et la sévérité du syndrome de lyse tumorale grade à un stade avancé ou de type Burkitt, de faire
dépendent de la masse tumorale, du potentiel lytique précéder la chimiothérapie intensive par une première
des cellules tumorales, des caractéristiques du patient et cure à faibles doses.

272 Bull Cancer vol. 99 • N◦ 3 • mars 2012


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Syndromes paranéoplasiques à expression rénale et atteintes rénales des cancers

Conduite à tenir lors du bilan initial En cas d’hypercalcémie, un dosage de PTH et des déri-
vés de la vitamine D, voire de PTHrp seront réalisés. En
d’un cancer : recherche et
cas d’hypophosphorémie, il faut doser la phosphaturie
caractérisation d’une atteinte rénale des 24 heures pour évaluer le seuil de réabsorp-
tion tubulaire proximal du phosphore. Enfin, l’urée
Bilan initial biologique urinaire et l’ionogramme urinaire sont intéressants
Compte tenu de la fréquence des atteintes rénales (en pour distinguer l’origine organique ou fonctionnelle
particulier dans le myélome multiple) et des traitements des insuffisances rénales aiguës. Les autres examens
requis, le bilan initial des pathologies néoplasiques biologiques, comme la recherche d’une cryoglobu-
comporte au minimum un dosage de la créatinine linémie, sont demandés en fonction du contexte
plasmatique et l’évaluation du débit de filtration glo- clinique.
mérulaire par la formule de Cockcroft et Gault ou
la formule modification of the diet in renal disease Bilan rénal morphologique initial
(MDRD) [5].
L’échographie rénale et la tomodensitométrie abdomi-
Dans les hémopathies malignes, le bilan initial peut
nale distinguent les néphropathies parenchymateuses
également comprendre la recherche d’une protéinu-
rie sur échantillon et un examen cytologique urinaire.
Cette recherche est systématique en cas de syndrome
lymphoprolifératif. En cas de protéinurie sur échan- Dix points essentiels à retenir
tillon (> 0,2 g/L), un dosage de la protéinurie des 1. Les atteintes rénales au diagnostic de cancer sont
24 heures et sa caractérisation par électrophorèse sont fréquentes.
indiqués. Une protéinurie constituée majoritairement 2. Le spectre des atteintes rénales liées au cancer
d’albumine (> 60 %) oriente vers une atteinte glo- est large et comprend divers syndromes paranéo-
mérulaire. À l’inverse, la prédominance de protéines plasiques (dont le SIADH, l’hypercalcémie, la MAT,
etc.), mais aussi des atteintes spécifiques.
de bas poids moléculaire oriente vers une atteinte
3. Les hémopathies malignes sont particulièrement
tubulaire. Si la protéinurie des 24 heures est positive
pourvoyeuses d’atteintes rénales.
(> 0,3 g/j) avec un tracé de type monoclonal, une 4. Un syndrome paranéoplasique désigne des
immunofixation des urines est demandée pour recher- manifestations cliniques qui ne sont pas directement
cher une protéinurie de Bence-Jones et typer la chaîne liées à la masse tumorale, à son invasivité locale ni
légère libre. Un bilan complémentaire sérique est éga- aux métastases, mais sont dues à une sécrétion de
lement obligatoire avec notamment l’électrophorèse produits dérivés des cellules tumorales tels que des
des protéines, le dosage pondéral des immunoglo- hormones, des facteurs de croissance, des cytokines
et des antigènes tumoraux.
bulines et le dosage pondéral des chaînes légères.
5. Les glomérulopathies extramembraneuses repré-
Une protéinurie abondante composée majoritairement
sentent les glomérulopathies paranéoplasiques les
d’albumine (> 3 g/24 h) fait rechercher un syndrome plus fréquentes (deux tiers des glomérulopathies).
néphrotique (albuminémie < 30 g/L). L’examen cyto- 6. La glomérulopathie paranéoplasique disparaît
logique urinaire recherche une hématurie ou une théoriquement avec l’éradication de la tumeur cau-
leucocyturie. L’hématurie microscopique (supérieure sale.
à 10 hématies/mm3 ) s’observe surtout au cours des 7. Une atteinte rénale du myélome est constatée
glomérulopathies ou des néphrites interstitielles, la leu- dans la moitié des cas au cours de l’évolution.
8. Un bilan rénal biologique doit être réalisé au
cocyturie (supérieure à cinq leucocytes/mm3 ) au cours
diagnostic de cancer au sens large.
des néphropathies interstitielles aiguës ou chroniques.
9. Un syndrome de lyse tumorale peut survenir
L’ionogramme sanguin, la mesure de la réserve alca- spontanément.
line et l’ionogramme urinaire (kaliurèse, trou anionique 10. Une biopsie peut être indiquée en cas d’atteinte
urinaire) sont utiles au diagnostic d’atteinte tubulaire. rénale récente concomitante d’un cancer, en parti-
Compte tenu de la fréquence des troubles du méta- culier pour caractériser certaines atteintes tubulaires,
bolisme phosphocalcique au cours des hémopathies, interstitielles ou vasculaires, mais elle doit être dis-
cutée en fonction du type et du pronostic du cancer
un dosage de la calcémie et de la phosphorémie est
en fonction de ses implications sur la prise en charge.
recommandé.
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J. Thariat, et al.

ou remplissage vasculaire par chlorure ou bicarbonate


CROQ
de sodium), notamment dans le myélome et en particu-
1. Comment se manifeste une MAT ? lier en cas d’atteinte rénale préexistante. Le gadolinium
Les signes cliniques apparaissent en moyenne un doit être évité dans la mesure du possible chez les
an après le début de la chimiothérapie, alors que patients ayant une insuffisance rénale sévère du fait du
l’affection maligne peut être en rémission. Ces signes risque de fibrose néphrogénique systémique [27].
comportent une insuffisance rénale, une thrombopé-
nie, une anémie hémolytique et souvent une HTA et
un œdème pulmonaire, volontiers aggravé par les Biopsie rénale
transfusions sanguines.
La réalisation d’une biopsie rénale se discute devant
2. Quel est le pronostic des glomérulopathies para-
néoplasiques ? tout tableau d’atteinte glomérulaire et dépend du
Si la glomérulopathie paranéoplasique disparaît contexte tumoral ainsi que du pronostic du cancer. Il
théoriquement avec le cancer causal, certaines s’agit d’un examen à risque de complication hémorra-
atteintes, comme des glomérulopathies extracapil- gique pour lequel il est nécessaire d’évaluer le bénéfice
laires ou une MAT, par exemple, peuvent n’être que d’un diagnostic histologique précis sur le plan thé-
partiellement ou pas réversible (dépendant de la gra- rapeutique par rapport au pronostic carcinologique.
vité de l’atteinte initiale, de la rapidité d’instauration La biopsie rénale est aussi utile au diagnostic de
d’un traitement spécifique de la néphropathie et du
certaines atteintes tubulaires, interstitielles ou vascu-
cancer, etc.).
3. Comment se manifeste une fibrose rétropérito- laires. Une ponction-biopsie rénale percutanée est
néale ? contre-indiquée en cas de rein unique anatomique ou
La fibrose rétropéritonéale a un début insidieux, avec fonctionnel, de thrombopénie (< 100 G/L), d’anomalie
des symptômes aspécifiques, et peut être irréversible de l’hémostase primaire et de troubles de l’hémostase
si le diagnostic n’est pas précocement posé, et le trai- secondaire. Elle n’est pas indiquée lorsqu’il existe une
tement rapidement débuté. L’atteinte radiologique insuffisance rénale chronique (IRC) sévère avec des
est variable. Une insuffisance rénale avancée (créa- reins atrophiques (< 8 cm) en imagerie. Elle n’est pas
tininémie > 300 ␮mol/L) se rencontre dans plus de
nécessaire en cas de tableau d’insuffisance rénale clai-
50 % des cas au diagnostic.
4. Quels sont les cancers le plus souvent associés à rement attribuable à une atteinte myélomateuse.
un SIADH ?
Les cancers le plus souvent en cause sont les carci- Conclusion
nomes pulmonaires à petites cellules (15 % des cas),
les cancers de la tête et du cou, du sein, du pan- Le traitement des atteintes rénales passe par le trai-
créas, de l’estomac, de la vessie et de l’uretère, de la tement de la maladie causale mais peut nécessiter
prostate, et du duodénum. un traitement rénal spécifique et une adaptation des
5. Quels sont les types de glomérulopathies para- posologies des traitements anticancéreux. Le caractère
néoplasiques ? irréversible dans un nombre de cas non négligeable et
Les glomérulopathies extramembraneuses repré-
la fréquence des atteintes rénale en cas de néoplasie
sentent deux tiers des cas de glomérulopathie
paranéoplasique. Plus rares sont la gloméruloné- nécessite un bilan initial et lors du suivi. 
phrite à LGM, la néphropathie à IgA, l’amylose,
Conflits d’intérêts : B. Vendrely est co-investigateur dans l’étude
la glomérulonéphrite extracapillaire ou la glomé- MYRE (traitement de la néphropathie à cylindres myélomateux).
rulonéphrite membranoproliférative. Ces différentes Le promoteur est l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris. Aucuns
atteintes histologiques se manifestent le plus souvent conflits d’intérêts pour les autres co-auteurs.
par un syndrome néphrotique.

des atteintes de la voie excrétrice (lithiase, compres- Références


sion) et peuvent orienter vers un diagnostic spécifique 1. Launay Vacher V. Prevalence. Bull Cancer 2011 (in press).
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