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Carpentier

Axel DM Philosophie

Lorsque nous évoquons le vrai, nous faisons évidemment référence à la vérité. Celle-
ci peut être définie comme la concordance ou la correspondance entre une proposition ou
une affirmation et la réalité. Il s'agit d'un concept philosophique complexe qui peut être
examiné sous différents points de vue, comme dans le domaine de la science, de la logique
ou encore de la morale. Quant à l'illusion, elle est une perception fausse ou une
interprétation erronée de la réalité, où quelque chose est perçu différemment de sa
véritable nature. Cela peut se manifester de diverses façons, comme les illusions optiques,
auditives, tactiles ou cognitives. Les illusions peuvent être créées par des manipulations de
la lumière, du son, des informations sensorielles ou des processus mentaux, et elles ont le
pouvoir de tromper nos sens et de fausser nos jugements ainsi que nos croyances. Si
l’illusion peut-nous rendre plus heureux, faut-il alors la préférer à la vérité si celle-ci nous
rend tristes ? A première vue il semble que celui-ci préfère vivre dans l’illusion qui ne lui
pose aucun problème mais cette idée est-elle vérifiable.
Pour traiter cette question nous commencerons dans une première partie par nous
demander si l’illusion n’est pas en effet à définir comme une sorte de fuite du réel et une
manière de trouver un réconfort par rapport à une réalité frustrante, puis nous nous
demanderons ensuite en quel sens la vérité serait alors préférable par principe à cette
forme d’aveuglement et enfin, nous nous nous demanderons s’il existe ou non des illusions
positives et nécessaires.

Il existe différentes sortes d’illusions, celles qui sont basées simplement sur nos sens
(illusions perceptives) et celles qui sont fondées sur les dérives de notre imagination
(illusions psychologiques). Lorsque la réalité est froide et décevante, en décalage par
rapport à nos aspirations, il nous est assez facile de nous laisser aller à rêver, à embellir la
réalité, et de nous inventer des croyances, un monde imaginaire qui vient combler nos
frustrations ou nous apaiser. La fabrication de ce monde fantastique peut être interprétée
alors comme une compensation. C’est d’ailleurs le propre des enfants que de se projeter
sans cesse dans un monde « onirique », celui des histoires inventées et enchantées, pour se
réfugier ou fuir le quotidien vers un monde fait d’émerveillement. C’est le cas de la plupart
des hommes qui ne cessent de s’inventer des croyances imaginaires ou qui aujourd’hui
préfèrent se réfugier dans des mondes virtuels grâce à la technologie moderne.

Il semblerait moins difficile de se réfugier dans certaines croyances imaginaires pour


se protéger de la réalité parfois cruelle. La fuite dans l’illusion pourrait alors nous apparaître
positive et préférable par rapport à une réalité finalement déprimante au sens où il s’agirait
d’une stratégie de diversion c’est-à-dire de « divertissement ». Le philosophe “Pascal”,
dans “Les Pensées”, définissait le divertissement comme une stratégie que l’homme
préfère mettre en place pour fuir la triste réalité de sa condition (le négatif : les hommes
pour ne pas en être troublé, préfèrent ne pas trop y penser) « la mort, la misère,
l’ignorance, ils se sont avisés, pour se rendre heureux, de n’y point penser ». Telle est la
définition la plus simple que Pascal donne de ce qu’il appelle le divertissement. Il s’agit
donc de la manière que nous avons, quotidiennement, de nous dissimuler notre existence
véritable, si les hommes placent leur bonheur dans des activités sociales multiformes qui
relèvent d’une agitation incessante, c’est au fond pour fuir la conscience de leur nature
mortelle. Finalement, pour être heureux, l’homme fait le choix de penser à autre chose qu’à
ce qui le gêne, l’adhésion à des illusions est le résultat de ce même mécanisme.

Mais cette fuite du réel rend-t-il l’homme plus heureux se demande alors Pascal ?
Pour celui-ci, " l’illusion est folle " Autrement dit, le divertissement est toujours fragile et la
réalité du malheur qu’implique la vie peut revenir à chaque moment brutalement. De
même pour l’illusion, on peut penser qu’il serait plus confortable de ne pas voir certaines
choses pour ne pas en être troublé, de fuir la vérité triste pour se réfugier dans l’illusion
heureuse, mais rien ne nous garantit que la réalité ne vienne pas refaire surface d’autant
plus brutalement que nous aurons auparavant refuser de la voir. Si l’on veut agir sur la
réalité, pouvoir y faire face et ne pas avoir à la subir, n’est-il pas nécessaire de perdre ses
illusions et de chercher avant tout la vérité ?

Par principe, nous pourrions nous demander s’il n’est pas nécessaire d’affirmer que la
vérité est toujours préférable par rapport à l’illusion si cette dernière nous condamne à ne
pas voir les choses comme elles sont, et donc à subir une forme d’ignorance, à être en
position de fragilité et d’impuissance. Tout d’abord, l’on peut souligner le fait que si
l’illusion peut nous soulager et nous aider un certain temps, elle nous expose aussi toujours
au risque de nous faire connaître ensuite la désillusion. On peut s’illusionner, par exemple,
sur ses compétences un certain temps mais échouer à un examen parce qu’on croyait qu’on
allait le réussir facilement. Ensuite, on peut noter que même si l’illusion est consolante, elle
ne nous permet pas de nous adapter aux exigences véritables du réel et, en nous
détournant du monde tel qu’il est, nous prive de la possibilité de nous y confronter
directement pour pouvoir le changer et le transformer. Si l’illusion est une fuite du réel, elle
nous condamne aussi à une forme de faiblesse à l’égard de ce réel qui nous échappe,
surtout lorsque l’illusion se transforme en folie. N’est-il pas préférable, face à une triste et
difficile réalité, d’apprendre à la regarder pour elle-même pour pouvoir la modifier ?

L'allégorie de la caverne souligne l'importance de l'éducation. Selon Platon,


l'éducation est la clé pour sortir de l'ignorance et atteindre la véritable réalité. Cependant,
la vérité peut être difficile à accepter pour ceux qui sont confortablement installés dans leur
ignorance. Platon considère que les philosophes, qui ont accédé à la connaissance, ont la
responsabilité de revenir dans le monde des ombres pour éclairer les autres et les guider
vers la vérité. L'allégorie de la caverne de Platon est une métaphore puissante qui
représente le passage de l'ignorance à la connaissance par l'éducation. Elle souligne la
différence entre les apparences et la véritable réalité. L’exemple de l’allégorie de la caverne
par Platon nous permet donc bien de nous demander dans qu’elle sens la vérité est-elle
préférable lorsque que l’on est aveuglé par l’illusion.
Les hommes ne réussiront sans doute jamais à perdre toute forme d’illusion, si l’illusion
trouve sa racine dans la satisfaction imaginaire d’un désir, et si le désir se renouvelle sans
cesse et en quelque sorte du réel, alors il semble difficile d’imaginer pouvoir perdre nos
illusions, se passer de certaines croyances. D’ailleurs l’illusion, tout en étant inévitable,
n’est-elle pas parfois nécessaire et utile ? N’est-elle pas ce qui nous aide à vivre ? Ne peut-
elle pas être choisie en connaissance de cause ? L’illusion en tant que satisfaction
imaginaire d’un désir peut être estimée et évaluée différemment selon son utilité pour la
vie, n’y a-t-il pas des illusions qui sont favorables et d’autres dont il faut apprendre à se
garder ?

On pourrait tout d’abord rappeler avec Rousseau que puisque l’homme est un être
de désir, il ne cesse d’espérer et d’imaginer, d’attendre de l’avenir et de fantasmer sa vie, le
désir projette en effet l’homme dans une attente qui produit en lui un certain plaisir et,
nous dit Rousseau dans La “Nouvelle Héloïse”, « on jouit moins de ce qu’on obtient que de
ce qu’on espère, et l’on n’est heureux qu’avant d’être heureux ». C’est que l’homme
passionné, l’amoureux fou par exemple, va embellir l’objet sur lequel convergent tous ses
désirs et le sentiment amoureux ressemble alors furieusement à une sorte d’illusion. Mais
après le fantasme amoureux vient le rapport à la réalité du quotidien et des relations
humaines et alors « tout ce prestige disparaît devant l’objet même » et « l’illusion cesse où
commence la jouissance. Ce que veut dire ici Rousseau c’est l’homme ne peut pas
s’empêcher de désirer et donc de rêver à des choses qui sont en partie illusoires, mais il
trouve déjà dans ses fantasmes une forme de satisfaction par rapport à une réalité qui elle
s’avère être décevante. Autrement dit, l’illusion est un facteur du bonheur.

Nous pourrions même supposer que certaines vérités pour être énoncées et
comprises doivent passer par la fiction artistique, la littérature notamment ou le cinéma, ne
faut-il pas fabriquer des fictions pour pouvoir réussir à dire certaines vérités ? La fable, les
contes, la science-fiction, le roman, la peinture et le cinéma, bien qu’appartenant à l’ordre
de la fiction peuvent bien entendu parvenir à témoigner de certaines réalités sociales.

En conclusion, si on définit l’illusion comme une sorte de satisfaction imaginaire née


d’un désir et si le désir ne se satisfait jamais complètement du réel, vivre sans illusion
supposerait que l’on renonce à bon nombre de nos désirs. Bien souvent nous fantasmons
notre vie et c’est cet imaginaire qui semble indispensable au bonheur. Le bonheur ne
consiste-t-il pas à imaginer notre joie comme possible ? Par ailleurs, l’illusion est souvent
positive lorsqu’elle est reconnue comme telle et volontairement admise comme fiction et
spectacle, plaisir de l’artifice et du trompe-l'œil. Ainsi, si la vérité est nécessaire et si
l’homme doit se méfier des illusions qu’il ignore et dont il est victime, il peut tout au
contraire s’amuser et se divertir, se nourrir des illusions qu’il reconnait comme telle
notamment à travers
l’imaginaire.

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