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1 CAPACITACIÓN EN IDIOMA FRANCÉS II

2 Texto 1

1 En toutes lettres

2 Florissante Babel : la traduction au cœur des échanges


Article publié le 25/03/2005

3 Le chapitre 11 de La Genèse déroule, à travers le mythe de Babel, le récit de


4 l’éclatement de l’unité originelle du langage dans la diversité des langues. Ce
5 passage, placé sous le signe de la confusion des mots et de la dispersion des
6 hommes, est traditionnellement interprété comme l’expression d’un châtiment,
7 voire d’une malédiction. Cependant, différentes tables rondes de traducteurs
8 nous invitent à inverser cette perspective et à considérer la diversité linguistique
9 en général, et le plurilinguisme européen en particulier, comme un moteur pour
10 résoudre les malentendus interculturels et favoriser la réflexion philosophique
11 aussi bien que politique.

12 Traduttore, Traditore

13 C’est sans doute le domaine littéraire qui semble polariser a priori les plus
14 épineuses difficultés lorsqu’il est question de traduction. La langue y est par
15 nature soumise à un travail qui n’a de cesse d’en explorer l’équivoque en de
16 constants allers et retours entre le fond et la forme, le signifiant et le signifié.
17 Dès lors, il appartient au traducteur d’adapter les particularités du texte source
18 aux possibilités de la langue cible, en veillant à ne pas devenir pour autant ce
19 «traître» dont l’accuse le vieux dicton italien. Les jeux de mots réputés
20 intraduisibles font ainsi l’objet d’un atelier spécifique lors des assises annuelles
21 de l’Association des Traducteurs Littéraires de France (ATLF), les bien
22 nommées ATLAS (Assises de la Traduction Littéraire en Arles).(1)

23 De l’intraduisible…
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24 Toutefois, la question des intraduisibles n’est pas seulement affaire de


25 littérature. Contre l’universalisme logique qui postule que la langue n’est que
26 l’enveloppe accidentelle permettant de véhiculer des concepts indifféremment
27 identiques en tous temps et en tous lieux, Barbara Cassin montre que le
28 discours philosophique est profondément tributaire de la langue qui l’exprime : «
29 Chaque philosophe est le produit et l’acteur de sa langue. Il est inventé par elle
30 tout en l’inventant à son tour. Le philosophe pense en langues. C’est ce pluriel
31 qui est décisif.» (2) Fruit de 10 ans de labeur en collaboration avec 150
32 chercheurs, son Vocabulaire européen des philosophies a été pensé d’emblée
33 comme un dictionnaire des concepts intraduisibles.(3) Précisons que dans cette
34 acception, « intraduisible » ne signifie pas que la traduction en est impossible,
35 mais plutôt qu’elle ne peut pas être tranchée une fois pour toutes de façon
36 satisfaisante : « L’intraduisible, c’est ce qu’on ne cesse pas de (ne pas)
37 traduire. »(4) Pour cette spécialiste de la sophistique, aucun mot ne saurait être
38 isolé de son contexte ; par conséquent, l’intraduisible est le symptôme qui
39 indique que les réseaux sémantiques tissés par les langues ne se recouvrent
40 pas exactement en fonction des époques et des lieux : tout déplacement d’un
41 terme, dans l’espace comme dans le temps, entraîne un glissement de sens.
42 Ce sont donc ces écarts et ces variations de sens, consécutives aux évolutions
43 et aux emprunts, qui se voient décortiqués à travers une quinzaine de langues
44 européennes.

45 …à l’interculturel

46 « Il n’y a pas de concepts sans mots », concluait Barbara Cassin(4), et Édith


47 Sizoo de lui faire écho : « Car les mots ne sont pas que de simples outils
48 travaillant passivement à la communication. Ils « agissent » aussi. Ils clarifient,
49 dissimulent, séduisent, attachent, détachent. Ils nous réunissent par notre
50 compréhension du sens d’un mot, ou, au contraire, nous séparent à cause de
51 ce qu’ils ne disent pas. »(5) Ce que les mots ne disent pas, et qu’il convient
52 donc d’expliciter « pour réduire les malentendus interculturels », c’est
53 l’ensemble des représentations et des pratiques culturelles vers lesquelles ils
54 font signe sans les nommer. L’ouvrage dirigé par Édith Sizoo est né d’une
55 expérience singulière, celle de la traduction du texte fondateur de l’Alliance pour
56 un monde responsable et solidaire —originellement rédigé en français et en
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57 anglais— en une vingtaine de langues, dont la majorité non-occidentales. La


58 confrontation des différents traducteurs a permis de montrer que l’interprétation
59 culturelle de notions telles que « monde », « citoyenneté », ou encore «
60 responsabilité » était loin d’être évidente et homogène.

61 La pluralité des langues, une richesse

62 Faut-il alors cultiver la nostalgie du temps mythique où « toute la terre avait une
63 seule langue et les mêmes mots », et se résoudre à l’ersatz de la domination de
64 l’anglais ? Faut-il plutôt se murer dans le « nationalisme ontologique »(4) en
65 décrétant l’irréductibilité absolue des langues entre elles et la supériorité de
66 certaines par rapport à d’autres ? Ni l’un ni l’autre, répondent ces deux
67 ouvrages collectifs qui rejettent le tout-à-l’égout du « tout à l’anglais »(4) pour lui
68 préférer l’éloge de la pluralité des langues, « dont Humboldt disait qu’elle
69 accroît la richesse du monde. »(6). Cesser de considérer la diversité
70 linguistique comme un problème a priori, pour l’envisager comme un fait qui
71 donne matière à penser, c’est se doter des moyens de reconnaître l’égalité des
72 langues et de comprendre l’intérêt des différences. L’enjeu du plurilinguisme
73 apparaît donc à la fois intellectuel et politique, au sein de l’espace européen
74 tout comme sur le plan international.
Marie Rousse
(1) cf. Natalie LEVISALLES, « Notes des traducteurs », in Libération, 18 novembre 2004, «
Livres » p. XII. (2) Barbara CASSIN, Le nouvel Observateur, 23 septembre 2004. (3)
Vocabulaire européen des philosophies, sous la direction de Barbara CASSIN, éditions Seuil /
Le Robert, Paris, 2004. (4) Entretien avec Barbara CASSIN, paru sous le titre « Philosopher en
langue », réalisé par Marie Gaille-Nikodimov pour Laboratoire italien, politique et société, avril
2003. (5) Édith SIZOO, Ce que les mots ne disent pas : quelques pistes pour réduire les
malentendus interculturels, éditions Charles Léopold Mayer, Paris, 2000, p. 7. (6) Barbara
CASSIN, Libération, 7 octobre 2004, « Livres » p. III.

75 Trabajo práctico nº1- Florissante Babel : la traduction au cœur des échanges

1. Qui est l’auteur du Vocabulaire européen des Philosophes?


2. Pouvez-vous expliquer la phrase qui définit “l’intraduisible”?
3. Quelle est la relation entre la langue et la philosophie?
4. Quelles questions sont posées dans la dernière partie?
Y a-t-il une conclusion?
5. Selon vous, il s’agit de quel type de texte? Justifiez.

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