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La régulation de l'expression architecturale et urbaine au Maroc

lors de la période coloniale (1912-1956)

Essebbar Soufiane
Architecte doctorant, Centre des Etudes Doctorales, Ecole Nationale d’Architecture, Rabat
s.essabbar@enarabat.ac.ma

Résumé
Sous la tutelle du protectorat français au Maroc entre 1912 et 1956, plusieurs opérations de mise en
valeur du territoire se sont déclenchées, et de nouvelles villes se sont fondées à côté des cités
anciennes (les médinas). Les villes coloniales se retrouvent donc dans un contexte dichotomique
opposant modernité européenne avec la réalité marocaine traditionnelle.
Un processus complexe a été déployé pour la fabrication urbaine et la régulation des nouvelles
villes coloniales. Il a permis à ces dernières d’être des pépinières d’innovations architecturales.
Cette contribution analyse de manière approfondie certains facteurs façonnant l’expression
architecturale et urbaine au Maroc lors de la période coloniale, ainsi que les outils réglementaires et
institutionnels mobilisés pour sa régulation en les approchant dans le contexte politique de l’époque
coloniale et les doctrines qui les ont sous-tendues.

Mots clés : Planification urbaine, documents d’urbanisme, territoires, ville coloniale, Protectorat,
Maroc

The regulation of architectural and urban expression in Morocco during the


colonial period (1912-1956)

Abstract
Under the tutelage of the French protectorate in Morocco between 1912 and 1956, several
operations to develop the territory were launched, and new towns were founded next to the old
cities (the medinas). Therefore, colonial cities find themselves in a dichotomous context opposing
European modernity with traditional Moroccan reality.
A complex process was deployed for the urban fabrication and regulation of the new colonial cities.
It has enabled them to be breeding grounds for architectural innovations.
This contribution analyzes in depth certain factors shaping architectural and urban expression in
Morocco during the colonial period, as well as the regulatory and institutional tools mobilized for
its regulation by approaching them in the political context of the colonial era and the doctrines that
underpinned them.

Keywords: Urban planning, urban planning documents, territories, colonial city, Protectorate,
Morocco

Introduction

L’urbanisme est par essence une affaire d’ordre et de contrôle. Il s’agit d’un acte volontaire visant à
créer une situation ordonnée, et qui revêt donc une importance primordiale, et ce, vu son impact
significatif sur les plans économique, environnemental et social... . Une telle importance exige des
efforts énormes en termes de réglementation urbanistique et architecturale, et par voie de
conséquence, une difficulté de maitriser leurs dispositions et une prolifération de ses répercussions
(qualité, créativité, usage, contraintes spatiales, politiques, culturelles…).

64
Introduit par le protectorat français au Maroc (1912 et 1956), l’urbanisme a déclenché des
changements urbains remarquables. Sous la tutelle du premier Résident Général Louis-Hubert
Gonzalve Lyautey (1854-1934), plusieurs opérations de mise en valeur du territoire ont été lancées
et de nouvelles villes sont fondées à côté des cités anciennes (les médinas).

Ayant des visées politiques, financières et économiques, le protectorat français prétend apporter du
progrès, de la sécurité et du bien-être, et construit des villes nouvelles exprimant un nouveau régime
qui voulait afficher son image et sa suprématie au travers l’architecture. « Le drapeau de la France
sur les continents étrangers ne signifie pas seulement l’orgueil des victoires remportées et des terres
conquises. Il est le symbole d’une certaine forme de civilisation, d’une conception de l’homme, de
tout un ensemble de valeurs spirituelles » (Girardet 1972 : 132-136)1.

Dans cette contribution, nous essayerons de révéler de manière approfondie certains facteurs ayant
influencé l’expression architecturale et urbaine au Maroc lors de la période coloniale (1912-1956).
Nous analyserons, par la même occasion, les outils réglementaires et institutionnels déployés pour
sa régulation. Ainsi, nous nous interrogeons sur le cadre réglementaire qui a participé à construire
l’expression architecturale et urbaine de cette période coloniale dans le contexte antagonique de
l’idéal colonial français face à l’architecture marocaine traditionnelle. Ce qui nous mène à poser la
question qui suit :
Quel était le rôle de la réglementation urbanistique et architecturale dans l’expression et la
régulation des nouvelles villes coloniales dans le contexte discordant entre l’idéal colonial moderne
et la réalité urbaine marocaine traditionnelle ?

L’examen des travaux et des recherches scientifiques révèle que la compréhension de ces nouvelles
villes coloniales et les différents phénomènes urbains qu'elles ont engendrés, ont attiré l’attention de
plusieurs chercheurs suivant divers angles : spatial, politique, social, économique, … . Toutefois,
nous constatons que rarement la réglementation urbanistique et architecturale a constitué une entrée
pour comprendre les phénomènes urbains et les processus d’urbanisation.

Pour contribuer à la formulation des éléments de réponse clarifiant cette problématique, ce travail
propose tout d’abord, de préciser les expressions architecturales et urbaines majeures lors de la
période coloniale (1912-1956) en les approchant dans le contexte politique de l’époque coloniale et
les doctrines qui les ont sous-tendues. Avant de relever et d’analyser, dans un deuxième lieu,
l’ensemble des règlements promulgués après l’établissement du protectorat français au Maroc.
Nous rappelons que la question principale étant de comprendre l’ensemble des facteurs dans le
processus de la fabrique urbaine des villes coloniales. C’est pourquoi nous nous attarderons dans un
troisième moment sur le cadre institutionnel employé dans ce processus de fabrique urbaine (sa
conception, sa réalisation, son contrôle).

Au registre de la recherche, certains auteurs se sont intéressés aux principes de création des villes
coloniales. A ce sujet, Gillot. G2 s’est penché sur le cas des villes coloniales au Maroc. Il a essayé
de tracer la chaîne des logiques employées dans la construction des villes sur la base du compte
rendu du Congrès International d’Urbanisme aux colonies et dans les pays de latitude intertropicale
qui s’est tenu du 10 au 15 octobre au cœur de l’Exposition coloniale de 1931 au bois de Vincennes,
publié dès 1932. Il explique les raisons d’adoption des notions de progrès, de science, de
représentation de respect d’un état fort, d’hygiénisme dans la fabrication des nouvelles villes
coloniales.

1
Girardet, Raoul. 1972. L’idée coloniale en France de 1871 à 1962, Paris, La Table Ronde, coll. « Pluriel ».
2
Gillot Gaëlle, 2016, « La ville nouvelle coloniale au Maroc : moderne, salubre, verte, vaste ».
65
De son côté, le travail de Jelidi. C3 a abordé le sujet des villes coloniales au Maroc comme objet de
recherche dans toute son épaisseur chronologique, et a approfondi les différents mécanismes du
processus de fabrication d’une ville nouvelle, en l’occurrence la ville de Fès.

Sur un autre registre, Théliol. M4 traite l’approche coloniale de préservation du patrimoine


architectural et urbain et le cas exceptionnel du Maroc, notamment celui de la médina de Rabat, et
cela, dès les premières années du Protectorat français (1912-1914). Elle explique dans sa
publication la volonté du Résident Général Lyautey à préserver le caractère historique, esthétique et
pittoresque des anciennes médinas. Elle précise également le mode opératoire de cette politique et
le rôle du service des Antiquités, Beaux-Arts et Monuments Historiques et d’un corpus de règles
d’urbanisme.

1. La nouvelle ville marocaine : une pépinière d’innovations architecturales et urbaines

Le protectorat français a toujours considéré la ville coloniale comme un laboratoire de pratiques et


d’expérimentations architecturales et urbanistiques5.

Le Résident Général Huber Lyautey ramène des urbanistes et des juristes au Maroc pour concevoir
l’aménagement des nouvelles villes européennes et impose le respect des réglementations
permettant son application. Il confie à Guillaume de Tarde, directeur des affaires civiles,
l’élaboration d’une législation pour les agglomérations coloniales, et accorde à Henri Prost, la
direction des services d’architecture et d’urbanisme du protectorat6.

Les architectes coloniaux ont été confrontés à plusieurs problématiques lors de la fabrication de la
ville moderne, notamment : la présence d’un tissu urbain traditionnel (médinas), différence
culturelle et cultuelle, ségrégation sociale… tout au long de l’histoire de la colonisation française au
Maroc, deux approches ont été adoptées :

1.1 Expression contextualiste (avec Henri Prost)

L’expression contextualiste consiste en une expression architecturale nouvelle inspirée de


l’architecture marocaine traditionnelle. Elle se traduit par un mélange du style architectural
marocain avec des éléments d'architecture européenne donnant lieu au mouvement d’arabisances7.

D’un côté, l’Etat colonial français a été très sensible à l’architecture marocaine arabo-musulmane,
ce pourquoi le service des Beaux-Arts et des Monuments Historiques a lancé des recherches
exhaustives sur les médinas et monuments marocains afin de décerner les éléments architectoniques
et principes de l’architecture marocaine. « Des relevés attentifs des formes bâties. Non seulement

3
Jelidi Charlotte, 2010, « La fabrication d’une ville nouvelle sous le Protectorat français au Maroc (1912-1956) :
Fès-nouvelle ».
4
Mylène Théliol, « Aménagement et préservation de la médina de Rabat entre 1912 et 1956 », Les Cahiers d’EMAM
[En ligne], 22 | 2014, mis en ligne le 31 décembre 2013, consulté le 03 mai 2019. URL :
http://journals.openedition.org/emam/548 ; DOI : 10.4000/emam.548
5
Voir à ce sujet l’article de Gaudin (J.-P.), “Tours et détours coloniaux de l’urbanisme français”, Dossiers des
Séminaires Techniques, Territoires et Sociétés, n°4, avril 1988.
6
Hélène Vacher, 1997, Op. cit., p. 202 et Jean Paulhan, Guillaume De Tarde, Correspondances (1904-1920), Cahier n°
1 de Jean Paulhan, Gallimard, Paris, 1980, p. 206.
7
- Arabisance désigne ce style architectural du Maghreb étroitement lié à la colonisation française qui a fleuri tout au
long du 20e siècle. Ce style d'imitation est l'objet d'interprétations plus libres, mêlées d'éléments stylistiques européens,
et s'inscrivant dans la lignée du « style néo-mauresque », aux tournures arabisantes, développé à partir de techniques
plus modernes, conçu à partir des traditions architecturales locales pour atténuer un néo-classicisme occidental
malvenu, et élaboré autant par souci du pittoresque que par préoccupation politique, notamment au Maroc en Algérie et
en Tunisie, durant la période coloniale.
66
des bâtiments les plus remarquables mais aussi des ensembles de maisons (à Rabat et à Salé), dans
leurs agencements courants, leur rapport à la rue et aux places, les articulations du public et du
privé. Ce travail sur la typologie de l’habitat des villes marocaines aboutit à un enrichissement des
méthodes d’enquête et d’étude, mais également à la mise en place de politiques de protection (…)
ainsi qu’à la “recréation” de quartiers indigènes qui se situent bien au-delà du pastiche, tel le
quartier des “Habous” à Casablanca. D’une prédilection un peu décadente pour l’orientalisme, on
était ainsi passé à une analyse urbaine anticipatrice, faisant place à l’occupation des sites, aux
formes bâties mais aussi aux “mœurs locales”, ces différentes composantes paraissant inséparables
les unes des autres. » Écrit J.-P Gaudin8.

En même temps, Il y a d’autres faits qui révèlent que ce métissage architectural d’Arabisance était
une tactique pour ne pas choquer les marocains. Cette manipulation politique du visible escomptait
d'établir une alliance avec les pouvoirs locaux, comme le démontre l’ouvrage intitulé
(Arabisances de F. Béguin (1983). Une réappropriation des techniques constructives traditionnelles
s’est donc développée différemment dans les trois pays du Maghreb (Maroc, Algérie et Tunisie),
suivant des contextes différents (encouragée par l’Etat et par des comités, ou émanant d’initiatives
privées de la part de certains architectes, etc.). L’objectif était de bien asseoir le rôle de protecteur
par le pouvoir français, après plusieurs années de rigueur néo-classique perçue par les populations
autochtones comme le style du colonialisme.

Fig. 1 : Photographie de l’avenue Dar El Maghzen à Rabat (actuellement Avenue Mohammed V),
Ses façades sont un exemple du style Arabisance Source : [En ligne].Disponible sur :
<https://slideplayer.fr/slide/1687100/> (Consulté le 16/05/2020)

8
Gaudin (J.-P.), op.cit., pp.54-55.
67
Dans ce sens, H. Prost développe le concept de « l’architecture de surface »9 qui consiste en un
contraste entre un intérieur occidentalisé et un extérieur orientalisé. Il propose de travailler à
l’intérieur des édifices aux procédés constructifs occidentaux, et de traiter les façades comme
enveloppe extérieure au style d’arabisances. La façade est donc ornementée d’éléments décoratifs et
plastiques référés à l’architecture marocaine, utilisant des matériaux locaux notamment le zellige, le
bois sculpté, le plâtre, la tuile…ainsi que des éléments architectoniques marocains, à savoir : les
coupoles, les arcades, les colonnes, les frises ornementées… .

D’autre part, La conception de la ville nouvelle devait tenir compte d’un principe de séparation de
la ville « indigène » et de la ville européenne et de préservation et protection de la médina. De
même, vouloir protéger les médinas était une façon aussi de la laisser périr doucement.

La théorie de la séparation imposée par Lyautey va engendrer un changement de perception et de


traitement des villes musulmanes. Si la ville coloniale témoigne avant tout, dans son tracé et sa
réalisation, d’un souci de rationalité qui puise ses méthodes dans une nouvelle doctrine, le
traitement de la ville musulmane est perçu par contre, à travers le statut qui lui est conféré, comme
un objet prônant un esthétisme pittoresque qui la condamne à l’inertie. Les médinas vont
être intégrées dans les villes nouvelles, spatialement annexées sous forme de zone homogène,
asphyxiées de l’extérieur et réduites, par d’excessives contraintes à une inertie qui fige leurs aspects
panoramiques en de superbes points de vue pour les principales perspectives des villes modernes.

Fig. 2 : Plan de Rabat-Salé avant 1913 Fig. 3 : Plan d’aménagement de Rabat


établi par Henri Prost établi par Henri Prost

Source : L'urbanisme aux colonies et dans les pays tropicaux. Tome premier : communications &
rapports du Congrès international de l'urbanisme aux colonies et dans les pays de latitude
intertropicale, [Paris-Vincennes, du 10 au 15 octobre 1931]

9
La ville coloniale au Maroc :objet de savoirs, objet de projets. Sciences sociales, Architecture, Urbanisme.
Communication de Abdelmadjid Arrif au séminaire « Architectures exportées : transferts, expérimentations,
métissages», Laboratoire Urbama (Université de Tours), équipe LAA (EA Paris-la Villette), laboratoire Ladrhaus (l'EA
Versailles), Tours, 1993, « Architectures exportées : transferts, expérimentations, métissages ».

68
« Toute l’ambiguïté de cette politique urbaine coloniale est dans cette pratique paradoxale de
valorisation d’un passé dans un futur exproprié »10. C’est ainsi que la ville coloniale privait la cité
musulmane de son développement endogène. En d’autres termes, elle s’appropriait son
développement en la condamnant dans un passé inerte qu’elle prétend de préserver.

1.2 Expression universaliste (avec Michel Écochard)

La fin des années 1940 a été marquée par une migration sans équivoque vers les nouvelles villes
coloniales. Suite à cela, Michel Ecochard, architecte responsable de l'établissement des nouveaux
plans d'aménagement, a introduit des formes nouvelles loin du mouvement d'arabisances et de
l'expression coloniale contextualiste. Sa nouvelle expression s’inscrit dans une logique
d'universalité connue comme architecture moderne. En adoptant une architecture progressiste et
standardisée, pour faire habiter le plus grand nombre des Marocains à travers la création de
logements économiques selon une trame appelée « trame d’Ecochard »11 .
« Une uniformité théorique, écrit J. Dethier, est censée réduire les multiples variantes de la société,
de la géographie et des mœurs, des ethnies, du climat et des matériaux à un seul dénominateur
commun ; c’est l’image schématique d’un Marocain-type »12.

Le quartier des « Carrières Centrales » est la première application effective de « la trame


d’Ecochard ». Le quartier consiste en une concentration horizontale et verticale, montrant la
souplesse de la trame du quartier sur laquelle sont implantés différents types de construction.

Fig. 4 : Vue aérienne sur le quartier des « Carrières Centrales » de Casablanca en 1952, à côté du
plus vieux bidonville d'Afrique du Nord Source : Casa Mémoire

10
Mouline, Said (1987) Architecture Métissée et Patrimoine. In: Old cultures in new worlds. 8th ICOMOS General
Assembly and International Symposium. Programme report - Compte rendu. US/ICOMOS, Washington, p. 715-722.
[Chapitre de livres]
11
La trame Ecochard ou trame sanitaire : Ce sont des quartiers d'habitat populaire, dont les lots font 64m² (de 8 mètres
sur 8m) pour la construction d’une habitation destinée aux classes démunies.
12
Dethier (J.), “Soixante ans d’urbanisme au Maroc. L’évolution des idées et des réalisations”, Bulletin Economique et
Social du Maroc, n° 118-119, p.35.
69
Le but principal du projet est de créer différents types d’habitation à patio destinés aux marocains,
afin de résorber provisoirement les bidonvilles, et de proposer à cette population marocaine des
bâtiments modernes en hauteur avec des ouvertures et patios superposés ouvert sur l’extérieur.

Au niveau du quartier cette fois-ci, l’architecte et l’urbaniste français, Michel Ecochard, dresse son
modèle urbain sur la base des unités de voisinage13 qui regroupe en plus des habitations, des
parcours piétons et des équipements de proximité (Mosquée, Four, Hammam, Ecole coranique…).

Fig. 5 : Schéma de fonctionnement et programme des unités de voisinage chez Michel Ecochard
Source : « Urbanisme et construction pour le plus grand nombre »: conférence donnée le 10 février
1950 à la Chambre de commerce et de l'industrie de Casablanca. Par M. Michel Ecochard.
Numéro 148 d’Annales de l'Institut technique du bâtiment et des travaux publics

Ce modèle s’inscrit dans la lignée de pensée importée des Etats Unis de Clarence Perry des
« neighborhood units14 » que Michel Ecochard s’en est inspiré lors de sa mission d’étude aux Etats-
Unis avec Le Corbusier et Bodiansky.
George Candilis15 rejoint l’ATBAT-Afrique (une filiale de l’Atelier des bâtisseurs16), dont il
devient directeur dès 1951. Michel Ecochard lui confie la réalisation d’un chantier aux Carrières

13
En urbanisme, le concept d'unité de voisinage a été développé au cours des années 1930 aux États-Unis. Il s'agit d'un
ensemble d'habitations groupées autour d'une école primaire et formant l'unité de base du développement des banlieues
nord-américaines.
14
Perry, Clarence, “The Neighborhood Unit : a Scheme of Arrangement for the Family Life Community”,
dans Regional Plan of New York, vol. 7, New York : Regional Plan Association”, 1929. La notion est introduite par la
délégation américaine au congrès Ciam de Bridgewater en 1947.
70
Centrales proposant une alternative à la trame horizontale. George Candilis apporte comme
contribution principale son idée de "l'habitat du plus grand nombre". Cette idée lui est venue
de Michel Écochard, avec qui Woods et Candilis ont présenté en 1953 leurs travaux au Maroc lors
du neuvième CIAM (Congrès international d'architecture moderne).

La contribution de l’ATBAT- Afrique (Candilis, Woods, Piot et Bodiansky) présente trois


bâtiments collectifs typologiques et radicaux, implantés en « U », au milieu de la trame horizontale
d’Ecochard (le Sémiramis17 et le Nid d’abeille18). Ce sont les premières tentatives du protectorat
français de construction de nouveaux logements pour les colonisés plutôt que pour les colonisateurs.
Alors que l'idée était de fournir aux travailleurs et aux migrants ruraux des options de logement
abordable, le nouveau modèle développé s'est révélé trop coûteux pour la plupart des habitants des
bidonvilles.

Fig. 6 : Nid D'Abeille à son achèvement en 1952 Source : Casa Mémoire

La notion du contrôle climatique des bâtiments a été introduite grâce à l'usage des espaces tampons
entre l'intérieur et l'extérieur. Les coursives, escaliers, balcons, patios couverts, loggias créent un jeu
de plein et de vide où le relief est accentué par la lumière du jour.

15
Georges Candilis est un architecte et urbaniste grec. Il se rend à Tanger au début des années 1950, où il rejoint
l'antenne africaine de l'Atelier des bâtisseurs (ATBAT).
16
L’Atelier des Bâtisseurs a été fondé en 1947. Le Corbusier, Bodiansky, Wogensky et Marcel Piot, ainsi que Lefebvre
dans le rôle de l’administrateur, en furent les principaux créateurs.
17
Le Sémiramis, orienté à l’Est et à l’ouest, et qui intègre dans la solution typologique la morphologie du terrain en
pente. Les logements sont distribués un étage sur deux par des coursives en façade, qui mènent aux patios privés.
Les appartements sont traversants et font environ 35 m habitables, aménagés de façon très simple ; l’escalier extérieur
conduit aux coursives, puis au patio, puis au vestibule -coin cuisine qui distribue les pièces d’eau et les deux chambres.
Au moins trois dispositifs filtrent le passage du public au privé : escalier-pallier, galerie, patio.
18
Le Nid d’abeille, orienté nord-sud, qui présente les coursives sur le côté nord, aujourd’hui impossible à reconnaître
suite à la fermeture des patios suspendus.

71
Les redents sont inspirés de l'architecture du Haut Atlas et présente une fonction assez particulière :
les volumes en saillie définissent la frontière de l'espace public, tandis que ceux en creux décrivent
les seuils de l'espace privé. Le point focal de la démarche de l'équipe ATBAT-Afrique était les
espaces intermédiaires et leurs interactions avec la production du logement à haute densité.

2. Genèse d’une réglementation pour l’espace colonial

Le Maroc, perçu comme « une école d’énergie » par Lyautey19, a été d’un apport sans égal au
renforcement des théories planistes et la génération de l’urbanisme en France.

Guillaume de Tarde dresse les dispositions essentielles de l’urbanisme et réclame la nécessité de la


législation : « pas d’urbanisme sans une législation, […] aussi simple, aussi pratique que possible »
(Tarde 1932 : 28)20.

Ainsi, dès l’établissement du protectorat français au Maroc en 1912, « L’administration française


adopte des mesures pour redresser le « désordre » et « vertébrer » la croissance anarchique de la
cité» (Garret 2005. p28). Tout au long des années de sa gouvernance, plusieurs décrets ont été
promulgués, et nous veillerons à en décortiquer les plus importants entre eux :

• Dahir du 16 avril 1914


Dahir relatif aux alignements, plans d’aménagement et d’extension des villes, aux
servitudes et taxes de voiries. Ce dahir est le premier instrument législatif en matière
d’urbanisme au Maroc, et est considéré la première loi d’urbanisme au monde21. Elle
définit les modalités de mise en œuvre du plan de la ville et la réglementation de l'acte de
bâtir. C’est grâce à cette loi que l’Etat a pu créer plusieurs villes nouvelles entre 1915 et
1925 respectant les principes de confort et de salubrité.

Nous allons nous intéresser au Dahir de 1914 sur l’urbanisme pour les raisons suivantes :
• Il représente la première forme de réglementation de l’urbanisme ; toutefois le dahir du 16
avril 1914, relatif aux plans d'aménagement, alignements, servitudes et taxes de voirie, n’a pas
utilisé le terme urbanisme. Cette première forme de réglementation, qui provient directement des
autorités françaises, a favorisé l'avènement et le rayonnement de l’urbanisme francophone.
• Il est pensé comme un modèle bien adapté d’efficacité d’un point de vue juridique.
• En décortiquant le dahir, l’exposé de ses motifs ainsi que sa mise en pratique, on peut saisir
non seulement la nature de l’urbanisme colonial, mais aussi la vraie nature de l’urbanisme en
général.

La fonction initialement assignée à l'urbanisme de l'époque a été la supervision de la colonisation


urbaine, c'est-à-dire la construction de nouvelles villes au profit des colons. C’est là où réside
l'originalité de ce dispositif.
Les populations « indigènes », composées notamment de “musulmans” et “juifs” sont affectés à
résider dans leurs médinas et mellahs. Ces anciennes parties de la ville ont été séparées de la
nouvelle ville par des glacis, afin d’isoler ces populations. Cette colonisation urbaine doit donc être
vue comme résultante de la mise à disposition du terrain à urbaniser à une population qui possède

19
Lyautey déclarait au Lycée d’Oran, le 12 juillet 1907 : « C’est bien ici pour notre race ce qu’est le Far-West pour
l’Amérique, c’est-à-dire le champ par excellence de l’énergie, du rajeunissement et de la fécondité » (Vacher 1997 :
295).
20
Tarde, Guillaume de. 1932. « L'urbanisme en Afrique du Nord. Rapport général », in Jean Royer (éd.), L’urbanisme
aux colonies et dans les pays tropicaux, op. cit., t. I : 27-31.
21
GRET-GRIDAUH : Groupement de recherche sur les institutions et le droit de l'aménagement, de l'urbanisme et de
l'habitat, « Présentation du Droit de l'Urbanisme au Maroc », (en 2003).
72
des revenus élevés. Le plan d'aménagement garantit la préparation urbanistique du sol afin de
l’aménager par le lotisseur loin du contact avec les populations indigènes.
L’autorité du protectorat reconnaît le droit foncier national ; la plupart des droits et biens privés
fonciers et immobiliers (biens melk, en particulier) sont considérés comme des propriétés
susceptibles de résister aux projets de l’urbanisme colonial.
Mais cette acceptation du système foncier national a pour conséquence la mise à disposition, au
profit du Protectorat, des biens du makhzen en une sorte de domaine privé laissé à la discrétion de
l’administration du Protectorat. Ces biens et droits fonciers makhzen sont abondants à cette époque
et situés en plus dans les environs immédiats des médinas22.

Le Protectorat profite également des pouvoirs de mobilisation par le Sultan :


• Des biens fonciers dits Guich qu’il a confiés aux tribus qui constituent sa force armée ;
• Des biens habous, principalement publics, dont il est le protecteur ;
• Des terres collectives dont il est dans des conditions assez imprécises le « propriétaire »
éminent.
Lorsque les terrains publics sont abondants, le Maroc sous le régime du protectorat procède par
lotissements publics pour construire la nouvelle ville par adjudication. Sinon, c'est aux propriétaires
de lotir sous le contrôle de l'administration23.

Dans le cas où il n’y a pas de foncier public, le Maroc avait recours à des moyens plus complexes
comme l’expropriation pour aménagement. Par opposition à l’expropriation de biens pris en tant
que tels, le dahir sur l’expropriation de 1914 utilise l’expression d’expropriation « par zone » afin
d'aménager le foncier selon le plan d'aménagement précédemment élaboré, notamment pour
construire un nouvel équipement.

La formule d’expropriation par zone de 1914 est avant tout ambitieuse. Elle propose que la
puissance publique ait la responsabilité d’assurer la redistribution juste et efficace du sol. Cette
formule garantit la cession du terrain par indemnisation à des investisseurs, lotisseurs, colons, qui
s’engagent à la conformité au plan d'aménagement.
Le dahir prévoit aussi la possibilité de céder la redistribution des assiettes foncières entre les
propriétaires, à condition qu’elle reste conforme aux tracés du plan d'aménagement, après avoir
informé tous les propriétaires.

L'efficacité de ce dispositif juridique et de l’urbanisme qu’il permet est due aux conditions de
l’époque :
• Cette période était marquée par un état d’urgence déployant des efforts juridiques et
organisationnels en temps record. A la date du 16 avril 1914, les règlements d’urbanisme étaient
rédigés et approuvés en l’espace de quatre mois.
• Compétence du personnel, un fort soutien du Résident général, cercle restreint de décideurs,
designers, investisseurs, municipalités actives, disponibilité de ressources… Les réserves foncières
makhzeniennes, qui sont grandes aux alentours des villes traditionnelles, ont été exploitées.

• Dahir du 23 novembre 1917


Dahir relatif aux associations syndicales des propriétaires urbains. Il a permis d’acquérir les terrains
pour les projets urbains de l’Etat, et de pouvoir agir sur les lots coïncidant avec des projections de
voies et places publiques sur les nouveaux plan d’aménagement, et ceci à travers une commission
syndicale des propriétaires urbains.

22
Bouderbala Négib, « Les terres collectives du Maroc dans la première période du protectorat (1912-1930) », Revue
des mondes musulmans et de la Méditerranée, 1996, 79-80 pp. 143-156.
23
Ibid., p.152.
73
• Dahir du 1er avril 1924
Relatif au contrôle du service des Beaux-Arts et des Monuments historiques sur certaines demandes
d’autorisation de bâtir. Nous développerons les missions de ce service dans la troisième partie.

• Loi du 27 janvier 1931


Dahir relatif à l’établissement des Plans d'aménagement pour les centres et les banlieues des villes.
Cette loi renforce le dahir de 1914 en créant la notion du « périmètre urbain ». Elle a pu soumettre
les constructions isolées et les groupes d’habitations construits aux environs des villes.

• Dahir du 14 juin 1933


Dahir relatif aux lotissements, a permis de couvrir les villes nouvelles par des règlements urbains
modernes, ainsi que la maitrise de l’expansion urbaine, en imposant une autorisation administrative
à la construction des lotissements.

Il nous semble intéressant de nous pencher sur ce mode opératoire pour trois raisons principales.
Tout d’abord, le lotissement constitue un outil d’« urbanisme négocié » à la convergence entre la
reconnaissance du pouvoir individuel de construire son cadre de vie et la nécessité d’une
organisation stratégique et collective des espaces communs. Travailler sur le lotissement permet
donc d’intégrer les attentes de la demande sociale sans renoncer à l’idée du collectif. Par ailleurs le
lotissement induit une certaine épaisseur du dialogue public/privé via la procédure de délivrance de
l’autorisation de lotir suivie de celle de la délivrance des autorisations de construire. Contrairement
à d’autres modes opératoires de la fabrique ordinaire de la ville, tels que la production en diffus, la
régulation publique a donc potentiellement prise sur lui. Le lotissement permet enfin d’articuler les
initiatives privées de construction autour de l’aménagement de l’espace public. Ceci nous semble
être un atout majeur quand on connaît la valeur structurante de l’espace public dans les tissus
urbains et de manière plus générale dans la vie sociale urbaine. Le lotissement conduit en effet à
aménager, en amont de la construction du bâti, la trame viaire et de la trame des espaces ouverts et
donc aussi des espaces d’usage public ou collectif.

Le dahir du 14 Juin 1933 ne soumettait aux règles qu’il édictait que les lotissements de terrains
destinés à l'édification de maison d’habitation. Il laissait ainsi en dehors de son champ d’application
les lotissements de caractère industriel ou commercial, qu'il est cependant nécessaire de soumettre
au contrôle de l'administration, si l'on veut éviter le développement désordonné de quartiers où
travaille une partie importante de la population et qui contribuent à constituer la physionomie de la
cité.

• Dahir du 30 juillet 1952


Dahir relatif à l'urbanisme. Il vient compléter le dahir de 1914 par de nouvelles dispositions afin
d’élargir son périmètre d’action pour comprendre : les zones périphériques, les groupements
d’urbanisme, les banlieues, les centres délimités. Il vise également à consolider le rôle du plan
d’aménagement comme seul moyen de fabrication et régulation des villes.

• Dahir du 30 septembre 1953


Dahir relatif aux lotissements et aux morcellements. Ce dahir est promulgué pour remédier contre
les opérations de lotissement dévoratrices des domaines agricoles, et de réguler la spéculation
accrue propagée auprès des promoteurs. Ce dahir a pu donc définir précisément le morcellement et
le lotissement et a imposé les articles de leur réglementation à respecter.

74
3. La régulation de l’expression architecturale et urbaine : Rôle des services coloniaux du
contrôle de l’urbanisme et de l’architecture

La vision de Lyautey fut de placer un système administratif qui cède la place à l’initiative des
fonctionnaires. Il était fier d'être responsable de la «lutte quotidienne contre les formalismes
administratifs, contre les routines arrogantes, contre les laideurs des "Modèles
types" »24 qu’il considère inconciliables avec l’environnement colonial. Il a réussi à produire un
cadre réglementaire, tout en gardant une certaine souplesse dans l’interprétation de la loi. Ici,
l'Administration n’est pas contre les compromis, en fait ils sont encouragés, mais doivent
absolument être contrôlés afin de donner une impulsion au développement fragile de la ville.

C'est un cadre bien établi, qui laisse une grande marge de manœuvre pour le contrôle. Louis-Hubert
Lyautey n’a cessé de souligner l’importance du travail des urbanistes chargés du contrôle qui jouent
un rôle primordial dans l'établissement d’une législation sans précédent. Il stipule que « le service
des Plans de Villes donne […] les garanties nécessaires au point de vue de l’alignement, arcades,
servitudes de hauteur ou de retrait, mais c’est tout, et même dans ce cadre, on peut nous sortir des
horreurs» 25. Raison pour laquelle l’Administration Centrale a créé plusieurs services : Le service
des Plans de Villes et le service de l'Urbanisme, le service Spécial d'Architecture et le service des
Beaux-Arts et Monuments historiques qui avaient pour but, de contrôler et de façonner l'esthétique
et le paysage de la ville nouvelle.

3.1 Le service des Plans de Villes

La confection des villes nouvelles a été une affaire dans laquelle le Résident Général Lyautey s'est
impliqué personnellement. Il fait appel tout d’abord à Jean Claude-Nicolas Forestier (1861-1930),
un paysagiste qui a fait une carrière de 26 ans dans le service des Promenades et des Plantations de
la ville de Paris entant que conservateur. Il a été appelé au Maroc pour élaborer une étude sur les
réserves pour des jardins publics et des promenades pittoresques26.

Par la suite, Le résident convoque Henri Prost afin d'instaurer un service des plans de villes
particulièrement chargé d'élaborer les plans de villes et de garantir leurs applications. En mai 1914,
Prost arrive à Casablanca et commence son travail sur l'élaboration des plans de villes nouvelles
projetées par Lyautey. Il reste au Royaume pendant quelques années où il devient chef du service
des Plans de Villes et chef du Service Spécial D'architecture.
Ce service comprend une équipe pluridisciplinaire composée d’architectes-urbanistes, de
dessinateurs, de géomètres, travaillant sans cesse sur la fabrication des villes coloniales.

3.2 Réforme du contrôle de l’aménagement et création du service de l’urbanisme et de


l’architecture

Pour affronter les problèmes urbains qui s’imposent continuellement surtout sur les bidonvilles qui
s’installent dans les zones industrialisées du territoire et se répondent rapidement, les pouvoirs
publics face à ça, élaborent un conseil de l’urbanisme27 qui va marquer le début de ce changement.
24
Louis-Hubert Lyautey, « Préface », dans Royer Jean, Urbanisme aux colonies et dans les pays tropicaux,
Communications et rapports du Congrès international de l’urbanisme aux colonies et dans les pays de latitude
intertropicale, 2 Vol., Delayance éd., La Charité sur Loire, 1932, p. 7.
25
Propos de Lyautey cités notamment dans Léandre Vaillat, Le périple marocain, Flammarion, Paris, 1934, pp. 62-63.
26
Jean-Claude Nicolas Forestier, « Rapport des réserves à constituer au-dedans et aux abords des villes capitales du
Maroc. Remarques sur les jardins arabes et l’utilité qu’il y aurait à en conserver les principaux caractères », 1913, dans
Bénédicte Leclerc, Salvador Tarragò i Cid, Grandes villes et système de parcs, France, Maroc, Argentine, Norma éd.,
Paris, 1997, p. 162.
27
« Arrêté résidentiel du 8 octobre 1945 portant création d’un conseil supérieur de l’Urbanisme », B.O., n° 1723, 2
novembre 1945 pp. 763-764.
75
Malheureusement, ce conseil, n’a pas pu gérer tous ces problèmes. Ce qui pousse le pouvoir public
à revoir le service des municipalités afin de l’adapter aux situations nouvelles.

Le protectorat invite l’architecte Ecochard en 1946 qui prend le contrôle de ce service. Il a fait les
études de l’aménagement urbain, le contrôle des municipalités et garde le contrôle des réalisations.
Le but n’est pas de construire des villes selon le modèle européen, mais d’apporter des solutions
aux problèmes urbains dus à la croissance démographique et l’industrialisation accrue.
Le service de l’urbanisme et de l’architecture a pu donc élaborer un cadre réglementaire adapté pour
gérer les problèmes urbains de la ville.

3.3 Service des Beaux-Arts, genèse et attributions

Peu après l’établissent du protectorat français au Maroc, le résident général Lyautey décide de créer
un service assurant la préservation des monuments historiques marocains et garant d’une qualité
esthétique urbaine. Ce service était lié directement au cabinet du maréchal Lyautey afin d’assurer
son entière opérationnalité, et sera détaché du cabinet quelques années plus tard. Il a pris le nom du
service des Beaux-Arts et des monuments historiques.

Il a opéré dans la régulation de l’expression architecturale et urbaine et a pris une place importante
dans la fabrication du paysage architectural des villes nouvelles. Le dahir du 1er avril 1924 stipule
ses attributions, imposant entre autres, l’examen et l’approbation par ce service de tous les plans des
projets publics, le respect des hauteurs, les détails des portiques… .

Conclusion

Le modèle de la ville coloniale au Maroc a pu avoir un rayonnement à l’échelle mondiale pour la


planification des villes modernes grâce à l’abondance des outils techniques, juridiques et
réglementaires qui organisent le domaine de l’architecture et de l’urbanisme, ainsi que l’ensemble
d'institutions qui assurent la régulation de la production des plans des villes nouvelles et le contrôle
de l'urbanisation et de la mise en œuvre des projets.
C’est ainsi que la nouvelle ville marocaine a été une opportunité pour les architectes et urbanistes
d'appliquer les principes scientifiques, les procédures et les techniques empiriques qu'ils
considéraient comme modernes et innovantes, faisant porter à la ville coloniale marocaine une
symbolique importante dans l’histoire de l’urbanisme.
Cette ville coloniale, en tant que berceau d’expérimentations architecturales et urbanistiques, et au
gré de l’évolution du cadre juridique et règlementaire, a pu proposer une diversité des formes
basculant d’une expression contextualiste (arabisances) à celle universaliste et progressiste. La
volonté forte du colonisateur de créer rapidement des villes nouvelles a fait que la ville a subi des
tentatives d’assimilation et de standardisation des valeurs de création et de production urbaine.

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