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ÉRIC COBAST

L’incroyable

pouvoir de

L’ELOQUENCE

au

uotidien

Un outil en or

pour être à l’aise avec tout le monde

et en toute situation

Et si vous mettiez un peu

d’éloquence

dans votre vie ?

L’« éloquence » rime souvent avec « performance » : on imagine une


prise de parole exceptionnelle comme un discours à un mariage, une
présentation scolaire ou professionnelle. Pourtant, l’art de l’éloquence
relève du quotidien : formuler une demande auprès d’un commerçant,
persuader un ami de venir à un dîner, se faire entendre ou encore faire
une déclaration amoureuse…

Tous les jours, nous prenons la parole. Si certains semblent


particulièrement sereins dans cette pratique, d’autres s’estiment trop
timides, mal à l’aise, et passent à côté d’échanges fluides et profitables.
Cet ouvrage indispensable décortique les codes de la prise de parole et
des dialogues sous toutes leurs formes. Savoir « bien parler » contribue
assurément à « mieux vivre ». En comprenant davantage votre
interlocuteur et ce qui se joue dans l’échange, vous serez capable d’une
communication pertinente. Fort de conseils sur la façon de poser sa
voix, d’exprimer un sentiment ou de répondre à un reproche, ce guide
permet de maîtriser l’art de l’éloquence pour vous faciliter la vie !

Apprendre à

« bien parler »

dans toutes les situations

Aborder

Demander

Exprimer

Annoncer

Expliquer

Convaincre

Débattre

Répondre

Défendre

Avouer

Éric Cobast est professeur agrégé de l’Université. Ancien directeur


académique, il a fondé « l’Académie de

l’Éloquence ». À la direction de l’agence


SWN, il accompagne de nombreuses

entreprises et personnalités dans

leur communication.

L’éloquence, pour ce qu’elle

nous demande de maîtrise

de nous-mêmes, de disponibilité

d’esprit, de capacité d’adaptation

et de générosité, est une véritable

sagesse, à disposition et à portée

de toutes et tous, avec pour horizon,

comme toute sagesse, de nous

rendre plus heureux !

L’incroyable

pouvoir de

L’eLOQUENCE

qu au

otidien

Éditions Eyrolles

61, bd Saint-Germain

75240 Paris Cedex 05


www.editions-eyrolles.com

Relecture/correction : Géraldine Couget

Conception graphique et mise en page : Anne Krawczyk

En application de la loi du 11 mars 1957, il est interdit de reproduire


intégralement ou partiellement le présent ouvrage, sur quelque support que
ce soit, sans autorisation de l’éditeur ou du Centre français d’exploitation
du droit de copie, 20, rue des Grands-Augustins, 75006 Paris.

© Éditions Eyrolles, 2022

ISBN : 978-2-416-00589-3

ÉRIC COBAST

L’incroyable

pouvoir de

L’eLOQUENCE

au

uotidien

Un outil en or

pour être à l’aise avec tout le monde

et en toute situation

Sommaire

Avant-propos . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 9
Partie 1

Ce que parler « veut dire » . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 13

Chapitre 1

Parler, c’est toujours dire le manque . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 17

Chapitre 2

La parole est une « performance » . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 21

Chapitre 3

On ne parle jamais pour ne rien dire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 25

Chapitre 4

Parler, c’est prendre le risque d’être jugé sur l’apparence . . . 29

Chapitre 5

Tout parle à travers moi . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 35

Chapitre 6

Autour de moi tout « fait signe » . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 41

Chapitre 7

Dès qu’il s’agit de parler, je deviens polyglotte . . . . . . . . . . . . . . 45

Chapitre 8

Il faut toujours trouver sa voix . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 49

Chapitre 9
Prendre garde de choisir les mots pour le dire . . . . . . . . . . . . . . 51

Chapitre 10

Je ne parle que pour vos yeux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 55

Partie 2

20 situations pour tous les jours . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 59

Chapitre 1

Le contact . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 62

Aborder . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
.64

Demander . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
.73

Chapitre 2

Il faut bien le dire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .83

Exprimer . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
.84

Annoncer/Déclarer . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .95

Chapitre 3

Le cœur et la raison . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 103

Expliquer/Démontrer . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 104

Convaincre/Persuader . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 112

Chapitre 4
L’échange . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 121

Converser/Dialoguer/Débattre . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 122

Écouter/Répondre/Questionner . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 131

Chapitre 5

L’intention qui compte . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 140

Défendre/Accuser/Revendiquer . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 142

Reconnaître/Avouer . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 147

Partie 3

Action ! . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
155

Chapitre 1

Vingt questions incontournables . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 159

Chapitre 2

Évaluer ses forces, ses faiblesses et mesurer ses progrès . . . . . 171

Chapitre 3

Pour aller plus loin . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 215

Conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 219

Avant-propos

L’éloquence, l’art oratoire, la rhétorique, l’aisance à prendre la parole en


public, ce sont des mots, des expressions, des
« pratiques » et des préoccupations que nous redécouvrons depuis quelques
années. Des films de cinéma, des émis-sions de télévision, des succès de
librairie, la multiplication des concours d’éloquence dans les grandes écoles
comme à l’université, le grand oral du bac ou encore le souci affiché des
entreprises d’être attentives aux compétences relationnelles de leurs futurs
collaborateurs… voilà qui révèle de façon convaincante cette place nouvelle
laissée dans notre société à la parole, voilà qui réveille la conscience que
parler ne va pas de soi, qu’il faut se soucier de la manière, que

« bien parler » réclame un « savoir-faire » et que cette « technique » doit


s’acquérir.

Mais ce n’est pas tous les jours que l’on passe un entretien, que l’on
prononce un discours, expose un projet, organise une réunion, etc. Toutes
ces prises de parole s’avèrent plus ou moins exceptionnelles. Elles
interviennent dans le cadre scolaire et dans celui du monde du travail. Elles
relèvent toujours, à des degrés évidemment très divers, de la 9

« performance ». De fait, dans toutes ces situations — l’exa-men, l’exposé,


la présentation, etc. — la parole est tout naturellement « dramatisée » : les
enjeux sont clairement identifiés et chacun sait qu’il faudra convaincre,
persuader, séduire. Les mots que l’on va prononcer doivent être efficaces et
« produire leur effet ». Il y va de la reconnaissance que l’on attend des
autres, de la réussite professionnelle et plus généralement du succès dans ce
que l’on entreprend.

Cette « dramatisation » de la parole nous sensibilise à la nécessité de nous


préparer, de nous entraîner à tous ces « actes de langage » que nous allons
accomplir, soit par choix, soit par obligation.

On a ainsi tendance à oublier qu’il n’est pas plus simple ni plus facile de
persuader un proche de nous accompagner

faire une course, de s’informer auprès d’un inconnu qui se trouve derrière
un guichet, de « passer une commande » ou encore beaucoup plus
simplement d’exprimer ce que l’on
ressent ou ce que l’on pense à des amis, à sa famille, etc. Chacun d’entre
nous chaque jour « prend » la parole et entre dans une interaction langagière
avec son entourage, mais il le fait sans véritablement s’en rendre compte.
Or ces échanges ne sont pas sans enjeux. Certes, si certains sont minuscules
(être bien perçu par le serveur au restaurant), d’autres en revanche sont
lourds (l’expression des sentiments, la formulation d’un embarras, voire la
« déclaration » ou la « demande »). Faute d’y être attentifs, nous négligeons
de nous y préparer et surtout nous imputons l’échec ou la réussite de ces
interactions 10

à notre « naturel ». Certains seront des timides, des « gaf-feurs », il leur


manquera l’assurance, la confiance en soi, l’empathie. Ils vivront alors
l’incompréhension dont ils sont victimes comme une fatalité et une
injustice. À d’autres en revanche, on reconnaîtra de l’aisance, de
l’ouverture, de la jo-vialité, de la faconde. On dira qu’ils ont « un bon
contact » et une « bonne nature ». Pourtant, rien n’est fixé. Le « naturel »

apporte une fausse explication. Ou plus exactement, comme l’écrit Paul


Valéry : « Le naturel n’existe pas, il s’acquiert. »

En l’occurrence, il y a des « compétences relationnelles » (appelées aussi


soft skills) qui servent la vie de tous les jours et que chacun peut acquérir et
travailler, à sa mesure et selon ses besoins.

Il serait sans doute abusif de prétendre définir ainsi une « rhétorique du


quotidien », comme il existe une rhétorique politique ou judiciaire. Et cela
d’autant plus qu’il s’agit ici moins de rhétorique que véritablement
d’éloquence. Car la rhétorique et l’éloquence ne sont pas la même chose. La
première cherche à convaincre, la seconde à « bien parler ». Celle-ci se met
évidemment le plus souvent au service de la rhétorique.

On s’en tiendra ici très pratiquement et très modestement à cet usage


familier de l’éloquence, une éloquence vouée à rendre la vie plus douce et
les échanges quotidiens plus fluides : savoir « bien parler », c’est toujours «
mieux vivre ».

C’est donc à cette pratique de l’éloquence au quotidien que je vous


convie…
11

Partie 1

Ce que

PARLER

« veut dire »

Parler, échanger, discuter… Cela semble si naturel et si simple à la fois. Pas


besoin d’y penser. Est-ce qu’on pense à respirer ? à dormir ? à se nourrir ?

On devrait pourtant… car respirer ne va pas de soi — comme nous le


verrons plus loin — pas plus que s’alimenter (comment ? trop ? pas assez ?)
et dormir. Pour beaucoup, le som-meil, sa qualité, sa durée sont des sujets
d’interrogation et de souci. Il faut rappeler donc que « parler » ne va pas de
soi et par conséquent cerner ce qui est en jeu dans les actes de langage les
plus « innocents » qui tissent notre quotidien paraît essentiel.

Voici, pour ce faire, dix principes dont on retrouvera la dé-clinaison dans les
nombreux cas de figure examinés dans la deuxième partie. Ils vous seront
ainsi des préalables utiles pour gagner rapidement en aisance parce qu’ils
permettent de décrypter toutes ces situations du quotidien qui s’avèrent
parfois embarrassantes.

Commençons donc par bien définir ce que parler « veut

dire », ce qu’implique toute « prise de parole », aussi insigni-fiante et


banale semble-t-elle dans un premier temps.

Chapitre 1

Parler, c’est toujours dire le manque . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .17

Chapitre 2

La parole est une « performance » . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .21


Chapitre 3

On ne parle jamais pour ne rien dire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .25

Chapitre 4

Parler, c’est prendre le risque d’être jugé sur l’apparence . . 29

Chapitre 5

Tout parle à travers moi . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .35

Chapitre 6

Autour de moi tout « fait signe » . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .41

Chapitre 7

Dès qu’il s’agit de parler, je deviens polyglotte . . . . . . . . . . .45

Chapitre 8

Il faut toujours trouver sa voix . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .49

Chapitre 9

Prendre garde de choisir les mots pour le dire . . . . . . . . . . . .51

Chapitre 10

Je ne parle que pour vos yeux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .55

Chapitre 1

Parler, c’est

toujours dire

le manque
Dans quelles circonstances suis-je au quotidien conduit à prendre la parole ?
En réalité, je ne pense jamais vraiment à cette question. Il est évident que
parler, c’est exprimer son ressenti, son humeur, sa représentation de la
réalité. Je parle pour dire, décrire ce qui est d’une manière ou d’une autre,
une réalité intérieure ou encore extérieure. La parole s’inscrit ainsi dans le
naturel et une certaine forme de réalisation de soi.

Pas si sûr… Car si je prends la parole, c’est toujours parce que quelque
chose au fond ne va pas, que cela ne va pas de soi.

Soit il manque quelque chose, et les mots expriment alors 17

un besoin ou un désir, soit il y a un « problème », quelque chose qui «


cloche ».

Si je demande du sel à table, c’est que je juge que mon plat n’est pas assez
salé. Il me manque ce condiment.

À la tombée du jour, je ne dis pas qu’il fait sombre, c’est une évidence. En
revanche, si je déclare à midi : « Il fait un peu sombre, vous ne trouvez pas
? », c’est que la situation me semble anormale, inhabituelle.

Ce que l’on précise, c’est donc ce qui ne va pas de soi. Ce que l’on énonce
donne, le plus souvent, matière à discussion et interprétation. En effet, le
bonheur et la satisfaction sont silencieux. Si l’on entend dire souvent que
les gens heureux n’ont rien à dire, c’est que la félicité est muette et que la
plénitude et le bien-être ne sont pas bavards. Il ne manque rien, par
définition, à tous ceux qui se sentent comblés.

En revanche, en creux des assertions les plus innocentes, des formules les
plus banales et les plus anodines comme des déclarations les plus
affectueuses, se loge toujours ce petit malaise né de la conviction qu’il n’est
pas nécessaire d’exprimer l’évidence.

« Allô ? »/« Oui ? J’écoute » : toutes les fois que je décroche le téléphone,
que j’accepte un appel, je commence par dire ces quelques mots. La logique
de la situation voudrait que je reste silencieux, à l’écoute, dans l’attente du
message… Pourtant, je ne peux pas m’empêcher de prononcer quelques
mots.

18

Pourquoi ? Pour signaler que je suis à l’écoute précisément (on fait


d’ailleurs dériver « Hallô » et « Halloo » du hongrois hallom, « je l’entends
», employé pour la première fois par Tivadar Puskás, l’inventeur du central
téléphonique), mais pas seulement. Également pour donner du sens à ce
geste étrange qui consiste à plaquer son oreille contre un objet. Les effets de
la technologie ne vont pas de soi…

« Bonjour » : la présence des autres est toujours embarrassante. Ce petit


mot qui exprime parfois de manière mécanique la reconnaissance de la
présence d’un autre rappelle que la sociabilité n’est pas naturelle.

« Je t’aime » : je déclare mon attirance, mon attachement, mon amour parce


qu’il était caché, dissimulé, refoulé. « Déclarer », au sens propre, c’est
mettre au jour, mettre en lumière, faire venir à la clarté. Je ne déclare donc
que ce qui n’est pas évident. Quand l’amour est une évidence, il s’impose, il
se laisse percevoir et ressentir, il n’est pas utile de l’exprimer. C’est la
raison pour laquelle d’ailleurs, les grandes « déclarations d’amour »
surprennent toujours ceux à qui elles s’adressent.

Surprise plaisante ou déplaisante qui ravit ou bien qui in-digne, la


déclaration d’amour révèle toujours l’inattendu, l’imprévu, voire
quelquefois l’inimaginable.

Ce premier principe admis, on comprend mieux pourquoi

prendre la parole s’avère toujours critique, souvent délicat et parfois


difficile.

19

Chapitre 2

La parole
est une

« performance »

La réalité manquante, défaillante, problématique trouve dans la parole qui


l’exprime un substitut. Pour cette seule raison, la parole est créatrice. Elle
ne se contente pas de dire le monde, elle provoque ce monde, elle en crée
un autre et parfois celui d’où je parle et celui que réalise ma parole entrent
en colli-sion. C’est très précisément le cas lorsque les mots ne sont plus
simplement ceux qui évoquent, mais qu’ils deviennent ceux qui convoquent
: dire, c’est faire, le signe réalise alors ce qu’il énonce et son usage fait
advenir une nouvelle réalité.

C’est ce qu’on appelle le caractère performatif, ce qui est performatif


accomplit un acte.

21

« Je jure de dire la vérité », « Je te promets de », « Je t’ordonne de sortir »,


« Je parie sur », mais aussi tout simplement « Je pense que »… Toutes les
fois en effet que je dis « je pense », je pense effectivement, ne serait-ce que
parce que l’on pense à travers le langage.

Il ne s’agit pas de décrire les faits, mais bien plutôt de les concrétiser ! Le
signe réalise ce qu’il énonce, son usage fait advenir une réalité. Il y a là
quelque chose de « magique », une formule du type « abracadabra » qui
agit.

Dans tous les cas, les mots créent toujours une interprétation de la réalité en
même temps qu’ils font naître une véritable relation entre les interlocuteurs.
La parole est créatrice.

22

« La véritable éloquence

consiste à dire tout

ce qu’il faut et à ne dire


que ce qu’il faut. »

La Rochefoucauld

Chapitre 3

On ne parle

jamais pour

ne rien dire

Voilà pourquoi on ne parle jamais pour ne rien dire : on parle pour créer du
lien, parce que ce qui nous manque, c’est toujours l’autre.

Quand je « parle pour ne rien dire », « de la pluie et du beau temps », je


parle pour établir, pour maintenir un contact.

Car la présence d’un autre, un autre plus ou moins incon-nu, est toujours un
embarras. L’interaction est nécessaire, mais elle n’est pas facile, ni
évidemment vraiment « naturelle ». Lorsque des inconnus se trouvent
confinés dans un ascenseur, un espace plus ou moins réduit, la salle
d’attente d’un médecin, etc., et que cette situation s’installe dans la 25

durée, le silence génère un malaise et il se trouve toujours quelqu’un pour


prendre la parole. Mais pour dire quoi ? Jamais directement le véritable
sujet qui préoccupe : l’attente est interminable, ce n’est pas « normal », que
fais-je ici en présence de ces inconnus ?

Autre situation : ce voisin que je croise tous les jours, mais que je ne
connais pas, vis-à-vis duquel il me paraît indispensable de manifester une
reconnaissance (je le recon-

nais, dans tous les sens de l’expression : je sais qui il est et je lui manifeste
ma considération, je sais et je lui montre qu’il existe). Je me sens obligé
d’engager la conversation avec lui, alors que je n’ai rien à lui dire. On se
contente alors d’évoquer des « lieux communs », des propos qui
appartiennent à tous et n’engagent à rien. Parler pour ne rien dire
apparemment. On fait alors « la conversation » et la météo convient
parfaitement : voilà un sujet dont la banalité garantit l’in-nocuité. On
s’installe dans l’évidence et le simple plaisir de s’entendre parler. La parole
établit la connexion, entretient le contact, signifie le besoin de la présence
des autres.

Ces trois premiers points rappellent qu’il faut prendre très au sérieux la
parole, que les mots ne tombent jamais dans le vide, qu’ils sont créateurs de
mondes dans lesquels ils nous impliquent et qu’ils méritent pour cette
raison toute notre attention. On conserve peut-être encore le souvenir de ce
duo constitué par Dalida et Alain Delon, Paroles, Paroles :

« Encore des mots, toujours des mots, les mêmes mots »,

26

déclare la chanteuse au comédien. « Je ne sais plus comment te dire », lui


glisse-t-il, à quoi elle rétorque : « Rien que des mots… » Toute la chanson
est construite sur la dévalua-tion de ces « belles paroles » qui n’engagent à
rien, qui ne représentent rien et ne pèsent pas lourd : « Paroles et paroles et
paroles et paroles/Et encore des paroles que tu sèmes au vent. » Ces mots
qui sont ceux d’un « beau parleur » ! Le préjugé est tenace : les mots ne
valent pas grand-chose en regard des actes qui, eux, seraient dignes de
considération…

Il faut évidemment commencer par se défaire de ce faux

jugement !

27

Chapitre 4

Parler, c’est

prendre le risque

d’être jugé sur

l apparence
La peur de parler porte un nom, c’est la glossophobie. Elle concerne, à des
différents degrés, un très grand nombre d’entre nous : sur cent personnes
interrogées, trente-trois se disent nerveuses lorsqu’elles prennent la parole,
et sept éprouvent de véritables « phobies sociales », des inhibitions qui
provoquent bredouillements, bégaiements, blocages.

Comment comprendre et expliquer cela, alors que parler

semble à tant d’autres si « naturel » ! Pourquoi cette gêne, ce malaise, voire


cette angoisse ?

29

Il faut rappeler que pour chacun d’entre nous, qu’il paraisse ou non à son
aise, parler conduit à « sortir de sa zone de confort », ne serait-ce que pour
cette première évidence : parler, c’est toujours (hormis au téléphone !)
accepter d’être regardé avant même d’être entendu.

Je parle et parce que je parle on me regarde, et parce qu’on me regarde, on


me juge. On se souvient de la formule de Sartre : « L’enfer, c’est les autres.
» Ce qui est « infernal » pour les personnages de Huis clos 1, c’est de ne
pouvoir se sous-traire au regard des autres et, partant, d’être jugé. C’est à ce
tourment éternel — être observé par les deux autres — que chacun des trois
est condamné. Être jugé, c’est tout simplement faire l’objet d’une
appréciation (pas nécessairement négative d’ailleurs). Voilà pourquoi il y a
quelque chose d’embarrassant à l’origine même de la prise de parole. Je sais
que les autres vont évaluer, certes fugacement, plus ou moins
consciemment, mon apparence et que celle-ci va influencer leur attitude à
mon égard, qu’elle va les conduire à « préjuger » de celle ou de celui que je
suis, m’infligeant peut-être une blessure narcissique. Dans une société où
l’image se révèle si importante, l’image de soi, celle que l’on souhaite
renvoyer, celle que l’on renvoie effectivement et où l’on appréhende que
ces deux images ne coïncident pas tout à fait, dans cette société-là «
l’exposition » est redoutable !

Nous sommes ainsi tous plus ou moins attentifs à notre


1 Pièce de théâtre en un acte écrite par le philosophe Jean-Paul Sartre en
1943, et parue chez Gallimard en 1947.

30

« look » (l’emprunt au verbe anglais to look, « regarder » est très significatif


évidemment). Qui en effet parmi nous sort de chez lui tel qu’il s’est levé le
matin de son lit, indifférent à sa coiffure, sa mine, son vêtement ?

Nous savons bien sûr que la démarche, le maintien, l’habille-ment, les


accessoires (lunettes, bijoux, etc.) « font impression »

et placent l’interlocuteur dans une certaine « disposition », le préparant à


entendre ma voix. De fait, je commence par être vu, puis je suis entendu et
enfin écouté.

Il y a une séquence qui se répète ainsi toutes les fois que j’entre en
communication avec les autres, y compris dans le cadre le plus quotidien, le
plus banal : d’abord le look, puis la voix, enfin le contenu du message, dans
cet ordre-là précisément et selon un principe d’impression décroissante.

Tout commence bien par l’impression visuelle que l’on

donne — elle représente environ 55 % de l’impact —, sui-vie par


l’impression auditive (la voix, le débit, l’intention perceptible) — cette
seconde impression vaut pour environ 38 % — et enfin la compréhension
du message, la dimension spécifiquement verbale de l’acte de
communication

que je viens de réaliser, qui n’influencera qu’à hauteur de 7 %


l’appréhension de mon interlocuteur.

Dans les années 1960, le psychologue américain Albert

Mehrabian définit ainsi ce qu’il appelle la loi des « 3V » : le Visuel, le


Vocal et le Verbal. Ces trois aspects ne sont pas 31

équivalents et les deux premiers déterminent lourdement le dernier. Dans la


recherche d’une éloquence bien maîtrisée, il ne faut jamais l’oublier. Ce que
je redoute finalement le plus quand je parle, ce n’est pas d’être mal compris,
c’est toujours d’être « mal perçu ».

« Là où le discours en reste aux mots, la parole engage le corps », écrit


Nietzsche. Et à cet engagement-là, nous ne sommes pas préparés par notre
éducation.

32

« Rien ne peut résister

à la grande éloquence. »

Charles Perrault

Chapitre 5

Tout parle

à travers

moi

La parole n’est pas seulement verbale : voilà ce qu’il faut retenir du point
précédent. Tout « parle », en effet : mon apparence, comme le son de ma
voix ou le rythme de mes

phrases.

Même le silence est éloquent. Je m’adresse à quelqu’un, je l’interpelle et


cette personne ne me répond pas… Elle reste muette, apparemment, car en
réalité, elle a très clairement répondu. Son silence en dit long en effet sur le
peu de considération qu’elle me manifeste. Ma question est

si peu digne d’intérêt qu’elle ne mérite même pas qu’on la relève. Ce


silence exprime non seulement un manque

35
de considération, mais aussi une grande violence à mon égard, en ce qu’il
me récuse en tant qu’interlocuteur et me nie en tant que personne. Sartre
invente un mot pour désigner cette violence symbolique extrême, la «
néantisation ». J’ai pris la parole, tu m’as entendu et délibérément, tu ne
répliques pas ; je suis « néantisé », anéanti, réduit à néant. C’est une
situation qui établit un rapport de force évidemment. Elle est rare. On a
peut-être toutefois déjà vécu cette petite blessure narcissique infligée par un
collègue, une relation croisée par hasard que l’on a sa-luée d’un « Bonjour !
» engageant mais laissé sans retour, ignoré parce que la personne à qui il
s’adressait n’y a pas répondu, inattentive, trop absorbée par sa tâche ou
simplement distraite.

Tout peut donc être éloquent : un geste, un comportement, un vêtement, une


couleur, etc. La parole ne s’en tient pas à la langue ni aux mots — c’est
aussi de la sorte que l’éloquence déborde la rhétorique. Quel que soit le
choix que j’indique, quel que soit le geste volontaire ou non que je fais,
quelle que soit l’action que j’accomplis, ils seront in-terprétables et
interprétés. Tout ce qui vient de moi « fait signe ». Pour le dire à la manière
de Roland Barthes, nous sommes au centre d’un véritable « empire des
signes ». Je ne cesse d’émettre des signes et des signaux que les autres,
ceux que je croise ou qui m’entourent, sont à même de re-cevoir et de
décrypter.

36

Quelques exemples rapidement nous en persuadent tous les jours :

q la couleur d’un pull, par exemple : une couleur vive et chaude qui attire le
regard ou bien une couleur froide et terne laisse deviner l’état d’esprit du
jour de la personne qui choisit de le porter ;

q les vêtements amples et les chaussures de sport, la tenue décontractée,


voire négligée que je choisis de porter pour sortir de chez moi expriment
mon souci de confort et font de la rue où je vais « faire des courses » une
extension de mon domicile, tant ce quartier où je vis m’est agréable et
familier ; q l’auto-contact de mes mains pendant que je parle — je les serre,
je les frotte l’une contre l’autre, je croise mes doigts — traduit un manque
d’assurance et le besoin
d’être rassuré. Et plus globalement l’allure, le port de tête, les épaules
rentrées ou non, la démarche, l’expression du visage définissent un
véritable langage corporel qu’il faut comprendre et parler.

Nous ne pouvons pas nous empêcher de « parler », de communiquer, de


transmettre des idées, des émotions, des

images. Nous le faisons plus ou moins consciemment. Pour ce qui concerne


la production inconsciente de cette parole, on se souvient par exemple des
observations de Freud dans Psychopathologie de la vie quotidienne 2. Le
célèbre inventeur de 2 Ouvrage publié en 1901 chez Karger à Berlin.

37

la psychanalyse y traite des « lapsus » et plus généralement des « actes


manqués », à propos desquels il écrit qu’ils constituent autant de « discours
réussis ». Ces petites maladresses, ces retards, ces oublis semblent, au
premier abord, invo-lontaires, mais à l’analyse, ils s’avèrent « révélateurs »
d’un contenu refoulé que la fatigue, la précipitation, la pression des
circonstances permet de libérer… Je suis toujours ponc-tuel et pourtant,
aujourd’hui, à la suite d’un enchaînement de circonstances « fortuites », je
manque un rendez-vous.

Très probablement, on y verra de plus près une stratégie de fuite, une


échappatoire à une entrevue désagréable, associée à un événement ou un
personnage déplaisant. Quant

aux lapsus, ces « glissements » de langue qui font que l’on prononce un mot
pour un autre de sonorité proche, mais

dont la signification est saugrenue dans le contexte, voire parfois scabreuse


mais toujours révélatrice de préoccupations inconscientes, la vie politique
en est riche. Ils sont provoqués par la fatigue qu’éprouvent les politiciens à
trop parler, trop longuement et sous une pression médiatique trop forte. On
peut en citer deux, plutôt spectaculaires, mais qui ne choqueront personne.
On se souvient peut-être de ce Premier ministre français qui annonce que «
le Conseil constitutionnel prendra sa démission demain… » ou encore de ce
ministre des Affaires étrangères qui, pour évoquer le sort réservé en Chine à
la communauté des Ouïghours, dit en 2009 : « C’est terrible ce qu’on fait
subir en ce moment aux Yoghourts… »

38

Ces signes-là échappent évidemment à notre volonté et à notre propos. Mais


tous les autres en revanche restent maî-trisables. L’important, c’est alors de
s’assurer que ce que l’on veut dire, ce que l’on croit avoir dit et ce que l’on
a dit véritablement coïncident. Il est en effet toujours primordial de garantir
ce que l’on appelle « l’alignement » du non-verbal et du verbal. Ce que dit
mon corps ne doit pas contredire ce que ma pensée exprime par ma voix.
On aura fréquemment recours par la suite à cette idée essentielle qu’il faut
toujours vérifier que le visuel, le vocal et le verbal sont bien

« alignés ». Il est par exemple parfois difficile de demeurer

« sérieux », « grave » lorsqu’on réprimande un jeune enfant pour une «


bêtise » qu’il a faite alors que celui-ci affiche un petit air penaud. Il faut
s’efforcer de ne pas sourire, de ne pas rire de la situation ; ce serait en effet
envoyer à l’enfant un « message » contradictoire : les mots (le verbal) ne
seraient pas « alignés » sur l’attitude (le visuel et le vocal).

39

Chapitre 6

Autour de moi

tout

« fait signe »

Au tout début de son recueil de fables, La Fontaine prévient le lecteur : «


Tout parle en mon ouvrage. » Cela signifie bien sûr que le poète s’amuse à
donner la parole aux animaux, aux arbres ou encore aux objets, mais surtout
que tous les détails importent dans ces petits récits destinés à diffuser de
plaisantes leçons de morale. « Tout parle », c’est dire que tout ce qui
m’environne recèle une signification et que pour interagir efficacement
avec la réalité, il faut apprendre à la décrypter. À commencer par la
communication non verbale de ceux que je rencontre. En effet, ce qui vaut
pour moi vaut évidemment pour les autres : de même que mes gestes, mes
41

intonations, mon apparence sont porteurs de signification, les gestes, les


intonations, l’apparence de tous ceux à qui je m’adresse livrent un grand
nombre de renseignements qu’il est indispensable de recueillir et
d’interpréter utilement.

Mais attention aux vertiges de l’interprétation, surtout avec des


interlocuteurs mal connus, voire franchement inconnus.

Une réponse que je perçois comme un peu trop brusque est-elle l’indice
d’une mauvaise humeur ? d’une inattention pas-sagère ? l’expression d’un
stress qui n’a peut-être rien à voir avec la question que je posais ?

Ce froncement de sourcils, cette expression que je remarque sur son visage,


que me révèle-t-il de l’état d’esprit de la personne qui se trouve en face de
moi ? Songez que l’on réperto-rie plus de trois mille expressions faciales…

42

« L éloquence

n est que l art d embellir

la logique. »

Denis Diderot

Chapitre 7

Dès qu’il s’agit

de parler,

je deviens polyglotte
Sur la scène de la vie quotidienne, nous interprétons différents rôles. Je ne
suis pas tout à fait le même parmi mes collègues, en famille, avec des amis,
pas tout à fait le même selon que je me trouve en vacances, sur le lieu de
mon travail, ou encore simplement dans la rue, pas tout à fait le même
quand je m’adresse à de parfaits inconnus, à mes voisins, ou encore aux
commerçants du quartier. Mon allure, mes gestes, ma voix (son timbre, son
débit, son volume, etc.) se trouvent modifiés par mon environnement ;
j’adopte à mon insu le plus souvent plusieurs langages.

45

Cela ne signifie pas pour autant une « insincérité naturelle ».

Passer d’un rôle social à l’autre, ce n’est pas être hypocrite ni manquer
d’authenticité, encore moins cesser d’être soi-même, c’est juste se rendre à
l’évidence que nous ne sommes pas perçus de la même manière par les
personnes qui nous entourent et que celles-ci attendent de nous des
comporte-ments et des paroles différentes. Savoir bien parler au quotidien,
c’est assumer d’être polyglotte et c’est aussi déterminer quelles sont les
langues qu’il faut connaître pour interagir

« couramment » avec les autres, tous les autres.

Ou encore quel instrument jouer, pour reprendre la formule de Gregory


Bateson, le célèbre anthropologue américain :

« Communiquer, c’est entrer dans l’orchestre. » Ce qui revient à rappeler


qu’avant d’envoyer un message, on doit se demander « auprès de qui et sur
quel instrument on doit le jouer ».

On aura l’occasion d’y revenir à plusieurs reprises au cours des pages qui
suivent, il faut s’inscrire dans une cohérence, c’est-à-dire adapter la parole à
ceux qui la reçoivent et aux circonstances.

Une parole qui échoue à convaincre ou à persuader, une

parole vaine et inefficace, c’est donc une parole qui n’a pas su s’adapter ou
plutôt qui n’a pas su reconnaître la nécessité d’épouser les circonstances
dans lesquelles s’inscrit l’interaction.

46

« Là où le discours

en reste aux mots,

la parole engage

le corps. »

Nietzsche

Chapitre 8

Il faut toujours

trouver

sa voix

Puisque c’est de la parole dont il est question, voilà qui implique une
dimension matérielle bien particulière : la sonorité et plus généralement la
voix. Il ne s’agit pas évidemment de « travailler » sa voix. Si, comme nous
l’avons rappelé plus haut, nous sommes conduits à jouer des rôles dans
notre quotidien, cela ne signifie pas pour autant qu’il faut chercher à «
placer sa voix ». En revanche, il est important de bien contrôler le volume,
le rythme, le ton de cette voix que l’on doit faire entendre. Il faut bien sûr
ne pas parler trop fort, ni trop faiblement, ne pas parler trop vite, ni trop
lentement.

Dans le contexte d’une interaction sociale de « proximité », il est


indispensable d’en tenir compte.

49

Chapitre 9
Prendre garde

de choisir les mots

pour le dire

Choisir les « bons mots », cela paraît être une évidence… Les mots justes
sont ceux qui disent très exactement ce que l’on veut dire, mais pas
seulement.

Les mots justes, ce sont aussi les termes qui sont ajustés à l’auditeur, ceux
qu’il comprendra sans équivoque, les mots qui lui parlent. Les mots justes,
ce sont enfin ceux qui sauront produire l’effet recherché. Trouver les « mots
justes », ce n’est donc pas employer juste des mots, c’est tenir compte
comme toujours de trois éléments : le locuteur, l’auditeur et la nature
humaine !

51

Je me souviens d’avoir un jour confié à un ami qu’il me semblait alors un


peu « perdu » — il paraissait dépassé par une série d’événements plutôt
désagréables et incapable d’y faire vraiment face. Mon intention était de lui
manifester ma sympathie et l’emploi de ce mot, « perdu », dans mon esprit,
devait souligner la dimension affective que je souhaitais donner à notre
échange.

Mais mon interlocuteur ne l’avait pas perçu comme cela, il avait entendu
une condamnation, presque une sentence :

« perdu » au sens de la « perte » définitive et irrévocable. Il avait compris


que selon moi, son sort était réglé une fois pour toutes, qu’il n’y avait plus
rien à faire, sinon consentir à une sombre fatalité !

L’exercice est certes difficile, mais il faut s’efforcer de se mettre à la place


de la personne à laquelle on s’adresse.

Cela commence par le choix de termes positifs. Notre cerveau n’aime pas le
négatif, il ne l’entend pas. Si vous voulez affirmer votre honnêteté dans le
cours d’un échange, par exemple, ne dites pas : « Je ne suis pas un voleur !
» Votre interlocuteur va entendre le mot « voleur » et c’est ce mot qu’il va
retenir ! Ne dites pas à quelqu’un que vous voulez encourager « qu’il n’est
pas bête », dites-lui que « ce qu’il dit est intéressant, que ce qu’il fait est
malin », etc.

52

Choisissez plutôt d’employer des euphémismes : parler de « collaborateur »


plutôt que d’« assistant », dites plutôt

« nous » au lieu de « je ». Nous aurons l’occasion de revenir sur


l’euphémisme et la litote, des pratiques extrêmement efficaces et utiles
auxquelles il faut recourir (notez que je n’ai pas dit : « pratiques auxquelles
il n’est pas honteux de recourir ! »).

53

Chapitre 10

Je ne parle

que pour

vos yeux

Enfin, rappelons au terme de cette première partie qu’une parole puissante,


efficace, c’est une parole qui sera attendue et bien accueillie parce qu’elle
se sait dédiée. Celui qui écoute doit savoir que c’est à lui qu’on parle. Il faut
que les mots qu’il entend lui parlent, que ma parole lui parle et qu’elle le «
regarde », au propre comme au figuré : je te parle et ce que je te dis te
regarde, voilà pourquoi, d’ailleurs, je te regarde pendant que je te parle et
que mes yeux cherchent les tiens (attention, le contact visuel direct devient
désagréable au-delà de trois à quatre secondes).

Quand je parle, je dois être plus attentif à celui à qui je dis plutôt qu’à ce
que je dis. On ne s’exprime avec succès qu’en 55
s’oubliant, mais en gardant en revanche à l’esprit que l’attention de l’autre,
celui à qui on s’adresse, excède d’ordinaire rarement dix secondes. Il faut se
montrer ainsi attentif à l’attention des autres. Au fond, il ne faut jamais
cesser pendant qu’on parle d’être « à l’écoute ».

56

Partie 2

20

situations

pour tous

les jours

L’éloquence à l’épreuve du quotidien Les cinq chapitres qui composent


cette deuxième partie

traitent très concrètement de ces situations du quotidien au cours desquelles


chacun est engagé dans un échange aux enjeux plus ou moins importants.
Les lieux et les interlocuteurs sont extrêmement variés : la rue, la terrasse
d’un café, l’intérieur d’un commerce, une salle d’attente, une pièce dans un
domicile privé, etc. On y croisera des personnes connues ou inconnues, des
familiers, des habitués ou de parfaits étrangers. Toutes les « combinaisons »
sont envisageables.

Le moment de la « prise de contact », le moment où il s’agit de « trouver les


mots », où il faut convaincre ou persuader, impressionner favorablement, le
moment du dialogue

et celui du débat, celui où enfin il convient de faire valoir son point de vue,
le défendre et parfois manifester son désaccord, tous ces moments, ces
situations dans lesquelles chaque jour nous sommes impliqués, sans parfois
même en avoir toujours pleinement conscience, réclament une attention
particulière et font chacune l’objet d’un chapitre spécifique. Chacun de ces
chapitres est conçu à partir de trois ou quatre verbes qui disent l’action
qu’implique une parole dé-terminée. Cette action soulève des difficultés
propres pour lesquelles on proposera des conseils de « première nécessité »
(« Actes et paroles ») ; viendront ensuite des mises en situations concrètes
prélevées dans le quotidien (« Scènes de la vie quotidienne »).

Chapitre 1

Le contact . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .62

Chapitre 2

Il faut bien le dire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .83

Chapitre 3

Le cœur et la raison . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 103

Chapitre 4

L’échange . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 121

Chapitre 5

L’intention qui compte . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 140

Chapitre 1

Le contact

On dit « prendre contact », « prendre la parole », « prendre rendez-vous », «


prendre l’initiative », etc. On fait toujours entendre ce verbe « prendre » qui
exprime une action très forte, très volontaire, l’action qui consiste à prélever
du monde extérieur ce que l’on ramène à soi ; on pourra parler
d’appropriation, de conquête, d’annexion. Il y a quelque chose de toujours
très offensif qui s’entend à travers ce verbe « prendre », mais aussi quelque
chose d’aventu-reux, qui engage, quelque chose de périlleux, car ce que
l’on « prend » à chaque fois, c’est un « risque ». Celui de ne pas parvenir à
« saisir », à « conserver », à « maintenir », à
« contrôler »… Le risque aussi du refus, de la résistance et de l’échec. Il
faut de l’audace pour chercher à « prendre »

et cela vaut aussi — et surtout ! — bien sûr pour la parole.

62

Comment maîtriser son appréhension quand on envisage de prendre la


parole pour la première fois, de prendre contact, quand on aborde un sujet,
une demande, une personne

inconnue ?

Nous sommes tous évidemment différents et inégaux de-

vant ce type d’appréhension. Mais il existe un moyen de résorber en partie


cette inégalité : contrôler son émotion par quelques exercices de respiration
profonde. Isolez-vous quelques minutes avant de vous « lancer ». Et à cinq
ou six reprises, pratiquez une « respiration profonde » : j’inspire par la
bouche pendant quatre secondes, je bloque ma respiration six secondes et
j’expire tout l’air contenu dans mes poumons par le nez pendant les huit
secondes qui suivent…

Répétez l’exercice à cinq ou six reprises et vous constaterez que votre


appréhension a considérablement faibli, voire qu’elle a disparu.

Allez… on y va !

Aborder

p . 64

Demander

p . 73

63

Aborder
Aborder, c’est prendre et entrer en contact, être « bord à bord », « côte à
côte », tout en conservant présent à l’esprit qu’il ne s’agit pas d’un simple «
accostage », pour filer la métaphore navale.

Il n’était pas dans l’ordre naturel des choses de prendre dans ces
circonstances la parole, mais cette « prise » de parole s’avère nécessaire : il
doit se passer quelque chose ou bien il s’agit d’obtenir quelque chose.
Aborder, c’est toujours d’abord entreprendre.

Actes et paroles

Quelles sont les difficultés à surmonter ?

q Il y a d’abord la difficulté propre à tout commencement.

Comment « engager » la parole ? Rompre le silence…

q Il s’agit toujours d’une forme d’irruption qui peut être attendue ou


inattendue, qui « dérange » plus ou moins.

q Comment dès lors capter l’attention ? Éviter l’agressivité ou une forme de


brusquerie que traduit d’ailleurs

64

act

Le cont

l’usage du verbe « prendre » dans l’expression « prendre la parole » ? sans


pour autant disparaître par excès de discrétion ?

q Comment se faire entendre sans s’imposer ?

Les tout premiers conseils

aut bien le dirIl f


q Ne pas minimiser la « première impression ».

q Afficher assurance et sérieux. Renvoyer une image « rassu-rante » (avant


toute parole). Surtout ne pas inquiéter, ne pas communiquer son stress, ne
pas signifier l’urgence

aison

(sauf évidemment dans une situation de danger) ni l’agacement ou


l’irritation. Pas d’hésitation, ni d’agitation : il faut être calme et résolu.

Le cœur et la r

q La voix ne doit pas être forte. Il ne faut pas donner du volume.

La voix doit être ferme.

q Aller au fait. Directement. Éviter les préambules et les circonlocutions.


S’interdire toute digression. Y compris hange

quand il s’agit d’aborder non un interlocuteur éventuel, L’éc

mais plutôt un sujet, surtout si c’est « un sujet qui fâche ».

Mais attention : être direct ne signifie pas être brutal.

ention qui compt

L’int

65

Scènes de la vie quotidienne

Scène 1 : aborder la journée


Toutes nos journées débutent toujours par une série d’interactions bien
particulières : nous échangeons des souhaits, ceux de « passer une bonne
journée ». Il existe ainsi différentes formulations, selon le degré de
familiarité que nous entretenons avec ceux que nous rencontrons — « salut
»,

« hello », « coucou » —, toutes se résument à dire « bonjour ».

Comptabilisons le nombre de fois au cours de la journée où nous nous


trouvons en situation d’exprimer ce souhait,

« bonjour ». Et ne pas se plier à l’usage est assurément perçu comme une


singulière impolitesse. On attend en retour d’être également salué, c’est-à-
dire « reconnu », tant du point de vue immédiatement pratique que sur le
plan symbolique.

Et si nous ne recevons pas en échange de notre « bonjour »

de la part de notre interlocuteur un strict équivalent, nous en éprouvons un


sentiment de malaise ou d’indignation : on n’a pas répondu à mon « salut »,
quelque chose ne va pas, je suis transparent, on ne me « considère » plus…

Voilà pourquoi souhaiter bonjour à tous ceux que l’on croise et avec
lesquels on a par le passé interagit, même un minimum, est une nécessité
sociale ! La toute première règle pour cette toute première mise en situation
: ne pas négliger cet échange du début de journée, surtout n’être pas «
distrait », ne pas oublier de saluer, penser à répondre. C’est à cet impératif
66

act

Le cont

« maternel » qui nous renvoie aux premiers instants de notre éducation qu’il
faut commencer par obéir !

e
Mais ce n’est pas si simple, car la répétition de cette rapide interaction au
cours de la journée, au cours de chaque journée et ce tous les jours, a pour
effet d’en affaiblir l’effet, voire de la rendre contre-productive.

aut bien le dirIl f

Éviter la mécanique de l’échange : penser à ce que

l’on dit

Puisqu’il s’agit d’un acte de « reconnaissance », il est indispen-aison

sable de s’impliquer dans ce « bonjour » que l’on adresse : K être attentif au


ton ;

K exprimer une intention, celle qui consiste à vraiment Le cœur et la r

souhaiter une « bonne journée », ce qui implique de se concentrer sur


l’adjectif « bon » dans « bonjour » ;

K regarder franchement et garder le visage ouvert (il n’est évidemment pas


nécessaire de plaquer un sourire béat

hange

toutes les fois que l’on rencontre quelqu’un) ;

L’éc

K accompagner les mots d’un geste de « connexion » (un mouvement de la


main, du coude).

En bref, tout faire pour éviter la « mécanique » de l’échange.

Vous devez penser ce que vous dites et non signifier que vous vous
soumettez à une coutume ou une obligation. Les répliques du type : «
Bonjour, ça va ? » sont à proscrire.
ention qui compt

L’int

67

Enfin, si vous connaissez l’identité de la personne que vous saluez,


n’oubliez pas de la nommer, voire de la prénommer, c’est-à-dire de lui
dédier véritablement votre salut. Un

« Bonjour, Éric ! » ou simplement un « Bonjour, Monsieur Cobast » valent


toujours bien plus qu’un simple « Bonjour ! ».

Respecter la bonne distance

Dire « bonjour », c’est aussi se situer par rapport à la personne que l’on
salue. Familiarité, déférence, estime trouvent toujours à s’exprimer dans le
choix du mot et le ton employé (chaleureux, curieux, respectueux, etc.).

En usant du terme approprié et du ton juste, on établit/ré-tablit la « bonne


distance », c’est-à-dire celle qui m’offrira les possibilités de la meilleure
interaction.

Savoir être engageant

Le « bonjour » du matin doit être aussi l’occasion d’engager la relation et


de diffuser une intention positive et bienveillante. Le verbe « engager » en
dit long en français : c’est à la fois débuter et s’impliquer. Un mot «
engageant », c’est un terme qui encourage, donne confiance et donc qui
incite à débuter en s’impliquant.

On peut tout simplement, au « Ça va ? » mécanique et impersonnel, préférer


un « Comment vas-tu ? ». Ajoutez, si les circonstances s’y prêtent
évidemment, une petite phrase 68

act

Le cont
d’accompagnement : « Tu sembles en pleine forme ! » ou

« Quelle énergie ! ».

Mais il suffit parfois d’éviter certaines formules pour donner à ce premier


échange de la journée une tonalité « engageante » : oubliez ainsi les « Bon
courage ! » qui dès le matin retirent tout enthousiasme sous le prétexte de
dire aut bien le dir

une sympathie, voire une compassion inappropriée. Évitez Il f

de parler du temps qu’il fait, ce qui revient surtout à dire que l’on n’a rien à
dire, ou encore les « Pas trop mal dormi ? »

ou les « Tout va bien ? » toujours un peu inquiétants !

aison

Scène 2 : aborder un sujet

Il s’agit cette fois-ci d’aborder non plus directement

quelqu’un, mais plutôt une question, un problème qui em-Le cœur et la r

barrasse et pourrait brouiller ou perturber une relation avec quelqu’un


précisément. Comment aborder un « sujet qui fâche » ?

Un sujet est délicat :

hange

q parce qu’il peut susciter de fortes réactions émotionnelles ; L’éc

q parce qu’il révèle un conflit ou un désaccord majeur ; q parce qu’il


contraint à expliciter l’implicite ;

e
q parce qu’il touche un point particulièrement sensible ou symbolique ;

q parce qu’il met directement en cause la responsabilité de l’interlocuteur.

ention qui compt

L’int

69

Préparer l’échange

Il est prudent de se préparer à cet échange délicat. Réfléchir moins à ce que


l’on va dire qu’à la manière de le dire. Éla-borer par précaution des
formulations utiles, clarifier des arguments, anticiper sur les questions ou
les réactions de l’interlocuteur. Imaginer le déroulement de l’échange. Se
concentrer pour rester disponible, ouvert et maître de ses propos.

Déterminer le bon moment

Les circonstances font tout. Il y a des moments favorables et d’autres


défavorables. Des moments opportuns et des

moments inopportuns. Le plus souvent, c’est le rapport au temps qui


détermine ces distinctions. Il est ainsi important de déterminer un moment
de liberté commun pour se laisser la durée nécessaire à un échange qui ne
doit pas subir de contrainte de temps.

Il convient de choisir aussi un lieu tranquille, préservé de toute distraction


ou de tout dérangement.

Assumer le « je »

K N’hésitez pas à affirmer que c’est de vous dont il est d’abord question.

K Préférez ainsi débuter par un « je » que par un « tu » ou un

« vous », toujours initialement plus ou moins accusateur.


70

act

Le cont

K Exprimez en premier lieu vos sentiments, votre ressenti plutôt qu’un


réquisitoire.

Faciliter le dialogue

Il est important de mettre d’une manière ou d’une autre l’interlocuteur en


valeur :

aut bien le dirIl f

K « Je sais que tu fais tout ton possible pour… »

K « Avant d’aborder le sujet qui nous occupe, je tiens vraiment à te dire


combien j’apprécie ton implication/notre relation/… »

aison

Un certain nombre de formules « d’ouverture » permettent aussi de donner


une tonalité engageante à l’entretien : K « Je tiens beaucoup à notre relation
et si nous n’abordons Le cœur et la r

pas ce sujet délicat/si nous ne crevons pas l’abcès/si on ne se dit pas les
choses, je crains qu’elle n’en souffre. »

K « J’aimerais beaucoup explorer avec toi les différentes op-hange

tions que nous avons pour améliorer la situation… »

L’éc

Proposer une solution


e

Après avoir posé la question, laissez réagir, installez-vous dans l’écoute


pour comprendre et engager une réflexion

commune, proposer des solutions (auxquelles vous aurez

préalablement réfléchi lors de votre « préparation »).

ention qui compt

L’int

71

Rester patient

Si le sujet est perçu comme délicat, qu’il n’a jamais été précédemment
abordé, il est probable que la discussion ne sera pas aisée ni rapide. Il faut
donc savoir rester patient, calme et toujours respectueux. Il est nécessaire de
prendre le temps de comprendre l’autre point de vue et surtout de signifier
précisément qu’on le comprend.

72

act

Le cont

Demander

Demander, ce n’est pas seulement poser une question.

Certes, la forme que revêt la demande, le plus souvent, demeure


interrogative : celui qui demande attend en effet aussi aut bien le dir

une réponse. Mais la demande exprime surtout le souhait Il f


d’obtenir quelque chose qui relève d’une manière ou d’une autre de
l’engagement, pas seulement une simple réponse.

Demander, c’est ainsi toujours installer une double implica-aison

tion, celle du sujet qui manifeste qu’il lui manque quelque chose, qu’il
ressent un besoin, qu’il éprouve un désir, mais aussi celle de l’interlocuteur
à qui la demande est adressée, une implication qui se traduira en effet par ce
qu’on appelle Le cœur et la r

un retour.

Il faut donc commencer par bien distinguer la demande de la question. Par


ma demande, je fais bien plus qu’interroger.

hange

En effet, une demande n’est pas toujours une question : de-L’éc

mande de secours, d’appui, de protection.

Pour sa part, une question est souvent détachée de toute in-e

teraction. Elle ne s’adresse pas à quelqu’un en particulier, elle est générale.

ention qui compt

L’int

73

Actes et paroles

Quelles sont les difficultés à surmonter ?

q Avant même de réfléchir à la juste formulation de ma

demande, je dois avoir procédé à toute une série d’évalua-tions pertinentes


dont il est impossible que je fasse l’éco-nomie si je veux obtenir
satisfaction.

q Est-ce la « bonne personne » à laquelle je m’adresse ? Est-ce le « bon


moment » ?

q La bonne personne : mon interlocuteur est-il compétent ?

qualifié ? pour répondre favorablement et efficacement à ma demande.

q Le bon moment : les circonstances sont-elles favorables ?

l’environnement ? le moment ?

q Demander son chemin à des touristes manifestement

étrangers… Demander de l’aide pour monter des paquets

en haut d’un escalier à une femme ou un homme âgé qui

avance péniblement… Demander un complément d’in-

formation à un interlocuteur visiblement pressé par le

temps… Toutes ces entreprises sont évidemment vouées à

l’échec. Mais bien souvent, les situations auxquelles nous sommes


confrontés ne sont pas aussi simples. On peut

en effet se tromper en pensant par exemple que la per-

sonne à laquelle on s’adresse est disponible, compétente, informée,


bienveillante, alors qu’il n’en est rien, qu’elle est 74

act

Le cont

distraite, préoccupée et indifférente. Pour éviter cela, il ne faut jamais cesser


de chercher à déchiffrer l’ensemble des signes non verbaux qu’elle envoie
(le regard qui se dérobe, e

des gestes de nervosité, etc.).

q Ensuite : comment suis-je perçu ? Ma demande sera-t-elle jugée recevable


? Il est essentiel d’inspirer de la confiance aut bien le dir

pour parvenir à établir la connexion attendue.

Il f

Les tout premiers conseils

q Une demande, cela se prépare, cela ne s’improvise pas. Il faut en aison

effet peut-être « répéter », en tout cas bien choisir les mots que l’on va
employer. Il faut aussi réfléchir aux circonstances qui pourront être
favorables. Il y a le bon moment et le bon endroit. Et il faut y songer, car
nous ne disposons Le cœur et la r

pas tous de ce sens inné de l’occasion, de l’opportunité. Les Grecs


utilisaient un mot bien particulier pour désigner le moment propice, le bon
moment : le kaïros.

q Si on ne dispose pas de cet instinct-là, ce sens du kaïros, ce hange

n’est pas très grave. L’intuition est une faculté qui n’est pas L’éc

la « chose du monde la mieux partagée », contrairement

à la raison. Eh bien justement, si je me sais dépourvu de e

cette intuition, je dois user de ma raison et réfléchir aux circonstances de


ma « demande ».

ention qui compt

L’int
75

Scènes de la vie quotidienne

Scène 1 : formuler une demande

de renseignement, aborder un commerçant

Ce sont des « prises de parole » ordinaires et nécessaires, mais qui suscitent


parfois l’embarras : il s’agit de demander quelque chose à quelqu’un qui ne
nous est pas familier.

Ce sera une requête de renseignements, une demande de

service ou d’attention, une commande. Dans tous les cas, il s’agit d’une
interpellation, au sens propre, d’une parole destinée le plus souvent à des
inconnus, d’une formulation qui attend un retour immédiat (le temps
manque ou presse).

Savoir capter l’attention

On peut, par exemple commencer par un « S’il vous plaît ! »

immédiatement suivi d’un « Bonjour… » une fois le contact établi. Cela


vaut en particulier dans le cas où il convient d’interpeller quelqu’un qui est
occupé ou inattentif.

Il est très important de saluer le plus rapidement possible la personne à qui


on s’adresse afin de « normaliser », de « civili-ser » vite la relation et
d’installer l’autre dans la situation d’un véritable interlocuteur que l’on
reconnaît en tant que tel.

Mais on va surtout capter l’attention avec la voix et avec le corps, bien plus
qu’avec des mots : la voix doit être sonore, ce qui ne signifie pas
nécessairement volumineuse. Se faire 76

act

Le cont
entendre, ce n’est pas hurler, crier ni même parler fort. Le timbre doit être
clair, il faut bien articuler et prononcer les trois syllabes — « S’il – vous –
plaît ?/! » — avec énergie. Le ton e

est toujours interro-exclamatif : ?/!

Dans le cadre d’un café, d’un restaurant ou d’un commerce, c’est surtout la
voix qui porte, car a priori votre interlocuteur aut bien le dir

ne vous voit pas ou ne vous a pas remarqué. Il suffira de répé-Il f

ter l’interpellation, calmement, sans irritation ou agacement perceptible,


autant qu’il sera nécessaire pour obtenir l’attention que vous réclamez.

aison

En revanche, si vous souhaitez interpeller un passant, la voix ne suffit pas.


Il faut suivre le mouvement, accompagner la personne qui marche,
légèrement en retrait afin de n’être pas perçu comme une menace et prendre
ensuite la parole selon Le cœur et la r

les modalités expliquées précédemment. C’est la condition pour n’avoir pas


à élever la voix de plus en plus fortement à mesure que l’autre s’éloigne (ce
qui aurait d’ailleurs pour effet d’accélérer sa démarche !).

hange

L’éc

Imposer sa demande sans paraître agressif ou

menaçant

On l’aura compris, il faut imposer sa demande sans provoquer la fuite ou un


refus. Il est évidemment fondamental de n’être ni agressif, ni menaçant, ni
même agacé ou indigné.
Cela passe non seulement par un contrôle vocal, mais aussi par la maîtrise
des traits du visage.

ention qui compt

L’int

77

Mais attention, il ne s’agit pas davantage de s’excuser. Dans la mesure où la


demande est légitime ou simplement rationnelle, elle doit être « reconnue ».
Il est par exemple maladroit de dire « Excusez-moi de vous déranger » si on
s’adresse à quelqu’un dont la fonction est de « rendre » un service. « S’il
vous plaît ?/! Bonjour… » sera suffisant et souvent bien plus efficace !

Scène 2 : demander la parole

La plupart du temps nous prenons la parole sans avoir à la demander : nous


sommes en famille, entre amis. Mais parfois dans le cadre d’une réunion
plus formelle, il nous semble devoir réagir à ce que nous entendons :
comment faire sans

« prendre brutalement la parole », sans « couper » une autre parole, sans


provoquer d’emblée l’affrontement ? Il faut tout simplement « demander »
la parole avant de la « prendre », attendre d’être « invité » à parler.

Je participe à une réunion, hors du cadre professionnel, j’écoute, je ne suis


pas directement interpelé mais ce qui est dit pourtant m’interpelle. Je ne
suis pas d’accord. C’est par exemple une réunion de copropriétaires et
Bernard, un voisin, exprime son mécontentement à l’égard du gardien « qui
ne fait pas son travail ». Bernard s’attarde sur le sujet et à mon sens
exagère, il en rajoute, éprouvant peut-être une antipa-thie personnelle à
l’égard du gardien. Je ne suis pas du tout de son avis et je trouve qu’il en
fait trop.

78

act
Le cont

K Je commence par parcourir du regard l’assistance à la recherche d’un ou


de plusieurs appuis, signifiant silencieusement mon étonnement et mon
incompréhension. Il

n’est pas maladroit de chercher à entraîner d’autres participants dans ma


démarche.

K Je me tourne ensuite vers le syndic, son représentant ou aut bien le dir

encore la personne qui préside et organise la réunion.

Il f

Je cherche à capter son attention, en levant la main par exemple (j’évite de


lever le doigt ! Attention en effet à ne pas s’installer dans le rôle d’un élève
qui réclame à son professeur la parole).

aison

K Je lève la main au début sans rien dire, je maintiens cette main levée tant
que je n’ai pas reçu la notification que j’ai été remarqué et que la parole va
bientôt m’être attribuée.

Le cœur et la r

Il est important de préférer s’adresser à un tiers plutôt que directement à


l’orateur. Je demande au syndic la parole, je ne prends pas directement à
partie Bernard. Mon intervention perd de son caractère « personnel ». Ce
sont hange

les propos de Bernard qui me font réagir et non Bernard L’éc

lui-même.

K Quand j’ai la parole, je vais droit au sujet. J’annonce la e


nature et la raison de ma demande : « Je voudrais réagir à ce qui vient d’être
dit. Je ne suis pas du tout d’accord : le gardien fait de son mieux… » Je
regarde les autres, en les prenant à témoin : je suis en train de plaider. Je
persiste à ne pas regarder Bernard pour ne pas personnaliser mon ention qui
compt

L’int

79

intervention, ce n’est pas un « duel ». Il faut absolument que mon intention


soit clairement posée : ce sont les propos tenus que je vise et non celui qui
les a tenus.

K Je m’efforce d’aligner mon expression non verbale sur cette intention :


ma voix est posée, ferme sans être forte. Je maintiens un ton informatif et je
refoule toute manifestation d’indignation, voire de colère. Mes gestes sont
maîtrisés, mes mains accompagnent mon argumentation, mon

buste est discrètement incliné en avant pour signaler mon engagement.

Ce sera la « méthode douce ».

Sinon – et cela convient particulièrement aux situations où il n’y a pas de «


modérateur », et dans la mesure où mon désaccord est très important −, je
vais demander la parole en la prenant d’autorité : « Bernard, je ne peux pas
te laisser dire cela ! Le gardien fait de son mieux etc. » Je manifeste
toujours d’emblée mon intention. Et si Bernard refuse de m’écouter, je vais
« parler sur sa parole », la situation devient celle du

« débat ».

80

« Le silence

est parfois plus éloquent

qu un discours. »
Samuel Ferdinand-Lop

Chapitre 2

Il faut bien le dire

Que dire et comment le dire ? Quels mots choisir ? Comment prévenir les «
blocages » ? Éviter les interprétations fausses ?

« Entre deux mots, il faut choisir le moindre », écrit Paul Valéry, qui
détourne la formule célèbre d’Aristote : « Entre deux maux, il faut choisir le
moindre. » Quel mot est un moindre mal ?

Exprimer

p . 84

Annoncer/Déclarer

p . 95

83

Exprimer

Exprimer, c’est faire sortir.

Deux idées sont alors associées : l’effort et la manifestation.

On exerce une pression ( primere, en latin) pour faire sortir ( ex-). Il s’agit
de rendre perceptible aux autres un sentiment que l’on éprouve, une idée
que l’on pense, bref quelque chose dont on a pris conscience et que l’on
cherche à transmettre, à « faire passer ». De fait, exprimer, c’est réaliser le
passage d’un espace intérieur, la conscience, au monde extérieur.

Attention : l’expression n’est pas seulement verbale, elle ne se manifeste


pas uniquement par le langage articulé. Elle passe aussi par le non-verbal :
les expressions sont également corporelles (le corps dit par exemple la
lassitude par affaissement de la posture et de la stature) ou plus
particulièrement « faciales » — ce sont les mimiques, voire les grimaces
(comme dit précédemment, les spécialistes de

l’anatomie du visage ont établi plus de trois mille expressions faciales !). Le
risque est alors de manquer « d’alignement ». L’expression non verbale
n’est dès lors pas en accord avec l’expression verbale : le corps dit autre
chose que l’esprit. Le défaut « d’alignement » est parfois aggravé par une
inadéquation entre le choix des mots et les idées que ces derniers devraient
exprimer. Bref, si exprimer, c’est délivrer une signification, faire entendre
une opinion, une réflexion, 84

act

Le cont

un jugement, cela suppose une maîtrise totale des moyens nécessaires pour
que coïncident exactement l’intention et sa réalisation.

aut bien le dir

Actes et paroles

Il f

Quelles sont les difficultés à surmonter ?

q La timidité ou plutôt le manque d’assurance. Certains d’entre aison

nous n’osent pas s’exprimer. C’est à proprement parler un manque


d’audace. De fait, choisir de « faire sortir » ce que l’on conserve en soi
réclame une forme de hardiesse et

surtout que l’on passe outre le manque d’assurance natu-Le cœur et la r

relle, la peur de « mal dire » ou de dire « mal à propos ».

C’est un peu ce que l’on ressent quand on apprend une


langue étrangère et qu’il faut « se lancer ». Il faut accepter de commettre
des fautes, des impropriétés. Cela suppose hange

évidemment un important travail sur soi-même à réaliser.

L’éc

q La passivité/l’agressivité. L’une et l’autre constituent de vrais écueils. La


passivité, c’est quand je suis incapable de e

formuler un avis ferme, précis, assuré. « Et tu en penses quoi ? » « Je ne


sais pas… » On passe son tour… L’affirmation brutale, exclamative,
provocante ne vaut guère mieux et braque assurément celui à qui elle
s’adresse. Il faut exprimer fermement ce que l’on veut dire. Mais comment
?

ention qui compt

L’int

85

q La difficulté de contrôler les expressions non verbales. Difficile parfois


d’éviter un haussement de sourcil, une moue pincée… Il paraît quasiment
impossible de contrôler ces micro-expressions, qui durent environ un quart
de seconde. Elles semblent nous « trahir » et on n’imagine pas adopter une
totale impassibilité du visage, une sorte de

« poker face 3 » !

q L’imprécision du vocabulaire, voire le défaut de vocabulaire, l’hésitation.


Chercher ses mots, employer un mot pour

un autre, utiliser un vocabulaire trop vague, pauvre ou inadapté. Cet écueil


que nous rencontrons souvent et

que traduit l’expression « … tu vois ce que je veux dire… »


destinée à mettre de notre côté un interlocuteur qui ne saisit pas vraiment ce
que nous souhaitons lui dire !

q Les parasites sonores. Ils sont nombreux, du « euh… » répété qui meuble
le silence aux tics de langage (« Du coup, je lui ai dit que… du coup, il a été
vexé… du coup, on est un peu en froid »). Ces maladresses pourraient
sembler sans conséquence, elles contribuent néanmoins à brouiller la bonne
réception de ce que l’on exprime et manifestent

embarras et gêne. L’attention de l’auditeur est par ailleurs distraite, ce


dernier n’entend plus que ces mono-

syllabes et ces hésitations qui trahissent le manque de confiance en soi.

3 Expression anglaise signifiant « visage impassible ».

86

act

Le cont

Les tout premiers conseils

q Il convient avant tout de développer ce que l’on appelle e

son assertivité.

L’assertivité, c’est la capacité d’exprimer et d’affirmer ses sentiments et ses


opinions dans le respect des sentiments et des opinions d’autrui. La
communication assertive se aut bien le dir

manifeste d’abord par une posture : le buste et la tête sont Il f

droits, les appuis sont fermes (on ne passe pas d’un pied sur l’autre, on évite
de se dandiner, de bouger sur place, de se frotter les mains, etc.). C’est aussi
une voix posée, un aison
timbre clair. On parle distinctement sans pour autant élever la voix. Le
phrasé est énergique sans être précipité, au contraire on adopte un rythme
mesuré, on ne parle ni trop vite, ni trop lentement. Cela suppose aussi de
maintenir Le cœur et la r

l’intonation, même sur les derniers mots. Si l’interlocuteur vous coupe la


parole, il faut terminer sa phrase, quitte à

« parler sur de la parole », là encore sans hausser la voix, sans modifier ni le


ton, ni le rythme de ce que l’on dit. Au hange

besoin, on pourra préciser : « Je termine ce que j’étais en train de dire »,


sans laisser percevoir la moindre irritation, L’éc

le moindre agacement ou la moindre impatience. Il faut

faire comme si de rien n’était, comme si l’échange se pour-e

suivait tout à fait normalement.

q Efforcez-vous de privilégier toujours l’expression de la première


personne. Dites « Je te suggère de… » plutôt que « Tu devrais… », de
façon à éviter la mise en cause implicite. Évitez de la ention qui compt

L’int

87

même façon un ton trop « didactique », trop « infantilisant »

(sauf évidemment si vous vous adressez à des enfants !). Évitez de donner
l’impression d’être lassé de répéter la même chose, de manifester qu’il
s’agit d’une évidence, etc. On se place évidemment dans l’hypothèse où
vous souhaitez que ce que vous exprimez soit reçu avec bienveillance et
attention. C’est d’ailleurs dans cette même perspective qu’il est conseillé
d’utiliser des termes aux connotations positives.

Ne craignez pas l’euphémisme ou la litote. Et si vous voulez exprimer sinon


un ordre du moins une incitation à agir de telle ou telle façon, n’hésitez pas
à recourir à l’implicite : com-muniquez sans dire. Au lieu de dire
brutalement : « Tu peux fermer la fenêtre, s’il te plaît », on pourra préférer :
« Tu ne trouves pas qu’il fait un peu froid ici, non ? »

q En fait, tout dépend de la situation dans laquelle on souhaite installer


l’échange. Après tout, on peut vouloir établir un rapport de force, créer chez
l’autre un malaise pour chercher à déstabiliser, ou tout simplement
provoquer un incident et bloquer le dialogue. Ce qui compte, c’est au fond
d’être conscient de l’effet produit, d’en assumer la responsabilité et les
conséquences. Il faut ainsi rappeler que le choix du « niveau de langue » est
déterminant. Choisir d’employer un mot dans une phrase dont on suppose
qu’il ne sera pas tout à fait compris de son interlocuteur, c’est en effet
chercher une forme d’ascendant sur cet interlocuteur ou simplement
chercher à le placer à distance en inhibant toute forme d’échange.

88

act

Le cont

Il y a comme cela des « trucs » qui permettent de placer l’autre « à distance


», de le conduire à intérioriser une situation désavantageuse. Ces procédés
très simples et

très désagréables sont souvent utilisés dans des relations où s’expriment de


subtils rapports de force. Lâchez par exemple dans l’échange une remarque
du type : « C’est rédhibitoire, de toute façon. » Vous constaterez probable-
aut bien le dirIl f

ment un imperceptible mouvement de recul chez votre

interlocuteur : il n’aura pas vraiment compris. Et pourtant, le mot «


rédhibitoire » paraît familier, il ne sonne pas « pédant ». La plupart du
temps, votre vis-à-vis n’en connaît aison
pas le sens précis (ce qui est « rédhibitoire », c’est ce qui constitue un
empêchement, un défaut, une gêne). C’est un terme fréquemment utilisé
pour déstabiliser parce qu’il est d’usage facile et de consonance simple : « Il
pleut », « Ce Le cœur et la r

n’est pas rédhibitoire. On va s’organiser… ». De la même façon, employer


volontairement un vocabulaire spécia-lisé auprès de non-spécialistes ou
encore adopter un ton et un registre familier quand on s’adresse à des
inconnus hange

ou presque, voilà une façon intentionnelle de brouiller la L’éc

communication.

q Enfin, le recours à l’ironie ou à l’humour entraîne également e

une sélection des interlocuteurs. Il est clair que nous ne partageons pas tous
le même sens de l’humour. Quant à

l’ironie, elle s’appuie sur l’implicite et par conséquent expose celui qui la
manie à n’être pas compris.

ention qui compt

L’int

89

q À l’évidence, il faut donc prendre le temps de se préparer à exprimer ce


que l’on souhaite dire ou manifester. L’improvisation s’avère parfois
périlleuse. Mais à force de pratique et d’habitude, cette préparation devient
de plus en plus rapide et intuitive. Comme pour une langue étrangère, il ne
faut pas craindre de commettre des impairs. Ils sont inévitables.

Scènes de la vie quotidienne

Scène 1 : donner un avis (dans une réunion

notamment)
« Et toi, qu’en penses-tu ? » Me voilà soudain sommé d’exprimer quelque
chose… et pas n’importe quoi. On m’a demandé ce que j’en pensais. À
quelle occasion ? Le cadre familier ou in-time, le cercle amical ou le tour de
table dans une réunion de travail ?

Dans tous les cas, il s’agit pour moi de donner mon opinion et non
d’exprimer une pensée, un raisonnement articulé et fondé.

Pourquoi me sollicite-t-on ? Parce que je « fais autorité » ? par politesse et


respect des convenances ?

Une autre situation : je suis sollicité non par quelqu’un, mais par une
situation. Je décide d’exprimer mon avis.

90

act

Le cont

Mon avis est soit une réponse à une question, soit une

intervention.

Il faut bien distinguer.

Dans le premier cas, on a rarement une pensée prête à l’expression. D’autre


part, on pense à travers les mots. Il peut se révéler alors tentant de « penser
en direct », ce qui suppose aut bien le dirIl f

une réponse longue qui hésite et se cherche, qui nuance, définit. Toutes les
situations ne se prêtent pas à un développement (voir le verbe « Expliquer
»). Souvent, c’est un simple avis. À ce moment, ne pas hésiter à dire : « J’ai
une opinion, aison

je n’ai pas réfléchi à la question, mais il me semble spontanément que… »


ou alors « Intuitivement, je dirais que… mais je t’avoue que je ne me suis
pas penché sérieusement sur le sujet. C’est une question compliquée et je ne
me suis pas Le cœur et la r

encore fait une opinion ». Ou encore, et à ce moment-là, on remet en


question finalement le verbe « penser » : « Je crois que… », « J’ai la
conviction que… ». Vous exprimez alors un engagement, mais que du
même coup vous exonérez de

hange

toute réflexion, en ce que vous situez votre réponse au-delà L’éc

de la pensée.

Dans le second cas, la réaction est spontanée et vous devez e

complètement assumer cette spontanéité en signalant que vous exprimez le


résultat d’une réflexion antérieure, mûrie, et dont vous livrez
l’aboutissement : « J’ai toujours pensé que », « Depuis longtemps je pense
que… ».

ention qui compt

L’int

91

Scène 2 : exprimer un sentiment

Les mots traduisent volontiers des idées, des pensées. Ils sont malaisément
maniables quand il s’agit de dire un sentiment ou d’exprimer une émotion.
On prend toujours le

risque de n’être pas vraiment compris, de ne pas contrôler nécessairement


ce que l’on dit, la violence des propos que l’on tient.

Il s’avère dans ce cas-là habile de désamorcer en avouant d’emblée : « Les


mots me manquent », « Les mots traduisent mal ce que je ressens ou que
j’exprime », « Je ne parviens pas à trouver les mots ».
C’est l’attitude qui va parler. Il faut laisser le langage corporel prendre le
relais de la parole : le visuel avec les expressions du visage, la posture (les
épaules rentrées ou au contraire saillantes), la voix tremblante, assourdie,
les silences, les hésitations deviennent alors éloquents. Ce qu’il convient
d’exprimer, donc, c’est la difficulté à exprimer précisément.

Quant au ressenti, il prévient également de toute logique et de toute


discussion. Le rapport à la vérité se trouve alors dé-placé. On ne saurait
remettre en cause une subjectivité pleinement assumée.

Scène 3 : le pitch

Exprimer au sens d’exposer : vous avez quelques minutes pour exposer un


projet, une intention, une candidature, etc.

92

act

Le cont

C’est ce qu’on appelle un pitch. Certes, les situations dans lesquelles nous
sommes contraints de « pitcher » ne sont pas fréquentes. Néanmoins, les
situations d’urgence saturent hé-e

las notre quotidien. Le train va partir, le bus démarrer, le feu de


signalisation passer au vert, et j’ai encore une information importante à te
transmettre.

aut bien le dir

Parler dans l’urgence, voilà ce que « théorisent » les adeptes Il f

du « pitch ».

Le mot est directement prélevé d’une langue étrangère (en l’occurrence


l’anglais), il appartient au registre sportif et aison

donne un verbe qui signifie « lancer ». Un pitch, c’est donc un


« lancement ». Le contexte est bien celui de l’urgence. Il faut en un temps
compressé susciter l’impression la plus forte et la plus favorable possible.
Nous sommes bien au-delà de Le cœur et la r

l’art de la concision ! Aujourd’hui, dans le cadre des levées de fonds des


start-up, on parle d’« elevator pitch » pour évoquer une présentation dans
l’ascenseur : quarante-cinq secondes, montre en main entre deux étages,
pour convaincre un inves-hange

tisseur potentiel !

L’éc

Ce type de formulation est très rigoureusement théorisé : une accroche (la


pépite), une promesse (quels résultats ?), e

une solution (l’offre) et un appel à l’action, à l’engagement.

« Pitcher » un projet, c’est le présenter pour lever des fonds.

Cette situation ne fait pas évidemment notre « ordinaire ».

Pour nous, « pitcher », c’est rappeler dans l’urgence une

« course à faire », « une précaution à prendre ». Comment ention qui compt

L’int

93

s’y prendre au mieux ? Vous devez vous exprimer en deux temps. Tout
d’abord, une exclamation, réduite à un mot qui avertit la personne à laquelle
on s’adresse du sujet en question. Puis une explication concise. Par exemple
: « Les clés !

N’oublie pas de laisser les clés chez le gardien. » Ou bien encore : « Dix
minutes ! Attends-moi juste dix minutes ! »

94
act

Le cont

Annoncer/Déclarer

Entre une annonce et une déclaration, les différences restent ténues. Dans
les deux cas, on exprime à un interlocuteur, un groupe d’interlocuteurs,
voire à un auditoire aut bien le dir

quelque chose qui revêt de l’importance. Il y a dans les deux Il f

cas une forme de solennité appelée par des circonstances sinon


exceptionnelles du moins inhabituelles.

Voilà pourquoi notamment il convient d’attendre toujours aison

le silence avant de prendre la parole, d’attendre que l’assistance soit


attentive. Il suffit de se tenir devant ceux à qui l’on s’adresse, de les
regarder, le visage décontracté, sans manifester impatience ou irritation.
Pourquoi pas en sou-Le cœur et la r

riant ? Naturellement, votre « public » va finir par se taire et attendre à son


tour que vous parliez. Si l’agitation autour de vous est telle que personne
n’a remarqué que vous vous apprêtiez à parler, vous pouvez alors vous
manifester. Lors hange

d’un dîner par exemple, frapper quelques petits coups de L’éc

couteau sur votre verre pour le faire tinter, ou bien commencer par une
formule du type « S’il vous plaît, je vous prie de bien vouloir me prêter un
moment d’attention… », « Un e

petit moment d’attention, s’il vous plaît, j’ai quelque chose à vous
annoncer… ». Vous hausserez la voix pour vous faire entendre, mais
attention à ne pas oublier de revenir à un volume « normal » une fois
l’attention acquise. Il convient ention qui compt
L’int

95

en effet de parler « loin », pas de parler « fort », et pour ce faire, il suffit de


« viser », de faire comme si on ne s’adressait qu’à l’interlocuteur le plus
éloigné dans l’assistance.

« Annoncer » et « déclarer », les intentions sont donc très proches.

Il existe toutefois des nuances qu’il faut bien assimiler pour garantir le
meilleur effet.

« Annoncer », c’est faire connaître, faire savoir, signaler. Ainsi appelait-on


naguère le messager, l’ambassadeur, celui dont la fonction était de faire
connaître à un gouvernement la position d’un autre État, un nonce. Le terme
n’est guère employé aujourd’hui que pour désigner les représentants du
Pape, ce sont les nonces apostoliques. Mais s’ajoute à cette première
signification la nuance d’une temporalité future : ce que l’on annonce n’a
pas encore eu lieu. Annoncer, c’est donc anticiper, prédire : « Cela
n’annonce rien de bon. »

« Déclarer », c’est faire passer de l’obscurité à la clarté. Ce qui était


dissimulé, caché se trouve à présent en lumière.

On peut dans ces conditions quasiment dire que les deux mots s’opposent
sur le plan de la temporalité : le premier est tourné vers le futur — ce que
j’annonce adviendra. Le second en revanche prend appui sur le passé : ce
qui était là, mais occulté, je le découvre à présent, je l’énonce : je le déclare.
Une déclaration exprime donc à la fois un passé et la volonté d’en révéler le
contenu. La déclaration des revenus 96

act

Le cont

(abusivement appelée par certains « déclaration d’impôts ») met ainsi à jour


les gains et les ressources acquis au cours de l’année passée. Elle engage le
« déclarant » qui est respon-e

sable. Une fausse déclaration entraîne ainsi des poursuites.

De fait, à la différence de l’annonce, la déclaration n’est pas sans gravité,


sans conséquence. Une déclaration de guerre, une déclaration d’amour, une
déclaration d’intention, à des aut bien le dirIl f

degrés divers évidemment, ce ne sont jamais de vaines paroles. La


déclaration est performative : la parole ne se limite pas à exprimer, elle crée
une situation. Par exemple, après avoir déclaré votre amour, quel que soit le
retour, la situa-aison

tion ne sera plus jamais la même. Une déclaration crée un état de fait. C’est
une parole « magique ».

Enfin, une dernière nuance : le plus souvent, l’annonce est brève. Rapide.
La déclaration, parce qu’elle est solennelle, Le cœur et la r

officielle, s’inscrit dans la durée. C’est une parole qui dure, elle revêt
souvent la forme du discours.

hange

L’éc

ention qui compt

L’int

97

Actes et paroles

Quelles sont les difficultés à surmonter ?


q Il s’agit de paroles solennelles. La difficulté principale consiste donc à
maintenir cette intention de solennité, à respecter les formes, à demeurer
dans les usages. C’est la question du « sérieux » qui est pointée et surtout
l’exigence d’alignement entre le Visuel, le Vocal et le Verbal (c’est ce qu’on
a l’habitude d’appeler les 3 V).

q La plupart du temps, ces communications solennelles ont été « répétées ».


Elles sont en effet associées à des événements, prévisibles, prévues et
préparées. Une préparation trop appuyée constitue un danger : le zèle, c’est-
à-dire la

« surpréparation », conduit souvent à un effet de « récitation », la sensation


d’une « mécanique », le sentiment d’une parole « artificielle », sans âme,
littéralement « préfabri-quée ». À cette impression inévitable que votre
intervention manque de naturel s’ajoutera la peur qu’un imprévu ne «
grippe » le discours.

Les tout premiers conseils

q Il faut tout d’abord chercher à pallier le défaut d’alignement.

En règle générale, soyez attentif à vous tenir « droit » pour assurer le «


Visuel ». La verticalité du corps qui parle s’avère essentielle quand on
souhaite donner de la gravité à la parole. La verticalité du corps sur le plan
symbolique, c’est 98

act

Le cont

l’affirmation d’une continuité entre les racines, le sol, et la frondaison, le


ciel. Cette verticalité suggère non seulement la stabilité, le réalisme, mais
aussi la spiritualité et e

l’idéalisme. On ne procède jamais à une déclaration ou

une annonce sérieuse les épaules rentrées et le dos voû-té. Par ailleurs, la
voix porte mieux et plus haut quand le corps est vertical et la « colonne
d’air » bien droite.

aut bien le dirIl f

q Cette dernière remarque conduit à préciser la nature de l’alignement du «


Vocal » : il faut bien sûr prendre soin d’éviter toute forme d’hésitation. Le
ton est ferme, le timbre clair et les parasites sonores sont bannis.

aison

q Vous aurez évidemment pris la bonne mesure des circonstances et de la


situation. Comment convient-il de se vêtir ?

Quelle couleur de vêtement privilégier ? Mais aussi inter-Le cœur et la r

rogez-vous sur la manière dont vous allez être perçu par ceux auxquels vous
allez vous adresser. Si vous pensez que la personne à qui vous déclarez
votre amour s’y attend, se doute de vos intentions ou bien si vous savez
pertinem-hange

ment que l’être concerné ignore complètement vos sen-

L’éc

timents, cela change évidemment tout. La stratégie n’est pas la même :


l’effet d’attente ou l’effet de surprise n’est pas de même nature !

q N’hésitez pas à vous préparer, à répéter, mais en luttant toujours contre


l’artifice. Si vous constatez que le ton n’y est pas, que vous ne parvenez pas
à maintenir le caractère solennel, officiel, grave du sujet, n’hésitez pas à
ention qui compt

L’int

99
« désamorcer » les défauts de votre discours en pointant vous-même les
défaillances de cette parole que vous ju-gez trop « guindée » et qui ne vous
correspond pas. Dites par exemple : « J’ai beaucoup préparé cette
déclaration, mais j’ai beau avoir répété… je ne vous cache pas que

je suis ému et impressionné… aussi veuillez excuser ce

trouble et mes hésitations… »

q Établissez et maintenez la connexion avec votre auditoire. Cette


connexion passe par le regard. Il ne faut jamais quitter des yeux ceux à qui
l’on s’adresse. Ne pas fixer ou dévisager mais regarder, ce n’est
évidemment pas la même chose (on ne « soutient » un regard que quelques
secondes, au-delà, on provoque une gêne).

q Comme le contenu de votre intervention est prémédité, faites un effort sur


la forme. Prenez le temps de choisir vos mots et de produire des effets.
Donnez par exemple le

sentiment d’être résolu en pratiquant l’anaphore, c’est-à-dire la répétition


d’un même terme en début de phrase :

« Depuis longtemps, nous avions le projet de… Depuis

longtemps, il nous semblait nécessaire de… Depuis long-

temps… mais à présent le moment est venu de passer à la réalisation. Voilà


pourquoi je vous annonce que… »

q Recherchez également les effets de répétition sonores — réi-tération des


mêmes voyelles et des mêmes consonnes,

des mêmes syllabes (rimes intérieures). Les répétitions frappent les esprits
(et surtout les oreilles !), mais il ne faut 100

act

Le cont
pas en abuser. Deux ou trois occurrences suffisent. Davantage, vous prenez
le risque d’être pompeux et trop empha-tique. Une prise de parole efficace,
même dans le cadre e

solennel que nous avons défini, doit demeurer simple.

q Si vous décidez de recourir à des images ou à des « figures de style », il


faut que celles-ci soient claires, prélevées de la vie aut bien le dir

quotidienne. Les effets poétiques sont très difficiles à ob-Il f

tenir, le risque du ridicule, de la prétention ou au contraire de la naïveté


menace.

q Enfin, vous pouvez préparer une « punchline », c’est-à-dire aison

une formule percutante, bien rythmée.

Le cœur et la r

hange

L’éc

ention qui compt

L’int

101

Chapitre 3

Le cœur et la raison

Le cœur a ses raisons que la raison ne connaît pas ; il possède également


un langage qui lui est propre. De fait, le cœur et la raison ne parlent pas la
même langue et on ne s’adresse pas à l’un comme on le ferait avec l’autre.
La raison me donne les moyens d’expliquer, de démontrer et de convaincre,
alors que le cœur vise à persuader, impressionner. Au quotidien, je sollicite
l’un et l’autre, l’un ou l’autre selon les circonstances, en fonction de mes
interlocuteurs, du temps dont je dispose pour m’exprimer, etc.

Expliquer/Démontrer

p . 104

Convaincre/Persuader

p . 112

103

Expliquer/Démontrer

Expliquer, c’est déplier. Il est en effet question à l’origine de pli et de repli,


ce dont témoigne d’ailleurs le registre familier : quand c’est « plié », c’est
fini, on s’est expliqué, tout s’est expliqué.

Donc lorsque j’explique, je déplie, je dénoue une situation, je résous une


difficulté, un problème. Les plis du tissu des circonstances m’empêchent
d’avoir une perception lisse et large de la situation : je cherche alors à
déplier, à « étaler » au regard de l’autre, celui à qui j’explique précisément
les choses, ce qu’il en est. Ainsi, grâce à mes explications, je dissipe un
malentendu, je lève une ambiguïté ou plus simplement,

j’éclaircis mon propos.

Si expliquer, c’est donc bien renseigner, rendre intelligible, c’est aussi livrer
une interprétation, produire déjà une analyse. « Je t’explique » ; « Voilà
comment je vois les choses, comment j’analyse la situation » ; « Je vais
t’expliquer la vie » ; « Je vais te dire comment on se comporte dans
l’existence, comment fonctionnent les relations humaines ». On observera
que dans ce sens, l’usage du mot est familier et que le ton est sinon hostile
du moins condescendant.
« S’expliquer », c’est aussi donner des « explications », des
éclaircissements sur soi-même, sur son comportement afin 104

act

Le cont

de mieux être compris. L’idée de justification n’est pas étrangère à la


démarche. « Je m’explique » ; « Voici les raisons qui m’ont conduit à faire,
à penser ou encore à dire ceci ou bien e

cela ».

Enfin, voici une mention particulière pour une forme spéciale d’explication
: la définition. En définissant un terme dans le aut bien le dir

cours de la conversation, un mot mal interprété ou dont l’ac-Il f

ception pourrait sembler ambiguë, on fournit du même coup une véritable


explication. On le verra plus tard, demander de revenir sur le sens de telle
ou telle expression, y avoir re-aison

cours de sa propre initiative dans le cours d’un débat ou d’un entretien, cela
s’inscrit pour cette raison dans des stratégies visant à prendre le dessus sur
son interlocuteur, ou encore à gagner du temps sur une réponse que l’on
doit donner à une question embarrassante (voir le chapitre 5, page 149).
Défi-Le cœur et la r

nir consiste à délimiter la signification d’un mot, à proposer une


convention, à partager avec notre interlocuteur une acception, c’est-à-dire à
établir un langage commun, préalable indispensable à toute forme d’accord.

hange

L’éc

Pourtant, le véritable langage de la raison, c’est la démonstration. À


proprement parler, une démonstration, c’est un
« raisonnement », c’est-à-dire un discours qui fait jouer les e

mécanismes rationnels de la déduction et de l’induction. Plus généralement,


démontrer, c’est donner la preuve. Le verbe démontrer est un composé du
verbe montrer. Il s’agit donc bien de désigner, d’indiquer, de faire voir,
rendre sensible, ention qui compt

L’int

105

manifester une vérité cachée, ignorée, méconnue. Voilà pourquoi on parle


aussi volontiers d’une « démonstration d’ami-tié », d’une « démonstration
de virtuosité », etc. Il s’agit là d’un spectacle qui a valeur de preuve. On
glisse alors subtilement d’une éloquence de la conviction à une éloquence
de la persuasion puisque c’est aux sens que désormais on s’adresse (on fait
« voir ») et non plus à la pensée.

Actes et paroles

Quelles sont les difficultés à surmonter ?

q L’explication et plus encore la démonstration sont difficilement maniables


du fait de leur lourdeur, de leur

longueur et plus généralement du temps qu’elles récla-

ment : de fait, l’une et l’autre sont des développements, elles s’inscrivent


dans une durée incompressible. Or le quotidien offre rarement l’occasion de
s’installer dans un développement, et quand bien même cette occasion serait
offerte, l’attention de mon interlocuteur ne pourrait être trop longtemps
retenue. Passé quarante secondes,

cette attention vacille. Je prends le risque à trop prendre mon temps de «


perdre » mon interlocuteur.

q À la lourdeur assez fréquente de la parole « didactique », on doit ajouter


un ton qui le plus souvent ressemble à
106

act

Le cont

celui du professeur. Attention par conséquent à ne pas être perçu comme «


condescendant », voire « méprisant ». À

tort ou à raison, la personne à qui j’explique ou démontre e

quelque chose va m’imputer un sentiment de supériorité.

Dans ce cas, l’effet produit s’avère évidemment désastreux, ne serait-ce que


pour l’efficacité de l’échange. Par ailleurs, la démonstration, c’est tout le
contraire de la discussion. Il aut bien le dirIl f

faut donc prendre garde de ne pas exprimer une volonté

de s’imposer, d’imposer son point de vue, de jouer sur l’autorité et de


refuser le dialogue et l’échange.

aison

q Enfin, la langue de la raison réclame de part et d’autre, tant de celui qui la


parle que de celui qui l’écoute, un effort de concentration et d’attention que
les circonstances ne favorisent pas toujours. Il faut un minimum de tran-
quillité, de disponibilité et de bonne volonté pour bien la Le cœur et la r

manier !

Les tout premiers conseils

hange

q Choisir le bon moment, le bon endroit et les circonstances L’éc

appropriées.
q Prendre le plus grand soin de l’alignement du visuel, de vocal et e

du verbal. Car on explique autant avec son corps et sa voix qu’avec sa


raison. Accompagnez par exemple avec vos

mains le déroulement de l’argumentation. Laissez-les guider le regard de


votre interlocuteur. Posez bien votre voix, ne parlez pas trop rapidement,
parlez très distinctement, ention qui compt

L’int

107

mais attention, n’exagérez pas l’articulation ni la lenteur de votre débit (cela


pourrait être très mal interprété !), bref ne « surjouez » pas le didactisme,
même avec ironie.

q Du côté du verbal : n’hésitez pas à répéter à plusieurs reprises les mêmes


arguments et les mêmes mots-clés, choisissez de faire des phrases courtes,
multipliez les connecteurs logiques simples (donc, par conséquent, alors,
etc.). On peut même user et abuser du célèbre « du coup », auquel notre
langue orale a recours exagérément ! Pourvu que

l’on fasse entendre qu’il y a bien une « logique » dans tout cela.

q Enfin, vous pouvez supprimer quelques étapes dans votre raisonnement si


celui-ci semble manifestement trop lourd et trop long ! Rares sont en effet
les syllogismes que nous exprimons dans leur intégralité, ce serait
insupportable :

« Il pleut. Or tu dois sortir. Donc n’oublie pas de prendre un parapluie. »


Personne ne dit cela, heureusement ! Vive l’ellipse : « Il pleut, n’oublie pas
de prendre un parapluie ! »

Scènes de la vie quotidienne

Les situations qui appellent au quotidien le recours à l’explication et à la


démonstration sont peu nombreuses. On peut néanmoins imaginer trois
scénarios très différents et qui 108
act

Le cont

appellent des conseils et des recommandations bien spécifiques. Expliquer


et s’expliquer, cela signifiera toujours dans les scènes qui suivent répondre
à une question.

Scène 1 : communiquer une information

Donner une explication au sens de communiquer une infor-aut bien le dir

mation : « Où se trouve la station de métro la plus proche ? »

Il f

Réponse : il faut que je sois bref, concis, précis et concret.

L’important est de joindre le geste ou le visuel à la parole. Je ne peux pas


me contenter de mots, il faut que j’indique d’un aison

geste une direction, que je fixe et montre un point de repère visible : « Vous
voyez le feu de signalisation devant nous à cent mètres, eh bien juste après
sur la droite, vous allez tomber sur la station République. »

Le cœur et la r

Surtout faites simple, évitez les détails et adoptez un ton ferme et assuré.

Autre type de question dans un registre proche : « Est-ce hange

que tu peux m’expliquer ce qu’on appelle une métaphore ? »

L’éc

Réponse : la requête est simple. Assez naturellement scolaire. Il faut donc


surtout éviter de jouer au professeur. Il e
faut également être précis et concis, évitez par exemple de commencer par «
En grec, cela signifie “ce qui transporte au-delà”… ». Ce n’est pas une
explication utile, pratique.

Dites plutôt : « C’est une image, une comparaison dans laquelle ce qui est
comparé est sous-entendu. Par exemple, ention qui compt

L’int

109

quand je t’appelle “mon trésor”, c’est une métaphore. Je te compare à un


trésor. Pour moi, tu es comme un trésor. » Ne pas hésiter à donner un
exemple précis et si possible prélevé du quotidien.

Enfin, une dernière question qui appelle une explication plus complexe : «
J’ai lu hier dans le journal un mot bizarre, il paraît que c’est le mot de
l’année : ultracrépidarianisme. Ça veut dire quoi ? »

Réponse (en admettant qu’on la connaisse, sinon il n’y a pas de honte à dire
« je ne sais pas ! ») : il faut commencer par désamorcer toute « pédanterie »,
tout effet d’exclusion ou de dénigrement. « Alors c’est un mot très rare.
Très peu utilisé. Je ne te cache pas que c’est un peu prétentieux. » On va
ensuite donner rapidement la réponse : « C’est le fait de donner son avis à
tort et à travers alors qu’on n’y connaît rien, c’est parler sans compétence
en ignorant tout de ce dont on parle. » On évitera de parler de l’expression
latine et de l’anecdote qu’évoque Pline l’Ancien, à l’origine de la
construction du mot !

Scène 2 : donner une justification

Donner une explication au sens de donner une « justification » : « Tu peux


m’expliquer pourquoi tu as fait ceci ou cela ? »

Réponse : il ne s’agit pas de « plaider » sa cause. Ce serait reconnaître alors


qu’il y a un soupçon fondé de faute ou de manquement. Vous ne devez pas
accepter d’être accusé et 110
act

Le cont

d’ailleurs, la personne qui vous pose la question n’est pas un juge, vous ne
devez pas la laisser s’emparer de ce rôle ! Commencez donc par recadrer
l’échange : « Qu’est-ce que tu ne e

comprends pas ? Que veux-tu que je t’explique ? Il n’y a rien de mystérieux


ni d’obscur. Très clairement, j’ai choisi de… »

Scène 3 : montrer sa « bonne foi »

aut bien le dirIl f

Réagir face à la question : « Tu l’as fait exprès ? »

Réponse : il faut non plus expliquer, comme dans le cas précédent, mais
bien montrer au sens propre qu’on a agi sans aison

arrière-pensées, sans mesurer telle ou telle conséquence.

La démonstration doit au sens propre rendre « visible » mon innocence,


c’est-à-dire rigoureusement mon absence totale de volonté de nuire.
Finalement, peu importent les mots et Le cœur et la r

mon argumentation : je n’ai pas à expliquer. En revanche, ce que je donne à


voir, mon langage corporel, l’expression de mon visage doivent exprimer la
sincérité, la franchise, l’authenticité, la vérité. Cela signifie : un regard
direct (mais hange

pas insolent qui fixerait par défi), un regard qui ne fuit pas.

L’éc

Un ton ferme (la voix ne doit pas trembler ni hésiter), une parole audible,
une voix claire et forte. Des gestes mesurés, contrôlés. On évitera
évidemment l’auto-contact des mains, e
le balancement du corps d’un pied sur l’autre, etc.

ention qui compt

L’int

111

Convaincre/Persuader

Convaincre relève encore du langage de la raison. Le mot est emprunté au


vocabulaire juridique — « il a été convaincu du crime de lèse-majesté » —
et signifie : amener quelqu’un à admettre par des preuves ou par un
raisonnement qu’un fait est avéré. Convaincre, c’est directement conduire
un interlocuteur à admettre la vérité ou la nécessité d’une affirmation ou
d’une proposition, au moyen de la raison, grâce à des démonstrations et à
des preuves. Cela peut conduire à s’inscrire donc dans le temps long du
discours, peu susceptible de convenir au rythme du quotidien, comme nous
l’avons montré plus haut.

Voilà pourquoi, le plus souvent, au lieu de convaincre, on s’efforce de


persuader. De fait, si l’on confond souvent à l’usage convaincre et
persuader, ces deux verbes ne sont pas des sy-nonymes. Persuader, cela
suppose de jouer sur l’imagination, l’émotion. Voilà qui relève du langage
du cœur.

Je cherche à convaincre quand je m’adresse à l’intelligence de mon


interlocuteur, mais à persuader quand c’est la part irrationnelle de lui-même
que je vise. Persuader, c’est donc impressionner, faire en quelque sorte «
sensation ». Ainsi, la langue de la persuasion mobilise tous les procédés les
plus expressifs : images, figures de style, mises en récit. Attention, il ne faut
pas confondre la persuasion et la manipulation, la 112

act

Le cont
première est assumée, la seconde insidieuse : je sais que tu cherches à me
persuader, j’ignore quand je suis manipulé (si la manipulation est efficace
évidemment).

aut bien le dir

Actes et paroles

Il f

Quelles sont les difficultés à surmonter ?

q Par définition, « convaincre » et « persuader » s’inscrivent aison

dans la recherche d’une parole dont l’efficacité est mesu-rée par l’effet
produit. La difficulté réside principalement dans la connaissance des
moyens adéquats visant à provoquer les effets recherchés. Il faut adopter
une véritable Le cœur et la r

approche technique.

q Il est également nécessaire d’aligner tous les éléments de la


communication, en particulier la dimension de

l’apparence. On ne peut pas convaincre si l’on n’est pas hange

convaincant ! Une évidence ? Pas tant que cela, car il est L’éc

très difficile de toucher la raison quand on a soi-même un comportement,


une apparence et un phrasé incontrôlés.

A contrario, il est tout aussi difficile de persuader quand on ne semble pas


s’engager dans ce que l’on dit.
q Il ne faut donc pas se tromper dans le choix à opérer : convaincre ou
persuader ? Ce ne sont pas les mêmes codes ention qui compt

L’int

113

qui vont être employés. N’oublions pas de nous demander ce qui fait que
l’on va opter pour telle stratégie argumentative plutôt que telle autre. Ce
sont bien sûr les circonstances et la personnalité de l’interlocuteur qui
commandent.

Les tout premiers conseils

q Dans tous les cas : la connexion. Elle est encore plus nécessaire quand on
veut convaincre. Pour l’établir, il faut se synchroniser sur l’interlocuteur,
adopter un même langage (choix du niveau de langue), une même façon de

parler, une même gestuelle, un même débit. C’est ce que l’on appelle le
pacing : on va adopter le même « pas », le même rythme de la marche, le
même arrangement de

mouvements (on l’accomplit comme pour danser un « pas

de deux »).

q Pour convaincre : il faut proposer une image qui inspire l’intelligence, la


compétence, la maîtrise de soi. C’est aussi à cela, par exemple, que servent
les « blouses blanches », celles des médecins certes, mais aussi celles des
cher-cheurs, des scientifiques, etc. Sans tomber dans la caricature (imposer
en particulier le port des lunettes !), il faut prendre soin de sa tenue, en tout
cas faire en sorte qu’elle soit bien ordonnée, ajustée.

q Pour persuader : ne pas hésiter à utiliser des images (métaphores,


comparaisons), à raconter des histoires. Ce que l’on appelle le storytelling
n’est pas réservé aux communicants 114

act
Le cont

et spécialistes du marketing. Nous ne cessons de mettre en récit notre


quotidien : nous en sommes les héros et les péripéties minuscules qui
scandent nos aventures or-e

dinaires peuvent tout à fait donner lieu à des narrations touchantes,


inspirantes, engageantes. La célèbre méthode du copywriting, la méthode
AIDA (Attention, Intérêt, Désir, Action) fonctionne aussi bien dans le cadre
d’un film aut bien le dirIl f

publicitaire pour Dior que dans celui d’une conversation entre amis ! On en
verra plus loin quelques exemples.

q Donnez une tonalité intimiste à vos propos, adoptez le registre aison

de la confidence (« J’ai un aveu à te faire… ») ou bien du doute (« J’ai


beaucoup hésité à te le dire… »). En établissant ainsi une relation de
confiance, vous vous adressez déjà aux sentiments de votre interlocuteur.

Le cœur et la r

q Enfin, on persuade aussi en pratiquant ce qu’on appelle en anglais le


nudge, le « coup de coude », le « coup de pouce »

que l’on pourrait appeler aussi en français la « manipulation bienveillante ».


Elle est mise en œuvre sur une grande hange

échelle par les politiques et les « managers ». Mais on L’éc

peut tout autant y avoir recours au quotidien. Le nudge, cela consiste donc à
inciter sans contrainte et sans menace, presque insensiblement. Dans le
champ de notre

éloquence du quotidien, cela passe par des formulations orientées, des


questions qui conditionnent déjà certaines réponses : « Est-ce que tu ne
penses pas que ? » ; « Est-ce qu’on ne devrait pas finalement… » ; « Nous,
on est tout à ention qui compt

L’int

115

fait d’accord pour que… ». Nathalie veut inciter son jeune fils à prendre sa
douche avant de se coucher : « Chouchou, tu peux aller prendre ta douche si
tu veux, maintenant. »

Scènes de la vie quotidienne

Les situations au cours desquelles nous sommes amenés

dans la vie de tous les jours à chercher à persuader ou à convaincre un


proche ou une relation d’agir d’une façon ou d’une autre sont nombreuses
et variées. On peut toutefois les répartir selon deux catégories en fonction
de la réticence, voire de la résistance à laquelle se heurte notre incitation à
l’action. Il y a tout d’abord le cas fréquent d’une relative indifférence ou
d’une très légère réticence. Ensuite, il faut envisager celui d’une hostilité,
d’un refus prévisible et du probable échec auquel notre démarche serait
vouée si nous ne cherchions pas à mobiliser toutes nos ressources pour
persuader (et non convaincre !).

116

act

Le cont

Scène 1 : persuader ou convaincre un

interlocuteur indifférent

Le plus souvent, il s’avère totalement inutile d’employer les grands


moyens, une subtile allusion suffit. On procède alors à un nudge discret.
Ainsi, au lieu d’une demande directe dont on pense qu’elle aut bien le dir

pourrait demeurer lettre morte, ne serait-ce que par inatten-Il f

tion ou indifférence — « Je peux venir déjeuner avec toi ? Tu m’invites ? »


— on préférera par exemple : « J’ai très faim. Tu vas déjeuner ? » ou encore
« Il est déjà treize heures ? Je com-aison

mence à avoir un peu faim ». Vous observerez que très souvent, votre
interlocuteur va vous répondre : « C’est vrai. Alors on fait une pause et on
va déjeuner. »

C’est une pratique à laquelle nous avons recours assez intuitive-Le cœur et
la r

ment, notamment dans un contexte d’achat : vous êtes intéressé par un


vêtement, par un objet, un meuble. Vous commencez par manifester cet
intérêt auprès du vendeur. En posant par exemple des questions,
accompagnées de commentaires po-hange

sitifs. Vous hésitez. Et puis vous dites : « Je vais réfléchir. » Il est L’éc

alors possible que le vendeur modifie avantageusement son offre en votre


faveur. Le prix sera revu à la baisse ou bien vous allez bénéficier de ce que
l’on appelle « un geste commercial ».

Par ces suggestions discrètes, on laisse ainsi à l’interlocuteur la possibilité


de croire qu’il est à l’initiative, que c’est lui qui a décidé de vous emmener
déjeuner ou bien de faire évoluer son offre commerciale.

ention qui compt

L’int

117
Scène 2 : persuader ou convaincre un interlocuteur sinon hostile du
moins très réticent

Il s’avère beaucoup plus difficile d’influencer un interlocuteur dont on sait


par avance qu’il n’aura pas du tout l’intention de suivre nos conseils ou nos
recommandations. En général, les tentatives pour convaincre se sont
révélées inopérantes, les arguments rationnels n’ont pas fait leur effet, il
faut donc passer aux techniques lourdes de persuasion.

Et pour ce faire :

Je capte l’attention, je suscite l’intérêt, je provoque le désir et je suggère


une action. C’est la succession d’étapes à l’œuvre dans les techniques dites
du « copywriting » dans le monde du marketing (sous ce terme générique de
« copywriting », on rassemble toutes les techniques d’écriture qui
permettent de mieux vendre un produit). C’est la méthode AIDA, citée plus
haut. Il s’agit au fond de raconter une histoire, on reste dans le storytelling,
mais de manière concise et en affichant plus rapidement le but recherché.

Je souhaiterais persuader Nathalie de cesser un moment

ses activités et de m’accompagner faire un tour, je n’ai pas envie de


marcher seul et j’apprécierais beaucoup qu’elle partage ce moment de pause
avec moi. Seulement voilà,

elle semble désireuse de rester concentrée sur sa tâche pour en terminer une
fois pour toutes.

Attention : « Tiens, il y a du soleil ! » « Quel temps superbe ! »

« Il s’est arrêté de pleuvoir ».

118

act

Le cont

Intérêt : « On est restés trop longtemps enfermés aujourd’hui ! »


Désir : « Tu n’as pas envie de faire une pause et d’aller te bala-e

der pour prendre un café ? »

Action : « Allez, on sort ! On a vraiment besoin de prendre un peu l’air une


heure ou deux ! »

aut bien le dir

Autre exemple : il faudrait que Vadim, mon fils, prenne un Il f

rendez-vous auprès du dentiste pour une visite de contrôle, mais il refuse


d’y aller : il n’éprouve aucune douleur et il ne voit pas pourquoi il irait
délibérément passer un moment désagréable pour un détartrage de routine
au cours duquel aison

d’ailleurs il prendrait le risque de découvrir des caries qui ne le font pas


encore souffrir. Inutile de chercher à le convaincre.

Comment faire ?

Le cœur et la r

Attention : « Tu prends des risques. »


Intérêt : « Tu as bien intégré qu’on part faire une grande ran-donnée la
semaine prochaine ? »

hange

Désir : « On va passer tous les deux des vacances vraiment géniales. Ce


serait dommage de tout gâcher avec un petit L’éc

problème de santé. Une rage de dents par exemple. C’est compliqué en


montagne ! »

Action : « Par précaution, on va aller vérifier qu’on n’a pas de caries ou de


problème de gencives, il y a longtemps qu’on n’est pas allés faire une visite
de contrôle chez le dentiste. Je prends un rendez-vous pour nous deux ? »

ention qui compt

L’int

119

Chapitre 4

L’échange

Il est rare de parler tout seul… On peut évidemment chercher à se donner


du courage en formulant à haute voix des exhortations que l’on ne destine
qu’à soi-même, on peut s’en vouloir et s’adresser des réprimandes, on peut
aussi répéter dans l’intimité de sa chambre, face au miroir, la tirade que l’on
a préparée, les mots que l’on doit dire dans telle ou telle circonstance et que
l’on choisit alors avec le plus grand soin par avance. Dans tous les cas, ces
soliloques sont des paren-thèses dans notre vie sociale faite d’échanges
avec les autres, de conversations, de bavardages, de dialogues, voire de
débats. C’est dans l’interaction que s’exerce notre éloquence du quotidien.

Converser/Dialoguer/Débattre
p . 122

Écouter/Répondre/Questionner

p . 131

121

Converser/Dialoguer/

Débattre

On « bavarde », on « cause », disait-on naguère, on « fait la conversation »


: telles sont les expressions qui désignent l’action d’échanger des propos sur
un ton familier avec une ou plusieurs personnes. Bavarder est toujours
informel et spontané, converser s’inscrit dans l’usage d’une sociabilité plus
organisée. C’est ainsi à l’occasion d’une rencontre, d’un imprévu, que l’on
commence à bavarder. En revanche, la

conversation s’engage quand nous sommes passés au sa-

lon, ou installés tranquillement à la terrasse d’un café. Mais quelles que


soient les circonstances, il s’agira d’un échange naturel, libre, sans véritable
enjeu le plus souvent. C’est librement que l’on s’adonne ainsi à la
conversation.

Liberté et familiarité constituent ainsi la règle de la conversation, véritable


activité mondaine autrefois, un « art d’agrément » où certains pouvaient
exceller et d’autres se révéler plus maladroits. Aujourd’hui, il s’agit tout
simplement d’échanger des informations, des confidences, des

opinions, voire des idées. On ne dira plus vraiment qu’on

« fait la conversation », mais qu’on « se parle ». Ainsi s’expriment notre


sociabilité, notre curiosité et notre intérêt pour les autres. Certaines «
conversations » sont plus ou moins privées, voire secrètes, d’autres
superficielles. Mais dans 122

act
Le cont

tous les cas, la conversation, le bavardage, le papotage, traduisent notre


besoin de contacts humains, de chaleur et de présence.

Le dialogue s’inscrit dans un cadre différent. Les enjeux sont plus sérieux.
Le dialogue en effet se distingue de la conversation en ce qu’il récuse les
codes de la mondanité : aut bien le dir

on ne dialogue pas avec tout le monde ! De fait, le dialogue Il f

est avant tout une parole partagée à deux. Il aura pour fi-nalité une véritable
compréhension mutuelle, un échange au sens propre. Ce sont deux voix qui
se répondent et s’alimentent l’une l’autre. Le dialogue a vocation à
construire aison

quelque chose, ne serait-ce qu’un accord. Le philosophe grec Platon y


voyait le seul véritable accès à la connaissance du vrai.

Le cœur et la r

Parce qu’il s’inscrit dans une dynamique de collaboration et non de


confrontation, le dialogue s’oppose au débat.

Alors que le premier pose qu’il y aura naturellement des convergences entre
les interlocuteurs, le second part du hange

présupposé qu’il y a naturellement des divergences. De

L’éc

fait, si avant un débat, il peut être prudent de se préparer, le dialogue doit en


revanche rester toujours ouvert, imprévisible. Le principe même de la
préparation à un débat re-e

pose sur le fait de prévoir le plus finement possible le cours de l’échange.


Dans le dialogue, il faut impérativement
entretenir l’effet de surprise. La nature de l’écoute diffère également.
L’écoute dans le dialogue est bienveillante, elle ention qui compt

L’int

123

cherche à comprendre. Dans le débat, elle se fait combative, défensive pour


deviner les attaques, plus agressive pour re-pérer les failles.

On l’a bien compris, débattre est un verbe qui appartient à la famille du


verbe « battre », « se battre ». Il y a une agressivité dans le débat qui
l’enracine dans le combat. Certaines formules, qui sont encore aujourd’hui
volontiers employées pour commenter tel ou tel débat politique par
exemple,

trahissent cette violence d’origine. On parle par exemple de « formule


assassine » pour évoquer une réplique qui fait mouche et déstabilise
l’interlocuteur !

Actes et paroles

Quelles sont les difficultés à surmonter ?

q Ce sont les autres, ceux avec lesquels j’interagis par la parole, qui
constituent la première et la plus importante des difficultés. Ils sont — nous
le sommes tous — habités par des préjugés. Leur perception de la réalité
n’est évidemment pas nécessairement la mienne et se trouve parfois

biaisée. On pense par exemple avant tout au biais de confirmation. Il s’agit


d’un biais cognitif qui consiste à ne privilégier que les informations qui
confirment nos préjugés, nos idées préconçues.

124

act

Le cont
q Que je converse, dialogue ou débatte, la situation réclame de ma part une
double attention simultanée : je dois rester constamment concentré sur ce
que disent les autres et e

sur ce que je dis moi-même. La concentration et l’intensité de l’attention ne


sont évidemment pas identiques selon

que je bavarde dans la rue avec une connaissance, que je noue un dialogue
avec un ami, ou que je confronte mes

aut bien le dirIl f

opinions au cours d’un débat. Mais dans tous les cas, je dois être à chaque
instant « présent ». Ma parole ne cesse de devoir être « ajustée » à celle des
autres !

aison

q Parfois, l’échange devient confus, décousu. Ma parole est interrompue, «


coupée », plus ou moins bruyamment

contestée, le ton monte et je dois alors « parler sur de la parole ». Comment


faire ?

Le cœur et la r

q Dans le feu du débat, l’émotion menace, si elle n’est pas bien contrôlée,
de dérégler l’échange. Il faut se méfier non seulement de ses émotions, mais
aussi de celles des autres.

q Enfin, pour le débat, il ne faut pas oublier qu’il revêt tou-hange

jours une dimension « théâtrale », il y a toujours en effet L’éc

un « public » vis-à-vis duquel on se situe. Sans ce public, pas de débat, mais


un simple échange, voire une dispute.

e
ention qui compt

L’int

125

Les tout premiers conseils

q Dans tous les cas, il faut être extrêmement attentif à l’autre, aux autres.
Avec bienveillance ou curiosité, ou bien encore prudence selon la nature de
la relation avec mes interlocuteurs. Je dois me livrer à une écoute très active
et peut-être, en préalable, à une rapide recherche : qui sont les personnes
que je vais rencontrer ? C’est d’ailleurs au fond toujours ce que l’on fait
spontanément lorsqu’on se renseigne pour savoir qui est invité à ce dîner
auquel on se rend, à cette réunion à laquelle on est convié. Il faut en effet
cerner au mieux les autres, être conscient de leurs préjugés, de leurs partis
pris, connaître leurs opinions, leurs choix : on va devoir en jouer, ne serait-
ce que pour anticiper ce qu’ils pourraient dire et nous dire.

q Le dialogue exige de ma part une certaine disponibilité, une disposition


bienveillante à l’accueil, une générosité à laquelle il faut consentir
d’emblée. Sans quoi le dialogue n’aura tout simplement pas lieu.

q Le débat est rare dans la vie de tous les jours, mais il peut s’inviter par
exemple à l’occasion d’une réunion dans un cadre associatif (association de
parents d’élèves par exemple, association de quartier, etc.). C’est dire que
soudain vont s’affronter des points de divergence. Il y aura confrontation
des points de vue sous le regard de l’ensemble des participants. Il est
nécessaire à ce moment-là d’assumer le caractère théâtral du débat, d’être
attentif à l’effet que 126

act

Le cont

produisent mes paroles non seulement sur mon interlo-


cuteur, mais surtout sur tous les autres, ceux qui ne parlent pas, qui
écoutent. C’est à eux que je m’adresse réellement.

Quelle impression est-ce que je souhaite leur donner ? La dimension non


verbale de la communication s’avère alors déterminante !

aut bien le dir

q Si je sais par avance qu’il y aura « débat » (parce que j’ai Il f

prévu de le susciter, notamment), je dois absolument préparer mes


arguments, plus généralement travailler mon sujet à l’avance. Bien des
débats sont perdus parce qu’ils n’ont pas été bien préparés !

aison

q Enfin, comment s’imposer quand on doit « parler sur de la parole » ? Il


faut résister à la tendance naturelle qui pousserait à hausser le ton : je suis
en train de développer un argument, Le cœur et la r

mon interlocuteur me coupe la parole. Je décide alors de poursuivre mon


propos : je dois absolument éviter de parler plus fort. Je maintiens ma voix
à son volume initial, je reste concentré sur ce que je dis, détachant avec
fermeté hange

mes mots. Je n’hésite pas à répéter en articulant nettement, L’éc

je cesse d’écouter vraiment et je m’efforce simplement de délivrer ce qui


me reste à dire. Il est essentiel de conserver son calme, de l’imposer et de
demeurer constant. Cette

fermeté et cette constance vont naturellement prendre le dessus sur le


brouhaha. Conservez une attitude courtoise, voire bienveillante. Évitez
d’entrer dans la surenchère de l’agressivité.
ention qui compt

L’int

127

Scènes de la vie quotidienne

Scène 1 : en réunion

C’est au cours de réunions organisées que nous sommes

conduits à débattre plus ou moins régulièrement. Mais le débat n’est pas


nécessairement une fatalité, pas plus qu’il ne saurait être toujours
prévisible. On songe en premier lieu aux réunions qui se tiennent dans le
cadre professionnel. Mais ce sont loin d’être les seules auxquelles nous
sommes conviés : on ne compte plus les réunions de parents, de membres
de telle ou telle association culturelle ou sportive, les assemblées de
copropriétaires ou autres assemblées de quartier qui rythment, pourvu que
l’on s’y engage, notre existence de tous les jours.

Ces réunions se tiennent autour d’une table. La posture est imposée : nous
allons parler assis. Il faut donc s’asseoir et l’attitude que l’on adoptera sera
très importante. Il est a priori plutôt souhaitable de se tenir droit, solide sur
ses appuis, les avant-bras sur la table. De quoi prendre des notes à portée de
la main, plutôt sur un support papier ou encore une tablette. On évitera
l’ordinateur portable ; le bruit des touches sur le clavier est souvent
désagréable et ajoute inutilement du stress, le capot relevé de l’ordinateur
peut être perçu comme une barrière… On évitera aussi le téléphone
portable. Toutes ces précautions valent évidemment si l’on décide de jouer
le jeu de la libre circulation de la parole et 128

act

Le cont

que l’on veut établir et entretenir la connexion avec l’assemblée des


participants.
e

Au cours des échanges, n’hésitez pas à prendre des notes.

Elles vont vous permettre de signifier à celui qui parle et à tous les autres
votre écoute active. Ce qui se dit réclame bien toute votre attention (vous
serez capable de faire référence aut bien le dir

très précisément à ce que vous avez entendu). De plus, cela Il f

va vous aider à préparer vos éléments de langage et les arguments que vous
allez pouvoir utiliser lors de votre propre intervention. Cherchez également
autant que possible à décrypter les manifestations de communication non
verbales aison

des participants.

Quand vous allez prendre la parole, ne donnez pas l’impression de négliger


ou de ne pas considérer les orateurs qui Le cœur et la r

vous ont précédé. Regardez les autres participants en par-lant, laissez


circuler votre regard sur l’assemblée, ne fixez personne en particulier.

hange

Scène 2 : en tête-à-tête

L’éc

Ma relation avec un proche a été « brouillée », il est nécessaire pour la «


restaurer » de se parler. On va dialoguer.

Il est indispensable de prendre soin des circonstances : le lieu et le moment


sont importants, il faut en effet se donner le temps de l’échange et s’assurer
qu’on ne sera pas dérangé.

Votre interlocuteur sera d’emblée favorablement impres-


sionné par cette attention, mais surtout ces conditions sont ention qui compt

L’int

129

absolument nécessaires. Il faut prendre le temps qu’il faut. Ne jamais


oublier qu’un dialogue est par définition « constructif ».

Ensuite, ne pas « bloquer » l’échange. Évitez ainsi les questions trop


directes, trop brutales ou l’usage de l’humour ou de l’ironie (le résultat est
souvent décevant, parfois désastreux), même si vous pensez qu’une petite
boutade pourrait

« détendre l’atmosphère ». En réalité, c’est rarement le cas.

Soignez votre posture : engagez votre buste, orientez votre visage dans la
direction de votre interlocuteur. Regardez-le.

Créez et maintenez la « connexion ».

Établissez un climat de confiance. Vous pouvez adopter par exemple le ton


de la confidence : « Il faut que je te confie quelque chose… » Vous devez
toujours exprimer clairement votre souci et votre souhait de comprendre : «
J’aimerais vraiment comprendre pourquoi tu as dit… tu as fait… tu as
cru… »

ou encore « Je voudrais que tu m’expliques… », « Je ne sais pas pourquoi


tu as… ». Commencez toujours par dire « je » et non « tu ». Évitez de dire
par exemple : « Qu’est-ce qui t’a pris de… », c’est une formule accusatrice
qui bloque.

En un mot, il faut exprimer votre bienveillance et votre disponibilité, mais


attention, sans manquer de fermeté et de conviction. Veillez à finir la
séquence par un accord, un début de solution, une perspective positive.

Vous débuterez ainsi par « je » pour interroger « tu » afin de pouvoir dire «


nous ».
130

act

Le cont

Écouter/Répondre/

Questionner

Le jeu de l’échange est fait de prises de parole et d’instants d’écoute. Il y a


le moment où l’on parle, celui où l’on écoute, le aut bien le dirIl f

moment où l’on interroge, celui où l’on répond.

Écouter , ce n’est pas seulement entendre. S’y ajoutent l’attention et la


volonté. « Je t’écoute », cela signifie « tu as toute mon aison

attention, je suis là pour toi ». Il est vrai que parfois on utilise aussi le verbe
« entendre » au sens figuré de « comprendre » :

« J’entends bien », « Ce que tu me dis, je suis capable de l’entendre ». Dans


cet emploi particulier, on ne saurait « en-Le cœur et la r

tendre » quelqu’un sans l’avoir au préalable « écouté ».

Après avoir écouté la question ou l’exposé, j’y réponds.

Répondre, c’est en effet donner en retour son sentiment, sa pensée à la


personne qui s’est adressée à nous, qui nous a hange

interrogé, qui a formulé une demande. C’est le fait même de L’éc

répondre qui fonde l’échange, qui le valide, le garantit (« J’en réponds »,


cela signifie « Je m’en porte le garant »). Plus géné-e
ralement, répondre, c’est réagir, c’est aussi s’inscrire dans le prolongement
ou la suite, se faire l’écho.

On peut répondre, mais aussi répliquer. Répliquer, c’est répondre avec


rapidité et justesse, avec à-propos, avec ention qui compt

L’int

131

impertinence ou avec esprit. On emploie également ce mot au théâtre et ce


n’est pas un hasard. En effet, il y a dans l’art de la réplique quelque chose
de démonstratif, pour ne pas dire de spectaculaire, de théâtral. La réplique
met en quelque sorte en scène ma réponse. Elle prend la forme de la repartie
quand elle réagit à une question ou à un propos déplaisant.

Il est d’ailleurs possible de répondre ou de répliquer par des questions en


retour.

Poser une question, demander des renseignements, c’est interroger. C’est


aussi examiner avec attention, entrer en communication, consulter. Mais
une interrogation, c’est aussi un sujet qui soulève des difficultés et qui
provoque la discussion ou le débat.

Le verbe « questionner » est plus ambitieux. Il recouvre une réalité plus


exigeante : « C’est une vraie question… », « Voilà bien la question ». De
fait, questionner, c’est évidemment interroger avec sérieux sur des sujets
graves, supposant que la réponse, la vérité, seront sans doute difficiles à
obtenir (« Soumettre à la question », c’est torturer pour obtenir des aveux).

Pourquoi pose-t-on des questions ?

Pour obtenir des réponses évidemment, mais surtout pour faire parler bien
sûr, pour « briser la glace », pour donner de l’importance à quelqu’un.

132

act
Le cont

Actes et paroles

Quelles sont les difficultés à surmonter ?

q On craindra tout d’abord de manquer d’esprit d’à-propos et de ne trouver


la réponse adéquate que quelques minutes

plus tard. De fait, dans le jeu des questions et des réponses, aut bien le dir

on peut se laisser déborder par le temps. Mais aussi par Il f

l’émotion, notamment si la question est trop personnelle, déstabilisante. On


sera alors embarrassé, mal à l’aise, stupé-fait, vexé. On perdra tout sens de
la repartie.

aison

q Il est possible d’être mis en difficulté parce que l’on n’a pas compris la
question posée ou bien tout simplement parce qu’on la juge dépourvue
d’intérêt.

Le cœur et la r

q Comment faire lorsqu’on ne veut pas donner la véritable réponse à la


question posée, lorsqu’on manque de clarté dans la formulation de la
réponse ?

q Du côté des questions : attention à ne pas bloquer

hange

l’échange en passant par des interrogations pour

L’éc
quelqu’un de trop curieux ou d’intrusif.

q Attention à ne pas formuler de fausses questions ou

bien des questions types qui donnent le sentiment d’un

échange mécanique, impersonnel.

ention qui compt

L’int

133

Les tout premiers conseils

q Il faut s’entraîner à pratiquer l’écoute active. Le regard sera vif, pas


nécessairement « braqué » sur notre interlocuteur (car nous ne supportons
pas d’être dévisagé plus de cinq à six secondes). L’expression de mon
visage doit témoigner mon intérêt, toute mon attention. Je peux, si les
circonstances s’y prêtent, alterner les jeux de regard avec de courtes prises
de notes.

q Pour mieux maîtriser mon émotion, je prends le temps de la réponse.

q Si la question me gêne, je n’hésite pas à demander qu’elle soit


reformulée. Mieux, je la reformule moi-même, notamment en modifiant les
mots négatifs si nécessaire : « Vous utili-sez le mot… Je vois bien ce que
vous voulez dire, mais à titre personnel, je préférerais parler de… » En
réalité, il n’existe que trois catégories de questions. Tout d’abord, on identi-
fie celles qui vont porter sur un point précis, elles sont des demandes
d’information ou d’explication : la réponse doit être simple, directe et
claire. Mais il existe aussi des questions qui sont des « mises en question »,
qui demandent au fond plutôt des « justifications », avec un zeste
d’agressivité ou de malveillance. Pour les désamorcer, commencez toujours
par aller dans le sens de ce qu’elles sous-entendent :
« Vous avez raison, mais… » Enfin, il y a les questions qui ne se posent pas,
soit parce qu’elles sont oratoires, soit parce qu’elles manquent de pertinence
: surtout ne les ignorez 134

act

Le cont

pas, faites comme si elles étaient importantes. En disqua-lifiant une


question, on disqualifie en même temps son

auteur.

q Autant que possible je vais éviter de répondre d’emblée par la négative :


je ne dirai pas « non », plutôt « oui, mais ».

aut bien le dirIl f

Scènes de la vie quotidienne

aison

Scène 1 : je ne veux pas ou je ne peux pas

répondre à la question

Pour les mêmes raisons qu’on ne peut pas ne pas commu-

niquer (Paul Watzlawick), on ne peut pas ne pas répondre Le cœur et la r

à une question. Le silence et les évitements stratégiques constituent


évidemment des réponses : autant dire par

conséquent les choses telles qu’elles sont. Mais si ce sage conseil s’avère
aisé à suivre quand on ignore de bonne foi la hange

réponse à la question posée, il se révèle en revanche parfois L’éc


beaucoup plus difficile de l’assumer quand on ne veut pas froisser la
susceptibilité ou simplement peiner en apportant e

une réponse qu’on sait être désagréable.

« Tu sais à combien de kilomètres nous sommes de Paris ? » ;

« C’est encore loin ? » ; « On en a pour longtemps encore ? ».

Je ne peux répondre à aucune de ces questions que me pose ention qui


compt

L’int

135

Nathalie. Alors inutile d’inventer, inutile de chercher à tromper son


impatience d’être de retour à la maison. Nous avons l’un et l’autre tout à
gagner à ce que je réponde tout simplement : « Je ne sais pas. »

Nathalie a adoré ce spectacle auquel nous venons d’assister, moi non. J’ai
même plutôt détesté. Elle me demande, s’attendant à me voir partager son
engouement : « Alors, tu as aimé ? » Je n’ai pas envie de lui dire
brutalement la vérité, elle s’en trouverait sans doute un peu chagrinée, mais
je n’ai pas davantage l’intention de lui mentir. Je peux dans un premier
temps gagner du temps par un « Et toi ? », en espérant que son
enthousiasme va l’entraîner à faire de longs développements élogieux qui
lui feront peut-être oublier sa question.

Mais si tel n’est pas le cas ? Quand la question ne convient pas (pour toutes
sortes de raisons), il faut en reformuler l’un des termes, chercher à la
recadrer : « Aimer… aimer, c’est un grand mot. Est-ce que j’ai trouvé ce
spectacle intéressant ? Oui. Par moments. Il y avait des trouvailles. »

Scène 2 : je dois répondre à une question

agressive
Vous pouvez déjouer facilement l’agressivité de l’interlocuteur grâce aux «
3 F » : feel/ felt/ found (de l’anglais to feel : ressentir, et to find ; trouver).
Le procédé fonctionne tant pour les questions que les assertions et les
jugements de valeur hostiles ou bien ouvertement agressifs. Il est enseigné
aux 136

act

Le cont

États-Unis dans les programmes de communication (d’où

l’usage des termes anglais « feel » et « find ») : e

- Je comprends ce que vous ressentez ( feel : le ressenti présent).

- D’autres avant vous ont partagé la même opinion ( felt : l’ex-périence du


passé).

aut bien le dirIl f

- Et ils ont trouvé que… ( found : ce que l’on a trouvé).

Je suis en train d’effectuer quelques travaux à mon domicile depuis


quelques jours, ce qui ne va pas sans nuisances so-aison

nores pour mes voisins. L’un d’eux, très agacé, m’aborde le deuxième jour :
« Vous faites un bruit fou chez vous ! On ne s’entend plus ! Quand est-ce
que se termine tout ce cirque ?

Ça suffit ! » Je précise que les travaux se déroulent dans le Le cœur et la r

cadre horaire légal et les jours « ouvrés » et que ce « voisin du dessus » fait
montre d’une mauvaise humeur manifeste.

Le ton pourrait aisément monter, car il faut bien que je fasse réaliser ces
travaux d’aménagement et que les « coups de hange
marteau » et autres scies électriques ne sont pas insono-risés. Comment
désamorcer cette agressivité ? ou plutôt L’éc

comment la diluer ?

« Je suis vraiment désolé, je comprends votre agacement et la gêne


occasionnée comme on dit, d’ailleurs hier, un autre voisin m’a fait la même
remarque, lui aussi est parfois incommodé par le bruit. Mais bon, il essaie
de ne pas être à son domicile entre neuf heures et dix-sept heures, il est
ention qui compt

L’int

137

compréhensif ! Je crois que l’an dernier il a fait faire lui aussi un peu de
menuiserie chez lui. » Feel. Felt. Found.

Reste toujours la possibilité du silence. Mais attention, celui-ci doit être «


joué » comme une totale absence de réaction et non une réponse implicite
qui serait perçue comme du dédain. Il s’agit de laisser glisser la remarque,
faire comme si elle n’avait jamais été prononcée. Cela suppose un grand
contrôle des expressions du visage, lequel ne doit surtout pas se figer, se
durcir. Vous devez demeurer détendu, impassible, le regard quasiment
inexpressif.

Scène 3 : je réagis à une remarque que

je trouve déplaisante

Que la remarque vous touche directement ou qu’elle vous semble injuste,


infondée, relancez alors par une question, ne répondez pas directement et
procédez à un recadrage :

« Qu’est-ce qui vous fait dire ça ? Je ne comprends pas vraiment. Pourriez-


vous m’en dire un peu plus ? » Implicitement, vous exprimez votre
désaccord, voire votre désaveu.
« Vous ne trouvez pas qu’il y a un peu trop d’enfants dans l’immeuble ? »,
me dit un voisin, alors qu’il n’ignore pas mes deux jeunes garçons qu’il
croise tous les matins dans la cour lorsqu’ils se rendent à l’école. Voilà une
remarque inutile, pas très intéressante et dont je perçois mal l’intérêt. Je lui
réponds : « Trop d’enfants ? Trop par rapport à quel critère ?

138

act

Le cont

Je ne comprends pas ce que vous voulez dire. Ce serait quoi la juste


“proportion” ? Vous voulez dire que ces enfants font trop de bruit ? »

Il est enfin tentant de répliquer à une provocation ou une bêtise par l’ironie
combinée à l’hyperbole. Inutile en effet de chercher à argumenter, à entrer
dans une discussion

aut bien le dir

tant les propos de votre interlocuteur sont aberrants et Il f

provocateurs. Y répondre, ce serait d’une certaine façon les reconnaître. La


meilleure réponse se trouve dans l’esquive ironique : « Vous avez raison, il
faudrait tous les envoyer en

“pension” pendant l’année et ne les récupérer que pour les aison

vacances… »

Le cœur et la r

hange

L’éc
e

ention qui compt

L’int

139

Chapitre 5

L’intention

qui compte

Ce sont des avocats qui inventèrent dans la Grèce antique les règles de
l’éloquence et qui posèrent les fondations de la rhétorique. La parole se fait
soucieuse de son efficacité et découvre son « incroyable pouvoir » dans
l’enceinte des tri-bunaux. Il nous en reste aujourd’hui encore quelque chose
dans notre pratique quotidienne de l’éloquence. Hors du prétoire en effet,
nous plaidons régulièrement des causes, en défendant tel ou tel de nos
choix, telle opinion. Nous ré-agissons à toutes les petites injustices
ordinaires, nous ne manquons pas de nous défendre et d’accuser à notre
tour.

« Faites la queue, comme tout le monde ! » Qui ne s’est jamais entendu dire
cela, alors qu’il n’avait pas noté la file des clients devant l’étal du charcutier
sur le marché ?

140

Par ailleurs, on ne cesse de porter des jugements, de donner des avis (les
notes sur les réseaux sociaux), d’exprimer des critiques, sans parler de ces
erreurs que nous sommes amenés à reconnaître ou ces manquements qu’il
faut se résoudre parfois à avouer.

Défendre/Accuser/Revendiquer

p . 142
Reconnaître/Avouer

p . 147

141

Défendre/Accuser/

Revendiquer

Défendre, c’est protéger contre une attaque. Il ne faut pas oublier qu’il n’y
a de défense que parce qu’il y a menace. Mais défendre, c’est aussi soutenir,
faire valoir : « Je défends qu’il est trop tôt pour en tirer des conclusions »
pour « Je prétends, je soutiens qu’il est trop tôt pour affirmer cela ».

De l’autre côté, lorsque j’accuse, j’attaque, je charge, j’incri-mine. Accuser,


c’est donc présenter comme coupable.

L’accusation souvent revendique : je réclame au nom de la justice, au nom


de mon bon droit. Revendiquer, c’est demander avec force et vigueur un
dû.

Défendre, accuser, revendiquer : dans ces trois actes de parole, la part du


spectaculaire s’avère importante. L’éloquence sera démonstrative : il faut
absolument faire impression, au risque d’être parfois trop théâtral.

Défendre et accuser, ce sont des actes de langage au service de l’expression


d’un jugement. Qu’est-ce qu’exprimer un jugement ?

142

act

Le cont

Actes et paroles

e
Quelles sont les difficultés à surmonter ?

q Le risque est grand de perdre sous le coup de la violence des émotions ou


tout simplement de l’indignation, le

contrôle de ses gestes, de sa voix, de ses mots. Attention à aut bien le dir

la véhémence, elle est difficile à bien doser.

Il f

q Il faut chercher à éviter l’emphase, la grandiloquence qui versent dans la


caricature et affaiblissent la portée de ce qui est dit. Ne pas se prendre au
jeu : nous ne sommes

aison

pas au tribunal lorsque nous répondons à un passant qui nous accuse de «


gruger » dans une file d’attente ! L’excès oratoire, les « effets de manche »
et autres exagérations nuisent au sérieux de vos propos.

Le cœur et la r

q Attention enfin à ne pas installer la relation, l’échange dans le conflit. Si


vous vous défendez ou si vous mettez en cause un interlocuteur, c’est pour
parvenir à un résultat, hange

obtenir en quelque sorte « gain de cause », influencer favorablement la


personne à qui vous vous adressez, infléchir L’éc

le jugement qu’elle porte sur vous. Il ne faut donc pas bloquer l’échange par
votre agressivité.

Les tout premiers conseils

q Je dois être très attentif aux effets d’alignement, c’est-à-dire manifester


ma détermination, notamment par une voix
ention qui compt

L’int

143

ferme et bien modulée. Je dois contrôler également mon attitude en


signifiant l’engagement, l’implication, mais sans pour autant manifester
d’agitation. Le buste est bien droit, le visage orienté dans la direction de la
personne à laquelle je m’adresse.

q L’élocution fait aussi l’objet d’un soin tout particulier. Je dois prononcer
très distinctement chaque mot, faire en sorte qu’il soit audible et que par
conséquent, il n’y ait pas la moindre ambiguïté sur la nature du terme que
j’utilise.

Je dois être vigilant et toujours soucieux de bien articuler. Cela suppose par
conséquent de ne pas parler trop

rapidement.

q N’hésitez pas à répéter les mêmes mots et les mêmes phrases (anaphores),
les mêmes sonorités, pour ancrer vos arguments dans la mémoire des
auditeurs.

q Prenez soin de choisir des mots compris de tous, fuyez les termes
ambigus et les formulations équivoques. Évitez

l’humour et l’ironie, on n’est jamais certain de la perception que les autres


peuvent avoir de ce que nous, de notre côté, estimons drôle et spirituel.

144

act

Le cont

Scènes de la vie quotidienne


e

Scène 1 : réclamer un peu de reconnaissance

« De rien ! » Je t’ai servi un café et en retour aucune formule de politesse.


Alors je feins de te répondre, de répondre à ce que tu n’as pas dit. Tu n’as
pas dit « merci », mais je fais pour-aut bien le dir

tant comme si tel avait été le cas : « De rien. » L’implicite est Il f

toujours plus efficace qu’une réclamation toujours un peu lourde et souvent


moralisatrice.

Si je veux souligner le décalage et bien appuyer sur l’ironie, je aison

peux même le dire en anglais : « You’re welcome ! »

L’emploi de l’anglais manifestera ainsi au malpoli en question qu’il s’est


passé quelque chose qui ne passe pas.

Le cœur et la r

Dans le cadre du quotidien, les requêtes de reconnaissance peuvent être


traitées sur le mode de l’ironie. On signifie alors son désaveu, mais avec
une forme de légèreté.

hange

Scène 2 : se défendre

L’éc

Tu m’accuses de t’avoir dissimulé une information (« Tu ne m’as pas dit


que… »), d’avoir oublié un rendez-vous, un an-e

niversaire, d’avoir préféré sortir avec quelqu’un d’autre, etc.

Les occasions sont si nombreuses où nous sommes pris en défaut par des
proches et où il faut se défendre.
ention qui compt

L’int

145

Tout d’abord, on évitera le fameux cliché « la meilleure défense c’est


l’attaque »… Peut-être ce précepte vaut-il pour l’art de la guerre (et encore
!), mais en ce qui concerne les relations humaines de tous les jours, ce type
de recommandation a pour effet d’envenimer les situations, non de les
apaiser.

Soyons clairs : je me défends parce que je suis attaqué. Soit l’accusation


s’avère fondée, soit elle se révèle infondée, injuste. Dans ce dernier cas, à
moi de nier fermement et d’établir vite, en quelques mots, la preuve de ce
que j’avance :

« Je ne t’ai rien caché du tout. Tu ne t’en souviens peut-être pas, mais je t’ai
dit il y a deux jours que je devais dîner avec untel. »

En revanche, si les reproches sont légitimes, la meilleure défense demeure


encore la requête d’empathie : « D’accord.

Mais qu’aurais-tu fait à ma place ? »

Dans tous les cas, il faut réagir rapidement et simplement.

146

act

Le cont

Reconnaître/Avouer

Reconnaître les faits, reconnaître ses erreurs, c’est bien procéder à une
identification. Et on demeure alors dans le cadre de l’expression du juste et
de l’injuste, celui d’une élo-aut bien le dir

quence d’origine judiciaire. Ainsi, lorsqu’on reconnaît que Il f

des faits ont bien eu lieu, que les choses se sont déroulées de telle ou telle
sorte, que l’on a bien dit les paroles qui ont été rapportées, lorsqu’on
reconnaît pour vrai ce que l’on a aison

tardé à révéler, ce que l’on aurait peut-être souhaité taire, on passe bien
alors aux aveux. Comment avouer le mieux

possible ce qui se trouve être souvent pénible, difficile ou simplement


désagréable à exprimer ?

Le cœur et la r

Actes et paroles

hange

L’éc

Quelles sont les difficultés à surmonter ?

q Le plus souvent, les aveux, les confessions, l’expression de la


reconnaissance d’une responsabilité se font sous la e

pression des circonstances, contre la volonté. Ils sont en quelque sorte


subis. Quand j’avoue « au bout du compte », je suis en quelque sorte
dépossédé de ma parole et j’en perds ainsi le bénéfice.

ention qui compt

L’int

147

q Cette passivité dans laquelle s’installe la parole de l’aveu lui retire sa


fermeté, sa précision et sa vigueur. D’autant que pour diluer la faute ou le
manquement, j’aurai naturellement tendance à utiliser un vocabulaire
imprécis.

Parfois même, la parole qui avoue cherche à disparaître dans le bredouillis


de syllabes qu’on ne distingue pas

très bien et qui n’est guère audible. Pour être efficaces, positifs, voire
gratifiants, les aveux doivent être clairs, distincts, nets.

Les tout premiers conseils

q Pour que l’aveu entraîne l’indulgence, voire le pardon ou le demi-pardon


(« faute avouée, faute à moitié pardonnée »), il doit être provoqué, maîtrisé,
voulu, contrôlé. Il faut choisir le lieu et le moment (comme pour une
déclaration), les

circonstances. Tant que toutes les conditions ne sont pas favorablement


réunies, il reste préférable de différer autant que possible.

q Il faut être conscient d’un alignement parfait entre le verbal et le non-


verbal ! Ce que vous dites ne doit pas être démenti par l’expression de votre
visage, ni la posture de votre corps.

La voix ne doit pas trembler, mais rester grave, voire un peu assourdie. Il
faut vous efforcer d’être le plus naturel possible et surtout ne pas entretenir
la dramatisation du propos. L’effort à accomplir est difficile, car il faut
éviter à la fois le pathétique et la désinvolture.

148

act

Le cont

q Enfin, l’aveu doit être dans un premier temps rapide, direct.

Vous prendrez ensuite le soin de le contextualiser, de vous installer dans un


récit. Ne cherchez pas à le retarder par e
des préambules, des digressions, des péripéties. Vous ne ferez qu’intensifier
en l’exaspérant l’effet qu’il produira finalement.

aut bien le dirIl f

Scènes de la vie quotidienne

aison

Scène 1 : avouer une faiblesse ou reconnaître

une responsabilité

Attention, avouer une petite faute ou même un manque-

Le cœur et la r

ment, ce n’est pas du tout « passer aux aveux », nous ne sommes pas dans
une « salle d’interrogatoire » ou au tribunal ! Il n’empêche que la situation
est tout de même parfois délicate, voire embarrassante.

hange

Un seul conseil : en venir rapidement au fait ! Ne pas faire du-L’éc

rer, ne pas temporiser. Il en va de même lorsqu’il s’agit de reconnaître sa


responsabilité. L’erreur le plus souvent commise e

consiste à vouloir préparer le « terrain » ou encore « ménager » son


interlocuteur : il faut absolument éviter « la révéla-tion progressive » ! Il est
en effet maladroit de chercher à faire deviner, de laisser peu à peu s’insinuer
l’aveu, de faire en sorte que ce soit l’autre, celui à qui on confesse sa
responsabilité ention qui compt

L’int

149
ou sa faute qui vienne à formuler lui-même ce que vous ne voulez au fond
pas dire. Certes il est désagréable de devoir reconnaître une défaillance, un
oubli, une maladresse, une erreur. Mais s’inscrire dans une stratégie de fuite
ou de temporisation est un très mauvais calcul : vous signifiez que vous
manquez de courage et vous prolongez inutilement

l’épreuve.

Il est bien préférable d’aborder rapidement le sujet, sans détour, sans


ambiguïté. Pas de périphrases, pas de métaphores ou de devinettes.

Une première phrase qui déclare simplement les choses :

« J’ai complètement oublié notre déjeuner » ; « C’est moi qui ai perdu les
clés de l’appartement ».

La deuxième phrase vient établir les circonstances et proposer une


explication (attention « expliquer » n’est pas « justifier » ou se défendre) : «
Je n’ai pas fait attention, je suis — je crois — très distrait et un peu
préoccupé en ce moment. »

La troisième phrase présente des excuses (très important !) et suggère une


issue : « Excuse-moi, je suis vraiment désolé de t’avoir fait attendre.
Évidemment, on fixe une autre date et je t’assure que je l’inscris en rouge
sur mon agenda ! »

Il ne faut ni dramatiser, ni banaliser. Seule la simplicité et la franchise


permettent d’éviter les écueils du « pathétique » et de la désinvolture.

150

act

Le cont

Scène 2 : reconnaître des qualités, avouer

son admiration, complimenter


e

Nous sommes prompts à relever les défauts, plus réticents à reconnaître les
qualités. Il est pourtant essentiel de pratiquer l’un et l’autre. C’est cela
véritablement avoir un « esprit critique », car « critiquer » cela signifie «
juger » et non aut bien le dir

souligner les imperfections, voire dénigrer. Il est important Il f

de réagir à ce travers, ce « biais » déplaisant qui consiste refuser de


reconnaître aux autres les qualités et la valeur que pourtant nous apprécions
en eux mais sans leur dire !

aison

Il y a ainsi un fatras de lieux communs et de mauvaises habitudes qui


empêchent d’établir une relation bienveillante et positive avec celles et ceux
qui vivent avec nous. Nous connaissons tous des personnes qui sont
absolument in-Le cœur et la r

capables de glisser une seule remarque positive sous le prétexte d’une


forme de « pudeur » ou de « retenue », nous avons tous entendu répétés des
« proverbes » ineptes du type

« Qui aime bien châtie bien »… Comme si certains d’entre hange

nous éprouvaient une véritable crainte d’être bienveillant.

Comme si « complimenter » était un « signe de faiblesse »…

L’éc

D’ailleurs pour rappel, « bienveillance » — ce mot si souvent invoqué


aujourd’hui et si maltraité pourtant — dé-e

signe « une capacité à se montrer compréhensif, indulgent et attentionné


envers autrui » (Dictionnaire de l’Académie française). Or la première des
attentions, c’est de savoir reconnaître les qualités de ceux qui nous
entourent.
ention qui compt

L’int

151

« Tu as bien fait de choisir cet endroit » ; « C’est une jolie couleur que tu as
choisi pour ta chambre » ; « J’aime bien ta nouvelle coupe de cheveux » ; «
Ces chaussures, tu les as achetées où ? » ; « Il faut beaucoup de courage
pour faire ce que tu as fait » ; « C’est une bonne idée »… Toutes ces
formules si simples doivent accompagner quotidiennement

nos échanges. Non pour « encourager » ou « flatter » celles et ceux à qui on


les adresse, afin d’une part de dire effectivement tout le bien que nous
pensons de ce qu’ils ont décidé, des choix qu’ils ont pu faire, du goût, de la
détermination qu’ils ont manifestée à telle ou telle occasion et d’autre part
de leur exprimer cette « bienveillance » qui cimente notre sociabilité.

Mon compliment, ma remarque sera donc brève, rapidement formulée,


précise et appropriée. Il faudra éviter d’en « faire trop », de s’appesantir, de
s’installer dans l’excès (pas d’emphase, pas d’hyperboles). On pourrait
alors susciter la gêne et l’embarras. Par ailleurs ce qui est évident ne se dit
pas, ou bien se suggère à peine. Ainsi des compliments trop appuyés
provoquent la méfiance et les soupçons. L’alignement du non verbal est
bien évidemment essentiel, un geste de la main, une pression sur le bras, un
léger sourire, un regard franc et encourageant viendront renforcer ce petit
moment indispensable de contact humain.

152

« Parler est un besoin,

écouter est un art. »

Goethe

Partie 3

Action !
Il faut désormais pratiquer, s’exercer, chercher à s’améliorer. Vous
connaissez les principes, les raisons pour lesquelles il est préférable
d’adopter telle ou telle attitude.

À présent vous allez les mettre en pratique et mesurer les effets de ces
conseils.

Car on ne peut pas retarder le moment de se jeter à l’eau !

Pour accompagner le nécessaire « passage à l’acte », vous trouverez dans


cette dernière partie les 20 questions incontournables et les réponses à y
apporter, une fiche d’évaluation et de suivi des objectifs ainsi qu’un quiz et
une rapide bibliographie.

Chapitre 1

Vingt questions incontournables . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 159

Chapitre 2

Évaluer ses forces, ses faiblesses et mesurer ses progrès . 171

Chapitre 3

Pour aller plus loin . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 215

Chapitre 1

Vingt

questions

incontournables

1 Comment surmonter une appréhension brusque

et brutale, imprévue ?
Je dois lui parler, j’ai demandé un rendez-vous, j’ai des choses à lui dire et
soudain, je suis pris de panique, je sens que je ne vais pas trouver les mots,
que je vais être incapable d’articuler une seule phrase ! Que faire ? Je ne
suis pas particulièrement timide d’habitude. Ni loquace d’ailleurs. Mais à ce
moment précis, l’émotion est trop vive : j’appréhende.

Une seule solution pour débloquer un peu la situation : s’isoler et procéder à


une série de trois respirations profondes. Une 159

lente inspiration de six secondes ; je conserve ensuite l’air inspiré dans mes
poumons pendant huit secondes ; puis

j’expire très lentement pendant dix secondes.

2 Comment gagner en assurance et en confiance

en soi ?

On gagne en confiance en contrôlant davantage son appa-

rence, sa gestuelle, sa voix et bien sûr son expression verbale.

Cela ne vient pas tout seul. Il faut travailler. Mais c’est une bonne nouvelle,
cela signifie que l’on peut progresser.

3 Qu’est-ce que « l’alignement » ? Pourquoi faut-il

être « aligné » ?

Ce que l’on appelle un alignement désigne une cohérence entre le message


que votre apparence physique envoie, celui que votre voix fait entendre, et
enfin le message pensé, conçu par votre cerveau et que vous désirez
délivrer. L’alignement du visuel, du vocal et du verbal donne force et
efficacité à votre communication. Évitez d’affirmer quelque chose que votre
corps dément ! Par exemple, n’exposez jamais une ambition les épaules
basses, le dos voûté, les bras croisés.

4 Comment s’établit la connexion ?


Pas d’éloquence sans connexion. La connexion, c’est le

contact que j’établis et que je maintiens entre nous deux, moi qui te parle,
toi qui m’écoutes, puis me réponds et que 160

j’écoute à mon tour. La communication, c’est un courant que l’on doit faire
passer. Ce dernier commence toujours à passer par le regard.

5 Quelle importance dois-je accorder à mon

image ?

Mon image, c’est ce que je montre d’emblée au regard des autres. Elle
assure le premier contact, le facilitant ou bien le brouillant. Peu importe la
nature de cette image, l’essentiel c’est que je sois conscient de l’effet
qu’elle va produire. C’est à moi de décider ensuite de cette image et d’en
assumer les effets positifs ou négatifs. Les personnes qui prétendent être
indifférentes à leur image se trompent sur elles-mêmes. Qui parmi nous
sortirait de la maison, dans la rue, tel qu’il se trouve au saut du lit, sans être
passé même rapidement devant le miroir de la salle de bains ? Et si
d’aventure certains négligent leur apparence, ce n’est jamais sans une
certaine forme d’ostentation : voici mon « image », celle de quelqu’un qui
n’a que faire des « apparences » !

6 Comment parler dans l’urgence ?

Aller vite à l’essentiel. Ensuite développer. Il faut donc avoir le sens des
priorités. On commence par crier « Au feu ! ». On ajoute ensuite « La
chaudière est en flammes ». Ou encore on s’exclame « Au voleur ! ». Et
puis on précise « On a volé ma montre ! ».

161

7 Peut-on acquérir le sens de la repartie ?

Il n’y a que la pratique, puis le fait de gagner en assurance qui permettent


de prendre peu à peu le sens et le goût de la repartie.

8 Faut-il parler fort pour se faire entendre ?


Parler fort pousse celui qui écoute quand il répond à aug-menter de son côté
le volume. Il ajoute ainsi du bruit au bruit et chacun entretient le brouhaha.
Vouloir couvrir ce brouhaha s’avère toujours vain. Et si dans le cadre de la
vie de tous les jours il faut éviter de crier, c’est qu’il y a quelque chose
d’assez agressif qui passe dans ces échanges très bruyants.

Devant une assemblée, on attendra le silence et on préférera toujours parler


loin plutôt que parler fort. Ce qui très concrètement signifie projeter la voix
devant soi plutôt qu’au-dessus de soi.

9 Quelles sont les précautions indispensables

quand on prend la parole ?

Avant de « prendre la parole », quelles que soient les circonstances, il faut


que je m’assure que j’ai capté l’attention du garçon de café comme celle du
plus large auditoire que constituent mes invités. Je prends soin ensuite
d’établir avec eux la connexion indispensable et je vais m’efforcer de
maintenir le plus longtemps possible cette connexion.

162

0 Quel état d’esprit doit prévaloir dans un échange ?

Au cours d’un échange, il est non seulement primordial de contrôler le


mieux possible ce que l’on dit, ce que l’on fait, mais aussi de faire une juste
lecture des intentions de l’interlocuteur, le décryptage pertinent de son
langage non verbal notamment. Ensuite, il faut adopter une attitude «
disponible ». Rester bienveillant et surtout attentif dans le sens que donne la
philosophe Simone Weil à ce mot « attention » :

« L’attention consiste à suspendre sa pensée, à la laisser disponible, vide et


pénétrable à l’objet4. »

q Je n’arrive pas à me faire bien comprendre .

Comment améliorer cette situation ?


Je dois toujours rechercher l’expression la plus directe, la plus simple. Ce
n’est pas seulement une question de vocabulaire, cela passe aussi par des
phrases courtes ou fortement ponc-tuées. Il faut aussi toujours structurer sa
parole. Le schéma AIDA (Attention, Intérêt, Désir, Action) que j’ai
expliqué dans

le chapitre 3 (page 118) s’adapte à la plupart des circonstances. Il peut faire


l’objet d’un large développement comme d’une formulation brève et
concise.

4 Simone Weil, Attente de Dieu, éditions du Vieux Colombier, 1950.

163

w Je ne parviens pas à me faire entendre dans une discussion . Comment y


remédier ?

C’est probablement que ma voix est mal posée, ou plus vrai-semblablement


que je parle trop vite, que je n’articule pas assez les mots que je prononce.
Nous prononçons en moyenne cent quarante mots par minute, mais sous
l’effet du stress, le débit passe à cent soixante mots, alors que pour être
distinctement compris, il est prudent de réduire à cent vingt le nombre de
mots prononcés à la minute. On ne va évidemment pas les compter, mais
intuitivement s’efforcer de ralentir le débit, en détachant par des silences les
termes clés. Une bonne diction rend la parole plus audible, mais aussi plus
intelligible.

e Qu’est-ce que le « pacing » ?

Cela consiste à régler son pas sur le pas de l’autre. Cette technique vise à
adopter sa mesure, son rythme. Il s’agit d’un excellent moyen pour non
seulement établir une connexion puissante, mais aussi pour désarmer
l’hostilité.

r Convaincre et persuader, est-ce la même chose ?

Dans les deux cas, il s’agit d’influencer, mais en usant de facultés et de


moyens totalement différents.
Convaincre, cela passe par l’usage de la raison, une argumentation et une
logique avec des calculs et des intérêts. En revanche, persuader, c’est
toucher l’imagination et le cœur, jouer sur la sensibilité et les sentiments,
les impressions.

164

t À quel moment dois-je cesser d’écouter la personne qui me parle ?

Jamais. Je ne dois jamais cesser d’être attentif à mon vis-à-vis.

Je dois non seulement écouter ce que sa bouche me délivre, mais aussi


décrypter ce que son attitude me révèle. Donc ne jamais cesser d’écouter. À
une exception près : nous débattons et mon interlocuteur me coupe la
parole. Je dois soit me taire et subir son ascendant, soit poursuivre ce que
j’étais en train de dire. Dans cette seconde hypothèse (la seule qu’il me
faille considérer), je poursuis mon propos, hermétique à ce que me répond
mon contradicteur. Je m’enferme dans ma parole et calmement, je reste
concentré sur ce que je souhaite exprimer.

y Comment éviter de répondre à une question

embarrassante ?

Il n’existe pas de question embarrassante qui ne puisse être reformulée, que


vous demandiez cette reformulation ou que vous la réalisiez vous-même.
Vous gagnez ainsi du temps pour trouver une esquive habile et imposez un
recadrage.

N’hésitez pas à revenir sur le sens d’un mot, à préciser les contextes, à
débusquer l’implicite sous l’explicite.

u Comment désarmer l’agressivité ?

La seule façon de contenir une agressivité verbale à laquelle la vie moderne


nous confronte de plus en plus fréquemment, c’est de toujours conserver
son calme et par cette 165
attitude, observer une distance nécessaire au contrôle de ce que l’on dit et
de ce que l’on fait. Évitez alors la confrontation immédiate et directe sans
pour autant renoncer à vos convictions, sans abdiquer, sans subir : « Oui…
mais…

non » ; « Vous avez sans doute raison mais… » ; « De mon côté, je pense
que… ». Ce mécanisme dans la construction de la réponse doit devenir
spontané.

i Peut-on progresser rapidement ?

Absolument, car l’éloquence est un « savoir-faire », une technique. Il suffit


de vouloir se « jeter à l’eau ». Les progrès viendront naturellement en
même temps que vous avancerez

dans votre maîtrise des « signes », de tous les signes gestuels, visuels,
sonores, linguistiques.

o Comment travailler sa diction ?

Pour travailler la diction, essentielle dans tous les cas de figure envisagés
précédemment, il faut s’entraîner chaque jour.

Bien sûr, on peut s’amuser à dire de plus en plus rapidement des «


virelangues » (on en trouvera un très grand nombre sur Internet, comme
celui-ci : « Coco, le concasseur de cacao, courti-sait Kiki la cocotte. Kiki la
cocotte convoitait un caraco kaki à col de caracul ; mais Coco, le
concasseur de cacao, ne pouvait offrir à Kiki la cocotte qu’un caraco kaki
sans col de caracul. Le jour où Coco, le concasseur de cacao, vit que Kiki
la cocotte arborait un caraco kaki à col de caracul, il comprit qu’il était
cocu »). Les « virelangues », 166

ce sont des phrases, des textes brefs caractérisés par des difficultés de
prononciation.

Mais à côté de cet exercice ludique, on peut s’astreindre à une lecture


quotidienne à voix haute, enregistrement à l’appui. Efforcez-vous de lire
chaque jour pendant dix minutes quelques pages d’un roman, en cherchant
à suivre la ponc-tuation, le ton et l’intention. En prenant soin de bien
articuler les mots, en les prononçant d’une voix claire et assurée, de poser
des silences si nécessaire pour les mettre en valeur.

N’oubliez pas enfin d’enregistrer et de réécouter le lende-main. Vous allez


très rapidement améliorer le placement de votre voix et goûter de plus en
plus la saveur des mots relevée par le plaisir de « dire ».

p Comment s’entraîner ?

L’éloquence, ça se pratique. Les universités l’ont compris : elles organisent


depuis longtemps des « concours d’éloquence » au cours desquels les
étudiants rivalisent de verve et d’ingéniosité. Mais c’est une éloquence
académique, même si les thèmes abordés par les orateurs s’avèrent parfois
saugrenus. Dans le cadre professionnel, des « coaches » certifiés ou non se
sont emparés de ces formations. Et nous ? Que pouvons-nous faire ?

Il y a évidemment toujours les jeux de rôle, la pratique ludique entre amis


(on trouvera sur la Toile de très nombreux exemples. Je pense notamment à
la série « Game of Talks », ce 167

programme de dix courtes vidéos qui présentent une série de

« jeux » pour travailler son éloquence5). Mais quoi d’autres ? Et surtout


comment mesurer ses progrès ? Je crois l’avoir montré dans ce livre, la
parole « manque de naturel » et au fond, toutes les situations que nous
avons décrites empruntent bien souvent au théâtre ou au prétoire. Nous
sommes dans la représentation. Alors restons-y. Gardons nos distances pour
nous observer agir et réagir : préparons-nous à l’avance pour nos prises de
parole prévues ou imprévues, prévisibles ou imprévisibles. Répétons nos
répliques, comme on répète des rôles et si possible, en filmant avec notre
téléphone portable tous ces essais qui feront ensuite l’objet d’un véritable

« débrief ».

5 Programme produit par l’Etudiant, en libre accès sur YouTube.

168
Notes

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169

Chapitre 2

Évaluer ses forces,

ses faiblesses et

mesurer ses progrès

L’éloquence, c’est une technique et une pratique.

Voilà une excellente nouvelle puisque dans ces conditions, il est possible de
progresser, d’acquérir de l’aisance, voire de l’habileté et de la maîtrise. On
progresse en effet par la pratique et la pratique, c’est tous les jours.

Mais comment avoir le recul pour évaluer au mieux les situations ? Nous ne
sommes pas suivis par un « coach » à chaque instant qui viendrait corriger
nos erreurs et signaler nos imperfections, en proposant des axes
d’amélioration ! Nous n’enregistrons pas nos conversations, les interactions
banales 171

du quotidien ni ne procédons évidemment à des « arrêts sur image » ou des


« débriefs » pour revenir sur telle ou telle maladresse. Alors, comment faire
?

Il n’y a pas d’autre solution que celle qui consiste à se livrer à une régulière
auto-évaluation. Tout ce livre est destiné à vous y aider.

Vous pouvez commencer par un premier état des lieux en ré-pondant aux
questions ci-contre. Puis, déterminez plus précisément, en vous aidant des
tableaux ci-après, quelles sont vos points faibles et vos points forts. Vous
pouvez demander à un proche de répondre avec vous et de compléter votre
diagnostic.
172

Les « plus » et les « moins » : quels sont mes qualités et mes défauts ?

Tout dépend évidemment des situations mais quelle est ma tendance


naturelle ? Quel est mon comportement habituel ?

K Quelle est mon aptitude à contrôler les émotions ?

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K Quel est mon degré de stress ou simplement d’appréhension quand je


m’adresse à un(e) inconnu(e) ? À un proche ?

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K Ai-je une bonne maîtrise de mon corps ? De mes

mouvements ?

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K Ai-je détecté chez moi des gestes parasites ? Des tics ?


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K Mon visage est-il expressif ? Est-ce que j’en contrôle les mouvements ?

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K Lorsque je m’adresse à quelqu’un, mon regard est-il direct ou indirect ?


Fuyant ?

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174

K Comment qualifier ma voix ? Frêle ? Grave ? Aiguë ?

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K Ai-je déterminé des parasites vocaux ? (« euh » ; « du coup »…)

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K Suis-je capable de varier de ton ?

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K Est-ce que je parviens à signifier dans le ton de ma voix mes intentions ?

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K Le ton de ma voix est-il ou non monocorde ?

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K Quel est le débit de mes paroles ? Lent ? Rapide ?

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K Suis-je hésitant ?
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K Les mots viennent-ils facilement ?

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K Ai-je ou non le sens de la repartie ?

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176

K Comment est-ce que je réagis à la contradiction ?

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K Mon vocabulaire est-il précis ? Vague ? Riche ou pauvre ?

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K Est-ce que je parviens à modifier le niveau de langue que j’adopte en


fonction des situations ou des interlocuteurs ?

Par exemple, est-ce que je passe aisément d’un niveau de langue soutenu à
un niveau de langue familier ?

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177

K Quelle est ma capacité d’attention et d’écoute ?

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K Est-ce que je dirais de moi que je suis quelqu’un susceptible d’empathie ?

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Mises en situation

Nous venons d’évoquer au cours de ce livre une vingtaine de situations, des


situations que chacun d’entre nous peut vivre tous les jours. Alors,
comment les choses se sont-elles déroulées ? Bien ? Pas trop mal ? Sans
plus ? Un fiasco ?

Pour chacune des situations suivantes, vous pouvez exprimer ce que vous
avez pu ressentir et évaluer comment les choses se sont passées et quels
pourraient être les axes d’amélioration. Chacune de ces situations renvoie à
un passage du livre sur lequel vous pourrez vous appuyer pour procéder à
cette auto-évaluation.

179

Aborder un sujet délicat (page 69)

Les circonstances : un bref rappel de la situation que vous cherchez à


analyser.

Appréciation globale : l’échange a été très satisfaisant, satisfaisant, sans


intérêt, décevant, catastrophique…

Pourquoi ?

Quelle était votre apparence ? Le « visuel ».

Quels ont été vos gestes ?

Le regard ?

La voix ?

Le ton ?

La maîtrise des émotions ?

Le contrôle du temps de l’échange.

Le choix des mots ? Pertinent ? Impertinent ?

Les effets produits par vos paroles sur l’autre/les autres ?

Les effets produits par les paroles des autres sur votre propre comportement
?

Tout cela pour quel résultat ?


180

181

Formuler une demande (page 76)

Les circonstances : un bref rappel de la situation que vous cherchez à


analyser.

Appréciation globale : l’échange a été très satisfaisant, satisfaisant, sans


intérêt, décevant, catastrophique…

Pourquoi ?

Quelle était votre apparence ? Le « visuel ».

Quels ont été vos gestes ?

Le regard ?

La voix ?

Le ton ?

La maîtrise des émotions ?

Le contrôle du temps de l’échange.

Le choix des mots ? Pertinent ? Impertinent ?

Les effets produits par vos paroles sur l’autre/les autres ?

Les effets produits par les paroles des autres sur votre propre comportement
?

Tout cela pour quel résultat ?

182
183

Exprimer un avis, un sentiment

Les circonstances : un bref rappel de la situation que vous cherchez à


analyser.

Appréciation globale : l’échange a été très satisfaisant, satisfaisant, sans


intérêt, décevant, catastrophique…

Pourquoi ?

Quelle était votre apparence ? Le « visuel ».

Quels ont été vos gestes ?

Le regard ?

La voix ?

Le ton ?

La maîtrise des émotions ?

Le contrôle du temps de l’échange.

Le choix des mots ? Pertinent ? Impertinent ?

Les effets produits par vos paroles sur l’autre/les autres ?

Les effets produits par les paroles des autres sur votre propre comportement
?

Tout cela pour quel résultat ?

184

(page 90)
185

Pitcher (page 92)

Les circonstances : un bref rappel de la situation que vous cherchez à


analyser.

Appréciation globale : l’échange a été très satisfaisant, satisfaisant, sans


intérêt, décevant, catastrophique…

Pourquoi ?

Quelle était votre apparence ? Le « visuel ».

Quels ont été vos gestes ?

Le regard ?

La voix ?

Le ton ?

La maîtrise des émotions ?

Le contrôle du temps de l’échange.

Le choix des mots ? Pertinent ? Impertinent ?

Les effets produits par vos paroles sur l’autre/les autres ?

Les effets produits par les paroles des autres sur votre propre comportement
?

Tout cela pour quel résultat ?

186

187
Communiquer une information

Les circonstances : un bref rappel de la situation que vous cherchez à


analyser.

Appréciation globale : l’échange a été très satisfaisant, satisfaisant, sans


intérêt, décevant, catastrophique…

Pourquoi ?

Quelle était votre apparence ? Le « visuel ».

Quels ont été vos gestes ?

Le regard ?

La voix ?

Le ton ?

La maîtrise des émotions ?

Le contrôle du temps de l’échange.

Le choix des mots ? Pertinent ? Impertinent ?

Les effets produits par vos paroles sur l’autre/les autres ?

Les effets produits par les paroles des autres sur votre propre comportement
?

Tout cela pour quel résultat ?

188

(page 109)

189
Donner une justification (page 110)

Les circonstances : un bref rappel de la situation que vous cherchez à


analyser.

Appréciation globale : l’échange a été très satisfaisant, satisfaisant, sans


intérêt, décevant, catastrophique…

Pourquoi ?

Quelle était votre apparence ? Le « visuel ».

Quels ont été vos gestes ?

Le regard ?

La voix ?

Le ton ?

La maîtrise des émotions ?

Le contrôle du temps de l’échange.

Le choix des mots ? Pertinent ? Impertinent ?

Les effets produits par vos paroles sur l’autre/les autres ?

Les effets produits par les paroles des autres sur votre propre comportement
?

Tout cela pour quel résultat ?

190

191

Convaincre ou persuader (page 117)


Les circonstances : un bref rappel de la situation que vous cherchez à
analyser.

Appréciation globale : l’échange a été très satisfaisant, satisfaisant, sans


intérêt, décevant, catastrophique…

Pourquoi ?

Quelle était votre apparence ? Le « visuel ».

Quels ont été vos gestes ?

Le regard ?

La voix ?

Le ton ?

La maîtrise des émotions ?

Le contrôle du temps de l’échange.

Le choix des mots ? Pertinent ? Impertinent ?

Les effets produits par vos paroles sur l’autre/les autres ?

Les effets produits par les paroles des autres sur votre propre comportement
?

Tout cela pour quel résultat ?

192

193

En réunion (page 128)

Les circonstances : un bref rappel de la situation que vous cherchez à


analyser.
Appréciation globale : l’échange a été très satisfaisant, satisfaisant, sans
intérêt, décevant, catastrophique…

Pourquoi ?

Quelle était votre apparence ? Le « visuel ».

Quels ont été vos gestes ?

Le regard ?

La voix ?

Le ton ?

La maîtrise des émotions ?

Le contrôle du temps de l’échange.

Le choix des mots ? Pertinent ? Impertinent ?

Les effets produits par vos paroles sur l’autre/les autres ?

Les effets produits par les paroles des autres sur votre propre comportement
?

Tout cela pour quel résultat ?

194

195

En tête-à-tête (page 129)

Les circonstances : un bref rappel de la situation que vous cherchez à


analyser.

Appréciation globale : l’échange a été très satisfaisant, satisfaisant, sans


intérêt, décevant, catastrophique…
Pourquoi ?

Quelle était votre apparence ? Le « visuel ».

Quels ont été vos gestes ?

Le regard ?

La voix ?

Le ton ?

La maîtrise des émotions ?

Le contrôle du temps de l’échange.

Le choix des mots ? Pertinent ? Impertinent ?

Les effets produits par vos paroles sur l’autre/les autres ?

Les effets produits par les paroles des autres sur votre propre comportement
?

Tout cela pour quel résultat ?

196

197

Répondre à une question (page 135)

Les circonstances : un bref rappel de la situation que vous cherchez à


analyser.

Appréciation globale : l’échange a été très satisfaisant, satisfaisant, sans


intérêt, décevant, catastrophique…

Pourquoi ?
Quelle était votre apparence ? Le « visuel ».

Quels ont été vos gestes ?

Le regard ?

La voix ?

Le ton ?

La maîtrise des émotions ?

Le contrôle du temps de l’échange.

Le choix des mots ? Pertinent ? Impertinent ?

Les effets produits par vos paroles sur l’autre/les autres ?

Les effets produits par les paroles des autres sur votre propre comportement
?

Tout cela pour quel résultat ?

198

199

Se défendre (page 145)

Les circonstances : un bref rappel de la situation que vous cherchez à


analyser.

Appréciation globale : l’échange a été très satisfaisant, satisfaisant, sans


intérêt, décevant, catastrophique…

Pourquoi ?

Quelle était votre apparence ? Le « visuel ».


Quels ont été vos gestes ?

Le regard ?

La voix ?

Le ton ?

La maîtrise des émotions ?

Le contrôle du temps de l’échange.

Le choix des mots ? Pertinent ? Impertinent ?

Les effets produits par vos paroles sur l’autre/les autres ?

Les effets produits par les paroles des autres sur votre propre comportement
?

Tout cela pour quel résultat ?

200

201

Avouer, reconnaître une respon

Les circonstances : un bref rappel de la situation que vous cherchez à


analyser.

Appréciation globale : l’échange a été très satisfaisant, satisfaisant, sans


intérêt, décevant, catastrophique…

Pourquoi ?

Quelle était votre apparence ? Le « visuel ».

Quels ont été vos gestes ?


Le regard ?

La voix ?

Le ton ?

La maîtrise des émotions ?

Le contrôle du temps de l’échange.

Le choix des mots ? Pertinent ? Impertinent ?

Les effets produits par vos paroles sur l’autre/les autres ?

Les effets produits par les paroles des autres sur votre propre comportement
?

Tout cela pour quel résultat ?

202

sabilité, un manquement (page 149)

203

Quiz

1 Dans quelles circonstances sommes-nous

généralement amenés à prendre la parole ?

(Plusieurs réponses possibles)

A. Il me manque quelque chose.

B. Je suis heureux(se).

C. J’ai un problème.

D. Il est 1 heure du matin et je constate qu’il fait nuit.


2 Qu’est-ce que la glossophobie ?

A. La peur des lieux publics et des espaces ouverts.

B. La peur de l’orage.

C. La peur de parler en public.

D. La peur d’un animal inoffensif.

3 J’aborde quelqu’un lors d’une soirée chez des

amis . Sur quel élément celui-ci va-t-il d’abord me

« juger » ?

A. La manière dont je suis habillé(e).

B. Le timbre de ma voix.

C. Les premiers mots que je prononce pour me présenter.

D. Une histoire drôle que je lui raconte.

204

4 Je vais à un entretien . Je souhaite produire une bonne impression, mais


aussi attirer le regard

et qu’on se souvienne de moi . Comment vais-je

m’habiller ?

A. Des vêtements de couleur sombre, bleu marine ou gris foncé.

B. Des chaussures de sport confortables.

C. Un pull ou un accessoire d’une couleur vive et chaude (rouge ou orange


par exemple).
D. Un jogging pour être à l’aise.

5 Pendant que j’étais au téléphone, mon fils a vidé

les deux tubes de dentifrice et barbouillé la tête

de sa petite sœur avec leur contenu . Que dois-je

faire… si je ne veux pas qu’il recommence ?

A. Le gronder tout en souriant, la tête de sa petite sœur est tellement


comique !

B. Rire avec mon conjoint de son petit air penaud et coquin.

C. Les prendre en photo tous les deux, cela fera un souvenir amusant !

D. Le gronder (doucement) avec un air sévère.

6 Pour bien parler au quotidien, il faut être

polyglotte . Qu’est-ce que cela signifie ?

A. Pour bien parler au quotidien, j’apprends des langues étrangères.

205

B. Pour bien parler au quotidien, j’adapte ma parole selon les interlocuteurs


et les circonstances.

C. Pour bien parler au quotidien, je fais attention à ma glotte.

D. Pour bien parler au quotidien, je cesse d’être moi-même pour m’adapter


à mon interlocuteur.

7 Mon conjoint a perdu son portefeuille . Que puis-

je lui dire pour lui manifester ma sympathie ?


A. Mais non, tu n’es pas bête !

B. Quel maladroit ! Tu ne l’as quand même pas oublié sur la banquette du


restaurant ?

C. Quelle malchance quand même !

D. Tu es malin, je suis certain que tu vas le retrouver.

8 Un collègue que pourtant j’apprécie m’a

violemment contredit devant des clients . Je

décide d’aborder ce sujet avec lui . Que ne dois-

je pas faire ?

A. Je me prépare et j’essaie d’anticiper les réactions de mon collègue.

B. Je choisis pour cet échange un bar animé qu’il apprécie particulièrement.

C. Je commence par exprimer ce que j’ai ressenti quand il m’a contredit.

D. Je lui dis que je tiens à notre relation et que c’est pour cela que je
souhaite aborder ce sujet.

206

9 Je suis dans un magasin . J’ai vu un magnifique canapé mais celui-ci


dépasse largement

mon budget . Je souhaite donc obtenir une

importante remise . Que puis-je faire ? (Plusieurs

réponses sont possibles)

A. Le vendeur est occupé mais je suis pressé et mon achat est important,
donc je lui demande de s’occuper de moi
en priorité.

B. La remise que je demande étant importante, je demande à parler au


responsable du rayon.

C. Le vendeur consulte un fichier sur son ordinateur et semble préoccupé,


soucieux. Je fais un tour dans le

magasin en attendant qu’il ait terminé.

D. Je prépare ma demande de remise en me renseignant par exemple sur les


prix proposés dans les autres boutiques.

0 Je suis installé(e) à la terrasse d’un café et

j’attends depuis déjà vingt minutes qu’on

prenne ma commande . Comment réagir ?

A. Dès que j’aperçois le serveur, je dis « S’il vous plaît ! »

d’une voix sonore, en articulant bien.

B. Dès que j’aperçois le serveur, je lui crie de venir prendre ma commande.

C. Je me lève et je vais vers le serveur en lui disant

« Excusez-moi de vous déranger ».

D. Je me lève et j’apostrophe le serveur en lui faisant des reproches.

207

q L’expression passe aussi par le non-verbal . Que faut-il éviter de faire ?


(Plusieurs réponses sont

possibles)

A. Il faut éviter les mimiques (haussement de sourcil, moue pincée…)


B. Il faut éviter de terminer sa phrase quand on vous coupe la parole, pour
ne pas parler en même temps que votre

interlocuteur.

C. Il faut éviter de parler quand on manque d’assurance, pour ne pas « mal


dire ».

D. Il faut éviter les parasites sonores (euh…).

w Dans quelle situation n’est-il pas utile de

préparer un pitch ?

A. Je présente à mon banquier un projet pour lequel je

demande un prêt.

B. Je me plains auprès du service après-vente d’un

téléviseur neuf qui ne fonctionne pas.

C. Je dois me présenter lors d’un entretien pour un nouvel emploi.

D. Je propose un nouveau service innovant à des clients importants.

208

Les réponses

Question 1 :

Réponses A et C (Partie 1, chapitre 1) : si je prends la parole, c’est toujours


parce que quelque chose au fond ne va pas, que cela ne va pas de soi. Soit il
manque quelque chose, et les mots expriment alors un besoin ou un désir,
soit il y a un « problème » ou la situation me semble anormale, inhabituelle.

Question 2 :
Réponse C (Partie 1, chapitre 4) : La glossophobie est la peur de parler en
public, devant un groupe plus ou moins grand. C’est une peur commune et
répandue ! Le mot vient du grec ancien glôssa (« langue ») et de phóbos («
peur »).

La peur des lieux publics et des espaces ouverts est l’agora-phobie. C’est
plus précisément la peur de ne pas pouvoir fuir ou être secouru rapidement.

La peur de l’orage, du tonnerre et des éclairs est la brontophobie.

La peur irrationnelle d’un animal ou d’un insecte est la zoophobie.

Question 3 :

Réponse A (Partie 1, chapitre 4) : La manière dont je suis habillé. En effet,


l’impression visuelle que l’on donne représente environ 55 % de l’impact,
l’impression auditive (la voix, le débit, l’intention perceptible) environ 38
% et l’acte de communication n’influencera mon interlocuteur qu’à hauteur
de 7 % environ.

209

Question 4 :

Réponse C (Partie 1, chapitre 5) : Une couleur vive et chaude attire le


regard. Au contraire, des vêtements sombres auront tendance à « m’effacer
» ; et des chaussures de sport ou un jogging sont trop décontractés voire
négligés pour un entretien.

Question 5 :

Réponse D (Partie 1, chapitre 5) : Il est préférable de le gronder d’un air


sévère si je ne souhaite pas qu’il recommence cette bêtise ! Il est en effet
primordial de garantir ce que l’on appelle « l’alignement » du non-verbal et
du verbal : Ce que dit mon corps ne doit pas contredire ce que ma pensée
exprime par ma voix. Mon enfant risque de ne pas comprendre pas le
message si je souris tout en le grondant.

Question 6 :
Réponse B (Partie 1, chapitre 7) : Une personne polyglotte est une personne
qui parle plusieurs langues. Or nous devons pour bien parler au quotidien
adapter notre parole selon les interlocuteurs (mes collègues, en famille,
avec des amis, des voisins, des inconnus…) et les circonstances (en
vacances, sur le lieu de mon travail, dans la rue…). Attention, ce n’est pas
être hypocrite ni manquer d’authenticité, encore moins cesser d’être soi-
même (réponse D) !

210

Question 7 :

Réponse D (Partie 1, chapitre 9) : Il faut s’efforcer de se mettre à la place de


la personne à laquelle on s’adresse (or c’est très désagréable de perdre son
portefeuille !) et choisir des termes positifs pour lui manifester sa sympathie
(malin, intelligent, doué…). Notre cerveau n’aime pas le négatif (bête,
maladroit, malchance).

Question 8 :

Réponse B (Partie 2, chapitre 1) : Il est préférable de choisir pour cet


échange un lieu tranquille, préservé de toute distraction ou de tout
dérangement. Un bar animé ne convient donc pas.

Question 9 :

Réponses B et D (Partie 2, chapitre 1) : Mon interlocuteur doit être


compétent et qualifié pour répondre favorablement et efficacement à ma
demande. Aussi le responsable du rayon sera-t-il plus à même d’être
habilité à m’accorder une remise importante (réponse B). De plus, il est
préférable de bien préparer sa demande ; une demande, cela ne s’improvise
pas (réponse D). En revanche, il faut éviter d’exprimer une demande quand
notre interlocuteur est distrait ou préoccupé, et attendre qu’il soit disponible
et bienveillant et que les circonstances soient favorables.

211

Question 10 :
Réponse A (Partie 2, chapitre 1) : Pour capter l’attention, on peut
commencer par un « S’il vous plaît ! » immédiatement suivi d’un «
Bonjour… » une fois le contact établi. Cela vaut en particulier dans le cas
où il convient d’interpeller quelqu’un qui est occupé ou inattentif. On va
surtout capter l’attention avec la voix et avec le corps, bien plus qu’avec des
mots : la voix doit être sonore, ce qui ne signifie pas nécessairement
volumineuse (ne pas hurler ni crier !) et il faut bien articuler.

Question 11 :

Réponses A et D (Partie 2, chapitre 2) : Il faut éviter les mimiques qui


peuvent nous trahir, et les parasites sonores qui manifestent embarras et
gêne. En revanche, n’hésitez pas à terminer votre phrase si l’interlocuteur
vous coupe la parole, sans hausser la voix, sans modifier ni le ton, ni le
rythme de ce que l’on dit. Et la timidité et le manque d’assurance ne doivent
pas vous empêcher de parler, il faut oser vous exprimer.

Question 12 :

Réponses B (Partie 2, chapitre 2) : Un pitch est une présentation condensée


d’un projet ou d’une idée destinée à convaincre un interlocuteur. Le
contexte est celui de l’urgence : Il faut très rapidement susciter l’impression
la plus forte et la plus favorable possible. Ce n’est donc pas nécessaire pour
se plaindre auprès du service après-vente d’un appareil qui ne fonctionne
pas.

212

Notes

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Chapitre 3

Pour

aller plus
loin

Je voudrais ouvrir cette courte bibliographie de manière pa-radoxale en


conseillant non pas des livres mais plutôt des vidéos.

Évidemment, les publications sont intéressantes — et j’es-père bien entendu


que le livre que vous tenez entre vos mains vous a été utile, ne serait-ce que
parce qu’il a mis des mots sur les choses — mais quand il s’agit de
prodiguer des conseils pour une meilleure prise de parole, rien ne rem-place
la démonstration par l’exemple.

215

Il existe ainsi de (très) nombreux programmes courts sur Internet qui


proposent gratuitement leur aide et donnent parfois de judicieux exemples.
C’est souvent stimulant, engageant, inspirant.

Mais comment s’y retrouver dans la profusion d’une offre où l’on trouve le
meilleur comme le pire ?

Je vous suggère de suivre sur YouTube les publications de Clément


Viktorovitch6 (que vous connaissez peut-être pour l’avoir vu sur une chaîne
de télévision ou entendu à la radio) : il décrypte la rhétorique des discours
et des petites phrases politiques mais il donne aussi des clés pour utiliser au
quotidien tel ou tel procédé.

Vous pouvez également consulter régulièrement le site de l’Académie de


l’éloquence7 où des vidéos sont régulièrement publiées sur tel ou tel aspect
pratique de la prise de parole.

Mais côté livres, voici deux références qui abordent le sujet de manière très
concrète :

K Vous allez adorer prendre la parole ! de Martine Guillaud (Robert


Laffont, 2021) ;

K Convaincre en moins de 2 minutes de Nicholas Boothman (Marabout,


2019).
6 Essentiellement via la chaîne YouTube « franceinfo », dans la playlist «
Entre les

lignes » : https://www.youtube.com/c/franceinfo/playlists

7 www.academie-eloquence.com

216

Plus ludique et à l’usage des petits et des grands : K 70 virelangues et


trompe-oreilles : apprendre à mieux articuler, améliorer sa diction et son
élocution (éditions Rawsky), disponible en seconde main.

Trois « classiques » qui ont marqué ces dernières années le retour de


l’éloquence dans notre actualité et notre culture : K Les secrets de la
communication de Richard Bandler et John Grinder (J’ai Lu, 2011) ;

K Porter sa voix de Stéphane de Freitas (Le Robert, 2021) ; K La parole est


un sport de combat de Bertrand Périer (Livre de poche, 2019).

Enfin, pour rapidement fixer le lexique propre à l’éloquence et rappeler


quelques références historiques et culturelles : K Les 100 mots de
l’éloquence de Éric Cobast (collection « Que sais-je ? », P.U.F., 2019).

217

Conclusion

Bien parler pour mieux vivre

Faire descendre l’éloquence de l’estrade et l’éloigner des pu-pitres ou de la


scène où on en fait depuis quelques années un spectacle, une démonstration
de « brio », un exercice académique plutôt intimidant, tel était dans ces
pages notre souci. C’était reprendre à notre compte cet aphorisme de Pascal
: « La vraie éloquence se moque de l’éloquence. » En effet, l’éloquence ne
se soucie pas d’être éloquente, elle n’a que faire des artifices complaisants
auxquels on voudrait parfois, avec de bonnes ou de moins bonnes intentions
d’ailleurs, la réduire. L’éloquence, c’est tout simplement l’efficacité rendue
à la parole et la confiance restaurée pour celui qui la prend au quotidien,
cette parole.

De fait, bien parler nous concerne toutes et tous. Et ce n’est pas parce que
nous ne lui prêtons plus attention, tant son usage nous semble naturel, que
la parole est toujours facile. Au contraire, la vie de tous les jours et les
situations ordinaires qu’elle charrie ne cessent de nous faire connaître et
reconnaître les minuscules imperfections, les petites 219

défaillances ou parfois même les grands embarras auxquels nous sommes


confrontés lorsque nous avons à nous exprimer, lorsqu’il faut dire quelque
chose, échanger. Or c’est un fait, nous ne pouvons pas nous empêcher de
parler : notre humanité est faite d’une interaction constante, ininterrompue
et nécessaire avec nos semblables. Même dans la plus grande des solitudes
se poursuit le dialogue que j’entretiens dans ma mémoire avec celles et
ceux que j’ai croisés, que j’ai connus, que j’ai lus, celles et ceux qui m’ont
élevé et avec lesquels je n’ai jamais cessé de vivre.

Parce que c’est le langage qui nous fait exister, apprendre à bien parler,
c’est apprendre à mieux vivre. Explorer ainsi, comme nous venons en toute
simplicité de le faire, le pouvoir des signes, qu’ils soient verbaux ou non
verbaux, c’est dans tous les cas non seulement entrer dans une réflexion
essentielle sur le langage mais c’est surtout chercher à mieux se connaître et
à mieux connaître les autres.

L’éloquence, pour ce qu’elle nous demande de maîtrise de nous-mêmes, de


disponibilité d’esprit, de capacité d’adaptation et de générosité, est une
véritable sagesse, une sagesse à disposition et à portée de toutes et tous,
avec pour horizon, comme toute sagesse, de nous rendre plus heureux.

220

Merci d’avoir choisi ce livre Eyrolles. Nous espérons que votre lecture vous
a plu et éclairé(e).

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Sommaire
Avant-propos
Partie 1 : Ce que parler « veut dire »
Chapitre 1 - Parler, c’est toujours dire le manque
Chapitre 2 - La parole est une « performance »
Chapitre 3 - On ne parle jamais pour ne rien dire
Chapitre 4 - Parler, c’est prendre le risque d’être jugé sur
l’apparence
Chapitre 5 - Tout parle à travers moi
Chapitre 6 - Autour de moi tout « fait signe »
Chapitre 7 - Dès qu’il s’agit de parler, je deviens polyglotte
Chapitre 8 - Il faut toujours trouver sa voix
Chapitre 9 - Prendre garde de choisir les mots pour le dire
Chapitre 10 - Je ne parle que pour vos yeux
Partie 2 : 20 situations pour tous les jours
Chapitre 1 - Le contact
Aborder
Demander
Chapitre 2 - Il faut bien le dire
Exprimer
Annoncer/Déclarer
Chapitre 3 - Le cœur et la raison
Expliquer/Démontrer
Convaincre/Persuader
Chapitre 4 - L’échange
Converser/Dialoguer/Débattre
Écouter/Répondre/Questionner
Chapitre 5 - L’intention qui compte
Défendre/Accuser/Revendiquer
Reconnaître/Avouer
Partie 3 : Action !
Chapitre 1 - Vingt questions incontournables
Chapitre 2 - Évaluer ses forces, ses faiblesses et mesurer ses
progrès
Chapitre 3 - Pour aller plus loin
Conclusion

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