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DUALITE ENTRE LEGS COLONIAL ET NOYAU HISTORIQUE :

L’ARABISANCE EN QUESTION ?.
Autre vision sur la stratégie de réinterprétation.
Cas : la ville de kenadsa au sud ouest algérien.

Auteurs :

BARKANI Abdelaziz* LAIREDJ Ahmed *


*Architecte Chercheur, Magistère en architecture *Architecte Chercheur, Magistère en architecture
Département d’architecture, Université de Béchar- Département d’architecture, Université de
Algérie- B.P.470, 08000 Bechar. Béchar-Algérie- B.P.470, 08000 Bechar.
Email : abdelaziz.archi@yahoo.fr Email : haidalairedj@hotmail.com
Mobile : +213-07-75-58-75-43 Mobile : +213-06-64-20-08-89

Résumé:

Les villes du Maghreb ont connu des périodes coloniales symbolisant un nouveau système
politique tout en les dirigeant et en les contrôlant. L’administration coloniale a joué un rôle
important dans l’organisation de l’espace qui est caractérisée par plusieurs faits. Différentes
stratégies adoptées par les colons se résument en deux visages : « le style de vainqueur » et « le
style de protecteur » (François Béguin, 1983). L’espace introduit par les colons a produit deux tissus
où se déploient le noyau historique (ksar ou médina) par sa morphologie compacte et introvertie, et
un système viaire labyrinthe et hiérarchisé, d’une part et d’autre part la ville coloniale avec ses tracés
en damiers réguliers, éclatés et extravertis, et l’apparition du concept de place. Néanmoins, on
constate une forte réminiscence du style néo-mauresque « arabisance » dans les édifices coloniaux
dont il puisait ses référents dans le vocabulaire architecturel local. Le style adopté dans ces édifices
(écoles, hôpitaux, villas…) a une forme d’adaptation et de réinterprétation de l’architecture locale
dans la stylisation des formes et l’utilisation des éléments architectoniques. Cette arabisance a été
courte dans le temps et marquée le paysage urbain des villes du Maghreb. Mais il faut bien souligner
que les signes de l’arabisance se limitaient uniquement à une simple reproduction de quelques
éléments spécifiques de l’architecture locale (arcs, coupoles, minarets...) contrairement au langage
architectural vernaculaire.
Cette dualité où se jouent les expériences acquise des colons sera présentée succinctement
pour le cas du Maghreb (Algérie, Maroc et Tunisie), et plus explicitement pour le cas spécifique de
kenadsa (sud ouest algérien). Au siècle dernier seulement, son ksar devait être encore une véritable
cité saharienne, elle est considérée parmi les plus importantes cites anciennes de la région sud-ouest
par sa dimension culturelle, religieuse spirituelle, et aussi par sa valeur architecturale. Taoufik
Souami (2003) a noté que cette ville constituait un cas particulier parmi l’ensemble des
agglomérations sahariennes. Dés les années 1940, elle bénéficia d’un traitement spécifique en tant
que centre d’exploitation et un plan d’urbanisme et d’aménagement lui fut dessiné en 1941. En face
du noyau historique, une cité européenne caractérisée par son plan en damier, constituée de

1
plusieurs îlots réguliers, et des constructions inspirées du vocabulaire architectural du ksar exprimées
par un autre langage. En effet, des habitations dotées de jardins, cheminées et fenêtres, sont
extraverties, à l'inverse de celles du ksar qui sont introverties…etc. (plus de détails développés dans
le contenu de l’article).
Enfin, Le propos de cet article est de s’interroger sur la logique de la production spatiale et le
style « arabisance » (neomauresque) adopté dans les édifices coloniaux. Cette lecture critique
permet de porter une autre logique de la réinterprétation de notre patrimoine locale, basée sur des
concepts abstraits plutôt que sur des archétypes formels. La situation constatée dans les travaux dits
d’interprétation n’échappe pas du risque de dévalorisation du patrimoine bâti où « la question des
archétypes d’architecture se pose comme élément à copier, le risque de ce "mimétisme" par des
archétypes éculés usés et abusés, contribue à vider le patrimoine de sa substance, de sa profondeur
historique, de sa richesse sémantique et de ses atouts fonctionnels. » (S.Mazouz, 2009).

Mots clés : Legs colonial, Noyau historique, Arabisance, néo-mauresque, identité culturelle,
Archétype formelle, concepts abstraits, réinterprétation.

2
1. L’empreinte des colons au Maghreb

1.1 L’administration coloniale et les principes de production spatiale

L’administration coloniale a joué un rôle important dans l’organisation de l’espace. Le


commandant Godard voulait imposer « à toutes les oasis l’obligation d’avoir un plan
d’aménagement et d’extension quelque soit le chiffre de leur population »1.

Denis GRANDET(1992) a souligné que pour mieux comprendre les logiques de projets
et l’urbanisme colonial au Maghreb, il importe de situer les actions urbaines dans un
mouvement plus large, celui de l’hygiénisme. Un mouvement qui se développa, reposant
essentiellement sur des médecins. En effet, des préoccupations liées à l’hygiène publique
apparurent au XVIIIème siècle et se développèrent au XIXème siècle dans la plupart des grandes
villes européennes.2 « …En insistant sur le fait que la problématique de l’urbanisme colonial
ne nous parait pas formalisable, sans en référer à l’émergence et au triomphe du mouvement
hygiéniste, et de ce que, pour aller vite, nous appelons ses héritiers : le fonctionnalisme, le
Corbusier et la Charte d’Athènes 3». Cette réalité a jeté ses ombres sur les interventions
urbaines coloniales au Maghreb.

Au début, quelques actions urbaines furent inhérentes à la mise en contact de villes


traditionnelles déjà existantes avec celles des villes européennes projetées (comme le cas de la
Tunisie). Le cas de la ville d’Alger, qui fut la première porte d’entrée coloniale au
Maghreb, « ait fourni l’expérience à ne pas reproduire car à « l’hygiénisme » triomphant
succède un urbanisme qui conserva les médinas dans ses projets. Ce fut le cas des médinas
marocaines, tunisiennes et, dans une moindre mesure, certaines médinas algériennes
(Constantine, Tlemcen,…). Cependant les problèmes posés par la juxtaposition des villes
traditionnels et européennes n’étaient pas négligeables. 4». Avec le discours de l’hygiénisme
plus répandu, ces adjonctions aboutirent progressivement à la séparation éloignée des deux
villes : traditionnel/européenne. Lyautey déclare qu’ « Il faut toujours, et vite, finir par sortir
de la ville indigène et créer de nouveaux quartiers. Mais il est alors trop tard : le mal est
fait ; la ville indigène est polluée, sabotée ; tout le charme en est parti et l’élite de la
population l’a quittée. L’expérience de trop, les villes Algériennes étaient là pour nous
l’enseigner. Il était donc bien plus simple, puisque l’on devait en sortir, de commerce par se
mettre dehors. »5 Le cas marocain fut marqué par le rôle considérable du Maréchal Lyautey
dans les choix d’un urbanisme basé sur cette stratégie « le principe de séparation », une
théorie représente une politique développée par LYAUTEY en collaboration avec l’urbaniste
PROST, le commandant Godard déclare sur cette nouvelle stratégie celle de séparation dans
le cas du Marco que : « Ce principe cher Lyautey a, sans doute, eu d’excellents résultats
esthétiques au Maroc et en particulier à Rabat qui constitue une des belles réussites urbaines

1
Le commandant Godard, op.cit., p215. Cité par T.Souami.
2
Un mouvement hygiéniste se développe, reposant essentiellement sur des médecins. Ceux-ci multiplient les
constats d’insalubrité. C’est Villerme à Paris et à Lille, Guepin à Nantes, Saint-Ander à Toulouse.
3
D.Grandet, "Architecture et urbanisme islamiques", Alger, OPU, 1992 (réimpression). Cf. chapitre IV
"l’urbanisme colonial au Maghreb", pp.92.
4
Nassima Dris, "La ville mouvementée: espace public, centralité, mémoire urbaine à Alger», page 86
5
Marchéal LYAUTEY, cité dans la page 04 dans la dernier partie« ville nouvelle », du mémoire de l’Epau,

3
françaises», malgré que le commandant n’est pas d’accord avec cette stratégie car a son point
de vue ce principe ne s’impose nullement au Sahara vu le peu d’importance des
agglomérations indigènes et ce n’est que dans des cas très particuliers et uniquement pour la
défense du site qu’il nous parait admissible.6

Le rôle du Maréchal Lyautey débuta en 1912 avec une véritable politique


d’administration d’aménagement et d’urbanisme sur la base de trois règles fondamentales :
1. séparer les médinas des « villes européennes »,
2. protéger le patrimoine architectural (non seulement des monuments mais des ensembles
bâtis en entier).
3. Adopter un urbanisme moderne pour les villes européennes.7

1.2 L’arabisance « style néo mauresque » au Maghreb


Au point du vue architecturale, le style mauresque resurgit au début du XXème siècle. Très
rapidement, les villes du Maghreb se transforment et offrent une nouvelle image urbaine grâce
aux nouveaux monuments, dont le style si particulier se définit comme néo-mauresque.
En Algérie et à partir du 1830, N. K. Driouèche nous informe que Les premières
extensions de la ville (Alger) caractérisées par le refus de cette architecture vernaculaire, ont
défini un style dit colonial dont les bâtiments publics se caractérisent par un éclectisme de
style historique : le néo-classique, néo-grec,… etc. si le style néoclassique s’y développe
jusque dans les années 1930, une critique a été commencé sur cette architecture très
occidentale qui semble ignoré la culture locale « indigène ».
Quelques années plus tard, une prise de conscience de la perte de l’héritage historique
légué par une population autochtone, véhiculant des traditions culturelles et sociales, conduit,
à partir de 1903, le gouverneur Charles Célestin Jonnart à imposer le style néo‑mauresque
aux constructions publiques. « En, 1905, Jonnart déclare que l’architecture néo-mauresque
d’inspiration locale serait style d’Etat, censé réconcilier le passé et le présent, l’Occident et
l’Orient, et allier tradition et modernité. »8.
Selon N.Driouèche « l’objectif de ce style architectural nouveau dans les colonies
maghrébines était la reprise des éléments de l’architecture locale et régionale arabo-islamique
imprégnée d’influences ottomanes, andalouses et même orientales, afin de réaliser un
rapprochement d’ordre culturel et religieux avec les Algériens. »9 . Cette nouvelle politique
culturelle française pour objectif de redonner à la ville une identité plus locale et de réhabiliter
la culture indigène par une valorisation de patrimoine.10

6
Le commandant Godard, op.cit
7
Denis Grandet, op.cit, page 88.
8
AL. DOMINIQUE,Dominique Auzias,Jean-Paul Labourdette, « Le Petit Futé Alger », 2009-2010, page 59.
9
N. K. Driouèche, « Les coupoles d’Alger, éléments d’émergences dans le paysage urbain de la médina
maghrébine entre hier et aujourd’hui », page 156, « Réinterpréter et valoriser les héritages culturels dans
l’urbanisme et l’architecture » seconde partie
10
I.E.D.M.

4
Figure : La grande poste d’Alger 1910 figure : l’arabisance dans les édifices du Tunisie.
2. Le cas de Kénadsa

À travers son histoire, la ville de Kenadsa est passée par différents contextes politiques,
sociaux et économiques qui ont eu un impact direct sur la production spatiale. En effet, sur le
plan morphologique, la ville de Kénadsa se présente selon trois (03) formes urbaines mais
identifiables par leurs organisations, structures et architectures propres. Cette stratification
horizontale des trois entités urbaines est l’expression d’une évolution historique où chacune
illustre une période historique déterminée, il y’avait :
 Le Ksar, production dite traditionnelle, représente le noyau ancien et centre historique.
C’est un tissu morphologique, supportant les éléments morphologiques originels,
organisé par un système de rues et ruelles sinueuses, il surplombe la palmeraie.
 La cité européenne (la ville coloniale), (ou ville du début du 20e siècle) correspond à
la période coloniale. L’espace produit obéissait à une autre logique que celle du
traditionnel. En trame orthogonale, la ville coloniale est loin du Ksar, avec un
urbanisme supportant les édifices de représentation du nouveau pouvoir avec une
architecture particulier.
 Partie nouvelle, résultat des différents plans d’aménagement des périodes poste
indépendance et contemporaine, sous forme de cités logements standards et
équipements.

2.1 Ksar de Kénadsa, un important ksar dans le sud-ouest algérien

Le ksar de Kenadsa fait partie de l’ensemble


des ksour algériens. Au siècle dernier seulement, ce
ksar devait être encore une véritable cité saharienne,
elle est considérée parmi les plus importantes cités
anciennes de la région sud-ouest par sa dimension
culturelle, religieuse spirituelle, et aussi par sa valeur
architecturale.
Photo: une partie du ksar Kenadsa
(Photographie J. Geiser, alger)

5
Elle jouait un rôle charnière et de carrefour entre l'Afrique du Nord et celle
subsaharienne. Une notice d’archives, classée parmi un lot de documents établis avant mars
1893, décrit Kenadsa en ces termes : “Le Ksar de Kenadsa, un des plus importants”11. Le
ksar est le centre de la zaouïa ziania qui rayonnait sur tout un territoire, sur cette institution
socio culturelle, Gehard Rohlfs (1862) dans "voyage et exploration au Sahara" nous le dit
« kenadsa avec environ 5000 habitants, possède une zaouïa célèbre dans la région », et
notamment Emile F. Gautier (1905) dans "Rapport sur une mission géologique et
géographique dans la région de Figuig" ajoute encore plus « Sur ces nomades la fameuse
zaouia de Kenadsa exerce un ascendant religieux, il serait exagéré d’appeler une autorité.
Elle a un aspect d’ancienne prospérité ; elle s’annonce de loin par un gracieux minaret bâti
en briques, (…), c’est l’architecture de Tlemcen, de Fez et de Marrakech qu’elle rappelle » 12.
En 1904, Isabelle Eberhardt dans son livre "Ecrit sur le sable" decrit kenadsa en des mots
« Kenadsa monte devant nous, grand ksar en toub de teinte foncée et chaude, précédé, vers la
gauche, de baux jardins très verts ».

Le ksar de Kenadsa avec ses spécificités historiques et ses richesses architecturales,


urbanistiques renferme une charge symbolique. Vu les monuments historiques et religieux
qu’il contient (l’ancienne mosquée, le tombeau de Sidi Abderrahmane, celui de Lala Oum
Kelthoum, mosquée du cheikh ben Bouziane, les Dwiryas ,…) mais aussi le caractère
commun et l’agencements urbain qui dégage son authenticité, urbanité, que le ksar devient un
héritage, un bien commun, et fut classé « monument historique » et patrimoine national à
préserver.

2.2 La ville de Kenadsa durant la période coloniale

En fait, cette période a été caractérisée par plusieurs faits dont le processus de
l’installation française s’est fait par étapes successive : elle comprend trois (03) phases qui
sont comprises et s’étalent de 1887 à 1942. Une première en 1887 a été caractérisée par la
construction d’un fort militaire, la deuxième phase créa la ville par une théorie de séparation
à l’existant. Enfin, une troisième phase a été surtout caractérisée par la densification de la ville
nouvelle et l’apparition des quartiers.

2.2.1 L’installation militaire en 1887, une théorie de séparation

Matérialisée par l’implantation d’un fort militaire en dehors du ksar. Il est appelé
« Bel-hadi » contrairement à ce qui se faisant avant dans la plupart des villes algériennes dans
les premières années de l’occupation, les français se sont installés loin du ksar. Cette logique
visait à dissocier deux tissus et deux logiques urbaines morphologiquement incompatibles.
Cette installation symbolise un nouveau système politique qui allait gérer et contrôler la
région.

11
AOM 16H65, cité par MOUSSAOUI Abderrahmane, "Espace et sacré au Sahara. Ksour et oasis du sud-
ouest algérien", Paris, CNRS Éditions, 2002, 291 p. (coll. « CNRS Anthropologie.», page 234.
12
Emile F. Gautier, "Rapport sur une mission géologique et géographique dans la région de Figuig". In:
Annales de Géographie. 1905, t. 14, n°74. pp. 144-166. Page : 161.

6
2.2.2 L’installation de la houillère en 1910

Après la découverte de charbon en 190813, ce


n’est que plus tard, en 1917 que la minerai
commença à être exploité.

Photo: Ancien photo représente la Houillère


pendant la production. Source : Sud Ouest oranais

La découverte et l’exploitation de la mine de charbon suscité à une dynamique


nouvelle bouleversée l’ordre existant entraina ainsi de nombreuses modifications dans
l’organisation de l’espace et de la société. Cette situation est souligné par Sanaa MEFITEH
dans ce passage « De ville saharienne à l’atmosphère religieuse, Kenadsa passa en quelques
années à l’état de cite minière cosmopolite. En effet, bien que les premiers mineurs vinssent
du ksar, cette nouvelle forme de ressource entraina la venue de populations du Maroc, de la
Kabylie et de l’Europe et la naissance de nouveaux quartiers. »14

Dans son livre « Aménageurs de villes et territoires d'habitants: un siècle dans le sud
algérien », Taoufik Souami (2003) soulignait que « La ville de kenadsa constituait un cas
particulier parmi l’ensemble des agglomérations sahariennes. Dés les années 1940, elle
bénéficia d’un traitement spécifique comme centre d’exploitation de ce qui constituait alors le
principal et le seul gisement de minerais dans le sud. Son plan d’urbanisme et d’aménagement
fut dessiné en 1941. »15. Le complexe comportant un ensemble d’éléments de raffinements
(lavoir), de stockage et de chargement), et représente une des unités de production des H.S.O
ayant pour siège administratif Bechar Djedid, ainsi que l’hébergement des ouvriers.

2.3 La cité européenne 1939

2.3.1 Dualité entre legs colonial et noyau historique

Le ksar de kenadsa représente l’un des principaux repères urbains de la ville. Bien que
le ksar occupe un espace modeste par rapport à l’ensemble de l’agglomération et connaît un
état de dégradation, il continu de représenter un sanctuaire culturel et cultuel par excellence.
Et par des témoignages existences sa richesse architecturale surtout dans la partie de dwiriyat.
Dans une citation de Amina Zine16 « Il y a le ksar qui fait toujours face au centre nouveau, ou
dit moderne, et qui est déserté de plus en plus, mais dont la qualité architecturale et
urbanistique est telle qu’il arrive à garder sa qualité de centre historique de référence :
le cas de kenadsa est éloquent. En effet, ce ksar, et notamment « l’ensemble résidentiel du

13
Une équipe de recherche dirigée par le professeur Flamand démontre l’existence de la houillère dans la
région.
14
Sanaa MEFITEH, "Architecture vernaculaire et techniques traditionnelles de construction comme éléments
de compréhension sociale : exemple de la ville de kenadsa dans le sud ouest algérien. » Revue, N.O.I.R,
Nouvel Orgon Inaliénable et Réflexif, N°1, Edition d’une nuit sans lune, 2008, Paris, page335-336.
15
Taoufik Souami, "Aménageurs de villes et territoires d'habitants: un siècle dans le sud algérien"
l’Harmattan, Décembre 2003, page 350.
16
Architecte et urbaniste.

7
cheikh » formé de petits palais précieux face au dépouillement saharien ambiant, reste le
centre malgré son état dégradé et d’abandon. »17

2.3.2 Quelle est la part de Kénadsa ?

Face à cette stratégie de séparation, dans le sud ouest, le cas de la ville de Kenadsa
représente le premier exemple de cette séparation planifiée (T.SOUAMI, 2003). La ville de
kenadsa constituait un cas particulier parmi l’ensemble des agglomérations sahariennes, son
plan d’urbanisme et d’aménagement fut dessiné en 194118. Le plan se représente comme suit :
« .., la ville industrielle de kenadsa fut bâtie à une distance importante du ksar. Les
concepteurs du projet imaginèrent un « ksar el djedid » (un nouveau ksar) en contrebas de
l’originel toujours à une distance respectable) et le destinèrent à une partie des habitants
musulmans. »19 comme illustre le figure (17). La ville ancienne (le ksar) est devenue l’espace
historique tandis que la ville nouvelle se transforme centre ville, le plan mettait à distance le
ksar et isolait l’habitat ksourien. En effet, Robert Tinthoin (1948) a encore bien décrit l’image
de cette situation dans ce passage, « En dehors du vieux ksar resserré et du poste militaire
Bel Hadi, Kénadsa étale, depuis 1920, les sièges de ses mines et ses deux cités européenne et
indigène, aux rues rectilignes avec villas, logements collectifs, village kabyle, camp de
travailleurs. La cité ouvrière a été réalisée depuis 1940. Ces agglomérations possèdent
centrales électriques, laverie, voies ferrées, piscines, cinéma en plein air, terrain de sports,
sous un climat pénible caractérisé par des écarte de température atteignant 50 degrés. »20

L’étude que consacre Taoufik Souami (2003) à l’urbanisation du Sud-ouest du Sahara


algérien, montre que la théorie de séparation ne se limite pas uniquement dans le cadre
architectural et urbain, il explique que « la condamnation de la séparation spatiale ne
discutait pas des formes architecturales et urbaines uniquement, elle posait plus
fondamentalement la question de la zone d’intervention institutionnelle. » 21 une vision de
séparation entre une "zones institutionnelles" à l’écart d’une "zones autoproduites", cette
stratégie est appliquée dans les plans d’urbanismes pour délimiter une zone propre à l’action
institutionnelle, ou le rejet de l’autoproduction, « En revanche, l’intension de mieux
circonscrire un espace d’indigène qui paraissait peu maitrisable, était claire. Le plan mettait
à distance cet espace et définissait ainsi un pré carré de l’action institutionnelle : le périmètre
d’extension et d’aménagement urbain. »22 Le commandant Godard soulignait: « Nous
citerons, parmi les réussites, l’exemple des houillères du sud oranais qui ont su faire de
Kenadsa, siège de leur administration, une vaste cité minière où l’on note un souci
d’urbanisme qu’il convient de louer sans réserves »23

17
Amina Zine, "les ksours", page 19 dans le revue :" habitat, tradition et modernité, H.T.M": revue
d’architecture et d’urbanisme, n°02 « l‘espace ksourien où la mémoire en risque de péremption ». ed. arcco,
1994, page 17-21.
18
Taoufik Souami, op.cit, page 350.
19
I.B.I.D, page 351.
20
Robert Tinthoin, "Un centre minier moderne à la limite du Sahara oranais", In: Annales de Géographie.
1948, t. 57, n°305. Page. 92.
21
Taoufik SOUAMI, op.cit, page 349.
22
IBID, page 351.
23
Le commandant Godard, op.cit, p.201.

8
Hamid OUGOUADFEL (1994) allait plus loin, attire l’attention sur une autre façon
de séparation, qui peut aller jusqu’à la destruction, une séparation d’ordre immatériel par la
construction d’une infirmerie indigène en néo-mauresque
mauresque près du ksar de la zâwiya, et après
un hôpital sur le boulevard principal de la ville nouvelle. Malgré que l’hôpital a besoin de
calme, silence ett d’air pur, mais la réalité est tout autre. Il dit : « A kenadsa, il y’a un ksar et
une zaouïa ; il y a aussi une ville nouvelle de fondation française pendant les années 30-40 30
(.….) A kénadsa, les français ont mis en exploitation une mine de charbon. Cela a pour
conséquence la destruction de la base économique de la zaouïa par l’introduction de rapports
marchands et du salaire. Mais cela ne suffisait pas, il fallait détruire le pouvoir symbolique
charge »24
du cheikh, et cela, c’est la pénicilline qui s’en chargera.

Photo : place de 1er mai, la


daïra actuelle

Photo: L’APC de kenadsa.


(2eme place)

Figure n°17 : Plan


lan d’urbanisme de kenadsa, 1941.
Source : Oullières du Sud Ouest oranais, 1941.
Le plan représente la théorie de séparation Photo : école à kenadsa dans la
dans le plan d’urbanisme du kénadsa. période coloniale.
coloniale

24
OUGOUADFEL. Hamid, « le sacré comme concept pour la formation et la transformation des cités Cas de
Ghardaïa. », page 93-102,
102, revue :" habitat, tradition et modernité, H.T.M": revue d’architecture et
d’urbanisme, n°02 « l‘espace ksourien où la mémoire en risque de péremption ». ed. arcco, 1994 page 95.

9
2.3.3 La ville coloniale et son organisation

Les années 1940, marquées par le déclanchement de la seconde guerre mondiale, une
forte demande en matière de charbon fut ressentie, ce qui attirait davantage la main d’œuvre
nécessaire au fonctionnement de la houillère de Kenadsa, ce qui a poussé ou accéléré le
phénomène, il faut le rappeler c’est la réalisation de villes ouvrières (centre européen) avec
logements pour les ouvriers, « Les premiers logements planifiés dans le sud ont été réalisés à
kenadsa, alors première villes dotée d’un plan d’urbanisme à proprement parler.»25 Pour
Taoufik Souami(2003) d’importants problèmes d’appropriation et de voisinage se posent dans
ce type de logement. Cependant la fondation de la ville ouvrière, lancement de programme
d’habitat associés des équipements et services « Deux cités ouvrières ont été élevées au milieu
de désert a kenadsa et Bechar djedid ; elles sont pourvues d’aménagements modernes, de
centrales électriques, d’écoles, d’hôpitaux, de piscines, de jardins maraichers….etc. »26.

Un nouveau pôle a été crée après le ksar, c’est le moment d’une mutation, d’un ksar à
caractère agricole et de transit à une ville à caractère administratif et industriel. D’un noyau
historique (le ksar) qui se caractérise par une structure de rues et ruelles sinueuses et des
constructions compactes ; à un centre européanisé, introduit une trame de voies assez larges,
répartissant des ilots, un tracé régulier27 alternant l’espace public et l’espace privé, avec une
politique de zoning (zone d’habitation, zone industrielle, zone administrative) comme outil de
planification et de projection, et c’est bien ce qu’on trouve dans la cité industrielle de Tony
Garnier. Le plan de la cité européenne « reprenait les instruments de planifications et
d’aménagement utilisés depuis la fin du XIXe siècle pour les villes industrielles. »28.

L’urbanisme colonial était composé d’une artère principale le long de laquelle étaient
installées des bâtisses d’ordre socio-éducatives, administratif et sanitaires, des maisons
individuelles avec des petits jardins et deux places principales destinées au centre HSO
(Houillères du Sud Oranais, actuelle place du 1er Mai), d’un coté et au centre administratif (la
place de l’APC) de l’autre29. En effet, c’est un axe structurant qui représente un véritable axe
de croissance, a polarisé le développement urbain sur lequel s’implanteront les édifices
publics. La ville européenne installe un nouvel ordre urbain ou les espaces publics organisés
autour de places servant aux parades militaires mais aussi à l’exercice de la sociabilité
coloniale (mairie, cafés, bar,…etc.).

25
Taoufik Souami, op.cit, page 363.
26
Document colonial, « Cahiers de l’information géographique, problème industriels au Sahara, la région de
Colomb Bechar", 1955, page : 31.
27
L’étude de l’atelier de l’EPAU en 1992, signale que le tracé est basé sur une rythmique de 130m, celle-ci
marque des événements importants sur l’axe de croissance.
28
IBID, page 350-351.
29
Sanaa MEFITEH, op.cit, page 334.

10
2.4 L’architecture coloniale et la réinterprétation du vocabulaire architectural du
ksar

Malgré le nouveau mode de perception de l’espace introduit par les colons marqués par
la logique de séparation au niveau urbain et la distinction entre les deux tissus se déploient le
ksar par sa morphologie compacte et introvertie, et un système viaire labyrinthe et hiérarchisé,
d’une part et d’autre part la ville coloniale avec ses tracés réguliers, éclatés et extravertis ; on
constate néanmoins une forte réminiscence du style néo-mauresque (arabisance) dans les
édifices coloniaux en s’inspirant du vocabulaire architectural ksourien. Le style adopté dans
ces édifices est une forme d’adaptation et de réinterprétation de l’architecture traditionnelle
ksourienne par la stylisation des formes et l’utilisation des éléments architectoniques.

L’aspect architectural des édifices publics tels les hôpitaux, les écoles, les APC et aussi
les villas des colons, s’inspire du cachet architectural du ksar marqué par un traitement soigné
des façades, des éléments architecturaux typiques et de l’emploi d’arcatures sous toutes ses
formes, mais il faut bien souligner que cette interprétation est exprimée par un autre langage.
Par exemple dans les villas coloniales ou s’incarnent une architecture de façade, les colons
français ont puisé du vocabulaire traditionnel du ksar par l’intégration des éléments
architectoniques issus des traditions comme les systèmes d’arcatures, mais avec un autre
langage : de l’introversion à l’extraversion. L’introversion de l’habitation ksourienne est
garantie par l’articulation des pièces autour de la cour centrale (west el-dâr), à l’ opposé, les
villas des colons avec une logique d’extravertie, entourée de jardin et avec un simple muret
délimitant la parcelle et sont structurées par des couloirs.

A titre d’exemple, hormis les quelques éléments caractéristiques de l'architecture "


maghrébine " affichés sur les façades, la Grande Poste présente une typologie et une structure
spatiale pouvant convenir parfaitement pour un bâtiment néo-classique ou Art nouveau, styles
en vogue à l'époque.30

30
Samar Kamel, « La Grande Poste d’Alger, Un joyau de l’architecture néo-mauresque », revue vies de
villes, page 68-70

11
Figure : Plan de villa coloniale Figure : Plan d’habitation ksourien.

Figure : La logique de l’organisation spatiale dans l’habitation traditionnelle (la maison à


patio) (A) et celle colonialle (B).

Photos : Patio
atio entouré des arcades dans l’habitation ksarourien
ourien à Kenadsa.
Kenadsa

Photo : école à Kenadsa


enadsa dans la période coloniale.
coloniale Photo : l’APC de Kenadsa.
enadsa.

12
3. Patrimoine entre la revalorisation et le risque de la survalorisation

Le patrimoine bâti comme un produit humain qui devrait ordonner et améliorer nos
relations avec l’environnement, nous poussant à ne pas mettre en péril, dévaloriser ou
survaloriser par des approches volontaristes dans les travaux de sauvegarde d’où
l’interprétation comme illustré dans la figure. Veschambre (V.), Dans son livre « Traces et
mémoires urbaines, enjeux sociaux de la patrimonialisation et de la destruction ». Dans ce
livre deux concepts clés sont apparus : trace/marque. Les traces sont les vestiges et indices
du passé, qui subsistent de façon non intentionnelle. Elles peuvent être l’objet d’une
réactivation contemporaine (patrimonialisation) ou au contraire d’un effacement.

Figure : Processus de valorisation et risque de survalorisation du patrimoine.31

3.1 Les travaux des réinterprétations et la question des archétypes formels se posent

Un autre risque de survalorisation de ce patrimoine bâti, nous le constatons dans les


travaux dits d’interprétation, la question des archétypes d’architecture se pose comme élément
à copier, le risque de ce "mimétisme" par des archétypes éculés usés et abusés, cette
architecture n’est elle pas souvent qualifiée "d’architecture de placage ?" contribue à vider le
patrimoine de sa substance, de sa profondeur historique, de sa richesse sémantique et de ses
atouts fonctionnels et contribue à sa survalorisation. Cela conduit a un processus de
galvaudage systématique du patrimoine.

31
Laudy Maroun DOUMIT, «la valorisation du patrimoine endokarstique libanais », Thèse de Doctorat de
Géographie, Université Saint-Joseph, Faculté des Lettres et des Sciences Humaines, Département de
Géographie, Beyrouth, LIBAN, Décembre 2007, page 29.

13
Les opérations de rénovation urbaine illustrent nettement cette désorientation vis-à-vis
de la production d’un espace original, elles témoignent en particulier de l’incapacité de
proposer une synthèse en harmonie avec une identité renouvelée. Comme si partout
l’imitation appauvrie et la confusion substituent le décor à l’architecture et le pastiche au
modèle enraciné.

De l’Algérie Arkoun (1994) parle de « morceaux ou éléments de tradition juxtaposés ou


insérés dans un espace urbain et qui sont ravagés par des forces destructives situées au niveau
des mentalités collectives, des comportements et des discours »32. Il s’agit en ait d’une
confusion profonde entre symboles, signes et signaux comme éléments fondamentaux pour
exprimer des messages nouveaux à travers des systèmes sémiotiques en transformation.33

Et la question lancinante devient dés lors, comment mettre à jour un système de


représentations renouvelées, capable d’aider les peuples magrébins de renouer avec leur
héritage historique et de l’interpréter à la lumière d’une modernité enrichi et assumé.

Le Prince Karim Aga Khan qui s'est souvent penché sur les conditions de la renaissance
de l'architecture islamique affirme que "Nous ne devons pas copier le passé ni importer des
solutions imaginées pour d'autres problèmes et d'autres cultures.

Ce dont le monde musulman a besoin aujourd'hui c'est davantage de ces architectes


novateurs qui peuvent naviguer entre deux dangers, celui de copier servilement l'architecture
du passé ou d'ignorer notre riche héritage. Il a besoin de ceux qui peuvent intérioriser
profondément la sagesse collective des générations précédentes, le message moral et éternel
avec lequel nous vivons, et qui savent le renforcer dans le langage de demain » (Aga Khan,
1992).

3.2 Les concepts abstraits plutôt que des archétypes formels, une autre vision des
travaux de réinterprétation

S.Mazouz donne l’autre vision du travail de réinterprétation des archétypes historiques


du patrimoine, il à insisté que «…ce n’est pas le stéréotype formel qui est repris mais plutôt le
concept abstrait qui peut, dans un contexte nouveau, prendre une forme nouvelle mais dont le
contenu ou le signifié est évidemment le même (ou sensiblement le même que celui véhiculé
par l’ancien archétype). »34 , c’est un travail basé non pas sur la répétition à satiété
d’archétypes usités, mais sur l’élaboration des concepts abstraites des signifiés et des
contenus véhiculés par les archétypes analysés, « réinterprétation formelle de concepts
informelles », par le biais du contexte comportant une séries des critères objectifs comme les
critères sociaux, psychosociaux, économiques, climatiques,…etc. L'objectif étant d'asseoir
une analyse qui doit se baser sur des notions et des concepts abstraits plutôt que sur des
archétypes formels, à tenter de mieux réinterpréter notre patrimoine bâti.

32
Arkoun, M (1994), "Space for freedom", le monde diplomatique (24/11/1994)
33
Une crise sémiotique qui a marquée l’espace maghrébin et qui a touché un grand nombre de formes bâti depuis
les édifices publics et l’habitat
34
MAZOUZ Said, "Culture et Architecture: Cas de l’Architecture religieuse en pays islamiques, Les
occasions perdues." les cahiers de l’EPAU "Patrimoine", revue semestrielle d'architecture et d’urbanisme,
n° 5/6, octobre 1996". Page 64-72.

14
Selon Suha Ozkan (1992), cette méthode a été mentionnée sous le nom régionalisme
abstrait, il annonce qu’« On peut dire que le Régionalisme abstrait intègre des qualités
existantes à un nouveau projet architectural, au lieu de reproduire concrètement un bâtiment.
Il réinterprète, par exemple, des éléments tels que la masse, le vide, le sens de l'espace,
l'exploitation de la lumière et des proportions, ainsi que des principes structurels, et les
intègre à des bâtiments contemporains au lieu de simplement copier des portes, des fenêtres,
des toits, des décorations ayant existé. » 35. Cette vision évite la banalisation de l’architecture
de placage mais reste toute utile pour concevoir d’autres formes nouvelles dont se véhiculent
évidemment le même contenu et le même signifié.

Dans ce contexte, Said Mazouz (1996) a avancé « A titre d’exemple, dans sa lecture de
l’espace mosquée, Roger Garaudy tout en portant un regard administratif sur la richesse et la
finesse du traitement des éléments architectoniques et des décorations, il va plus loin en
avançant les concepts d’immatérialité, de polycentralité du plan à géométrie articulée non
finie (donc associative et urbaine) etc.… »36. En plus, Roberto Berardi dans sa lecture du plan
de médina montre que des concepts abstraits peuvent être tirés (choisit la Tunis comme
médina type), et c’est le moment où J.Revault publiait « Palais et demeure de la médina de
Tunis » baser sur la méthode descriptive de l’histoire de l’art et qui n’est pas explicative aux
yeux de Berardi.

Pour les nouvelles constructions, la prise en charge des notions et des concepts abstraits
dégagés à travers une étude analytique s’impose comme outil d’un travail de réinterprétation.
Mais il faut bien souligner selon ce qui a été avancé d’ailleurs qu’« il ne s'agira pas là d'un
retour au passé, à travers la reproduction de l’habitat approprié, en fonction d'un mode
d'organisation spatial inspiré du traditionnel mais bien au contraire, c'est de donner une
nouvelle dynamique à la pratique architecturale et urbaine et d'ouvrir de nouvelles
perspectives dans l'aménagement et la conception de l'espace conforme aux exigences de la
vie moderne, tout en essayant de régénérer les éléments de valeur symbolique et par la même,
les formes urbaines et architecturales qui s'adaptent aux conditions climatiques de la
région. ».37

4. Un essai de réflexion

4.1 Une richesse architecturale de l’entité de dwiriyât au sein du Ksar de kenadsa

Ksar de Kénadsa, le noyau historique de la ville possède un patrimoine assez


conséquent. Il fait office d’établissement porteur de signes identitaires et des savoir-faire
traditionnels.

35
Suha Ozkan, "Régionalisme et Mouvement moderne - A la recherche d'une architecture contemporaine en
harmonie avec la culture", Arch. & Comport. / Arch. & Behav., Vol. 8, no. 4, p. 353-366 (1992), page 361.
36
Said Mazouz, op.cit, page71.
37
CHAOUCHE-BENCHERIF Meriama, "La Micro-urbanisation et la ville-oasis; une alternative à l'équilibre
des zones arides pour une ville saharienne durable, cas du Bas-Sahara" mémoire de doctorat en sciences, sous la
direction de Dr. Farhi Abdellah, option urbanisme, département d’architecture et d’urbanisme, université
Mentouri, Constantine, 2007, page 406.

15
Il est constitué de quatre entités, leur agencement dégage un caractère d’ensemble dans
un espace bien limité, donnant ainsi, des ensembles architecturaux qui, par leur style et leur
unité, sont admirés par tous. Néanmoins, une entité parmi les autres entités représente une
valeur et un caractère très élaborés du point de vue pouvoir, social et aussi architectural. Cette
entité a été fondée avec l’avènement de l’arrivée de cheikh M’hammed Ben Bouziane où la
véritable valeur du ksar a été connue. Cette entité d’une grande qualité architecturale, et dont
la valeur symbolique et culturelle est incontestée. C’est alors qu’on trouve deux types
d’habitations, celles des classes dirigeantes et bourgeoisies, avec des demeures à vestige et
une architecture semblable comme celles déjà existantes dans le grand Maghreb, alors qu’il
n'en est pas de même de l'habitat des autres classes moyennes ("pour les artisans, les ruraux
et les juifs). Ceux-ci, se présentent comme ordinaires et se comparent aux demeures dans les
autres ksour. Comme il a été souligné par A.Moussaoui : « Comme si à Kenadsa, la partie
constituée par les somptueuses demeures des mrâbtîn, Darb ad-dwiriyât, représente une sorte
de médina et le ksar une sorte d'arrière pays. »38.

Tout au long de notre visite de l’entité de dwiriyât dans le Ksar de Kénadsa, nous avons
été face à une grande richesse architecturale marquée par la diversité décorative, par le
traitement des portes, les patios, les différents types de colonnes, le système d’arcature et
leurs traitements. ……Plus fort encore, la conception ayant trait à la spécialisation des
espaces où se détache un espace exclusivement consacré aux activités du chef de famille. Cet
espace appelé "jalsa", constitue l’espace de séjour et s’oriente quasi systématiquement vers
la qibla (direction de la Mecque).

Photos: quelques photos représentent la richesse du vocabulaire architecturale au


niveau de ces grandes demeures de l’entité de l’entité de dwiriyât.

38
Abderrahmane Moussaoui, "Espace et sacré au Sahara. Ksour et oasis du sud-ouest algérien", Paris,
CNRS Éditions, 2002, 291 p. (coll. « CNRS Anthropologie.», page26.

16
Cette richesse était une source d’inspiration pour les colons que nous constatons dans la
forte réminiscence du style néo-mauresque adopté dans les édifices coloniaux (l’hôpital, les
écoles, l’APC, les villas) qui puisaient leurs référents du vocabulaire architecturel de ces
demeures. Le style adopté dans ces édifices est une forme d’adaptation et de réinterprétation
de l’architecture traditionnelle ksourienne par la stylisation des formes et l’utilisation des
éléments architectoniques mais avec un autre langage.

Mais la question qui reste a posé sur la façon dans laquelle les colons ont réinterpréter
cette architecture (arabisance !!) ? Et aussi aujourd’hui, les concepteurs qui cherchent à
s’inspirer de ce patrimoine bâti dans ces ouvres contemporaines (architecture de placage !!) ?

4.2 Un essai de travail effectué

Dans le cadre de travail de magistère en architecture, une lecture analytique


architecturale consacrée pour le type d’habitation appelé communément « dwiriyâ ». Elle
consiste à analyser un ensemble de dwiriyât représentant l’échantillon d’étude. Appliquant à
chaque édifice "dwiriyâ", une démarche analytique similaire, de différentes dimensions,
spatiale, fonctionnelle et formelle, nous préciserons que chaque dimension recouvre un
ensemble d’indicateurs mesurables qui seront représentés, en l’occurrence, la dimension
spatiale, quant à la configuration et l’organisation spatiale, la dimension formelle, traitera du
vocabulaire architectural comme les arcatures, les colonnes, le décor,…etc.

L'objectif étant d'asseoir une analyse qui doit se baser sur des notions et des concepts
abstraits plutôt que sur des archétypes formels, à tenter de mieux comprendre le langage
architectural des dwiriyât-s. Dans ces conditions, l’analyse de la configuration spatiale des
dwiriyât-s pour objectif à dégager des notions abstraites à travers une analyse typologie qui
sera fondée sur des critères spatiaux, fonctionnels.

Dans l’étude de la configuration spatiale, nous avons souligné comment elle s’exprime,
avec une telle complexité et une ampleur particulière, tout un mode d’occupation et
d’organisation de l’espace. Ce mode d’occupation de l’espace basé sur des notions
abstraites comme la centralité, l’introversion, la distributivité intérieure, système
d’enclos, l’éloignement, la spécialisation des espaces, la hiérarchie spatiale,
l’associativité des parcelles. …etc.

Pour les nouvelles constructions, la prise en charge des notions et des concepts abstraits
dégagés à travers cette étude analytique s’impose comme outil d’un travail de réinterprétation.

Conclusion :

"Il n'y a pas de dernier mot, que de l'inachevé" Alain Farel (1999).

17
Bibliographie :

1. ARKOUN, M , "Space for freedom", le monde diplomatique, 1994 (24/11/1994)


2. Béguin. D.- Lesage. F. « Arabisances décor architectural et tracé urbain en afrique
du Nord 1830-1950 ». Ed.Dunod, Paris, 1983. 168 pages.
3. CHAOUCHE-BENCHERIF Meriama, "La Micro-urbanisation et la ville-oasis; une
alternative à l'équilibre des zones arides pour une ville saharienne durable, cas du Bas-
Sahara" mémoire de doctorat en sciences, sous la direction de Dr. Farhi Abdellah, option
urbanisme, département d’architecture et d’urbanisme, université Mentouri, Constantine, 2007
4. Document colonial, « Cahiers de l’information géographique, problème industriels au
Sahara, la région de Colomb Bechar", 1955,
5. DRIS Nassima, "La ville mouvementée: espace public, centralité, mémoire urbaine à
Alger",
6. Emile F. Gautier, "Rapport sur une mission géologique et géographique dans la région de
Figuig". In: Annales de Géographie. 1905, t. 14, n°74. pp. 144-166.
7. GRANDET Denis, "Architecture et urbanisme islamiques", Alger, OPU, 1992.
8. Laudy Maroun DOUMIT, «la valorisation du patrimoine endokarstique libanais », Thèse de
Doctorat de Géographie, Université Saint-Joseph, Faculté des Lettres et des Sciences
Humaines, Département de Géographie, Beyrouth, LIBAN, Décembre 2007
9. MAZOUZ Said, "Culture et Architecture: Cas de l’Architecture religieuse en pays
islamiques, Les occasions perdues." les cahiers de l’EPAU "Patrimoine", revue semestrielle
d'architecture et d’urbanisme, n° 5/6, octobre 1996". Page 64-72.
10. MAZOUZ Said "Patrimoine bâti : pour de nouveaux outils et méthodes de lecture"
Séminaire international : « La conservation du patrimoine : didactiques et mise en pratique »,
séminaire international le 4 & 5 novembre 2009 à Constantine.
11. MEFITEH Sanaa, "Architecture vernaculaire et techniques traditionnelles de construction
comme éléments de compréhension sociale : exemple de la ville de kenadsa dans le sud
ouest algérien. » Revue, N.O.I.R, Nouvel Orgon Inaliénable et Réflexif, N°1, Edition d’une
nuit sans lune, 2008, Paris, page335-336.
12. MOUSSAOUI Abderrahmane, "Espace et sacré au Sahara. Ksour et oasis du sud-ouest
algérien", Paris, CNRS Éditions, 2002, 291 p. (coll. « CNRS Anthropologie.»,
13. OZKAN Suha, "Régionalisme et Mouvement moderne - A la recherche d'une architecture
contemporaine en harmonie avec la culture", Arch. & Comport. / Arch. & Behav., Vol. 8,
no. 4, p. 353-366 (1992),
14. OUGOUADFEL. Hamid, « le sacré comme concept pour la formation et la transformation
des cités Cas de Ghardaïa. », page 93-102, revue :" habitat, tradition et modernité, H.T.M":
revue d’architecture et d’urbanisme, n°02 « l‘espace ksourien où la mémoire en risque de
péremption ». ed. arcco, 1994

18
15. Robert Tinthoin, "Un centre minier moderne à la limite du Sahara oranais", In: Annales de
Géographie. 1948, t. 57, n°305.
16. Samar Kamel, « La Grande Poste d’Alger, Un joyau de l’architecture néo-mauresque »,
revue vies de villes, page 68-70.
17. SOUAMI Taoufik, "Aménageurs de villes et territoires d'habitants: un siècle dans le sud
algérien" l’Harmattan, Décembre 2003, page 350.
18. ZINE Amina, "les ksours", le revue :" habitat, tradition et modernité, H.T.M": revue
d’architecture et d’urbanisme, n°02 « l‘espace ksourien où la mémoire en risque de
péremption ». ed. arcco, 1994, page 17-21.

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